Language of document : ECLI:EU:T:2016:708

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

6 décembre 2016 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative TUUM – Marque nationale figurative antérieure THUN – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑635/15,

Tuum Srl, établie à San Giustino (Italie), représentée par Me B. Saguatti, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Thun SpA, établie à Bolzano (Italie), représentée par Mes L. Sergi et G. Muscas, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 3 septembre 2015 (affaire R 2624/2014-1), relative à une procédure d’opposition entre Thun et Tuum,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, D. Spielmann et P. G. Xuereb, juges,

greffier : Mme A. Lamote, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 novembre 2015,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 2 février 2016,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 20 janvier 2016,

vu la question écrite du Tribunal aux parties et leurs réponses orales lors de l’audience,

à la suite de l’audience du 15 septembre 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 juin 2013, la requérante, Tuum Srl, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 14 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 143/2013, du 31 juillet 2013.

5        Le 31 octobre 2013, l’intervenante, Thun SpA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque nationale figurative antérieure enregistrée en Italie le 1er juillet 2009 sous le numéro 1204573, constituée par le signe figuratif suivant :


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7        La marque antérieure désigne des produits relevant, notamment, de la classe 14 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques » .

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        Par décision du 29 août 2014, la division d’opposition a fait droit à l’opposition dans son intégralité, en concluant qu’il existait un risque de confusion en l’espèce.

10      Le 13 octobre 2014, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 3 septembre 2015 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours au motif qu’il existait un risque de confusion en l’espèce. À cette fin, elle a considéré ce qui suit :

–        le public pertinent se situait en Italie et était composé tant de spécialistes que du grand public, dont le niveau d’attention variait entre moyen et élevé, selon le prix des produits concernés ;

–        les produits visés par les marques en conflit étaient en substance identiques ;

–        les signes étaient globalement similaires, en raison de leurs similitudes visuelle et phonétique, alors qu’aucun lien conceptuel ne pouvait être établi entre ceux-ci, au vu de leur absence de signification découlant, en ce qui concerne la marque demandée, du manque de preuves du fait que le public pertinent, ou une partie importante de celui-ci, reconnaisse dans l’élément « tuum » un mot latin.

 Conclusions des parties

12      À la suite des précisions fournies lors de l’audience, en réponse à des questions orales du Tribunal, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter définitivement et intégralement l’opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée pour les produits concernés de la classe 14 ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux de la procédure devant la chambre de recours.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        déclarer irrecevable la demande de la requérante tendant au rejet de l’opposition ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

16      Avant d’examiner ce moyen, il convient de se prononcer sur la recevabilité de l’étude de marché que la requérante a annexée à la requête et qui est contestée par les autres parties.

 Sur l’étude de marché annexée à la requête

17      En annexe à la requête, la requérante a produit une étude de marché réalisée en 2012, qui est censée démontrer que le public pertinent ne confond pas les marques en conflit et que celles-ci ont coexisté paisiblement sur le marché.

18      Ainsi que le font remarquer à juste titre l’EUIPO et l’intervenante, cette étude, qui a été présentée par la requérante pour la première fois dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, ne peut pas être prise en considération et doit être rejetée comme irrecevable. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter le document susvisé sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa force probante [voir, par analogie, arrêt du 14 avril 2016, Henkell & Co. Sektkellerei/EUIPO – Ciacci Piccolomini d’Aragona di Bianchini (PICCOLOMINI), T‑20/15, EU:T:2016:218, point 53 et jurisprudence citée].

19      Partant, il ne peut pas être tenu compte de l’étude de marché en question aux fins de la présente procédure.

 Sur le moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

20      Dans le cadre de son moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis des erreurs lors de l’appréciation de la similitude tant des produits que des signes, qui ont affecté sa conclusion selon laquelle il existe en l’espèce un risque de confusion.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

22      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

23      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

24      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

25      Au point 14 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, la marque antérieure étant enregistrée en Italie, le public pertinent se situait dans cet État membre. Au vu du fait que les produits concernés par les marques en conflit s’adressaient tant à des spécialistes de la bijouterie qu’au grand public et qu’ils avaient des prix variables, elle a ajouté que le niveau d’attention du public pertinent était moyen pour les produits au prix plus réduit alors qu’il était élevé pour les produits les plus coûteux.

26      Il y a lieu de confirmer ces constatations, qui ne sont d’ailleurs pas véritablement contestées par les parties. En effet, si la requérante fait valoir que le public pertinent est plus attentif lorsqu’il s’agit d’acheter des bijoux d’un prix assez élevé, force est de constater que la définition fournie par la chambre de recours tient compte de cette circonstance.

 Sur la comparaison des produits

27      Aux points 15 à 18 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les produits visés par la marque demandée étaient en substance identiques à ceux désignés par la marque antérieure, dès lors que leurs libellés respectifs coïncidaient, avec la seule exception de la « joaillerie », qui figurait seulement dans la liste concernant la marque demandée, mais était très similaire, voire identique, à la « bijouterie », couverte par la marque antérieure.

28      La requérante ne remet pas en cause ces constats, bien qu’elle soutienne que, en réalité, la marque antérieure vise des produits très spécifiques, moins précieux que les siens et différents de ces derniers, qui s’adresseraient à un autre public, par d’autres canaux de distribution.

29      L’EUIPO et l’intervenante rétorquent que la chambre de recours s’est fondée à bon droit sur les produits pour lesquels la marque antérieure avait été enregistrée. L’intervenante ajoute que, en tout état de cause, les arguments de la requérante ayant trait aux différences entre les produits concernés sont erronés.

30      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la comparaison des produits exigée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 doit porter sur le libellé des produits désignés par la marque antérieure et non sur les produits pour lesquels cette marque est effectivement utilisée, à moins que ladite marque soit déjà soumise à l’obligation de l’usage, conformément à l’article 42, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, et que, à la suite d’une requête de preuve de l’usage sérieux de ladite marque, cette preuve ne soit rapportée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée [voir arrêt du 12 décembre 2014, Selo Medical/OHMI – biosyn Arzneimittel (SELOGYN), T‑173/13, non publié, EU:T:2014:1071, point 19 et jurisprudence citée].

31      En l’espèce, aucune demande de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure ne pouvait être introduite, puisque cette dernière bénéficiait du délai de grâce de cinq ans à compter de son enregistrement prévu par le dernier membre de la première phrase de l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, applicable aux marques nationales antérieures en vertu du paragraphe 3 dudit article.

32      La requérante admet cette circonstance, mais soutient qu’il faudrait néanmoins tenir compte du fait que les produits protégés par la marque antérieure et ceux désignés par la marque demandée ne coïncident pas et s’adressent à des publics différents.

33      Or, un tel argument ne saurait être suivi, dès lors qu’il remet en cause le choix du législateur selon lequel une marque enregistrée depuis moins de cinq ans au moment du dépôt d’une demande de marque de l’Union européenne protège tous les produits et les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée, indépendamment de l’usage qui en a concrètement été fait.

34      Par ailleurs, il convient de noter que l’argument de la requérante selon lequel elle ne vend que des produits précieux est dépourvu de toute pertinence, dès lors qu’elle n’a aucunement limité sa demande de marque de l’Union européenne à de tels produits. Ainsi, dans l’hypothèse où elle obtiendrait l’enregistrement de la marque demandée, elle serait en droit de l’utiliser pour n’importe quel type de produits visés par cette demande, y compris des produits similaires, voire identiques, à ceux de l’intervenante.

35      À la lumière de ces considérations, il y a lieu de confirmer la constatation de la chambre de recours selon laquelle les produits visés par les marques en conflit sont en substance identiques.

 Sur la comparaison des signes

36      La chambre de recours a considéré que les signes étaient globalement similaires, en raison de leurs similitudes visuelle et phonétique, alors que la similitude conceptuelle était neutre.

37      La requérante fait valoir que la chambre de recours aurait dû comparer les signes en conflit, dans un premier temps, de manière unitaire et synthétique et, seulement dans un second temps, de manière analytique, en tenant compte des similitudes et différences spécifiques. Elle ajoute que les appréciations de la chambre de recours ayant trait aux trois similitudes susmentionnées sont erronées.

38      L’EUIPO et l’intervenante répondent que la chambre de recours a examiné les signes en conflit dans leur ensemble. L’intervenante précise que la nécessité de procéder à une telle appréciation d’ensemble n’exclut pas l’examen analytique des éléments composant chaque signe, et ce des points de vue visuel, phonétique et conceptuel.

–       Observations liminaires

39      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

40      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

41      La requérante est ainsi fondée à soutenir que la similitude des signes doit être appréciée de manière globale. Cependant, comme le fait remarquer à juste titre l’intervenante, cette appréciation d’ensemble peut être précédée par un examen analytique des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, afin notamment d’en détecter les éventuels éléments distinctifs et dominants.

42      Ainsi, le premier argument de la requérante n’est pas susceptible de démontrer que la chambre de recours a procédé de manière erronée.

–       Sur la comparaison visuelle

43      Aux points 21 et 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les signes en conflit présentaient une certaine similitude visuelle au motif qu’ils étaient tous les deux composés d’un élément verbal comportant quatre lettres majuscules, dont la première et la troisième coïncidaient, insérées à l’intérieur d’un élément figuratif ayant une forme géométrique simple, circulaire s’agissant de la marque demandée et carrée s’agissant de la marque antérieure. Les différences découlant des deuxième et quatrième lettres de chaque élément verbal, des positions de ces éléments au sein des éléments figuratifs et de la présence d’une ligne noire horizontale soulignant l’élément verbal uniquement dans la marque antérieure n’ont pas été considérées suffisantes pour exclure l’existence de cette similitude.

44      La requérante fait observer que les éléments figuratifs des signes en conflit sont différents et non négligeables, que les caractères utilisés pour les éléments verbaux sont différents et que ces derniers éléments se distinguent dans leurs deuxième et quatrième lettres. Dès lors, ces signes, qui sont brefs, ne pourraient pas être confondus sur le plan visuel.

45      L’EUIPO et l’intervenante répondent que la chambre de recours était fondée à considérer que les signes en conflit, en dépit de certaines différences qu’elle a mentionnées, étaient similaires, en raison de leur structure de base, constituée de quatre lettres, dans une police de caractères similaire, qui coïncident partiellement et qui figurent à l’intérieur de formes géométriques simples.

46      Premièrement, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêt du 7 février 2013, AMC-Representações Têxteis/OHMI – MIP Metro (METRO KIDS COMPANY), T‑50/12, non publié, EU:T:2013:68, point 29 et jurisprudence citée]. Tel est le cas en l’espèce, dans la mesure où les éléments verbaux des signes en conflit occupent une place importante au sein de chacun de ceux-ci et que leurs éléments figuratifs ne sont pas particulièrement frappants.

47      Deuxièmement, il convient de noter que, certes, les éléments verbaux des signes en conflit partagent la même structure, étant donné que chacun d’eux comporte quatre lettres. Cependant, si les première et troisième lettres coïncident, les deuxième et quatrième sont différentes. En outre, et surtout, bien que les éléments verbaux en cause débutent par la même lettre « t » et que les lettres « n » et « m » ne soient pas très différentes, ces éléments produisent sur le public italien une impression globale différente, dès lors qu’il est très inhabituel, en italien, d’être confronté à des mots qui présentent deux lettres « u » qui se suivent ou une lettre « h » précédée d’une lettre « t » et suivie d’une lettre « u », ainsi que la requérante l’a soutenu lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, sans être contredite par les autres parties. Du fait de leur caractère inusuel, ces suites de lettres, qui sont différentes l’une de l’autre, attirent particulièrement l’attention du public pertinent.

48      À cet égard, ne saurait prospérer l’argument de l’EUIPO, soulevé lors de l’audience, selon lequel le public pertinent se souvient simplement du fait que les signes en conflit présentent chacun une suite de lettres inusuelle, sans se rappeler des différences entre ces suites. En effet, dès lors que ces suites de lettres, inusuelles et différentes l’une de l’autre, concernent la moitié, voire plus, des éléments verbaux respectifs des signes en conflit, qui sont courts, il n’est pas envisageable que le public ne s’en souvienne pas, bien qu’il soit de jurisprudence constante que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (voir arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 60 et jurisprudence citée).

49      Troisièmement, même si les éléments verbaux des signes en conflit sont écrits en lettres majuscules, dans des caractères qui ne sont pas particulièrement stylisés, il n’en reste pas moins que la marque demandée utilise des caractères plus fins et allongés, alors que la marque antérieure comporte des caractères plus gras, mis en évidence par un élément figuratif de soulignement.

50      Quatrièmement, les éléments figuratifs au sein desquels les éléments verbaux figurent sont différents dans leurs formes et dans l’épaisseur de leurs bords. En effet, dans la marque demandée, il s’agit d’une circonférence au bord très épais, alors que dans la marque antérieure il s’agit d’un carré au bord fin. Bien que les deux formes en question soient deux figures géométriques simples, il ne saurait être soutenu que la différence entre un cercle et un carré échappe au public pertinent ou ne soit pas gardée à l’esprit par celui-ci.

51      Cinquièmement, en ce qui concerne la position de l’élément verbal au sein de l’élément figuratif, il convient de noter que, dans la marque demandée, le mot « tuum » figure au milieu du cercle, ce qui donne lieu à une impression globale de symétrie, alors que, dans la marque antérieure, le mot « thun » se situe vers le bas du carré, ce qui donne lieu à une impression globale d’asymétrie.

52      Les différences qui viennent d’être mises en exergue permettent de conclure que, pris chacun dans son ensemble, les signes en conflit ne sont pas similaires sur le plan visuel, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours.

–       Sur la comparaison phonétique

53      Au point 22 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, du point de vue phonétique, les signes en conflit présentaient un degré élevé de similitude. À cet égard, selon elle, la plupart du public pertinent considère les mots « thun » et « tuum » comme étant d’origine étrangère et les prononce de manière monosyllabique, sans tenir compte de la lettre « h » de la marque antérieure ni de la seconde lettre « u » de la marque demandée. La chambre de recours a ajouté que, même dans l’hypothèse où le public pertinent diviserait le mot « tuum » en deux syllabes, la prononciation de celui-ci serait néanmoins analogue à celle du mot « thun », puisque la lettre « h » est muette en italien et que les deux signes commencent donc par le même son, produit par les lettres « t » et « u », et terminent par des sons similaires, ceux des lettres « m » et « n ».

54      La requérante fait valoir que le public italien prononce le mot « thun » en une seule syllabe, de façon sèche et tronquée, alors qu’il reconnaît dans le mot « tuum » un adjectif possessif latin, qu’il prononce en deux syllabes, avec une cadence plane et prolongée. Les impressions phonétiques d’ensemble produites par chacun des signes en conflit seraient ainsi différentes, compte tenu également de leur brièveté.

55      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

56      Premièrement, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la connaissance d’une langue étrangère ne peut pas en général être présumée [arrêt du 13 septembre 2010, Inditex/OHMI – Marín Díaz de Cerio (OFTEN), T‑292/08, EU:T:2010:399, point 83 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 juin 2014, Hut.com/OHMI – Intersport France (THE HUT), T‑330/12, non publié, EU:T:2014:569, point 40].

57      Cela est particulièrement le cas lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’une langue morte, à laquelle le public pertinent est nécessairement moins exposé que lorsqu’il s’agit d’une langue étrangère vivante et dont l’usage est très répandu.

58      S’il est vrai que, comme le fait valoir la requérante, l’italien dérive du latin et que cette dernière langue est enseignée dans le cadre de certaines études supérieures et utilisée dans certaines prières, ces circonstances ne suffisent pas pour présumer que la plupart du public pertinent prononce le mot « tuum » selon les règles du latin, et donc en deux syllabes.

59      Par ailleurs, ainsi que le fait remarquer à juste titre l’intervenante, le fait, avancé par la requérante, que des mots latins, tels que virus, gratis, sponsor, agenda, super, deficit, ultimatum, referendum, ultra, bis et aula magna, puissent être d’usage courant n’est pas pertinent au regard de la question de savoir si le public pertinent reconnaît le mot « tuum » comme appartenant au latin, dès lors qu’il n’est pas prouvé que ce mot soit d’usage courant. Du reste, il n’est pas établi que le public pertinent, lorsqu’il utilise les mots susmentionnés, sache qu’il s’agit d’expressions latines.

60      Dès lors, la chambre de recours pouvait estimer à juste titre que tant le mot « thun » que le mot « tuum » seraient prononcés comme étant composés chacun d’une syllabe. Elle était également fondée à observer que les prononciations de chacune de ces syllabes présentent un degré élevé de similitude, puisqu’elles commencent par la même consonne « t », suivie phonétiquement par la voyelle « u », y compris dans la marque antérieure, la lettre « h » étant muette en italien, et qu’elles se terminent par des sons similaires, ceux des lettres « n » et « m ». À supposer même qu’une partie du public pertinent, confronté à la suite de lettres « t » et « h » de la marque antérieure, qui n’existe pas en italien, ne se limite pas à ignorer la lettre « h » mais ait recours, par exemple, aux règles de l’anglais, il y a lieu de considérer qu’une telle manière de procéder ne concernerait qu’un nombre limité de consommateurs, la plupart suivant, en revanche, la prononciation que la chambre de recours a retenue.

61      Deuxièmement, et en tout état de cause, il convient d’observer que, ainsi que le font remarquer l’intervenante et l’EUIPO, la chambre de recours a examiné l’hypothèse selon laquelle le mot « tuum » serait prononcé en deux syllabes. Ses considérations à cet égard, selon lesquelles le degré de similitude demeurerait élevé également dans un tel cas, doivent être approuvées, dès lors que la syllabe « tu » donnerait lieu au même son que celui du début du mot « thun » et la syllabe « um » serait prononcée d’une manière similaire à la fin dudit mot.

62      Troisièmement, la requérante ne peut tirer aucun argument utile de l’arrêt du 16 janvier 2008, Inter-Ikea/OHMI – Waibel (idea) (T‑112/06, non publié, EU:T:2008:10), qu’elle invoque. En effet, à cette occasion, le Tribunal a certes constaté que la similitude phonétique entre les mots « idea » et « ikea » était faible, en dépit du fait que seule une lettre les distinguait, mais il s’est appuyé, à cette fin, sur la sonorité totalement différente des consonnes « d » et « k ». En revanche, en l’espèce, même si la thèse de la requérante était suivie, il en résulterait simplement une prononciation plus longue de la voyelle « u » dans la marque demandée, sans que la perception de la sonorité change significativement.

63      Quatrièmement, s’agissant des décisions des premières instances de l’EUIPO que la requérante mentionne, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les chambres de recours ne sauraient être liées par les décisions d’instances inférieures de l’EUIPO [voir arrêt du 26 novembre 2015, Nürburgring/OHMI – Biedermann (Nordschleife), T‑181/14, non publié, EU:T:2015:889, point 44 et jurisprudence citée]. En tout état de cause, les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci. En outre, si, au regard des principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà adoptées et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité (voir arrêt du 26 novembre 2015, Nordschleife, T‑181/14, non publié, EU:T:2015:889, points 45 et 46 et jurisprudence citée).

64      Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 75 et 76).

65      De plus, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 77).

66      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé à un examen complet et concret avant de se prononcer sur la similitude phonétique entre la marque demandée et la marque antérieure.

67      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de confirmer la constatation de la chambre de recours selon laquelle, du point de vue phonétique, les signes en conflit présentent un degré élevé de similitude, à tout le moins pour une partie importante du public pertinent.

–       Sur la comparaison conceptuelle

68      Au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, en l’absence de preuves ou d’indices que le public pertinent associe l’élément « tuum » de la marque demandée à un mot latin, les signes en conflit seraient perçus comme des mots de fantaisie, sans aucun lien conceptuel, ce qui revient, en substance, à conclure que la similitude conceptuelle est neutre.

69      La requérante soutient que le public pertinent reconnaît dans l’élément « tuum » de la marque demandée l’adjectif possessif latin signifiant « ton », qui figure notamment dans la version latine de la prière intitulée « Notre Père », alors que l’élément « thun » de la marque antérieure est perçu comme un élément de fantaisie. Il s’ensuivrait que les signes en conflit sont conceptuellement différents.

70      L’EUIPO et l’intervenante rétorquent qu’il ne peut pas être présumé que la plupart du public italien connaisse la signification du mot « tuum » et que les arguments avancés par la requérante à cet égard ne démontrent pas que tel soit le cas.

71      À cet égard, pour les raisons déjà exposées aux points 56 à 59 ci-dessus, il ne peut pas être considéré que la plupart du public pertinent reconnaisse dans l’élément « tuum » un adjectif possessif latin.

72      Il s’ensuit qu’à tout le moins une large partie du public pertinent n’attribue aucune signification aux signes en conflit, ce qui, selon une jurisprudence constante, permet de conclure que la comparaison sur le plan conceptuel est neutre [arrêts du 29 avril 2014, Asos/OHMI – Maier (ASOS), T‑647/11, non publié, EU:T:2014:230, point 27 ; du 8 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Redrock Construction (REDROCK), T‑548/12, EU:T:2015:478, point 71, et du 28 janvier 2016, Sto/OHMI – Fixit Trockenmörtel Holding (CRETEO), T‑640/13, non publié, EU:T:2016:38, point 86].

–       Conclusions sur la comparaison des signes

73      Au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que, « compte tenu des fortes similitudes qui existent sous les angles examinés », les signes en conflit étaient similaires. De même, au point 28 de cette décision, la chambre de recours s’est référée à l’existence d’« une similitude visuelle et phonétique élevée ».

74      Or, il n’est pas évident de comprendre quelles sont ces « fortes similitudes », au pluriel, ni pourquoi l’adjectif « élevée » s’appliquerait également à la similitude visuelle. En effet, aux points de la décision attaquée spécifiquement consacrés à la comparaison des signes sous les trois aspects visuel, phonétique et conceptuel, la chambre de recours a expliqué les raisons pour lesquelles elle estimait qu’il existait un degré élevé de similitude phonétique, que la comparaison conceptuelle était neutre et qu’il n’existait qu’un certain degré de similitude visuelle. Or, cette dernière constatation n’équivaut aucunement à celle d’une similitude visuelle forte ou élevée. Il s’agit là d’une erreur de la part de la chambre de recours, qui, lorsqu’elle a tiré les conclusions de son analyse de la comparaison des signes sous les trois aspects susmentionnés, s’est écartée, sans aucune motivation, du résultat auquel elle était parvenue en ce qui concerne la similitude visuelle.

75      À cet égard, ne sont pas convaincantes les thèses de l’EUIPO et de l’intervenante, avancées lors de l’audience en réponse à la question écrite du Tribunal, mettant en exergue le manque de cohérence entre, d’une part, le point 21 de la décision attaquée et, d’autre part, ses points 24 et 28. En effet, au vu du contexte où il figure, force est de considérer que l’adjectif « certaine », placé devant le substantif « similitude » au sein dudit point 21, a une valeur d’atténuation, qui est tout à fait cohérente avec les observations de la chambre de recours figurant à ce même point.

76      En tout état de cause, pour les raisons exposées aux points 46 à 52 ci-dessus, il y a lieu d’infirmer le constat de la chambre de recours relatif à l’existence d’une certaine similitude visuelle, les signes étant différents sous cet angle.

77      Dans ces circonstances, il doit être retenu que l’existence d’une similitude entre les signes en conflit est limitée à l’aspect phonétique, au regard duquel elle se situe à un degré élevé.

 Sur le risque de confusion

78      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

79      Aux points 28 à 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, y compris en ce qui concerne les produits à l’égard desquels le public pertinent est plus attentif en raison de leur prix, motifs pris de l’identité des produits, des similitudes visuelle et phonétique des signes, que, dans ce contexte, elle a qualifiées d’élevées (point 28 de la décision attaquée), et surtout de l’impression globale de similitude que ces signes provoquaient (point 30 de la décision attaquée).

80      À cet égard, il convient de noter, en premier lieu, que les signes sont différents sur le plan visuel, ainsi que cela résulte des points 46 à 52 ci-dessus.

81      En second lieu, selon la jurisprudence, dans l’appréciation globale du risque de confusion, l’aspect visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’a pas toujours le même poids. Il importe d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché. L’importance des éléments de similitude ou de différence des signes peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou des services que les marques en conflit désignent. Si les produits désignés par les marques en cause sont normalement vendus dans des magasins en libre-service où le consommateur choisit lui-même le produit et doit, dès lors, se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit, une similitude visuelle des signes sera, en règle générale, d’une plus grande importance. Si, en revanche, le produit visé est surtout vendu oralement, il sera normalement attribué plus de poids à une similitude phonétique des signes [arrêts du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, EU:T:2004:293, point 49, et du 15 décembre 2010, Novartis/OHMI – Sanochemia Pharmazeutika (TOLPOSAN), T‑331/09, EU:T:2010:520, point 61].

82      À cet égard, ainsi que l’a fait pertinemment observer la requérante, en particulier lors de l’audience, il résulte également de la jurisprudence que le degré de similitude phonétique entre deux marques est d’une importance réduite dans le cas de produits qui sont commercialisés d’une telle manière que, habituellement, le public pertinent, lors de l’achat, perçoit la marque qui les désigne de façon visuelle [arrêts du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, EU:T:2003:264, point 55, et du 21 février 2013, Esge/OHMI – De’Longhi Benelux (KMIX), T‑444/10, non publié, EU:T:2013:89, point 37].

83      En l’espèce, il est constant entre les parties que les produits dont il s’agit sont normalement vendus selon des modalités permettant à l’acheteur de voir la marque. Par ailleurs, dans l’hypothèse où, lors de l’achat, le client serait assisté par un bijoutier, qui prononcerait les signes en question, ce dernier serait un professionnel en mesure d’expliquer l’origine différente des produits.

84      Enfin, il y a lieu de noter que l’intervenante, tout en mentionnant, lors de l’audience, la notoriété de la marque antérieure, a omis d’invoquer, et a fortiori de démontrer, devant l’EUIPO, le caractère distinctif accru de celle-ci, alors que ce facteur, selon une jurisprudence constante, aurait pu augmenter la probabilité de l’existence d’un risque de confusion [voir arrêt du 7 mai 2015, Cosmowell/OHMI – Haw Par (GELENKGOLD), T‑599/13, EU:T:2015:262, point 74 et jurisprudence citée].

85      Dans ces circonstances, il y a lieu d’exclure l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit pour les produits concernés. Cela est particulièrement vrai s’agissant des produits plus coûteux parmi ceux visés par ces marques, lesquels, en raison de leur prix, rendent le public pertinent plus attentif et, de ce fait, moins exposé à ce risque.

 Conclusions sur l’issue du recours

86      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de faire droit au moyen unique de la requérante et d’annuler la décision attaquée, conformément au premier chef de conclusions de celle-ci.

87      En ce qui concerne le chef de conclusions de la requérante visant le rejet de l’opposition, il y a lieu de relever que, par ce chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal, en substance, d’adopter la décision que, selon elle, l’EUIPO aurait dû prendre, à savoir une décision constatant que les conditions d’opposition n’étaient pas remplies. Par conséquent, la requérante demande la réformation de la décision attaquée, telle qu’elle est prévue à l’article 65, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009. Cette demande est donc recevable, contrairement à ce que soutient l’intervenante [voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, Investrónica/OHMI – Olympus Imaging (MICRO), T‑149/12, non publié, EU:T:2014:11, point 65 et jurisprudence citée].

88      En outre, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 65, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que ladite chambre était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

89      En l’espèce, les conditions pour l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal sont réunies. En effet, il résulte des considérations reprises aux points 22 à 85 ci-dessus que la chambre de recours était tenue de constater que, contrairement à ce que la division d’opposition avait considéré, il n’existait pas de risque de confusion en l’espèce. Par conséquent, il y a lieu, par réformation de la décision attaquée, de rejeter l’opposition.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

91      En outre, la requérante ayant conclu à ce que l’EUIPO et l’intervenante soient également condamnés aux dépens exposés par elle durant la procédure devant la chambre de recours, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme des dépens récupérables. Partant, il y a lieu de condamner l’EUIPO et l’intervenante à supporter également lesdits dépens.

92      En ce qui concerne le partage des dépens, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que l’EUIPO et l’intervenante supportent chacun, outre ses propres dépens, la moitié de ceux exposés par la requérante, tant devant le Tribunal que devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 3 septembre 2015 (affaire R 2624/2014-1) est annulée.

2)      L’opposition est rejetée.

3)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que la moitié de ceux exposés par Tuum Srl, tant devant le Tribunal que devant la chambre de recours.

4)      Thun SpA supportera ses propres dépens ainsi que la moitié de ceux exposés par Tuum, tant devant le Tribunal que devant la chambre de recours.

Berardis

Spielmann

Xuereb

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 décembre 2016.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.