Language of document : ECLI:EU:T:2024:461

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 juillet 2024 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Contrat à durée déterminée – Absence de conversion en contrat à durée indéterminée – Conversion des contrats – Critères – Erreur manifeste d’appréciation – Délai de préavis – Conflit d’intérêts – Recours en annulation et en indemnité »

Dans l’affaire T‑624/22,

RS, représenté par Me B. Maréchal, avocat,

partie requérante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par Mmes G. Faedo, A. García Sánchez et K. Carr, en qualité d’agents, assistées de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mmes N. Półtorak et T. Pynnä (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, RS, demande, d’une part, l’annulation de la décision de la Banque européenne d’investissement (BEI) du 20 décembre 2021 de ne pas convertir son contrat de travail en contrat à durée indéterminée (ci-après la « décision de non‑conversion ») et, d’autre part, la réparation du préjudice qu’il aurait subi de ce fait. Il demande également l’annulation de la lettre de la BEI du 20 décembre 2021 confirmant la décision de non-conversion.

I.      Antécédents du litige

2        Le 1er janvier 2016, le requérant a été engagé par la BEI au titre d’un contrat à durée déterminée de quatre ans.

3        Le 16 novembre 2018, le contrat du requérant a été prorogé de deux ans, jusqu’au 31 décembre 2021. Il était précisé dans la lettre confirmant la prorogation du contrat que le contrat expirerait automatiquement à la fin de la période de prorogation fixée et qu’il ne donnerait aucun droit à un emploi à durée indéterminée. 

4        Le 15 novembre 2019, le requérant s’est rendu dans les locaux du service médical de la BEI pour être vacciné contre la grippe.

5        Le même jour, l’infirmière ayant administré le vaccin contre la grippe au requérant a pris contact avec la direction générale (DG) « Personnel » de la BEI afin de signaler oralement un incident lors du rendez-vous du requérant (ci-après l’« incident du 15 novembre 2019 »), incident qu’elle a ensuite décrit dans un courriel du 18 novembre 2019 de la manière suivante :

« [...] En conséquence, je lui ai fourni des informations relatives au vaccin et je lui ai fait une injection. Bien que son aptitude à s’exprimer en anglais soit médiocre, il a commencé à me dire que son travail, au sein de la Banque, avait trait aux chaussures et aux mesures des pieds. Il m’a demandé de retirer mes chaussures, puis a expliqué que cela ne prendrait qu’une minute et qu’il me poserait ensuite cinq questions de suivi concernant mes habitudes en matière de chaussures. Il m’a donné l’impression que tous les collègues devraient passer cet examen.

Il voulait enlever ma chaussure pour voir si j’avais des douleurs liées au travail. J’ai enlevé mes chaussures et il a retiré mes chaussettes. Il a examiné mes pieds durant une minute.

Il a ensuite insisté pour que je m’allonge et que je reste avec les yeux fermés. J’ai refusé et je lui ai dit que j’étais occupée et que je devais me remettre au travail. Alors que je croyais qu’il en avait terminé, il a de nouveau soulevé mon pied gauche et il semblait excité. C’était une expérience très désagréable.

Par la suite, il m’a demandé à plusieurs reprises mon numéro de téléphone privé ; je lui ai dit qu’il pouvait trouver mes coordonnées sur le portail interne et m’envoyer un courrier électronique, s’il avait besoin de prendre à nouveau contact avec moi. Il ne voulait pas envoyer de courrier électronique et il m’a dit qu’il allait revenir au centre médical la semaine suivante, lorsqu’il n’y aurait aucun patient, car il voulait avoir plus de temps pour examiner mes pieds, et que ce serait mieux si je m’allongeais. J’ai accepté de façon à ce qu’il quitte mon bureau. »

6        Toujours le 15 novembre 2019, la DG « Personnel » a invité par courriel le requérant à une réunion relative à un « incident grave survenu [l]e matin dans le service médical ».

7        Le 18 novembre 2019, une réunion s’est tenue entre la DG « Personnel » et le requérant concernant l’incident du 15 novembre 2019. Le requérant a apporté à cette réunion un document concernant une étude qu’il alléguait mener sur la production de chaussures.

8        Par courriel du 20 novembre 2019, le requérant a sollicité la tenue d’une nouvelle réunion et a exprimé son souhait d’avoir l’occasion de s’excuser auprès de l’infirmière pour tout ce qui avait pu être mal compris ou compris différemment de ses intentions. Il a aussi affirmé avoir besoin d’aide, raison pour laquelle il a demandé à voir un conseiller et un psychologue interne à la BEI. La réunion sollicitée a été organisée le 5 décembre 2019.

9        Le 21 novembre 2019, la DG « Personnel » a demandé à la division des enquêtes sur les fraudes de la BEI (ci-après la « division des enquêtes ») une assistance en vue d’établir les faits relatifs à l’incident du 15 novembre 2019, ainsi que pour déterminer si d’autres personnes avaient pu faire l’objet du même comportement de la part du requérant.

10      Par lettre du 11 décembre 2019, le requérant a été informé de l’ouverture d’une enquête et a été invité par la division des enquêtes à un entretien qui s’est tenu le 13 décembre 2019. Cette lettre annonçait que les détails concernant les allégations qui devraient être vérifiées seraient discutés avec le requérant lors de l’entretien.

11      Le 17 février 2020, la division des enquêtes a communiqué son rapport à la DG « Personnel » (ci-après le « rapport de la division des enquêtes »). Ce rapport contenait un exposé des entretiens qui ont été conduits, des observations et l’analyse des faits pertinents.

12      Par note du 23 septembre 2020, adressée au président de la BEI, la directrice générale de la DG « Personnel » a recommandé l’ouverture d’une procédure d’office en matière de dignité au travail concernant le comportement du requérant, en application de la réglementation interne intitulée « politique en matière de respect de la dignité de la personne au travail » (ci-après la « politique en matière de dignité au travail »), adoptée par la BEI le 8 mai 2019. Le président de la BEI a approuvé cette recommandation le 27 septembre 2020.

13      Quelques jours après cette décision, l’infirmière ayant signalé l’incident du 15 novembre 2019, qui avait entretemps quitté ses fonctions, a repris son travail à la BEI. À la suite de cela, un examen de l’existence d’un éventuel conflit d’intérêts dans le chef de la directrice de la DG « Personnel » où travaillait désormais ladite infirmière a été initié.

14      Le 30 novembre 2020, la directrice de la DG « Personnel » a demandé au président de la BEI d’attribuer l’affaire concernant l’incident du 15 novembre 2019 à un autre service, en proposant le secrétaire général adjoint de la BEI. Le président de la BEI a accepté cette demande le 2 décembre 2020 et a confirmé l’ouverture d’une procédure d’office en matière de dignité au travail.

15      Par lettre du 22 mars 2021, le requérant a été informé qu’une procédure d’office en application de la politique en matière de dignité au travail pour des allégations concernant l’incident du 15 novembre 2019 avait été initiée à son égard. Par cette lettre était communiquée au requérant une note, également datée du 22 mars 2021, concernant l’ouverture de la procédure à son égard, à laquelle étaient annexés le courriel de l’infirmière du 18 novembre 2019, les documents qu’il avait soumis le 18 novembre 2019 et le rapport de la division des enquêtes.

16      Le 26 avril 2021, le requérant a déposé des observations écrites concernant la procédure d’office en application de la politique en matière de dignité au travail.

17      Le 6 mai 2021, le requérant a introduit une demande de réexamen administratif contre la décision d’ouvrir la procédure d’office en matière de dignité au travail. Cette demande a été rejetée par la BEI le 26 mai 2021.

18      Par lettre du 12 mai 2021, le requérant a demandé à la BEI d’adopter une décision formelle concernant la conversion de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

19      Par courriel du 1er juin 2021, le requérant a été informé que sa demande avait été transférée à la directrice de la DG « Personnel ».

20      Le 28 juin 2021, le requérant a été entendu par le panel « dignité au travail ».

21      Par lettre du 2 août 2021, le projet de rapport final du panel « dignité au travail » a été transmis au requérant. Ce rapport indique que, vu l’existence de doutes quant à l’existence ou non d’un harcèlement sexuel, le panel ne peut pas conclure à l’existence d’un tel harcèlement et convient à l’unanimité qu’« aucun harcèlement n’a été prouvé ».

22      Le 10 août 2021, le requérant a réitéré sa demande d’adoption d’une décision concernant la conversion de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

23      Le 23 août 2021, le requérant a présenté ses observations sur le projet de rapport.

24      Par courriel du 13 septembre 2021, en réponse aux lettres du requérant des 12 mai et 10 août 2021, ce dernier a été informé que la décision sur la conversion de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n’avait pas été prise. Les raisons pour lesquelles le requérant ne pouvait pas être informé d’une éventuelle conversion de son contrat six mois avant la fin de celui-ci, liées à la procédure d’office en application de la politique en matière de dignité au travail, lui ont été communiquées.

25      -Par lettre du 15 novembre 2021, le secrétaire général adjoint de la BEI a informé le requérant que, après avoir entendu les parties et procédé aux enquêtes nécessaires, le panel « dignité au travail » avait conclu qu’une situation de harcèlement sexuel ne pouvait être établie. Néanmoins, il lui a indiqué que le président de la BEI avait demandé audit panel d’apporter des éclaircissements sur divers points de son projet de rapport, notamment au sujet de la définition et de l’interprétation du concept de harcèlement sexuel qui avait été appliqué.

26      Par courriel du 22 novembre 2021, le requérant a été informé du fait que le panel « dignité au travail » devait communiquer son rapport révisé le 27 décembre 2021 et qu’il aurait ensuite la possibilité de soumettre ses observations.

27      Le 23 novembre 2021, le requérant, accompagné d’un représentant du personnel, a rencontré le directeur général de la direction des services centraux ainsi qu’un membre des ressources humaines. Lors de cette réunion, ainsi que l’atteste un courriel du même jour qui lui est adressé, le requérant a été informé que la BEI n’allait pas convertir son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et que, en conséquence, sa relation contractuelle avec la BEI allait expirer fin décembre 2021. Le requérant a également été informé de la possibilité d’introduire une demande de réexamen administratif de cette décision.

28      Par lettre du 26 novembre 2021, le directeur général de la direction des services centraux et la secrétaire générale de la BEI ont confirmé le contenu de la discussion qui avait eu lieu lors de la réunion du 23 novembre 2021. Il a été porté à l’attention du requérant que, indépendamment de l’issue de la procédure en application de la politique en matière de dignité au travail, les informations dont la BEI disposait concernant son comportement ne permettaient pas d’envisager la conversion de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. Le requérant a été invité à communiquer ses observations pour le 10 décembre 2021 au plus tard.

29      Le 10 décembre 2021, le requérant a présenté des observations concernant la lettre du 26 novembre 2021.

30      Par lettre du 20 décembre 2021, le directeur général de la direction des services centraux et la secrétaire générale de la BEI ont répondu aux observations du requérant relatives à la lettre du 26 novembre 2021, en lui annonçant que son contrat ne serait pas converti en contrat à durée indéterminée et qu’il allait recevoir une décision officielle de la DG « Personnel » confirmant l’expiration de son contrat.

31      Par lettre du même jour, la BEI a confirmé au requérant que son contrat allait expirer le 31 décembre 2021 sans possibilité de prolongation.

32      Le 31 décembre 2021, le requérant a déposé une demande de réexamen administratif de la décision de non‑conversion.

33      Par lettre du 3 mars 2022, la BEI a communiqué au requérant le rapport final du panel « dignité au travail ». Le contenu et les conclusions dudit rapport n’avaient pas été modifiés par rapport à la version provisoire, et ce malgré la demande d’éclaircissements du président de la BEI adressée au panel « dignité au travail » (voir point 25 ci-dessus).

34      Par décision du 29 juin 2022, la BEI a rejeté la demande de réexamen administratif de la décision de non‑conversion (ci-après la « décision de rejet de la demande de réexamen administratif »).

II.    Conclusions des parties

35      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de non‑conversion et la lettre la confirmant ;

–        annuler la décision de rejet de la demande de réexamen administratif ;

–        à titre subsidiaire, modifier la décision de non‑conversion, la lettre la confirmant et la décision de rejet de la demande de réexamen administratif ;

–        condamner la BEI à indemniser ses préjudices matériel et moral, évalués à 193 882,98 euros et à 40 000 euros respectivement ;

–        condamner la BEI à la compensation de ses frais évalués provisoirement à 20 000 euros ;

–        condamner la BEI aux honoraires d’avocat évalués provisoirement à 15 000 euros.

36      La BEI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur l’objet du litige et la recevabilité de certains chefs de conclusions

37      Le requérant demande l’annulation de la décision de non‑conversion, de la lettre confirmant la décision de non‑conversion et de la décision de rejet de la demande de réexamen administratif. À titre subsidiaire, il demande la modification de ces actes.

1.      Sur le chef de conclusions visant l’annulation de la lettre confirmant la décision de nonconversion

38      Il convient de rappeler que l’article 41 du règlement du personnel de la BEI dispose que « tout membre du personnel peut introduire auprès du président de la Banque une demande de recours contre un acte lui faisant grief », tandis que l’article 41a du même règlement prévoit que le Tribunal est « compétent pour statuer sur tout différend entre la Banque et les membres de son personnel concernant la légalité d’un acte faisant grief à la personne concernée ».

39      Selon une jurisprudence constante, la qualité d’acte faisant grief ne saurait être reconnue à un acte purement confirmatif comme c’est le cas pour un acte qui ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur faisant grief (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, ZS/BEI, T‑659/18, non publié, EU:T:2020:281, point 31).

40      En l’espèce, la lettre confirmant la décision de non‑conversion ne contient aucun élément nouveau par rapport à ladite décision. Par ailleurs, son libellé énonce que son objectif est de confirmer la décision de non‑conversion.

41      Il s’ensuit que la lettre confirmant la décision de non‑conversion est un acte purement confirmatif et que le chef de conclusions visant son annulation est irrecevable.

2.      Sur le chef de conclusions visant l’annulation de la décision de rejet de la demande de réexamen administratif

42      La BEI fait valoir que le chef de conclusions visant l’annulation de la décision de rejet de la demande de réexamen administratif est irrecevable, car il ne vise pas l’acte faisant grief au requérant.

43      Le requérant rétorque que la décision de rejet de la demande de réexamen administratif ne saurait être dissociée de son contexte qui comprend les décisions qu’elle confirme.

44      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, concernant notamment le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, les conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation est présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 11 octobre 2023, QT/BEI, T‑529/22, EU:T:2023:618, point 13 et jurisprudence citée).

45      Le recours administratif devant le président de la BEI, régi par l’article 41 du règlement du personnel de la BEI, poursuit le même objectif que la procédure précontentieuse obligatoire instituée par l’article 90 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, en ce qu’il donne la possibilité à la BEI de revenir sur l’acte contesté et au membre du personnel concerné la faculté d’accepter la motivation à la base de cet acte et de renoncer, le cas échéant, à l’introduction d’un recours (voir arrêts du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI, T‑120/01 et T‑300/01, EU:T:2004:367, point 55 et jurisprudence citée, et du 7 septembre 2022, KL/BEI, T‑751/20, non publié, EU:T:2022:514, point 35 et jurisprudence citée).

46      En l’espèce, la décision de rejet de la demande de réexamen administratif confirme la décision de non‑conversion et est dépourvue de contenu autonome.

47      Par conséquent, les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la demande de réexamen administratif doivent être comprises comme étant dirigées contre la décision de non‑conversion. La légalité de cette décision sera examinée en tenant compte des motifs figurant dans la décision de rejet de la demande de réexamen administratif (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 décembre 2021, HB/BEI, T‑689/20, non publié, EU:T:2021:891, point 19).

3.      Sur le chef de conclusions visant la modification de la décision de nonconversion, de la lettre confirmant la décision de nonconversion et de la décision de rejet de la demande de réexamen administratif

48      Le requérant, à titre subsidiaire, demande au Tribunal de modifier la décision de non‑conversion, la lettre confirmant la décision de non‑conversion et la décision de rejet de la demande de réexamen administratif.

49      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. Par conséquent, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 61).

50      En l’espèce, la requête inclut une demande de modification de la décision de non‑conversion, de la lettre confirmant la décision de non‑conversion et de la décision de rejet de la demande de réexamen administratif. Toutefois, l’objet précis de cette demande n’est pas indiqué. En effet, le requérant n’explique pas en quel sens il demande que les actes susmentionnés soient modifiés. Il est ainsi impossible pour le Tribunal de statuer sur cette demande de modification, qui ne répond pas aux exigences mentionnées au point 49 ci-dessus.

51      Dès lors, le chef de conclusions tendant à la modification de la décision de non‑conversion, de la lettre confirmant la décision de non‑conversion et de la décision de rejet de la demande de réexamen administratif est irrecevable.

B.      Sur le fond

1.      Sur les conclusions en annulation 

52      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant soulève trois moyens, tirés, en substance :

–        le premier, de plusieurs irrégularités entachant la décision de non-conversion et la procédure ayant abouti à son adoption ;

–        le deuxième, d’une violation des droits de la défense, du droit à la confidentialité, à la protection des données et à la vie privée, ainsi que de la présomption d’innocence ;

–        le troisième, d’une violation des principes de bonne administration et de protection de la confiance légitime.

a)      Sur le premier moyen, tiré de plusieurs irrégularités entachant la décision de nonconversion et la procédure ayant abouti à son adoption

53      Le premier moyen peut être subdivisé en trois branches, tirées, la première, de plusieurs irrégularités entachant la décision de non‑conversion, la deuxième, d’une violation du délai de préavis pour le non-renouvellement d’un contrat prévu par la note de service no 810 de la BEI, du 31 janvier 2020, sur les « principes directeurs et les règles relatives aux prolongations contractuelles pour les étudiants et les membres du personnel de la BEI, ainsi que pour les conversions et non-renouvellements contractuels des membres du personnel de la BEI » (ci-après la « note de service no 810 ») et, la troisième, d’un conflit d’intérêts.

1)      Sur la première branche, tirée d’irrégularités entachant la décision de nonconversion

54      Par le premier grief de la première branche du premier moyen, le requérant fait valoir que ni la division des enquêtes, ni le panel « dignité au travail » n’ont conclu à sa mauvaise conduite. La décision de non‑conversion ne tiendrait pas compte de l’ensemble des éléments et des preuves et du fait que les accusations portées à son égard auraient été rejetées. La décision de non‑conversion ne tiendrait pas compte du consentement des personnes impliquées et ne préciserait pas pourquoi son comportement, qui relèverait de ses intérêts personnels, serait inacceptable.

55      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’un agent titulaire d’un contrat à durée déterminée n’a, en principe, aucun droit au renouvellement de son contrat, un tel renouvellement n’étant qu’une simple possibilité, subordonnée à la condition qu’il soit conforme à l’intérêt du service (arrêts du 6 février 2003, Pyres/Commission, T‑7/01, EU:T:2003:27, point 64, et du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 48). Ainsi, la durée de la relation de travail entre une institution et un agent temporaire engagé à durée déterminée est, précisément, régie par les conditions établies dans le contrat conclu entre les parties. En outre, une jurisprudence également constante reconnaît à l’administration un large pouvoir d’appréciation en matière de renouvellement de contrats (arrêts du 13 décembre 2018, Wahlström/Frontex, T‑591/16, non publié, EU:T:2018:938, point 46, et du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 49). Cette jurisprudence apparaît d’autant plus pertinente lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de remplacer un contrat à durée déterminée par un contrat à durée indéterminée, qui crée un lien plus stable et sans limite de temps entre l’institution et l’agent concerné (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2022, MN/Europol, T‑586/20, non publié, EU:T:2022:24, point 34, et du 12 octobre 2022, Van Walle/ECDC, T‑83/21, non publié, EU:T:2022:626, point 32).

56      Même si l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le Tribunal, saisi d’un recours en annulation dirigé contre un acte adopté dans l’exercice d’un tel pouvoir, n’en exerce pas moins un contrôle de légalité, lequel se manifeste à plusieurs égards. S’agissant d’une demande d’annulation d’une décision de non-renouvellement d’un contrat d’agent temporaire, le contrôle du juge de l’Union européenne doit se limiter à la vérification de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir ainsi qu’à l’absence d’atteinte au devoir de sollicitude qui pèse sur une administration lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur la reconduction d’un contrat qui la lie à l’un de ses agents. De plus, le Tribunal contrôle si l’administration a commis des inexactitudes matérielles (arrêts du 12 octobre 2022, Van Walle/ECDC, T‑83/21, non publié, EU:T:2022:626, point 33, et du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 50).

57      Cette jurisprudence peut être appliquée par analogie au présent litige, qui concerne la non‑conversion d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminé régi par les règles applicables à la BEI.

58      En l’espèce, dans la décision de non-conversion, il est expliqué que le directeur général de la direction des services centraux et la secrétaire générale de la BEI avaient été informés que la division des enquêtes avait établi que le requérant avait demandé à plusieurs collègues féminines d’examiner ou de toucher leurs pieds et qu’il avait reconnu avoir fait de telles demandes, tout en affirmant que lesdites demandes avaient été formulées dans le contexte d’une étude privée. Il est précisé que la division des enquêtes a conclu qu’il était difficile d’accepter la crédibilité de ladite étude. Dans la décision de non‑conversion, il est souligné que, eu égard au comportement inapproprié du requérant, la BEI a perdu confiance en sa personne. Il est ajouté que les conclusions du panel « dignité au travail » quant à la question de savoir si le comportement du requérant constitue ou non un harcèlement sexuel sont sans incidence à cet égard.

59      Ainsi qu’il est relevé dans la décision de rejet de la demande de réexamen administratif, il ressort du rapport de la division des enquêtes que, à part l’infirmière ayant signalé l’incident du 15 novembre 2019, deux autres personnes de sexe féminin ont été approchées par le requérant. C’est le requérant lui-même qui a indiqué à la division des enquêtes les noms de ces personnes. La première personne a affirmé que le requérant lui avait parlé de l’enquête qu’il menait en matière de chaussures et lui avait posé des questions dans ce contexte, mais n’avait pas demandé à toucher ou à examiner ses pieds. La seconde personne a expliqué que le requérant lui avait demandé de marcher sur un tapis roulant et qu’il observait ses pieds, mais qu’il ne lui avait pas demandé d’enlever ses chaussures ou d’examiner ses pieds nus.

60      Il ressort également du rapport de la division des enquêtes que le requérant a déclaré avoir demandé à l’infirmière, lors de l’incident du 15 novembre 2019, d’enlever ses bottes et de toucher son tendon d’Achille. Avec le consentement de l’infirmière, il affirme avoir touché ses deux pieds au niveau du tendon d’Achille.

61      Le requérant ne conteste pas avoir fait ces déclarations concernant l’incident du 15 novembre 2019 et ne nie pas directement les faits exposés par les deux autres collègues. Si, dans ses observations concernant le projet de rapport du panel « dignité au travail » du 23 août 2021, le requérant explique qu’il aurait en réalité « pincé » le tendon d’Achille de l’infirmière, ce qui aurait, à son avis, une connotation différente que toucher ou examiner, l’existence d’un contact physique n’est pas contestée.

62      Dans la décision de rejet de la demande de réexamen administratif, il est également rappelé que le rapport de la division des enquêtes souligne que le contact physique, lors de l’incident du 15 novembre 2019, avec les pieds nus d’un membre du personnel de sexe féminin risque de mettre mal à l’aise ce membre du personnel et que, objectivement, il est prévisible que ces actions puissent causer de la détresse dans le chef dudit membre du personnel.

63      Dans la décision de rejet de la demande de réexamen administratif, il est souligné que le rapport du panel « dignité au travail » conclut que l’existence d’un harcèlement sexuel n’a pas été établie, mais que, indépendamment de cette question, le comportement, notamment, du requérant n’était pas à la hauteur des standards professionnels de sa position. Ledit rapport ajoute que le comportement du requérant ne peut être décrit que comme manquant de sérieux.

64      Il ressort de cet exposé des faits que doit être rejeté l’argument du requérant selon lequel la présentation des faits – à savoir qu’il a demandé à plusieurs collègues féminines d’examiner ou de toucher leurs pieds et qu’il a reconnu avoir fait de telles demandes – dans la décision de non‑conversion est biaisée et erronée, car les allégations portées à son égard ont été rejetées comme infondées ou insuffisamment fondées.

65      Il ressort également de l’ensemble des éléments du dossier, tels que repris dans la décision de non‑conversion et dans la décision de rejet de la demande de réexamen administratif, que la légalité de la décision de non-conversion n’est pas entachée d’inexactitudes matérielles et que la BEI a pris en considération les éléments de preuve pertinents.

66      En outre, l’argument du requérant selon lequel le panel « dignité au travail » n’a pas conclu qu’il s’était comporté de façon inappropriée et les accusations portées à son égard auraient été rejetées est fondé sur une lecture erronée du rapport dudit panel. En effet, la conclusion du rapport du panel « dignité au travail » selon laquelle « aucun harcèlement n’a été prouvé » concerne la qualification juridique des faits en tant que harcèlement sexuel. En revanche, le même panel a considéré que le comportement du requérant manquait de sérieux et n’était pas à la hauteur des standards professionnels.

67      Il s’ensuit que le premier grief doit être rejeté.

68      Par son second grief, le requérant fait valoir qu’il satisfait à l’ensemble des conditions fixées dans la note de service no 810 pour la conversion d’un contrat en contrat à durée indéterminée. C’est sur la base de ces critères que la conversion de son contrat aurait dû être décidée et non sur la base d’accusations diffamatoires. Il serait un membre du personnel exemplaire dont le travail aurait été apprécié par les collègues et il aurait bénéficié du soutien de sa hiérarchie. Le pouvoir discrétionnaire de l’administration ne devrait pas servir d’excuse pour adopter des décisions injustifiées. Les allégations sans fondement à son égard ne sauraient servir de base pour ce qui serait en réalité une sanction indirecte à cause d’une prétendue perte de confiance à son égard.

69      À cet égard, il convient de rappeler que la note de service no 810 prévoit, dans sa section III, les conditions d’éligibilité pour la conversion des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée. Ladite section dispose que les membres du personnel peuvent être proposés pour une conversion de contrat s’ils remplissent cinq conditions cumulatives, dont avoir la nationalité d’un État membre et une certaine durée de service.

70      Dans sa section IV, la note de service no 810 établit une liste indicative de raisons pouvant justifier le non-renouvellement d’un contrat. Parmi celles-ci figurent des raisons « personnelles », telles que le « comportement » et la « perte de confiance ». Le comportement insatisfaisant, telle l’existence de conflits avec d’autres membres du personnel, et la perte de confiance de la part de la direction à l’égard d’un membre du personnel, telles des allégations plausibles de mauvaise conduite, sont mentionnés parmi les raisons de non-renouvellement d’un contrat.

71      À cet égard, il convient de souligner qu’à partir du moment où l’administration a élaboré un régime spécifique, par directive interne, destiné à garantir la transparence du processus de renouvellement ou, comme en l’espèce, de conversion des contrats, l’adoption de ce régime s’analyse comme une autolimitation du pouvoir d’appréciation de l’institution. En effet, il est de jurisprudence constante qu’une décision d’une institution, communiquée à l’ensemble du personnel et précisant les critères et la procédure applicables dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, constitue une directive interne qui doit, en tant que telle, être considérée comme une règle de conduite que l’administration s’impose à elle-même et dont elle ne peut s’écarter sans préciser les raisons qui l’y ont amenée, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 51 et jurisprudence citée).

72      En application de cette jurisprudence, la note de service no 810 doit être considérée comme une telle règle de conduite.

73      En l’espèce, il est expliqué dans la décision de non-conversion que, eu égard aux faits exposés au point 59 ci-dessus, lesquels ont été considérés comme étant un comportement inapproprié de la part du requérant, la BEI a perdu confiance en sa personne.

74      Il en résulte que, afin de décider de la non‑conversion du contrat du requérant en un contrat à durée indéterminée, la BEI a appliqué les critères « comportement » et « perte de confiance ».

75      Eu égard aux éléments de fait exposés aux points 58 à 63 ci-dessus, le requérant est resté en défaut de démontrer que la BEI aurait commis une erreur manifeste d’appréciation, au sens de la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus, lorsqu’elle a conclu que son comportement était inapproprié et qu’elle avait perdu confiance en sa personne et lorsqu’elle a décidé, sur cette base, de ne pas convertir son contrat en contrat à durée indéterminée. Il s’ensuit que, contrairement aux allégations du requérant, la décision de non‑conversion ne saurait être considérée comme une sanction indirecte.

76      De plus, contrairement aux allégations du requérant, la décision de non‑conversion n’est pas fondée sur les conclusions du panel « dignité au travail », puisqu’elle est fondée sur les faits établis (voir points 58 à 63 ci-dessus), et non sur la qualification juridique qui leur a été donnée par ledit panel.

77      En outre, le fait que le requérant satisfasse aux conditions prévues à la section III de la note de service n° 810 pour la conversion des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée, telles que celles relatives à la nationalité d’un État membre, n’implique pas que son contrat doit être converti en contrat à durée indéterminée. Il résulte clairement du libellé de cette section et de l’utilisation du terme « peuvent » au premier alinéa de celle-ci (« les membres du personnel peuvent être proposés pour une conversion ») que l’administration dispose d’un pouvoir d’appréciation en la matière, tel que reconnu également par la jurisprudence citée au point 55 ci-dessus.

78      Dès lors, la BEI n’a pas méconnu les critères prévus par la note de service no 810 concernant la conversion et le non-renouvellement des contrats et n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

79      Partant, le second grief et, partant, la première branche du premier moyen doivent être rejetés.

2)      Sur la deuxième branche, tirée de la violation du délai de préavis prévu par la note de service n° 810 pour le non-renouvellement d’un contrat

80      Le requérant se réfère à la note en bas de page no 5 de la note de service no 810 et fait valoir que la BEI aurait dû l’informer de la non‑conversion de son contrat six mois avant son expiration, à savoir avant le 30 juin 2021. Or, il n’aurait pas été informé en temps utile de la non-conversion de son contrat, et ce malgré de nombreuses demandes.

81      La note en bas de page no 5 de la note de service no 810 prévoit que, pour les contrats d’une durée égale ou supérieure à 18 mois, il convient d’informer le membre du personnel concerné de la prolongation, de la conversion ou du non-renouvellement de son contrat au moins six mois avant l’expiration de celui-ci. Il est également mentionné que la BEI s’efforce de prendre sa décision et d’en informer le membre du personnel concerné avant ce délai légal minimal.

82      En l’espèce, il est constant que le requérant n’a pas été informé de la non‑conversion de son contrat six mois avant l’expiration de celui-ci. Il en a été informé le 23 novembre 2021, c’est-à-dire moins de deux mois avant l’expiration dudit contrat. La BEI s’est ainsi écartée, dans le cas du requérant, de la règle de conduite qu’elle s’est imposée à elle-même par la note de service no 810.

83      Toutefois, selon la jurisprudence citée au point 71 ci-dessus, il est possible pour l’administration de s’écarter des règles de conduite qu’elle s’est imposées à elle-même en précisant les raisons qui l’y ont amenée.

84      En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que, les 12 mai et 10 août 2021, le requérant a demandé à la BEI d’adopter une décision formelle concernant la conversion de son contrat (voir points 18 et 22 ci-dessus). La BEI a répondu au requérant le 13 septembre 2021, en l’informant que la décision concernant la conversion de son contrat en contrat à durée indéterminée n’avait pas été prise. La BEI a expliqué au requérant, premièrement, que son contrat expirerait automatiquement le 31 décembre 2021 s’il n’était pas renouvelé, deuxièmement, qu’elle disposait d’un large pouvoir d’appréciation quant à la conversion des contrats et, troisièmement, qu’elle n’avait pas encore pris une décision concernant la conversion de son contrat. La BEI a également indiqué que le délai de six mois était un délai indicatif prévu dans un document qui n’était pas juridiquement contraignant et a expliqué les raisons pour lesquelles elle n’était pas en mesure de prendre une décision concernant la conversion du contrat du requérant. Ces raisons étaient liées à la procédure d’office en application de la politique en matière de dignité au travail qui était toujours en cours.

85      Il s’ensuit que, premièrement, la BEI a précisé les raisons pour lesquelles elle s’est écartée de la règle de conduite qu’elle s’est imposée à elle-même, deuxièmement, ces raisons ont été communiquées au requérant et, troisièmement, celles-ci sont liées aux circonstances particulières de l’espèce et de nature à justifier le retard dans la prise de décision concernant la conversion du contrat du requérant.

86      Dès lors, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

3)      Sur la troisième branche, tirée d’un conflit d’intérêts

87      Par la troisième branche, le requérant fait valoir que les procédures concernant l’incident du 15 novembre 2019 ont été ouvertes en violation des règles concernant les conflits d’intérêts.

88      Premièrement, la DG « Personnel » aurait décidé de renvoyer les allégations concernant l’incident du 15 novembre 2019 à la division des enquêtes, sans soumettre la question du conflit d’intérêts à l’évaluation du chef de la conformité du Groupe BEI, ainsi qu’il serait requis par l’article 4.3 de la politique en matière de dignité au travail.

89      Deuxièmement, la DG « Personnel » aurait gardé, sans les divulguer, les informations relatives à l’enquête visant à établir les faits pendant près d’un an, tandis que, durant la même période, elle aurait réengagé l’infirmière ayant signalé l’incident du 15 novembre 2019, dont le contrat de travail avait entretemps expiré. Ce ne serait qu’après avoir renouvelé le contrat de travail de ladite infirmière que la DG « Personnel » aurait confié le dossier au secrétaire général adjoint de la BEI. Cette situation aurait engendré un retard en apparence intentionnel dans la procédure d’enquête en matière de dignité au travail.

90      La BEI rétorque que, premièrement, l’article 4.3 de la politique en matière de dignité au travail n’est pas applicable en l’espèce, car le renvoi d’une affaire à la division des enquêtes peut être complètement indépendant d’une procédure en matière de dignité au travail. En outre, la question d’un éventuel conflit d’intérêts aurait été examinée et il aurait été conclu qu’un tel conflit n’existait pas, car l’infirmière ayant signalé l’incident du 15 novembre 2019 ne travaillait plus en tant que consultante pour la DG « Personnel ».

91      Deuxièmement, lorsque l’infirmière ayant signalé l’incident du 15 novembre 2019 a recommencé à travailler pour la DG « Personnel », avec un nouveau contrat de consultance, la situation aurait été réévaluée et la directrice de la DG « Personnel » aurait proposé que la procédure soit traitée par le secrétaire général adjoint. Le retard dont le requérant se plaint serait donc lié à l’analyse approfondie de la question du conflit d’intérêts.

92      Conformément à l’article 4.2 de la politique en matière de dignité au travail, « [s]i la victime présumée et (ou) la personne accusée sont ou ont été membres de la [DG « Personnel »] de la BEI […] au moment où le harcèlement allégué a eu lieu, ainsi que dans toute autre situation présentant un conflit d’intérêts, le DGP […] saisit le président de la BEI […] qui attribuera le dossier à une autre direction ». L’article 4.3 de la politique en matière de dignité au travail dispose que, « [e]n cas de doute, l’existence d’un conflit d’intérêts doit être évaluée par le chef de la conformité du Groupe BEI […] ou, si ce dernier est en situation de conflit d’intérêts, par le président de la BEI ».

93      En l’espèce, dans la note du 23 septembre 2020, adressée au président de la BEI, par laquelle la directrice générale de la DG « Personnel » a recommandé l’ouverture d’une procédure d’office en matière de dignité au travail concernant le comportement du requérant, la question d’un éventuel conflit d’intérêts est analysée. Il y est souligné, premièrement, que l’infirmière ayant signalé l’incident du 15 novembre 2019 ne travaillait plus pour la BEI, deuxièmement, qu’elle n’était pas membre du personnel de la DG « Personnel », mais consultante et, troisièmement, qu’elle avait seulement travaillé en tant que consultante pour la BEI pour une période inférieure à trois mois. Il est conclu, dans ladite note du 23 septembre 2020, que la directrice générale de la DG « Personnel » n’est pas dans une situation de conflit d’intérêts.

94      Par sa note du 30 novembre 2020, la directrice de la DG « Personnel » a demandé au président de la BEI de confier la gestion de l’affaire concernant l’incident du 15 novembre 2019 à un autre service en application de l’article 4.2 de la politique en matière de dignité au travail. Il y est expliqué que cette demande a été faite afin d’éviter tout conflit d’intérêts, apparent ou autre, eu égard au fait que l’infirmière ayant signalé l’incident du 15 novembre 2019 avait recommencé à travailler en tant que consultante pour la DG « Personnel ».

95      Il ressort de cet exposé des faits que la DG « Personnel » a changé sa position quant à l’existence d’un conflit d’intérêts lorsque l’infirmière ayant signalé l’incident du 15 novembre 2019 a repris son travail à la BEI, au sein de ladite direction.

96      Il convient également de relever que, dans sa note du 23 septembre 2020, la directrice de la DG « Personnel » écarte l’hypothèse de l’existence d’un conflit d’intérêts sur la base d’une interprétation erronée de la politique en matière de dignité au travail, notamment en évoquant le fait que l’infirmière ayant signalé l’incident du 15 novembre 2019 n’était pas membre du personnel de la DG « Personnel », mais consultante. Toutefois, dans sa note du 30 novembre 2020, la directrice de la DG « Personnel » a demandé au président de la BEI de confier la gestion de l’affaire à un autre service, car l’infirmière ayant signalé l’incident du 15 novembre 2019 avait réintégré la BEI, et plus précisément la DG « Personnel », en tant que consultante.

97      Il apparaît que la notion de « membre du personnel » a fait l’objet d’interprétations contradictoires de la part de la directrice de la DG « Personnel ». En outre, ainsi que le fait valoir à bon droit le requérant, l’article 4.3 de la politique en matière de dignité au travail prévoit, en cas de doute, que l’existence d’un conflit d’intérêts doit être évaluée par le chef de la conformité du Groupe BEI, ou, si celui-ci est en situation de conflit d’intérêts, par le président de la BEI.

98      Il s’ensuit qu’aucune des trois justifications invoquées par la directrice générale de la DG « Personnel » dans sa note du 23 septembre 2020, identifiées au point 93 ci-dessus, ne permettait d’écarter l’hypothèse d’un conflit d’intérêts au sens de l’article 4 de la politique en matière de dignité au travail. En effet, s’agissant de la première justification, à savoir que l’infirmière ayant signalé l’incident du 15 novembre 2019 ne travaillait plus pour la BEI, il convient de constater, eu égard au libellé de l’article 4.2 de la politique en matière de dignité au travail rappelé au point 92 ci-dessus, qu’une situation de conflit d’intérêts peut exister même si l’infirmière ne travaillait plus pour la BEI au moment de la note du 23 septembre 2020, car un tel lien de travail existait au moment des faits signalés. S’agissant de la deuxième justification, à savoir que l’infirmière n’était pas un membre du personnel de la BEI au moment où les faits signalés ont eu lieu mais avait le statut de « consultante », il résulte de ce qui précède que, en l’espèce, celle-ci aurait dû susciter un doute dans le chef de la directrice générale de la DG « Personnel » justifiant que l’existence d’un conflit d’intérêts soit examinée par l’une des personnes visées à l’article 4.3 de la politique en matière de dignité au travail, rappelé au point 92 ci-dessus. Enfin, s’agissant de la troisième justification, à savoir que l’infirmière n’avait travaillé au service de la BEI que pour une période inférieure à trois mois, celle-ci est sans pertinence eu égard au libellé de l’article 4.2 susmentionné.

99      Il convient ainsi de conclure que l’appréciation de l’existence d’un conflit d’intérêts dans le chef de la directrice générale de la DG « Personnel » n’est pas en conformité avec l’article 4 de la politique en matière de dignité au travail. Il n’est pas exclu que, si l’existence d’un conflit d’intérêts avait été appréciée sur la base des critères pertinents, l’affaire aurait été attribuée plus tôt à une autre direction, conformément à l’article 4.2 de ladite politique.

100    Toutefois, cette irrégularité procédurale ne concerne pas la décision de non‑conversion, mais l’ouverture d’une procédure d’office en matière de dignité au travail concernant le comportement du requérant. Or, une telle irrégularité procédurale ne saurait être sanctionnée par l’annulation de la décision de non‑conversion que s’il était établi que cette irrégularité a pu influer sur le contenu de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 62 et jurisprudence citée).

101    Eu égard aux circonstances de l’espèce, à savoir le fait que, premièrement, la procédure d’office en matière de dignité au travail est une procédure distincte de celle concernant la conversion du contrat du requérant, deuxièmement, des services différents ont été impliqués dans ces procédures distinctes, troisièmement, la directrice générale de la DG « Personnel » n’a fait que demander l’ouverture de ladite procédure et a elle-même demandé à être remplacée quelques semaines plus tard, quatrièmement, le président de la BEI a confirmé l’ouverture de la ladite procédure en même temps qu’il a attribué l’affaire à un autre service, à savoir le 2 décembre 2020 et, cinquièmement, le rapport concernant le comportement du requérant a été rédigé par un panel qui était composé de trois personnes n’étant pas des agents en fonction, conformément à l’article 26.3 de la politique en matière de dignité au travail, il y a lieu de considérer que l’irrégularité entachant l’ouverture de la procédure d’office en matière de dignité au travail n’a pas pu influer sur le contenu de la décision de non‑conversion.

102    En outre, le requérant n’a pas présenté d’arguments en ce sens. Son allégation selon laquelle il y aurait eu un retard en apparence intentionnel dans la procédure d’enquête en matière de dignité au travail n’est pas étayée par les éléments du dossier et, en tout état de cause, n’a aucun lien avec le contenu de la décision de non‑conversion.

103    Partant, il convient d’écarter la troisième branche du premier moyen et, avec elle, le moyen dans son intégralité.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, du droit à la confidentialité, à la protection des données et à la vie privée ainsi que de la présomption d’innocence

104    Le deuxième moyen du requérant peut être subdivisé en deux branches, tirées, la première, d’une violation du droit à la protection des données, à la confidentialité et au respect de la vie privée et, la seconde, d’une violation des droits de la défense et de la présomption d’innocence.

1)      Sur la première branche, tirée d’une violation du droit à la protection des données, à la confidentialité et au respect de la vie privée

105    Par le premier grief de la première branche de son deuxième moyen, le requérant fait valoir que les règles de la protection des données prévues par le règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295 p. 39), ont été violées par la référence, dans le cadre de la procédure concernant la conversion de son contrat, à des accusations « nulles et malveillantes » faites dans le cadre d’autres procédures.

106    La BEI soutient que cette branche est irrecevable, car elle ne satisferait pas aux exigences de l’article 76, sous d) et e), du règlement de procédure.

107    À cet égard, il y a lieu de constater que le requérant n’explique pas quelles sont les dispositions du règlement 2018/1725 qui auraient été violées. En l’absence de mention claire et compréhensible des règles de droit prétendument violées, ainsi que l’exige la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus, cette branche ne répond pas aux exigences de l’article 76, sous d) et e), du règlement de procédure et il est impossible pour le Tribunal de statuer sur cet argument.

108    Le premier grief de la première branche du deuxième moyen est dès lors irrecevable.

109    Par son second grief, le requérant soutient que la référence, dans le cadre de la procédure concernant la conversion de son contrat, à des accusations « nulles et malveillantes » faites dans le cadre de la procédure en matière de dignité au travail viole, premièrement, le principe de confidentialité tel que consacré à l’article 8.1 de la politique en matière de dignité au travail et, deuxièmement, son droit à la vie privée, qui protègerait ses intérêts personnels et ses loisirs. La DG « Personnel » aurait indûment partagé avec sa hiérarchie des détails au sujet des allégations à son égard.

110    L’article 8.1 de la politique en matière de dignité au travail prévoit que « [t]oute personne travaillant pour le Groupe BEI qui, de quelque manière que ce soit, prend connaissance d’une procédure ouverte au titre de la Politique ou intervient dans celle-ci est tenue de respecter la confidentialité la plus stricte concernant tous les aspects de ladite procédure, y compris le fait de son existence, les personnes concernées, les motifs de l’ouverture de la procédure et son issue [ ; l]’obligation de confidentialité ne s’applique pas à la victime présumée et à la personne accusée en ce qui concerne l’existence de la procédure formelle – qu’elles peuvent divulguer à leurs propres supérieurs hiérarchiques – et la teneur de la décision finale ».

111    L’article 8.3 de la politique en matière de dignité au travail ajoute que « [t]oute violation injustifiée de la confidentialité peut conduire à l’ouverture de la procédure disciplinaire ».

112    Force est de constater que le premier argument du requérant est fondé sur une interprétation erronée du régime de confidentialité mis en place par la politique en matière de dignité au travail.

113    En effet, la violation des règles de confidentialité, à la supposer établie, n’est pas de nature à constituer un motif d’annulation d’une décision concernant la conversion du contrat d’un membre du personnel de la BEI, mais, tout au plus, si une telle violation est injustifiée, à conduire à l’ouverture d’une procédure disciplinaire. Cette approche est par ailleurs conforme à la jurisprudence citée au point 100 ci-dessus.

114    Partant, il convient de rejeter le premier argument du requérant.

115    En outre, en ce qui concerne la prétendue violation du droit au respect de la vie privée, consacré notamment à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), qui résulterait de la divulgation de données confidentielles ou à caractère personnel, il convient de relever que le requérant avance cet argument sans autre explication.

116    Dès lors, le second argument est irrecevable et doit être rejeté.

117    Il s’ensuit que le second grief doit être rejeté et, partant, la première branche du deuxième moyen dans son ensemble.

2)      Sur la seconde branche, tirée d’une violation des droits de la défense et de la présomption d’innocence

118    Par le premier grief de la seconde branche de son deuxième moyen, le requérant fait valoir que ses droits de la défense et son droit d’être entendu ont été violés par le fait que, premièrement, il n’a pas reçu le rapport de la division des enquêtes avant l’ouverture de la procédure d’office en matière de dignité au travail, deuxièmement, du fait du conflit d’intérêts, son affaire n’aurait pas été traitée de manière impartiale par une autorité indépendante et, troisièmement, il n’a pas pu faire dûment entendre ses arguments. La décision de non‑conversion ne tiendrait pas compte de l’ensemble des faits et des preuves. Le requérant ajoute qu’il n’a jamais été entendu en ce qui concerne les réclamations relatives à la conversion de son contrat et qu’il n’a pas eu accès à son dossier.

119    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré même en l’absence de disposition expresse prévue à cette fin par la réglementation concernant la procédure en cause (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint Association/Commission, 17/74, EU:C:1974:106, point 15). Les droits de la défense, consacrés par l’article 41 de la Charte, incluent le droit procédural de toute personne, prévu au paragraphe 2, sous a), dudit article, d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (arrêt du 2 février 2022, LU/BEI, T‑536/20, non publié, EU:T:2022:40, point 54).

120    La Cour a déjà jugé, dans un litige en matière de harcèlement, que le comité d’enquête, avant de transmettre ses recommandations au président de la BEI, et, en tout état de cause, ce dernier, avant qu’il ne prenne une décision affectant défavorablement la partie requérante, étaient tenus de respecter le droit de celle-ci d’être entendue en sa qualité de plaignante (arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 56). Le même principe s’applique à la personne faisant l’objet d’une procédure d’office en matière de dignité au travail à la BEI.

121    En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que le requérant a été informé et a eu l’occasion d’être entendu et de soumettre ses observations plusieurs fois, tant dans le cadre des procédures concernant l’incident du 15 novembre 2019 que dans le cadre de la procédure ayant abouti à la non-conversion de son contrat (voir points 7, 8, 10, 15, 16, 20, 21, 23, 25, 27, 28 et 29 ci-dessus).

122    En outre, le requérant n’explique pas, dans le cadre de son argumentation tirée du fait qu’il n’aurait pas eu accès à son dossier, de quelle procédure il s’agit et quel type d’informations ne lui auraient pas été communiquées en temps utile. En tout état de cause, la lettre du 22 mars 2021 lui communiquait une note également datée du 22 mars 2021 concernant l’ouverture de la procédure d’office en matière de dignité au travail le concernant, à laquelle étaient annexés le courriel de l’infirmière du 18 novembre 2019, les documents qu’il avait soumis le 18 novembre 2019 et le rapport de la division des enquêtes (voir point 15 ci-dessus), tandis que la lettre du 2 août 2021 lui communiquait le projet de rapport final du panel « dignité au travail » (voir point 21 ci-dessus).

123    Il s’ensuit que les arguments du requérant selon lesquels il n’a pas été dûment informé du déroulement des procédures, eu accès à son dossier et pu faire valoir son point de vue doivent être rejetés.

124    En ce qui concerne, en particulier, l’argument du requérant selon lequel il n’aurait pas reçu le rapport de la division des enquêtes avant l’ouverture de la procédure d’office en matière de dignité au travail, il suffit de constater que, d’une part, le requérant n’établit pas de quelle manière ses droits de la défense ou d’autres règles applicables en la matière auraient été violés et que, d’autre part, il n’explique pas en quoi ledit rapport serait en lien avec l’adoption de l’acte lui faisant grief en l’espèce, à savoir la décision de non‑conversion, au sens de la jurisprudence citée au point 119 ci-dessus.

125    En ce qui concerne l’argument du requérant tiré de la prétendue partialité de l’autorité ayant traité son affaire, force est de constater que le requérant n’explique pas en quoi a consisté cette prétendue partialité ni la façon dont elle s’est concrétisée dans son cas. Cet argument est dès lors irrecevable, en application des dispositions et de la jurisprudence citées au point 49 ci-dessus.

126    Il s’ensuit que le premier grief doit être rejeté.

127    Par son second grief, le requérant se prévaut d’une violation de la présomption d’innocence, au motif que la décision de non‑conversion serait fondée sur des allégations non étayées par des éléments de preuve.

128    En l’espèce, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si le principe de la présomption d’innocence est applicable au cas d’espèce, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté aux points 58 à 65 ci-dessus, la légalité de la décision de non-conversion n’est pas entachée d’inexactitudes matérielles et que la BEI a pris en considération les éléments de preuve pertinents. En outre, la majorité des éléments pris en considération sont fondés sur des déclarations du requérant lui-même.

129    Par ailleurs, la procédure de conversion du contrat du requérant a un objectif et une finalité différents de ceux concernant l’incident du 15 novembre 2019. Ainsi, la BEI a pu, sans préjuger de la culpabilité ou de la responsabilité du requérant, faire référence dans la décision de non-conversion à des éléments concernant le comportement du requérant et la perte de confiance à son égard.

130    Dès lors, le second grief doit être rejeté.

131    Il s’ensuit que la seconde branche du deuxième moyen doit être rejetée et, avec elle, le deuxième moyen dans son ensemble.

c)      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration et des attentes légitimes du requérant

132    Le troisième moyen peut être subdivisé en deux branches, tirées, la première, de la violation du principe de bonne administration et, la seconde, du non-respect des attentes légitimes du requérant.

1)      Sur la première branche, tirée d’une violation du principe de bonne administration

133    Le requérant invoque l’article 41 de la Charte et fait valoir que, premièrement, la demande de la BEI du 26 novembre 2021 l’invitant à soumettre ses éventuelles observations concernant la conversion de son contrat de travail et le retard qu’elle a causé dans l’adoption d’une décision concernant la conversion de son contrat et, deuxièmement, la violation de son droit d’être entendu et d’avoir accès à son dossier constituent une violation du principe de bonne administration.

134    L’article 41, paragraphe 1, de la Charte dispose que « [t]oute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union ». L’article 41, paragraphe 2, de la Charte dispose que ce droit comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard, le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires, et l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.

135    Selon la jurisprudence, l’administration est tenue, en vertu du principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la Charte, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce dont elle est saisie et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle met en œuvre (voir, en ce sens, arrêts du 4 février 1987, Maurissen/Cour des comptes, 417/85, EU:C:1987:61, point 12, et du 5 juin 2019, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑273/18, non publié, EU:T:2019:371, point 58 et jurisprudence citée).

136    En l’espèce, le requérant fait état de retards dans l’adoption de la décision concernant la conversion de son contrat. Or, il a déjà été constaté que le retard dans l’adoption de ladite décision est justifié (voir point 85 ci-dessus) et, partant, n’est pas de nature à constituer une violation du principe de bonne administration.

137    Par ailleurs, l’argument du requérant concernant le retard dû au fait que l’administration l’a invité à déposer ses éventuelles observations avant qu’elle ne prenne une décision finale concernant la conversion de son contrat ne saurait prospérer. D’une part, le retard causé n’était que de quelques jours. D’autre part, le fait d’inviter la personne concernée à soumettre ses observations avant que soit adoptée une décision lui faisant grief constitue une application, et non une violation, du principe de bonne administration, dans son aspect « droit d’être entendu ».

138    Quant aux allégations du requérant concernant une prétendue violation de son droit d’être entendu et du droit d’accès au dossier, elles ont été rejetées aux points 122 et 123 ci-dessus.

139    Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen doit être rejetée.

2)      Sur la seconde branche, tirée du non-respect des attentes légitimes du requérant

140    Par la seconde branche de son troisième moyen, le requérant fait valoir que, à la suite des échanges continus avec sa hiérarchie, il avait une confiance légitime dans la conversion de son contrat.

141    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union. Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (arrêts du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, EU:T:1999:135, point 70, et du 28 septembre 2022, Grieger/Commission, T‑517/21, non publié, EU:T:2022:588, point 81).

142    En l’espèce, le requérant se limite à formuler des allégations générales concernant les échanges continus avec sa hiérarchie qui auraient créé des attentes légitimes dans son esprit.

143    Or, le requérant ne produit aucun élément de preuve à cet égard. Il convient de relever sur ce point que les courriels du 11 janvier 2021 mentionnent l’intention de deux membres du personnel de la BEI de demander des informations concernant une éventuelle conversion du contrat du requérant et ne font état d’aucune assurance à cet égard. Le courriel du 3 janvier 2022 fait état du fait que le service dont relevait le requérant avait proposé la conversion de son contrat. Cependant, d’une part, ce courriel date de quelques jours après l’expiration du contrat du requérant, de sorte qu’il n’est pas de nature à créer des attentes dans son esprit et, d’autre part, il ne fait pas état d’assurances quant à la conversion de son contrat, mais seulement du fait que la conversion de son contrat a été proposée à la hiérarchie oralement, lors d’une réunion.

144    Il s’ensuit que la première condition nécessaire afin de réclamer la protection de la confiance légitime n’est pas remplie. Dès lors, la seconde branche du troisième moyen doit être rejetée et, avec elle, le troisième moyen dans son ensemble.

145    Partant, les conclusions en annulation sont rejetées dans leur intégralité.

146    En outre, s’agissant du chef de conclusions présenté à titre subsidiaire et visant la modification de la décision de non-conversion, de la lettre la confirmant et de la décision de rejet de la demande de réexamen administratif jugé irrecevable (voir point 47 ci‑dessus), dans l’hypothèse où il conviendrait de l’interpréter comme tendant, sur le fondement des mêmes arguments écartés ci-dessus, à ce que le Tribunal procède à la conversion du contrat à durée déterminée du requérant en contrat à durée indéterminée, il y a lieu, en tout état de cause, de le rejeter pour les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus ci-dessus concernant les conclusions en annulation formulées à l’encontre de ces mêmes actes.

2.      Sur les conclusions indemnitaires

147    Le requérant présente une série de conclusions indemnitaires concernant des préjudices matériel et moral (voir point 35 ci-dessus).

148    Il convient de rappeler que, en matière de fonction publique, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions à des fins d’annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées (arrêt du 19 décembre 2019, HK/Commission, C‑460/18 P, EU:C:2019:1119, point 93 ; voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 1981, Albini/Conseil et Commission, 33/80, EU:C:1981:186, point 18, et du 21 mai 2008, Belfass/Conseil, T‑495/04, EU:T:2008:160, point 122).

149    Ainsi qu’il a été constaté au point 145 ci-dessus, les conclusions en annulation doivent être rejetées. Or, à l’appui de sa demande tendant à la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi, le requérant n’invoque pas d’autres illégalités que celles venant au soutien de ses conclusions en annulation. Cette demande doit donc également être rejetée, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de certains chefs de préjudices que la BEI conteste dans son mémoire en défense.

150    Partant, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

151    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

152    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BEI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      RS est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Półtorak

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juillet 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.