Language of document : ECLI:EU:C:2014:76

Affaire C‑466/12

Nils Svensson e.a.

contre

Retriever Sverige AB

(demande de décision préjudicielle,
introduite par le Svea hovrätt)

«Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Droit d’auteur et droits voisins – Directive 2001/29/CE – Société de l’information – Harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins – Article 3, paragraphe 1 – Communication au public – Notion – Liens Internet (‘liens cliquables’) donnant accès à des œuvres protégées»

Sommaire – Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 13 février 2014

1.        Rapprochement des législations – Droit d’auteur et droits voisins – Directive 2001/29 – Harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information – Communication au public – Notion – Mise à la disposition du public, sur un site Internet, de liens cliquables vers des œuvres librement disponibles sur un autre site Internet – Exclusion

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2001/29, art. 3, § 1)

2.        Rapprochement des législations – Droit d’auteur et droits voisins – Directive 2001/29 – Harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information – Communication au public – Notion – Possibilité, pour les États membres, de protéger plus amplement les titulaires d’un droit d’auteur en incluant dans la notion de communication au public davantage d’opérations que celles visées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 – Exclusion

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2001/29, art. 3, § 1)

3.        Accords internationaux – Accords des États membres – Accords antérieurs à l’adhésion à l’Union d’un État membre – Accord laissant la faculté à l’État membre de prendre une mesure contraire au droit de l’Union – Obligation de l’État membre de s’abstenir de prendre une telle mesure

(Art. 351 TFUE)

1.        L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens que ne constitue pas un acte de communication au public, tel que visé à cette disposition, la fourniture sur un site Internet de liens cliquables vers des œuvres librement disponibles sur un autre site Internet.

À cet égard, la notion de communication au public associe deux éléments cumulatifs, à savoir un «acte de communication» d’une œuvre et la communication de cette dernière à un «public».

Le fait de fournir, sur un site Internet, des liens cliquables vers des œuvres protégées publiées sans aucune restriction d’accès sur un autre site, offre aux utilisateurs du premier site un accès direct auxdites œuvres et doit être qualifié de «mise à disposition» et, par conséquent, d’«acte de communication», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29. Un tel acte de communication vise l’ensemble des utilisateurs potentiels du site Internet, soit un nombre indéterminé et assez important de destinataires.

Cela étant, pour relever de la notion de «communication au public», au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, encore faut-il qu’une telle communication visant les mêmes œuvres que la communication initiale et ayant été effectuée sur Internet à l’instar de la communication initiale, donc selon le même mode technique, soit adressée à un public nouveau, c’est-à-dire à un public n’ayant pas été pris en compte par les titulaires du droit d’auteur, lorsqu’ils ont autorisé la communication initiale au public. Or, la mise à disposition des œuvres concernées au moyen d’un lien cliquable ne conduit pas à communiquer les œuvres en question à un public nouveau.

Dans ces conditions, lorsque l’ensemble des utilisateurs d’un autre site auxquels les œuvres en cause ont été communiquées au moyen d’un lien cliquable pouvaient directement accéder à ces œuvres sur le site sur lequel celles-ci ont été communiquées initialement, sans intervention du gérant de cet autre site, les utilisateurs du site géré par ce dernier doivent être considérés comme des destinataires potentiels de la communication initiale et donc comme faisant partie du public pris en compte par les titulaires du droit d’auteur lorsque ces derniers ont autorisé la communication initiale.

Dès lors, faute de public nouveau, l’autorisation des titulaires du droit d’auteur ne s’impose pas à une telle communication au public.

(cf. points 16, 18, 20, 22, 24, 25, 27, 28, 32, disp. 1)

2.        L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre puisse protéger plus amplement les titulaires d’un droit d’auteur en prévoyant que la notion de communication au public comprend davantage d’opérations que celles visées à cette disposition.

En effet, il découle, notamment, des considérants 1, 6, et 7 de la directive 2001/29 que cette dernière a notamment pour objectifs de remédier aux disparités législatives et à l’insécurité juridique qui entourent la protection des droits d’auteur. Or, admettre qu’un État membre puisse protéger plus amplement les titulaires d’un droit d’auteur en prévoyant que la notion de communication au public comprend également des opérations autres que celles visées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 aurait pour effet de créer des disparités législatives et donc, pour les tiers, de l’insécurité juridique. En conséquence, l’objectif poursuivi par la directive 2001/29 serait inévitablement compromis si la notion de communication au public pouvait être entendue par différents États membres comme comprenant davantage d’opérations que celles visées à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.

En outre, il doit être constaté que, si les États membres devaient se voir reconnaître la faculté de prévoir que la notion de communication au public comprend davantage d’opérations que celles visées à l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive, il en résulterait nécessairement une atteinte au fonctionnement du marché intérieur.

(cf. points 34-36, 41, disp. 2)

3.        Voir le texte de la décision.

(cf. point 39)