Language of document : ECLI:EU:T:2024:460

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 juillet 2024 (*) (1)

« Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Opposition de la BCE à l’acquisition de participations qualifiées dans un établissement de crédit – Recours en annulation – Intérêt à agir – Affectation directe – Irrecevabilité partielle – Honorabilité et compétence professionnelle du candidat acquéreur – Solidité financière – Respect des exigences prudentielles – Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑323/22,

PH,

PI,

PJ,

Socrates Capital Ltd, établie à Toronto (Canada),

représentés par Mes D. Hillemann, C. Fischer et T. Ehls, avocats,

parties requérantes,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mmes E. Yoo, S. Letocart et M. V. Hümpfner, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, S. Gervasoni (rapporteur) et Mme T. Pynnä, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérants, PH, PI, PJ et Socrates Capital Ltd, demandent l’annulation de la décision de la Banque centrale européenne (BCE) du 22 mars 2022 par laquelle celle-ci s’est opposée à ce que PH, PI et PJ acquièrent une participation qualifiée dans HKB Bank GmbH (ci-après la « banque cible ») et à ce qu’ils dépassent 50 % du capital et des droits de vote dans cette dernière.

I.      Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Lorsque la décision attaquée a été adoptée, la banque cible était un établissement de crédit moins important, au sens de l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63), situé en Allemagne et placé sous la surveillance prudentielle directe de la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin, Autorité fédérale de surveillance des services financiers, Allemagne).

3        À la date de la décision attaquée, Socrates Capital détenait 81,6 % du capital et 95,14 % des droits de vote dans la banque cible. Elle était elle-même détenue à 100 %, de manière indirecte (par le biais de deux sociétés holdings) et ultime, par A.

4        Depuis l’année 2010, à l’exception de l’année 2017, le cabinet d’audit chargé du contrôle des comptes annuels de la banque cible a indiqué chaque année à la BaFin qu’il avait connaissance de faits susceptibles de mettre en danger l’existence de cette banque.

5        Depuis 2012, la banque cible a fait l’objet de mesures de surveillance prudentielle sévères. Le 26 juin 2017, la BaFin a adopté une mesure, toujours en vigueur à la date de la décision attaquée, interdisant à la banque cible d’accepter des dépôts et d’accorder des prêts, au motif que la sécurité des actifs qui lui étaient confiés était en danger en raison de sa situation critique en capital et de pertes continues. Depuis cette mesure, la banque cible n’a pas été en mesure d’entreprendre des activités importantes : les dépôts ont été réduits à zéro et les activités de prêts immobiliers ont été transférées à des prestataires de service externes.

6        En juin 2017, sans soumettre de notification préalable à la BaFin, Socrates Capital a acquis plus de 50 % du capital et des droits de vote dans la banque cible. Les notifications ex post de cette acquisition, effectuées en décembre 2017 et janvier 2018 par Socrates Capital, A et deux sociétés holdings, sont demeurées incomplètes, notamment en ce qui concerne l’origine des fonds destinés à l’acquisition. Pour cette raison, le 19 février 2018, la BaFin a imposé à Socrates Capital une interdiction d’exercer ses droits de vote dans la banque cible. Depuis cette interdiction, A a cherché à vendre ses parts dans cette banque.

7        Le 9 avril 2020 et le 9 juillet 2020, respectivement, PH, d’une part, et PI et PJ, d’autre part, ont notifié à la BaFin leur intention d’acquérir, en tant qu’acquéreurs indirects s’agissant de PH et de PI et en tant qu’acquéreur direct s’agissant de PJ, une participation qualifiée et de dépasser 50 % du capital et des droits de vote dans la banque cible (ci-après l’« acquisition envisagée »), grâce à l’acquisition de toutes les parts détenues par Socrates Capital dans la banque cible.

8        PH est un citoyen australien résidant à Hong Kong (Chine), ses activités professionnelles se concentrant principalement sur la gestion d’actifs et les investissements financiers, en particulier dans les Îles Caïmans, à Hong Kong et en Australie. PI, établie à Hong Kong en 2020, a pour actionnaire et directeur unique PH et est une société holding sans activité commerciale. PJ, établie au Luxembourg en 2020, a pour associé unique PI et est une société holding sans activité commerciale, avec deux gérants, dont PH.

9        Entre juillet 2020 et février 2022, PI et PJ ont versé, à trois reprises, des contributions au capital de la banque cible, en tant qu’associés passifs, c’est-à-dire ne disposant pas des droits de vote correspondants. D’un montant de quatre millions d’euros, ces participations passives visaient à éviter que la banque cible viole les exigences minimales de capital.

10      En août 2020, Socrates Capital, d’une part, et PI et PJ, d’autre part, ont conclu un contrat d’achat et de vente aux fins de l’acquisition envisagée (ci-après le « contrat d’achat et de vente »). Au titre de ce contrat, soumis à des conditions préalables et à des clauses de résiliation, Socrates Capital acceptait de vendre à PJ, pour un montant de [2-20] millions d’euros, la participation qualifiée qu’elle avait acquise dans la banque cible en juin 2017.

11      Dans le plan d’affaires joint à la notification du 9 avril 2020 (ci-après le « plan d’affaires initial »), les candidats acquéreurs ont indiqué que l’acquisition envisagée devait permettre de rapprocher les activités de l’Europe et celles de l’Asie et de capter l’augmentation prévue de la demande de particuliers et de petites et moyennes entreprises (PME) asiatiques souhaitant investir leurs capitaux en Europe, en tirant parti du réseau de clients asiatiques de PH et de A. L’acquisition envisagée devait également permettre de créer des synergies entre le groupe d’affaires de PH et la banque cible.

12      Selon le plan d’affaires initial, le modèle économique envisagé pour la banque cible reposait sur trois segments d’activité principaux : premièrement, le financement immobilier, deuxièmement, les activités de dépôt et, troisièmement, les services bancaires aux entreprises et le financement du commerce. En outre, des services de conciergerie seraient proposés en tant que fonction support de ces trois segments principaux. S’agissant du financement immobilier, la banque cible devait octroyer des crédits à des clients résidant dans l’Union européenne garantis par des hypothèques sur des propriétés situées dans l’Union, puis cette activité devait être étendue à des clients résidant en Asie. S’agissant des activités de dépôt, il était prévu de réorienter les activités de la banque cible auprès de particuliers fortunés et des PME. Les produits devaient comprendre des comptes libellés en dollars des États-Unis (USD) et en euros, les comptes libellés en USD concernant principalement les clients résidant en Asie. S’agissant des services bancaires aux entreprises et du financement du commerce, il était prévu de proposer à des clients fortunés et à des PME la gestion de comptes courants, le traitement de documents commerciaux, le financement du commerce par le biais de garanties bancaires et de lettres de crédit, des virements bancaires et des opérations de change en soutien au commerce entre l’Union et la Chine.

13      Après la notification de l’acquisition envisagée le 9 avril 2020, la BaFin a demandé à de multiples reprises aux candidats acquéreurs de compléter leur dossier et leur a posé de nombreuses questions. Dans ce cadre, les candidats acquéreurs ont soumis notamment, le 10 juillet 2020, des réponses aux questions de la BaFin, le 9 août 2021, un addendum au plan d’affaires (ci-après l’« addendum »), et, en novembre 2021, de nouveaux éléments financiers.

14      La BaFin a accusé réception de la notification complète le 6 décembre 2021.

15      Le 5 janvier 2022, la BaFin a demandé aux candidats acquéreurs des informations supplémentaires. Ces derniers ont transmis des informations additionnelles le 1er février 2022.

16      Le 7 février 2022, la BaFin a soumis une proposition de décision à la BCE (ci-après la « proposition de la BaFin »). Dans cette proposition, elle a estimé qu’il convenait de s’opposer à l’acquisition envisagée.

17      Le 15 février 2022, la BCE a mis les candidats acquéreurs en mesure de soumettre des observations sur le projet de décision s’opposant à l’acquisition envisagée.

18      Le 17 février 2022, les candidats acquéreurs ont demandé l’accès au dossier. La BCE a accordé cet accès par courrier du 21 février 2022.

19      Le 28 février 2022, les candidats acquéreurs ont soumis des observations sur le projet de décision.

20      Le 22 mars 2022, la BCE a notifié la décision attaquée aux candidats acquéreurs ainsi que sa réponse aux observations sur le projet de décision attaquée (ci-après la « réponse aux observations »).

21      La décision attaquée a été adoptée sur le fondement, notamment, des articles 22 et 23 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), tels que transposés dans la législation allemande relative au secteur du crédit. La BCE a estimé, en substance, qu’il convenait de s’opposer à l’acquisition envisagée, étant donné que les candidats acquéreurs ne remplissaient pas les critères d’honorabilité, de solidité financière, de respect des exigences prudentielles et de lutte contre le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

22      Le 21 avril 2022, les candidats acquéreurs ont demandé le réexamen administratif de la décision attaquée au titre de l’article 24 du règlement no 1024/2013. Le 20 mai 2022, la commission administrative de réexamen a rejeté cette demande comme irrecevable.

23      Le 27 mai 2022, les requérants ont introduit le présent recours.

24      Par une décision du 26 juillet 2022 ayant pris effet le lendemain, la BCE a retiré l’agrément de la banque cible pour l’accès à l’activité d’établissement de crédit (ci-après la « décision de retrait d’agrément »).

25      Le 3 août 2022, la banque cible a introduit devant le Tribunal un recours en annulation contre la décision de retrait d’agrément, assorti d’une demande de sursis à l’exécution de cette décision. Par ordonnances du 14 septembre 2022, HKB Bank/BCE (T‑479/22 R, non publiée, EU:T:2022:564), et du 14 septembre 2022, HKB Bank/BCE (T‑479/22, non publiée, EU:T:2022:585), le Tribunal a constaté que la banque cible s’était désistée de son recours ainsi que de sa demande et il a radié les affaires en cause du registre.

II.    Procédure et conclusions des parties

26      Par un mémoire enregistré au greffe du Tribunal le 8 septembre 2022, la BCE a demandé à ce qu’il plaise au Tribunal de constater qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours. Par ordonnance du 11 janvier 2023, le Tribunal a décidé de joindre cette demande de non-lieu à statuer au fond.

27      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que la décision attaquée est illégale et que leurs droits ont été violés ;

–        condamner la BCE aux dépens.

28      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme irrecevable dans la mesure où il a été introduit par Socrates Capital et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner solidairement les requérants aux dépens.

29      La Commission européenne, intervenant au soutien de la BCE, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

III. En droit

A.      Sur l’objet du recours

30      Dans la requête, les requérants ont présenté des conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée. Puis, dans leurs observations sur l’exception de non-lieu à statuer soulevée par la BCE, ils ont demandé au Tribunal de rejeter cette exception, de déclarer illégale la décision attaquée et de constater la violation de leurs droits. Dans leur réplique, ils ont persisté dans leurs demandes antérieures.

31      Au soutien de leurs conclusions tendant à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer illégale la décision attaquée et de constater la violation de leurs droits, les requérants ont exposé que, étant donné que leur intérêt à agir persiste en dépit de la décision de retrait d’agrément, le Tribunal doit déclarer l’illégalité de la décision attaquée plutôt que de l’annuler. En particulier, selon les requérants, lorsque l’auteur d’un recours en annulation conserve un intérêt à agir en tant que base d’un éventuel recours en responsabilité, le recours en annulation deviendrait une action déclaratoire.

32      Le Tribunal n’est pas compétent, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, pour prononcer des arrêts déclaratoires (voir arrêt du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, EU:T:2009:27, point 23 et jurisprudence citée).

33      Lorsque, en dépit de la caducité de l’acte attaqué, l’auteur d’un recours en annulation conserve un intérêt à agir, le Tribunal demeure compétent pour annuler un tel acte (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, points 45 et 128).

34      Dans ces conditions, en dépit de la formulation utilisée par les requérants postérieurement à la requête, laquelle repose sur une interprétation erronée de l’office du juge de l’Union en cas de caducité de l’acte attaqué, le recours doit être regardé comme tendant à l’annulation de la décision attaquée.

B.      Sur la demande de non-lieu à statuer

35      La BCE soutient que, par lettre du 16 août 2022, la seule partie ayant qualité pour contester la décision de retrait d’agrément, à savoir la banque cible, s’est désistée de son recours devant le Tribunal et qu’elle a renoncé de manière irrévocable à son droit d’exercer des recours juridiques contre ladite décision. Elle estime que, à supposer que les requérants aient eu un intérêt à demander l’annulation de la décision attaquée lors de l’introduction du recours, un tel intérêt a disparu, puisque la décision de retrait d’agrément est devenue définitive. L’acquisition envisagée ne serait plus subordonnée à l’absence d’opposition de la BCE et ne pourrait plus l’être à l’avenir.

36      Les requérants contestent cette argumentation.

37      L’intérêt à agir d’une partie requérante doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 61).

38      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1024/2013, la BCE est compétente pour évaluer les notifications d’acquisitions et de cessions de participations qualifiées dans les établissements de crédit. Or, en application de la décision de retrait d’agrément devenue définitive, la banque cible ne dispose plus de la qualité d’établissement de crédit depuis le 27 juillet 2022.

39      Par suite, la décision de retrait d’agrément a privé la décision attaquée de ses effets, le 27 juillet 2022, c’est-à-dire postérieurement à l’introduction du recours, de sorte que la décision attaquée est devenue caduque à cette date (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 45).

40      Toutefois, dans diverses circonstances, la Cour a reconnu que l’intérêt à agir d’une partie requérante ne disparaît pas nécessairement en raison du fait que l’acte attaqué par cette dernière a cessé de produire des effets en cours d’instance (arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 62).

41      Une partie requérante peut notamment conserver un intérêt à demander l’annulation d’une décision, premièrement, pour obtenir une remise en état de sa situation, deuxièmement, pour amener l’auteur de l’acte attaqué à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées et ainsi éviter le risque de répétition de l’illégalité dont l’acte attaqué est prétendument entaché, troisièmement, même dans les cas où, en raison des circonstances, il s’avère impossible de mettre en œuvre l’obligation, pour l’institution dont émane l’acte annulé, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt ayant prononcé cette annulation, le recours en annulation peut conserver un intérêt en tant que fondement d’un recours éventuel en responsabilité (arrêts du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, points 63 et 64, et du 30 juin 2022, Camerin/Commission, C‑63/21 P, non publié, EU:C:2022:516, point 48).

42      En particulier, l’éventualité d’un recours en indemnité suffit à fonder un tel intérêt à agir, pour autant que celui‑ci n’est pas hypothétique (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 79, et du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 43). À cet égard, il ne peut être reproché à une partie requérante d’avoir introduit un recours en indemnité à une date postérieure à celle de l’introduction de son recours en annulation devant le Tribunal (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 79).

43      À cet égard également, la persistance d’un intérêt à agir doit être appréciée in concreto en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 70, et du 7 novembre 2018, BPC Lux 2 e.a./Commission, C‑544/17 P, EU:C:2018:880, point 45).

44      La partie requérante doit apporter des éléments concernant les conséquences concrètes de l’illégalité et la nature du préjudice [voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bobek dans les affaires jointes Italie et Comune di Milano/Conseil et Parlement (Siège de l’Agence européenne des médicaments), C‑106/19 et C‑232/19, EU:C:2021:816, point 117]. Il convient de procéder à un examen prima facie de l’impact négatif de l’acte litigieux sur la partie requérante, sans exiger un niveau de preuve plus élevé (voir, en ce sens, conclusions de l’avocate générale Sharpston dans l’affaire Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:214, point 47).

45      En l’espèce, les requérants font notamment valoir qu’ils ont l’intention d’introduire un recours en responsabilité contre la BCE et produisent deux courriers adressés à la BCE pour présenter leurs demandes indemnitaires. L’éventualité que les requérants forment une action indemnitaire ne saurait donc, en l’espèce, être considérée comme hypothétique.

46      En outre, il convient de considérer que la décision attaquée, adoptée le 22 mars 2022, a produit des effets juridiques, puisqu’elle a empêché PH, PI et PJ de procéder à l’acquisition envisagée avant l’entrée en vigueur de la décision de retrait d’agrément le 27 juillet 2022.

47      Par ailleurs, il ne peut être exclu à ce stade que les requérants aient subi des dommages matériels du fait des illégalités alléguées dans le présent recours. En effet, il ne peut être exclu prima facie que, du fait de la décision attaquée, PH, PI et PJ ont subi une perte d’opportunité liée à l’acquisition de la banque cible et que PH a dû, à tort, supporter le coût de participations silencieuses dans la banque cible. En outre, il ne peut être exclu que Socrates Capital a subi des préjudices tels que la perte du prix d’achat de la banque cible, la prise en charge des pertes mensuelles de la banque cible ainsi que des frais de conseil juridique et fiscal.

48      Dans ces conditions, du point de vue de chacun des requérants, le présent recours en annulation peut servir de fondement à un éventuel recours en responsabilité contre la BCE.

49      Par suite, les requérants démontrent, à tout le moins, leur intérêt à poursuivre la procédure au titre d’un éventuel recours indemnitaire.

50      La fin de non-recevoir soulevée par la BCE tirée de ce que, en raison de la disparition de l’intérêt à agir des requérants, le recours serait devenu sans objet doit donc être écartée.

C.      Sur la recevabilité du recours en tant qu’il est introduit par Socrates Capital

51      La BCE estime que Socrates Capital n’est pas directement et individuellement affectée par la décision attaquée, de sorte qu’elle n’a pas qualité pour former un recours en annulation en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. La décision attaquée ne produirait pas d’effet sur la situation juridique de Socrates Capital, puisque cette décision ne l’empêcherait pas, d’un point de vue purement juridique, de vendre sa participation à l’acquéreur intéressé, aucune sanction à l’encontre du vendeur des parts n’étant prévue. Du point de vue de l’objectif de la procédure, des critères d’évaluation de l’acquisition d’une participation qualifiée et de la procédure administrative, le vendeur de la participation qualifiée ne serait pas directement concerné par une décision d’opposition à l’acquisition, qui affecterait seulement l’acquéreur potentiel. La BCE ajoute que la condition d’affectation individuelle n’est pas remplie, car la décision attaquée est le résultat de l’évaluation de critères n’ayant pas de rapport avec le vendeur de la participation qualifiée.

52      Les requérants contestent cette argumentation. La BCE ne tiendrait pas compte du fait que le contrat d’achat et de vente contient une clause de conditionnalité, selon laquelle le contrat n’est pas exécutoire si la BCE s’oppose à l’opération. La décision attaquée affecterait également le droit de propriété et la liberté d’entreprise de Socrates Capital. En outre, la décision attaquée indiquerait que la réputation des candidats acquéreurs est entachée par le fait qu’ils ont « fait affaire » avec le vendeur, ce qui équivaudrait à une interdiction générale d’acheter la banque cible. Socrates Capital serait individuellement affectée, puisqu’aucune autre entité ne détiendrait la majorité des parts que les candidats acquéreurs souhaitent acquérir.

53      À cet égard, il convient d’observer que les quatre requérants ont présenté un seul et même recours. Or, s’agissant d’un seul et même recours, dès lors que PH, PI et PJ disposent de la qualité pour agir, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir de Socrates Capital (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 31).

54      Toutefois, le Tribunal estime opportun, dans un souci de bonne administration de la justice et en raison de l’importance particulière de la question de recevabilité posée par la fin de non-recevoir soulevée par la BCE, de se prononcer sur cette fin de non-recevoir.

55      L’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit deux cas de figure dans lesquels la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas la destinataire. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêt du 18 octobre 2018, Internacional de Productos Metálicos/Commission, C‑145/17 P, EU:C:2018:839, point 32).

56      Les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter les conditions expressément prévues par ledit traité (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 98).

57      Dans le présent litige, la décision attaquée n’a pas été notifiée à Socrates Capital. Aucune disposition n’exigeait d’ailleurs une telle notification à cette requérante en qualité de cédante de la participation qualifiée en cause. Socrates Capital n’étant pas destinataire de la décision attaquée, sa qualité pour agir ne peut donc être reconnue que si elle relève de l’un des deux cas de figure mentionnés au point 55 ci-dessus.

58      Par ailleurs, la décision attaquée n’étant pas un acte réglementaire, il convient d’examiner la recevabilité du recours au regard du premier cas de figure mentionné au point 55 ci-dessus.

59      Ainsi, il y a lieu de déterminer d’abord si Socrates Capital est directement concernée par la décision attaquée.

60      La condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la mesure faisant l’objet du recours, telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique de cette personne et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de la mettre en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires [arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers), C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 61].

61      Pour déterminer si un acte produit des effets juridiques, il y a lieu de s’attacher notamment à son objet, à son contenu, à sa portée, à sa substance ainsi qu’au contexte juridique et factuel dans lequel il est intervenu [arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers), C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 66].

62      Le dispositif de contrôle des participations qualifiées prévu aux articles 22 et suivants de la directive 2013/36 soumet la personne souhaitant acquérir une participation qualifiée dans un établissement de crédit à une évaluation préalable, notamment de son honorabilité et de sa solidité financière, afin de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit concerné.

63      Les critères d’évaluation de la notification d’acquisition d’une participation qualifiée prévus par l’article 23 de la directive 2013/36 visent à apprécier le caractère approprié du candidat acquéreur et du projet d’acquisition qu’il soumet à l’autorité compétente. En particulier, l’évaluation tend à vérifier que le candidat acquéreur jouit d’une bonne réputation et de la solidité financière indispensable, de manière que l’établissement dont la participation va être acquise continue de satisfaire aux exigences prudentielles. L’évaluation contribue également à éviter que l’opération soit financée moyennant des fonds provenant d’activités illicites (conclusions de l’avocat général Campos Sánchez-Bordona dans l’affaire Berlusconi et Fininvest, C‑219/17, EU:C:2018:502, point 80).

64      En vertu de l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2013/36, il appartient au candidat acquéreur de notifier aux autorités compétentes l’acquisition envisagée. Par ailleurs, cette directive ne mentionne ni la publication de cette notification ni la possibilité pour des personnes autres que le candidat acquéreur, notamment la personne souhaitant céder sa participation dans un établissement de crédit, de participer à la procédure d’évaluation de l’acquisition envisagée.

65      Selon l’article 22, paragraphe 5, de la directive 2013/36, si les autorités compétentes décident de s’opposer à l’acquisition envisagée, elles en informent le candidat acquéreur, en indiquant les motifs de cette décision.

66      Enfin, selon l’article 26, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 2013/36, lorsqu’une participation est acquise en dépit de l’opposition des autorités compétentes, les États membres, indépendamment d’autres sanctions à adopter, prévoient soit la suspension de l’exercice des droits de vote correspondants, soit la nullité des votes émis ou la possibilité de les annuler.

67      Il résulte de ce qui précède que le dispositif de contrôle des participations qualifiées vise à évaluer, préalablement à l’acquisition de telles participations, la qualité des candidats acquéreurs souhaitant accéder au secteur bancaire en tant que propriétaires.

68      Dans ces conditions, l’opposition à l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit doit être regardée comme ne modifiant pas la situation juridique de la société venderesse d’une telle participation.

69      En effet, si l’opposition à l’acquisition d’une participation qualifiée remet en cause la possibilité pour les candidats acquéreurs de passer un contrat avec le vendeur d’une participation qualifiée, en revanche, elle ne remet pas en cause le droit du vendeur de procéder à une opération de cession, qu’il peut notamment conclure avec un autre acquéreur potentiel, et correspond seulement à un refus d’autorisation pour les candidats acquéreurs d’accéder au secteur bancaire en tant que propriétaires.

70      Cette conclusion est corroborée par le contexte juridique dans lequel s’insère la décision attaquée. La directive 2013/36 ne mentionne ni la publication de la notification de l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit, ni la possibilité que des personnes tierces soient associées à la procédure administrative, ni encore la publication systématique de la décision de l’autorité compétente. En cas de non-respect de l’opposition à l’acquisition d’une participation qualifiée, elle prévoit seulement des sanctions relatives à l’exercice des droits de vote correspondant à la participation acquise par les candidats acquéreurs. En particulier, les sanctions prévues à l’article 2c, paragraphe 2, du Kreditwesengesetz (loi sur le secteur du crédit), du 9 septembre 1998 (BGBl. 1998 I, p. 2776), tel que modifié par la loi du 10 août 2021 (BGBl. 2021 I, p. 3436) (ci-après le « KWG ») n’incluent ni des sanctions à l’égard du vendeur d’une participation qualifiée ni des mesures telles que la nullité de l’acquisition elle-même ou l’obligation de revenir à la situation antérieure à la vente.

71      Ainsi, en l’espèce, la décision attaquée évalue la qualité des candidats acquéreurs et non la légalité du contrat d’achat et de vente.

72      La clause du contrat d’achat et de vente selon laquelle ce contrat n’entrera pas en vigueur en l’absence d’autorisation de la BCE a été volontairement insérée par les parties au contrat. Certes, une clause insérée par les parties à un contrat peut être le reflet de la réglementation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, EU:C:1998:193, point 51). Toutefois, en l’espèce, ladite clause est le reflet d’une réglementation qui soumet individuellement le candidat acquéreur à une autorisation administrative visant à apprécier s’il dispose de la qualité pour accéder au secteur bancaire en tant que propriétaire. À la différence des circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission (C‑386/96 P, EU:C:1998:193), la BCE ne se prononce pas sur la conformité du contrat éventuellement conclu entre les candidats acquéreurs et le vendeur d’une participation dans un établissement de crédit lorsqu’elle évalue la notification de ladite acquisition.

73      Par ailleurs, l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») dispose que la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales.

74      L’article 17 de la Charte dispose que toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer.

75      À cet égard, si la décision attaquée constitue une ingérence dans le droit de propriété et la liberté d’entreprise des candidats acquéreurs, elle ne peut pas être considérée comme constituant une ingérence dans les mêmes droits en ce qui concerne Socrates Capital. En effet, la décision attaquée ne porte pas atteinte de manière directe au droit de Socrates Capital de vendre ses parts dans la banque cible.

76      Contrairement à ce que les requérants soutiennent, la BCE n’a pas considéré que l’honorabilité des candidats acquéreurs faisait défaut au motif que ces derniers ont, de manière générale, « fait affaire » avec Socrates Capital. En particulier, la BCE n’a pas reproché aux candidats acquéreurs d’avoir signé le contrat d’achat et de vente avec Socrates Capital. Au point 2.7 de la décision attaquée, la BCE a seulement reproché aux candidats acquéreurs leur intention d’associer A à la mise en œuvre du plan d’affaires et de le nommer au conseil consultatif après l’acquisition envisagée. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que la décision attaquée équivaut à une interdiction générale pour Socrates Capital de vendre ses parts dans la banque cible.

77      Socrates Capital n’est donc pas directement concernée par la décision attaquée.

78      Par conséquent, sans qu’il soit besoin d’examiner si Socrates Capital est individuellement concernée par la décision attaquée, le recours est irrecevable en ce qui concerne cette société.

D.      Sur le bien-fondé du recours

79      Le Tribunal estime opportun d’examiner tout d’abord le onzième moyen, relatif à la légalité formelle de la décision attaquée, puis les moyens relatifs à son bien-fondé, en commençant par les troisième, quatrième et cinquième moyens.

80      En outre, le Tribunal examinera ci-après l’ensemble des arguments des requérants, y compris, à titre subsidiaire, ceux tirés de ce que les droits de Socrates Capital ont été méconnus.

1.      Sur le onzième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

81      Dans la requête, les requérants soutiennent que la BCE a violé son obligation de motiver la décision attaquée.

82      La BCE, soutenue par la Commission, conteste cette argumentation.

83      Selon la jurisprudence, la motivation exigée, notamment par l’article 296 TFUE, par l’article 22, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1024/2013 et par l’article 33, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 468/2014 de la BCE, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la BCE, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU ») (JO 2014, L 141, p. 1), doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, point 85).

84      Le respect de l’exigence de motivation doit être apprécié en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, point 87).

85      À cet égard, il convient de considérer que, comme la BCE le fait valoir sans être contredite, la correspondance de la BaFin adressée aux candidats acquéreurs au cours de la procédure administrative, la proposition de la BaFin et la réponse aux observations font partie du contexte de la décision attaquée au sens de la jurisprudence rappelée au point 84 ci-dessus et doivent être prises en compte pour apprécier si la décision attaquée est suffisamment motivée.

86      En particulier, dans la décision attaquée, la BCE a fait référence, pour chaque critère d’appréciation de l’acquisition envisagée (voir points 2.2, 2.14, 2.19 et 2.35 de la décision attaquée), à l’appréciation de la BaFin, de sorte qu’elle doit être considérée comme s’étant fondée, notamment, sur les éléments contenus dans la proposition de la BaFin pour adopter la décision attaquée.

87      En l’espèce, les requérants estiment que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée en ce qui concerne certains motifs spécifiques, relatifs d’une part, à l’intégrité des candidats acquéreurs et, d’autre part, à la solidité financière de ces derniers.

a)      Sur le respect de l’exigence de motivation en ce qui concerne l’intégrité des candidats acquéreurs

88      En ce qui concerne le critère d’honorabilité des candidats acquéreurs, la BCE a considéré, dans la décision attaquée, que, selon l’évaluation de la BaFin et sa propre évaluation, ce critère n’était pas rempli. Elle a estimé que ni le sous-critère de l’intégrité ni celui de la compétence professionnelle n’étaient remplis. S’agissant du sous-critère de l’intégrité, elle s’est fondée, en substance, sur quatre éléments : le manque de clarté des raisons de l’acquisition envisagée (point 2.4 de la décision attaquée), l’appétit pour le risque de PH (point 2.5 de la décision attaquée), le comportement des candidats acquéreurs au cours de la procédure administrative, en particulier la piètre qualité des informations fournies et la soumission tardive et incomplète des informations requises (point 2.6 de la décision attaquée) et le rôle de A dans la mise en œuvre du plan d’affaires (point 2.7 de la décision attaquée).

89      Les requérants font valoir que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée s’agissant de l’appétit pour le risque de PH et de la piètre qualité des informations fournies.

90      En premier lieu, au point 2.5 de la décision attaquée, la BCE a estimé que l’appétit pour le risque élevé de PH soulevait des doutes quant à la prudence de l’investissement envisagé. Elle a considéré que le comportement et les déclarations de PH donnaient l’impression qu’il considérait l’investissement comme tout autre investissement (à risque) réalisé dans le passé en dehors du secteur bancaire et ne tenait pas compte des particularités liées à l’acquisition d’une participation majoritaire dans un établissement de crédit. Cette approche d’investissement risquée laisserait planer des doutes quant à savoir si les candidats acquéreurs mettraient en œuvre une gestion saine et prudente et prendraient l’investissement au sérieux, notamment à la lumière du cadre réglementaire applicable et compte tenu de la situation de la banque cible à la date de la décision attaquée, c’est-à-dire celle d’un établissement de crédit qui n’exerce plus d’activité bancaire depuis de nombreuses années et ne dispose pas d’une organisation commerciale de base appropriée.

91      À la page 22 de sa proposition, la BaFin a indiqué que l’avocat de PH avait déclaré au cours des discussions préliminaires que ce dernier était un investisseur actif, prenant des risques et doté d’une expérience entrepreneuriale. Bien que cela ne signifiait pas qu’il existait un manque d’intégrité en tant que tel, la volonté des nouveaux acteurs du marché (nouveaux actionnaires majoritaires d’un établissement de crédit) de prendre des risques élevés devait être étroitement surveillée par l’autorité de contrôle. Une approche de prise de risque pouvait jeter des doutes quant à l’intérêt du candidat acquéreur à mettre en œuvre une gestion saine et prudente et à prendre l’investissement suffisamment au sérieux.

92      Les requérants estiment que la décision attaquée fait référence à un investissement à risque de PH dont elle déduit une forte propension à prendre des risques sans indiquer de quelle activité ou de quel investissement passé il s’agit.

93      À la page 12 de la réponse aux observations, s’agissant du point 2.5 de la décision attaquée, la BCE a indiqué que cette dernière ne remettait pas en question l’expérience de PH dans la gestion d’actifs. Néanmoins, une telle gestion serait différente de l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit, cette dernière nécessitant un soin et une diligence spécifiques ainsi qu’une connaissance du cadre juridique dans lequel l’établissement opère. La BCE a également indiqué que PH souhaitait investir une grande partie de sa richesse dans la banque cible sans explication plausible quant à un rendement raisonnable à court et à moyen terme. Elle a ajouté que les propositions des candidats acquéreurs étaient floues et n’incluaient pas la gouvernance et l’infrastructure requises par leur modèle économique.

94      Compte tenu de la proposition de la BaFin et de la réponse aux observations, il y a lieu de considérer que les requérants pouvaient comprendre que l’investissement (à risque) auquel la BCE a fait référence au point 2.5 de la décision attaquée désignait les investissements passés réalisés par PH dans le domaine de la gestion d’actifs.

95      L’argument des requérants relatif à l’insuffisance de motivation du point 2.5 de la décision attaquée doit donc être écarté.

96      En second lieu, au point 2.6 de la décision attaquée, la BCE a considéré que les actions des candidats acquéreurs, en particulier la piètre qualité de la documentation et des informations fournies, et la soumission tardive et incomplète des informations requises, soulevaient également des inquiétudes quant à savoir s’ils possédaient la compréhension nécessaire de l’importance de se conformer au cadre réglementaire applicable. La BCE a estimé que, en tant qu’investisseurs dans un établissement de crédit, ils investiraient dans une entité opérant dans un environnement très réglementé, ce qui nécessitait d’être conscient de leurs obligations envers le superviseur. Elle a indiqué que, au cours de la procédure, les candidats acquéreurs avaient fait preuve d’une attitude toujours désinvolte à l’égard de leurs obligations relatives au droit de la surveillance prudentielle. La documentation des candidats acquéreurs aurait généralement été soumise très tard après la réception des demandes de la BaFin et aurait montré de graves incohérences. De nombreuses demandes de la BaFin visant à atteindre l’exhaustivité formelle n’auraient pas été satisfaites, ou seulement avec des documents qui ne fournissaient pas un aperçu complet et plausible du plan d’affaires proposé de manière structurée, ce qui aurait conduit à un processus très long. Ainsi, dans l’ensemble, selon la BCE, le comportement des candidats acquéreurs aurait montré un manque constant de conscience de la nécessité d’agir conformément à leurs obligations en vertu du droit de la surveillance prudentielle.

97      Les requérants estiment que la BCE fait référence à la piètre qualité et à la transmission tardive et incomplète d’informations, sans préciser les informations concernées. La décision attaquée serait contradictoire, puisque la BCE aurait examiné la cohérence d’informations prétendument tardives.

98      Il convient de considérer que la décision attaquée, pour autant qu’elle se réfère à la piètre qualité des informations fournies et à la transmission tardive et incomplète des informations requises, permettait aux requérants de comprendre quelles étaient les informations concernées.

99      En effet, au point 2.12 de la décision attaquée, la BCE a fourni des précisions sur la piètre qualité des informations fournies. Elle a estimé que les candidats acquéreurs n’avaient pas soumis d’informations plausibles sur le plan d’affaires. Les hypothèses fournies auraient été souvent dépourvues de clarté et difficilement compréhensibles. Des attentes importantes dans tous les segments d’entreprise auraient été fondées sur des hypothèses qui ne pouvaient pas être suivies. Les candidats acquéreurs auraient déclaré des attentes en matière de croissance en termes d’acquisition de clients qui auraient été fondées uniquement sur le réseau de A et de PH. Les hypothèses de tarification pour les dépôts en USD appliquant des tarifs défavorables par rapport à ce que le marché offrait auraient soulevé la question de savoir comment une telle tarification attirerait de nouveaux clients. En outre, les soumissions ultérieures du plan d’affaires (addendum), y compris les nouveaux éléments financiers, n’auraient pas découlé des hypothèses précédemment présentées et n’étaient pas conformes à celles-ci, bien que les candidats acquéreurs aient déclaré que ces hypothèses resteraient inchangées. À l’exception du changement dans la position en capital, aucun des changements n’aurait été expliqué. L’addendum aurait en outre omis des informations mises à jour sur une base « granulaire ». Enfin, les nouveaux éléments financiers auraient dévié significativement des soumissions passées. Dans l’ensemble, en raison de la soumission d’informations contradictoires et de chiffres différents sans une explication compréhensible des corrélations et un rapprochement compréhensible des données, il n’aurait pas été possible de comprendre le plan d’affaires fourni ni d’effectuer un contrôle de plausibilité.

100    Ainsi les requérants pouvaient comprendre, compte tenu notamment du point 2.12 de la décision attaquée, quelles étaient les informations considérées par la BCE comme étant de piètre qualité et quels documents présentaient de graves incohérences.

101    Par ailleurs, la réponse aux observations mentionne, en ce qui concerne le point 2.6 de la décision attaquée, que la notification initiale était incomplète, que la BaFin avait adressé aux candidats acquéreurs trois demandes d’informations et avait informé de manière répétée les candidats acquéreurs que la notification demeurait incomplète et que les candidats acquéreurs n’avaient pas répondu de manière complète aux demandes d’informations. Elle mentionne également les dates des courriers de la BaFin adressés aux candidats acquéreurs.

102    Ainsi, les requérants pouvaient comprendre, compte tenu de la réponse aux observations, la considération énoncée au point 2.6 de la décision attaquée relative à la transmission tardive et incomplète des informations requises.

103    Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la motivation de la décision attaquée, à supposer que cette critique puisse se rattacher à l’insuffisance formelle de motivation de la décision attaquée, n’est pas entachée de contradiction. En effet, la BCE pouvait estimer, sans se contredire, que des informations avaient été transmises de manière tardive et incomplète et que ces informations étaient également incohérentes.

104    L’argumentation des requérants relative au défaut de motivation du point 2.6 de la décision attaquée doit donc être écartée.

b)      Sur le respect de l’exigence de motivation en ce qui concerne la solidité financière des candidats acquéreurs

105    En ce qui concerne le critère de solidité financière, la BCE a considéré, aux points 2.14 à 2.18 de la décision attaquée, que ce critère n’était pas rempli. Dans le plan d’affaires, le capital nécessaire à la mise en œuvre de l’acquisition envisagée aurait été sous-estimé. Les estimations des besoins en fonds propres corrigées par l’administration auraient conduit à un déficit de capital total de 209 millions d’euros au cours de la troisième année suivant l’acquisition. En déduisant l’investissement prévu dans la banque cible et le prix d’achat de [2-20] millions d’euros, les candidats acquéreurs n’auraient disposé que de 37 millions d’euros susceptibles d’être utilisés comme investissement supplémentaire dans la banque cible. Même si PH était prêt à liquider tous ses actifs, il n’aurait pas disposé des fonds suffisants pour couvrir les besoins en capital de la banque cible.

106    Les requérants estiment que les estimations des besoins en fonds propres corrigées par l’administration au point 2.16 de la décision attaquée ne sont pas compréhensibles. Tant la base juridique que le calcul lui-même seraient ambigus, de sorte que le montant de l’exigence de fonds propres serait incompréhensible.

107    Toutefois, aux points 2.19 et 2.20 de la décision attaquée, auxquels le point 2.16 de cette décision renvoie, la BCE a indiqué que les candidats acquéreurs avaient sous-estimé de manière significative les actifs pondérés en fonction des risques résultant du modèle économique envisagé, étant donné que ces actifs n’étaient pas calculés selon les exigences de calcul du risque opérationnel et de crédit prévues par l’approche standardisée du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1), tel que modifié par le règlement délégué (UE) 2015/62 de la Commission, du 10 octobre 2014 (JO 2015, L 11, p. 37).

108    Par ailleurs, dans la réponse aux observations, s’agissant de l’observation relative au point 2.16 de la décision attaquée, la BCE a indiqué que l’exigence élevée de capital provenait du modèle économique qui contenait des actifs exigeant une pondération de risque de 1 250 % et que, dans le plan d’affaires, les candidats acquéreurs avaient appliqué une pondération de risque de 100 % pour les prêts syndiqués en faisant référence à l’article 124, paragraphe 1, du règlement no 575/2013, alors que cet article se réfère aux expositions garanties par des hypothèques immobilières, mais pas par des titrisations.

109    En outre, aux pages 29 et 30 de sa proposition, s’agissant de la capacité financière du candidat acquéreur, la BaFin a indiqué que, en raison du manque de transparence des hypothèses sous-jacentes pour le scénario de base et du calcul erroné pour le montant de l’exposition au risque, elle avait effectué une analyse prudentielle du scénario de base. Elle a présenté, dans un tableau, les besoins en capital résultant de son analyse et indiqué que le montant important de l’exposition au risque provenait du produit de base de la banque cible, à savoir la tranche junior de prêts immobiliers structurés qui, en raison de leur nature, entraînaient des actifs pondérés élevés pour le risque de crédit. S’agissant du scénario de base, à la page 46 de sa proposition, la BaFin a indiqué que, selon son analyse, pour le portefeuille de prêts structurés, elle avait pris en compte les dispositions prévues pour les titrisations et que l’article 153, paragraphe 8, du règlement no 575/2013 prévoyait une pondération de risque de 1 250 % pour toutes les titrisations qui ne peuvent pas utiliser un modèle interne. Elle a inséré un tableau comportant le montant des actifs pondérés pour le risque de crédit.

110    Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les estimations financières des besoins en fonds propres corrigées par l’administration ne sont pas compréhensibles.

111    Le moyen doit donc être écarté.

2.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 6, du KWG en ce qui concerne la solidité financière du candidat acquéreur

112    Ainsi qu’il a déjà été dit, aux points 2.14 à 2.18 de la décision attaquée, la BCE a estimé que, selon l’appréciation de la BaFin et sa propre appréciation, les candidats acquéreurs ne remplissaient pas le critère de solidité financière. En particulier, dans le plan d’affaires, les candidats acquéreurs auraient sous-estimé le capital nécessaire à la mise en œuvre de l’acquisition envisagée. Les estimations des besoins en fonds propres corrigées par l’administration auraient conduit à un déficit de capital total de 209 millions d’euros au cours de la troisième année suivant l’acquisition. PH n’aurait donc pas disposé de fonds suffisants pour couvrir les besoins en capital de la banque cible.

113    Les requérants soutiennent que la BCE a méconnu l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 6, du KWG. Premièrement, il conviendrait de retenir une interprétation restrictive du motif d’opposition relatif à la solidité financière du candidat acquéreur. Deuxièmement, la BCE aurait ignoré que PH a financé l’investissement exclusivement au moyen de fonds propres. Troisièmement, le plan d’affaires aurait démontré comment les exigences de capital de la banque cible seraient satisfaites. Quatrièmement, l’addendum n’aurait pas contredit le plan d’affaires initial. Cinquièmement, la BCE aurait dû tenir compte du fait que, si un candidat acquéreur ne peut pas garantir que des fonds seront injectés ultérieurement, cela peut être compensé par une augmentation de capital.

114    La BCE, soutenue par la Commission, conteste l’argumentation des requérants.

115    À titre liminaire, il importe de relever que la décision litigieuse est un acte relatif à la surveillance prudentielle d’un établissement de crédit adopté par la BCE, qui dispose d’une large marge d’appréciation à cet égard, dès lors que, ainsi que l’énonce le considérant 55 du règlement no 1024/2013, les missions de surveillance confiées à la BCE donnent à celle-ci des responsabilités importantes quant au maintien de la stabilité financière de l’Union et à l’utilisation la plus efficace et proportionnée possible de ses pouvoirs de surveillance (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, point 86).

116    La large marge d’appréciation de la BCE résulte aussi du fait que la décision litigieuse implique l’appréciation de faits et de circonstances économiques et financières complexes (voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 2022, Commission/Valencia Club de Fútbol, C‑211/20 P, EU:C:2022:862, point 34, et du 22 juin 2023, Allemagne et Estonie/Pharma Mar et Commission, C‑6/21 P et C‑16/21 P, EU:C:2023:502, point 52).

117    Dans ces conditions, le contrôle juridictionnel que le juge de l’Union doit exercer sur le bien-fondé des motifs d’une décision telle que la décision litigieuse ne doit pas le conduire à substituer sa propre appréciation à celle de la BCE, mais vise à vérifier que cette décision ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu’elle n’est pas entachée d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 2 septembre 2021, EPSU/Commission, C‑928/19 P, EU:C:2021:656, point 96, et du 4 mai 2023, BCE/Crédit lyonnais, C‑389/21 P, EU:C:2023:368, point 55).

118    Le juge de l’Union doit notamment vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 4 mai 2023, BCE/Crédit lyonnais, C‑389/21 P, EU:C:2023:368, point 56).

119    En premier lieu, les requérants font valoir que le motif d’opposition relatif à la solidité financière des candidats acquéreurs ne trouve pas d’équivalent à l’article 33 du KWG, relatif à l’agrément des établissements de crédit. Cela impliquerait une interprétation restrictive de ce motif d’opposition, puisque, si un actionnaire n’est pas tenu de prouver, au moment de l’agrément d’un établissement de crédit, qu’il disposera de fonds pour des mesures de capital ultérieures, cela ne saurait être exigé de l’acquéreur d’une participation qualifiée que dans des cas exceptionnels.

120    L’article 23, paragraphe 1, sous c), de la directive 2013/36 dispose que le caractère approprié du candidat acquéreur et la solidité financière de l’acquisition envisagée sont évalués conformément à la solidité financière du candidat acquéreur, compte tenu notamment du type d’activités exercées et envisagées au sein de l’établissement de crédit visé par l’acquisition envisagée.

121    L’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 6, du KWG dispose que l’autorité de contrôle peut s’opposer au projet d’acquisition ou d’augmentation de la participation importante au cours de la période d’évaluation si des faits connus permettent de supposer que la personne soumise à l’obligation de notification ne dispose pas de la solidité financière requise. Il dispose également que c’est notamment le cas si, en raison de ses fonds propres ou de sa situation patrimoniale, la personne tenue de procéder à la notification n’est pas en mesure de remplir les exigences particulières prévues par la loi en matière de fonds propres et de liquidités d’un établissement.

122    Le point 8.4, troisième phrase, des orientations communes relatives à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans des entités du secteur financier, adoptées par l’Autorité bancaire européenne (ABE), l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) et l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), publiées le 20 décembre 2016 (ci‑après les « orientations communes ») indique, au demeurant, que, si un candidat acquéreur prend le contrôle de l’entreprise cible, l’évaluation de la solidité financière du candidat acquéreur devrait également porter sur la capacité du candidat acquéreur à fournir davantage de capitaux à l’entreprise cible sur le moyen terme, si nécessaire, et sur ses intentions déclarées quant à savoir s’il lui fournirait ces capitaux.

123    Le point 12.1 des orientations communes indique que la solidité financière du candidat acquéreur devrait s’entendre de la capacité de ce dernier à financer l’acquisition envisagée et à maintenir, dans un avenir prévisible, une structure financière solide concernant ce candidat et l’entreprise cible.

124    Le point 12.2 des orientations communes indique que l’autorité responsable de la surveillance de la banque cible devrait déterminer si le candidat acquéreur est suffisamment solide sur le plan financier afin de garantir une gestion saine et prudente de l’entreprise cible dans un avenir prévisible (généralement trois ans), compte tenu de la nature du candidat acquéreur et de l’acquisition.

125    L’argumentation des requérants selon laquelle le critère de solidité financière des candidats acquéreurs doit être interprété de manière restrictive repose sur la prémisse selon laquelle ce critère ne trouve pas d’équivalent à l’article 33 du KWG, relatif à l’agrément des établissements de crédit.

126    Or, l’article 33, paragraphe 1, première phrase, point 3, du KWG, qui transpose l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2013/36, dispose que l’agrément bancaire est refusé si le futur détenteur d’une participation qualifiée ne satisfait pas, notamment, aux critères énoncés à l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, points 1 à 6, du KWG, relatifs à l’acquisition d’une participation qualifiée.

127    En outre, dans la mesure où les requérants font valoir que les candidats acquéreurs ne doivent pas être tenus de prouver au moment de l’autorisation d’acquisition d’une participation qualifiée qu’ils disposeront de fonds pour des mesures de capital ultérieures, il convient de souligner que, ainsi qu’il ressort des termes de l’article 23, paragraphe 1, sous c), de la directive 2013/36, lesquels mentionnent le type d’activités exercées « et envisagées » et, au demeurant, des points 8.4, 12.1 et 12.2 des orientations communes, rappelées aux points 122 à 124 ci-dessus, l’évaluation de la solidité financière des candidats acquéreurs comporte une dimension prospective, en ce qu’elle examine leur capacité future à fournir des capitaux à l’entreprise cible. Cette interprétation est corroborée par le fait que l’article 23, paragraphe 1, sous d), de la directive 2013/36 mentionne expressément la capacité de l’établissement de crédit de respecter et de « continuer à respecter » les exigences prudentielles.

128    L’argumentation des requérants relative à l’interprétation du critère de solidité financière doit donc être écartée.

129    En deuxième lieu, les requérants font valoir que la BCE a ignoré à tort que PH s’est conformé à la demande de la BaFin et a financé l’acquisition envisagée exclusivement au moyen de fonds propres. La BaFin aurait refusé que la participation dans un fonds que PH gérait puisse être prise en compte pour financer l’acquisition envisagée. PH aurait dû liquider ladite participation pour apporter la preuve de son capital à la BaFin et aurait été privé de bénéfices.

130    Toutefois, les requérants n’étayent pas leur affirmation selon laquelle la BaFin a demandé à PH que l’acquisition soit financée au moyen de fonds propres et a refusé que sa participation dans un fonds soit prise en compte. Ils ne renvoient à aucune pièce et n’indiquent pas dans quelles circonstances, notamment temporelles, un tel refus aurait eu lieu.

131    L’argumentation des requérants relative au financement de l’acquisition envisagée au moyen de fonds propres doit donc être écartée.

132    En troisième lieu, les requérants soutiennent que le plan d’affaires et les informations additionnelles communiquées le 1er février 2022 démontraient comment les exigences de capital seraient satisfaites à l’avenir. Les estimations des besoins en fonds propres corrigées par l’administration seraient erronées. Le plan d’affaires ne prévoirait aucune opération de titrisation avec un grand portefeuille, mais plutôt des prêts individuels. Dans la réplique, les requérants font valoir que la BaFin a confondu syndication d’un prêt et titrisation.

133    La BCE fait valoir que, selon l’article 92 du règlement no 575/2013, les ratios de fonds propres utilisés pour déterminer si une banque respecte les exigences de fonds propres reposent sur le montant total d’exposition au risque de cette banque, qui est lui-même la somme de plusieurs éléments, incluant les montants d’exposition pondérés ou « actifs pondérés en fonction des risques » pour le risque de crédit. Pour étayer leurs projections de besoins en fonds propres de la banque cible et démontrer leur solidité financière, les candidats acquéreurs auraient dû fournir les projections de fonds propres, mais aussi les projections des actifs pondérés en fonction des risques pour le risque de crédit. Étant donné que la banque cible utilisait une approche standard pour déterminer le montant de ses actifs pondérés en fonction des risques, la pondération du risque appliquée à une exposition donnée dépendait, en vertu des articles 112 et 113 du règlement no 575/2013, de sa classification appropriée dans l’une des catégories d’expositions, puis de l’application correcte des dispositions de ce règlement relatives à la pondération du risque. Les candidats acquéreurs auraient dû fournir une ventilation des actifs pondérés en fonction des risques pour le risque de crédit, en expliquant l’hypothèse sous-jacente, c’est-à-dire comment ils avaient classé les expositions de crédit individuelles selon les différentes catégories d’exposition énumérées dans le règlement no 575/2013, et la pondération du risque appliquée à ces catégories d’expositions. Les éléments transmis par les candidats acquéreurs le 28 février 2022 auraient montré que les candidats acquéreurs avaient appliqué aux tranches de titrisation conservées figurant dans le modèle économique de la banque cible une pondération du risque qui n’était pas applicable aux éléments représentatifs de positions de titrisation. L’article 254 du règlement no 575/2013 définirait une hiérarchie des méthodes à appliquer pour calculer les actifs pondérés en fonction des risques pour les positions de titrisation. Dans la mesure où les candidats acquéreurs n’ont pas fourni d’informations permettant l’application, s’agissant des positions de titrisation conservées, d’une autre méthode de calcul des actifs pondérés en fonction des risques parmi celles énumérées à l’article 254 du règlement no 575/2013, la BCE ne pouvait appliquer à ces expositions qu’une pondération du risque de 1 250 % au titre de l’article 254, paragraphe 7, du règlement no 575/2013.

134    Il convient d’examiner si, comme les requérants le soutiennent en substance, la BCE a commis une erreur en considérant que les tranches subordonnées de prêts immobiliers prévues par le plan d’affaires étaient constitutives de positions de titrisation.

135    Le plan d’affaires initial expose, aux pages 45 à 47, la structure envisagée par les candidats acquéreurs en ce qui concerne l’activité de prêts immobiliers. Il mentionne que la banque cible accordera un crédit hypothécaire à l’emprunteur pour financer l’achat de propriétés. Seule la tranche junior de la dette (subordonnée et garantie par une hypothèque de second rang) resterait au bilan de la banque cible. La tranche senior de la dette (sécurisée par une hypothèque de premier rang) serait vendue à un « véhicule ad hoc » (Special Purpose Vehicle, SPV) par le biais d’un contrat de cession. Ce SPV émettrait des certificats de dette, sous la forme de prêts sur reconnaissance de dettes (Schuldscheindarlehen), qui seraient achetés par des investisseurs.

136    En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/2402 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2017, créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu’un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées, et modifiant les directives 2009/65/CE, 2009/138/CE et 2011/61/UE et les règlements (CE) no 1060/2009 et (UE) no 648/2012 (JO 2017, L 347, p. 35), la titrisation est une opération par laquelle, ou un dispositif par lequel, le risque de crédit associé à une exposition ou à un panier d’expositions est subdivisé en tranches, et qui présente l’ensemble des caractéristiques suivantes : a) les paiements effectués dans le cadre de l’opération ou du dispositif dépendent de la performance de l’exposition ou du panier d’expositions ; b) la subordination des tranches détermine la répartition des pertes pendant la durée d’existence de l’opération ou du dispositif ; c) la transaction ou le dispositif ne crée pas d’expositions qui présentent toutes les caractéristiques énumérées à l’article 147, paragraphe 8, du règlement no 575/2013.

137    En vertu de l’article 2, paragraphe 2, du règlement 2017/2402, une « entité de titrisation » (Securitisation Special Purpose Entity, SSPE) est une entreprise, une fiducie ou autre entité, autre qu’un initiateur ou un sponsor, qui est créée dans le but de réaliser une ou plusieurs titrisations, dont les activités sont limitées à celles appropriées pour la réalisation de cet objectif et dont la structure vise à isoler les obligations de la SSPE de celles de l’initiateur.

138    En vertu de l’article 2, paragraphe 3, du règlement 2017/2402, l’initiateur est une entité qui, elle-même ou par l’intermédiaire d’entités liées, a pris part directement ou indirectement à l’accord d’origine qui a donné naissance aux obligations ou obligations potentielles du débiteur ou du débiteur potentiel donnant lieu à l’exposition titrisée ou qui achète les expositions d’un tiers pour son propre compte et les titrise ensuite.

139    La BCE indique, dans la duplique, qu’elle a qualifié de positions de titrisation les tranches de second rang des prêts immobiliers accordés par la banque cible que les candidats acquéreurs envisageaient de conserver dans le bilan de cette dernière. La description de la structure envisagée par les candidats acquéreurs emploierait une terminologie caractéristique de la titrisation et présenterait les caractéristiques énoncées dans la définition rappelée au point 136 ci-dessus. En particulier, cette description mentionnerait la subdivision en tranches de l’exposition sous-jacente (c’est-à-dire les prêts immobiliers), la subordination entre les tranches et le lien avec la performance de l’exposition sous-jacente. La mention dans les critères de prêt qualitatifs à la page 47 du plan d’affaires initial de « flux de trésorerie existants, de revenus stables et prévisibles » renverrait à la condition relative au lien avec la performance de l’exposition sous-jacente. La BCE considère que le plan d’affaires envisage l’intervention d’une entité ad hoc (c’est-à-dire autre que l’initiateur, à savoir la banque cible), qui achète l’exposition et émet des titres de créances destinés à être cédés à des investisseurs, et renvoie à cet égard à la définition de l’entité de titrisation rappelée au point 137 ci-dessus. Elle estime également que l’utilisation du terme « syndication » dans le plan d’affaires ne permettait pas de conclure que l’opération n’était pas une titrisation, étant donné que des opérations de syndication et de titrisation ne sont pas exclusives l’une de l’autre, le risque de crédit associé aux expositions des participants à un syndicat pouvant faire l’objet d’une titrisation.

140    S’agissant des arguments des requérants, premièrement, ils n’allèguent pas que la structure envisagée par les candidats acquéreurs en ce qui concerne le refinancement des prêts syndiqués ne présenterait pas l’une des caractéristiques d’une opération de titrisation mentionnées à l’article 2, paragraphe 1, sous a), b) ou c), du règlement 2017/2402.

141    Deuxièmement, les requérants affirment que le modèle économique de prêts syndiqués envisagé dans le plan d’affaires initial fait partie du plan d’affaires de la banque cible depuis des années.

142    Toutefois, cette affirmation est contredite, ainsi que le fait valoir la BCE, par les réponses aux questions du 10 juillet 2020, dans lesquelles les candidats acquéreurs ont déclaré que le SPV n’avait pas encore été établi, étant donné que la banque cible n’avait pas l’autorisation requise pour lancer son activité hypothécaire.

143    Troisièmement, il est exact que, comme les requérants l’indiquent, le plan d’affaires initial, à la page 42, ne mentionne pas que des opérations de titrisation sont envisagées et indique ce qui suit : « les termes Schuldscheindarlehen (SSD), Schuldschein, reconnaissances de dettes et billets à ordre sont utilisés comme synonymes » et « [i]l est important de noter qu’il ne s’agit ni d’un titre ni d’une obligation, mais plutôt d’un contrat de crédit bilatéral ».

144    Toutefois, il convient de constater que, avant la réplique, certaines déclarations des candidats acquéreurs et des requérants tendaient en revanche à démontrer que l’activité de prêts immobiliers envisagée impliquait des opérations de titrisation. L’addendum souligne, à la page 18, le succès récent des activités de titrisation d’un partenaire commercial de la banque cible sur le marché néerlandais et indique, à la page 55, que la titrisation est un domaine dans lequel le personnel de la banque cible doit disposer d’une expertise. Dans la requête, les requérants utilisent expressément le terme « titriser » pour qualifier l’opération envisagée consistant à « transformer » les prêts immobiliers de la banque cible en placement de type « prêts sur reconnaissance de dettes » (Schuldscheindarlehen). S’ils font également valoir, dans la requête, qu’aucune opération de titrisation « avec un grand portefeuille » n’est prévue, ils n’indiquent pas que le plan d’affaires exclut des opérations de titrisation avec un portefeuille de taille réduite.

145    Quatrièmement, les requérants font valoir que le plan d’affaires ne mentionne pas la mise en commun ou le regroupement d’un portefeuille de prêts, alors que, selon la deuxième phrase du premier considérant du règlement 2017/2402, « [l]e prêteur regroupe et reconditionne un portefeuille de prêts, qu’il organise en différentes catégories de risques adaptées à différents investisseurs, ce qui permet à ces derniers d’investir dans des prêts et d’autres expositions auxquels ils n’auraient normalement pas directement accès ».

146    Toutefois, ainsi que le fait valoir la BCE, la définition de la titrisation, rappelée au point 136 ci-dessus, n’indique pas qu’une opération de titrisation implique nécessairement le regroupement ou le reconditionnement d’expositions sous-jacentes. Elle se réfère au risque de crédit associé à « une » exposition ou un panier d’expositions. Le considérant 6 du règlement 2017/2402 indique d’ailleurs qu’il est nécessaire de disposer d’une définition claire et large de la titrisation englobant toutes les opérations ou tous les dispositifs qui permettent de subdiviser en tranches le risque de crédit associé à « une » exposition ou à un panier d’expositions.

147    Cinquièmement, les requérants indiquent que le plan d’affaires initial, à la page 46, prévoit que la banque cible servira les intérêts de l’investisseur dans les prêts sur reconnaissance de dettes (Schuldscheindarlehen). Ils estiment que, dans une opération de titrisation, le gestionnaire est nécessairement mandaté par le SPV pour assurer la gestion courante et le recouvrement des créances. En outre, une telle opération nécessiterait un fiduciaire ou un agent payeur qui transmet les paiements de capital à l’investisseur.

148    Néanmoins, ainsi que le fait valoir la BCE, la définition de la titrisation, rappelée au point 136 ci-dessus, ne prévoit pas l’intervention d’un mandataire ou d’un agent payeur comme étant une caractéristique essentielle d’une telle opération. De même, les requérants n’exposent pas pour quelle raison l’initiateur d’une opération de titrisation ne pourrait pas assurer la gestion de prêts immobiliers titrisés.

149    Sixièmement, les requérants font valoir que la décision de la BCE de requalifier l’activité de syndication de prêts en opération de titrisation a été prise par la BCE « à la dernière minute » et à la surprise, notamment, du personnel de la banque cible.

150    Il convient de constater que le projet de décision attaquée (en particulier le point 2.26), communiqué aux candidats acquéreurs le 15 février 2022, fait référence au « processus de titrisation ». Par ailleurs, avant de soumettre leurs observations sur le projet de décision attaquée, les candidats acquéreurs ont eu accès à la proposition de la BaFin, qui indique, à la page 46, que cette dernière a tenu compte des dispositions relatives aux titrisations en ce qui concerne le portefeuille de prêts structurés.

151    En outre, la BCE expose que, pour étayer leurs projections des besoins en fonds propres de la banque cible et démontrer leur solidité financière, les candidats acquéreurs devaient fournir leurs projections des actifs pondérés en fonction des risques pour le risque de crédit, en expliquant comment ils avaient classé les expositions de crédit individuelles selon les différentes catégories d’expositions énumérées dans le règlement no 575/2013 et en précisant la pondération du risque appliquée à ces catégories d’expositions par ce règlement. Elle indique que les notifications initiales de l’acquisition envisagée d’avril et de juillet 2020 ne contenaient pas ces informations, que la BaFin a notifié cette lacune aux candidats acquéreurs le 19 juin 2020, puis leur a demandé à quatre reprises (les 25 août et 14 septembre 2020, 17 novembre 2021 et 5 janvier 2022) de fournir les informations manquantes. Elle ajoute que les candidats acquéreurs n’ont transmis les projections des actifs pondérés en fonction des risques pour le risque de crédit et le risque opérationnel que le 1er février 2022 et que les informations pour étayer ces projections, notamment la manière dont ils avaient classé les expositions individuelles dans les différentes catégories d’expositions et la pondération de risques appliquée à chaque catégorie d’expositions, n’ont été communiquées par les candidats acquéreurs que le 28 février 2022. Les requérants ne le contestent pas.

152    Dans ces conditions, il convient de considérer que le temps mis par la BCE pour communiquer aux candidats acquéreurs son évaluation de la méthode de calcul des actifs pondérés en fonction des risques en ce qui concerne l’activité de prêts immobiliers peut s’expliquer par le temps mis par les candidats acquéreurs eux-mêmes pour transmettre les informations relatives à leurs projections de fonds propres.

153    Ainsi, la BCE n’a pas commis d’erreur en considérant que les tranches subordonnées de prêts immobiliers prévues par le plan d’affaires étaient constitutives de positions de titrisation.

154    Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le plan d’affaires démontre comment les exigences de capital de la banque cible sont satisfaites et que les estimations des besoins en fonds propres corrigées par l’administration sont erronées.

155    En quatrième lieu, les requérants font valoir que l’addendum n’était qu’un complément au plan d’affaires initial. Il serait donc incompréhensible que la BaFin ait vu une contradiction entre le plan d’affaires initial et l’addendum.

156    À cet égard, il convient de considérer, ainsi que le fait valoir la BCE sans être contredite, que les motifs de la décision attaquée relatifs à la solidité financière des candidats acquéreurs ne sont pas fondés sur la contradiction entre le plan d’affaires et l’addendum. Par suite, l’argument des requérants doit être écarté comme dépourvu de pertinence.

157    En cinquième lieu, les requérants font valoir que la BCE aurait dû tenir compte du fait que, dans le cas où un candidat acquéreur ne peut pas garantir que des fonds seront injectés ultérieurement, cela peut être compensé par une augmentation de capital de l’établissement de crédit concerné.

158    À cet égard, étant donné que les candidats acquéreurs n’ont pas communiqué, dans la notification de l’acquisition envisagée et avant l’adoption de la décision attaquée, les informations utiles relatives à leur intention éventuelle de couvrir les besoins en fonds propres de la banque cible par une augmentation de capital, ce qu’ils ne contestent pas, c’est à bon droit que la BCE indique que ces derniers ne sont pas fondés à soutenir qu’elle aurait dû tenir compte d’une telle possibilité pour apprécier leur solidité financière.

159    Le moyen doit donc être écarté.

3.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 2, du KWG en ce qui concerne le respect des exigences prudentielles

160    Aux points 2.19 et suivants de la décision attaquée, la BCE a considéré que la banque cible, en raison de l’acquisition envisagée, pourrait ne pas être en position de satisfaire aux exigences prudentielles, en raison, d’une part, de la sous-estimation des actifs pondérés en fonction des risques et, d’autre part, de l’absence d’une organisation appropriée conformément à l’article 25a, paragraphe 1, du KWG.

161    Les requérants soutiennent que la BCE a violé l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 2, du KWG. Ils contestent l’appréciation de la BCE tant en ce qui concerne la sous-estimation des actifs pondérés en fonction des risques qu’en ce qui concerne l’absence d’organisation appropriée de la banque cible.

162    La BCE, soutenue par la Commission, conteste cette argumentation.

a)      Sur l’estimation des actifs pondérés en fonction des risques

163    Aux points 2.20 et 2.21 de la décision attaquée, la BCE a relevé que les candidats acquéreurs avaient considérablement sous-estimé les actifs pondérés en fonction des risques résultant du modèle économique envisagé. Par conséquent, la banque cible n’aurait pas respecté ses exigences prudentielles en matière de fonds propres au cours des trois années évaluées.

164    Les requérants font valoir que les nouvelles estimations d’actifs pondérés en fonction des risques mentionnés au point 2.20 de la décision attaquée ne sont pas mathématiquement compréhensibles et sont manifestement inexactes. Par suite, la BCE aurait considéré à tort que les candidats acquéreurs ne disposaient pas de moyens financiers suffisants pour éviter une violation des règles en matière de fonds propres.

165    Toutefois, ainsi qu’il a été dit en substance aux points 110 et 154 ci-dessus, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les estimations des actifs pondérés en fonction des risques corrigées par l’administration ne sont pas compréhensibles et sont erronées.

166    Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les candidats acquéreurs disposaient de moyens financiers suffisants pour éviter une violation des règles en matière de fonds propres.

b)      Sur l’organisation commerciale de la banque cible

167    Aux points 2.22 et suivants de la décision attaquée, la BCE a considéré que, puisque la banque cible n’était plus autorisée à exercer d’activité bancaire, elle ne disposait plus d’une organisation appropriée pour la reprise de ses activités commerciales. Les candidats acquéreurs n’auraient pas fourni de plan visant à établir une organisation commerciale adaptée au démarrage des activités commerciales conforme à l’article 25a, paragraphe 1, du KWG. En vertu de cette disposition, une organisation commerciale appropriée devrait comprendre, notamment, la définition d’une stratégie, des processus permettant de déterminer et d’assurer la capacité à supporter les risques, des procédures de contrôle interne, un personnel adéquat et des ressources techniques et organisationnelles. Des lacunes auraient été identifiées en ce qui concerne les exigences de l’article 25a, paragraphe 1, du KWG, en ce qui concerne ces quatre éléments et en ce qui concerne l’externalisation des activités.

1)      Sur la définition d’une stratégie

168    Au point 2.26 de la décision attaquée, la BCE a considéré que la stratégie commerciale des candidats acquéreurs n’était pas compréhensible et indiquait une forte dépendance du développement commercial proposé à l’égard de PH, ce qui aurait suscité des doutes quant à la viabilité et à la durabilité du modèle économique. Un calendrier clair comportant les étapes détaillées pour exécuter la stratégie n’aurait pas été fourni. Des éléments cruciaux concernant la mise en place des lignes d’activité seraient restés flous, notamment en ce qui concerne la structure organisationnelle du SPV, le processus de titrisation et l’établissement du bureau de représentation à Hong Kong. La stratégie aurait contenu un plan trop optimiste sur le développement commercial et la rentabilité, qui aurait manqué de justification pour y parvenir. Les hypothèses de planification concernant le développement commercial et la rentabilité auraient été trop optimistes et soumises à de fortes incertitudes.

169    Aux pages 51 à 53 de sa proposition, la BaFin a indiqué que, conformément à l’article 25a, paragraphe 1, troisième phrase, point 1, du KWG, lu conjointement avec le point AT 4.2 de la circulaire 10/2021 de la BaFin relative aux exigences minimales en matière de gestion des risques (MaRisk), dans la version du 16 août 2021 (ci-après la « circulaire MaRisk »), le conseil d’administration d’un établissement de crédit définit une stratégie commerciale durable décrivant les objectifs de l’établissement pour chaque activité commerciale importante et les mesures à prendre pour atteindre ces objectifs. Il définirait une stratégie de risques cohérente avec la stratégie de l’entreprise. La stratégie commerciale des candidats acquéreurs pour le financement immobilier comprendrait une description des conditions générales du marché des prêts immobiliers en Allemagne et aux Pays-Bas et mentionnerait des hypothèses, mais ne fournirait aucune transition cohérente entre les conditions de marché et ces hypothèses. La stratégie commerciale pour les activités de dépôt s’appuierait sur des hypothèses incompréhensibles. La stratégie commerciale pour les services bancaires aux entreprises et le financement du commerce reposerait sur des hypothèses de taux et de frais non expliquées. La stratégie commerciale pour les services de conciergerie prévoirait des synergies substantielles avec d’autres départements, mais l’existence et l’ampleur de ces effets de synergie resteraient à déterminer. Les niveaux d’appétit pour le risque en ce qui concerne tous les risques importants n’auraient pas été fournis. Ainsi, les stratégies commerciales pour les différents segments d’activités ne seraient pas adéquates et la stratégie de risques n’irait pas au-delà d’une description superficielle.

170    En premier lieu, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la considération énoncée dans la décision attaquée selon laquelle, d’une part, la stratégie commerciale n’est pas compréhensible, et, d’autre part, il existe une forte dépendance du développement commercial à l’égard de PH, n’est ni claire ni étayée.

171    En effet, la BCE a expliqué, au point 2.12 de la décision attaquée, dont le contenu est rappelé au point 99 ci-dessus, que les attentes importantes des candidats acquéreurs dans tous les segments d’entreprise étaient fondées sur des hypothèses qui ne pouvaient pas être suivies. En particulier, les hypothèses de tarification pour les dépôts en USD appliquant des tarifs défavorables par rapport à ce que le marché offrait soulèveraient la question de savoir comment une telle tarification attirerait de nouveaux clients. En outre, la proposition de la BaFin, dont le contenu a été en partie rappelé au point 169 ci-dessus, comportait des précisions à cet égard.

172    Par ailleurs, il ressort également du point 2.12 de la décision attaquée que les attentes de croissance en termes d’acquisition de clients reposent uniquement sur le réseau de A et de PH. À cet égard, le plan d’affaires initial indique, aux pages 6, 8, 9, 24, 27, 29, 64 et 77, que les clients de la banque cible devaient être acquis grâce, en particulier, au réseau de clients asiatiques de PH et A. L’addendum souligne, aux pages 7, 8, 9, 21 et 29, l’importance du réseau de clients asiatiques de PH.

173    L’argumentation des requérants doit donc être écartée.

174    En deuxième lieu, les requérants estiment que les plans stratégiques de la direction, par exemple les projets d’acquisition, de cession, d’externalisation ou d’entrée dans de nouveaux domaines d’activité, ne doivent pas être inclus dans la stratégie d’entreprise. La présentation d’un calendrier de mise en œuvre de la stratégie ne serait pas obligatoire et, en tout état de cause, un tel calendrier aurait été présenté dans le plan d’affaires et l’addendum.

175    Selon l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 2, du KWG, qui transpose l’article 23, paragraphe 1, sous d), de la directive 2013/36, l’autorité de surveillance peut interdire l’acquisition envisagée d’une participation qualifiée si les faits justifient l’hypothèse selon laquelle l’établissement ne respectera pas ou ne pourra pas respecter les exigences en matière de surveillance, notamment la directive 2013/36 et le règlement no 575/2013.

176    L’article 25a, paragraphe 1, du KWG, qui transpose l’article 74 de la directive 2013/36, dispose :

« Un établissement doit disposer d’une organisation commerciale appropriée qui garantit le respect des dispositions légales à respecter par l’établissement et des exigences de l’activité. Les dirigeants sont responsables de l’organisation commerciale appropriée de l’établissement ; ils doivent prendre les mesures nécessaires à l’élaboration des directives internes correspondantes, sauf décision de l’organe d’administration ou de surveillance. Une organisation commerciale appropriée doit notamment inclure une gestion des risques appropriée et efficace, sur la base de laquelle un établissement doit garantir en permanence sa capacité à supporter des risques ; la gestion des risques comprend notamment :

1. la définition de stratégies, notamment la définition d’une stratégie d’affaires visant le développement durable de l’établissement et d’une stratégie de risque cohérente avec celle-ci, ainsi que l’établissement de processus de planification, de mise en œuvre, d’évaluation et d’ajustement des stratégies ; […] »

177    En vertu de l’article 15, paragraphe 1, de l’Inhaberkontrollverordnung (règlement sur les participations qualifiées), du 20 mars 2009 (BGBl, 2009 I, p. 562 ; 688), tel que modifié par le règlement du 6 novembre 2015 (BGBl, 2015 I, p. 1947) (ci-après le « règlement InhKontrollV »), si la personne tenue à la notification obtient le contrôle de l’entité cible par l’acquisition de la participation qualifiée, le plan d’affaires doit mentionner des informations utiles sur l’évolution stratégique projetée et sur l’évolution projetée de la situation patrimoniale, de la situation financière, de la situation des bénéfices ainsi que des impacts sur la structure sociale et organisationnelle de l’entité cible. Il s’agit notamment de toute réorientation éventuelle des activités commerciales. Les informations relatives aux conséquences sur la structure sociale et organisationnelle de l’entité cible comprennent, notamment, les effets sur les principes d’externalisation des activités et des processus commerciaux vers d’autres entités ou personnes.

178    Compte tenu des termes de l’article 15, paragraphe 1, du règlement InhKontrollV, rappelés au point 177 ci-dessus, l’argument des requérants selon lequel les plans stratégiques de la direction, par exemple les projets d’acquisition, de cession, d’externalisation ou d’entrée dans de nouveaux domaines d’activité, n’auraient pas à être inclus dans la stratégie d’entreprise doit être écarté.

179    Si l’article 15, paragraphe 1, du règlement InhKontrollV ne prévoit pas expressément que le plan d’affaires comporte un calendrier de mise en œuvre de l’évolution stratégique envisagée, il exige des informations « utiles » sur ladite évolution. Étant donné que ces informations doivent permettre aux autorités compétentes d’apprécier le respect des exigences prudentielles, notamment celles de l’article 25a, paragraphe 1, du KWG, y compris de manière prospective, c’est sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation que la BCE a considéré que les candidats acquéreurs devaient fournir des informations sur les échéances de mise en œuvre de l’évolution stratégique envisagée. À cet égard, la BCE souligne de manière pertinente qu’un calendrier contenant des étapes de mise en œuvre de la stratégie était nécessaire en l’espèce, étant donné que la banque cible était essentiellement inactive et que les candidats acquéreurs avaient l’intention d’étendre les activités de la banque cible à de nouveaux segments d’activité.

180    Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la BCE, en déclarant simplement que le plan d’affaires et son addendum présentaient un calendrier pour la mise en œuvre de la stratégie économique, sans renvoyer de manière suffisamment précise à une partie desdits documents, les requérants n’apportent pas la preuve que les candidats acquéreurs ont présenté un tel calendrier.

181    L’argumentation des requérants doit donc être écartée.

182    En troisième lieu, dans la réplique, sans indiquer à quel moyen de la requête leur argumentation se rattache, les requérants contestent l’évaluation de la BCE selon laquelle la stratégie commerciale pour les activités de dépôt repose sur des hypothèses incompréhensibles.

183    À supposer que cette argumentation se rattache au quatrième moyen, il convient de constater que, premièrement, à la page 52 de sa proposition, la BaFin a considéré que, en ce qui concerne les dépôts en euros, le plan d’affaires initial n’entrait pas dans les détails s’agissant des échéances. Les dépôts à long terme présentés dans ce plan se seraient écartés des dépôts à terme cumulés, ce qui aurait conduit la BaFin et la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale d’Allemagne) à conclure que, pour chaque catégorie de dépôts à terme, des échéances différentes avaient été fixées. En outre, un taux d’intérêt moyen général de 0,4 % aurait été envisagé quelle que soit l’échéance. Selon ledit plan, cela aurait garanti un taux attractif, car il aurait été égal ou supérieur au taux de dépôt des quinze meilleurs vendeurs. La BaFin et la Banque fédérale d’Allemagne n’auraient pas pu corroborer cette hypothèse, car seul le taux d’intérêt pour les dépôts quotidiens aurait été inférieur à ce taux d’intérêt général, mais celui pour les dépôts à terme aurait été supérieur.

184    Dans la réplique, les requérants font valoir que les taux d’intérêt sur les comptes libellés en euros de 0,4 % étaient très compétitifs par rapport à ceux proposés par les banques allemandes. Ils indiquent que, selon les réponses aux questions du 10 juillet 2020, aux pages 24 et 25, 250 banques allemandes auraient appliqué un taux d’intérêt négatif aux comptes courants et à court terme sur le marché monétaire, et des banques allemandes plus compétitives auraient versé en moyenne moins de 0,4 % d’intérêts sur les comptes courants et à court terme.

185    Toutefois, les explications des requérants ne précisent pas les échéances des dépôts en euros mentionnées dans le plan d’affaires initial. Étant donné que ces explications sont centrées sur les seuls comptes courants et à court terme, elles ne permettent pas d’expliquer de quelle manière le taux d’intérêt général de 0,4 % envisagé par les candidats acquéreurs aurait été attractif pour les autres catégories de dépôts à terme.

186    Deuxièmement, dans la réplique également, en ce qui concerne les dépôts en USD, les requérants font valoir qu’une rémunération des dépôts inférieure de 1,1 % à 1,3 % à la rémunération offerte sur les bons du trésor américains est attractive dans un environnement de marché normal, même si tel était moins le cas au cours de la période de la pandémie de COVID-19. Les candidats acquéreurs auraient exposé, dans les réponses aux questions du 10 juillet 2020, à la page 26, les raisons pour lesquelles les clients asiatiques étaient prêts à accepter de tels taux d’intérêt sur les comptes libellés en USD.

187    Toutefois, les explications des requérants selon lesquelles l’environnement de marché au cours de la période de la pandémie de COVID-19 rendait l’offre des candidats acquéreurs moins attractive ne remet pas en cause la considération énoncée au point 2.12 de la décision attaquée, selon laquelle les hypothèses de tarification pour les dépôts en USD envisagées par les candidats acquéreurs appliquaient des taux défavorables par rapport à ce qu’offrait alors le marché, de sorte que cela soulevait la question de savoir comment cette offre attirerait de nouveaux clients.

188    Troisièmement, les requérants font valoir que l’étude de marché fournie par les candidats acquéreurs était d’une qualité suffisante pour étayer leurs hypothèses de croissance. En effet, ils auraient fourni une liste de 1 500 noms de clients potentiels, les répondants à cette étude auraient déjà été en relation d’affaires avec PH et le taux de conversion estimé par les candidats acquéreurs aurait été prudent.

189    Toutefois, les explications des requérants ne sont pas suffisantes pour remettre en cause les éléments sur lesquels la BaFin s’est fondée, à la page 34 de sa proposition, pour conclure, dans l’exercice de sa large marge d’appréciation, que l’étude de marché présentait une qualité insuffisante, à savoir que, premièrement, cette étude avait été effectuée après l’établissement des hypothèses du plan d’affaires, de sorte qu’il existait un risque que la conception de l’enquête n’ait pas été examinée avec un résultat ouvert, deuxièmement, les documents ne montraient pas la répartition des réponses en ce qui concernait les questions relatives au prix, troisièmement, seuls les clients asiatiques avaient été pris en compte et, quatrièmement, les paramètres de l’enquête et du plan d’affaires n’étaient pas les mêmes.

190    L’argumentation des requérants doit donc être écartée.

191    En quatrième lieu, les requérants font valoir que la BCE a interféré avec leur liberté d’entreprise, garantie par l’article 16 de la Charte, et violé le point AT 4.2 de la circulaire MaRisk en affirmant que les hypothèses de planification pour le développement et la rentabilité de l’entreprise étaient trop optimistes et objet de grandes incertitudes.

192    Selon le point AT 4.2 de la circulaire MaRisk, le contenu de la stratégie commerciale relève uniquement de la responsabilité du conseil d’administration et n’est pas soumis à un examen dans le cadre des activités d’audit par les commissaires aux comptes annuels ou par la fonction d’audit interne. 

193    Toutefois, la considération énoncée dans la décision attaquée selon laquelle la stratégie des candidats acquéreurs contient un plan trop optimiste pour le développement et la rentabilité de l’entreprise repose sur le constat que les hypothèses qui sous-tendent cette stratégie ne sont pas compréhensibles.

194    Ce faisant, la BCE ne s’est pas substituée aux candidats acquéreurs pour définir le contenu de la stratégie commerciale, mais a examiné, en tenant compte des informations sur ladite stratégie fournies par les candidats acquéreurs, si les critères d’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit étaient remplis.

195    Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la BCE a méconnu l’article 16 de la Charte ni, en tout état de cause, le point AT 4.2 de la circulaire MaRisk.

196    L’argumentation des requérants relative à la stratégie économique envisagée doit donc être écartée.

2)      Sur les processus permettant de déterminer et de garantir la capacité à supporter les risques

197    Au point 2.27 de la décision attaquée, la BCE a considéré que les candidats acquéreurs n’avaient pas présenté d’informations sur l’ajustement nécessaire du processus permettant de déterminer et de garantir la capacité à supporter les risques pour répondre aux exigences plus complexes associées au redémarrage de nouvelles activités. Les actifs pondérés en fonction des risques et le ratio de levier présentés dans le plan d’affaires n’auraient pas été calculés conformément à la méthodologie requise par le règlement no 575/2013. En plus de témoigner d’un manque de connaissance du cadre réglementaire dans lequel la banque cible avait l’intention d’opérer, cela aurait soulevé des inquiétudes quant à l’adéquation desdits processus.

198    Aux pages 53 à 58 de sa proposition, la BaFin a estimé que, conformément à l’article 25a, paragraphe 1, troisième phrase, point 2, du KWG, qui transpose l’article 73 de la directive 2013/36, une bonne organisation d’entreprise nécessite des processus permettant de déterminer et de garantir, sur la base d’une détermination prudente des risques, la capacité à supporter les risques, les pertes potentielles résultant de scénarios de crise, y compris celles déterminées conformément au test de résistance prudentiel conformément à l’article 6b, paragraphe 3, du KWG, et le potentiel de couverture des risques disponible pour les couvrir. Elle a conclu que les risques présentés par les candidats acquéreurs n’avaient pas pris en compte les montants de risque spécifiques pour les expositions dans les prêts juniors syndiqués ainsi que la diminution du capital disponible qu’elle avait analysé. Le concept de prise en charge du risque proposé n’aurait été ni solide, ni complet, ni efficace. Les procédures et méthodes n’auraient pas été pleinement intégrées à la gestion des risques de la banque cible et à ses processus de prise de décision. Alors que les activités commerciales auraient été étendues, les exigences en matière d’efficacité de la gestion des risques auraient été accrues, les limites structurelles auraient dû être adaptées et le système de signalement aurait dû être revu. Or, les ajustements du concept en ce qui concerne la capacité à supporter les risques n’auraient été abordés que pour certaines activités.

199    Les requérants estiment que l’évaluation négative des processus de détermination et de garantie de la capacité à supporter les risques est erronée, étant donné qu’elle se fonde uniquement sur l’analyse incompréhensible et inexacte selon laquelle les actifs pondérés en fonction des risques déclarés et le ratio de levier n’ont pas été calculés correctement.

200    Dans la mesure où, ainsi qu’il a été dit aux points 110 et 154, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les estimations d’actifs pondérés en fonction des risques corrigées par l’administration sont incompréhensibles et erronées, l’argumentation des requérants doit être écartée.

3)      Sur le cadre de contrôle interne

201    Au point 2.28 de la décision attaquée, la BCE a estimé que les candidats acquéreurs ne prévoyaient pas d’ajuster le cadre de contrôle interne alors en place de la banque cible, même s’ils reconnaissaient que certaines activités (comme le financement du commerce) étaient soumises à des exigences élevées en matière de gestion des risques et de conformité. Par conséquent, les informations fournies auraient soulevé de sérieux doutes quant à l’adéquation du cadre de contrôle interne à la nature, à l’ampleur, à la complexité et au risque des activités commerciales.

202    Les requérants font valoir que les déclarations de la BCE selon lesquelles une adaptation du cadre de contrôle interne n’est pas prévue ne seraient pas compréhensibles. De plus, l’affirmation de la BCE serait inexacte.

203    En premier lieu, aux pages 60 et 61 de sa proposition, la BaFin a précisé que l’internalisation des processus d’audit interne et de conformité prévue par le plan d’affaires n’était pas assortie de précisions en termes d’échéances et de modalités et que les candidats acquéreurs n’avaient pas présenté d’orientation pour la mise à disposition des nouveaux produits à la clientèle (services bancaires aux entreprises et financement du commerce, ainsi que services de conciergerie). Elle a ajouté que la dernière soumission des candidats acquéreurs ne prévoyait aucun ajustement concernant le système de contrôle interne.

204    À la lumière des précisions figurant dans la proposition de la BaFin, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la considération énoncée dans la décision attaquée selon laquelle les candidats acquéreurs ne prévoient pas d’ajuster le cadre de contrôle interne n’est pas compréhensible.

205    En second lieu, en vertu de l’article 25a, paragraphe 1, troisième phrase, point 2, du KWG, qui transpose l’article 73 de la directive 2013/36, une bonne organisation de l’entreprise doit notamment inclure une gestion des risques appropriée et efficace, sur la base de laquelle un établissement doit garantir en permanence sa capacité à supporter des risques. La gestion des risques comprend notamment la mise en place de procédures de contrôle interne avec un système de contrôle interne et un audit interne, dans lequel le système de contrôle interne comporte, notamment, premièrement, des règles structurelles et procédurales avec une démarcation claire des domaines de responsabilité, deuxièmement, des processus d’identification, d’évaluation, de contrôle, de surveillance et de déclaration des risques conformément aux critères énoncés au titre VII, chapitre 2, section 2, sous-section II, de la directive 2013/36 et, troisièmement, une fonction de contrôle des risques et une fonction de conformité.

206    Selon le point AT 5, paragraphe 3, de la circulaire MaRisk, l’établissement de crédit veille à ce que les activités commerciales soient menées sur la base de directives organisationnelles (par exemple, des manuels, des instructions de travail ou des descriptions de flux de travail). Le niveau de détail des directives organisationnelles dépend de la nature, de l’ampleur, de la complexité et du risque des activités commerciales. Ces directives doivent notamment contenir les règles régissant l’organisation des procédures de gestion et de contrôle des risques.

207    Par courrier du 5 janvier 2022, à la dernière puce de la page 2 et aux deux premières puces de la page 3, la BaFin a indiqué que, pour mettre en œuvre le plan d’affaires, un ajustement des règles d’organisation commerciale de la banque cible, au sens de l’article 25a, paragraphe 1, et de l’article 25b du KWG, était nécessaire. Elle a demandé aux candidats acquéreurs d’expliquer sous la forme d’une comparaison entre les objectifs et la situation réelle si des ajustements étaient prévus jusqu’à ce que la banque cible commence à fonctionner et quels étaient ces ajustements. Elle leur a demandé de fournir un calendrier approprié pour la mise en œuvre des étapes. Elle a indiqué que cette comparaison devait être présentée sous forme d’un tableau et que les candidats acquéreurs recevraient le tableau correspondant par courriel. Elle leur a demandé de décrire en détail la planification de la réorientation des fonctions de gestion et de contrôle de l’établissement en ce qui concernait la mise en œuvre du modèle économique et l’évaluation des risques associés à ce modèle. Enfin, elle leur a demandé de fournir une liste des directives organisationnelles qui devaient être ajustées par rapport audit modèle et, dans le cas où ces directives devraient être adaptées, les projets de documents pertinents.

208    Ainsi que les requérants le font valoir, le plan d’affaires initial, aux pages 113 et suivantes, indique la structure interne envisagée ainsi que les différentes responsabilités. Il mentionne que, à mesure que la banque cible se développera, il est prévisible que le conseil consultatif se transformera en conseil de surveillance et que, à ce stade, la composition du conseil de surveillance sera reconsidérée. Il mentionne qu’il est prévu d’internaliser l’audit interne et les fonctions de conformité pour tenir compte d’une charge de travail accrue provenant d’une clientèle étrangère et pour répondre aux normes internationales les plus élevées.

209    Toutefois, alors que les candidats acquéreurs prévoyaient de démarrer de nouvelles activités (services bancaires aux entreprises et financement du commerce, ainsi que services de conciergerie) et d’internaliser les fonctions d’audit interne et de conformité, les requérants n’indiquent pas que les candidats acquéreurs ont fourni, à la suite du courrier de la BaFin du 5 janvier 2022, des précisions quant à l’ajustement des processus de gestion et de contrôle des risques, tels qu’ils doivent figurer dans les directives organisationnelles.

210    Dans ces conditions, il convient de considérer que la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les informations fournies par les candidats acquéreurs soulevaient de sérieux doutes quant à l’adéquation du cadre de contrôle interne à la nature, à l’ampleur, à la complexité et au risque des activités commerciales que ces candidats envisageaient pour la banque cible.

4)      Sur le personnel de la banque cible

211    Au point 2.29 de la décision attaquée, la BCE a considéré que les effectifs envisagés par les candidats acquéreurs n’étaient pas suffisants pour garantir une organisation commerciale appropriée. Alors que la banque cible avait l’intention de démarrer ses activités commerciales dès la première année suivant l’acquisition envisagée, notamment en matière de syndication de prêts, de dépôts, de services bancaires aux entreprises et de financement du commerce, les candidats acquéreurs ne prévoyaient d’embaucher de nouveaux équivalents temps plein (ETP) pour ces activités qu’au cours de la troisième année. De plus, aucun ETP supplémentaire n’aurait été prévu pour la fonction risque.

212    La proposition de la BaFin, aux pages 61 à 67, indique que la banque cible employait treize personnes, dont des employés à temps partiel, de sorte que le nombre total d’ETP était inférieur à treize. Elle mentionne que, le 1er février 2022, les candidats acquéreurs auraient confirmé qu’il était prévu de compléter les capacités en personnel au moment où la banque cible redémarrerait ses activités commerciales et qu’il n’existait pas de besoin immédiat de personnel supplémentaire important. Les candidats acquéreurs auraient indiqué que, si des capacités supplémentaires étaient nécessaires, celles-ci pourraient être acquises dans de brefs délais ou « achetées » à l’extérieur. Dans les deux premières années suivant l’acquisition envisagée, la planification du personnel ne prévoirait que trois ETP supplémentaires. Les tableaux fournis seraient en partie incohérents s’agissant de la répartition de ces ETP entre le service « montage et ventes marketing » et le service « consultants et conciergerie ». Aucune ressource en personnel supplémentaire ne serait prévue pour le financement immobilier et le remplacement des prêts alors qu’il s’agit de l’élément central du modèle économique. De même, aucune ressource supplémentaire n’aurait été prévue pour les services bancaires aux entreprises et le financement du commerce avant la troisième année. S’agissant des services de conciergerie, au cours de la première année, un ETP serait prévu pour le développement du réseau de partenaires, l’acquisition de clients et le soutien aux trois domaines d’activités principaux, ce qui semble calculé de manière très progressive. La BaFin a conclu que, compte tenu du modèle économique envisagé, le niveau d’effectifs serait insuffisant au cours de deux premières années et ne serait pas conforme au point AT 7.1 de la circulaire MaRisk.

213    Les requérants font valoir que la nouvelle activité prévue se développerait progressivement et qu’il n’y avait donc pas de besoin immédiat de personnel supplémentaire important. Dans la réplique, ils indiquent que, même si la banque cible était inactive, elle employait quinze ETP (dont cinq dans les services « risques et conformité » et « finances ») qui étaient sous-occupés. Ils estiment que, comme il ressort des pages 39 à 44 des réponses aux questions du 10 juillet 2020, il était prévu de maintenir l’externalisation des fonctions de gestion des risques les deux premières années et de doubler ensuite le personnel dédié à cette fonction dans un délai de cinq ans. Avant trois ans, seul un montant limité de transactions pilotes, à réaliser avec l’aide de prestataires de services et de consultants, serait conduit dans le domaine du financement du commerce, en utilisant les processus et procédures utilisées à cette époque. Dans un premier temps, l’équipe de gestion des risques déjà en place et son partenaire d’externalisation pourraient être chargés des activités de dépôt en euros et des activités hypothécaires, dans lesquelles la banque possédait une expérience pertinente. Au fil du temps, de nouveaux experts en risques seraient ajoutés et apporteraient leur expérience dans de nouveaux domaines d’activité tels que les dépôts en USD et le financement du commerce. Ces experts supplémentaires seraient recrutés six à neuf mois avant le lancement d’une nouvelle ligne d’activités, afin qu’ils puissent travailler avec l’équipe commerciale et les consultants pour mettre en place la nouvelle activité concernée.

214    Selon l’article 25a, paragraphe 1, troisième phrase, point 4, du KWG, la gestion des risques implique notamment un personnel et des ressources technico-organisationnelles adéquats pour l’établissement de crédit.

215    Selon le point AT 7.1 de la circulaire MaRisk, la quantité et la qualité du personnel de l’établissement sont proportionnées, notamment, à ses besoins opérationnels internes, à ses activités et à sa situation en matière de risques.

216    Certes, il convient de considérer que, comme les requérants le soutiennent, le personnel de la banque cible, qui était alors essentiellement inactive, était en mesure de faire face à une charge de travail supplémentaire.

217    Toutefois, ainsi qu’il ressort de la proposition de la BaFin, le personnel de la banque cible était, avant l’acquisition envisagée, inférieur à treize ETP, et non égal à quinze ETP comme les requérants le soutiennent sans apporter d’éléments permettant de contredire l’évaluation de la BaFin.

218    Par ailleurs, la possibilité pour le personnel de la banque cible de faire face à une charge de travail supplémentaire n’était pas suffisante pour justifier que, comme il ressort de la proposition de la BaFin, les candidats acquéreurs n’aient proposé aucune capacité en personnel supplémentaire significative avant la troisième année, à l’exception des services de conciergerie, alors que des activités à la fois nouvelles, significatives, présentant des risques et pour lesquelles le personnel de la banque cible n’avait parfois aucune expérience préalable devaient débuter dès la première année.

219    À cet égard, il ressort de la page 3 des réponses aux questions du 10 juillet 2020 que les activités de syndication de prêts, de dépôt en USD et de services bancaires aux entreprises devaient débuter dès la première année. S’agissant du financement du commerce, les candidats acquéreurs ont déclaré qu’ils escomptaient un chiffre d’affaires total relatif à cette activité de 160 000 euros dès la première année et de 610 000 euros la deuxième année. Si ce chiffre d’affaires demeure limité, cela n’exonérait pas la banque cible de se conformer à son obligation de mettre en place un personnel et des ressources technico-organisationnelles adéquats, conformément à l’article 25a, paragraphe 1, troisième phrase, point 4, du KWG.

220    Par suite, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la BCE a considéré que les effectifs projetés n’étaient pas suffisants pour garantir une organisation commerciale appropriée de la banque cible.

5)      Sur l’externalisation

221    Au point 2.30 de la décision attaquée, la BCE a estimé que les informations fournies par les candidats acquéreurs sur les changements liés à l’externalisation ne contenaient pas de plans concrets. Il serait resté difficile de connaître la future organisation en ce qui concerne les activités externalisées.

222    Aux pages 67 et 68 de sa proposition, la BaFin a estimé que, conformément à l’article 25b du KWG, lu conjointement avec le point AT 5, paragraphe 3, sous f), et le point AT 9 de la circulaire MaRisk, chaque établissement devrait mettre en œuvre des directives organisationnelles qui doivent contenir les règles régissant les procédures pour les activités et processus importants externalisés. Le plan d’affaires aurait indiqué qu’il était prévu d’internaliser les fonctions d’audit interne et de conformité. De plus, les candidats acquéreurs auraient indiqué que la banque cible pourrait envisager de faire appel à des entreprises de technologie financière pour l’assister dans les processus de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de connaissance du client. Le plan d’affaires aurait été contradictoire en ce qu’il indiquerait qu’il convenait d’internaliser ces activités tout en considérant qu’aucun changement par rapport à la politique d’externalisation n’était prévu au moins pour les deux prochaines années. Par ailleurs, la dernière soumission des requérants aurait exposé que les services de paiement seraient en partie externalisés, selon un calendrier de mise en œuvre de 6 à 24 mois après l’annulation de la mesure d’interdiction d’accepter des dépôts et d’accorder des prêts. Cependant, contrairement à ce qui a été demandé, aucune politique ou aucun projet n’aurait été présenté expliquant les processus prévus concernant la future configuration d’externalisation.

223    Les requérants estiment que les affirmations de la BCE sont inexactes et erronées. Les candidats acquéreurs auraient énoncé de manière exhaustive dans le plan d’affaires quelles fonctions étaient alors externalisées et auraient indiqué qu’il était prévu d’internaliser ces fonctions. Ils auraient également indiqué que la banque avait l’intention de faire appel à une entreprise de technologie financière pour soutenir la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les procédures visant à la connaissance de la clientèle. Le transfert de fonds et la gestion de la trésorerie auraient également été partiellement externalisés auprès de prestataires, existants ou nouveaux, une fois la procédure de prise de participation qualifiée achevée. Les contrats et structures correspondants auraient dû être mis en œuvre par la suite. Le calendrier envisagé pour la mise en œuvre aurait été de 6 à 24 mois après la levée de la mesure d’interdiction d’accepter des dépôts et d’accorder des prêts. Les précisions qui auraient été nécessaires n’apparaîtraient pas clairement, de sorte que la décision attaquée ne satisferait pas aux exigences de l’obligation de motivation prévue à l’article 296, paragraphe 2, TFUE.

224    L’article 25b, paragraphe 1, du KWG, dispose :

« Un établissement doit prendre les précautions appropriées pour éviter des risques supplémentaires excessifs, en fonction du type, de l’étendue, de la complexité et du risque d’externalisation d’activités et de processus vers une autre société qui sont essentiels à l’exécution d’activités bancaires, de services financiers ou d’autres services spécifiques de l’établissement. L’externalisation ne peut pas porter atteinte à la régularité de ces activités et services ni à l’organisation commerciale au sens de l’article 25a, paragraphe 1. En particulier, l’établissement doit continuer à assurer une gestion des risques appropriée et efficace qui inclut les activités et processus externalisés […] »

225    Le point AT 5, paragraphe 3, sous f), de la circulaire MaRisk indique que les directives organisationnelles doivent notamment contenir les règles régissant les procédures relatives aux activités et processus externalisés.

226    L’article 15, paragraphe 1, septième phrase, du règlement InhKontrollV dispose que les informations fournies par le candidat acquéreur relatives aux conséquences sur la structure sociale et organisationnelle de l’entité cible comprennent notamment les effets sur les principes d’externalisation des activités et des processus commerciaux vers d’autres entités ou personnes.

227    Dans la mesure où les requérants font valoir que la décision attaquée n’indique pas quelles précisions auraient été nécessaires pour que le plan d’affaires comporte un plan suffisamment concret en ce qui concerne les activités externalisées, il convient de relever que la proposition de la BaFin mentionne que les candidats acquéreurs n’ont pas expliqué les processus prévus concernant la future configuration d’externalisation et s’est référée à cet égard au point AT 5, paragraphe 3, sous f), et au point AT 9, intitulé « Externalisation », de la circulaire MaRisk. L’argument doit donc être écarté.

228    Par ailleurs, compte tenu des modifications significatives que les candidats acquéreurs avaient l’intention d’apporter en ce qui concerne l’externalisation des activités, notamment en externalisant les services de paiement, la BCE pouvait exiger, en application de l’article 15, paragraphe 1, septième phrase, du règlement InhKontrollV, des précisions sur les procédures relatives aux activités externalisées.

229    Or, en dépit du courrier de la BaFin du 5 janvier 2022, qui demandait aux candidats acquéreurs de fournir une liste des directives organisationnelles devant être adaptées par rapport au modèle économique envisagé, les candidats acquéreurs n’ont pas donné de précisions sur la manière dont ils prévoyaient d’adapter les procédures relatives aux activités externalisées.

230    Dans ces conditions, la BCE a pu raisonnablement considérer qu’il restait difficile de savoir quelle serait la future organisation de la banque cible en ce qui concerne les activités externalisées.

231    Ce grief n’étant pas fondé, le moyen doit, dans son ensemble, être écarté.

4.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 5, du KWG en ce qui concerne le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme

232    Aux points 2.33 à 2.35 de la décision attaquée, la BCE a estimé que, selon son appréciation et celle de la BaFin, il existait un motif raisonnable de penser que l’acquisition envisagée augmenterait le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. La traçabilité complète de l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée et des flux financiers n’aurait pas pu être vérifiée. L’absence de motivation claire de l’acquisition envisagée aurait ajouté des préoccupations. De plus, le modèle économique envisagé aurait impliqué un risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme accru en raison des nouvelles activités envisagées, telles que le financement du commerce international, et de la future structure de clients.

233    Aux pages 2 à 5 de sa proposition, la BaFin a indiqué que les fonds utilisés par PH pour l’acquisition envisagée provenaient pour l’essentiel de la vente de son ancienne activité de gestion d’actifs fondée sur un logiciel. Cette activité aurait été détenue au travers de deux sociétés holdings en propriété exclusive, l’une, l’entité B, établie en Chine, l’autre, l’entité C, établie dans les Îles Vierges britanniques. L’entité B aurait perçu des revenus de commissions, en s’appuyant sur un logiciel développé en interne, de la part de trois fonds établis aux Îles Caïmans, notamment l’entité D. Les commissions perçues par l’entité B et l’entité C auraient été converties en actions de l’entité D. Ladite activité aurait été acquise, via un contrat d’achat d’actifs signé le 31 juillet 2019 (ci-après le « contrat d’achat d’actifs »), par l’entité E et l’entité F, deux sociétés constituées aux Îles Caïmans.

234    Aux pages 71 à 73 de sa proposition, la BaFin a estimé qu’il n’existait pas de preuve que des activités de blanchiment de capitaux étaient commises ou tentées par les candidats acquéreurs. Toutefois, elle a souligné que, selon les orientations communes, l’autorité de contrôle devrait s’opposer à l’acquisition envisagée si cette dernière augmente le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. La portée de l’évaluation comprendrait, outre la réputation du candidat acquéreur, la source et la chaîne des fonds destinés à financer l’acquisition envisagée et l’impact de l’acquisition envisagée, du point de vue de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, sur le plan d’affaires de la banque cible ainsi que sur la structure de gestion et organisationnelle de la banque cible.

235    Premièrement, en ce qui concerne l’impact de l’acquisition envisagée sur le plan d’affaires de la banque cible, la BaFin a estimé qu’il n’y avait pas d’indication d’une utilisation abusive de la banque cible à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme par les candidats acquéreurs en général. Toutefois, le modèle économique envisagé impliquerait un risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme généralement accru, en raison des nouvelles activités et de la future structure de la clientèle. Il conviendrait de surveiller de près la manière dont la banque cible ferait face à un tel risque accru et quelles mesures seraient prises.

236    Deuxièmement, en ce qui concerne la source et la chaîne des fonds destinés à financer l’acquisition envisagée, la BaFin a estimé que l’acquisition envisagée et la future augmentation de capital de la banque cible seraient payées par les fonds de PH provenant de la vente de son ancienne activité de gestion d’actifs dans le cadre du contrat d’achat d’actifs. L’entité F, acheteur dans le cadre du contrat d’achat d’actifs, une société établie aux Îles Caïmans, aurait effectué des paiements par le biais d’une filiale à 100 %, également constituée aux Îles Caïmans, directement sur le compte de PJ. Bien que la BaFin ait reçu, après diverses demandes, de grandes quantités de documents de la part des candidats acquéreurs, l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée ne serait pas entièrement traçable. La structure de financement sous-jacente et les flux de fonds respectifs (contrat d’achat d’actifs et activités connexes) seraient très complexes, impliquant des structures d’entreprises à plusieurs niveaux (principalement aux Îles Caïmans). La BaFin ne pourrait pas vérifier la valeur des transactions sous-jacentes et des anciens actifs professionnels de PH. La contrepartie globale au titre du contrat d’achat d’actifs aurait été payée, d’une part, pour le logiciel et, d’autre part, pour l’acquisition des actions dans l’entité D détenues par PH par l’intermédiaire de sa société holding C. PH aurait obtenu ces actions en rémunération de ses services de sous-gestion de trois fonds des îles Caïmans. La BaFin ne pourrait pas vérifier la valeur des actions de l’entité D ni le caractère raisonnable des modalités des commissions sous-jacentes. Elle aurait également des difficultés à vérifier la valeur du logiciel vendu dans le cadre du contrat d’achat d’actifs et le rapport d’évaluation fourni par les candidats acquéreurs s’appuierait seulement sur l’approche de marché (en se concentrant sur des sociétés comparables du marché). En tant que sociétés comparables du marché les plus appropriées pour l’évaluation des actifs commerciaux vendus dans le cadre du contrat d’achat d’actifs, le rapport répertorierait des sociétés difficiles à comparer aux affaires de PH. L’approche par le revenu n’aurait pas pu être appliquée par le cabinet d’audit ayant établi le rapport d’évaluation, car des projections fiables et justifiables de bénéfices ou de flux de trésorerie n’auraient pas pu être fournies. Par suite, la BaFin ne pourrait pas vérifier la valeur des actifs vendus dans le cadre du contrat d’achat d’actifs. La génération des fonds pour l’acquisition impliquerait un réseau multicouche de sociétés offshore, principalement constituées aux Îles Caïmans, qui augmenterait le risque de blanchiment de capitaux en facilitant la dissimulation des flux de trésorerie au sein de la structure de l’entreprise.

237    Troisièmement, la BaFin a estimé que la motivation de l’acquisition envisagée restait floue. PH aurait déclaré qu’il n’existait pas de synergies quantifiables majeures entre les sociétés qu’il détenait alors et la banque cible. Pourtant, il serait prêt à investir la majeure partie de ses actifs dans un établissement qui n’est plus actif depuis des années et qui est soumis à des mesures de surveillance sévères, qui ne seront pas automatiquement levées après la réalisation de l’acquisition envisagée.

238    Premièrement, les requérants font valoir que le motif de la décision attaquée selon lequel l’acquisition envisagée augmentera le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme dans la banque cible n’est pas étayé. Deuxièmement, les activités pertinentes des candidats acquéreurs ne présenteraient aucun signe de suspicion de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Troisièmement, l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée aurait été prouvée. Quatrièmement, les requérants font valoir que les politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme couvrent les activités exercées initialement par la banque cible et seront alignées sur les obligations pertinentes lorsque les clients asiatiques seront ajoutés. Étant donné que l’ampleur de cette adaptation dépendra du développement réel de l’activité, la BCE ne pourrait pas, au stade de l’acquisition envisagée, supposer de manière générale que les exigences ne seront pas respectées.

239    La BCE, soutenue par la Commission, conteste cette argumentation.

240    Selon l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 5, du KWG, qui transpose l’article 23, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36, l’autorité de surveillance peut interdire l’acquisition envisagée d’une participation qualifiée si les faits justifient l’hypothèse soit qu’une opération de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, au sens de l’article 1er de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (JO 2005, L 309, p. 15), devenu l’article 1er de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission (JO 2015, L 141, p. 73), a lieu ou a eu lieu à l’occasion de l’acquisition envisagée, soit que ces délits ont été tentés ou que l’acquisition envisagée pourrait en augmenter le risque.

241    En premier lieu, les requérants font valoir que la BCE n’a pas précisé les motifs raisonnables permettant de considérer que l’acquisition envisagée augmentera le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

242    Toutefois, la BCE a indiqué, au point 2.34 de la décision attaquée, que son évaluation était fondée sur l’origine des actifs utilisés pour l’acquisition envisagée. Elle a ajouté que le manque de clarté des motifs de l’acquisition envisagée suscitait également des préoccupations. Elle a estimé, en outre, que le modèle économique envisagé impliquait un risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme généralement accru. Ces trois éléments sont explicités aux pages 71 à 73 de la proposition de la BaFin, ainsi qu’il est indiqué aux points 234 à 237 ci-dessus.

243    L’argumentation des requérants doit donc être écartée.

244    En deuxième lieu, les requérants font valoir que les activités pertinentes des candidats acquéreurs ne présentent aucun signe de suspicion de terrorisme ou de blanchiment de capitaux.

245    Toutefois, d’une part, la BaFin a elle-même considéré qu’elle n’avait pas connaissance d’activités pertinentes des candidats acquéreurs au regard du risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme et qu’il n’existait pas de preuve que des activités de blanchiment de capitaux étaient commises ou tentées par les candidats acquéreurs.

246    D’autre part, ces éléments n’interdisent pas aux autorités compétentes de s’opposer, pour d’autres motifs, à l’acquisition envisagée sur le fondement de l’article 23, paragraphe 1, sous e), de la directive 2013/36.

247    En effet, ainsi qu’il résulte des termes de cet article, il suffit qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que l’acquisition envisagée puisse augmenter le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme pour que les autorités compétentes puissent s’opposer à l’acquisition envisagée.

248    Le point 14.4, paragraphe 1, des orientations communes indique, au demeurant, que, même en l’absence de casier judiciaire ou de motif raisonnable de soupçonner l’existence d’activités ou de tentatives de blanchiment de capitaux, l’autorité de surveillance cible devrait s’opposer à l’acquisition si le contexte de celle-ci donnait des motifs raisonnables de soupçonner qu’il y aura un risque accru de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.

249    L’argument des requérants doit donc être écarté.

250    En troisième lieu, les requérants font valoir que l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée a été prouvée. PH aurait fourni des documents détaillés sur ses revenus en tant que salarié, notamment ses déclarations fiscales, ainsi que des documents concernant les prêts et les dons de sa famille et de ses amis qui l’ont aidé à lancer son activité. Il aurait fourni une synthèse complète concernant l’existence, l’utilisation et les coûts de développement du logiciel. Concernant le logiciel, il aurait fourni notamment les détails de connexion de l’un des nombreux modules, le code source d’un sous-module particulier et des captures d’écran. Concernant les dépenses liées au développement et à l’entretien du logiciel, il aurait fourni une feuille Excel détaillant les dépenses et les affectations aux fonds respectifs, des contrats et des factures de fournisseurs de services ainsi que des extraits des prospectus des fonds. Ces documents prouveraient que le logiciel existe, qu’il est utilisé et que des coûts de développement importants (8,5 millions d’USD) ont été encourus pour des ingénieurs externes. La valeur du logiciel ou de l’activité de gestion d’actifs serait également démontrée par le contrat d’achat d’actifs. Cette valeur aurait été rendue plausible par la présentation de la documentation complète des trois fonds d’investissements sur trois ans, y compris les rapports financiers qui prouvent les honoraires perçus par PH ou ses sociétés de gestion d’actifs, les documents rédigés en chinois étant accompagnés de traductions certifiées. Les candidats acquéreurs auraient transmis des confirmations de l’entité G, société prestataire administrant l’entité C, qui prouveraient le nombre d’actions acquises par cette dernière, le prix par action et la valeur globale des actions aux jours de négociation. PH aurait demandé à l’entité F de charger un cabinet d’audit de rédiger un rapport d’évaluation fondé sur une méthode reconnue concernant l’activité vendue. En exigeant une approche par les revenus, la BCE exigerait l’impossible, car PH n’avait plus la possibilité de forcer l’entité F à fournir ses projections couvertes par le secret des affaires. La BaFin aurait exigé des informations qui n’étaient pas du ressort des candidats acquéreurs, à savoir le bilan de l’entité F. Toutefois, l’entité F ne serait pas tenue de publier ses bilans en vertu de la législation des îles Caïmans et aurait fourni, par courtoisie, une lettre dans laquelle figuraient des extraits de son journal comptable.

251    Selon l’article 14 du règlement InhKontrollV, intitulé « Financement, divulgation de tous les accords », une description informative et complète ainsi que des preuves appropriées et complètes de l’existence et de l’origine des fonds propres et externes qui ont été ou doivent être utilisés pour l’acquisition ou l’augmentation, ainsi que tous les accords et contrats conclus dans le cadre de l’acquisition ou de l’augmentation, doivent être joints aux notifications.

252    Au demeurant, selon la section 9, paragraphe 2, de l’annexe I des orientations communes, intitulée « Informations concernant le financement de l’acquisition envisagée », les explications des sources spécifiques de financement de l’acquisition envisagée incluent, notamment, des informations sur les actifs du candidat acquéreur ou de l’entreprise cible qu’il faudra vendre afin de contribuer au financement de l’acquisition envisagée, telles que leurs conditions de vente, prix et évaluation ainsi que des détails concernant leurs caractéristiques, y compris des informations sur les dates et modes d’acquisition des actifs.

253    Le point 14.5 des orientations communes mentionne que les autorités responsables de la surveillance de la banque cible devraient également évaluer les informations concernant la source des fonds qui seront utilisés aux fins de l’acquisition envisagée, y compris non seulement l’activité qui a généré les fonds, mais aussi les moyens grâce auxquels ils ont été transférés, afin d’évaluer si cela pourrait donner lieu à un risque accru de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme. Les autorités de surveillance devraient vérifier, notamment, que les informations relatives à l’activité ayant généré les fonds, y compris l’historique des activités commerciales du candidat acquéreur, et relatives au plan de financement sont crédibles et conformes au montant de la transaction et qu’il existe une trace écrite ininterrompue des fonds permettant de remonter à leur origine, ou d’autres informations permettant aux autorités de contrôle afin de lever tout doute quant à leur origine légale.

254    Le point 14.6 des orientations communes mentionne que, si elle n’est pas en mesure de vérifier la source des fonds de la manière décrite au point 14.5, l’autorité de surveillance cible devrait déterminer si l’explication fournie par le candidat acquéreur est raisonnable et crédible, en tenant compte du résultat de l’évaluation de l’intégrité du candidat acquéreur. 

255    En l’espèce, les éléments produits par les requérants ne suffisent pas à remettre en cause l’appréciation de la BaFin, sur laquelle s’est appuyée la BCE et selon laquelle la valeur des actifs vendus dans le cadre du contrat d’achat d’actifs ne peut pas être vérifiée.

256    En particulier, s’il n’est pas contesté par la BCE que le logiciel vendu dans le cadre du contrat d’achat d’actifs existe et qu’il a une valeur significative, les pièces produites par les requérants en ce qui concerne ce logiciel, notamment celles relatives à ses coûts de développement, ne fournissent pas une estimation de sa valeur. De même, la déclaration de l’entité G, société prestataire administrant l’entité C, qui indique le nombre d’actions acquises, le prix par action et la valeur globale des actions, n’est pas comparable au rapport d’un cabinet d’audit et ne suffit pas à confirmer la valeur de la participation de PH dans l’entité D.

257    Le rapport du cabinet d’audit produit par les requérants pour évaluer la valeur des actifs vendus dans le cadre du contrat d’achat d’actifs indique, certes, en se fondant sur une approche de marché, que la valeur de l’entreprise de gestion d’actifs fondée sur le logiciel a été évaluée de manière correcte.

258    Toutefois, d’une part, ce rapport mentionne également, à la page 6, qu’une évaluation par les revenus n’a pas pu être effectuée, car des projections fiables et justifiables de bénéfices ou de flux de trésorerie n’ont pas pu être fournies. À cet égard, même si les requérants font valoir qu’ils ne pouvaient pas obliger un tiers à fournir des éléments relevant du secret des affaires, il n’en demeure pas moins que ladite méthode d’évaluation n’a pas pu être mise en œuvre.

259    D’autre part, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la BCE a exigé une approche par les revenus, étant donné que, selon la proposition de la BaFin sur laquelle la BCE s’est fondée, dans la mesure où le rapport du cabinet d’audit se fonde sur des sources publiques d’informations pour évaluer les actifs selon une approche de marché, les sociétés auxquelles le logiciel a été comparé ne peuvent pas être pleinement comparées à ce logiciel. Les requérants n’apportent pas d’élément tendant à remettre en cause cette considération.

260    Par ailleurs, les requérants ne contestent pas que la structure de financement sous-jacente de l’acquisition envisagée et les flux de fonds respectifs sont très complexes, impliquant un réseau multicouche de sociétés offshore, principalement constituées aux Îles Caïmans, et que l’implication desdites sociétés augmente le risque de blanchiment de capitaux en facilitant la dissimulation des flux de trésorerie au sein de la structure de l’entreprise.

261    À cet égard, dans le cadre du contrat d’achat d’actifs, l’acheteur est notamment l’entité F, une société des Îles Caïmans, qui réalise le paiement via une filiale à 100 %, également immatriculée aux Îles Caïmans. Les actions de PH dans l’entité D, société des Îles Caïmans, sont détenues par celui-ci par l’intermédiaire de sa société holding C, société des Îles Vierges britanniques. PH aurait obtenu ces actions en rémunération de ses services de sous-gestion des trois fonds situés dans les Îles Caïmans.

262    Il convient de relever que, selon le point 14.4, second paragraphe, des orientations communes, le contexte de l’acquisition pourrait donner des motifs raisonnables de soupçonner qu’il y aura un risque accru de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, par exemple, si le candidat acquéreur est établi dans, ou dispose lui-même de liens personnels ou d’affaires pertinents (ou par le biais de tout membre de sa famille ou de toute personne connue pour être étroitement associée) avec un pays ou territoire que le Groupe d’action financière a identifié comme présentant des déficiences stratégiques qui constituent un risque pour le système financier international, ou un pays ou territoire que la Commission a identifié comme présentant des déficiences stratégiques au niveau de son régime national de lutte contre le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme qui représentent des menaces importantes pour le système financier. En tout état de cause, une attention particulière devrait être accordée aux situations dans lesquelles la législation du pays tiers ne permet pas l’application de mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme conformes à celles qui sont applicables au sein de l’Union. Les autorités compétentes devraient également prendre en considération les rapports pertinents d’organisations telles que Transparency International, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Banque mondiale.

263    Les Îles Caïmans figuraient, à la date de la décision attaquée, d’une part, sur la liste des juridictions qui travaillent activement avec le Groupe d’action financière pour remédier aux défaillances stratégiques que présentent leurs régimes de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération et, d’autre part, sur la liste des pays tiers présentant des carences stratégiques dans leurs régimes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme qui font peser une menace significative sur le système financier de l’Union, établie par le règlement délégué (UE) 2016/1675 de la Commission, du 14 juillet 2016, complétant la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil par le recensement des pays tiers à haut risque présentant des carences stratégiques (JO 2016, L 254, p. 1), tel que modifié par le règlement délégué (UE) 2022/229 de la Commission, du 7 janvier 2022 (JO 2022, L 39, p. 4).

264    Ainsi, compte tenu de l’origine des fonds destinés à financer l’acquisition et de la structure de financement de l’opération, très complexe et faisant intervenir des sociétés offshore établies notamment dans un État présentant des carences stratégiques dans son régime de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que des documents fournis par les intéressés, certes nombreux, mais qui n’ont pas permis de vérifier de manière complète la valeur de l’activité vendue pour financer l’acquisition envisagée, la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que la traçabilité complète de l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée ne pouvait pas être vérifiée.

265    En quatrième lieu, les requérants font valoir que les politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme couvrent les activités exercées initialement par la banque cible et seront alignées sur les obligations pertinentes lorsque les clients asiatiques seront ajoutés. Étant donné que l’ampleur de cette adaptation dépendra du développement réel de l’activité, la BCE ne pourrait pas, au stade de l’acquisition envisagée, supposer de manière générale que les exigences ne seront pas respectées. En fonction du type, de la complexité et de la portée du développement de l’activité, il conviendrait plutôt de réexaminer si les exigences de l’article 25h du KWG seront satisfaites à l’avenir.

266    À cet égard, il convient de considérer que ni la BCE ni la BaFin n’ont supposé que les exigences de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ne seraient pas respectées par la banque cible après l’acquisition envisagée.

267    En effet, ainsi qu’il a été dit au point 235 ci-dessus, en ce qui concerne l’impact de l’acquisition envisagée sur le modèle économique de la banque cible du point de vue de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, selon la proposition de la BaFin, sur laquelle la BCE s’est fondée, il conviendra de « surveiller de près » la manière dont la banque cible fera face à ce risque accru et quelles mesures organisationnelles seront prises pour atténuer de manière adéquate ce risque.

268    En particulier, ainsi qu’il ressort des pages 69 et 70 de sa proposition, la BaFin n’a pas constaté de violation des dispositions de l’article 25h du KWG. S’agissant du respect des exigences prudentielles relatives à l’organisation commerciale, la BaFin a indiqué que, en ce qui concernait le respect des dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, même si le plan d’affaires initial ne fournissait qu’une description très superficielle des mesures organisationnelles et procédurales, les candidats acquéreurs avaient fourni des informations additionnelles le 1er février 2022, notamment un projet de processus de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme envisagé et que les documents soumis étaient formellement conformes à la loi allemande. Elle a conclu qu’il serait nécessaire de réévaluer à l’avenir, en fonction du type, de la complexité et de la portée du développement de l’activité, si les exigences de l’article 25h du KWG seront remplies.

269    Dans ce contexte, l’argument des requérants selon lequel la BCE ne pourrait pas, au stade de l’acquisition envisagée, supposer que les exigences de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne seront pas respectées après l’acquisition envisagée, doit être écarté comme inopérant.

270    Le moyen doit donc être écarté.

5.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 1, du KWG en ce qui concerne la fiabilité des candidats acquéreurs

271    En ce qui concerne l’honorabilité des candidats acquéreurs, la BCE a considéré, dans la décision attaquée, ainsi qu’il a déjà été dit, que ni le sous-critère de l’intégrité ni celui de la compétence professionnelle, mentionnés par les orientations communes, n’étaient remplis.

272    Les requérants soutiennent que, dans le cadre de son appréciation de l’intégrité des candidats acquéreurs, la BCE a illégalement contesté la bonne réputation des candidats acquéreurs.

273    La BCE, soutenue par la Commission, conteste cette argumentation.

274    Il convient d’examiner chacun des éléments pris en compte par la BCE dans le cadre de son appréciation de l’intégrité des candidats acquéreurs.

a)      Sur le manque de clarté des motifs de l’acquisition envisagée

275    Au point 2.4 de la décision attaquée, la BCE a estimé que la motivation de l’acquisition envisagée et la raison de l’investissement demeuraient floues, malgré plusieurs demandes d’éclaircissement présentées à cet égard par la BaFin. Premièrement, elle a relevé que PH était prêt à payer un prix d’achat supérieur à la valeur d’actif net de la banque cible, malgré ses contributions antérieures à la banque cible pour un montant de quatre millions d’euros. Deuxièmement, elle a constaté que PH était prêt à investir dans un établissement de crédit qui n’était pas actif depuis plusieurs années, était soumis à des mesures de surveillance sévères et nécessitait un nouveau démarrage complet de l’activité. Troisièmement, elle a indiqué que PH était prêt à investir dans un établissement de crédit qui ne créerait pas de synergies compréhensibles avec l’autre groupe de sociétés qu’il contrôlait déjà. Quatrièmement, elle a indiqué que PH était prêt à utiliser une quantité considérable de ses actifs pour cet investissement, sans partenaire commercial qui partagerait les risques intrinsèques de l’acquisition envisagée. Cinquièmement, elle a indiqué que PH était prêt à mettre en œuvre un plan d’affaires avec une forte incertitude quant à sa mise en œuvre, sa stratégie et tout type de bénéfice économique pour lui.

276    Les requérants font valoir, premièrement, que la BCE a commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte les explications fournies dans le cadre de la procédure administrative. Deuxièmement, la justification économique d’un investissement ne serait pas un critère d’appréciation de l’honorabilité des candidats acquéreurs. Troisièmement, dans la réplique, les requérants font valoir que le raisonnement selon lequel l’achat d’une société à un prix supérieur à sa valeur d’actif net suscite des doutes quant aux motivations de l’acquéreur est erroné. Quatrièmement, PH aurait vendu son entreprise de gestion d’actifs au cours de la procédure d’acquisition d’une participation qualifiée, de sorte que l’exploitation des effets de synergie avec l’entreprise de gestion d’actifs n’était plus possible.

277    En premier lieu, les requérants font valoir que la BCE a commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte les explications des candidats acquéreurs. Le plan d’affaires soumis à BaFin montrerait clairement les motifs de l’acquisition envisagée.

278    Les requérants font valoir que la banque cible établira des passerelles entre l’Europe et l’Asie et permettra d’exploiter les opportunités découlant d’une recherche de sécurité des capitaux en Chine et dans d’autres régions d’Asie, au vu des troubles sociaux et de la guerre commerciale actuelle entre les États-Unis et la Chine. L’Allemagne aurait acquis la réputation d’être un marché attrayant et bien réglementé. En raison du choix limité de banques désireuses et capables de servir les PME en Asie et de la tarification excessive des services bancaires de base, il serait difficile pour les PME, « en particulier si elles sont non-résidentes ou détenues par des non-résidents de Taïwan et d’ailleurs », d’ouvrir et de maintenir des comptes bancaires dans toute l’Asie. L’acquisition envisagée permettrait au groupe de PH de fournir une offre de services plus complète, de conserver ses clients existants et d’en attirer de nouveaux.

279    Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la BCE a tenu compte des informations fournies par les candidats acquéreurs, notamment de l’extrait des pages 24 à 27 du plan d’affaires initial mentionné dans la requête, ainsi qu’en témoigne par exemple le point 1.6 de la décision attaquée, qui présente les motifs de l’acquisition envisagée tels qu’ils sont indiqués dans le plan d’affaires. Elle a néanmoins estimé que les motifs de l’acquisition envisagée n’étaient pas clairs pour les raisons indiquées au point 2.4 de la décision attaquée.

280    L’argument doit donc être écarté.

281    En deuxième lieu, les requérants font valoir que l’appréciation de la BCE est uniquement fondée sur l’absence de justification économique de l’investissement envisagé, alors que la justification économique d’un investissement n’est pas un critère d’appréciation de l’honorabilité des candidats acquéreurs.

282    Selon l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 1, du KWG, qui transpose l’article 23, paragraphe 1, sous a), de la directive 2013/36, l’autorité de surveillance peut interdire l’acquisition envisagée d’une participation qualifiée si les faits justifient l’hypothèse selon laquelle la personne soumise à notification ou, s’il s’agit d’une personne morale, également un représentant légal ou statutaire, ou s’il s’agit d’une société commerciale, également un actionnaire, n’est pas fiable ou, pour d’autres raisons, ne satisfait pas aux exigences à fixer dans l’intérêt d’une gestion saine et prudente de l’établissement et, en cas de doute, il en va de même si les faits permettent de supposer que les fonds levés pour acquérir la participation significative ont été obtenus par un acte objectivement constitutif d’une infraction pénale.

283    Or, d’une part, les candidats acquéreurs étaient tenus d’expliquer les motifs de l’acquisition envisagée.

284    En effet, parmi les informations que le plan d’affaires doit compter, figurent, à l’article 15, paragraphe 1, quatrième phrase, point 1, du règlement InhKontrollV, les motifs de l’acquisition envisagée.

285    Les orientations communes prévoient, au demeurant, à l’annexe I, section 12, paragraphe 2, que le plan de développement stratégique devrait indiquer les principaux objectifs de l’acquisition envisagée. Elles mentionnent également à l’annexe I, section 7, sous f), que le candidat acquéreur doit indiquer à l’autorité de surveillance le montant de l’acquisition envisagée et les critères utilisés afin de déterminer ce montant et, en cas de différence entre la valeur du marché et le montant de l’acquisition envisagée, une explication des raisons pour lesquelles tel est le cas.

286    D’autre part, le manque de clarté des motifs de l’acquisition d’une participation qualifiée est susceptible de susciter des doutes en ce qui concerne l’intégrité des candidats acquéreurs. En particulier, un tel manque de clarté peut conduire l’autorité compétente à s’interroger sur les motifs réels de cette acquisition.

287    L’argumentation des requérants doit donc être écartée.

288    En troisième lieu, les requérants font valoir que le raisonnement de la BCE selon lequel l’achat d’une société à un prix supérieur à sa valeur d’actif net suscite des doutes quant aux motivations de l’acquéreur est erroné, car il est courant que les investisseurs paient une majoration pour leurs investissements. La volonté de PH d’investir 40 % de ses actifs dans la banque cible ne permettrait pas de douter de son intégrité.

289    Toutefois, il convient de constater que le raisonnement des requérants présente un caractère général. En effet, les requérants n’exposent pas, de manière suffisamment concrète, les raisons pour lesquelles PH était prêt, dans les circonstances de l’espèce, à réaliser un investissement d’un tel niveau dans la banque cible dans des conditions en apparence défavorables à plusieurs égards, c’est-à-dire à un prix très supérieur à la valeur des actifs de la banque cible, sans partenaire prêt à partager le risque et sans qu’une synergie soit possible avec son groupe.

290    En quatrième lieu, les requérants font valoir que PH a vendu son entreprise de gestion d’actifs au cours de la procédure administrative d’acquisition d’une participation qualifiée, de sorte que l’exploitation des effets de synergie avec son ancienne entreprise de gestion d’actifs n’était plus possible.

291    À cet égard, il ressort de la page 29 du plan d’affaires initial que la création de synergies entre le groupe de PH et la banque cible était l’un des motifs de l’acquisition envisagée.

292    Or, lorsque la BaFin a interrogé les candidats acquéreurs sur les effets de synergie liés à l’intégration de la banque cible dans le groupe de PH, ils ont déclaré, à la page 5 de leurs réponses aux questions du 10 juillet 2020, qu’aucune synergie quantifiable significative n’était prévue entre l’activité d’investissement et l’activité bancaire, lesquelles devraient être considérées comme des activités séparées.

293    Si les requérants font valoir, pour la première fois dans la réplique, que l’absence de synergies entre le groupe de PH et la banque cible s’explique par le fait que PH a vendu son entreprise de gestion d’actifs au cours de la procédure administrative, il convient de constater que le contrat d’achat d’actifs est daté du 31 juillet 2019, c’est-à-dire avant la communication du plan d’affaires initial à la BaFin.

294    Dans ces conditions, la vente de l’entreprise de gestion d’actifs de PH ne permet pas de justifier la contradiction apparente, s’agissant des synergies entre son groupe et la banque cible, entre le plan d’affaires initial et la déclaration ultérieure des candidats acquéreurs dans leurs réponses aux questions du 10 juillet 2020.

295    En cinquième lieu, il convient de considérer que le manque de clarté des motifs de l’acquisition envisagée était, en l’espèce, d’une gravité suffisante pour susciter des doutes sur l’intégrité des candidats acquéreurs. En effet, compte tenu de ce manque de clarté, la BCE pouvait raisonnablement s’interroger sur les motifs réels de cette acquisition.

296    L’argumentation des requérants doit donc être écartée.

b)      Sur l’appétit de PH pour le risque

297    Au point 2.5 de la décision attaquée, la BCE a estimé que l’appétit pour le risque élevé de PH soulevait des doutes quant à la prudence de l’investissement envisagé. Elle a estimé que le comportement et les déclarations de PH donnaient l’impression qu’il considérait l’investissement comme tout autre investissement (à risque) réalisé dans le passé en dehors du secteur bancaire et ne tenait pas compte des particularités liées à l’acquisition d’une participation majoritaire dans un établissement de crédit. Cette approche d’investissement risquée aurait laissé planer des doutes quant à la question de savoir si les candidats acquéreurs mettraient en œuvre une gestion saine et prudente et prendraient l’investissement au sérieux, notamment à la lumière du cadre réglementaire applicable et compte tenu de la situation de la banque cible, c’est-à-dire un établissement de crédit qui n’exerce plus d’activité bancaire depuis de nombreuses années et ne dispose pas d’une organisation commerciale de base appropriée.

298    Les requérants estiment que le fait de considérer qu’un appétit pour le risque élevé soulève des doutes quant à la prudence de PH constitue un critère d’appréciation inadmissible et en tout état de cause non fondé. Il ne serait pas possible de savoir sur quelle base la BCE se fonde pour estimer que PH a effectué des investissements à risque dans le passé. Par ailleurs, le comportement commercial antérieur de PH serait l’expression d’un comportement à faible risque, sa réussite économique étant fondée sur un logiciel de trading quantitatif qu’il a lui-même développé. Cette activité n’aurait pas été risquée au-delà du niveau normal et aurait été conforme aux exigences réglementaires.

299    La BCE estime qu’elle était en droit de tenir compte de la forte propension au risque de PH. Les conditions d’intégrité ne se limiteraient pas à l’absence d’« antécédents négatifs ». Le point 2.5 de la décision attaquée ne remettrait pas en cause les investissements passés de PH dans la gestion d’actifs, mais de telles activités ne seraient pas comparables à un investissement dans un établissement de crédit soumis à de strictes obligations réglementaires. Le fait que, malgré ces restrictions, PH prévoyait d’investir une part importante de sa fortune sans explication plausible quant à un retour d’investissement raisonnable à court ou moyen terme laissait craindre qu’il considérait l’acquisition envisagée comme n’importe quel autre investissement (à risque) réalisé dans le passé en dehors du secteur bancaire, ce qui soulevait des doutes sur le fait que les candidats acquéreurs prendraient l’investissement au sérieux compte tenu du cadre réglementaire applicable. Les candidats acquéreurs pourraient, à l’avenir, chercher davantage à rentabiliser leur investissement important plutôt qu’à mettre en place une gestion saine et prudente conformément aux obligations légales. Cela serait attesté par le fait que le plan d’affaires ferait référence aux plans de croissance, mais très peu à la manière dont les processus de gestion des risques et de gouvernance de la banque cible devraient être adaptés en vue de la reprise envisagée des activités bancaires. La BCE renvoie, de manière générale, aux développements du mémoire en défense relatifs au quatrième moyen (évaluation de la capacité de la banque cible à respecter les exigences prudentielles), s’agissant de la définition d’une stratégie économique, des processus visant à déterminer et garantir l’adéquation du capital interne, des mécanismes de contrôle interne, des effectifs et des dispositifs d’externalisation.

300    En premier lieu, ainsi qu’il a été dit aux points 92 à 95 ci-dessus, l’argument des requérants tiré de ce qu’il n’est pas possible de savoir sur quelle base se fonde la BCE pour estimer que PH a effectué des investissements à risque dans le passé doit être écarté.

301    En deuxième lieu, dans la mesure où les requérants font valoir que l’activité antérieure de gestion d’actifs de PH n’était pas risquée, l’argument doit être écarté comme manquant en fait, étant donné que, ainsi qu’il a été dit au point 91 ci-dessus, l’avocat de PH a indiqué que ce dernier était un investisseur prenant des risques.

302    En troisième lieu, la circonstance que le requérant s’est, par le passé, comporté conformément à la loi dans le cadre de son activité de gestion d’actifs ne permet pas de remettre en cause l’appréciation de la BCE selon laquelle la volonté de PH d’investir une part importante de ses actifs dans la banque cible sans explication plausible quant à un rendement raisonnable à court et moyen terme témoigne d’un appétit pour le risque élevé.

303    L’argumentation des requérants doit être écartée.

c)      Sur la piètre qualité des informations fournies

304    Au point 2.6 de la décision attaquée, ainsi qu’il a été dit au point 96 ci-dessus, la BCE a considéré que les actions des candidats acquéreurs, en particulier la piètre qualité des informations fournies, ainsi que la soumission tardive et incomplète des informations requises, soulevaient également des inquiétudes quant à la question de savoir si les candidats acquéreurs possédaient la compréhension nécessaire de l’importance de se conformer au cadre réglementaire applicable.

305    Au point 2.12 de la décision attaquée, ainsi qu’il a été dit au point 99 ci-dessus, la BCE a fourni des précisions sur la piètre qualité des informations fournies.

306    En outre, à la page 23 de sa proposition, la BaFin a indiqué que, à la lumière de la piètre qualité du plan d’affaires, elle doutait de la connaissance et de la compréhension nécessaires par PH de l’importance de se conformer aux réglementations de surveillance. Dans la partie de sa proposition intitulée « Remarques générales », aux pages 33 à 35, ainsi que dans la partie de sa proposition intitulée « Compétence professionnelle », aux pages 26 et 27, à laquelle la page 23 de sa proposition renvoie, elle a indiqué que les documents fournis tout au long de la procédure faisaient apparaître une multitude d’incohérences et de manques de détails même après des demandes répétées. Il existerait des incohérences entre les différentes soumissions (plan d’affaires initial, addendum et nouveaux éléments financiers) et au sein d’un même document (plan d’affaires initial). Elle a indiqué également que les projections financières et les structures de gouvernance proposées montraient que les hypothèses de croissance significative attendues par les candidats acquéreurs dans tous les secteurs d’activités reposaient sur des hypothèses peu plausibles, que les hypothèses d’effectifs de la banque n’étaient pas réalistes, que le montant total d’exposition au risque n’avait pas été calculé conformément aux exigences du règlement no 575/2013 et que le plan d’affaires, à de nombreux égards, ne respectait pas les exigences de l’article 25a du KWG relatif à l’organisation commerciale.

307    Les requérants soutiennent que la critique formulée au point 2.6 de la décision attaquée est erronée.

308    En premier lieu, ainsi qu’il a été dit aux points 182 à 190 ci-dessus, l’argumentation des requérants selon laquelle la BCE considère à tort que les attentes de croissance des candidats acquéreurs reposaient sur des hypothèses difficilement compréhensibles doit être écartée.

309    Par ailleurs, les requérants n’avancent pas d’éléments permettant de remettre en cause la considération de la BCE selon laquelle il existait de multiples incohérences entre les différentes soumissions des candidats acquéreurs.

310    Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la BCE a commis une erreur en considérant que les informations soumises par les candidats acquéreurs étaient de piètre qualité.

311    En deuxième lieu, les requérants font valoir que l’allégation selon laquelle la transmission des informations était incomplète ne peut pas être prise en compte, dans la mesure où la BaFin a confirmé le caractère complet de la notification. Il n’y aurait pas eu de transmission tardive d’informations, étant donné que les candidats acquéreurs n’auraient pas été informés des délais impartis.

312    À cet égard, il est constant que la BaFin a accusé réception d’une notification complète, conformément à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2013/36, tel que transposé en droit allemand.

313    La BCE fait néanmoins valoir que la considération relative à la soumission tardive et incomplète des informations requises doit être comprise en ce sens que, dans un premier temps, les candidats acquéreurs n’ont pas fourni de nombreux documents et qu’il leur a fallu plus d’un an pour transmettre toutes les informations manquantes, malgré plusieurs demandes de compléments d’informations assorties de délais précis, qui n’ont pas été respectés par les candidats acquéreurs.

314    La BCE fait valoir que la notification initiale, en date du 9 avril 2020, ne couvrait que PH, ce qui attesterait de la méconnaissance des conditions applicables à l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit. Presque tous les documents devant être joints par un candidat acquéreur étaient soit totalement absents de la notification initiale, soit soumis sous une forme ne satisfaisant pas aux exigences légales. La BaFin aurait informé PH le 8 mai 2020 que sa notification était incomplète puis, par lettre du 19 juin 2020, lui aurait indiqué que le plan d’affaires présenté était incomplet et lui aurait demandé de fournir, en particulier, les projections de fonds propres. Après des rappels de la BaFin, les candidats acquéreurs auraient complété le plan d’affaires le 12 octobre 2020, en fournissant un scénario de crise grave. Par lettre du 25 août 2020, la BaFin aurait informé PH que sa notification initiale et les notifications des 9 et 14 juillet 2020 de PI et de PJ demeuraient incomplètes en lui demandant de se conformer à sa demande au plus tard le 20 octobre 2020. Les documents transmis en réponse à la demande de la BaFin du 25 août 2020 n’auraient pas été suffisants. Dans trois communications entre novembre 2020 et mai 2021, la BaFin aurait informé PH que les notifications demeuraient incomplètes et aurait demandé leur fourniture au plus tard le 15 juin 2021. Le 15 juin 2021 seulement, PH aurait déposé le formulaire « acquisition/augmentation » sous la forme légale requise, à savoir portant sa signature, alors que ce formulaire signé aurait dû être joint à la notification initiale, que la BaFin avait attiré pour la première fois son attention à cet égard le 9 mai 2020 et qu’il avait été demandé pour le 20 octobre 2020 au plus tard, ce qui illustrerait l’attitude dont il a fait preuve tout au long de la procédure. Le 13 juillet 2021, la BaFin aurait informé PH que les notifications demeuraient incomplètes, notamment en ce qui concerne l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée. Après trois communications supplémentaires de la BaFin, dans lesquelles celle-ci précisait les informations manquantes, la BaFin aurait finalement accusé réception d’une notification complète le 6 décembre 2021.

315    Dans ces conditions, la chronologie des étapes de la procédure qui vient d’être exposée n’étant pas contestée par les requérants, même si la BaFin a accusé réception d’une notification complète le 6 décembre 2021, il est établi que, avant cette date, les candidats acquéreurs ont été informés des délais impartis pour communiquer des informations, dont les échéances avaient été fixées le 20 octobre 2020 et le 15 juin 2021, et qu’ils n’ont pas communiqué tous les documents demandés dans lesdits délais.

316    Les requérants font valoir que les sociétés holdings constituées aux fins de l’achat de la banque cible n’ont été créées que le 18 mai et le 22 juin 2020, de sorte que les notifications afférentes ne pouvaient pas être soumises le 8 mai 2020. Les demandes de la BaFin auraient été exceptionnellement étendues et non justifiées, de sorte que la BaFin serait à l’origine de la longue durée de la procédure. Aucune réelle période d’exclusion n’aurait été fixée avant le 23 février 2022. Les candidats acquéreurs auraient opéré à partir d’une zone économique différente.

317    À cet égard, il convient de considérer que les requérants ne démontrent pas que la BCE a exigé des documents en violation des dispositions du règlement InhKontrollV. De plus, ils n’exposent pas de manière précise les raisons pour lesquelles ils n’ont pas respecté chacun des délais fixés par la BaFin, notamment en ce qui concerne le formulaire « acquisition/augmentation » et les informations relatives aux projections de fonds propres.

318    Par suite, la BCE n’a pas commis d’erreur de fait en considérant que les candidats acquéreurs avaient, dans un premier temps, soumis les informations requises de manière tardive et incomplète.

319    En troisième lieu, il convient de considérer que la piètre qualité des informations fournies par les candidats acquéreurs présentait une ampleur telle que la BCE a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, estimer que ce manque de qualité témoignait d’un manque de conscience des candidats acquéreurs de la nécessité d’agir conformément à leurs obligations en vertu du droit de la surveillance prudentielle.

320    L’argumentation des requérants doit donc être écartée.

d)      Sur le rôle de A dans la mise en œuvre du plan d’affaires

321    Au point 2.7 de la décision attaquée, la BCE a considéré que les candidats acquéreurs souhaitaient que A, soumis à une mesure d’interdiction d’exercer ses droits de vote dans la banque cible en raison du non-respect de l’obligation de notification de l’acquisition d’une participation qualifiée, conserve un rôle pour la mise en œuvre du plan d’affaires et rejoigne le conseil consultatif de la banque cible. Cette intention aurait accru les doutes substantiels de la BCE quant à l’intégrité des candidats acquéreurs.

322    Les requérants estiment, premièrement, que, pour autant que la BCE se fonde sur la personne de A au soutien du motif relatif à l’intégrité douteuse des candidats acquéreurs, la décision attaquée serait dépourvue de base légale, puisque cette personne est un tiers et non le candidat acquéreur. Deuxièmement, l’évaluation serait fondée sur des faits erronés, puisque la banque cible ne devait pas avoir de conseil consultatif. Troisièmement, les candidats acquéreurs auraient modifié le plan d’affaires pour répondre aux exigences de la BaFin en ce qui concerne le rôle de A. Quatrièmement, la BCE aurait conclu à tort au manque d’honorabilité de PH.

323    La BCE conteste cette argumentation.

324    En premier lieu, les requérants estiment qu’il n’existe pas de base légale, notamment à l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 1, du KWG, permettant à la BCE de se fonder sur la personne de A pour considérer qu’il existe des doutes en ce qui concerne l’intégrité des candidats acquéreurs, puisque celui-ci est un tiers par rapport aux candidats acquéreurs.

325    À cet égard, il convient de considérer que la directive 2013/36, telle que transposée en droit allemand, n’exclut pas que le défaut d’honorabilité du candidat acquéreur puisse résulter des relations de ce dernier avec un tiers.

326    En effet, il n’est pas exclu que le choix par un candidat acquéreur de ses relations professionnelles ou personnelles puisse faire naître des doutes quant à son intégrité et avoir des conséquences négatives sur l’objectif de gestion saine et prudente de l’établissement de crédit concerné.

327    Le point 10.21 des orientations communes indique, au demeurant, que, dans le cadre de l’évaluation de l’intégrité du candidat acquéreur, l’autorité de surveillance cible peut tenir compte de l’intégrité et de la réputation de toute personne liée au candidat acquéreur, à savoir toute personne qui a, ou semble avoir, des liens familiaux ou commerciaux étroits avec le candidat acquéreur.

328    L’argument des requérants doit donc être écarté.

329    En deuxième lieu, les requérants font valoir que l’appréciation de la BCE est fondée sur des faits erronés, puisque la banque cible ne devait pas avoir de conseil consultatif. À cet égard, les requérants invoquent une déclaration de PH, datée du 1er février 2022, selon laquelle, étant donné que la BaFin et la Banque fédérale d’Allemagne étaient mécontentes de la structure de surveillance interne de la banque cible, PH avait l’intention, en cas de conclusion positive de la procédure d’acquisition d’une participation qualifiée, de remplacer les structures alors en place de la banque cible par un conseil de surveillance, qui devrait également inclure au moins un membre indépendant.

330    Il convient de constater que, dans le plan d’affaires initial, les candidats acquéreurs ont indiqué que PH nommerait au conseil consultatif A, que, à mesure que la banque se développerait, le conseil consultatif se transformerait en conseil de surveillance et que, à ce stade, la composition du conseil de surveillance serait reconsidérée. À la page 7 des réponses aux questions du 10 juillet 2020, les candidats acquéreurs ont indiqué que l’implication de A dans le conseil consultatif se limiterait à contribuer à un transfert harmonieux de propriété et à la recherche d’opportunités commerciales.

331    Or, il résulte de la déclaration de PH du 1er février 2022 que ce dernier avait l’intention de remplacer les structures alors en place de la banque cible par un conseil de surveillance.

332    Étant donné que la déclaration de PH est postérieure au plan initial et aux réponses aux questions du 10 juillet 2020, il convient de considérer que cette déclaration a rendu caduque l’intention des candidats acquéreurs de faire participer A au conseil consultatif de la banque cible.

333    Si la BCE fait valoir que, quel que soit l’organe de la banque cible dans lequel A serait impliqué, c’est-à-dire un conseil de surveillance ou un conseil consultatif de la banque cible, les candidats acquéreurs prévoyaient que A joue un rôle en tant que conseiller de cette dernière, elle ne se réfère à aucune pièce venant étayer son argumentation.

334    Par suite, la BCE doit être regardée comme ayant commis une erreur de fait en considérant, au point 2.7 de la décision attaquée, que les candidats acquéreurs souhaitaient que A rejoigne le conseil consultatif de la banque cible.

335    Toutefois, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de cette décision sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif (arrêts du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 42, et du 15 janvier 2015, France/Commission, T‑1/12, EU:T:2015:17, point 73).

336    En l’espèce, il convient de constater que, en dépit de l’erreur de fait commise par la BCE en ce qui concerne le souhait que A rejoigne le conseil consultatif de la banque cible, les motifs de la décision attaquée figurant à ses points 2.4, 2.5 et 2.6 ainsi que l’intention des candidats acquéreurs de faire participer A à la mise en œuvre du plan d’affaires suffisent à justifier l’existence de doutes quant à l’intégrité du candidat acquéreur. A fortiori, cette erreur ne remet en cause ni l’existence de doutes en ce qui concerne l’honorabilité des candidats acquéreurs, lesquels sont également fondés sur le manque de compétence professionnelle de ces derniers, ni le dispositif de la décision attaquée, qui est également fondé sur le non-respect des critères de solidité financière et le non-respect des exigences prudentielles et de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

337    En troisième lieu, les requérants font valoir que la BaFin a fait savoir à PH qu’elle n’était pas favorable à une participation de A aux futures activités commerciales de la banque cible. Par suite, PH aurait renoncé aux avantages résultant du fait d’avoir A comme consultant et modifié le plan d’affaires pour répondre aux exigences de la BaFin.

338    À cet égard, il ressort de la page 24 de la proposition de la BaFin et du plan d’affaires initial que A et son groupe de sociétés devaient jouer un rôle très important dans la mise en œuvre du plan d’affaires, en particulier en tirant parti de leur réseau en Asie.

339    Dans les réponses aux questions du 10 juillet 2020, les candidats ont nuancé le rôle de A dans la mise en œuvre du plan d’affaires. Ils ont indiqué que A aiderait la banque cible à lancer ses nouvelles activités, que les relations commerciales de A seraient potentiellement utiles pour trouver de nouveaux clients et de nouvelles opportunités, mais que la relation avec A devait être qualifiée d’occasionnelle et qu’aucune relation d’entreprise avec le groupe de sociétés de A n’était nécessaire.

340    Par ailleurs, à supposer que les candidats acquéreurs se réfèrent à l’addendum lorsqu’ils font valoir qu’ils ont modifié le plan d’affaires pour répondre aux exigences de la BaFin, ce qu’ils n’indiquent pas expressément, il convient de constater que l’addendum ne se réfère pas à A. Toutefois, l’articulation entre le plan d’affaires initial et l’addendum n’est pas claire. En effet, la page 4 de l’addendum indique que les piliers du plan d’affaires, les principaux déterminants du succès, les domaines d’activité sur lesquels se concentrer pour la croissance et l’approche de mise en œuvre ont été généralement confirmés.

341    Dans ces conditions, il ne pouvait être, en tout état de cause, déduit de l’addendum que les candidats acquéreurs avaient finalement décidé que A ne participerait pas aux activités commerciales futures de la banque cible.

342    Par suite, la BCE n’a pas commis d’erreur de fait en considérant que les candidats acquéreurs avaient l’intention que A joue un rôle dans la mise en œuvre du plan d’affaires.

343    En quatrième lieu, les requérants estiment que la BCE a conclu à tort au manque d’honorabilité de PH.

344    Tout d’abord, les requérants font valoir, pour la première fois au stade de la réplique, que A n’était pas le bénéficiaire ultime de Socrates Capital au moment du « premier manquement » à l’obligation de notification de l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit.

345    À cet égard, il ressort des pages 16 et 17 de la proposition de la BaFin que, le 23 juin 2017, Socrates Capital a accepté de reprendre des parts dans la banque cible sans notification préalable à la BaFin. Le 14 décembre 2017 et les 22 et 29 janvier 2018, Socrates Capital, A et deux sociétés holdings ont notifié ex post à la BaFin leur intention d’acquérir une majorité du capital et des droits de vote dans la banque cible. L’information demandée par la BaFin au cours des procédures correspondantes d’acquisition d’une participation qualifiée serait restée incomplète en dépit de multiples demandes, notamment en ce qui concerne l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée. Socrates Capital et A n’auraient pas fourni ces informations et n’auraient pas fait d’efforts pour le faire à l’avenir. Par suite, le 19 février 2018, la BaFin aurait imposé une interdiction d’exercice des droits de vote et d’autres mesures sur le fondement de l’article 2c, paragraphe 2, du KWG à l’actionnaire majoritaire à cette date.

346    Dans ces conditions, l’allégation des requérants selon laquelle A n’était pas le bénéficiaire ultime de Socrates Capital au moment du « premier manquement » ne remet pas en cause la considération, figurant au point 2.7 de la décision attaquée, selon laquelle A est soumis à une mesure d’interdiction d’exercer ses droits de vote en raison du non-respect de l’obligation de notification de l’acquisition d’une participation envisagée. En effet, les requérants ne contestent pas le fait que A n’a pas fourni les informations demandées par la BaFin dans le cadre de la notification ex post des 14 décembre 2017, 22 et 29 janvier 2018.

347    Par ailleurs, les requérants exposent que, même si A avait enfreint la loi bancaire allemande, cela n’entacherait pas l’honorabilité de PH, puisqu’il s’agirait de comportements non délictueux et que, en outre, un rôle de consultant n’impliquerait généralement pas d’influence directe sur les décisions de l’entreprise.

348    Toutefois, premièrement, même si le non-respect de l’obligation de notification de l’acquisition d’une participation qualifiée par A ne constitue pas une infraction pénale, elle peut être considérée comme un sérieux manquement aux règles de surveillance prudentielle des établissements de crédit, qui a d’ailleurs eu pour conséquence une mesure prudentielle sévère d’interdiction d’exercice des droits de vote.

349    Deuxièmement, il est constant que les candidats acquéreurs avaient connaissance du fait que A avait méconnu son obligation de notification de l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit.

350    Troisièmement, la circonstance que, en dépit de sa participation à la mise en œuvre du plan d’affaires, A ne devait pas avoir une influence directe sur les décisions de la banque cible ne remet en cause ni la réalité et le caractère non négligeable de ladite participation ni le fait que les candidats acquéreurs ont choisi de faire jouer un tel rôle à A en ayant connaissance du manquement en cause.

351    Dans ces conditions, la BCE n’a pas commis d’erreur en considérant que, en l’espèce, la volonté des candidats acquéreurs de faire participer A à la mise en œuvre du plan d’affaires, alors qu’il avait méconnu l’obligation de notification de l’acquisition d’une participation qualifiée, était de nature à susciter un doute sur leur intégrité.

352    L’argumentation des requérants doit donc être écartée ainsi que, par suite, le moyen dans son ensemble.

6.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 1, du KWG en ce qui concerne la compétence professionnelle

353    Aux points 2.8 à 2.12 de la décision attaquée, la BCE a considéré que PH n’avait pas encore d’expérience dans le domaine bancaire et qu’il était donc important de solliciter des avis d’expert afin d’assurer une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit et de fournir un plan d’affaires conforme au cadre réglementaire. Les actions des candidats acquéreurs auraient démontré qu’ils n’étaient pas conscients des normes applicables aux établissements de crédit et qu’ils semblaient avoir omis d’obtenir suffisamment de conseils externes.

354    Ainsi, premièrement, au point 2.10 de la décision attaquée, la BCE a indiqué que les candidats acquéreurs n’avaient pas calculé le montant total de l’exposition au risque conformément au règlement no 575/2013. En outre, le plan d’affaires aurait montré de graves lacunes en ce qui concerne la conformité de la future organisation commerciale avec les exigences, en particulier, de l’article 25a du KWG.

355    Deuxièmement, au point 2.11 de la décision attaquée, la BCE a indiqué que les candidats acquéreurs avaient fourni des informations sur le plan d’affaires qui n’étaient pas conformes au cadre réglementaire. Les soumissions auraient prouvé que les candidats acquéreurs ne connaissaient pas suffisamment l’étendue de l’évaluation du plan d’affaires effectuée dans le cadre d’une procédure d’acquisition d’une participation qualifiée. Les candidats acquéreurs auraient indiqué qu’ils considéraient l’acquisition de la banque cible avec son agrément comme moins consommatrice de ressources et moins coûteuse que la demande d’un agrément bancaire. Or, dans les cas d’un redémarrage complet des activités avec un sérieux changement du modèle économique, nécessitant des amendements importants à l’organisation de la banque cible, la portée et la profondeur de l’évaluation dans le cadre d’une procédure d’acquisition d’une participation qualifiée deviendraient très similaires à l’évaluation du plan d’affaires dans le cadre d’une procédure d’agrément. La déclaration des candidats acquéreurs selon laquelle l’acquisition d’une banque fondamentalement non opérationnelle ne nécessiterait qu’une évaluation plus étroite par rapport à une procédure d’agrément prouverait un manque de compréhension du cadre réglementaire applicable.

356    Troisièmement, au point 2.12 de la décision attaquée, ainsi qu’il a déjà été dit, la BCE a estimé que les candidats acquéreurs n’avaient pas non plus soumis d’informations plausibles sur le plan d’affaires. Ceci, ainsi que les lacunes graves du plan d’affaires en ce qui concerne le respect des exigences prudentielles, aurait révélé un manque substantiel de compétence professionnelle.

a)      Sur la possibilité pour la BCE d’apprécier la compétence professionnelle des candidats acquéreurs

357    Dans la réplique, les requérants font valoir pour la première fois que la BCE ne pouvait pas se fonder sur la compétence professionnelle du candidat acquéreur pour adopter la décision attaquée. L’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36 mentionnerait l’honorabilité et non la compétence professionnelle du candidat acquéreur. La BCE aurait donc méconnu cet article, tel que transposé en droit allemand.

358    Dans la duplique, la BCE estime que cette argumentation constitue un moyen nouveau, qui doit être écarté comme irrecevable en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Par ailleurs, elle estime que cette argumentation n’est pas fondée.

359    En vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen, ou un argument, qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 46).

360    L’argumentation des requérants tirée de ce que la BCE ne pouvait pas se fonder sur la compétence professionnelle des candidats acquéreurs pour adopter la décision attaquée ne constitue pas l’ampliation d’un grief énoncé dans la requête présentant un lien étroit avec celui-ci. En effet, dans la requête, les requérants ont seulement fait valoir, en substance, que la BCE avait considéré à tort que les candidats acquéreurs ne disposaient pas de la compétence professionnelle requise, sans remettre en cause, directement ou implicitement, le prise en compte par la BCE, dans le cadre de son appréciation de l’honorabilité des candidats acquéreurs, de leur compétence professionnelle.

361    Dans ces conditions, et dès lors qu’elle ne repose pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, cette argumentation, soulevée pour la première fois au stade de la réplique, est tardive et, partant, irrecevable.

362    En outre, il est vrai que l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36 ne mentionne, sous a), que l’honorabilité du candidat acquéreur, alors que ce même article mentionne, sous b), l’honorabilité, les connaissances, les compétences et l’expérience, visées à l’article 91, paragraphe 1, de la même directive, de tout membre de l’organe de direction qui assurera la direction des activités de l’établissement de crédit à la suite de l’acquisition envisagée.

363    Toutefois, il convient de relever que, selon son acception usuelle, le terme « honorable » signifie « qui est digne d’estime » ou « dont la respectabilité est notoire ». Une telle définition, qui renvoie notamment à l’opinion du public, n’exclut pas que l’honorabilité d’une personne dépende de sa compétence professionnelle.

364    Selon le considérant 8 de la directive 2007/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, modifiant la directive 92/49/CEE du Conseil et les directives 2002/83/CE, 2004/39/CE, 2005/68/CE et 2006/48/CE en ce qui concerne les règles de procédure et les critères d’évaluation applicables à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participation dans des entités du secteur financier (JO 2007, L 247, p. 1), dont les dispositions ont été reprises dans la directive 2013/36, l’application du critère relatif à la réputation du candidat acquéreur suppose de déterminer s’il existe des doutes quant à l’intégrité « et à la compétence professionnelle » de celui-ci et si lesdits doutes sont fondés. 

365    La prise en considération, dans l’examen de l’honorabilité du candidat acquéreur, de sa compétence professionnelle est cohérente avec l’évaluation du « caractère approprié » de ce candidat, selon les termes de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36. Elle est également cohérente avec l’objectif du contrôle de l’acquisition des participations qualifiées, qui est de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit. Étant donné que le détenteur d’une participation qualifiée est en mesure d’exercer une influence sur l’établissement de crédit concerné, sa compétence professionnelle contribue à une telle gestion saine et prudente de cet établissement.

366    Les orientations communes corroborent, au demeurant, cette interprétation, puisqu’elles indiquent, notamment au point 10.1, que l’évaluation de la réputation du candidat acquéreur devrait couvrir son intégrité et sa compétence professionnelle.

367    Les termes de l’article 2c, paragraphe 1b, première phrase, point 1, du KWG, rappelés au point 282 ci-dessus, ne permettent pas d’exclure une telle interprétation. L’exposé des motifs de la Gesetz zur Umsetzung der Beteiligungsrichtlinie (loi transposant la directive sur la participation), du 12 mars 2009 (BGBl., 2009 I, p. 470), qui transpose en droit allemand la directive 2007/44, mentionne que le critère de fiabilité consiste à vérifier l’existence de doutes quant à l’intégrité « et à la capacité professionnelle » du candidat acquéreur et le bien-fondé de ces doutes.

368    Il résulte de ce qui précède que le critère d’honorabilité mentionné à l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36 doit être interprété en ce sens qu’il inclut l’évaluation de la compétence professionnelle du candidat acquéreur.

369    Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la BCE a méconnu l’article 23 de la directive 2013/36, tel que transposé en droit allemand, en examinant la compétence professionnelle des candidats acquéreurs.

370    L’argumentation des requérants doit donc être écartée comme irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

b)      Sur le caractère prétendument erroné de l’appréciation de la compétence professionnelle des candidats acquéreurs

371    Les requérants font valoir qu’ils ont une connaissance générale des droits et obligations liés à la détention d’une participation dans un établissement de crédit. PH aurait des compétences dans le domaine de la gouvernance d’entreprise (expérience antérieure en matière d’acquisition et de gestion de participations dans des sociétés) et dans celui des activités financières de la banque cible (expérience dans l’exploitation et la gestion d’institutions financières en tant qu’actionnaire de contrôle). Le montant du capital requis, le plan d’affaires, le ratio total de fonds propres et le motif de l’acquisition envisagée ne diraient rien de la capacité professionnelle antérieure des candidats acquéreurs. La BCE aurait dû tenir compte de l’expérience de PH dans la gestion de participations majoritaires et d’investissements financiers. Les candidats acquéreurs auraient suffisamment fait appel à des avis extérieurs. La compétence de PH aurait été rejetée de manière arbitraire, non pertinente et discriminatoire, ce qui jetterait un doute sur l’impartialité de son examen.

372    La BCE, soutenue par la Commission, conteste l’argumentation des requérants.

373    À cet égard, premièrement, selon le point 10.3 des orientations communes, l’évaluation de la compétence professionnelle devrait tenir compte de l’influence que le candidat acquéreur exercera sur l’entreprise cible. Cela signifie que, conformément au principe de proportionnalité, les conditions de compétence requises devraient être moindres pour les candidats acquéreurs qui ne sont pas en mesure d’exercer, ou qui s’engagent à ne pas exercer, une influence notable sur l’entreprise cible. Dans de telles circonstances, la preuve d’une compétence adéquate en matière de gestion devrait être suffisante.

374    Or, il est constant en l’espèce que les candidats acquéreurs devaient exercer une influence notable sur la banque cible, de sorte que les conditions de compétence exigées de leur part ne pouvaient être considérées comme moindres au sens du point 10.3 des orientations communes.

375    Deuxièmement, selon le point 10.5 des orientations communes, sous réserve du point 10.8 de ces orientations, l’exigence concernant la compétence professionnelle devrait généralement être considérée comme satisfaite si, notamment, le candidat acquéreur est une personne déjà considérée comme suffisamment compétente en sa qualité de détenteur d’une participation qualifiée dans un autre établissement financier qui est sous la surveillance de la même autorité de surveillance compétente ou d’une autre autorité de surveillance compétente dans le même pays ou dans un autre État membre.

376    Or, les requérants n’allèguent pas que les candidats acquéreurs se trouvaient dans la situation mentionnée au point 10.5 des orientations communes.

377    Troisièmement, selon le point 10.23 des orientations communes, la compétence professionnelle du candidat acquéreur couvre la compétence en matière de gestion (la « compétence de gestion ») et dans le domaine des activités financières menées par l’entreprise cible (la « compétence technique »).

378    S’agissant de la compétence de gestion, selon le point 10.24 des orientations communes, cette compétence peut reposer sur l’expérience antérieure du candidat acquéreur en matière d’acquisition et de gestion de participations dans des sociétés, et doit attester de sa compétence, de son soin et de sa diligence ainsi que du respect des normes applicables.

379    En l’espèce, il est constant que PH, qui a créé et contrôle lui-même plusieurs sociétés, dispose de la compétence de gestion nécessaire pour acquérir une participation qualifiée dans la banque cible.

380    S’agissant de la compétence technique, selon le point 10.25 des orientations communes, celle-ci peut reposer sur l’expérience antérieure du candidat acquéreur en matière d’exploitation et de gestion des établissements financiers en tant qu’actionnaire de contrôle ou en tant que personne dirigeant effectivement les activités d’une entreprise financière. Là aussi, l’expérience devrait attester de sa compétence, de son soin et de sa diligence ainsi que du respect des normes applicables.

381    Selon le point 10.29 des orientations communes, lorsque l’acquisition du contrôle ou d’une participation permet au candidat acquéreur d’exercer une influence importante (par exemple une participation s’accompagnant d’un droit de veto), la nécessité d’une compétence technique sera plus importante étant donné que les actionnaires de contrôle seront en mesure de définir ou d’approuver le plan d’entreprise et les stratégies de l’établissement financier concerné. De même, le niveau de compétence technique nécessaire dépendra de la nature et de la complexité des activités envisagées.

382    Compte tenu du point 10.29 des orientations communes, la BCE pouvait tenir compte du fait que les candidats acquéreurs, qui seraient en mesure de définir le plan d’affaires et les stratégies de la banque cible, envisageaient un redémarrage des activités de cette banque et l’extension à de nouvelles activités.

383    En outre, contrairement à ce que les requérants font valoir, la BCE a effectivement tenu compte, s’agissant de la compétence technique, de l’expérience antérieure de PH dans le domaine financier.

384    En effet, à la page 26 de la proposition de la BaFin, sur laquelle la BCE s’est fondée, l’expérience antérieure de PH est mentionnée. La BaFin indique en particulier que ce dernier dispose d’un diplôme en finance, est un analyste financier et en investissements alternatifs et qu’il a travaillé en tant que gestionnaire d’actifs, en tant qu’analyste en investissements immobiliers et en tant que négociant dans le domaine des devises, des matières premières, des lingots, des contrats à terme, des contrats sur la différence et des options.

385    Toutefois, la BCE a également pu tenir compte du fait, qui n’est pas contesté, que PH ne disposait pas d’une expérience dans un établissement de crédit et considérer que, par suite, il était important qu’il sollicite des conseils externes.

386    Par ailleurs, lorsque, comme en l’espèce, le candidat acquéreur ne dispose pas d’une expérience antérieure dans un établissement de crédit et souhaite acquérir une participation de contrôle dans un tel établissement, le contenu du plan d’affaires est susceptible de révéler s’il dispose de la compétence technique nécessaire, compte tenu de la nature et de la complexité des activités envisagées.

387    En effet, le plan d’affaires soumis sous la responsabilité du candidat acquéreur est susceptible d’indiquer si ce dernier dispose ou non d’une connaissance suffisante du cadre juridique des activités économiques futures de la banque cible et s’il est en mesure d’obtenir des conseils juridiques suffisamment fiables.

388    Ainsi, la BCE a pu prendre en compte, pour apprécier la compétence technique des candidats acquéreurs, la circonstance que le calcul du montant total de l’exposition au risque n’était pas exact, que le plan d’affaires présentait de graves lacunes en ce qui concerne la conformité de la future organisation de l’entreprise, que les candidats acquéreurs se méprenaient sur la portée de l’évaluation dans une procédure d’acquisition d’une participation qualifiée et qu’ils avaient soumis des informations qui n’étaient pas plausibles sur le plan d’affaires.

389    Ainsi, bien que PH, qui souhaitait exercer une influence importante sur la banque cible, justifiait d’une compétence dans le domaine financier et qu’il ait eu recours à des conseils extérieurs, il ne disposait pas d’une expérience professionnelle dans la gestion d’un établissement de crédit et a soumis des informations et un plan d’affaires présentant de sévères lacunes, en ce qui concerne le calcul du montant total de l’exposition au risque, l’organisation de la banque cible et la plausibilité des informations fournies.

390    Par suite, la BCE n’a pas commis les erreurs que les requérants lui reprochent en considérant que le sous-critère de compétence professionnelle n’était pas rempli.

391    Le moyen doit donc être écarté.

7.      Sur le septième moyen, tiré du manque de prise en compte des faits pertinents et d’erreurs d’appréciation, et sur le neuvième moyen, tiré de la violation des devoirs de diligence et d’impartialité

392    Dans le cadre du septième moyen, les requérants soutiennent que la BCE n’a pas procédé à une enquête complète sur les faits et ne les a pas examinés de manière objective et impartiale, comme l’exigent l’article 41, paragraphe 1, de la Charte et l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 468/2014. Les candidats acquéreurs auraient produit des documents dont la BCE n’a pas tenu compte dans sa décision. Il en résulterait des erreurs d’appréciation.

393    En particulier, premièrement, aux points 2.33 et suivants de la décision attaquée, la BCE supposerait à tort que l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée ne lui a pas été expliquée. Deuxièmement, les candidats acquéreurs auraient démontré que l’activité antérieure de PH n’était pas risquée. Troisièmement, la BaFin aurait été informée qu’un conseil de surveillance devait être mis en place.

394    Dans le neuvième moyen, les requérants soutiennent que la BCE a violé les devoirs de diligence et d’impartialité, alors que le principe de bonne administration, consacré par l’article 41 de la Charte, impliquerait l’obligation, réitérée à l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 468/2014, d’examiner avec soin et impartialité tous les aspects pertinents du cas d’espèce.

395    En particulier, premièrement, au point 2.8 de la décision attaquée, la BCE n’aurait pas tenu compte de la réussite économique de PH dans le cadre de l’évaluation de la compétence professionnelle. Deuxièmement, aux points 1.3, 1.4, 1.5 et 1.8 de la décision attaquée, la BCE aurait pris en compte des circonstances non pertinentes, en ce qui concerne notamment les mesures de surveillance imposées dans le passé à la banque cible et son histoire.

396    La BCE conteste l’argumentation des requérants.

397    Étant donné que les septième et neuvième moyens sont fondés l’un et l’autre sur une violation de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, et de l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 468/2014, il convient de les examiner ensemble.

398    Parmi les garanties conférées par le droit de l’Union dans les procédures administratives, figure, notamment, le droit à une bonne administration, consacré par l’article 41 de la Charte, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente de procéder à un examen diligent et impartial, qui tient en outre compte de tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, Schniga/OCVV, C‑625/15 P, EU:C:2017:435, point 47).

399    Dans le même sens, l’article 28, paragraphe 2, du règlement no 468/2014 dispose que, dans son évaluation, la BCE tient compte de toutes les circonstances pertinentes. 

400    En premier lieu, les requérants estiment que la BCE n’a pas tenu compte de certains éléments pertinents.

401    Premièrement, les requérants font valoir que le fait que la BCE suppose, au point 2.5 de la décision attaquée, que PH est très enclin à prendre des risques ne peut qu’indiquer qu’elle n’a pas pleinement examiné « les faits ».

402    Toutefois, en ce qui concerne le motif de la décision attaquée selon lequel l’appétit pour le risque de PH suscite des doutes quant à la prudence de l’investissement envisagé, les requérants ne démontrent pas que la BCE n’a pas tenu compte des informations destinées à démontrer que l’activité antérieure de gestion d’actifs de PH n’était pas risquée.

403    La circonstance que, selon les requérants, ladite activité n’était pas risquée ne permet pas davantage de conclure que la BCE n’a pas examiné les faits.

404    Deuxièmement, les requérants font valoir que, au point 2.8 de la décision attaquée, la BCE n’a pas tenu compte de la réussite économique de PH dans le cadre de l’évaluation de la compétence professionnelle, notamment du fait que ce dernier, âgé de [30-50] ans, a constitué lui-même son patrimoine de [10-100] millions d’euros.

405    Toutefois, ainsi qu’il a déjà été dit au point 384 ci-dessus, dans sa proposition, la BaFin a mentionné l’expérience professionnelle antérieure de PH. Elle a également examiné, à la page 10 de cette proposition, la position financière et le curriculum vitae de PH.

406    Par suite, les requérants ne démontrent pas que la BCE n’a pas tenu compte de la réussite économique de PH dans le cadre de l’évaluation de sa compétence professionnelle.

407    Troisièmement, les requérants estiment que, aux points 2.33 et suivants de décision attaquée, la BCE a supposé que l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée ne lui avait pas été expliquée, alors que les candidats acquéreurs avaient décrit en détail comment PH avait acquis ses fonds propres.

408    Toutefois, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la BCE n’a pas tenu compte des informations qu’ils ont communiquées à la BaFin en ce qui concerne l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée. En effet, il ressort de l’analyse détaillée figurant aux pages 72 et 73 de la proposition de la BaFin que cette dernière a tenu compte des documents transmis par les candidats acquéreurs. Cette considération est corroborée par le fait que la BaFin s’est adressée à de multiples reprises aux candidats acquéreurs pour leur demander de fournir des informations sur l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée et leur a fait part de ses observations sur les pièces déjà communiquées.

409    Quatrièmement, les requérants affirment que la BaFin a été informée que la structure organisationnelle de la banque cible devrait être adaptée après l’acquisition envisagée et qu’un conseil de surveillance devrait également être mis en place. Ils se réfèrent à la déclaration de PH du 1er février 2022 mentionnée au point 331 ci-dessus.

410    À cet égard, il convient de constater que, d’une part, les requérants ne se réfèrent à aucun point de la décision attaquée et ne tirent pas de conclusion de leur affirmation et, d’autre part, la proposition de la BaFin, à la page 13, mentionne que PH a l’intention de mettre en place un conseil de surveillance.

411    Dans ces conditions, l’affirmation des requérants relative à la mise en place d’un conseil de surveillance doit être écartée.

412    En outre, la circonstance que la BCE n’aurait pas tenu compte de certaines informations soumises par les candidats acquéreurs, même à la supposer établie, ce qui n’est pas le cas, ne permet pas de conclure de manière automatique que la BCE a commis des « erreurs d’appréciation », d’ailleurs non identifiées par les requérants.

413    Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la BCE n’a pas tenu compte de certains éléments pertinents ni qu’elle a commis des erreurs d’appréciation.

414    En second lieu, les requérants font valoir que, aux points 1.3, 1.4, 1.5 et 1.8 de la décision attaquée, la BCE a tenu compte de circonstances non pertinentes. Ni les mesures de surveillance imposées par le passé à la banque cible (point 1.3) ni son histoire (point 1.4) ne seraient pertinentes. Cela montrerait que la BCE est subjectivement guidée par son aversion pour la banque cible en tant qu’institution financière. Les allusions hypothétiques du point 1.8 de la décision attaquée relatives à de prétendues demandes antérieures d’un investisseur ne seraient pas pertinentes et viseraient à donner une image négative des requérants.

415    Au point 1.3 de la décision attaquée, la BCE a indiqué que la banque cible était sujette à une mesure d’interdiction d’accepter des dépôts et d’accorder des prêts et, au point 1.4, que, selon le cabinet d’audit chargé du contrôle des comptes annuels de la banque cible, depuis 2012, la viabilité de cette dernière était menacée. Au point 1.8 de cette décision, la BCE a relevé qu’un autre investisseur avait soumis en octobre 2018 une notification avec un plan d’affaires qui ressemblait au plan d’affaires de A dans une large mesure et que cet investisseur n’avait répondu aux demandes de la BaFin, notamment sur l’origine des fonds destinés à l’acquisition, qu’à contrecœur et de manière contradictoire, avant de retirer sa notification.

416    Les éléments mentionnés aux points 1.3, 1.4 et 1.8 de la décision attaquée constituent des faits relatifs à la surveillance prudentielle de la banque cible et font partie du contexte de la décision attaquée.

417    Par ailleurs, les faits mentionnés aux points 1.3 et 1.4 sont pertinents pour apprécier si le critère du respect des exigences prudentielles est rempli. En effet, l’évaluation du plan d’affaires pouvait tenir compte, en ce qui concerne notamment le respect des exigences prudentielles relatives à l’organisation commerciale de la banque cible, du fait que la banque cible faisait l’objet, depuis 2017, d’une interdiction d’accepter des dépôts et d’accorder des prêts.

418    S’il est vrai que la circonstance mentionnée au point 1.8 de la décision attaquée est étrangère au projet d’acquisition de la participation qualifiée de la banque cible par les requérants, elle n’a pas été utilisée par la BCE pour apprécier si les critères prévus par l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36, tel que transposé en droit national, étaient remplis. Elle doit être considérée comme un élément de contexte relatif à l’historique de surveillance prudentielle de la banque cible qui est demeuré sans incidence sur l’évaluation de la notification soumise par les candidats acquéreurs.

419    Enfin, les faits mentionnés aux points 1.3, 1.4 et 1.8, qui font partie du contexte de la décision attaquée et dont la réalité n’est pas contestée, ne permettent pas de démontrer une volonté de la BCE de nuire à la banque cible ou de donner une image négative des requérants.

420    L’argumentation tirée de ce que la BCE aurait tenu compte de circonstances non pertinentes aux points 1.3, 1.4, 1.5 et 1.8 de la décision attaquée, laquelle n’est pas étayée en ce qui concerne le point 1.5, doit donc être écartée, ainsi que, par suite, les septième et neuvième moyens.

8.      Sur le huitième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité et sur le dixième moyen, tiré de la violation de la Charte

421    Aux points 2.36 et suivants de la décision attaquée, la BCE a considéré, en ce qui concerne le respect du principe de proportionnalité, que l’objectif de la procédure d’acquisition d’une participation qualifiée est de contribuer à la sauvegarde du système bancaire en garantissant que seuls les établissements de crédit sains et fonctionnant correctement opèrent afin de protéger les déposants et les établissements de crédit de l’influence préjudiciable exercée par tout futur actionnaire qui pourrait porter atteinte à la conformité du fonctionnement de l’établissement à la réglementation applicable.

422    Au point 2.37 de la décision attaquée, la BCE a estimé que les candidats acquéreurs ne satisfaisaient pas à une ou plusieurs des exigences énumérées à l’article 2c, paragraphe 1b, du KWG. Par conséquent, la BCE pouvait, selon elle, s’opposer à l’acquisition envisagée afin de garantir que les candidats acquéreurs n’acquièrent pas une participation majoritaire dans la banque cible. Il n’existerait pas de mesures de surveillance moins restrictives permettant d’atteindre cet objectif avec la même probabilité. De manière générale, l’imposition d’une ou de plusieurs dispositions accessoires pourrait toutefois constituer une mesure moins restrictive qu’une opposition.

423    Au point 2.38 de la décision attaquée, la BCE a estimé que l’imposition d’une ou de plusieurs dispositions accessoires n’atténuerait pas le non-respect des critères d’évaluation. Premièrement, les candidats acquéreurs ne seraient pas considérés comme jouissant d’une bonne réputation. Cela ne pourrait pas être atténué, car il n’existerait aucune mesure permettant de répondre à court et moyen terme aux préoccupations concernant l’intégrité des candidats acquéreurs. En particulier, le manque de compréhension de l’importance du respect du cadre réglementaire, l’approche de prise de risque et l’influence restante envisagée de A, c’est-à-dire un actionnaire inapproprié, ne pourraient pas être atténués dans la mesure où ils concernent les qualités personnelles des candidats acquéreurs. Deuxièmement, le manque de solidité financière ne pourrait pas non plus être comblé par une disposition accessoire. Une condition suspensive, par exemple pour emprunter des fonds, n’aurait qu’un effet encore plus préjudiciable sur la banque cible, car elle pourrait l’exposer à des pressions supplémentaires de la part des candidats acquéreurs à l’avenir pour distribuer des dividendes afin de rembourser les fonds empruntés. Troisièmement, le non-respect du plan d’affaires proposé, assorti d’exigences prudentielles, ne pourrait être résolu ni par une condition suspensive ni par une obligation. Une condition suspensive pourrait être, par exemple, de mettre en œuvre une structure organisationnelle conforme à l’article 25a du KWG avant l’acquisition envisagée. Cependant, afin de mettre en place une structure conforme aux exigences minimales décrites dans l’article 25a du KWG pour le modèle économique décrit dans le plan d’affaires, les candidats acquéreurs devraient d’abord devenir actionnaires de la banque cible pour en obtenir le contrôle. Cela serait dû au fait que le démarrage des activités commerciales envisagées nécessiterait une restructuration importante de la gouvernance et de l’infrastructure de la banque cible. Ainsi, une condition suspensive visant à remédier à l’absence d’une bonne organisation de l’entreprise ne pourrait pas être remplie en l’espèce. En outre, imposer l’obligation de mettre en œuvre un plan d’affaires conforme aux exigences prudentielles ne permettrait pas d’atteindre l’objectif visé. Même après de nombreuses demandes d’informations complémentaires, le plan d’affaires resterait flou et non conforme au cadre réglementaire, tant en ce qui concerne les exigences en matière de capital que les exigences en matière d’organisation appropriée de la banque cible. Enfin, les préoccupations concernant un risque accru de blanchiment de capitaux en raison de l’origine non transparente des fonds destinés à l’acquisition envisagée et aux augmentations de capital prévues ne pourraient être résolues qu’avec des explications plausibles et complètes sur l’origine des fonds destinés à l’acquisition envisagée. Toutefois, la BaFin aurait déjà demandé à plusieurs reprises des éclaircissements supplémentaires, mais les candidats acquéreurs ne seraient pas parvenus à les fournir.

424    Au point 2.39 de la décision attaquée, la BCE a considéré que l’opposition à l’acquisition envisagée était adéquate. Les candidats acquéreurs auraient l’intention d’acquérir une participation majoritaire dans la banque cible afin d’ajouter un partenaire commercial à leur groupe qui offrirait aux clients asiatiques des possibilités d’investissement en Europe et compléterait l’offre de services du groupe. Les candidats acquéreurs prévoiraient en outre d’acquérir la banque cible, car ils considèrent que l’acquisition d’une banque existante et le nouveau démarrage de ses activités prendraient moins de temps et coûteraient moins cher que la création d’une nouvelle banque et une demande d’agrément. Les intérêts économiques des candidats acquéreurs ne l’emporteraient cependant pas sur l’intérêt public d’un système bancaire sûr et fonctionnel et sur la protection des déposants contre les actionnaires qui pourraient exercer une influence préjudiciable sur la banque cible et constituer ainsi, en fin de compte, un risque pour les créanciers. Les faits conduisant à une conclusion négative sur les critères d’évaluation mentionnés ci-dessus résulteraient des conséquences directes des actions et du comportement des candidats acquéreurs. Ces derniers n’auraient pas été en mesure de surmonter ces préoccupations tout au long du long processus, malgré plusieurs possibilités offertes par la BaFin et la BCE pour y répondre et les surmonter. L’opposition au projet d’acquisition serait donc proportionnée.

425    Dans le huitième moyen, les requérants soutiennent que la décision attaquée interfère avec les activités commerciales des candidats acquéreurs. Ils estiment que la BCE a adopté une mesure disproportionnée par rapport à l’incompatibilité avec les exigences réglementaires, alors qu’elle aurait pu prendre des mesures plus modérées.

426    Dans le dixième moyen, en premier lieu, les requérants estiment que la liberté professionnelle de PH, garantie par l’article 15 de la Charte, a été méconnue. La décision attaquée aurait eu une influence sur les projets professionnels de PH, qui serait mis dans l’impossibilité de poursuivre l’activité qu’il a choisie. L’ingérence dans les droits de PH serait injustifiée et disproportionnée. En second lieu, les requérants font valoir que la décision attaquée interfère de manière injustifiée et disproportionnée avec la liberté d’entreprise de chacun d’eux.

427    La BCE, soutenue par la Commission, conteste l’argumentation des requérants.

428    Étant donné que les huitième et dixième moyens sont fondés l’un et l’autre sur le caractère prétendument disproportionné de la décision attaquée, il convient d’examiner ensemble lesdits moyens.

429    Selon l’article 15, paragraphe 1, de la Charte, intitulé « Liberté professionnelle et droit de travailler », toute personne a le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée. Selon l’article 16 de la Charte, intitulé « Liberté d’entreprise », la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales.

430    Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 50, et du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 206).

431    L’appréciation de la proportionnalité d’une mesure doit se concilier avec le respect de la marge d’appréciation éventuellement reconnue aux institutions de l’Union à l’occasion de son adoption (voir arrêt du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, point 53 et jurisprudence citée).

432    En premier lieu, les requérants font valoir, en substance, que la décision attaquée est, à certains égards, entachée d’un défaut de motivation en ce qui concerne ses points 2.36 à 2.39. Ils estiment qu’il n’est pas possible de comprendre pour quelles raisons l’appétit pour le risque de PH et l’influence résiduelle prévue de A ne pourraient pas être atténués par des dispositions accessoires. Aux points 2.37 et 2.38 de la décision attaquée, l’absence de recours à une mesure plus modérée ne serait pas expliquée clairement en ce qui concerne la structure organisationnelle. Le raisonnement de la BCE au point 2.39 de la décision attaquée ne serait ni plausible ni cohérent, étant donné que la nécessaire mise en balance des intérêts ferait défaut et on ne saurait pas en quoi consistent les conclusions négatives sur les critères d’évaluation. La BCE n’aurait pas inclus les droits fondamentaux dans l’évaluation de la proportionnalité. La pondération et la justification de l’ingérence dans la liberté d’entreprise seraient insuffisantes et incompréhensibles.

433    Il ressort des motifs de la décision attaquée, rappelés aux points 421 à 424 ci-dessus, que la BCE a rappelé l’objectif de la décision attaquée, a indiqué que les candidats acquéreurs ne remplissaient pas l’un ou plusieurs des critères prévus à l’article 2c, paragraphe 1b, du KWG, a estimé qu’il n’existait pas de mesures moins restrictives que la décision attaquée aptes à atteindre l’objectif visé et a considéré que cette dernière était proportionnée.

434    Contrairement à ce qu’indiquent les requérants, au point 2.38 de la décision attaquée, la BCE a exposé la raison pour laquelle l’appétit pour le risque de PH et l’intention des candidats acquéreurs de faire participer A à la mise en œuvre du plan d’affaires ne pouvaient pas faire l’objet de dispositions accessoires, en considérant que ces préoccupations étaient relatives aux qualités personnelles des candidats acquéreurs.

435    De même, la BCE a indiqué de manière claire, au même point, les raisons pour lesquelles des dispositions accessoires n’étaient pas appropriées en ce qui concernait la structure organisationnelle de la banque cible. Elle a en effet indiqué qu’une condition suspensive prévoyant la mise en place d’une structure organisationnelle appropriée avant l’acquisition envisagée n’était pas possible, compte tenu du fait que le démarrage des activités envisagées impliquerait une restructuration importante de la gouvernance et de l’infrastructure de la banque cible. Elle a, en outre, ajouté qu’imposer une obligation de mettre en œuvre un plan d’affaires conforme aux exigences réglementaires n’atteindrait pas l’objectif visé étant donné que, même après de multiples demandes d’informations additionnelles, le plan d’affaires demeurait non clair et non conforme au cadre réglementaire à de nombreux égards.

436    En outre, au point 2.39 de la décision attaquée, contrairement là encore à ce que soutiennent les requérants, la BCE a mis en balance l’intérêt public et les intérêts des candidats acquéreurs. Dans la mesure où la BCE a indiqué que les faits conduisant à une « conclusion négative » sur les critères d’évaluation étaient les conséquences directes des actions et du comportement des candidats acquéreurs, la BCE a fait référence de manière suffisamment claire au fait que les candidats acquéreurs ne remplissaient pas l’un ou plusieurs des critères énumérés à l’article 2c, paragraphe 1b, du KWG. Les requérants ne sont pas davantage fondés à soutenir que la BCE n’a pas inclus les droits fondamentaux, notamment la liberté d’entreprise, dans son évaluation, étant donné qu’elle s’est référée aux intérêts économiques des candidats acquéreurs.

437    La décision attaquée, en ses points 2.36 à 2.39, est donc suffisamment motivée.

438    En deuxième lieu, l’objectif poursuivi par la décision attaquée est, ainsi qu’il résulte des termes de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36, de garantir la gestion saine et prudente de la banque visée par l’acquisition envisagée.

439    Si les requérants font valoir que l’objectif de sauvegarde du système bancaire mentionné au point 2.36 de la décision attaquée est trop abstrait, alors que la BCE aurait dû concentrer son analyse sur la banque cible, il convient de considérer que, aux points 2.37 et suivants, la BCE a examiné de manière suffisamment concrète, en tenant compte de la situation particulière de la banque cible, si la décision attaquée était proportionnée à l’objectif qu’elle poursuit. La BCE s’est notamment référée, au point 2.38, aux conséquences préjudiciables pour la banque cible d’une disposition accessoire telle qu’une condition suspensive portant sur le recours à l’emprunt.

440    Par ailleurs, la décision attaquée, qui empêche les candidats acquéreurs d’acquérir une participation qualifiée dans la banque cible, étant donné qu’ils ne remplissent pas les critères prévus à l’article 23, sous a), c), d) et e), de la directive 2013/36, tel que transposé en droit allemand, est apte à atteindre l’objectif poursuivi par la décision attaquée.

441    En particulier, même si la décision attaquée a pour effet d’empêcher les candidats acquéreurs d’injecter des ressources financières dans la banque cible, elle est néanmoins apte à protéger les éventuels futurs déposants de la banque cible de l’influence de candidats acquéreurs dont la notification ne répond pas à l’un, et même à plusieurs, des critères prévus par l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36, tel que transposé en droit allemand.

442    La circonstance que la banque cible est un établissement moins important au sens de l’article 6, paragraphe 4, du règlement no 1024/2013 n’empêche pas que l’acquisition envisagée, qui est soumise à l’autorisation prévue par l’article 23 de la directive 2013/36, soit de nature à présenter un risque pour la gestion saine et prudente de cet établissement.

443    De même, la circonstance que la banque cible a fait l’objet de mesures de surveillance prudentielle, en particulier une mesure d’interdiction d’accepter des dépôts et d’accorder des prêts, n’empêche pas que l’acquisition envisagée soit de nature à présenter un risque pour la gestion saine et prudente de cet établissement. En effet, même si une telle interdiction n’est pas automatiquement levée dans le cas où l’acquisition est autorisée, cette circonstance a été prise en compte par la BCE dans son évaluation de l’acquisition envisagée et, malgré cela, les candidats acquéreurs ne remplissent pas l’un et même plusieurs des critères prévus par l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36, tel que transposé en droit allemand.

444    Enfin, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la BaFin et la BCE n’attribuent pas la plupart de leurs préoccupations aux candidats acquéreurs, mais à la personne de A ou à l’intention d’acquérir une clientèle en Asie, et que ces préoccupations sont aggravées par l’interdiction de vente à un nouveau propriétaire.

445    En effet, l’opposition de la BCE n’est pas fondée sur la personne de A, mais, en partie, en ce qui concerne l’intégrité des candidats acquéreurs, sur l’intention des candidats acquéreurs de faire participer ce dernier à la mise en œuvre du plan d’affaires. De même, la BCE n’a pas contesté l’intention des candidats acquéreurs d’acquérir une clientèle en Asie. En outre, la décision attaquée n’aggrave pas les préoccupations de surveillance prudentielle qu’elle mentionne ni a fortiori ne cause l’effondrement de la banque cible, étant donné qu’elle ne modifie pas la situation de cette banque, mais se borne à refuser l’acquisition d’une participation qualifiée sur la base d’une notification qui ne remplit pas les critères prévus par l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36, tel que transposé en droit allemand.

446    En troisième lieu, il est constant que la BCE a la possibilité, le cas échéant, d’adopter des dispositions accessoires à l’autorisation d’acquisition d’une participation qualifiée, telles que des conditions suspensives ou des obligations imposées à des candidats acquéreurs.

447    Les requérants font valoir que la BCE aurait pu adopter certaines dispositions accessoires, telles que des mesures relatives à la fiabilité ou à la qualification professionnelle, l’obligation de fournir des informations supplémentaires, l’obligation d’accroître le personnel, l’attribution à la BCE de possibilités de surveillance supplémentaires après l’achat de la banque cible, ainsi que la levée progressive ou limitée de l’interdiction d’accepter des dépôts et d’accorder des prêts et de l’interdiction d’exercice des droits de vote.

448    Toutefois, de manière générale, les requérants n’indiquent pas, de manière précise, les dispositions accessoires qui auraient pu être adoptées et la manière dont ces dispositions auraient pu remédier aux préoccupations de surveillance prudentielle.

449    Ainsi, premièrement, les requérants n’indiquent pas quelles sont précisément les mesures relatives à la fiabilité ou à la compétence professionnelle que la BCE aurait pu adopter ni comment et dans quels délais ces mesures auraient permis de répondre aux préoccupations de la décision attaquée relatives à l’intégrité et à la compétence professionnelle des candidats acquéreurs. Ils n’avancent pas d’argument permettant de remettre en cause la considération énoncée au point 2.38 de la décision attaquée selon laquelle les préoccupations relatives à l’intégrité des candidats acquéreurs ne peuvent pas être atténuées dans la mesure où elles concernent leurs qualités personnelles.

450    Deuxièmement, les requérants n’établissent ni même n’allèguent qu’une disposition accessoire aurait pu atténuer de manière appropriée les préoccupations de la BCE relatives au manque de solidité financière des candidats acquéreurs.

451    Troisièmement, si les requérants font valoir que la BCE aurait dû leur imposer de fournir des informations supplémentaires, ils n’indiquent pas de quelles informations il s’agit exactement ni à quelles préoccupations elles permettraient de remédier. En outre, les arguments des requérants ne permettent pas de remettre en cause la considération énoncée au point 2.38 de la décision attaquée selon laquelle, même après de nombreuses demandes d’informations complémentaires, le plan d’affaires restait flou et non conforme au cadre réglementaire, de sorte qu’une obligation ne permettrait pas d’atteindre l’objectif recherché.

452    Quatrièmement, les requérants ne précisent pas la teneur d’une disposition accessoire consistant dans l’attribution à la BCE de possibilités de surveillance supplémentaires après l’achat de la banque cible. En ce qui concerne la possibilité d’adopter une disposition accessoire consistant dans la levée progressive ou limitée de l’interdiction d’accepter des dépôts et d’accorder des prêts et de l’interdiction d’exercice des droits de vote, ils ne précisent pas quelles préoccupations cette disposition accessoire pourrait atténuer. En outre, ils ne précisent pas comment une telle levée progressive ou limitée de l’interdiction d’accepter des dépôts et d’accorder des prêts et de l’interdiction d’exercice des droits de vote est compatible avec le plan d’affaires des candidats acquéreurs qui prévoyait un redémarrage complet des activités et le développement d’activités nouvelles.

453    Par suite, la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’elle ne pouvait pas adopter une autorisation d’acquisition d’une participation qualifiée assortie de dispositions accessoires.

454    En quatrième lieu, les requérants font valoir que la décision attaquée est disproportionnée et qu’elle porte une atteinte excessive à la liberté professionnelle de PH et à la liberté d’entreprise de chacun d’eux.

455    À cet égard, il convient de considérer que la décision attaquée interfère avec la liberté d’entreprise des candidats acquéreurs, puisqu’elle les empêche d’acquérir une participation qualifiée dans la banque cible.

456    En revanche, la décision attaquée n’interfère pas, de manière suffisamment directe, avec la liberté d’entreprise de Socrates Capital. En effet, ainsi qu’il a été dit au point 75 ci-dessus, le droit de Socrates Capital de vendre ses parts dans la banque cible n’est pas directement remis en cause par la décision attaquée.

457    Contrairement à ce que les requérants font valoir, aucune disposition ni aucun principe n’imposent à la BCE de comparer leur situation à celles d’autres cas d’infractions dans le secteur bancaire dans le cadre de l’appréciation du caractère proportionné de la décision attaquée.

458    Ainsi, compte tenu de ce qui précède, il convient de considérer que l’objectif de gestion saine et prudente de la banque cible était de nature à justifier l’atteinte à la liberté d’entreprise des candidats acquéreurs. Cet objectif était également de nature à justifier, même à supposer que les requérants puissent s’en prévaloir, l’atteinte à la liberté professionnelle de PH et à la liberté d’entreprise de Socrates Capital.

459    Par suite, la BCE a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, estimer que la décision attaquée était proportionnée à l’objectif poursuivi.

460    Les huitième et dixième moyens doivent être écartés.

9.      Sur le douzième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 3, de la directive 2013/36 et de l’article 2c, paragraphe 1b, troisième phrase, du KWG

461    Dans la réplique, les requérants estiment que la BCE a violé l’article 23, paragraphe 3, de la directive 2013/36 et l’article 2c, paragraphe 1b, troisième phrase, du KWG. La BaFin et la BCE se seraient fondées essentiellement sur la désapprobation de l’analyse commerciale des candidats acquéreurs. La BCE aurait fondé la décision attaquée sur les besoins éventuels des clients asiatiques et les offres concurrentes disponibles pour considérer, à plusieurs reprises, que le plan d’affaires ne fonctionnerait pas et qu’il n’y avait pas d’avantages économiques visibles.

462    La BCE estime que ce moyen, nouveau au stade de réplique, est irrecevable en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure et, en outre, qu’il n’est pas fondé.

463    Selon l’article 2c, paragraphe 1b, quatrième phrase, du KWG, qui transpose l’article 23, paragraphe 3, de la directive 2013/36, l’autorité de surveillance ne peut, notamment, pas fonder son examen de l’acquisition envisagée sur les besoins économiques du marché.

464    En l’espèce, le moyen n’est pas suffisamment étayé, étant donné qu’il ne précise pas clairement quels sont les motifs de la décision attaquée qui seraient entachés d’illégalité.

465    En outre, même à supposer que le moyen se réfère implicitement au motif figurant au point 2.4 de la décision attaquée, selon lequel les motifs de l’acquisition envisagée n’étaient pas clairs, il convient de considérer que, en considérant, à ce paragraphe, que le plan d’affaires présentait une grande incertitude en ce qui concerne sa mise en œuvre opérationnelle, sa stratégie de croissance et en définitive toute distribution de dividende et donc tout type d’avantage économique pour PH provenant de l’investissement, la BCE a souligné le manque de clarté des motifs de l’acquisition envisagée, tels qu’exposés dans le plan d’affaires, et n’a pas fondé son évaluation sur les besoins économiques du marché.

466    Le moyen, même à le supposer recevable, notamment au regard de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, doit donc être écarté comme non fondé.

10.    Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 19 et du considérant 75 du règlement no 1024/2013, d’un détournement de pouvoir et d’une erreur d’appréciation quant à l’existence d’un motif de refus d’autoriser l’acquisition de la banque cible

467    Les requérants soutiennent que la BCE a commis des « erreurs d’appréciation » quant à l’existence d’un motif de refus d’autoriser l’acquisition de la banque cible. La critique de la BCE à l’égard des informations soumises figurant au point 2.6 de la décision attaquée n’aurait pas pu figurer dans ladite décision, puisque les candidats acquéreurs avaient fourni toutes les informations nécessaires dans la forme requise. Les activités antérieures de gestion d’actifs de PH n’auraient pas été risquées. Cela donnerait l’impression que la BaFin voulait empêcher la vente et obtenir la fermeture de la banque cible. Au point 2.11 de la décision attaquée, la BCE déduirait à tort du fait que les candidats acquéreurs veulent éviter d’avoir à créer une nouvelle banque qu’ils ne comprennent pas les implications de l’acquisition d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit, ce qui serait incorrect et non pertinent pour évaluer le respect des conditions requises pour l’acquisition de la banque cible. La BCE aurait donc commis un détournement de pouvoir.

468    La BCE, soutenue par la Commission, conteste cette argumentation.

469    Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 1024/2013, dans l’accomplissement des missions que leur confie ce règlement, la BCE et les autorités compétentes nationales agissant au sein du mécanisme de surveillance unique agissent de manière indépendante et les membres du conseil de surveillance et du comité de pilotage agissent en toute indépendance et objectivité dans l’intérêt de l’ensemble de l’Union et ne sollicitent ni ne suivent aucune instruction des institutions ou organes de l’Union, des gouvernements des États membres ni d’autres organismes publics ou privés.

470    Le considérant 75 du règlement no 1024/2013 mentionne que, afin de pouvoir s’acquitter efficacement des missions de surveillance qui lui sont confiées, la BCE devrait pouvoir les exercer en toute indépendance, et notamment indépendamment de toute influence politique indue et de toute ingérence du secteur susceptibles de nuire à son indépendance opérationnelle.

471    Un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris exclusivement ou à tout le moins de manière déterminante à des fins autres que celles pour lesquelles le pouvoir en cause a été conféré ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité FUE pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêts du 14 décembre 2004, Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802, point 75, et du 8 décembre 2020, Hongrie/Parlement et Conseil, C‑620/18, EU:C:2020:1001, point 82).

472    En cas de pluralité de buts poursuivis, même si un motif non justifié se joint aux motifs valables, la décision ne serait pas pour autant entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu’elle ne sacrifie pas le but essentiel (arrêts du 21 décembre 1954, Italie/Haute Autorité, 2/54, EU:C:1954:8, p. 103, et du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T‑87/05, EU:T:2005:333, point 87).

473    Pour étayer leur argumentation selon laquelle la BCE a commis un détournement de pouvoir, les requérants invoquent les erreurs que la BCE aurait commises aux points 2.5, 2.6 et 2.11 de la décision attaquée.

474    À cet égard, en premier lieu, en ce qui concerne le point 2.5 de la décision attaquée, ainsi qu’il a été dit au point 301 ci-dessus, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les activités antérieures de gestion d’actifs de PH n’étaient pas risquées.

475    En deuxième lieu, en ce qui concerne le point 2.6 de la décision attaquée, ainsi qu’il a été dit au point 310 ci-dessus, la BCE n’a pas commis d’erreur en considérant que les informations fournies par les candidats acquéreurs étaient de piètre qualité. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu’ils ont fourni toutes les informations nécessaires dans la forme requise.

476    En troisième lieu, en ce qui concerne le point 2.11 de la décision attaquée, la BCE ne s’est pas fondée sur le fait que les candidats acquéreurs voulaient éviter d’avoir à créer une nouvelle banque, mais sur la circonstance qu’ils se méprenaient sur la portée de la procédure d’acquisition d’une participation qualifiée. Ainsi qu’il a été dit au point 388 ci-dessus, cette circonstance était pertinente, parmi d’autres, pour apprécier si les candidats acquéreurs disposaient de la compétence technique requise.

477    En quatrième lieu, dans la réplique, les requérants font valoir que, en signalant aux candidats acquéreurs la possibilité de fonder une nouvelle banque, la BaFin a révélé son intention cachée de faire disparaître la banque cible. Ils renvoient à une lettre de la BaFin du 25 août 2020.

478    Or, ainsi que le constate la BCE, aucune mention de la sorte ne figure dans la lettre du 25 août 2020 auquel se réfère la réplique.

479    En outre, même à supposer que la BCE ait commis les erreurs alléguées par les requérants aux points 2.5, 2.6 et 2.11 de la décision attaquée, ce qui n’est pas le cas, de telles erreurs ne permettraient pas de constater l’existence d’indices objectifs, pertinents et concordants permettant de démontrer que la BCE souhaitait empêcher toute vente de la participation de A dans la banque cible et obtenir la fermeture de cette dernière.

480    Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que la BCE a commis un détournement de pouvoir, ni en tout état de cause qu’elle a méconnu l’article 19 et le considérant 75 du règlement no 1024/2013.

481    Le moyen doit donc être écarté.

E.      Sur la demande de consultation du dossier administratif

482    Dans la requête, les requérants demandent, de manière générale, la « consultation du dossier administratif de la [BCE] ». Ils font également valoir, dans le troisième moyen, qu’ils ont demandé l’accès au dossier de la BCE, en particulier en ce qui concerne le calcul du ratio de fonds propres, et que cet accès n’a pas encore été accordé.

483    Dans le mémoire en défense, la BCE fait valoir que la demande d’accès au dossier ne peut prospérer, étant donné qu’elle a donné accès au dossier aux candidats acquéreurs.

484    Dans la réplique, les requérants ne formulent aucune observation à cet égard.

485    Il convient de relever que les requérants ne demandent pas au Tribunal d’adopter une mesure d’organisation de la procédure au sens de l’article 89 du règlement de procédure.

486    Par ailleurs, il ressort des pièces produites par la BCE dans le mémoire en défense que, par courrier électronique du 17 février 2022, les candidats acquéreurs ont demandé l’accès au dossier et que la BCE a accordé cet accès par courrier du 21 février 2022. Ce dernier courrier comporte une liste de documents auxquels la BCE a donné accès aux requérants.

487    Si les requérants font valoir qu’ils n’ont pas obtenu l’accès au dossier en ce qui concerne le calcul du ratio de fonds propres, ils ne sollicitent pas du Tribunal qu’il demande à la BCE de produire un tel calcul. En outre, la proposition de la BaFin comporte des informations relatives aux besoins en fonds propres de la banque cible selon son analyse, ainsi qu’il a été dit au point 109 ci-dessus.

488    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’adopter une mesure d’organisation de la procédure consistant à demander à la BCE de produire une ou des pièces relatives à l’affaire.

489    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable en ce qui concerne Socrates Capital et, en tout état de cause, comme non fondé en ce qui concerne l’ensemble des requérants.

IV.    Sur les dépens

490    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la BCE, conformément aux conclusions de celle-ci.

491    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PH, PI, PJ et Socrates Capital Ltd supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Banque centrale européenne (BCE).

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

da Silva Passos

Gervasoni

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juillet 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.