CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MELCHIOR WATHELET
présentées le 3 septembre 2015 (1)
Affaire C‑388/14
Timac Agro Deutschland GmbH
contre
Finanzamt Sankt Augustin
[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht Köln (Allemagne)]
«Liberté d’établissement – Article 49 TFUE – Déduction du bénéfice d’une société des pertes subies par son établissement établi dans un autre État membre – Législation fiscale d’un État membre prévoyant la réintégration de ces pertes en cas de cession dudit établissement»
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE. Elle porte plus précisément sur la thématique, déjà abordée à plusieurs reprises par la Cour depuis son arrêt Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763), de la déduction par une entreprise établie dans un État membre des pertes d’un établissement stable qu’elle détient dans un autre État membre.
I – Le cadre juridique
A – Le droit de l’Union
2. L’article 49 TFUE garantit la liberté d’établissement des ressortissants des États membres de l’Union européenne. Selon cet article:
«[...] les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.
La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.»
B – Le droit allemand
3. L’article 2 bis, paragraphe 3, première à quatrième phrases, de la loi allemande relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz, ci‑après l’«EStG»), dans la version applicable aux exercices d’imposition 1997 et 1998, prévoit:
«[1.] Si les résultats d’activités industrielles ou commerciales d’un établissement situé dans un État étranger sont exonérés de l’impôt sur le revenu par une convention visant à éviter les doubles impositions, la perte afférente à ces résultats selon les dispositions du droit fiscal national doit être, à la demande du contribuable, portée en déduction dans le calcul du montant global des résultats, dans la mesure où le contribuable pourrait la compenser ou la déduire si les résultats n’étaient pas exonérés de l’impôt sur le revenu et pour autant qu’elle soit supérieure aux résultats positifs d’activités industrielles ou commerciales d’autres établissements situés dans le même État étranger exonérés par cette convention. [2.] Dans la mesure où la perte n’a pas été ainsi compensée, la déduction des pertes est admise si les conditions de l’article 10 quinquies sont remplies. [3.] Si, dans un exercice fiscal ultérieur, les résultats globaux d’activités industrielles ou commerciales des établissements stables situés dans cet État étranger exonérés de l’impôt sur le revenu par la convention sont positifs, la perte déduite au titre des première et deuxième phrases doit être réintégrée dans le montant total des résultats calculés pour cet exercice fiscal. [4.] La troisième phrase n’est pas applicable si le contribuable démontre que les dispositions de l’État étranger qui lui sont applicables ne lui permettent pas de manière générale de prétendre au report de la déduction pour pertes sur un autre exercice que celui dans lequel ces pertes ont été subies.»
4. L’article 52, paragraphe 3, troisième et cinquième phrases, de l’EStG, dans la version applicable en 2005, énonce:
«L’article 2 bis, paragraphe 3, troisième, cinquième et sixième phrases, dans la version publiée le 16 avril 1997 (BGBl. I, p. 821) demeure applicable aux exercices fiscaux 1999 à 2008 dans la mesure où se dégage un résultat positif au sens de l’article 2 bis, paragraphe 3, troisième phrase, ou dans la mesure où un établissement stable sis dans un État étranger au sens de l’article 2 bis, paragraphe 4, dans la version de la cinquième phrase, est transformé en société de capitaux, est cédé ou est fermé. [...] L’article 2 bis, paragraphe 4, est applicable dans la version suivante aux exercices fiscaux 1999 à 2008:
‘4. Si un établissement stable sis dans un État étranger est
1. transformé en société de capitaux ou
2. cédé à titre onéreux ou gratuit ou
3. fermé [...], la perte déduite au titre du paragraphe 3, première et deuxième phrases, sera réintégrée au montant total des résultats dans l’exercice au cours duquel a lieu la transformation, la cession ou la fermeture, en appliquant de manière analogue le paragraphe 3, troisième phrase, dans la mesure où ladite perte n’a pas été réintégrée au titre du paragraphe 3, troisième phrase, ni ne doit encore être réintégrée.’»
C – Les conventions préventives de la double imposition
5. L’article 4, paragraphe 1, de la convention préventive de la double imposition dans le domaine de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ainsi que des taxes professionnelles et de l’impôt foncier, conclue entre la République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche le 4 octobre 1954 (BGBl. 1955 II, p. 749), telle que modifiée par la convention du 8 juillet 1992 (BGBl. 1994 II, p. 122), prévoit:
«[s]i une personne domiciliée dans l’un des États contractants tire des revenus, en tant qu’exploitant ou coexploitant d’une entreprise industrielle ou commerciale dont l’activité s’étend au territoire de l’autre État contractant, le droit d’imposition sur ces revenus ne ressortit à la compétence de cet autre État que dans la mesure où ils sont tirés d’un établissement stable situé sur son territoire.»
6. L’article 7, paragraphe 1, de la convention conclue entre la République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche, visant à éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur le patrimoine, du 24 août 2000 (BGBl. 2000 II, p. 734, ci‑après la «convention germano‑autrichienne»), dispose:
«Les bénéfices d’une entreprise d’un État contractant sont imposables dans ce seul État, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre État contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable.»
7. L’article 23, paragraphe 1, première phrase, de la convention germano‑autrichienne est libellé comme suit:
«L’impôt des personnes résidant en République fédérale d’Allemagne s’établit comme suit:
a) sous réserve du point b) ci‑dessous, sont exclus de l’assiette de l’impôt allemand les revenus provenant de la République d’Autriche et les éléments de patrimoine situés en République d’Autriche qui, en vertu de la présente convention, sont imposables en République d’Autriche» (2).
II – Les faits du litige au principal
8. Timac Agro Deutschland (ci‑après «Timac Agro») est une société de capitaux de droit allemand. Elle appartient à un groupe français. Elle avait, depuis 1997, un établissement stable en Autriche. Le 31 août 2005, l’établissement stable autrichien a été cédé à titre onéreux à une société établie en Autriche, appartenant au même groupe de sociétés que Timac Agro. Le contrat de cession portait en particulier sur les biens mobiliers et immobiliers. La clientèle a été cédée pour un euro car les clients étaient déjà clients de la société sœur acquéreuse.
9. La question du traitement des pertes de cet établissement stable non‑résident s’est alors posée car, entre l’année 1997 et l’année 2005, l’établissement stable autrichien précité avait réalisé des pertes au titre de tous ses exercices, à l’exception des années 2000 et 2005 et ces pertes avaient été déduites en Allemagne par Timac Agro.
10. À la suite d’un contrôle fiscal, les bases imposables de Timac Agro ont été rectifiées au titre des années 1997 à 2004. D’une part, les pertes de l’établissement stable autrichien, initialement déduites des résultats de Timac Agro au titre des années 1997 et 1998, ont été réintégrées à son résultat imposable au titre de l’année 2005. D’autre part, la prise en compte des pertes de ce même établissement stable dans la base imposable de Timac Agro au titre des années 1999 à 2004 a été refusée.
11. Timac Agro, contestant ces rectifications, a introduit un recours devant le Finanzgericht Köln. Au soutien de ce recours, elle fait valoir que tant la réintégration des pertes subies par son établissement stable autrichien au titre des années 1997 et 1998 que l’impossibilité de déduire les pertes de cet établissement au titre des années 1999 à 2004 sont incompatibles avec la liberté d’établissement.
12. S’agissant de la réintégration en cause, la juridiction de renvoi estime que la Cour n’a pas encore résolu la question de la conformité au droit de l’Union d’une réintégration des pertes à la suite de la cession d’un établissement stable non‑résident.
13. Cette juridiction indique que, si les faits à la base de l’arrêt Krankenheim Ruhesitz am Wannsee‑Seniorenheimstatt (C‑157/07, EU:C:2008:588) sont, certes, en partie comparables aux faits de l’affaire au principal, il était toutefois question, dans cet arrêt, de la réintégration des pertes de l’établissement stable non‑résident à concurrence de ses bénéfices. En revanche, dans l’affaire au principal, la réintégration des pertes a été déclenchée en raison de la cession de l’établissement stable non‑résident, sans liaison avec d’éventuels bénéfices de cet établissement.
14. Par conséquent, dans l’hypothèse où la Cour jugerait que les principes de l’arrêt Krankenheim Ruhesitz am Wannsee‑Seniorenheimstatt (C‑157/07, EU:C:2008:588) doivent également s’appliquer en l’espèce, la juridiction de renvoi se demande si les principes relatifs aux pertes définitives énoncés par la Cour aux points 55 et 56 de l’arrêt Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763) (ci‑après l’«exception Marks & Spencer») (3) auraient vocation à s’appliquer aux pertes des exercices 1997 et 1998 qui, étant réintégrées, ne sont plus prises en compte en Allemagne.
15. En ce qui concerne le refus de la prise en compte des pertes de l’établissement stable autrichien pour les exercices 1999 à 2004, la juridiction de renvoi indique que, aux termes des dispositions de la convention germano‑autrichienne, la République d’Autriche avait le pouvoir exclusif d’imposer les revenus de cet établissement stable autrichien. Le régime de cette convention visant à éviter les doubles impositions ne couvre donc pas seulement les bénéfices, mais également les pertes. Le recours de Timac Agro ne pourrait dès lors aboutir que si ladite convention enfreignait la liberté d’établissement.
16. Ladite juridiction se demande aussi si, pour cette période, des pertes définitives au sens de l’exception Marks & Spencer devraient être prises en considération. Elle souligne qu’elle n’est pas parvenue à ce jour à établir les critères permettant de déterminer les situations dans lesquelles l’exception Marks & Spencer est applicable.
17. C’est dans ce cadre que le Finanzgericht Köln a décidé de surseoir à statuer et d’interroger la Cour à titre préjudiciel.
III – La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour
18. Par décision du 19 février 2014, parvenue à la Cour le 14 août 2014, le Finanzgericht Köln a décidé de poser à la Cour, en vertu de l’article 267 TFUE, les questions préjudicielles suivantes:
«1) Faut‑il interpréter l’article 49 TFUE [...] en ce sens qu’il s’oppose à une disposition telle que l’article 52, paragraphe 3, de l’EStG dans la mesure où la réintégration de pertes d’un établissement [non‑résident], qui avaient antérieurement été prises en compte pour diminuer la base imposable [de la société mère résidente], n’est pas dictée par la réalisation de bénéfices mais par la cession de cet établissement à une autre société de capitaux appartenant au même groupe que la cédante?
2) Faut‑il interpréter l’article 49 TFUE [...] en ce sens qu’il s’oppose à une disposition telle que l’article 23, paragraphe 1, sous a), de la [convention germano‑autrichienne], excluant de la base imposable de l’impôt allemand les revenus provenant d’Autriche imposables en Autriche dans le cas où des pertes subies dans un établissement autrichien d’une société de capitaux allemande ne peuvent plus être prises en compte en Autriche au motif que l’établissement a été cédé à une société de capitaux autrichienne appartenant au même groupe que la société de capitaux allemande?»
19. Des observations écrites ont été déposées par le Finanzamt Sankt Augustin, les gouvernements allemand, français, autrichien et du Royaume‑Uni, ainsi que par la Commission européenne.
20. Toutes les parties ayant déposé des observations écrites, sous réserve d’une réponse plus nuancée de la Commission et du Royaume‑Uni qui n’a pas abordé la première question dans ses observations écrites, proposent de répondre aux questions préjudicielles par la négative (4).
21. Ces parties se sont, en outre, toutes exprimées lors de l’audience qui s’est tenue le 1er juillet 2015.
IV – Analyse
A – Sur l’exigence préalable de comparabilité des situations
1. La fiscalité directe et le droit de l’Union
22. Si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ceux‑ci doivent l’exercer dans le respect du droit de l’Union (5), et plus particulièrement des dispositions du traité sur les libertés de circulation, la liberté d’établissement consacrée à l’article 49 TFUE étant au centre de la présente affaire.
23. Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que cette liberté est entravée si, en vertu d’une législation d’un État membre, une société qui réside dans cet État membre et qui détient un établissement stable dans un autre État membre subit une différence de traitement fiscal désavantageuse par rapport à une société résidente détenant un établissement stable dans son État de résidence (6).
24. Dans ce cadre, une disposition qui permet la prise en compte des pertes d’un établissement stable aux fins de la détermination des résultats et du calcul du revenu imposable de la société dont il dépend constitue un avantage fiscal (7). «L’octroi ou le refus d’un tel avantage au titre d’un établissement stable situé dans un État membre autre que celui où ladite société est établie doit, dès lors, être considéré comme un élément susceptible d’affecter la liberté d’établissement» (8).
25. En effet, le refus de cet avantage aux seuls établissements stables situés dans un autre État membre constitue un traitement fiscal désavantageux, puisqu’il est susceptible de dissuader une société située dans un État membre de l’Union d’exercer ses activités par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans un autre État membre. Toutefois, pour que cette différence de traitement constitue une restriction interdite par l’article 49 TFUE, la jurisprudence de la Cour exige que les situations soient objectivement comparables (9).
26. En d’autres termes, sauf à être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (10), une telle différence de traitement n’est compatible avec les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement que si elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables (11).
2. L’exigence de comparabilité objective
a) Les critères
27. Même si l’exigence d’une comparabilité objective des situations purement nationales et transfrontalières pour sanctionner au titre de l’exercice d’une liberté de circulation une différence de traitement fiscal entre non‑résident et résident (dans le cas présent, entre une société établie en Allemagne ayant un établissement stable en Autriche et une autre société établie en Allemagne ayant un établissement stable sur le même territoire) peut davantage faire penser à une discrimination qu’à une simple entrave ou à une simple restriction, cette exigence se retrouve de façon constante dans la jurisprudence de la Cour relative aux relations entre les dispositions du traité sur les grandes libertés de circulation et les fiscalités directes nationales (12).
28. Dans la jurisprudence de la Cour, les situations fiscales des résidents et des non‑résidents sont dans la majorité des cas jugées objectivement comparables (13), la comparaison devant s’apprécier en tenant compte de l’objectif poursuivi par les dispositions fiscales nationales en cause (14).
29. Il convient cependant de veiller à ne pas circonscrire l’analyse au seul objectif de la mesure en cause, au risque d’avoir une vision biaisée de la situation fiscale globale du destinataire de la norme.
30. En effet, si l’on accepte qu’une mesure qui autorise le contribuable à déduire les pertes encourues par ses établissements stables vise, vraisemblablement, à diminuer la base imposable dudit contribuable et que cette mesure est analysée in abstracto, la situation d’une société en relation avec un établissement résident et celle d’une société en relation avec un établissement non‑résident seront toujours comparables. L’une et l’autre souhaitent bénéficier de la déductibilité en vue de diminuer leur base imposable (15).
31. En définitive, comme l’expliquait récemment l’avocat général Jääskinen dans ses conclusions dans les affaires jointes Miljoen e.a. (C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14, EU:C:2015:429), l’élément déterminant pour comparer les situations de contribuables résidents et non‑résidents aux fins de caractériser une éventuelle restriction prohibée à l’égard du traité «est non pas tant l’objectif de la législation en cause [...], mais plutôt le fait qu’une réglementation d’un État membre ne saurait instaurer une différence de traitement qui a pour effet en pratique qu’une charge fiscale plus lourde se trouve au final supportée par les non‑résidents et qui est ainsi de nature à les dissuader de faire usage de ladite liberté» (16).
32. Cette méthodologie impose d’examiner au préalable si l’État membre en cause (en l’occurrence l’État de résidence de la société principale qui postule la déduction des pertes de son établissement stable établi dans un autre État membre) dispose ou non d’un pouvoir de taxation des revenus concernés.
b) Application
33. De façon générale, les cas dans lesquels la Cour a jugé que la non‑comparabilité objective des situations respectives des résidents et des non‑résidents exonérait la différence de traitement fiscal de toute contrariété avec les libertés de circulation sont finalement très rares (17).
34. Par rapport au problème qui nous occupe, c’est‑à‑dire la déduction par une société établie dans un État membre des pertes d’un établissement stable qu’elle détient dans un autre État membre, je résumerais la jurisprudence de la Cour de la façon suivante.
35. La Cour a constaté, de façon constante dans les affaires relatives à cette thématique, l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement après avoir jugé comparables les situations dans lesquelles se trouvaient, d’une part, la société résidente dans un État membre détenant un établissement stable dans un autre État membre et, d’autre part, la société résidente dans un État membre et détenant un établissement stable dans ce même État. Ce constat de comparabilité a pu être opéré de façon expresse (18) ou implicite (19).
36. La Cour a également conclu à la comparabilité des situations dans les cas où un État membre avait décidé de taxer les bénéfices des établissements stables situés dans d’autres États membres. En effet, dans ces hypothèses, l’État membre «a assimilé [lesdits établissements] aux établissements stables résidents» (20).
37. En revanche, les situations respectives des résidents et des non‑résidents ne sont pas comparables à l’égard du système fiscal d’un État membre si cet État membre n’a pas le pouvoir ou n’exerce pas le pouvoir de taxer les non‑résidents.
38. C’est cette même exigence qui explique la présomption exprimée par la Cour dans l’arrêt Nordea Bank Danmark (C‑48/13, EU:C:2014:2087) selon laquelle «les établissements stables situés dans un autre État membre [...] ne se trouvent pas dans une situation comparable aux établissements stables résidents à l’égard des mesures prévues par un État membre afin de prévenir ou d’atténuer la double imposition des bénéfices d’une société résidente» (21).
39. L’idée n’est pas neuve. Ainsi, dans l’arrêt Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (C‑374/04, EU:C:2006:773), la Cour avait déjà jugé que les actionnaires personnes physiques d’une société mère non‑résidente au Royaume‑Uni ne pouvaient pas bénéficier du même crédit d’impôt que les actionnaires personnes physiques d’une société mère résidente au Royaume‑Uni sur les dividendes payés par des filiales résidentes au Royaume‑Uni lorsque, sur ces dividendes sortants, aucun impôt britannique n’était levé. La Cour avait précisé dans son arrêt qu’il en irait différemment si, en vertu d’une convention préventive de la double imposition ou sur la base d’une décision unilatérale, le Royaume‑Uni avait conservé le droit d’imposer les dividendes sortants à l’impôt britannique sur le revenu.
40. Au vu de ces considérations, la Cour a jugé que les articles 49 TFUE et 63 TFUE «ne s’opposent pas à ce qu’un État membre, lors d’une distribution de dividendes par une société résidente dudit État, accorde aux sociétés bénéficiaires desdits dividendes qui résident également dans cet État un crédit d’impôt correspondant à la fraction de l’impôt acquittée par la société distributrice sur les bénéfices distribués, mais n’en accorde pas aux sociétés bénéficiaires qui résident dans un autre État membre et qui ne sont pas assujetties à l’impôt dans ce premier État au titre de ces dividendes» (22).
41. En conclusion, ce n’est dès lors que si la différence de traitement concerne des situations comparables que l’on pourra conclure à l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement, laquelle ne pourra alors être déclarée compatible avec le traité que si elle est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.
B – Application à la présente affaire
1. Nécessité de distinguer deux périodes d’application de la législation allemande en cause
42. Avant l’exercice d’imposition 1999, il était possible de déduire de l’ensemble des revenus d’une entreprise établie en Allemagne les pertes subies par un établissement stable situé dans un autre État membre. Ces pertes étaient, en principe, réintégrées dans deux hypothèses: soit lorsque l’établissement stable établi à l’étranger réalisait des bénéfices (et, dans ce cas, à concurrence desdits bénéfices), soit en cas de transformation, de cession ou de fermeture dudit établissement stable. Toutefois, à partir de l’exercice d’imposition 1999, l’article 52, paragraphe 3, de l’EStG a eu pour conséquence d’abroger l’article 2 bis, paragraphe 3, première phrase, de l’EStG et de rendre impossible la déduction de ces pertes.
43. Cette modification législative explique les deux questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi, chaque question se rapportant à une législation différente.
2. Sur la première question préjudicielle
44. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 49 TFUE s’oppose à une disposition telle que l’article 52, paragraphe 3, de l’EStG qui prévoit la réintégration de pertes d’un établissement non‑résident, antérieurement prises en compte pour diminuer la base imposable de la société principale résidente, en raison non de la réalisation de bénéfices, mais de la cession de cet établissement à une autre société de capitaux appartenant au même groupe que la cédante et également non‑résidente.
45. Comme la juridiction de renvoi l’a elle‑même précisé, ce n’est pas la première fois que la Cour est interrogée sur ce régime fiscal.
a) L’existence d’une restriction
46. En effet, dans l’arrêt Krankenheim Ruhesitz am Wannsee‑Seniorenheimstatt (C‑157/07, EU:C:2008:588), la Cour a vu dans ce régime une restriction à la liberté d’établissement mais a jugé que la réintégration des pertes – dans ce cas, à l’occasion de la survenance de bénéfices dans le chef de l’établissement stable établi à l’étranger qui était à l’origine desdites pertes et non pas de la cession de cet établissement – était justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal allemand (23). La mesure a, en outre, été jugée appropriée pour atteindre cet objectif et proportionnée à celui‑ci (24).
47. Avant de conclure à l’existence d’une restriction, la Cour a implicitement admis la comparabilité des situations en constatant que, en admettant la déduction par la société principale des pertes réalisées par son établissement stable situé en Autriche, la République fédérale d’Allemagne avait «consenti un avantage fiscal à la société résidente dont dépendait l’établissement stable sis en Autriche, de la même manière que si cet établissement avait été sis en Allemagne» (25).
48. La Cour a ensuite jugé que, en procédant à la réintégration des pertes de l’établissement stable sis en Autriche dans l’assiette imposable de la société dont il dépendait, le régime fiscal allemand avait retiré le bénéfice de cet avantage fiscal et «ainsi soumis les sociétés résidentes possédant des établissements stables en Autriche à un traitement fiscal moins favorable que celui dont ont bénéficié les sociétés résidentes possédant des établissements stables sis en Allemagne» (26).
49. Cette conclusion imposait d’examiner les éventuelles raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier la restriction à la liberté d’établissement (27).
b) L’existence d’une justification
50. En premier lieu, la Cour a considéré, dans l’arrêt Krankenheim Ruhesitz am Wannsee‑Seniorenheimstatt (C‑157/07, EU:C:2008:588), que la réintégration des pertes à l’occasion de la survenance de bénéfices dans le chef de l’établissement stable établi à l’étranger qui était à l’origine desdites pertes était justifiée par la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal allemand (28). Il s’agissait, en outre, d’une mesure appropriée pour atteindre ledit objectif et proportionnée à celui‑ci (29).
51. En effet, selon la Cour, «la réintégration des pertes prévues par le régime fiscal allemand en cause au principal ne saurait être dissociée de la prise en compte antérieure de celles‑ci. Cette réintégration, dans le cas d’une société possédant un établissement stable sis dans un autre État, au regard duquel l’État de résidence de cette société ne dispose d’aucun pouvoir d’imposition, reflète [...] une logique symétrique. Il existait donc un lien direct, personnel et matériel entre les deux éléments du mécanisme fiscal en cause au principal, ladite réintégration constituant le complément logique de la déduction accordée précédemment» (30).
52. Force est de constater que la même logique symétrique prévaut à l’occasion de la cession de l’établissement stable sis à l’étranger.
53. La Cour elle‑même, dans l’arrêt Krankenheim Ruhesitz am Wannsee‑Seniorenheimstatt (C‑157/07, EU:C:2008:588), avait d’ailleurs déjà observé que «[l]’appréciation selon laquelle la restriction qui découle dudit régime fiscal est justifiée par la nécessité de garantir la cohérence de celui‑ci ne saurait non plus être remise en cause par le fait [...] que la société dont dépend l’établissement stable concerné a cédé ce dernier et que les bénéfices et les pertes réalisés par ledit établissement stable tout au long de son existence se soldent par un résultat négatif» (31). En effet, «la réintégration du montant des pertes de l’établissement stable dans les résultats de la société dont il dépend est le complément indissociable et logique de leur prise en compte opérée précédemment» (32).
54. En deuxième lieu, si la réunion de plusieurs justifications n’est pas requise pour conclure qu’une restriction à la liberté d’établissement n’est pas incompatible avec le traité (33), j’estime que l’objectif de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition qui, comme la Cour l’a répété dans l’arrêt Nordea Bank Danmark (C‑48/13, EU:C:2014:2087), «vise à sauvegarder la symétrie entre le droit d’imposition des bénéfices et la faculté de déduction des pertes» (34), peut également être invoqué pour justifier la réintégration des pertes prévues par la législation allemande en cas de cession de l’établissement stable (35).
55. En effet, si un État membre (la République fédérale d’Allemagne dans la présente affaire) «était privé de la faculté de réintégrer dans le bénéfice imposable de la société cédante [allemande] les pertes ainsi déduites alors qu’il a perdu le pouvoir d’imposer d’éventuels bénéfices futurs, un tel montage éroderait artificiellement sa base d’imposition et, partant, affecterait la répartition du pouvoir d’imposition issue de la convention [germano‑autrichienne]» (36).
56. Comme la Cour l’explique dans l’arrêt Nordea Bank Danmark (C‑48/13, EU:C:2014:2087), «la nécessité de sauvegarder cette symétrie requiert que les pertes déduites au titre d’un établissement stable puissent être compensées par l’imposition des bénéfices de cet établissement dégagés sous l’empire de la compétence fiscale de l’État membre considéré, à savoir tant ceux réalisés pendant toute la période pendant laquelle ledit établissement dépendait de la société résidente que ceux réalisés au moment de la cession du même établissement» (37).
57. En l’espèce, contrairement à ce qui prévalait dans la législation danoise ayant donné lieu à l’arrêt Nordea Bank Danmark (C‑48/13, EU:C:2014:2087), les éventuels bénéfices qui seraient réalisés à l’occasion de la cession d’un établissement stable établi en Autriche ne sont pas imposables en Allemagne. Il est donc logique de réintégrer à l’occasion de cette cession les pertes précédemment prises en compte.
58. De plus, la Cour a également considéré que l’objectif de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres pouvait être compromis par l’existence, dans le chef des contribuables, d’une «faculté d’opter pour la prise en compte de leurs pertes dans l’État membre de leur établissement ou dans un autre État membre [...], l’assiette d’imposition se trouvant augmentée dans le premier État et diminuée dans le second, à concurrence des pertes transférées» (38). Or, j’estime qu’il en est de même lorsqu’un contribuable, face à une possibilité de réintégrer des bénéfices de son établissement stable non‑résident à concurrence des pertes précédemment déduites, est tout à fait libre de décider du montant du prix de la cession de cet établissement et, ainsi, de priver un État membre d’exercer son pouvoir de réintégrer les bénéfices ultérieurs de cet établissement dans ses revenus imposables.
59. Enfin, j’ajoute, en troisième lieu, une référence à l’objectif de prévention de l’évasion fiscale, lié, comme la Cour l’a relevé, à l’objectif de répartition équilibrée du pouvoir d’imposition (39).
60. «En effet, des comportements consistant à créer des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dans le but d’éluder l’impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national sont de nature à compromettre le droit des États membres d’exercer leur compétence fiscale en relation avec ces activités et à porter atteinte à une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres» (40).
61. Combinée à la difficulté de déterminer la valeur des transferts intragroupes eu égard au principe de pleine concurrence qui doit prévaloir dans ces circonstances, la cession, au sein du même groupe, d’un établissement stable établi à l’étranger après en avoir déduit les pertes pourrait correspondre à la situation décrite ci‑dessus.
62. Une législation comme celle en cause au principal me paraît, par conséquent, justifiée au regard de la cohérence du système fiscal pertinent, cette raison impérieuse d’intérêt général étant, le cas échéant, couplée avec celles visant une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition et la prévention de l’évasion fiscale.
c) La proportionnalité et l’inapplicabilité de l’exception Marks & Spencer
63. Il reste à examiner le caractère proportionné de la réglementation en cause.
64. Lorsqu’un État membre ne dispose d’aucune possibilité de taxer les éventuels bénéfices qui seraient réalisés à l’occasion de la cession de l’établissement stable non‑résident à l’origine des pertes, une législation nationale comme celle en cause au principal me paraît non seulement apte à atteindre les objectifs qu’elle poursuit, mais également proportionnée à ceux‑ci.
65. Il est exact que, dans l’arrêt Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763), la Cour a jugé que la mesure restrictive en cause était disproportionnée. Dans cet arrêt, la Cour a estimé qu’il y avait une atteinte à la liberté d’établissement lorsqu’une filiale non‑résidente avait épuisé les possibilités de prise en compte des pertes prévues dans son État de résidence et qu’il n’y avait, en outre, aucun moyen de les faire prendre en considération à l’avenir (41). Dans ce cas exceptionnel, la société mère résidente doit se voir garantir la faculté de déduire les pertes d’une telle filiale non‑résidente des revenus taxés dans son propre État de résidence.
66. La juridiction de renvoi a manifesté son malaise vis‑à‑vis de cette exception à la justification d’une restriction à la liberté d’établissement imposée de façon constante par la Cour depuis l’arrêt Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763). Les récentes prises de position adoptées par certains avocats généraux à cet égard (42), le nombre de contributions doctrinales consacrées au problème (43), de même que les observations écrites déposées par les différents États membres et la Commission dans la présente affaire confirment la difficulté d’application de cette exception. Toutefois, la Cour a récemment confirmé son applicabilité de façon explicite (44).
67. En tout état de cause, force est de constater que l’intervention de la République d’Autriche a permis de lever tout doute sur l’existence éventuelle de pertes définitives. Les pertes en cause dans l’affaire au principal ne sont pas définitives (45) et il n’est donc pas nécessaire d’examiner plus avant la possibilité d’appliquer ou non ladite exception.
68. En outre, sous réserve de la compétence du juge national sur ce point, rien dans le dossier transmis à la Cour ne fait état d’une preuve contraire apportée par le contribuable.
3. Sur la seconde question préjudicielle
69. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si l’article 49 TFUE s’oppose à une disposition telle que l’article 23, paragraphe 1, sous a), de la convention germano‑autrichienne qui exclut de la base imposable de l’impôt allemand les revenus provenant d’Autriche et imposables en Autriche dans le cas où des pertes subies dans un établissement autrichien d’une société de capitaux allemande ne peuvent plus être prises en compte en Autriche au motif que l’établissement a été cédé à une société de capitaux autrichienne appartenant au même groupe que la société de capitaux allemande.
70. Je rejoins le gouvernement français lorsqu’il estime, dans ses observations écrites comme à l’audience du 1er juillet 2015, que cette question repose sur la prémisse erronée que les pertes subies par l’établissement autrichien de la société requérante au principal ne peuvent plus être prises en compte en Autriche au motif que cet établissement a été cédé à une société de capitaux autrichienne.
71. En effet, il ressort incontestablement des informations données par le gouvernement autrichien, dans le cadre de ses observations écrites, que les pertes en cause dans l’affaire au principal n’étaient pas définitives.
72. Dans ces circonstances, la seconde question peut être comprise comme visant à savoir si l’article 49 TFUE s’oppose au régime fiscal d’un État membre, tel celui en cause dans l’affaire au principal, qui, en vertu d’une convention préventive de la double imposition qui exonère d’imposition les revenus des établissements stables sis dans l’autre État membre partie à la convention, s’oppose à la prise en compte des pertes de ces mêmes établissements.
a) À titre principal: non‑comparabilité objective des situations et inexistence d’une restriction
73. Conformément aux articles 7, paragraphe 1, et 23, paragraphe 1, de la convention germano‑autrichienne et à la différence de la situation qui prévalait pour les exercices fiscaux antérieurs à l’année 1999, la République fédérale d’Allemagne a, par modification législative, renoncé au pouvoir fiscal antérieurement exercé sur les pertes relatives aux «résultats d’activités industrielles ou commerciales d’un établissement situé dans un État étranger [qui] sont exonérés de l’impôt sur le revenu par une convention visant à éviter les doubles impositions» (46).
74. Par conséquent, puisqu’il ne peut y avoir d’avantage fiscal s’il n’y a pas de pouvoir de taxation (47), la situation d’une société telle que Timac Agro ne me paraît pas comparable à celle d’une société établie en Allemagne et possédant un établissement stable dans ce même État membre.
75. Par ailleurs, compte tenu de la répartition des pouvoirs de taxation prévue par la convention germano‑autrichienne, je ne perçois pas les modalités qui pourraient être envisagées par la République fédérale d’Allemagne pour garantir l’objectif de la déductibilité des pertes qui est, selon le gouvernement allemand, d’accorder temporairement un avantage de trésorerie. Sans prise sur la taxation des éventuels bénéfices ultérieurs de l’établissement à l’origine des pertes lorsque celui‑ci est établi sur le territoire autrichien, les situations ne sont pas comparables.
76. À défaut de situations objectivement comparables, une législation telle que celle en cause ne constitue pas une restriction à la liberté d’établissement (48).
b) À titre subsidiaire: existence d’une justification
77. Toutefois, dans l’hypothèse où la Cour conclurait à la comparabilité des situations et à l’existence d’une restriction, je considère que celle‑ci serait justifiée.
78. En effet, la Cour a déjà été appelée à se pencher sur un mécanisme d’exclusion général des pertes dans l’arrêt Lidl Belgium (C‑414/06, EU:C:2008:278). Dans cette affaire, la juridiction de renvoi cherchait à savoir si l’article 49 TFUE s’opposait à un régime fiscal national qui exclut la possibilité, pour une société résidente, lors de la détermination de ses résultats et du calcul de son revenu imposable, de faire valoir des pertes subies dans un autre État membre, par un établissement stable lui appartenant, alors que ledit régime fiscal accorde une telle possibilité pour des pertes subies par un établissement stable résident.
79. Or, dans cet arrêt, la Cour a considéré que les raisons impérieuses d’intérêt général relatives à la nécessité, d’une part, de préserver la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres concernés et, d’autre part, de prévenir le risque d’une double prise en compte des pertes étaient fondées (49).
80. La Cour a également estimé que ce type de régime fiscal était propre à garantir la réalisation des objectifs précités (50) et proportionné (51), la société en cause n’ayant pas démontré que sa filiale non‑résidente avait épuisé les possibilités de prise en compte des pertes subies dans l’État membre où elle est située au titre de l’exercice fiscal concerné ainsi que des exercices fiscaux antérieurs et où il n’existe pas de possibilités pour que les pertes de ladite filiale puissent être prises en compte dans ledit État au titre d’exercices futurs (52).
81. La Cour en a conclu que «l’article [49 TFUE] ne s’oppose pas à ce qu’une société établie dans un État membre ne puisse pas déduire de son assiette imposable les pertes afférentes à un établissement stable lui appartenant et situé dans un autre État membre, dans la mesure où, en vertu d’une convention préventive de la double imposition, les revenus de cet établissement sont imposés dans ce dernier État membre dans lequel lesdites pertes peuvent être prises en compte dans le cadre de l’imposition du revenu de cet établissement stable au titre d’exercices futurs» (53).
82. Force est de constater que l’ensemble des éléments ayant conduit à cette conclusion se retrouvent dans le régime en cause au principal et que la réponse de la Cour devrait être identique.
V – Conclusion
83. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Finanzgericht Köln de la manière suivante:
«1) L’article 49 TFUE ne s’oppose pas à un régime fiscal national qui, après avoir admis la prise en compte des pertes subies par un établissement stable sis dans un autre État membre que celui dans lequel est établie la société dont cet établissement dépend, prévoit, aux fins du calcul de l’impôt sur le revenu de cette société, la réintégration fiscale desdites pertes en raison de la cession de cet établissement à une autre société de capitaux appartenant au même groupe que la cédante.
2) L’article 49 TFUE ne s’oppose pas à un régime fiscal national qui ne permet pas à une société résidente de déduire de son assiette imposable les pertes afférentes à un établissement stable lui appartenant et situé dans un autre État membre, lorsque, en vertu d’une convention préventive de la double imposition, les revenus de cet établissement stable sont exonérés dans le premier État membre et imposés dans l’autre.»