Language of document : ECLI:EU:C:2017:441

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 8 juin 2017 (1)

Affaires jointes C593/15 P et C594/15 P

République Slovaque

contre

Commission européenne





Affaire C‑599/15 P



Roumanie

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Ressources propres de l’Union européenne – Responsabilité financière des États membres – Transit communautaire externe – Perte de droits de douane subie par un État membre à cause d’un autre État membre – Demande de la Commission au second État membre de compenser la perte – Lettres de la Commission – Caractère attaquable »






I.      Introduction

1.        Comment les États membres peuvent-ils obtenir une clarté juridique quant à l’existence d’une obligation de paiement envers l’Union européenne, lorsque la Commission européenne ne dispose pas du pouvoir d’adopter une décision en vue du recouvrement de cette créance et tant qu’elle n’engage pas de procédure en manquement ?

2.        C’est la question fondamentale que soulèvent les présents pourvois devant un arrière-plan par ailleurs plutôt technique.

3.        Au départ, les présentes affaires concernent des droits de douane, c’est‑à‑dire des ressources propres traditionnelles de l’Union, que la République fédérale d’Allemagne n’a pas pu prélever en raison de problèmes survenus chez les autorités slovaques et roumaines. Considérant que, dans ces conditions, la République slovaque et la Roumanie devaient prendre en charge les pertes occasionnées, la Commission a demandé à ces États membres de payer les montants en cause. Manifestement, la Commission voulait, comme elle l’a confirmé lors de l’audience, envoyer de premières lettres en vue d’éventuels recours en manquement ultérieurs. Toutefois, elle n’a pas rédigé ces lettres comme des premières prises de contact habituelles, mais comme des décisions contraignantes dans lesquelles elle fixait notamment un délai autonome de paiement des montants en cause.

4.        Cela n’a pourtant pas retenu l’attention du Tribunal, qui a dénié tout effet de droit aux lettres en cause au seul motif que la Commission n’est pas habilitée à adopter des décisions contraignantes pour recouvrer des ressources propres auprès des États membres. En revanche, il n’a même pas examiné le contenu des lettres et l’applicabilité des dispositions relatives aux ressources propres de l’Union, mise en doute par les parties.

5.        À première vue, cette solution pourrait paraître pragmatique.

6.        Ainsi, dans les présentes affaires, la Commission souligne elle‑même avec insistance que, en matière de ressources propres, elle n’est effectivement pas habilitée à adopter des décisions contraignantes en vue du recouvrement de créances auprès des États membres, et, même en dehors du domaine des ressources propres, il ne semble, du moins à première vue, pas exister de base juridique générale qui permettrait à la Commission d’adopter des décisions contraignantes afin d’inviter les États membres à régler des dettes.

7.        Par conséquent, admettre que les lettres de la Commission produisent des effets juridiques et donc qu’elles sont susceptibles de recours a toutes les chances de conduire, dans le meilleur des cas, à l’annulation de celles-ci. En revanche, il y a peu de chances qu’admettre de tels recours apporte une clarification juridique quant aux prétentions en cause. Partant, le grief des États membres parties aux présentes procédures, selon lequel le Tribunal aurait dû considérer que les lettres litigieuses étaient susceptibles de recours ne serait-ce que pour des motifs de nécessité d’un recours effectif, s’avère inopérant. Alors, à quoi bon considérer que les lettres litigieuses sont susceptibles de recours si cela ne peut même pas conduire à une clarification juridique ?

8.        En dépit de ces considérations pragmatiques, la solution apportée par le Tribunal s’avère erronée sur la base de la jurisprudence constante relative au caractère attaquable des actes des institutions de l’Union. En effet, pour examiner les effets juridiques de tels actes, le juge de l’Union ne peut pas s’appuyer exclusivement sur le critère de l’absence de pouvoir de décision, sans accorder la moindre considération au contenu des actes en cause. Une telle solution paraît encore plus douteuse lorsque, comme dans les présentes affaires, pour examiner les compétences d’une institution de l’Union, elle s’appuie exclusivement sur des règles dont l’applicabilité est contestée, sans même examiner cette applicabilité.

9.        En effet, une telle démarche conduit à soustraire un acte de l’Union à un contrôle de légalité en le soumettant à un contrôle de recevabilité manifestement orienté. Or, dans une Union de droit, même dans un souci de pragmatisme quant aux effets des décisions de la Cour et au besoin d’efficacité de l’administration de l’Union, une telle façon de procéder n’est pas acceptable, et ce même lorsqu’il est manifeste que l’examen d’un acte juridique n’apportera pas de clarification juridique définitive au fond.

10.      Toutefois, si la Cour suivait ce constat avec la solution que nous proposons, cela ne l’empêcherait pas pour autant de reconnaître que les présents pourvois font apparaître une lacune du système juridique de l’Union, qui résulte de l’absence d’une action déclaratoire générale (2). Ainsi, en l’absence de pouvoir de décision général de la Commission pour recouvrer des créances pécuniaires auprès des États membres et donc étant donné l’impossibilité d’adopter un acte attaquable, dans des cas comme ceux des présentes affaires, l’existence d’une obligation de paiement ne peut être clarifiée qu’au moyen d’un recours en manquement. Partant, tant que la Commission n’engage pas une telle procédure, les États membres n’ont aucune possibilité d’obtenir une clarification de la situation juridique tout en devant supporter un risque important d’avoir à verser des intérêts de retard.

11.      Au-delà du contrôle des ordonnances attaquées du Tribunal et des lettres litigieuses de la Commission, les présentes affaires donnent à la Cour l’occasion de songer à remédier à cette lacune dans les voies de recours.

II.    Le cadre légal

12.      La décision 2000/597/CE, Euratom, du Conseil du 29 septembre 2000 relative au système des ressources propres des Communautés européennes (3) a été remplacée, avec effet au 1er janvier 2007, par la décision 2007/436/CE, Euratom, du Conseil du 7 juin 2007 relative au système des ressources propres des Communautés européennes (4), sans que les dispositions pertinentes pour les présentes affaires soient modifiées.

13.      Conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de la décision 2000/597 ainsi qu’à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2007/436, constituent des ressources propres inscrites au budget de l’Union notamment « des droits du tarif douanier commun et autres droits établis ou à établir par les institutions de l’[Union] sur les échanges avec les pays non membres ». Les droits de douane sont dénommés « ressources propres traditionnelles ». Selon l’article 2, paragraphe 3, des décisions 2000/597 et 2007/436, les États membres retiennent 25 % de ces recettes à titre de frais de perception.

14.      L’article 8, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, des décisions 2000/597 et 2007/436 prévoit que les ressources propres de l’Union sont perçues par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, qui sont, le cas échéant, adaptées aux exigences de la réglementation de l’Union, et que ces ressources sont ensuite mises à la disposition de la Commission.

15.      Le règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil du 22 mai 2000 portant application des décisions relatives au système des ressources propres (5) a été modifié, tout d’abord par le règlement (CE, Euratom) no 2028/2004 du Conseil du 16 novembre 2004 (6), puis, avec effet au 1er janvier 2007, par le règlement (CE, Euratom) no 105/2009 du Conseil du 26 janvier 2009 (7).

16.      Conformément à l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1150/2000 dans ses versions successives, un droit de l’Union sur les ressources propres visées dans les décisions no 2000/597 et 2007/436 est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable. D’après ces dispositions, la date à retenir pour cette constatation est la date de la prise en compte prévue par la réglementation douanière.

17.      L’article 6, paragraphe 3, du règlement no 1150/2000 est libellé comme suit :

« 3. a)       Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du point b) du présent paragraphe, repris dans la comptabilité au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.

b)             Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au point a) parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au point a), dans une comptabilité séparée. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus. »

18.      L’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 1150/2000 dispose :

« 1. Selon les modalités définies à l’article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l’organisme qu’il a désigné ».

19.      L’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000 dispose :

« 1. Après déduction […] des frais de perception […], l’inscription des ressources propres […] intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2 du présent règlement.

Toutefois, pour les droits repris dans la comptabilité séparée conformément à l’article 6, paragraphe 3, point b), l’inscription doit intervenir au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui du recouvrement des droits ».

20.      D’après l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000, tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9, paragraphe 1, dudit règlement donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’un intérêt dont le taux est fixé à l’article 11, paragraphes 2 et 3.

21.      L’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1150/2000 énonce :

« 1. Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.

2. Les États membres sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés qui s’avèrent irrécouvrables :

a) pour des raisons de force majeure ou

b) pour d’autres raisons qui ne leur sont pas imputables.

Les montants de droits constatés sont déclarés irrécouvrables par décision de l’autorité administrative compétente constatant l’impossibilité du recouvrement.

Les montants de droits constatés sont réputés irrécouvrables […]

Les montants déclarés ou réputés irrécouvrables sont définitivement retirés de la comptabilité séparée visée à l’article 6, paragraphe 3, point b). […] »

III. Les antécédents des pourvois

22.      Au cours des années précédant l’année 2010, différentes marchandises ont été déclarées en douane en Allemagne afin d’être placées sous le régime du transit communautaire externe prévu aux articles 91 et suivants du code des douanes communautaire (8). Cette procédure permet de transporter des marchandises entre deux lieux situés à l’intérieur du territoire douanier de l’Union sans que ces marchandises soient soumises à des droits à l’importation. Toutefois, elle est subordonnée à une présentation en douane des marchandises au lieu de destination, afin que les autorités douanières puissent contrôler qu’elles y sont parvenues (9). Si cela n’est pas fait, les marchandises sont réputées importées dans l’Union, ce qui fait naître une dette de droits à l’importation. Lorsque le moment auquel les marchandises ont été soustraites au contrôle douanier est inconnu, c’est au moment du placement sous le régime du transit communautaire externe qu’est réputée naître la dette douanière. Cela signifie que les autorités de l’État membre dans lequel les marchandises ont été placées sous le régime du transit communautaire externe doivent prélever les droits et verser les ressources propres correspondantes à la Commission.

23.      Dans les procédures en cause dans les présentes affaires, dans lesquelles les lieux de destination des marchandises se trouvaient en République slovaque et en Roumanie, les autorités roumaines et slovaques ont certes confirmé l’arrivée des marchandises aux autorités allemandes, de telle sorte que ces dernières ont mis fin aux procédures de transit et ont libéré les sûretés constituées par les principaux obligés. Cependant, il est apparu par la suite qu’en réalité les marchandises n’étaient jamais arrivées à leurs lieux de destination et que c’était à tort qu’il avait été mis fin aux procédures de transit. En effet, la confirmation électronique de la présentation en douane régulière dans le système douanier informatisé NSTI (10) était intervenue à tort, et était imputable soit à des intentions frauduleuses des autorités douanières slovaques et roumaines elles-mêmes, soit à des intentions frauduleuses de tiers et à un manque de mesures de sécurisation de la part de ces autorités.

24.      Comme aucun comportement fautif des principaux obligés n’avait pu être constaté, les dettes douanières ainsi nées leur ont été remises et ont été déclarées irrécouvrables. Ainsi, l’obligation de l’Allemagne de verser les montants correspondants à la Commission s’est éteinte. Dans ces conditions, la Commission a estimé que la République slovaque et la Roumanie devaient compenser les pertes subies par le budget de l’Union en raison des fautes commises par leurs autorités.

A.      Les lettres litigieuses de la Commission

25.      C’est pourquoi la Commission a envoyé, les 15 juillet (11) ainsi que 24 (12) et 19 (13) septembre 2014, deux lettres à la République Slovaque et une lettre à la Roumanie (ci-après les « lettres litigieuses »), invitant ces États membres à payer les montants correspondant aux droits de douane que la République fédérale d’Allemagne n’avait pas pu recouvrer en raison des fautes commises par les autorités slovaques et roumaines.

26.      Dans les lettres litigieuses, la Commission a tout d’abord décrit les faits en cause et expliqué que la République slovaque et la Roumanie devaient assumer la responsabilité des pertes occasionnées dans ce contexte. En effet, la confirmation erronée de la fin de la procédure de transit effectuée par les autorités slovaques et roumaines aurait empêché les autorités allemandes de recouvrer des droits de douane constituant des ressources propres traditionnelles. Certes, la République slovaque et la Roumanie n’auraient pas été compétentes pour prélever ces droits de douane. Cependant, un État membre aurait à assumer la responsabilité de la perte de ressources propres survenu par la faute de ses autorités. Cela découlerait du traité, du système des ressources propres et de la jurisprudence de la Cour (14). Dans ces conditions, un refus de la République slovaque et de la Roumanie de se conformer à l’invitation à mettre à disposition les ressources propres en cause serait incompatible avec le principe de coopération loyale entre les États membres et l’Union et avec le système des ressources propres.

27.      C’est pourquoi la Commission a invité les autorités slovaques et roumaines à mettre à sa disposition les montants en cause, après déduction de 25 % pour le recouvrement, au plus tard le premier jour ouvrable suivant le dix-neuvième jour du deuxième mois suivant l’envoi des lettres litigieuses. Ensuite, elle a indiqué que tout retard de paiement donnerait lieu au calcul d’intérêts conformément à l’article 11 du règlement no 1150/2000.

B.      Les ordonnances attaquées du Tribunal

28.      Par des recours du 22 septembre, ainsi que du 26 et du 28 novembre 2014, la République slovaque et la Roumanie ont demandé l’annulation des lettres litigieuses. Sur ce, la Commission a soulevé dans chacune de ces affaires une exception d’irrecevabilité (15) en soutenant que les lettres en cause ne constitueraient pas des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE. Par des ordonnances du 14 septembre 2015 (16), le Tribunal a fait droit à ces exceptions et a rejeté les recours pour irrecevabilité (17), sans examiner leur bien-fondé (ci‑après les « ordonnances attaquées »).

29.      Tout d’abord, le Tribunal a constaté, sur la base des dispositions relatives aux ressources propres de l’Union et de la jurisprudence de la Cour en la matière, que c’est aux États membres eux-mêmes d’apprécier l’existence d’une perte de ressources propres traditionnelles, ainsi que l’existence d’une obligation de mettre de telles ressources à la disposition de l’Union. En revanche, aucune décision de la Commission à cet égard et aucune procédure spécifique à l’issue de laquelle la Commission serait conduite à adopter une telle décision ne seraient prévues. Par ailleurs, selon le système établi par les articles 258 à 260 TFUE, la détermination des droits et obligations des États membres ainsi que le jugement de leur comportement ne pourraient résulter que d’un arrêt de la Cour (18).

30.      Dès lors, à défaut de disposition habilitant la Commission à adopter un acte enjoignant à un État membre de mettre à disposition des ressources propres, les lettres attaquées pourraient uniquement être considérées comme ayant une valeur informative et comme de simples invitations. C’est pourquoi elles ne constitueraient pas des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE (19).

31.      Par conséquent, les indications de la Commission relatives aux montants des ressources réclamées, au délai dans lequel la mise à disposition devait être effectuée, et à l’obligation de verser des intérêts de retard ne sauraient pas non plus produire des effets juridiques. En outre, les arguments des parties selon lesquels l’applicabilité des dispositions relatives aux ressources propres serait douteuse ne seraient pas pertinents, car ils concerneraient uniquement la légalité des lettres. Enfin, il conviendrait également de rejeter les arguments concernant la nécessité d’un recours effectif en raison de l’insécurité juridique existante et du risque important d’avoir à payer des intérêts de retard. En effet, la seule nécessité d’un recours effectif ne saurait rendre attaquable un acte qui n’est pas susceptible de recours et les États membres pourraient écarter le risque d’avoir à payer des intérêts de retard en mettant les montants réclamés de manière conditionnelle à la disposition de la Commission, sous réserve du bien-fondé de la position de cette dernière (20).

IV.    Procédures de pourvoi et conclusions des parties

32.      Par mémoires du 13 novembre 2015, la République slovaque a formé des pourvois contre les ordonnances rendues dans les affaires T‑678/14 et T‑779/14 (affaires jointes C‑593/15 P et C‑594/15 P). La République slovaque conclut à ce qu’il plaise à la Cour annuler dans leur intégralité les ordonnances attaquées, se prononcer elle-même sur la recevabilité des recours et renvoyer les affaires au Tribunal pour qu’il statue sur le bien-fondé des recours, ou si, toutefois, la Cour devait conclure qu’elle ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer de manière définitive sur l’exception d’irrecevabilité de la Commission, renvoyer les affaires au Tribunal pour qu’il statue sur la recevabilité des recours ainsi que sur le bien-fondé de ces derniers, et condamner la Commission aux dépens. La Roumanie et la République fédérale d’Allemagne soutiennent les conclusions de la République slovaque.

33.      Par mémoire du 16 novembre 2015, la Roumanie a formé un pourvoi contre l’ordonnance rendue dans l’affaire T‑784/14 (affaire C‑599/15 P). La Roumanie conclut à ce qu’il plaise à la Cour déclarer le recours recevable, annuler l’ordonnance attaquée dans son intégralité et se prononcer de nouveau sur l’affaire en déclarant le recours en annulation recevable et en annulant la lettre litigieuse, ou renvoyer l’affaire au Tribunal pour que celui-ci déclare le recours en annulation recevable et annule la lettre litigieuse, et condamner la Commission aux dépens. La République slovaque, la République fédérale d’Allemagne et la République tchèque soutiennent les conclusions de la Roumanie.

34.      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour rejeter les pourvois et condamner les parties requérantes aux pourvois aux dépens.

35.      Toutes les parties ont présenté des observations écrites sur les pourvois, ainsi que des observations orales lors de l’audience commune du 23 mars 2017.

V.      Appréciation

A.      Sur les pourvois

36.      Il ressort des argumentations de la République slovaque et de la Roumanie, qui s’articulent respectivement en deux moyens différents dont les arguments se recoupent partiellement, que les requérantes invoquent en substance deux erreurs de droit commises par le Tribunal.

37.      D’une part, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en appuyant son argumentation sur les dispositions relatives aux ressources propres de l’Union, sans même examiner si ces dispositions étaient applicables. Le Tribunal n’aurait pas non plus expliqué pourquoi il pouvait se dispenser d’un tel examen, si bien que les ordonnances attaquées seraient entachées d’un défaut de motivation.

38.      D’autre part, l’examen du caractère attaquable des lettres litigieuses serait entaché d’une erreur de droit, car, lors de cet examen, le Tribunal se serait basé uniquement sur l’absence de compétence de la Commission pour adopter des décisions contraignantes en vue du recouvrement de ressources propres. Ce faisant il aurait méconnu que, selon la jurisprudence, lors de l’examen du caractère attaquable d’actes de l’Union, ce serait aussi, tout particulièrement, le contenu de ces actes qui importerait.

39.      C’est ce dernier argument qu’il convient d’examiner en premier.

1.      Sur l’examen par le Tribunal du caractère attaquable des lettres litigieuses

40.      Sont susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE tous les actes des institutions de l’Union destinés à produire des effets juridiques obligatoires, indépendamment de la forme dans laquelle ces actes sont pris (21). Partant, pour déterminer si un acte produit des effets juridiques, il y a lieu de s’attacher notamment à son objet, son contenu et sa substance, ainsi qu’au contexte factuel et juridique dans lequel il est intervenu (22).

41.      Certes, les compétences de l’institution qui prend un acte constituent également un critère susceptible d’être pris en considération lors de l’appréciation des effets juridiques contraignants et donc du caractère attaquable des actes des institutions de l’Union (23). Cependant, il s’agit seulement d’un aspect parmi d’autres qui, pour reprendre les mots de la Cour, doit « le cas échéant » être pris en compte pour apprécier les effets de droit obligatoires d’un acte (24).

42.      Effectivement, les différents éléments à prendre en compte pour apprécier les effets juridiques d’un acte des institutions de l’Union constituent un faisceau de critères, qui se complètent mutuellement dans le cadre d’une vision d’ensemble et ne peuvent être examinés séparément les uns des autres. Certes, la pondération d’un critère individuel par rapport aux autres peut varier au cas par cas (25). Toutefois, le juge de l’Union ne peut pas prendre en considération un seul de ces critères en écartant les autres lorsqu’ils sont également déterminants dans le cas d’espèce. En particulier, il est impossible d’écarter de manière arbitraire les critères essentiels du contenu et de l’objet d’un acte attaqué au profit d’un autre critère, complémentaire. Il en va d’autant plus ainsi que l’examen des compétences d’une institution est étroitement lié à l’examen du contenu d’un acte (26).

43.      Certes, dans les présentes affaires, le Tribunal a commencé par évoquer quelques extraits de la jurisprudence relative au caractère attaquable des actes des institutions de l’Union. Cependant, contrairement à ce que soutient la Commission, lorsqu’il a ensuite examiné les lettres litigieuses, il n’a tenu absolument aucun compte de leur contenu, comme le requiert pourtant la jurisprudence.

44.      Au contraire, il ressort clairement des ordonnances attaquées que le Tribunal fonde sa conclusion, selon laquelle les lettres litigieuses ne produisent pas d’effets juridiques, uniquement sur l’absence de compétence de la Commission pour adopter des décisions contraignantes en vue de recouvrer des ressources propres à l’égard des États membres : ainsi, le Tribunal constate que les dispositions relatives aux ressources propres prescrivent aux États membres de constater eux‑mêmes l’existence d’une obligation de mettre de telles ressources à la disposition de l’Union (27). En revanche, ces dispositions ne prévoiraient ni une habilitation de la Commission pour adopter une décision visant à recouvrer des ressources propres ni une procédure d’adoption d’une telle décision (28). Il appartiendrait au contraire exclusivement à la Cour de se prononcer sur une telle obligation des États membres. C’est pourquoi la Commission ne pourrait pas mettre fin à un litige concernant la mise à disposition de ressources propres en adoptant elle-même une décision (29).

45.      Sur la base de ces considérations, le Tribunal parvient à la conclusion que, en l’absence d’habilitation de la Commission à obliger par une décision un État membre à mettre à disposition des ressources propres, les lettres litigieuses ne peuvent constituer que de simples avis dépourvus de tout effet de droit (30).

46.      Certes, pour étayer cette conclusion, le Tribunal renvoie à des ordonnances de la Cour dans lesquelles cette dernière a également pris en compte l’absence d’habilitation de la Commission pour adopter des décisions contraignantes (31). Toutefois, à chaque fois, la Cour a fait cela à la lumière d’un examen du contenu des lettres litigieuses dans les affaires en cause, examen qui ne permettait pas non plus de conclure à l’existence d’effets juridiques (32). En revanche, dans les présentes affaires, le Tribunal n’a pas pris en compte le contenu des lettres litigieuses dans son appréciation de celles-ci, bien qu’il ait commencé par mentionner ce contenu dans sa présentation des faits (33).

47.      Pourtant, contrairement aux affaires à l’origine des ordonnances de la Cour citées par le Tribunal, dans les présentes affaires, il ressort clairement du contenu des lettres litigieuses que celles-ci visent à produire des effets juridiques.

48.      Ainsi, contrairement à ce que soutient la Commission, dans les lettres litigieuses, celle-ci ne fait pas que mentionner des obligations qui découlent directement des dispositions du droit de l’Union. En effet, le point de vue selon lequel un État membre doit prendre en charge une perte de ressources propres survenue dans un autre État membre par la faute de ses autorités, même si, initialement, il n’était pas responsable du prélèvement de ces ressources, découle non pas directement des dispositions relatives aux ressources propres mais d’une interprétation de ces dispositions par la Commission. De même, sans les lettres de la Commission, les autorités slovaques et roumaines n’auraient pas pu déterminer, en tout cas pas sans procéder à des recherches, les montants exacts dus, qui correspondent aux droits de douane qu’aurait initialement dû prélever l’Allemagne.

49.      Certes, en soi, cela ne suffit pas encore à conférer des effets juridiques aux lettres litigieuses. En effet, la Commission aurait également pu informer les États membres en cause sous forme d’avis non contraignants qu’elle considérait qu’ils devaient les montants en cause et entamer un dialogue avec eux en vue d’un éventuel recours en manquement ultérieur.

50.      Cependant, la Commission ne s’est pas contentée d’informer sous forme d’avis non contraignant la République slovaque et la Roumanie que, selon elle, celles-ci devaient prendre en charge les pertes occasionnées par la faute de leurs autorités. Elle a au contraire déterminé la situation juridique de manière contraignante à l’égard des États membres en cause et leur a de surcroît fixé un délai de paiement qui était fondé uniquement sur les lettres litigieuses et ne constituait pas une simple reproduction de conséquences juridiques obligatoires d’autres dispositions du droit de l’Union.

51.      En effet, contrairement à ce que soutenait initialement la Commission, le délai de paiement fixé dans les lettres litigieuses, à l’expiration duquel des intérêts de retard doivent courir, ne résulte pas du règlement no 1150/2000 sur les ressources propres. Certes, il est indiqué à l’article 11 de ce règlement que tout retard donne lieu au paiement d’un intérêt dont le taux est fixé dans le règlement. Cependant, le délai de paiement à compter duquel un droit de l’Union au paiement des ressources arrive à échéance et des intérêts de retard sont dus est différent dans le règlement et dans les lettres litigieuses. Ainsi, l’article 10 du règlement définit le moment de l’inscription et donc de l’arrivée à échéance de ressources propres par rapport au moment de la constatation ou du recouvrement des droits correspondants par les États membres (34). En revanche, dans les lettres litigieuses, la Commission définit le moment de l’échéance des montants réclamés par rapport au moment de l’envoi de ces lettres (35).

52.      Par conséquent, à supposer même que, en l’espèce, le règlement no 1150/2000 soit applicable, ce qui est contesté, ou qu’il soit applicable par analogie, le délai de paiement indiqué dans les lettres litigieuses ne correspond pas à celui qui est fixé dans ce règlement. Et même si les droits que fait valoir la Commission devaient être qualifiés de délictuels ou quasi-délictuels, leur échéance d’après les lettres litigieuses interviendrait non pas, conformément à l’usage, à compter du fait dommageable, mais à compter d’un moment futur déterminé dans ces lettres. Ces éléments sont des indices sérieux tendant à montrer que les lettres litigieuses produisent des effets juridiques.

53.      Cela a d’ailleurs été reconnu implicitement par la Commission, qui a admis lors de l’audience, en réponse à une question de la Cour, que, à supposer même que le délai de paiement indiqué dans les lettres diffère de celui prévu dans le règlement no 1150/2000, le premier serait en tout cas plus avantageux pour les États membres que le second, puisqu’il commencerait à courir plus tard. Toutefois, le fait que les lettres litigieuses accordent un délai plus avantageux que le délai légal plaide non pas contre mais au contraire pour le caractère constitutif et non purement déclaratif de ces lettres.

54.      À cet égard, la fixation du délai par les lettres litigieuses doit être distinguée de celle qui intervient par les « notes de débit » (36) qui sont envoyées dans le cadre de contrats des institutions de l’Union et qui, selon la jurisprudence de la Cour, ne constituent, dans ce contexte, pas des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE (37). Certes, la question de savoir dans quelle mesure ces « notes de débit » produisent des effets juridiques autonomes n’est pas sans susciter une controverse (38). Cependant, il semble relativement clair que, en tout état de cause, la fixation d’un délai de paiement qu’elles comportent ne produit pas d’effets juridiques existant indépendamment des obligations contractuelles, lorsque cette fixation d’un délai vise seulement, comme cela est également possible dans des contrats entre particuliers, à remplir une condition contractuelle ou légale d’arrivée à échéance de ces obligations contractuelles fixée par ailleurs (39).

55.      En revanche, dans les présentes affaires, on ne voit pas comment la fixation d’un délai par les lettres litigieuses pourrait seulement viser à remplir une condition, fixée par ailleurs, d’arrivée à échéance d’une obligation de la République slovaque et de la Roumanie envers l’Union. En effet, cette fixation d’un délai ne correspond pas à celle prévue pour l’arrivée à échéance de ressources propres (40) et il n’apparaît pas non plus que l’arrivée à échéance d’obligations délictuelles ou quasi‑délictuelles  puisse être déclenchée par une telle fixation d’un délai (et non pas par le fait dommageable)(41).

56.      Il ressort des considérations qui précèdent que le contenu des lettres litigieuses amène à conclure que ces lettres produisent des effets juridiques. Dans ces conditions, le Tribunal a commis une erreur de droit en se concentrant uniquement sur l’absence de pouvoir de décision de l’institution concernée et en n’incluant pas le contenu des lettres litigieuses dans son examen du caractère attaquable de celles-ci.

57.      Au lieu d’examiner le contenu des lettres litigieuses et de tirer ensuite ses conclusions relatives à leur caractère attaquable, le Tribunal a procédé de la manière inverse. Ainsi, il a refusé de prendre en considération le contenu des lettres et notamment la fixation d’un délai, au motif que, dans la mesure où la Commission ne disposerait pas du pouvoir de prendre une décision concernant une obligation des États membres en cause de mettre à disposition les montants réclamés, elle ne pourrait pas non plus être habilitée à fixer un délai à cette fin. Comme les lettres litigieuses ne pourraient pas produire d’effets juridiques concernant l’obligation des États membres de mettre à disposition des ressources, à plus forte raison, elles ne pourraient pas non plus produire des effets juridiques concernant le délai d’une telle mise à disposition (42).

58.      Ainsi que le constatent à juste titre la République slovaque et la Roumanie, l’acceptation d’une telle façon de procéder dans des cas comme ceux des présentes affaires aurait pour effet de priver de toute pertinence le recours pour incompétence mentionné expressément à l’article 263 TFUE et de soustraire les actes concernés à un contrôle de légalité, puisque la seule absence de pouvoir de décision de l’institution concernée conduirait à l’irrecevabilité d’un tel recours. Partant, l’existence du recours pour incompétence confirme a contrario que, lorsqu’un acte pris par une institution qui ne dispose pas du pouvoir de décision nécessaire produit des effets juridiques, le pouvoir de décision ne peut pas être un critère essentiel de l’examen du caractère attaquable de la mesure en cause. En effet, comme le concède elle-même la Commission, même lorsqu’il s’agit de décisions adoptées par une institution incompétente, il convient de distinguer entre les décisions qui produisent des effets juridiques et les actes qui n’en produisent pas. Si l’absence de compétence de l’institution qui a adopté une décision suffisait à rendre cette dernière inattaquable, cela ne serait pas compatible avec le droit à un recours effectif. C’est seulement dans le cas d’actes ultra vires extrêmement graves du type « capitaine de Köpenick » que le droit à un recours pourrait se limiter au constat par la Cour de l’inexistence de l’acte dans le cadre de l’examen de la recevabilité. Mais nous sommes très loin de cela dans les présentes affaires.

59.      Dans celles-ci, l’examen ci-avant a révélé que les lettres litigieuses sont non pas des actes dépourvus d’effets juridiques mais des décisions produisant des effets juridiques et donc des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE. Par conséquent, seul un examen de leur légalité permet de déterminer si ces actes ont été adoptés par une institution incompétente.

60.      Conformément aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater qu’en négligeant l’aspect essentiel du contenu des lettres litigieuses lors de l’examen des effets juridiques et donc du caractère attaquable de ces lettres, le Tribunal a commis une erreur de droit. Cette erreur de droit suffit à elle seule à justifier l’annulation des ordonnances attaquées, puisque c’est sur elle qu’est basée la supposition du Tribunal selon laquelle les lettres litigieuses ne constitueraient pas des actes attaquables au sens de l’article 263 TFUE.

2.      Sur l’application par le Tribunal des dispositions relatives aux ressources propres

a)      Sur l’absence d’examen de l’applicabilité des dispositions relatives aux ressources propres

61.      Avec une autre ligne d’argumentation, la République slovaque et la Roumanie reprochent au Tribunal d’avoir considéré que les lettres litigieuses ne produisent pas d’effets juridiques sur la base de l’absence de compétence de la Commission pour adopter des décisions contraignantes visant au recouvrement de ressources propres, sans même examiner si les dispositions relatives aux ressources propres de l’Union étaient effectivement applicables. En invoquant cette argumentation, les États membres en cause reprochent en fin de compte au Tribunal de s’être prononcé séparément sur les exceptions d’irrecevabilité de la Commission et de ne pas avoir joint celles-ci au fond (43).

62.      Par ailleurs, les ordonnances attaquées seraient entachées d’un défaut de motivation à cet égard, car le Tribunal n’aurait pas indiqué pourquoi, selon lui, les montants réclamés constituaient des ressources propres et pourquoi les dispositions y relatives étaient applicables. En outre, le Tribunal n’aurait pas non plus indiqué pourquoi, selon lui, il n’était pas nécessaire de joindre la décision sur la recevabilité à la décision sur le bien‑fondé.

63.      Ces griefs des requérantes aux pourvois doivent également être accueillis.

64.      Il ressort des considérations qui précèdent relatives à l’absence d’examen du contenu des lettres litigieuses que le Tribunal a fondé sa conclusion, selon laquelle ces lettres ne produisent pas d’effets juridiques, uniquement sur l’absence de compétence de la Commission pour se prononcer dans des décisions sur des obligations des États membres de mettre à disposition des ressources propres.

65.      D’une part, comme le font valoir à juste titre les requérantes aux pourvois, les conclusions du Tribunal reposent ainsi sur la prémisse selon laquelle les lettres litigieuses devaient être appréciées sur la base des dispositions relatives aux ressources propres. Or, le Tribunal n’aurait pas dû baser son raisonnement sur une telle prémisse, sans examiner tout d’abord l’applicabilité des dispositions en cause, contestée par les parties. Il en va d’autant plus ainsi que la réponse à cette question n’est pas évidente et ne découle pas non plus clairement des dispositions relatives aux ressources propres de l’Union.

66.      Contrairement à ce que soutient la Commission, l’examen de l’applicabilité des dispositions relatives aux ressources propres n’aurait pas été nécessaire seulement pour examiner le bien-fondé des droits que faisaient valoir les lettres litigieuses. Au contraire, cette question est devenue pertinente pour l’examen du caractère attaquable de ces lettres, parce que le Tribunal a choisi de se baser à cet effet sur l’absence de compétence de la Commission pour adopter des décisions en vue du recouvrement des ressources propres.

67.      Cela signifie que, dans les circonstances des présentes affaires, l’appréciation des exceptions d’irrecevabilité dépendait de l’appréciation des moyens invoqués en première instance contre les lettres litigieuses. C’est pourquoi le Tribunal aurait dû examiner ces exceptions en même temps que les questions de droit matériel soulevées par les litiges.

68.      D’autre part, la motivation des ordonnances du Tribunal est également insuffisante. Certes, l’obligation de motiver les arrêts, qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 36 et de l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel (44).

69.      Cependant, les ordonnances attaquées ne satisfont pas à ces exigences. En effet, premièrement, la motivation du Tribunal ne permet pas de savoir si, et dans l’affirmative, pourquoi, celui-ci a qualifié les montants réclamés de ressources propres. Deuxièmement, il n’apparaît pas clairement si, et pour quelles raisons, le Tribunal a considéré que les dispositions relatives aux ressources propres étaient directement applicables ou s’il a simplement estimé que ces dispositions étaient applicables par analogie. Enfin, la lecture des ordonnances attaquées n’éclaire pas non plus sur les raisons pour lesquelles le Tribunal a estimé qu’il pouvait examiner les litiges sur la base des dispositions relatives aux ressources propres, sans examiner les arguments des parties relatifs à l’inapplicabilité desdites dispositions. Dans de telles conditions, il est impossible à la Cour de contrôler la légalité de l’argumentation du Tribunal.

b)      Plus particulièrement, sur la distinction avec la procédure en manquement

70.      En outre, le Tribunal ne pouvait pas non plus, comme cela avait été évoqué lors de l’audience, justifier l’irrecevabilité des recours de première instance par d’éventuelles considérations « systémiques » reposant sur la distinction entre les types de recours ou sur la nécessité de séparer le recours en annulation conformément à l’article 263 TFUE et le recours en manquement conformément aux articles 258 à 260 TFUE.

71.      En effet, premièrement, le constat du Tribunal, selon lequel les obligations litigieuses dans les présentes affaires ne peuvent être constatées que par la voie d’un recours en manquement, s’appuie quant à lui sur l’absence de compétence de la Commission pour adopter des décisions en vue du recouvrement de ressources propres. Par conséquent, ce constat repose également sur la supposition non vérifiée et insuffisamment motivée, selon laquelle les faits des présentes affaires devraient être appréciés à la lumière de l’applicabilité des dispositions relatives aux ressources propres.

72.      Deuxièmement, dans les présentes affaires, même des considérations « systémiques », orientées vers une considération d’ensemble du système de recours de l’Union, ne pourraient rien changer au fait que les lettres litigieuses remplissent les conditions auxquelles la jurisprudence subordonne la production d’effets juridiques par des actes des institutions de l’Union et sont par conséquent susceptibles de recours au sens de l’article 263 TFUE.

73.      Enfin, troisièmement, dans les présentes affaires, un examen de la recevabilité basé sur une distinction par rapport au recours en manquement ne serait de toute façon pas pertinent (45). En effet, s’il apparaissait lors d’un contrôle de la légalité des lettres litigieuses que la Commission n’était pas habilitée à adopter des décisions contraignantes, de toute façon il ne lui resterait plus que le recours en manquement pour faire valoir des droits éventuels contre les États membres. En revanche, si un contrôle de la légalité des lettres litigieuses révélait que la Commission était habilitée à adopter des décisions contraignantes, alors, ne serait-ce qu’en raison du droit à un recours effectif, la voie du recours en annulation devrait être ouverte.

3.      Conclusion intermédiaire

74.      Il découle des considérations qui précèdent que les ordonnances attaquées reposent sur un examen erroné de la recevabilité des recours de première instance. Il s’ensuit que ces ordonnances doivent être annulées.

B.      Sur les recours de première instance

75.      Selon l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, la Cour peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

76.      Dans les présentes affaires, il en va ainsi.

77.      Premièrement, les litiges sont en état d’être jugés concernant le caractère attaquable des lettres litigieuses et donc la recevabilité des recours de première instance.

78.      Deuxièmement, certes, le bien-fondé de ces recours n’a pas été examiné en première instance et les parties n’ont pas encore eu l’occasion d’échanger sur tous les arguments y afférent. Par conséquent, les litiges ne sont pas encore en état d’être jugés dans la mesure où il est impossible, à ce stade, de se prononcer au fond sur les prétentions que font valoir les lettres litigieuses. Cependant, l’examen de ces lettres révèle qu’il est de toute façon impossible de se prononcer sur leur légalité, puisqu’elles ne sont pas suffisamment motivées, comme le requiert l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. C’est pourquoi elles doivent en tout état de cause être annulées, sans qu’il y ait lieu d’examiner leur légalité au fond (46).

79.      Enfin, troisièmement, il convient d’examiner l’argumentation des requérantes aux pourvois, selon laquelle les présentes affaires mettent en évidence une lacune du système de protection juridique de l’Union.

1.      Sur la recevabilité des recours de première instance

a)      Sur les effets juridiques produits par les lettres litigieuses

80.      Il ressort de l’examen des pourvois que nous venons d’effectuer que les lettres litigieuses produisent des effets juridiques, et ce indépendamment de la question de l’applicabilité des dispositions relatives aux ressources propres, en raison du constat contraignant des obligations concrètes de la République slovaque et de la Roumanie et en particulier en raison de la fixation d’un délai de paiement, qui résulte uniquement de ces lettres (47). Par conséquent, il est possible de constater que ces lettres constituent des décisions attaquables d’une institution de l’Union au sens de l’article 263 TFUE, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si les montants réclamés sont des ressources propres et si, ou dans quelle mesure, les dispositions relatives aux ressources propres sont applicables directement ou par analogie.

81.      En outre, les parties ont présenté des observations sur la question du contenu des lettres litigieuses et notamment de l’appréciation du délai de paiement qui est fixé dans ces lettres, tout d’abord dans leurs mémoires et ensuite dans le cadre de l’audience devant la Cour (48). Ainsi, le droit d’être entendu des parties a été suffisamment respecté et la Cour peut fonder sa décision sur ce point.

82.      Enfin, pendant la procédure devant la Cour, aucun argument nouveau, susceptible de remettre en cause les effets juridiques et donc le caractère attaquable des lettres litigieuses, n’a été invoqué. Ainsi, la Commission, en particulier, s’est contentée de répéter qu’elle ne disposait d’aucune compétence pour recouvrer les montants réclamés.

83.      Si l’affirmation de la Commission lors de l’audience, selon laquelle, sur la base des lettres litigieuses, il ne serait pas encore possible de se prononcer au fond sur les obligations litigieuses, parce que cela requerrait des discussions supplémentaires entre les parties, devait être comprise en ce sens que l’institution considère les lettres litigieuses comme des mesures intermédiaires et veut ainsi leur dénier un caractère attaquable, alors, une telle argumentation ne saurait prospérer.

84.      En effet, il est certes vrai que des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale et qui expriment une opinion provisoire de l’institution concernée ne constituent pas, en principe, des actes qui peuvent faire l’objet d’un recours en annulation (49). Cependant, dans les présentes affaires, rien n’indique que les lettres litigieuses expriment une opinion provisoire de la Commission, puisque, notamment, elles fixent de manière définitive les montants exacts réclamés et, justement, le délai de paiement. De surcroît, il n’apparaît pas que les lettres s’insèreraient dans une procédure à la fin de laquelle de nouvelles décisions, définitives, de la Commission interviendraient.

b)      Sur l’argumentation selon laquelle la lettre litigieuse dans l’affaire T‑678/14 serait un acte confirmatif

85.      Concernant la première lettre litigieuse adressée à la République slovaque le 15 juillet 2014 (50), la Commission a soutenu dans son exception d’irrecevabilité soulevée dans l’affaire T‑678/14 qu’il s’agirait simplement d’un acte confirmatif. En effet, cette lettre ne serait qu’un courrier faisant suite à une première lettre, envoyée le 18 mars 2014 (51), à laquelle les autorités slovaques auraient répondu par lettre du 16 mai 2014 (52).

86.      Toutefois, cette objection ne peut pas faire obstacle au caractère attaquable de la lettre du 15 juillet 2014.

87.      Ainsi, s’il est vrai qu’un acte purement confirmatif ne saurait faire l’objet d’un recours en annulation, il n’en demeure pas moins qu’un acte n’est purement confirmatif d’un acte existant que lorsqu’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à ce dernier (53).

88.      Il n’en va pas ainsi de la lettre du 15 juillet 2014 par rapport à la lettre du 18 mars 2014. En effet, comme la République slovaque l’indique à juste titre dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité de la Commission dans l’affaire T‑678/14, la lettre du 15 juillet 2014 fixe un autre délai de paiement que celle du 18 mars 2014 (54). Or, comme nous l’avons déjà exposé ci-avant, la fixation d’un délai de paiement autonome, s’appuyant uniquement sur les lettres litigieuses, est justement un élément essentiel qui confère des effets juridiques à ces lettres (55). Partant, la lettre du 15 juillet 2014 n’est pas un acte confirmatif par rapport à la lettre du 18 mars 2014.

c)      Conclusion intermédiaire

89.      En résumé, le recours en annulation conformément à l’article 263 TFUE est ouvert contre les trois lettres litigieuses. Par conséquent, les trois recours de première instance sont recevables.

2.      Sur le bien-fondé des recours de première instance

a)      Sur la motivation des lettres litigieuses

90.      Tant dans le cadre des procédures de première instance que dans le cadre des procédures de pourvoi, la question de savoir si les lettres litigieuses pouvaient produire des effets juridiques, compte tenu de la compétence (ou plutôt de l’absence de compétence) de la Commission pour adopter des décisions en vue du recouvrement des créances que celle-ci faisait valoir, a donné lieu à des discussions approfondies.

91.      En effet, dans les lettres litigieuses elles-mêmes, la Commission n’a pas indiqué de base juridique l’habilitant à inviter par une décision les États membres à payer les montants réclamés. À cet égard, il convient de distinguer entre la base de l’habilitation pour adopter des décisions contraignantes en vue du recouvrement des montants et la base de l’obligation des États membres en cause de mettre à disposition ces montants. Ainsi, la Commission a bien indiqué la seconde dans les lettres litigieuses, en expliquant que l’obligation de la République slovaque et de la Roumanie de compenser les pertes subies par le budget de l’Union par la faute de leurs autorités résulterait du principe de coopération loyale et de la nécessité de garantir le bon fonctionnement du système des ressources propres de l’Union.

92.      Le fait que, à l’inverse, l’indication d’une base d’habilitation pour adopter des décisions en vue du recouvrement des montants réclamés fait défaut pourrait sembler, à première vue, logique du point de vue de la Commission. En effet, cette institution estime de toute façon que les lettres litigieuses ne peuvent pas produire d’effets juridiques en raison de son absence de compétence pour adopter des décisions contraignantes. Toutefois, comme nous l’avons déjà exposé, ce point de vue n’est pas justifié, car les lettres litigieuses produisent bien des effets juridiques en raison de leur contenu.

93.      Dans ce contexte, la question de savoir si cela correspond à l’intention initiale de la Commission ou si, notamment, la formulation de la fixation du délai dans les lettres litigieuses est due à une erreur, comme l’a affirmé la Commission lors de l’audience, peut rester ouverte. Certes, pour déterminer si des actes des institutions de l’Union produisent des effets juridiques, il faut également prendre en compte l’intention de leur auteur (56). Cependant, une telle intention doit découler de l’acte en cause lui-même et ne peut pas être expliquée seulement lors de la procédure juridictionnelle ultérieure. Or, dans les présentes affaires, il ne ressort justement pas des lettres litigieuses qu’il s’agirait d’invitations non contraignantes à présenter des observations. Au contraire, les lettres produisent des effets juridiques en particulier parce qu’elles fixent un délai de paiement contraignant. Par conséquent, il s’agit de décisions dans lesquelles la Commission aurait dû indiquer la base juridique qui l’habilitait à exiger de manière contraignante le versement des montants réclamés.

94.      En effet, l’omission de faire référence à une base juridique peut ne pas constituer un vice substantiel seulement lorsque la base juridique d’un acte peut être déterminée sans ambiguïté et sans difficulté à l’appui d’autres éléments de celui-ci. Une telle référence explicite est cependant indispensable lorsque, à défaut de celle-ci, les intéressés et la Cour sont laissés dans l’incertitude quant à la base juridique précise (57). C’est exactement ainsi qu’il en va dans les présentes affaires : comme l’illustrent les débats intenses entre les parties sur la compétence de la Commission pour adopter des décisions en vue du recouvrement des montants réclamés, il ne ressort justement pas clairement d’une quelconque partie des lettres litigieuses sur quelle base d’habilitation s’est appuyée la Commission pour inviter les parties, par une décision contraignante, à payer ces montants.

95.      Si la détermination définitive d’une obligation de payer et l’indication d’un délai de paiement contraignant dans les lettres litigieuses étaient vraiment dues à une erreur de la Commission, parce que cette dernière voulait en réalité seulement envoyer des avis non contraignants, cela signifierait également que la motivation insuffisante de ces lettres est en partie responsable de cette erreur. En effet, l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE a justement également pour but l’autocontrôle de l’administration et vise donc à obliger l’institution concernée à examiner soigneusement les conditions de l’adoption d’une mesure (58). Si la Commission s’était suffisamment conformée à cette obligation, alors, elle aurait dû remarquer dès la rédaction des lettres litigieuses que, soit elle devait indiquer une base juridique pour l’adoption de décisions contraignantes, soit elle devait renoncer à la fixation d’une obligation de paiement et d’un délai de paiement contraignants.

96.      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de retenir que les lettres litigieuses sont entachées d’un défaut de motivation qui rend impossible l’examen au fond de leur légalité et qui impose leur annulation. La motivation insuffisante des lettres litigieuses a déjà été invoquée dans le cadre des recours de première instance et, de surcroît, la Cour peut de toute façon constater d’office un défaut de motivation (59), si le principe du contradictoire est respecté (60). À cet égard, en dépit de l’absence d’examen du bien-fondé des recours en première instance, les parties ont eu suffisamment l’occasion de s’exprimer sur la motivation des lettres litigieuses, notamment lors de l’audience devant la Cour. C’est pourquoi ces lettres doivent être annulées pour défaut de motivation.

b)      Sur la légalité des lettres litigieuses

97.      Si, contrairement à la conclusion que nous défendons, la Cour devait considérer que les lettres litigieuses sont suffisamment motivées et doivent donc être examinées au fond, elle devrait alors renvoyer les affaires devant le Tribunal pour qu’il statue.

98.      En effet, il est certes possible, sous certaines conditions, de statuer sur le fond d’un recours bien que la procédure en première instance fût limitée à une exception d’irrecevabilité à laquelle le Tribunal a fait droit. Tel peut être le cas lorsque, d’une part, l’annulation de l’arrêt ou de l’ordonnance attaqués implique nécessairement une certaine solution quant au fond du recours en cause ou, d’autre part, l’examen au fond du recours en annulation repose sur des arguments échangés par les parties dans le cadre du pourvoi à la suite d’un raisonnement du juge de première instance (61).

99.      Cependant, dans les présentes affaires, ces conditions ne sont pas réunies. En effet, d’une part, l’annulation des ordonnances attaquées s’appuie uniquement sur l’examen erroné de la recevabilité effectué par le Tribunal, si bien qu’elle n’est pas nécessairement liée à une décision déterminée sur le fond des recours en première instance, qui contestaient notamment l’existence des droits que faisaient valoir les lettres litigieuses. De surcroît, l’annulation des ordonnances litigieuses n’est pas non plus liée à une décision au fond quant à la compétence de la Commission pour adopter les décisions litigieuses. En effet, il a uniquement été constaté que, pour examiner les effets juridiques de ces décisions, le Tribunal ne pouvait pas se baser seulement sur l’incompétence de la Commission et qu’il ne pouvait pas s’appuyer à cet effet sur des dispositions dont l’applicabilité était contestée. En revanche, la question de savoir quelles dispositions étaient pertinentes et si, sur la base de celles-ci, la Commission disposait d’une compétence pour adopter les décisions litigieuses, reste ouverte.

100. D’autre part, dans les présentes affaires, un examen au fond des recours en première instance ne reposerait pas non plus sur des arguments qui ont été échangés par les parties. En effet, ni les échanges écrits ni les échanges oraux n’ont suffisamment traité des questions d’applicabilité des dispositions relatives aux ressources propres de l’Union et du bien-fondé des droits que faisaient valoir les lettres litigieuses.

3.      Sur la problématique de l’absence de protection juridique dans des situations comme celles des présentes affaires

101. L’examen des pourvois et des recours de première instance qui a été effectué fait apparaître le problème déjà évoqué en introduction : ainsi, les ordonnances attaquées du Tribunal doivent certes être annulées et les recours de première instance doivent être déclarés recevables. Cependant, cela ne conduit pas à la clarification, pourtant demandée avec insistance par les États membres parties à la procédure, de la question de savoir si les États membres doivent effectivement compenser une perte de ressources propres dans des situations comme celles des présentes affaires ou non.

102. Le fait que les lettres litigieuses doivent être annulées seulement en raison d’un défaut de motivation n’est pas la seule raison à cela. En effet, cela renvoie certes la balle à la Commission, qui, théoriquement, peut désormais examiner s’il existe une base juridique lui permettant d’imposer par des décisions contraignantes l’obligation des États membres de compenser la perte de ressources propres. Si elle trouvait une telle base juridique, elle pourrait adopter une nouvelle fois les décisions litigieuses en les motivant suffisamment.

103. Cependant, compte tenu de l’argumentation de la Commission et étant donné que, en tout cas à ce stade, aucune base d’habilitation n’apparaît, il paraît plus probable que, même en procédant à un nouvel examen, la Commission parvienne à la conclusion qu’elle ne dispose pas de la compétence requise pour imposer aux États membres par décision de s’acquitter d’obligations de paiement telles que celles en cause dans les présentes affaires. En effet, en l’absence de base d’habilitation générale pour adopter des décisions à l’égard des États membres et en raison du principe d’attribution prévu aux articles 4 et 5 TUE, lorsque la Commission ne dispose pas d’une compétence spéciale pour adopter des décisions, elle doit recourir au recours en manquement prévu à l’article 258 TFUE pour imposer aux États membres des obligations qui leur incombent en vertu du droit de l’Union.

104. Or, c’est exactement le problème pour lequel les États membres parties aux présentes affaires demandent d’urgence une solution : tant que la Commission n’engage pas de procédure en manquement, les États membres ne peuvent pas obtenir de clarté juridique quant à leurs obligations mais doivent supporter un risque important de paiement d’intérêts de retard.

105. En outre, comme les États membres parties aux présentes affaires l’ont expliqué, pour partie sur la base d’expériences antérieures, la possibilité de mettre des fonds à la disposition de la Commission de manière provisoire et sous réserve du bien-fondé d’une prétention, n’est pas de nature à remédier à ce problème. Certes, cette façon de procéder prévient des paiements d’intérêts ultérieurs, au cas où les demandes de la Commission s’avéreraient justifiées. Cependant, même après avoir mis provisoirement des fonds à la disposition de la Commission, les États membres n’ont toujours pas la possibilité de provoquer eux‑mêmes un examen du bien-fondé des prétentions. En revanche, la Commission n’est alors plus incitée à engager une procédure en manquement.

106. Certes, lors de l’audience, la Commission a elle-même laissé entendre que, dans une telle situation, elle pourrait, en vertu du principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, être tenue d’engager une procédure en manquement pour éclaircir la situation juridique. Toutefois, ce point de vue ne trouve aucun appui dans la jurisprudence de la Cour qui, jusqu’à présent, laisse la Commission libre d’apprécier si elle engage ou poursuit une procédure en manquement.

107. Face à cet argument, la Commission a fait valoir qu’il était possible de résoudre ce problème si les États membres rappelaient tout simplement les fonds mis à disposition sous réserve lorsque, après un certain temps, elle n’avait toujours pas engagé de procédure en manquement. Toutefois, d’après les indications de la République fédérale d’Allemagne, un tel rappel serait subordonné à l’accord de la Commission. Si cela était exact, le refus de la Commission de donner un tel accord pourrait être considéré comme un acte susceptible de recours en annulation conformément à l’article 263 TFUE, ce qui pourrait conduire à une clarification au fond du droit. En outre, contrairement à l’avis de la République fédérale d’Allemagne, un refus pur et simple de la Commission de rembourser les montants payés sous réserve serait très probablement aussi un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. En effet, il serait difficile de dénier des effets juridiques concrets à un tel refus (62).

108. Enfin, il serait également concevable que les États membres, après avoir mis, sous réserve, des fonds à la disposition de la Commission, obtiennent une clarification de la question du droit matériel de l’institution sur ces fonds par une action en dommages et intérêts en vertu de l’article 268 TFUE. En effet, la mise à disposition des fonds fait nécessairement subir aux États membres une perte de trésorerie qu’ils peuvent faire valoir dans le cadre d’une action en dommages et intérêts. En outre, il paraît également possible que les États membres invoquent un droit issu d’un enrichissement sans cause, qu’il est également possible de faire valoir en vertu de l’article 268 et de l’article 340, paragraphe 2, TFUE (63). Toutefois, pour se prononcer sur un tel droit à réparation ou droit issu d’un enrichissement sans cause, le Tribunal devrait d’abord examiner si la Commission disposait d’un droit sur les fonds mis à disposition et si les États membres étaient tenus de verser ces fonds au budget de l’Union. Ainsi, l’action en dommages et intérêts, de par sa fonction déclaratoire, pourrait permettre aux États membres d’accéder à un recours effectif pour obtenir une clarification de leurs obligations de paiement envers la Commission (64).

109. Certes, dans le cadre des solutions esquissées dans les deux derniers points, le Tribunal aurait à se prononcer sur des obligations des États membres qui pourraient également faire l’objet d’un recours en manquement devant la Cour. Cependant, les décisions que le Tribunal devrait rendre dans le cadre de ces solutions ne seraient pas en conflit avec la compétence exclusive de la Cour pour se prononcer sur des recours en manquement (65). En effet, tant qu’aucune procédure en manquement n’est engagée concernant les obligations de paiement respectives, il n’y a encore aucune compétence de la Cour à laquelle il pourrait être porté atteinte.

C.      Résumé

110. Comme à la fois les pourvois et les recours de première instance sont fondés, il convient d’annuler à la fois les ordonnances attaquées du Tribunal et les lettres litigieuses de la Commission.

VI.    Dépens

111. En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

112. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

113. Comme, dans les présentes affaires, la Commission a succombé dans les deux instances, elle doit être condamnée aux dépens des deux instances, conformément aux conclusions des requérantes aux pourvois.

114. Conformément à l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Cour peut décider que les parties intervenantes en première instance supportent leurs propres dépens lorsque celles-ci ont participé dans la procédure de pourvoi. Partant, les États membres qui sont intervenus au soutien des requérantes supportent leurs propres dépens afférents à la procédure de pourvoi. Le même constat s’impose en vertu de l’article 140, paragraphe 1, en combinaison avec l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure pour les dépens de ces États membres afférents à la procédure de première instance.

115. Par conséquent, dans les présentes affaires, la République slovaque et la Roumanie supportent leurs propres dépens d’intervention au soutien l’une de l’autre, et la République fédérale d’Allemagne et la République tchèque supportent leurs propres dépens dans les deux instances.

VII. Conclusion

116. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit dans les affaires jointes C‑593/15 P et C‑594/15 P :

1.       Les ordonnances du Tribunal du 14 septembre 2015 dans les affaires Slovaquie/Commission (T‑678/14, EU:T:2015:661, et T‑779/14, EU:T:2015:655) sont annulées.

2.       Les décisions contenues dans les lettres de la Commission du 15 juillet 2014 (BUDG/B/3/MV D[2014] 2351197) et du 24 septembre 2014 (BUDG/B/3/MV D[2014] 3139078) sont annulées.

3.       La Commission européenne supporte ses propres dépens ainsi que ceux de la République slovaque dans les deux instances.

4.       La République fédérale d’Allemagne et la Roumanie supportent leurs propres dépens dans les deux instances.

117. En outre, nous proposons à la Cour de statuer comme suit dans l’affaire C‑599/15 P :

1.       L’ordonnance du Tribunal du 14 septembre 2015 dans l’affaire Roumanie/Commission (T‑784/14, EU:T:2015:659) est annulée.

2.       La décision contenue dans la lettre de la Commission du 19 septembre 2014 (BUDG/B/3/MV D[2014] 3079038) est annulée.

3.       La Commission supporte ses propres dépens ainsi que ceux de la Roumanie dans les deux instances.

4.       La République fédérale d’Allemagne, la République slovaque et la République tchèque supportent leurs propres dépens dans les deux instances.


1      Langue originale : l’allemand.


2      Voir, concernant l’action déclaratoire dans le cadre de l’article 272 TFUE, nos conclusions dans l’affaire Planet/Commission (C‑564/13 P, EU:C:2014:2352, points 18 et suivants), ainsi que l’arrêt du 26 février 2015, Planet/Commission (C‑564/13 P, EU:C:2015:124, point 26).


3      JO 2000, L 253, p. 42.


4      JO 2007, L 163, p. 17.


5      JO 2000, L 130, p. 1.


6      JO 2004, L 352, p. 1.


7      JO 2009, L 36, p. 1.


8      Règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1).


9      Conformément à l’article 4, point 19, du règlement no 2913/92, la présentation en douane est la « communication aux autorités douanières, dans les formes requises, du fait de l’arrivée des marchandises au bureau de douane ou en tout autre lieu désigné ou agréé par les autorités douanières ».


10      Nouveau Système de Transit Informatisé.


11      No BUDG/B/3/MV D(2014) 2351197, annexe 2 du pourvoi dans l’affaire C‑593/15 P.


12      No BUDG/B/3/MV D(2014) 3139078, annexe 2 du pourvoi dans l’affaire C‑594/15 P.


13      No BUDG/B/3/MV D(2014) 3079038, annexe 1 de la requête en première instance dans l’affaire C 599/15 P.


14      Notamment du point 44 de l’arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie (C‑334/08, EU:C:2010:414).


15      Conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.


16      Ordonnances Slovaquie/Commission (T‑678/14, non publiée, EU:T:2015:661), Slovaquie/Commission (T‑779/14, non publiée, EU:T:2015:655), et Roumanie/Commission (T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659).


17      Conformément à l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 4 mars 2015, entré en vigueur entretemps.


18      Ordonnances attaquées T‑678/14, points 27 à 40 et 43 à 46 ; T‑779/14, points 26 à 39 et 42 à 45, et T‑784/14, points 23 à 36 et 39 à 42.


19      Ordonnances attaquées T‑678/14, points 41, 42, 47 et 48 ; T‑779/14, points 40, 41, 46 et 47, et T‑784/14, points 37, 38, 43 et 44.


20      Ordonnances attaquées T‑678/14, points 50 à 59 ; T‑779/14, points 49 à 58, et T‑784/14, points 46 à 56.


21      Jurisprudence constante depuis l’arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, point 9).


22      Ordonnance du 13 juin 1991, Sunzest/Commission (C-50/90, EU:C:1991:253, point 12), ainsi qu’arrêts du 31 mars 1998, France e.a./Commission (C-68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, point 63), et du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission (C-362/08 P, EU:C:2010:40, point 58) ; voir également ordonnance du Tribunal du 8 mars 2012, Octapharma Pharmazeutika/EMA (T‑573/10, non publiée, EU:T:2012:114, point 30).


23      Voir par exemple arrêt du 27 mars 1980, Sucrimex et Westzucker/Commission (133/79, EU:C:1980:104, point 16) ; ordonnances du 17 mai 1989, Italie/Commission (151/88, EU:C:1989:201, point 22) ; du 13 juin 1991, Sunzest/Commission (C‑50/90, EU:C:1991:253, point 13), et du 27 janvier 1993, Miethke/Parlement (C‑25/92, EU:C:1993:32, points 15 et 16), ainsi qu’arrêt du 1er décembre 2005, Italie/Commission (C‑301/03, EU:C:2005:727, point 28) ; voir également ordonnance du Tribunal du 12 février 2010, Commission/CdT (T‑456/07, EU:T:2010:39, points 59 et suivants), ainsi qu’arrêt du Tribunal du 31 mars 2011, Italie/CESE (T‑117/08, EU:T:2011:131, point 32). Concernant l’imputation d’un acte voir arrêt du Tribunal du 21 octobre 2010, Agapiou Joséphidès/Commission et EACEA (T‑439/08, non publié, EU:T:2010:442, points 34 et suivants).


24      Voir arrêt du 13 février 2014, Hongrie/Commission (C‑31/13 P, EU:C:2014:70, point 55) : Les « effets de droit obligatoires d’un acte doivent être appréciés en fonction de critères objectifs, tels que le contenu de cet acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier, ainsi que des pouvoirs de l’institution auteur » (c’est nous qui mettons en italiques).


25      Pour une prise en considération déterminante de la compétence de l’institution en cause en combinaison avec l’objet de l’acte attaqué, voir par exemple ordonnance du 27 janvier 1993, Miethke/Parlement (C‑25/92, EU:C:1993:32, points 13 et suivants) ; pour une prise en considération des pouvoirs de décision après l’examen d’autres critères, voir par exemple arrêt du 1er décembre 2005, Italie/Commission (C‑301/03, EU:C:2005:727, points 19 et suivants).


26      Voir par exemple ordonnance du 17 mai 1989, Italie/Commission (151/88, EU:C:1989:201, points 22 et 23) ; voir également, de manière parlante, arrêt du Tribunal du 31 mars 2011, Italie/CESE (T‑117/08, EU:T:2011:131, point 32).


27      Voir ordonnances attaquées T‑678/14, points 27 à 34 et 43 ; T‑779/14, points 26 à 33 et 42, et T‑784/14, points 23 à 30 et 39.


28      Voir ordonnances attaquées T‑678/14, points 35 à 37 et 43 ; T‑779/14, points 34 à 36 et 42, et T‑784/14, points 31 à 33 et 39.


29      Voir ordonnances attaquées T‑678/14, points 38 à 40 et 45 à 47 ; T‑779/14, points 37 à 39 et 44 à 46, et T‑784/14, points 34 à 36 et 41 à 43.


30      Voir ordonnances attaquées T‑678/14, points 41, 42 et 48 ; T‑779/14, points 40, 41 et 47, et T‑784/14, points 37, 38 et 44.


31      Voir ordonnances du 17 mai 1989, Italie/Commission (151/88, EU:C:1989:201, point 22), et du 13 juin 1991, Sunzest/Commission (C‑50/90, EU:C:1991:253, point 13).


32      Voir ordonnances du 17 mai 1989, Italie/Commission (151/88, EU:C:1989:201, points 22 et 23), et du 13 juin 1991, Sunzest/Commission (C‑50/90, EU:C:1991:253, points 5 et 13).


33      Voir notamment ordonnances attaquées T‑678/14, point 10 ; T‑779/14, point 10, et T‑784/14, point 7.


34      Conformément à l’article 10 du règlement no 1150/2000, l’inscription des ressources propres intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2 de ce règlement, c’est-à-dire pris en compte au sens de la réglementation douanière ou, pour les droits repris dans la comptabilité séparée conformément à l’article 6, paragraphe 3, point b), au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui du recouvrement des droits ; voir ces dispositions aux points 16, 17 et 19 des présentes conclusions.


35      Les lettres litigieuses définissent le moment de l’échéance des montants réclamés comme le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui de l’envoi des lettres.


36      Il est question d’une note de débit, par exemple, dans l’arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:562) ; voir aussi article 80, paragraphe 3, article 83, paragraphe 3, article 88, paragraphe 1 et article 93, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission du 29 octobre 2012 relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1).


37      Voir arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:562, points 23 à 25), ainsi qu’ordonnance du 29 septembre 2016, Investigación y Desarrollo en Soluciones y Servicios IT/Commission (C‑102/14 P, non publiée, EU:C:2016:737, points 53 à 61).


38      Voir conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:110, points 46 et suivants).


39      Voir en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:562, points 45 et suivants), ainsi que conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:110, points 105, 106, ainsi que 112 à 115).


40      Voir ci-avant points 51 et 52.


41      Voir ci-avant point 52.


42      Voir ordonnances attaquées T‑678/14, points 50 à 53 ; T‑779/14, points 49 à 52, et T‑784/14, points 46 à 49.



43      La Roumanie appuie expressément son argumentation à cet égard sur une violation des dispositions du règlement de procédure du Tribunal relatives à l’exception d’irrecevabilité (article 130, paragraphes 7 et 8, du règlement de procédure du Tribunal du 4 mars 2015). L’argumentation de la République slovaque revient en fin de compte également à soutenir que le Tribunal aurait dû joindre l’exception d’irrecevabilité à la décision au fond, car elle soutient qu’il n’aurait pas dû qualifier « d’emblée » les montants réclamés de ressources propres sans examiner l’applicabilité des dispositions en la matière (voir points 19 et 23 des requêtes dans les affaires C‑593/15 P et C‑594/15 P).


44      Voir arrêts du 14 mai 1998, Conseil/de Nil et Impens (C‑259/96 P, EU:C:1998:224, points 32 et 33) ; du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 82), ainsi que du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a. (C‑361/14 P, EU:C:2016:434 point 61).


45      Voir, concernant un examen de la recevabilité basé sur les rapports entre différents types de recours dans un autre cas de figure, non transposable aux présentes affaires, arrêt du 9 septembre 2015, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission (C‑506/13 P, EU:C:2015:562, point 19).


46      D’ailleurs, bien que, formellement, dans ses requêtes, elle conclut seulement à ce qu’il plaise à la Cour se prononcer elle-même sur la recevabilité des recours de première instance et renvoyer les affaires au Tribunal pour qu’il statue sur le bien‑fondé de ces recours, la République slovaque n’a pas non plus indiqué de raisons, au sens de l’article 170, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, pour lesquelles le litige ne serait pas en état d’être jugé concernant la motivation défaillante des lettres litigieuses.


47      Voir ci-avant points 50 à 56.


48      Voir à cet égard également point 53 ci-avant.


49      Voir arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission (C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, points 50 à 54 et jurisprudence citée).


50      NBUDG/B/3/MV D(2014) 2351197 ; annexe 2 du pourvoi dans l’affaire C‑593/15 P.


51      No BUDG/B/3/MV D(2014) 777983 ; annexe 20 de la requête dans l’affaire T‑678/14.


52      No 1400100/1/230330/2014 ; annexe 21 de la requête dans l’affaire T‑678/14.


53      Arrêt du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep (C‑224/12 P, EU:C:2014:213, point 69 et jurisprudence citée).


54      Étant donné que les deux lettres fixent le délai de paiement au premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui de leur envoi, en fin de compte, elles fixent des délais différents.


55      Voir ci-avant, points 50 à 56.


56      Voir arrêt du 7 juillet 2005, Le Pen/Parlement (C‑208/03 P, EU:C:2005:429, point 46).


57      Voir arrêts du 26 mars 1987, Commission/Conseil (45/86, EU:C:1987:163, point 9) ; du 1er octobre 2009, Commission/Conseil (C‑370/07, EU:C:2009:590, point 56), et du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil (C‑440/14 P, EU:C:2016:128, point 66).


58      Voir à cet égard nos conclusions dans les affaires Mellor (C‑75/08, EU:C:2009:32, points 29 et 30), et LS Customs Services (C‑46/16, EU:C:2017:247, points 82 et 83).


59      Voir arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67), et du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a. (C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34).


60      Voir arrêts du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a. (C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 54), et du 3 décembre 2015, Italie/Commission (C‑280/14 P, EU:C:2015:792, point 24).


61      Arrêt du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA (C‑197/09 RX–II, EU:C:2009:804, point 30).


62      Voir en ce sens arrêt du 26 mai 1982, Allemagne et Bundesanstalt für Arbeit/Commission (44/81, EU:C:1982:197, point 6).


63      Voir arrêt du 16 décembre 2008, Masdar (UK)/Commission (C‑47/07 P, EU:C:2008:726, points 44 à 50).


64      Voir, pour un raisonnement similaire, arrêt du 13 mars 2007, Unibet (C‑432/05, EU:C:2007:163, point 58).


65      Voir à cet égard arrêt du 15 janvier 2014, Commission/Portugal (C‑292/11 P, EU:C:2014:3, point 54).