Language of document : ECLI:EU:T:2024:433

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

3 juillet 2024 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques  ‑ Maintien du nom du requérant sur la liste – Notion d’“hommes d’affaires influents” – Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC – Exception d’illégalité – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑742/22,

Dmitry Arkadievich Mazepin, demeurant à Moscou (Russie), représenté par Mes D. Rovetta, M. Campa, M. Moretto, V. Villante, T. Marembert et A. Bass, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme P. Mahnič et M. J. Rurarz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

République de Lettonie, représentée par Mmes J. Davidoviča et K. Pommere, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme M. Brkan et M. T. Tóth (rapporteur), juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 6 février 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Dmitry Arkadievich Mazepin, demande l’annulation :

–        de la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « premiers actes de maintien »), et de la lettre du 15 septembre 2022 par laquelle le Conseil a décidé de maintenir son nom sur la liste des personnes, des entités et des organismes visés par des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145/PESC du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16), telle que modifiée, en tant que ces actes maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes ;

–        de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « deuxièmes actes de maintien »), en tant que ces actes maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes ;

–        de la décision (PESC) 2023/811 du Conseil, du 13 avril 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 101, p. 67), et du règlement d’exécution (UE) 2023/806 du Conseil, du 13 avril 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 101, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « troisièmes actes de maintien »), en tant que ces actes maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes ;

–        de la décision (PESC) 2023/1767 du Conseil, du 13 septembre 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 104), du règlement d’exécution (UE) 2023/1765 du Conseil, du 13 septembre 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 226, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « quatrièmes actes de maintien » et pris ensemble avec les premiers, les deuxièmes et les troisièmes actes de maintien les « actes attaqués »), et de la lettre du 15 septembre 2023 par laquelle le Conseil a décidé de maintenir son nom sur la liste des personnes, des entités et des organismes visés par des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145/PESC du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16), telle que modifiée, et le règlement (UE) no 269/2014 du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6), tel que modifié, en tant que ces actes maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes.

I.      Antécédents du litige

A.      Sur l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes de personnes visées par les mesures restrictives

2        La présente affaire s’inscrit dans le contexte des mesures restrictives décidées par l’Union européenne eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

3        Le requérant est un citoyen de nationalité russe.

4        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).

5        À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

6        Le 25 février 2022, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329 modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330 modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause.

7        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, se lit comme suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

a)      à des personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, à des personnes physiques qui soutiennent ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques ;

[…]

g)      à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,

et les personnes physiques et morales, les entités ou les organismes qui leur sont associés, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent, dont la liste figure en annexe.

2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit ».

8        Les modalités de ce gel des fonds sont définies aux paragraphes suivants du même article.

9        L’article 1er, paragraphe 1, sous a) et e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, proscrit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant à des critères en substance identiques à ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, sous a) et g), de cette même décision.

10      Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à g), de ce règlement reprend pour l’essentiel l’article 2, paragraphe 1, sous a) à g), de ladite décision.

11      Par la décision (PESC) 2022/397 du Conseil, du 9 mars 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 80, p. 31), et le règlement d’exécution (UE) 2022/396 du Conseil, du 9 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 80, p. 1) (ci-après les « actes initiaux »), le nom du requérant avait été ajouté, respectivement, à la liste annexée à la décision 2014/145 et à celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 (ci-après les « listes en cause »), aux motifs suivants :

« [Le requérant] est le propriétaire et [le] PDG de la société d’engrais minéraux Uralchem. Le groupe Uralchem est un fabricant russe d’un large éventail de produits chimiques, notamment d’engrais minéraux et de salpêtre d’ammonium. Selon cette [société], elle serait en Russie le plus grand producteur de nitrate d’ammonium et le deuxième plus grand producteur d’engrais à base d’ammoniac et d’azote. [Le requérant] exerce donc des activités dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

Le 24 février 2022, à la suite des premières phases de l’agression russe contre l’Ukraine, [le requérant], ainsi que 36 autres hommes d’affaires ont rencontré le président […] Poutine et d’autres membres du gouvernement russe pour discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales. Le fait qu’il a été invité à participer à cette réunion montre qu’il appartient au cercle le plus proche [du président] Poutine et qu’il soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ainsi que la stabilité et la sécurité en Ukraine. Cela montre également qu’il fait partie des hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

En décembre 2021, [le requérant] a revu l’enregistrement de ses sociétés Uralchem Holding et CI-Chemical Invest établies à Chypre, contrôlant “Uralchem”, pour le faire passer sous juridiction russe dans la région administrative spéciale de l’île Oktyabrsky située dans l’oblast de Kaliningrad ».

12      Le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne du 10 mars 2022 (JO 2022, C 114 I, p. 1) un avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par les actes attaqués. Cet avis indiquait, notamment, que les personnes concernées pouvaient adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur les listes annexées aux actes attaqués, en y joignant des pièces justificatives.

13      Par courriel du 21 avril 2022, le requérant a demandé au Conseil de lui donner accès aux documents qui ont servi de fondement à l’adoption des mesures restrictives le concernant.

14      Par lettre du 28 avril 2022, le Conseil a répondu à la demande du requérant visée au point 13 ci-dessus et a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 3052/2022 INIT, daté du 8 mars 2022 (ci-après le « premier dossier WK »).

15      Le requérant a introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne, enregistré sous le numéro d’affaire T‑282/22, tendant à l’annulation des actes initiaux, pour autant que ces actes le concernaient. Ce recours a été rejeté par arrêt du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑282/22, non publié, EU:T:2023:701).

16      Par lettre du 31 mai 2022, le requérant a demandé au Conseil de réexaminer la décision d’inscrire son nom sur les listes en cause.

17      Par lettre du 20 juin 2022, le Conseil a informé le requérant de son intention de renouveler les mesures restrictives imposées à son égard avec un nouvel exposé de motifs.

18      Par lettre du 4 juillet 2022, le requérant a répondu à la lettre du Conseil du 20 juin 2022 en faisant valoir, d’une part, que la manière d’agir du Conseil était contraire au principe de bonne administration et violait le droit à une protection juridictionnelle effective et ses droits de la défense et, d’autre part, que la motivation justifiant l’intention de renouveler les mesures était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation des faits. Par ailleurs, le requérant a demandé au Conseil de lui donner accès aux documents qui ont servi de fondement à l’adoption des mesures restrictives le concernant.

B.      Sur le maintien du nom du requérant sur les listes en cause jusqu’au 15 mars 2024

19      Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les premiers actes de maintien qui ont prolongé l’application des actes initiaux jusqu’au 15 mars 2023. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés comme suit :

« [L]e requérant] est l’un des principaux propriétaires de la société d’engrais minéraux Uralchem, dont il a été PDG. Selon cette [société], elle serait en Russie le plus grand producteur de nitrate d’ammonium et le deuxième plus grand producteur d’engrais à base d’ammoniac et d’azote. [Le requérant] exerce donc des activités dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

Le 24 février 2022, à la suite des premières phases de l’agression russe contre l’Ukraine, [le requérant], ainsi que 36 autres hommes d’affaires ont rencontré le président […] Poutine et d’autres membres du gouvernement de la Fédération de Russie pour discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales. Le fait qu’il a été invité à participer à cette réunion montre qu’il appartient au cercle le plus proche [du président] Poutine et qu’il soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ainsi que la stabilité et la sécurité en Ukraine. Cela montre également qu’il fait partie des hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

En décembre 2021, [le requérant] a revu l’enregistrement de ses sociétés Uralchem Holding et CI-Chemical Invest établies à Chypre, contrôlant “Uralchem”, pour le faire passer sous juridiction russe dans la région administrative spéciale de l’île Oktyabrsky située dans l’oblast de Kaliningrad ».

20      Par lettre du 15 septembre 2022, le Conseil, après avoir examiné les observations présentées par le requérant dans les lettres des 31 mai et 4 juillet 2022, et sur la base également des arguments similaires avancés dans le mémoire en défense déposé dans l’affaire T‑282/22, a informé ce dernier que, selon lui, ces observations ne mettaient pas en cause l’appréciation selon laquelle l’inscription initiale était fondée et les mesures restrictives devaient être maintenues à son égard et que, par conséquent, il avait décidé de maintenir son nom sur les listes en cause.

21      Le 16 septembre 2022, le requérant a demandé au Conseil l’accès à tous les nouveaux documents et éléments de preuve pris en considération à l’appui de sa décision de maintenir son nom sur les listes en cause.

22      Par lettre du 27 octobre 2022, le Conseil a répondu à cette demande en indiquant qu’il ne s’était fondé sur aucun autre document, ni sur aucun autre élément de preuve que ceux figurant dans le premier dossier WK auquel le requérant avait déjà eu accès.

23      Par courriel du 1er novembre 2022, le requérant a demandé au Conseil de lui donner accès à tous les nouveaux documents qui ont servi de fondement à l’adoption des mesures restrictives le concernant.

24      Le 25 novembre 2022, le requérant a introduit le présent recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑742/22, tendant à l’annulation des premiers actes de maintien, pour autant que ces actes le concernaient.

25      Par lettre du 22 décembre 2022, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard, avec un nouvel exposé des motifs, et a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 17689/2022 INIT, daté du 15 décembre 2022 (ci-après le « deuxième dossier WK »).

26      Le 20 janvier 2023, le requérant a répondu à la lettre du Conseil du 22 décembre 2022.

27      Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté les deuxièmes actes de maintien qui ont prolongé les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 septembre 2023. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est l’un des principaux propriétaires de la société d’engrais minéraux Uralchem, dont il a été PDG, et le principal actionnaire [de la société] Uralkali. Le groupe Uralchem est un fabricant russe d’un large éventail de produits chimiques, notamment d’engrais minéraux et de salpêtre d’ammonium. Selon cette [société], elle serait en Russie le plus grand producteur de nitrate d’ammonium et le deuxième plus grand producteur d’engrais à base d’ammoniac et d’azote. [Les sociétés] Uralchem et Uralkali ont toutes deux été qualifiées d’“actifs stratégiques” par l’État russe. [Le requérant] exerce donc des activités dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

Le 24 février 2022, à la suite des premières phases de l’agression russe contre l’Ukraine, [le requérant], ainsi que 36 autres hommes d’affaires, ont rencontré le président […] Poutine et d’autres membres du gouvernement de la Fédération de Russie pour discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales. Le fait qu’il a été invité à participer à cette réunion montre qu’il appartient au cercle le plus proche [du président] Poutine et qu’il soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ainsi que la stabilité et la sécurité en Ukraine. Cela montre également qu’il fait partie des hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de ladite fédération, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

En décembre 2021, [le requérant] a revu l’enregistrement de ses sociétés Uralchem Holding et CI-Chemical Invest établies à Chypre, contrôlant “Uralchem”, pour le faire passer sous juridiction russe dans la région administrative spéciale de l’île Oktyabrsky située dans l’oblast de Kaliningrad ».

28      Le 13 avril 2023, le Conseil a adopté les troisièmes actes de maintien qui avaient pour but de mettre à jour les mentions relatives à 35 personnes faisant l’objet de mesures restrictives eu égard aux informations reçues par le Conseil. En ce qui concerne le requérant, les motifs du maintien de son nom sur les listes en cause sont demeurés les mêmes que ceux des deuxièmes actes de maintien, à l’exception de la mention « ancien PDG de JSC UCC Uralchem » figurant sous la rubrique « Fonction » qui a remplacé la mention « PDG de JSC UCC Uralchem ».

29      Le 5 juin 2023, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2023/1094, modifiant la décision 2014/145 (JO 2023, L 146, p. 20), et le règlement (UE) 2023/1089, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 146, p. 1).

30      La décision 2023/1094 a modifié, à partir du 7 juin 2023, les critères d’inscription des noms des personnes visées par le gel des fonds, l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 étant remplacé par le texte suivant :

« g)      à des femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie et aux membres de leur famille proche ou à d’autres personnes physiques, qui en tirent avantage, ou à des femmes et hommes d’affaires, des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine ; ou »

31      Le règlement 2023/1089 a modifié de façon similaire le règlement no 269/2014.

32      Le 19 juin 2023, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard, en se fondant sur le dossier portant la référence WK 7926/2023 INIT (ci-après le « troisième dossier WK »).

33      Le 10 juillet 2023, le Conseil a de nouveau indiqué au requérant son intention de renouveler les mesures restrictives imposées à son égard, en se fondant sur le dossier portant la référence WK 5142/2023 INIT (ci-après le « quatrième dossier WK »).

34      Le 18 août 2023, le Conseil a indiqué une nouvelle fois au requérant son intention de renouveler les mesures restrictives imposées à son égard, en se fondant sur le dossier portant la référence WK 5142/2023 ADD 1 (ci-après le « cinquième dossier WK »).

35      Le 13 septembre 2023, le Conseil a adopté les quatrièmes actes de maintien qui ont prolongé les mesures restrictives prises à l’égard du requérant jusqu’au 15 mars 2024. Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés comme suit :

« [Le requérant] est l’un des principaux propriétaires et l’ancien PDG de la société d’engrais minéraux Uralchem. Le groupe Uralchem est un fabricant russe d’un large éventail de produits chimiques, dont des engrais minéraux et du salpêtre d’ammonium. Selon cette entreprise, elle serait en Russie le plus grand producteur de nitrate d’ammonium et le deuxième plus grand producteur d’engrais à base d’ammoniac et d’azote. [Le requérant] est donc un homme d’affaires intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

Le 24 février 2022, après les premières phases de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, [le requérant] ainsi que 36 autres femmes et hommes d’affaires ont rencontré le président […] Poutine et d’autres membres du gouvernement russe pour discuter de l’incidence des choix à opérer à la suite des sanctions occidentales. Le fait qu’il ait été invité à participer à cette réunion montre qu’il appartient au cercle le plus proche du président […] Poutine et qu’il soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ainsi que la stabilité et la sécurité en Ukraine. Cela montre aussi qu’il est un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie. Par ailleurs, il a figuré parmi les femmes et hommes d’affaires russes influents qui ont participé au congrès de l’Union russe des industriels et des entrepreneurs en mars 2023, au cours duquel le président […] Poutine a prononcé un discours et a exhorté les milliardaires à faire passer ‘le patriotisme avant le profit.

En décembre 2021, [le requérant] a revu l’enregistrement de ses sociétés Uralchem Holding et CI-Chemical Invest établies à Chypre, contrôlant “Uralchem”, pour les faire passer sous juridiction russe dans la région administrative spéciale de l’île d’Oktyabrsky située dans l’oblast de Kaliningrad ».

36      Par lettre du 15 septembre 2023, le Conseil, en se référant aux observations présentées par le requérant dans les lettres des 31 mai, 30 juin, 24 juillet et 31 août 2023, a informé ce dernier que, selon lui, ces observations ne mettaient pas en cause l’appréciation selon laquelle des mesures restrictives devaient être maintenues à son égard et que, par conséquent, il avait décidé de maintenir son nom sur les listes en cause.

II.    Conclusions des parties

37      À la suite des adaptations de la requête, le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués ainsi que les lettres des 15 septembre 2022, 14 mars et 15 septembre 2023, en ce qu’ils le visent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

38      À la suite des observations sur les adaptations de la requête, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours, d’une part, comme étant irrecevable en ce qu’il vise l’annulation des deux lettres des 15 septembre 2022 et 15 septembre 2023 par lesquelles il a décidé de maintenir son nom sur les listes en cause et, d’autre part, comme étant non fondé pour le surplus ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

39      Le Conseil, sans soulever une exception formelle au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, invoque l’irrecevabilité partielle du présent recours, tirée du défaut d’intérêt à agir du requérant à l’encontre des trois lettres des 15 septembre 2022, 14 mars 2023 et 15 septembre 2023.

40      En l’espèce, ainsi que le souligne à juste titre le Conseil, les trois lettres des 15 septembre 2022, 14 mars 2023 et 15 septembre 2023 ont été adressées au requérant par le Conseil en réponse aux allégations formulées par celui-ci et contestant le maintien de son nom sur les listes en cause par les décisions 2022/1530, 2023/572 et 2023/1767 ainsi que par les règlements 2022/1529, 2023/571 et 2023/1765. Dans ces trois lettres, le Conseil lui a communiqué ces actes et l’a notamment informé que l’inscription de son nom sur les listes en cause restait justifiée dès lors, en substance, que les arguments qu’il avait avancés n’étaient pas suffisants pour modifier les conclusions exposées par le Conseil.

41      Il s’ensuit que les trois lettres des 15 septembre 2022, 14 mars et 15 septembre 2023 ne sont que des actes purement informatifs adressés au requérant, qui, comme tels, ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2014, Hamcho et Hamcho International/Conseil, T‑43/12, non publié, EU:T:2014:946, point 80 et jurisprudence citée).

42      Par conséquent, le recours doit être rejeté comme étant irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre ces trois lettres.

B.      Sur le fond

43      À l’appui du recours, le requérant soulève, en substance, six moyens, tirés, le premier, d’une violation du principe de bonne administration et d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la demande de réexamen du 31 mai 2022, le deuxième, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation, du non-respect de la charge de la preuve et de la violation des critères d’inscription applicables, le quatrième, de l’illégalité des critères prévus à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329 et dans sa version modifiée par la décision 2023/1094 et, le cinquième, d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux. Dans le second mémoire en adaptation, le requérant soulève à l’encontre des quatrièmes actes de maintien un sixième moyen tiré d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, de l’article 21, paragraphe 2, sous d), et de l’article 3, paragraphe 5, TUE ainsi que de l’article 215 TFUE. Par ailleurs, à titre subsidiaire, le requérant soulève une exception d’illégalité et d’inapplicabilité des actes attaqués au titre de l’article 277 TFUE.

44      Le Tribunal estime opportun d’analyser, tout d’abord, les premier et deuxième moyens, ensuite, le quatrième moyen et, enfin, les troisième, cinquième et sixième moyens.

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration et d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la demande de réexamen du 31 mai 2022

45      Au soutien de ce moyen, le requérant fait valoir, en substance, que le Conseil n’aurait pas examiné, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués à son égard, à la lumière des observations formulées dans sa demande de réexamen du 31 mai 2022. Premièrement, le requérant prétend que le Conseil n’aurait jamais fourni de réponse aux allégations et aux éléments de preuve qu’il a produits dans ladite demande. En outre, il n’aurait pas répondu à sa demande d’accès aux documents, ce qui l’aurait empêché d’apprécier les raisons pour lesquelles le Conseil l’a maintenu sur la liste en cause et de pouvoir se défendre. Deuxièmement, le requérant reproche au Conseil d’avoir renvoyé, dans sa lettre du 15 septembre 2022, à son mémoire en défense déposé dans l’affaire T‑282/22, confondant ainsi la procédure administrative de réexamen avec la précédente procédure juridictionnelle. Le Conseil aurait tort de considérer les deux procédures comme étant une procédure unique et de faire intervenir les mêmes agents pour traiter ces deux procédures. Enfin, le requérant estime que le Conseil aurait commis une erreur d’appréciation en maintenant son nom sur les listes en cause sans avoir examiné les éléments de preuve qu’il a fournis et qui démontrent qu’il avait démissionné de tous ses postes de direction et avait réduit sa participation dans les sociétés Uralchem et Uralkali.

46      Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

47      À titre liminaire, il convient de souligner que, à supposer que par son argumentation le requérant fasse notamment valoir que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en adoptant les actes initiaux et les actes attaqués, il y a lieu de relever que, s’agissant des actes initiaux, le Tribunal a constaté, aux points 50 à 95 de l’arrêt du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑282/22, non publié, EU:T:2023:701), que le Conseil n’avait commis aucune erreur d’appréciation lors de leur adoption. Quant aux actes attaqués, il y a lieu de renvoyer aux points 141 à 194 ci-dessous, qui traitent du moyen tiré de l’erreur d’appréciation prétendument commise par le Conseil.

48      Cela étant précisé, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’adoption de mesures restrictives, le Conseil est soumis à l’obligation de respecter le principe de bonne administration, consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), auquel se rattache, selon une jurisprudence constante, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 58 et jurisprudence citée).

49      En premier lieu, il convient de rejeter l’argument du requérant selon lequel le Conseil n’aurait jamais fourni de réponse aux allégations et aux éléments de preuve produits par le requérant dans la demande de réexamen du 31 mai 2022.

50      À cet égard, il y a lieu de constater que le Conseil, après réception de la demande de réexamen du 31 mai 2022, a adressé au requérant deux lettres datées des 20 juin et 15 septembre 2022. Or, si la lettre du 20 juin 2022 ne fait que transmettre l’intention du Conseil de maintenir le nom du requérant sur les listes en cause pour les mêmes motifs que les actes initiaux, exception faite de la mention selon laquelle le requérant était devenu l’un des « principaux propriétaires de la société Uralchem, dont il a été PDG », la lettre du 15 septembre 2022 apporte une réponse spécifique et circonstanciée à la demande de réexamen du 31 mai 2022.

51      En effet, le Conseil a souligné avoir examiné les observations et les éléments présentés par le requérant dans les lettres des 31 mai et 4 juillet 2022. Toutefois, il a estimé que, malgré ces observations et ces éléments, le Conseil était convaincu que la décision initiale d’inscrire le nom du requérant sur les listes en cause était fondée sur des motifs solides et que l’énoncé de ces motifs, à l’appui de cette inscription, était exact.

52      Pour soutenir cette position, le Conseil s’est notamment référé à son mémoire en défense présenté dans l’affaire T‑282/22, compte tenu de la similarité des arguments présentés par le requérant dans la demande de réexamen du 31 mai 2022 et dans la requête déposée dans cette affaire. Par ailleurs, le Conseil a estimé utile d’apporter des précisions supplémentaires. Or, lesdites précisions portaient sur l’ensemble des points soulevés par le requérant dans sa demande de réexamen du 31 mai 2022, à savoir sur les griefs tirés d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux ainsi que d’une violation du principe d’égalité de traitement. Enfin, après avoir souligné qu’il prenait en considération et qu’il continuait d’examiner les informations que le requérant avait fournies en vue de montrer qu’il avait vendu une participation de 52 % de la société Uralchem et qu’il avait « démissionné de tous les postes de direction dans les [sociétés] Uralchem et Uralkali », le Conseil a indiqué au requérant qu’il avait décidé de maintenir son nom sur les listes en cause.

53      Il découle donc clairement des explications du Conseil, contenues dans les lettres des 20 juin et 15 septembre 2022, que celui-ci a non seulement analysé la demande de réexamen du 31 mai 2022, mais qu’il a également exposé les raisons pour lesquelles il considérait que les actes initiaux étaient justifiés. Par ailleurs, il ressort de ces mêmes lettres que le Conseil a nécessairement tenu compte des observations du requérant et des éléments fournis par ce dernier dès lors que, dès la lettre du 20 juin 2022, il semblait avoir pris acte du fait que le requérant n’était plus propriétaire et PDG d’Uralchem, mais qu’il était devenu l’un des « principaux propriétaires de la société Uralchem, dont il a été PDG ». Le requérant ne saurait donc valablement soutenir que le Conseil aurait commis une erreur d’appréciation en maintenant son nom sur les listes en cause sans avoir examiné les éléments de preuve qu’il avait fournis démontrant qu’il avait démissionné et qu’il avait réduit sa participation dans lesdites sociétés.

54      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument du requérant relatif au renvoi au mémoire en défense qui démontrerait que le Conseil aurait confondu les deux procédures et aurait fait intervenir les mêmes agents (voir point 45 ci-dessus), il ressort sans ambiguïté de la lettre du 15 septembre 2022 que c’est uniquement en raison de la similitude des arguments avancés par le requérant dans sa demande de réexamen du 31 mai 2022 et dans le cadre du recours dans l’affaire T‑282/22 que le Conseil a estimé utile de se référer à ses précédentes observations dans le cadre de ladite affaire.

55      Or, contrairement à ce que le requérant soutient, cela ne signifie nullement que le Conseil n’a pas effectué une appréciation actualisée, ni qu’il a confondu la procédure de réexamen avec la procédure de l’affaire T‑282/22. Ainsi que le soutient à juste titre le Conseil, il en résulte uniquement que ce dernier a souhaité apporter une réponse, aussi complète que possible, aux arguments exposés dans la demande de réexamen qui étaient quasi identiques à ceux soulevés dans la requête de l’affaire T‑282/22.

56      En tout état de cause, il y a lieu de souligner que ce renvoi au mémoire en défense n’est pas le seul élément de réponse apporté par le Conseil à la demande de réexamen du 31 mai 2022, dès lors que, dans la lettre du 15 septembre 2022, le Conseil a répondu spécifiquement à cette demande (voir points 51 à 52 ci-dessus). Quant au fait que ce soient les mêmes agents du Conseil qui traiteraient la procédure de réexamen et la procédure juridictionnelle, à le supposer établi, il ne permet pas, à lui seul, de considérer que son cas ait fait l’objet d’un traitement partial et inéquitable. Au demeurant, force est de constater qu’aucune réglementation, dont il découlerait une interdiction pour le Conseil de confier aux mêmes agents le suivi de ces deux procédures, n’a été citée par le requérant.

57      En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel le Conseil se serait abstenu de répondre à la demande d’accès aux documents formulée par le requérant, il ne peut qu’être rejeté. En effet, il suffit de constater que, par la lettre du 27 octobre 2022, le Conseil lui a indiqué, en substance, que, pour adopter les premiers actes de maintien, il ne s’était fondé sur aucun autre élément de preuve que ceux figurant dans le premier dossier WK auquel le requérant avait déjà eu accès. Il ne saurait donc être valablement reproché au Conseil de ne pas avoir répondu à la demande d’accès aux documents formulée par le requérant.

58      Au vu des considérations qui précèdent, c’est à tort que le requérant soutient que le Conseil a violé le principe de bonne administration et commis une erreur d’appréciation. Dès lors, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation

59      Le requérant soutient, en substance, que la motivation retenue dans les actes attaqués ne lui permettrait ni de se défendre et de comprendre les critères que le Conseil entend appliquer, ni même de quelle manière et la raison pour laquelle ces critères lui seraient applicables. La motivation serait soit quasi absente ou contradictoire, soit non conforme aux exigences de précision, et, en tout état de cause, incomplète. Par ailleurs, ni la motivation des actes attaqués ni les pièces contenues dans les dossiers WK ne lui permettraient de connaître les raisons individuelles, spécifiques et concrètes de nature à lui donner une indication suffisante pour savoir si les actes attaqués sont bien fondés.

60      Premièrement, le requérant soutient que le Conseil n’aurait pas identifié le secteur économique qui fournirait des revenus substantiels au gouvernement de la Fédération de Russie et n’aurait pas apporté la preuve que de tels revenus étaient fournis. Le Conseil n’aurait pas expliqué la raison et dans quelle mesure les secteurs économiques dans lesquels le requérant exerçait une activité constitueraient une « source substantielle de revenus » pour ledit gouvernement. Il ajoute, en substance, ne pas percevoir de quelle manière deux sociétés privées, à savoir les sociétés Uralchem et Uralkali, pourraient être considérées comme étant une « source substantielle de revenus » pour le gouvernement de la Fédération de Russie dès lors que la seule manière dont elles contribuent au budget national est le paiement d’impôts. En outre, le requérant prétend ne pas comprendre, d’une part, l’accusation qui lui est faite d’être l’un des « principaux propriétaires » de la société Uralchem et, d’autre part, les raisons pour lesquelles le fait d’avoir été PDG de cette société exigerait qu’il soit maintenu sur la liste plutôt que d’en être retiré. En effet, il prétend que, habituellement, un ancien PDG d’une société n’a plus de pouvoir de direction, ni aucun autre pouvoir sur cette dernière et qu’un simple « propriétaire » de la société n’exerce pas, en tant que tel, le contrôle de l’administration courante ordinaire de la société en cause.

61      S’agissant des deuxièmes actes de maintien, le requérant ajoute que les allégations selon lesquelles, d’une part, il « est le principal actionnaire » de la société Uralchem et, d’autre part, les sociétés « Uralchem et Uralkali ont toutes deux été qualifiées d’“actifs stratégiques” par l’État russe », n’ajoutent aucun élément nouveau ou clair à la motivation du Conseil pour soutenir le renouvellement des mesures restrictives à son égard. D’ailleurs, le Conseil ne donnerait aucune précision quant aux « actifs stratégiques » qu’il entend utiliser comme lien logique entre les deux sociétés « Uralchem et Uralkali » et « l’État russe ». Il relève qu’aucun élément de preuve ne permettrait de considérer qu’il est le principal actionnaire de la société Uralkali. Enfin, en ce qui concerne les quatrièmes actes de maintien, il fait valoir, en substance, que le Conseil n’a pas indiqué en quoi en tant qu’homme d’affaires influent il aurait tiré avantage du gouvernement de la Fédération de Russie ou soutenu celui-ci. Le requérant indique également qu’il ne voit pas en quoi le fait de prétendument faire partie du cercle le plus proche du président Poutine et d’avoir participé au congrès de l’Union russe des industriels et des entrepreneurs en mars 2023 justifierait l’inscription de son nom sur les listes en cause.

62      Deuxièmement, le requérant fait valoir qu’il ne ressort pas clairement de l’exposé des motifs contre quel comportement spécifique les mesures restrictives visent à réagir et si ce comportement consiste en un soutien ou en une mise en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ainsi que la stabilité et la sécurité en Ukraine. Il indique notamment ne pas percevoir pourquoi le fait d’avoir été invité à une réunion avec le président Poutine signifierait qu’il soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques de la Russie en Ukraine.

63      Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

64      Selon une jurisprudence constante, le droit à une protection juridictionnelle effective, affirmé à l’article 47, troisième alinéa, de la Charte exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite à sa demande. Cela est sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de pouvoir défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider, en pleine connaissance de cause, s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée ; arrêt du 21 janvier 2016, Makhlouf/Conseil, T‑443/13, non publié, EU:T:2016:27, point 38).

65      En outre, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications des mesures prises aux fins d’en apprécier le bien-fondé et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 25 et jurisprudence citée).

66      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par ledit acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 26 et jurisprudence citée).

67      Enfin, il importe de rappeler que la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte, ainsi que la qualification de ces faits comme constituant des éléments justifiant l’application des mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (voir arrêt du 6 octobre 2015, Chyzh e.a./Conseil, T‑276/12, non publié, EU:T:2015:748, point 111 et jurisprudence citée).

68      En l’espèce, la motivation retenue à l’égard du requérant dans les actes attaqués est celle exposée aux points 19, 27 et 35 ci-dessus.

69      En premier lieu, il convient de relever que le contexte général qui a conduit le Conseil à adopter les mesures restrictives en cause est exposé aux considérants des actes attaqués. De même, il résulte desdits actes l’indication de la base juridique des mesures adoptées par le Conseil, respectivement l’article 29 TUE et l’article 215 TFUE.

70      En deuxième lieu, ainsi que le souligne à juste titre le Conseil et contrairement à ce que prétend le requérant, il résulte clairement de la lecture de la motivation des actes attaqués que le Conseil a inscrit son nom sur les listes en cause en se fondant sur les critères concernant :

–        les « personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine, ou qui font obstruction à l’action d’organisations internationales en Ukraine, [les ]personnes physiques qui soutiennent ou mettent en œuvre de telles actions ou politiques » [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, et, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, ci-après le « critère a) » ] ;

–        les « femmes et hommes d’affaires influents […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine » [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, ainsi que, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, ci-après le « critère g) initial »] ;

–        les « femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie […] [ci-après le « premier volet »] ou [les] femmes et hommes d’affaires […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine [ci-après le « troisième volet »] [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2023/1094, à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2023/1089 ainsi que, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2023/1094, ci-après le « critère g) modifié » et, ensemble avec le critère g) initial, les « critères g) »].

71      En effet, dans les actes attaqués, le Conseil a notamment mentionné que le requérant était l’un des principaux propriétaires de la société Uralchem, dont il a été PDG, et qu’il avait participé le 24 février 2022 à une réunion avec le président Poutine. Or, dans les premiers aux troisièmes actes de maintien, le Conseil en a tiré la conclusion que, d’une part, le requérant « exerce donc des activités dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine » et que, d’autre part, il « soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ainsi que la stabilité et la sécurité en Ukraine ». Quant aux quatrièmes actes de maintien, le Conseil en a tiré la conclusion que le requérant, tout d’abord, « est homme d’affaires intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie », ensuite, qu’il « soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, ainsi que la stabilité et la sécurité en Ukraine » et, enfin, qu’il est « un homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie ». Dès lors que cela correspond au libellé des critères a) et g) et quand bien même ces critères ne seraient pas expressément mentionnés dans les motifs des actes attaqués, le requérant ne saurait valablement soutenir que les motifs ne faisaient pas apparaître les critères qui avaient été appliqués.

72      En troisième lieu, contrairement à ce que fait valoir le requérant, il convient de constater que les raisons spécifiques et concrètes qui ont conduit le Conseil à procéder à l’inscription de son nom sur les listes en cause sont indiquées de manière suffisamment claire pour lui permettre de les comprendre.

73      Premièrement, s’agissant du critère a), les motifs des actes attaqués soulignent que, compte tenu de sa participation à la réunion du 24 février 2022, il fait partie du cercle proche du président Poutine et soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques qui compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ou la stabilité ou la sécurité en Ukraine.

74      Deuxièmement, s’agissant des critères g), les motifs des premiers aux troisièmes actes de maintien indiquent clairement que le requérant doit être considéré comme étant un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie. Quant aux quatrièmes actes de maintien, les motifs indiquent expressément que le requérant doit être considéré comme étant un « homme d’affaires intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie » et comme étant un « homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie ». Or, cette qualification d’homme d’affaires ou d’homme d’affaires influent découle, sans ambiguïté possible, du fait qu’il est l’un des principaux propriétaires de la société Uralchem, dont il a été PDG, eu égard à l’importance que représente cette entreprise en Russie, et du fait qu’il a été invité à participer à la réunion avec le président Poutine le 24 février 2022. À cet égard, le requérant ne saurait valablement prétendre ne pas comprendre l’accusation qui lui est faite d’être l’un des « principaux propriétaires » de la société Uralchem à défaut de définition de cette notion par le Conseil. En effet, le requérant a lui-même souligné dans la requête avoir vendu, en mars 2022, une participation de 52 % dans la société holding du groupe Uralchem, et être resté propriétaire de 48 %. Il ne fait donc aucun doute que le requérant pouvait aisément comprendre que, par les termes « l’un des principaux propriétaires de la société Uralchem », le Conseil visait la circonstance qu’il était l’un des principaux propriétaires en action.

75      Troisièmement, s’agissant du secteur économique concerné, les motifs mentionnent, tout d’abord, que le requérant est l’un des principaux propriétaires de la société Uralchem, qui est une « société d’engrais minéraux ». Ensuite, il est mentionné que le groupe Uralchem fabrique un « large éventail de produits chimiques, notamment [des] engrais minéraux et de [la] salpêtre d’ammonium ». Enfin, les motifs soulignent que la société Uralchem serait en Russie le « plus grand producteur de nitrate d’ammonium et le deuxième plus grand producteur d’engrais à base d’ammoniac et d’azote ». C’est en s’appuyant sur cette description que le Conseil en a conclu que le requérant satisfaisait aux critères g) et qu’il pouvait donc être considéré comme ayant une « activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie » au sens desdits critères g) et, a fortiori, comme ayant une activité en Russie au sens du premier volet du critère g) modifié. Or, ainsi que l’a relevé en substance le Conseil, il s’agit bien d’une indication évidente du secteur économique concerné dans lequel le groupe Uralchem exerce ses activités économiques, en l’occurrence celui des engrais, ainsi que du rôle du requérant dans ce secteur.

76      Il y a lieu d’ajouter que, par lettre du 28 avril 2022, le Conseil a fait droit à la demande d’accès au dossier formulée par le requérant et lui a transmis le premier dossier WK (voir point 14 ci-dessus). Or, ce dossier contenait les précisions relatives aux éléments justifiant l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes en cause, y compris les fondements juridiques de celle-ci, et faisait clairement ressortir que le critère a) et le critère g) initial avaient été appliqués en raison de ses activités au sein du groupe Uralchem ainsi que de sa participation à la réunion du 24 février 2022 (arrêt du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil, T‑282/22, non publié, EU:T:2023:701, point 34). Il y a lieu d’ajouter que, par les lettres du 22 décembre 2022, des 19 juin, 10 juillet et 18 août 2023, le Conseil a transmis au requérant les deuxième à cinquième dossiers WK (voir points 25, 32, 33 et 34 ci-dessus).

77      À cet égard, il importe de rappeler que le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des éléments d’information dont la requérante dispose au moment de l’introduction d’un recours (voir arrêt du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 174 et jurisprudence citée).

78      Ainsi, au moment de l’introduction de son recours, et contrairement à ce que prétend le requérant, une lecture combinée des motifs figurant aux points 19, 27 et 35 ci-dessus, du libellé des critères a) et g) ainsi que des éléments de preuve des cinq dossiers WK lui permettait aisément de comprendre ce qui lui était reproché et de pouvoir se défendre. Cela est d’ailleurs pleinement confirmé par les moyens et les arguments qu’il a soulevés dans ses écritures dont il ressort, d’une part, qu’il a été mis en mesure de connaître les justifications des mesures prises à son égard afin de pouvoir les contester utilement devant le juge de l’Union et, d’autre part, que le contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures était connu par lui.

79      En quatrième lieu, le fait que le Conseil n’ait pas exposé de manière détaillée quels avaient été les comportements susceptibles de constituer un soutien ou une mise en œuvre des actions ou des politiques de la Russie en Ukraine ou qu’il n’ait pas expliqué la raison et dans quelle mesure les secteurs économiques dans lesquels le requérant exerce une activité constitueraient une « source substantielle de revenus » pour le gouvernement de la Fédération de Russie ou encore que le Conseil n’ait donné aucune précision quant aux « actifs stratégiques » ne saurait conduire à constater une violation de l’obligation de motivation qui lui incombe. En effet, conformément à la jurisprudence rappelée au point 66 ci-dessus, le Conseil n’est pas tenu de spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents. En outre, le requérant a été mis en mesure de comprendre la portée des mesures prises à son égard. Pour les mêmes raisons, doivent être rejetés les arguments du requérant, relatifs aux quatrièmes actes de maintien, selon lesquels le Conseil n’aurait pas indiqué en quoi, en tant qu’homme d’affaires influent, il aurait tiré avantage du gouvernement de la Fédération de Russie ou soutenu celui-ci, ni en quoi le fait de faire prétendument partie du cercle le plus proche du président Poutine et d’avoir participé au congrès de l’Union russe des industriels et des entrepreneurs en mars 2023 justifierait son inscription sur les listes en cause.

80      Enfin, en cinquième lieu, il convient de relever que les arguments du requérant selon lesquels il ne perçoit pas de quelle manière deux sociétés privées telles qu’Uralchem et Uralkali pourraient être considérées comme étant une « source substantielle de revenus » pour le gouvernement de la Fédération de Russie, ni la raison pour laquelle le fait d’avoir été invité à une réunion avec le président Poutine signifierait qu’il soutient ou met en œuvre des actions ou des politiques de la Russie en Ukraine ne tendent pas à remettre spécifiquement en cause le caractère suffisant de la motivation des actes attaqués, mais plutôt la légalité au fond de ces actes. Partant, ces arguments doivent être, le cas échéant, examinés dans le cadre du troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation. Il en va de même s’agissant, d’une part, de l’argument relatif aux deuxièmes actes de maintien selon lequel aucun élément de preuve ne permettrait de considérer qu’il est le principal actionnaire de la société Uralkali et, d’autre part, de la question de savoir si, en substance, en sa qualité d’ancien PDG et simple actionnaire de la société Uralchem, il peut toujours être inscrit sur les listes des mesures restrictives.

81      Il convient d’en conclure que la motivation des actes attaqués est compréhensible et suffisamment précise pour permettre au requérant de connaître les raisons qui ont conduit le Conseil à considérer que l’inscription de son nom sur les listes en cause était justifiée et d’en contester la légalité devant le juge de l’Union et pour permettre à ce dernier d’exercer son contrôle, conformément aux règles rappelées aux points 64 à 66 ci-dessus.

82      Il y a donc lieu de rejeter les arguments du requérant selon lesquels la motivation des actes attaqués serait soit quasi absente ou contradictoire, soit imprécise ou incomplète, violant ainsi son droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation.

83      Dès lors, le deuxième moyen doit être rejeté.

3.      Sur le quatrième moyen, tiré de l’illégalité des critères g)

84      Selon l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.

85      L’article 277 TFUE constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui lui est adressée, la validité des actes de portée générale qui forment la base d’une telle décision si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre ces actes, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation. L’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte de portée générale en question (voir arrêt du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 55 et jurisprudence citée).

86      Concernant l’intensité du contrôle juridictionnel, selon une jurisprudence constante, les juridictions de l’Union doivent, conformément aux compétences dont elles sont investies en vertu du traité FUE, assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Cette exigence est expressément consacrée à l’article 275, second alinéa, TFUE (voir arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 58 et jurisprudence citée, et du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 65 et jurisprudence citée).

87      Il n’en demeure pas moins que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions des actes attaqués prévoyant les critères litigieux visés par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, points 44 et 45, et du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 149).

a)      Sur l’exception d’illégalité du critère g) initial

88      Le requérant excipe de l’illégalité du critère g) initial, d’une part, pour violation du principe de proportionnalité et, d’autre part, pour violation du principe de sécurité juridique.

1)      Sur le premier grief, tiré de l’illégalité du critère g) initial pour violation du principe de proportionnalité

89      Au soutien de ce grief, le requérant fait valoir que le critère g) initial serait inapproprié au regard de l’objectif poursuivi, à savoir affaiblir la Russie. Il mentionne, en substance, qu’il ne sanctionne que des personnes physiques qui ne sont pas des contribuables importants, ni même des PDG de sociétés pouvant être qualifiées comme telles, mais qui ont simplement une activité dans des secteurs générant d’importantes recettes fiscales pour la Russie. Il soutient que des alternatives, telles que le fait d’élargir le périmètre des sanctions sectorielles, seraient moins contraignantes et plus appropriées à l’objectif poursuivi.

90      Le Conseil conteste cette argumentation.

91      Le principe de proportionnalité exige que les limitations qui peuvent être apportées par des actes de droit de l’Union à des droits et libertés consacrés dans la Charte ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la satisfaction des objectifs légitimes poursuivis ou du besoin de protection des droits et libertés d’autrui, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés par celle-ci ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 26 avril 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑401/19, EU:C:2022:297, point 65 et jurisprudence citée ; arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 168).

92      S’agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, la Cour a jugé qu’il convenait de reconnaître un large pouvoir d’appréciation au législateur de l’Union dans des domaines qui impliquent de la part de ce dernier des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Elle en a déduit que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée en ces domaines, au regard de l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir arrêt du 25 juin 2020, VTB Bank/Conseil, C‑729/18 P, non publié, EU:C:2020:499, point 61 et jurisprudence citée).

93      En l’espèce, l’objectif déclaré du critère g) initial est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise (arrêt du 17 septembre 2020, Rosneft e.a./Conseil, C‑732/18 P, non publié, EU:C:2020:727, point 85). Un tel objectif cadre avec celui consistant à préserver la paix et la sécurité internationale, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE (arrêts du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 115, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 46).

94      Or, le critère g) initial vise des « femmes et hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine », autrement dit des personnes à l’égard desquelles l’adoption des mesures restrictives en cause est de nature à accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière.

95      Il existe donc un lien logique entre le fait de cibler les femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant des revenus substantiels au gouvernement, au vu de l’importance que revêtent ces secteurs pour l’économie russe, et l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 49).

96      L’approche consistant à cibler ces personnes doit être considérée comme répondant, de manière cohérente, à cet objectif d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et ne peut être considérée comme étant manifestement inappropriée au regard dudit objectif poursuivi, au sens de la jurisprudence applicable rappelée au point 92 ci-dessus.

97      L’argument du requérant, selon lequel le critère g) initial sanctionnerait uniquement des personnes physiques, qui ne sont pas des contribuables importants, ni PDG de sociétés pouvant être qualifiées comme telles, mais qui ont simplement une activité dans des secteurs générant d’importantes recettes fiscales pour la Russie, doit être écarté.

98      En effet, contrairement à ce que soutient le requérant, le critère g) initial ne sanctionne pas que des personnes physiques, dès lors que, en ce qui concerne le gel des fonds, sont également visées les personnes morales, entités ou organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

99      En outre, le fait de viser les personnes en cause, indépendamment de leur imposition fiscale en Russie, dès lors qu’elles ont une activité dans des secteurs économiques importants pour la Russie, répond à l’objectif poursuivi et n’apparaît donc pas comme étant manifestement inapproprié.

100    De plus, l’appréciation du caractère disproportionné de l’application, aux situations individuelles, des mesures restrictives en cause ne relève pas de l’appréciation de la légalité du critère. En tout état de cause, il y a lieu de constater à cet égard qu’il s’agit de restrictions temporaires et réversibles qui prévoient des possibilités de dérogations accordées par les États membres.

101    Par ailleurs, le requérant souligne que le considérant 11 de la décision 2022/329, qui évoque les personnes et entités qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement, est libellé différemment du critère g) initial. Toutefois, ainsi que cela résulte d’une jurisprudence constante, le préambule d’un acte de l’Union n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué ni pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné, ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé (arrêts du 19 novembre 1998, Nilsson e.a., C‑162/97, EU:C:1998:554, point 54 ; du 24 novembre 2005, Deutsches Milch-Kontor, C‑136/04, EU:C:2005:716, point 32, et du 19 juin 2014, Karen Millen Fashions, C‑345/13, EU:C:2014:2013, point 31).

102    Il résulte de ce qui précède que le critère g) initial n’est pas entaché d’illégalité au motif qu’il aurait enfreint le principe de proportionnalité et qu’il y a lieu de rejeter le premier grief.

2)      Sur le second grief, tiré de l’illégalité du critère g) initial pour violation du principe de sécurité juridique

103    Au soutien de ce grief, le requérant fait valoir que le critère g) initial ne répond pas à l’exigence de prévisibilité au motif, en substance, qu’il est défini en termes très généraux. Il suffirait donc qu’une personne opère dans un secteur économique déterminé pour que soit rempli le critère pertinent, quel que soit son comportement ou celui des deux sociétés dans lesquelles il est actif.

104    Le Conseil conteste cette argumentation.

105    Il y a lieu de rappeler que le principe de sécurité juridique implique que la législation de l’Union soit claire et précise et que son application soit prévisible pour les justiciables (voir arrêts du 5 mars 2015, Europäisch-Iranische Handelsbank/Conseil, C‑585/13 P, EU:C:2015:145, point 93 et jurisprudence citée, et du 17 février 2017, Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil, T‑14/14 et T‑87/14, EU:T:2017:102, point 192 et jurisprudence citée).

106    S’agissant du critère g) initial, il convient de relever que son libellé vise de façon suffisamment claire et précise notamment les femmes et hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe. Eu égard au libellé de ce critère, les personnes visées doivent donc être considérées comme étant influentes du fait de leur importance dans le secteur dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie russe (voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 45).

107    En outre, le critère g) initial s’inscrit dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives en cause, à savoir la nécessité, compte tenu de la gravité de la situation, d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays. Dans cette perspective, les mesures restrictives en cause sont conformes à l’objectif visé à l’article 21, paragraphe 2, sous c), TUE de préserver la paix, de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale, conformément aux buts et aux principes de la charte des Nations unies (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, points 115 et 123 ; du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 163, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 46).

108    Par ailleurs, le pouvoir d’appréciation conféré au Conseil par le critère g) initial est contrebalancé par une obligation de motivation et des droits procéduraux renforcés (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 47).

109    Il s’ensuit que ce critère répond au degré de prévisibilité requis par le droit de l’Union.

110    Enfin, il y a lieu de relever que ni la décision 2014/145 modifiée ni le règlement no 269/2014 modifié n’ont institué de présomption de lien entre la qualité d’homme d’affaires influent et le gouvernement de la Fédération de Russie (arrêt du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, point 104).

111    De ce fait, l’application du critère g) initial à une personne déterminée suppose que, au préalable, le Conseil rapporte la preuve, notamment par la conjonction d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, d’une part, que la personne faisant l’objet d’une mesure restrictive est un homme d’affaires influent et, d’autre part, que ce dernier intervient dans un secteur qui fournit une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie (arrêt du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, point 105).

112    En ce qu’il vise les personnes à l’égard desquelles l’adoption des mesures restrictives en cause est de nature à accroître le coût des actions de la Fédération de Russie en Ukraine, ledit critère répond ainsi à la volonté du Conseil d’exercer une pression sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine. Partant, contrairement à ce que soutient le requérant, il existe donc un lien logique entre le fait de cibler les femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant des revenus substantiels au gouvernement, au vu de l’importance que revêtent ces secteurs pour l’économie russe, et l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, points 107 et 108).

113    Dès lors, l’argument du requérant concernant l’effacement du lien entre la situation en Ukraine et le rôle des personnes physiques faisant l’objet de mesures restrictives en cause doit être écarté.

114    Partant, le second grief doit être rejeté ainsi que l’exception d’illégalité relative au critère g) initial.

b)      Sur l’exception d’illégalité du troisième volet du critère g) modifié

115    Le requérant soutient, en substance, que le troisième volet du critère g) modifié concernant les « femmes et hommes d’affaires […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie », est illégal en ce qu’il violerait le principe de sécurité juridique. En effet, ce critère ne lui permettrait pas de comprendre le comportement qu’il est supposé adopter pour satisfaire aux objectifs poursuivis par les mesures restrictives et donc être retiré des listes en cause. Par ailleurs, il fait valoir, en substance, que ce critère porterait atteinte à son droit de propriété et à sa liberté d’entreprise, dès lors que la seule action qu’il pourrait envisager pour ne plus être visé par les mesures restrictives serait de vendre toutes ses actions, ce qui rendrait lesdites mesures définitives et irréversibles.

116    Le Conseil conteste cette argumentation.

117    En l’espèce, il y a lieu d’observer que, à l’instar du critère g) initial, le troisième volet du critère g) modifié s’inscrit dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives en cause (voir point 107 ci-dessus).

118    En outre, il convient de rappeler qu’il ressort du considérant 2 de la décision 2023/1094 que « [l]’Union continue d’apporter un soutien sans réserve à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine » et du considérant 4 de la même décision que le Conseil a estimé qu’il convenait d’élargir les critères de désignation en incluant les « femmes et hommes d’affaires […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » afin d’accroître la pression exercée sur le gouvernement de la Fédération de Russie pour qu’il mette un terme à sa guerre d’agression contre l’Ukraine.

119    C’est donc en raison de la persistance, voire de l’aggravation, de la situation en Ukraine que le Conseil a estimé devoir élargir le cercle des personnes visées par le troisième volet du critère g) modifié afin d’atteindre les objectifs poursuivis. Or, il résulte d’une telle démarche fondée sur la progressivité de l’atteinte aux droits en fonction de l’effectivité des mesures que leur proportionnalité est établie (voir, par analogie, arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, point 104).

120    Par ailleurs, la suppression du terme « influent » ne saurait être interprétée comme ayant pour conséquence que ce nouveau critère serait abstrait, imprévisible et dépourvu de tout lien avec les objectifs des mesures restrictives en cause.

121    En effet, il y a lieu de rappeler que le critère g) initial a pu être défini en ces termes que les personnes visées devaient être considérées comme étant influentes du fait de leur importance dans le secteur dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie russe et qu’ainsi la « notion d’hommes d’affaires influents » devait être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, notamment, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 143).

122    Certes, par rapport à l’ancienne version de ce critère, qui utilisait le terme « influent », le troisième volet du critère g) modifié présente un champ d’application plus large et ne vise plus seulement des personnes « influentes » et donc « importantes ». Toutefois, la nouvelle formulation utilisée dans le troisième volet du critère g) modifié ne saurait être interprétée comme visant tous les « femmes et hommes d’affaires », mais en ce qu’elle cible les « femmes et les hommes d’affaires », qui, sans être nécessairement qualifié(e)s d’influent(e)s, revêtent néanmoins une certaine importance, par leurs fonctions ou leurs activités, dans le secteur économique visé et dont l’inscription de leurs noms sur les listes en cause est susceptible d’accroître la pression sur la Fédération de Russie et d’augmenter le coût des actions de cette fédération visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. Par ailleurs, la partie du critère g) modifié contestée par le requérant exige toujours que le Conseil démontre non seulement que la personne visée n’est pas une femme ou un homme d’affaires sans importance, mais aussi qu’elle exerce une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus audit gouvernement.

123    En effet, une telle interprétation dudit critère répond à la volonté du Conseil, telle qu’elle ressort du considérant 4 de la décision 2023/1094, d’exercer une pression maximale sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, point 107) et d’accroître les coûts des actions du gouvernement de la Fédération de Russie, dès lors que de tels secteurs, en apportant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, alimentent, directement ou indirectement, la capacité de ce gouvernement à mener sa guerre d’agression contre l’Ukraine.

124    Ainsi, le fait de viser des femmes et hommes d’affaires qui, notamment, détiennent des parts ou occupent des fonctions dans des sociétés qui sont actives dans de tels secteurs, est susceptible d’accroître la pression sur la Fédération de Russie et d’augmenter le coût de ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

125    Par conséquent, le troisième volet du critère g) modifié contient des conditions relatives aux fonctions ou aux intérêts des personnes visées dans certaines structures intervenant dans certains secteurs, ce qui permet d’établir un lien suffisant et subjectif entre ces personnes et le pays tiers visé, en l’occurrence la Fédération de Russie.

126    Partant, il existe toujours un lien logique entre, d’une part, le fait de cibler les femmes et hommes d’affaires exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, au vu de l’importance que revêtent ces secteurs pour l’économie russe, et, d’autre part, l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 49 et jurisprudence citée).

127    Il s’ensuit que ce critère répond au degré de prévisibilité requis par le droit de l’Union.

128    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du requérant. En effet, il y a lieu de relever que ces derniers se rapportent à l’application du troisième volet du critère g) modifié à la situation individuelle du requérant et ne relèvent donc pas, par principe, de l’appréciation de la légalité de ce critère.

129    Il résulte de ce qui précède que le troisième volet du critère g) modifié n’est pas entaché d’illégalité au motif qu’il violerait le principe de sécurité juridique.

130    Partant, il convient de rejeter l’exception d’illégalité relative au troisième volet du critère g) modifié ainsi que le quatrième moyen.

4.      Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, du non-respect de la charge de la preuve et de la violation des critères d’inscription applicables

131    En substance, le requérant fait valoir que, dans les actes attaqués, le Conseil n’apporte pas, conformément à la charge de la preuve qui lui incombe, d’éléments concrets, précis et concordants permettant de constituer une base factuelle suffisante afin d’étayer le maintien de son nom sur les listes en cause en application des critères a) et des critères g).

132    Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

a)      Considérations liminaires

133    Il importe de relever que le troisième moyen doit être considéré comme étant tiré d’une erreur d’appréciation, et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, s’il est certes vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer au cas par cas si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, points 54 et 55, et du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 61 et jurisprudence citée).

134    Par ailleurs, il convient de souligner que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige, notamment, que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme étant suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 128).

135    Il n’est pas requis que le Conseil produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 67).

136    L’appréciation du caractère suffisamment solide de la base factuelle retenue par le Conseil doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée). Selon la jurisprudence, les articles de presse peuvent être utilisés aux fins de corroborer l’existence de certains faits lorsqu’ils sont suffisamment concrets, précis et concordants quant aux faits qui y sont décrits (voir arrêt du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 108 et jurisprudence citée).

137    C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits soient les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 et 122, et du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 57).

138    Par ailleurs, il convient de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures restrictives, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste en cause ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 58 et 59 ; voir, également, arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 67 et jurisprudence citée).

139    Pour justifier le maintien du nom d’une personne sur la liste, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur la liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes. Ce contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée (voir arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 et jurisprudence citée).

140    C’est à l’aune de ces principes jurisprudentiels qu’il convient de déterminer si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que, en l’espèce, il existait une base factuelle suffisamment solide pouvant justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause.

b)      Sur les premiers aux troisièmes actes de maintien et l’application au requérant du critère g) initial

141    À titre liminaire, premièrement, il y a lieu de relever que le requérant reconnaît, dans la requête, qu’il ressort du premier dossier WK que le critère g) initial lui a été appliqué. Ainsi que cela a été précisé aux points 70 et 71 ci-dessus, cela ressort également clairement des motifs des actes attaqués. Deuxièmement, il importe de relever que, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause dans les premiers aux troisièmes actes de maintien, il n’est pas contesté que le Conseil s’est fondé sur les mêmes éléments de preuve que ceux figurant dans le premier dossier WK et sur la base desquels il a adopté les actes initiaux. Il convient de relever qu’il s’agit d’éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran relatifs au requérant et à son père. Troisièmement, il n’est pas davantage contesté que, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause dans les deuxièmes et troisièmes actes de maintien, le Conseil s’est fondé sur les éléments de preuve figurant dans le premier dossier WK ainsi que sur les éléments de preuve supplémentaires figurant dans le deuxième dossier WK, lesquels sont également des éléments d’information publiquement accessibles. C’est donc à la lumière des éléments de preuve du premier dossier WK, pour les premiers actes de maintien, et des deux dossiers WK, pour les deuxièmes et troisièmes actes de maintien, qu’il y a lieu d’apprécier leur légalité et de déterminer si les conditions d’application du critère g) initial sont remplies en l’espèce.

142    S’agissant de l’interprétation de ce critère, il convient de rappeler que le critère g) initial implique la notion d’influence se rapportant à l’exercice d’une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement [de la Fédération de Russie] », sans autre condition concernant un lien avec le régime. Le Conseil vise en effet, par ce critère, à exploiter l’influence que la catégorie de personnes visée est susceptible d’exercer sur le régime russe en l’espèce, en les poussant à faire pression sur ce gouvernement pour qu’il modifie sa politique. Par ailleurs, il y a lieu de considérer que la notion de « femmes et hommes d’affaires influents » doit être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, notamment, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités (arrêts du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, point 67 ; du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil, T‑282/22, non publié, EU:T:2023:701, point 54, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 143).

143    Une telle interprétation est corroborée par le fait que l’objectif des mesures restrictives est de faire pression sur le gouvernement de la Fédération de Russie et d’accroître le coût des actions de ladite fédération visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (arrêts du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, point 68, et du 15 novembre 2023, OT/Conseil, T‑193/22, EU:T:2023:716, point 144).

144    L’objectif mentionné au point 143 ci-dessus implique que, par l’expression « qui fournissent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie », ce sont les secteurs économiques et non les femmes et hommes d’affaires qui sont visés, ce qui correspond à l’un des objectifs visés par les mesures restrictives, à savoir affecter les secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour la Fédération de Russie (arrêts du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, point 69, et du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil, T‑282/22, non publié, EU:T:2023:701, point 56).

145    De ce fait, il y a lieu d’interpréter le critère g) initial en ce sens, d’une part, qu’il a vocation à s’appliquer à des femmes et hommes d’affaires influents dans le sens décrit au point 144 ci-dessus et, d’autre part, que ce sont les secteurs économiques dans lesquels interviennent ces personnes qui doivent constituer une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie (arrêts du 13 septembre 2023, Rashnikov/Conseil, T‑305/22, non publié, EU:T:2023:530, point 70, et du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil, T‑282/22, non publié, EU:T:2023:701, point 57).

146    C’est donc à l’aune de cette interprétation du critère g) initial qu’il convient d’examiner le bien-fondé du motif d’inscription retenu dans les actes attaqués.

147    En l’espèce, il importe de rappeler que le nom du requérant a été inscrit sur les listes en cause par les actes initiaux sur le fondement des critères a) et g) initial aux motifs, en substance, que le requérant était propriétaire et PDG de la société Uralchem et qu’il avait participé le 24 février 2022 à une réunion avec le président Poutine. Le Tribunal a constaté le caractère établi de ces motifs, s’agissant du critère g), dans l’arrêt du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil (T‑282/22, non publié, EU:T:2023:701, points 50 à 95).

148    Dans les premiers aux troisièmes actes de maintien, le Conseil continue de faire référence à la situation du requérant au sein de la société Uralchem et à sa participation à la réunion du 24 février 2022 avec le président Poutine. Il a toutefois mis à jour l’exposé des motifs retenus contre le requérant en précisant, dans les premiers actes de maintien, qu’il était « l’un des principaux propriétaires de la société […] Uralchem, dont il a été PDG » et, dans les deuxièmes et troisièmes actes de maintien, qu’il était « l’un des principaux propriétaires de la société […] Uralchem, dont il a été PDG, et le principal actionnaire [de la société] Uralkali » et que [les sociétés] Uralchem et Uralkali ont toutes deux été qualifiées d’‘actifs stratégiques’ par l’État russe » (voir points 19 et 27 ci-dessus).

149    Dans ce contexte, il importe donc de vérifier si, en application de la jurisprudence mentionnée au point 138 ci-dessus, le Conseil pouvait, au terme de son appréciation actualisée de la situation effectuée dans le cadre du réexamen des mesures restrictives en cause, et sur la base de nouveaux éléments, maintenir ces mesures restrictives à son égard. À cette fin, il convient d’examiner si le requérant pouvait être considéré, à la date d’adoption des premiers aux troisièmes actes de maintien, comme étant un homme d’affaires influent au sens du critère g) initial tel que cela est défini au point 145 ci-dessus, et si les éléments figurant dans les dossiers WK pouvaient constituer un faisceau d’indices au sens de la jurisprudence citée au point 135 ci-dessus.

150    À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que, s’il est vrai que le contexte général de la situation de l’Ukraine, en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance, est resté inchangé depuis l’adoption des actes initiaux, il n’en est pas de même de la situation du requérant.

151    En ce qui concerne la situation individuelle du requérant au moment de l’adoption des premiers aux troisièmes actes de maintien, il convient de constater qu’il n’occupait plus les fonctions de PDG de la société Uralchem, ce dont le Conseil a tenu compte, tant dans les premiers actes de maintien que dans les deuxièmes et troisièmes actes de maintien, en mentionnant qu’il en « a été PDG » (voir points 19 et 27 ci-dessus).

152    En l’espèce, force est donc de constater que la base factuelle des motifs retenus dans les premiers aux troisièmes actes de maintien à l’égard du requérant, qui se rattache au critère g) initial, se réfère, premièrement, au fait qu’il était au moment de l’adoption desdits actes « l’un des principaux propriétaires de la société […] Uralchem », deuxièmement, à son ancienne fonction de PDG de cette société et, troisièmement, à sa participation à la réunion du 24 février 2022 avec le président Poutine. S’agissant en particulier des deuxièmes et troisièmes actes de maintien, le Conseil s’est fondé sur la même base factuelle en ajoutant la mention selon laquelle le requérant était également le « principal actionnaire [de la société] Uralkali » et que [les sociétés] Uralchem et Uralkali ont toutes deux été qualifiées d’“actifs stratégiques” par l’État russe ».

153    Il convient donc de déterminer si cette base factuelle pouvait suffire à justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause, qui se fondent sur un réexamen périodique des mesures restrictives afin de permettre au Conseil de tenir compte des éventuels changements de circonstances concernant, notamment, la situation individuelle des personnes visées par celles-ci.

154    À cet égard, il convient de rejeter d’emblée l’allégation du requérant selon laquelle, en substance, il s’avère que son inscription sur les listes en cause, au titre du critère g) initial, est principalement due au fait que le groupe Uralchem, dont fait partie la société Uralkali et auquel il est associé, fournirait une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

155    En effet, il suffit de constater qu’une telle allégation procède d’une lecture erronée des motifs des premiers aux troisièmes actes de maintien. Il est vrai que ces motifs mentionnent la société Uralchem, ainsi que le groupe Uralchem dont fait partie la société Uralkali, comme étant en Russie le plus grand producteur de nitrate d’ammonium et le deuxième plus grand producteur d’engrais à base d’ammoniac et d’azote. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’il découle sans ambiguïté desdits motifs que le requérant est considéré comme étant un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie du fait, notamment, qu’il a participé le 24 février 2022 à une réunion organisée par le président Poutine et qu’il est « l’un des principaux propriétaires de la société […] Uralchem, dont il a été PDG ».

156    Cela étant précisé, il convient donc de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil aux fins d’adopter les premiers aux troisièmes actes de maintien satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe et constitue un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le motif d’inscription.

157    S’agissant de la notion d’« hommes d’affaires influents », il y a lieu de rappeler qu’elle doit être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, notamment, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités (voir point 145 ci-dessus).

158    À cet égard, d’une part, il est constant entre les parties que, à tout le moins au jour de l’adoption des premiers aux troisièmes actes de maintien, le requérant détenait une participation de 48 % dans la société holding du groupe Uralchem, qui est le plus grand producteur de nitrate d’ammonium de Russie et l’un des plus grands producteurs d’engrais à base d’ammoniac et d’azote en Russie. S’agissant des premiers actes de maintien, ces éléments sont confirmés par le requérant lui-même dans la requête. Par ailleurs, s’agissant des deuxièmes et troisièmes actes de maintien, ces mêmes éléments sont confirmés par le premier mémoire en adaptation et se trouvent notamment dans les pièces nos 1 et 2 du deuxième dossier WK qui consistent en un extrait du site Internet de la société Uralchem et en un article issu du site Internet « globalsecurity.org ».

159    D’autre part, il convient de souligner que le requérant ne conteste pas avoir été présent lors de la réunion du 24 février 2022 organisée par le président Poutine et réunissant plusieurs hommes d’affaires russes. Or, bien que n’étant pas à lui seul déterminant, cet élément corrobore le caractère d’homme d’affaires influent du requérant. En effet, parmi tous les hommes d’affaires actifs de Russie, seuls 37 ont été conviés à cette réunion.

160    Compte tenu de l’importance de cette société en Russie, tel que cela est souligné par le requérant lui-même, notamment dans la requête, et de l’importance de la participation détenue par le requérant dans la société holding du groupe Uralchem, c’est donc à bon droit que le Conseil a considéré qu’il était un homme d’affaires influent au sens du critère g) initial. Il y a lieu d’ajouter que cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du requérant, soulevés dans le premier mémoire en adaptation à l’encontre des deuxièmes et troisièmes actes de maintien, selon lesquels il aurait vendu sa participation de contrôle dans le groupe Uralchem et il ne serait pas le principal actionnaire de la société Uralkali. En effet, il suffit de constater que le fait d’être propriétaire de 48 % d’actions de la société holding du groupe Uralchem suffit, à lui seul, pour qualifier ce dernier d’homme d’affaires influent au sens défini au point 145 ci-dessus.

161    Il convient donc d’examiner si le Conseil pouvait, sans commettre d’erreur d’appréciation, considérer dans les premiers aux troisièmes actes de maintien que le requérant était un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

162    Le requérant conteste exercer une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie au sens du critère g) initial. En substance, il soutient principalement qu’aucun élément de preuve produit par le Conseil ne permettrait de démontrer que lui ou les deux sociétés dans lesquelles il est actif peuvent être considérés comme fournissant une source de revenus substantielle à ce gouvernement. Par ailleurs, dans l’hypothèse où le critère g) initial serait interprété en ce sens qu’il autorise l’inscription d’une personne physique au simple motif qu’elle verse les impôts qui lui sont imposés et qui constituent une obligation légale, il soutient que ce critère devrait être déclaré invalide au titre de l’article 277 TFUE.

163    En premier lieu, il convient de souligner que si la propre contribution du groupe Uralchem peut être utile pour déterminer son importance économique dans le secteur concerné ou la qualité d’homme d’affaires influent du requérant, elle n’est pas déterminante aux fins de répondre à la question de savoir si ce dernier peut être qualifié d’homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie. En effet, ainsi que cela ressort des points 142 à 145 ci-dessus, c’est le secteur économique, et non une personne physique ou une entreprise en particulier, qui doit constituer une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

164    Dans ces conditions, doit être rejetée comme étant inopérante l’argumentation du requérant mentionnée au point 162 ci-dessus.

165    En deuxième lieu, s’agissant du secteur économique en cause en l’espèce, contrairement à ce que prétend le requérant, il découle clairement des motifs des premiers aux troisièmes actes de maintien ainsi que de l’activité du groupe Uralchem que le secteur économique concerné est celui des engrais (voir point 73 ci-dessus).

166    En troisième lieu, s’agissant de la question de savoir si ledit secteur fournit une source de revenus substantielle au gouvernement de la Fédération de Russie, il découle notamment des pièces n os 4 et 6 du premier dossier WK, extraites du site Internet de la société Uralchem, et sans que cela soit contesté par le requérant, que, premièrement, la Russie est un acteur mondial majeur sur le marché des engrais. Le requérant reconnaît lui-même que la Russie est le premier exportateur mondial d’engrais azotés et le deuxième d’engrais phosphorés et potassiques. Deuxièmement, Uralchem est l’un des plus grands producteurs russes d’engrais minéraux et, troisièmement, Uralkali est le plus grand producteur russe de chlorure de potassium.

167    Il y a lieu d’ajouter que le secteur des engrais, dans lequel ces deux sociétés exercent leurs activités, est très important, ainsi qu’en attestent, d’une part, la pièce n o 12 du premier dossier WK relative à l’influence de l’industrie russe des engrais sur les approvisionnements mondiaux et, d’autre part, la pièce n o 4 de ce dossier, et qui relate une réunion qui s’est tenue entre le requérant et le président Poutine en janvier 2022. Lors de cette réunion, après avoir souligné que les deux sociétés accordaient une grande importance à la fois au développement des régions, à la mise en œuvre de projets sociaux au niveau fédéral et à la construction d’infrastructures, le requérant a remercié le président Poutine et le gouvernement pour leur soutien à l’industrie chimique qu’il qualifie lui-même d’« élément clé du développement de l’agriculture en Russie et à l’étranger ». L’importance de l’activité desdites sociétés est au demeurant pleinement corroborée par l’argument du requérant avancé dans le cadre du moyen de son recours tiré d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux. En effet, il indique lui-même, tout d’abord, que ces deux sociétés fournissent des produits tels que les engrais qui sont d’une importance cruciale pour éviter une crise alimentaire mondiale, ensuite, que de nombreux pays en développement dépendent de la Russie pour au moins un cinquième de leurs importations et, enfin, que la société Uralkali produit et fournit des engrais de haute qualité nécessaires à l’agriculture.

168    Partant, eu égard à la place de la Russie dans le secteur des engrais au niveau mondial ainsi qu’à l’importance de ce secteur dans le domaine agroalimentaire russe et mondial, qui découle tant des éléments de preuve figurant dans le premier dossier WK que des écritures du requérant lui-même, il y a lieu de constater que le secteur des engrais fournit une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

169    Certes, ainsi que le soutient à juste titre le requérant, il est vrai que ni la décision 2014/145 modifiée ni le règlement no 269/2014 modifié ne définissent cette notion de « source substantielle de revenus ». Il convient cependant de relever que l’emploi de l’adjectif qualificatif « substantielle », qui se rapporte au groupe nominal « source de revenus », implique que cette source de revenus soit significative et donc non négligeable. De même, le Conseil n’a pas fourni de données chiffrées des revenus procurés à ce gouvernement. Toutefois, il ne fait aucun doute, au vu de ce qui précède et notamment de l’importance de la Russie dans le secteur des engrais, que ce secteur d’activités dans lequel la société Uralchem est impliquée fournit, directement, ou à tout le moins indirectement, une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

170    Il y a donc lieu de conclure que, dans les premiers aux troisièmes actes de maintien, le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence que le requérant, de par le seul fait qu’il est « l’un des principaux propriétaires de la société d’engrais minéraux Uralchem », laquelle contrôle la société Uralkali qui fait partie du groupe Uralchem, est un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

171    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments avancés par le requérant.

172    En premier lieu, le requérant allègue, en substance, que la contribution fiscale des sociétés Uralchem et Uralkali se limite au paiement des impôts obligatoires et que cette contribution est insignifiante par rapport aux recettes fiscales totales du budget de l’État russe. S’agissant des impôts sur le revenu, il souligne que, en 2021, seuls 5,95 millions de dollars des États-Unis (USD) sur 198,5 millions payés par la société Uralchem et seuls 10,62 millions d’USD sur 354,08 millions payés par la société Uralkali ont été affectés au budget fédéral, soit un montant total de 16,57 millions d’USD. Or, selon lui, cela ne représenterait qu’une goutte d’eau dans l’océan des recettes fédérales russes qui s’élevaient à environ 343,3 milliards d’USD. Il ajoute que, concernant la TVA, il s’agit d’un impôt indirect supporté par les consommateurs et non par les fournisseurs, si bien qu’il n’y a pas lieu de considérer qu’il s’agisse d’une contribution versée par lesdites sociétés.

173    À cet égard, premièrement, il convient de relever que, à supposer établie l’allégation selon laquelle la contribution desdites sociétés serait insignifiante par rapport aux recettes fiscales totales du budget de l’État russe, il n’en demeure pas moins que, bien que moins importantes que d’autres recettes fiscales, telles que celles tirées du secteur de l’énergie, elles peuvent s’avérer aussi substantielles. D’ailleurs, force est de constater que l’application du critère g) initial n’implique pas nécessairement que le Conseil prenne en compte la totalité des recettes fiscales du budget de l’État russe, mais qu’il vérifie si le secteur économique dans lequel le requérant a ses activités constitue une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

174    Deuxièmement, il importe de rappeler que c’est le secteur économique, et non une personne physique ou une entreprise en particulier, qui doit constituer une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie (voir point 163 ci-dessus). Or, force est de considérer que le montant d’impôts sur le revenu de 16,57 millions d’USD qu’auraient payés les sociétés Uralchem et Uralkali au budget fédéral russe en 2021, corrobore clairement le fait que le secteur des engrais, dans son ensemble, fournit nécessairement une source de revenus substantielle à ce gouvernement. Dans la requête, le requérant indique notamment, d’une part, que, dans le segment du nitrate d’ammonium, il existe sept autres producteurs importants détenant des parts de marché significatives et, d’autre part, que la position de la société Uralchem est moins forte dans d’autres segments du marché, tels que la production d’ammoniac, d’urée et d’engrais azotés. Dès lors qu’il y a lieu de tenir compte des contributions de tous les acteurs du secteur concerné, il ne fait aucun doute que ce secteur constitue une source substantielle de revenus au sens du critère g) initial.

175    Cette conclusion est d’autant plus valable que, contrairement à ce que prétend le requérant, il n’y a pas lieu de se limiter aux impôts directs pour vérifier si les conditions du critère g) initial sont réunies.

176    En effet, il importe de relever que, quand bien même des impôts indirects tels que la TVA seraient payés uniquement par les consommateurs, il n’en demeure pas moins qu’ils peuvent être une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie et que rien dans le libellé du critère g) initial ne permet d’exclure la prise en compte de tels impôts. En effet, rien ne semble s’opposer à ce qu’il soit tenu compte de toute source de revenus que ce gouvernement tire des activités du secteur concerné, y compris la TVA, ainsi que de tout autre revenu directement ou indirectement versé au budget de l’État russe lié audit secteur.

177    En second lieu, dans la réplique, le requérant fait valoir, en substance, que si l’interprétation du critère g) initial faite par le Conseil était correcte, il suffirait donc qu’une personne opère dans un secteur économique déterminé pour que soit rempli le critère pertinent, quel que soit son comportement ou celui des sociétés dans lesquelles il est actif, son rôle et sa conduite à l’égard de la politique russe en Ukraine. Ainsi, il soulève un moyen tiré de l’illégalité de ce critère au titre de l’article 277 TFUE.

178    À cet égard, il y a lieu de renvoyer aux points 103 à 114 ci-dessus, relatifs au grief tiré de l’illégalité du critère g) initial pour violation du principe de sécurité juridique.

179    Par conséquent, au vu de tout ce qui précède, il convient de considérer que le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, en raison de sa qualité d’homme d’affaires influent au sens du critère g) initial, est suffisamment étayé, de sorte que, au regard de ce critère, l’inscription de son nom sur ces listes est fondée en ce qui concerne les premiers aux troisièmes actes de maintien.

180    Or, selon la jurisprudence, eu égard à la nature préventive des décisions adoptant des mesures restrictives, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 18 mai 2022, Foz/Conseil, T‑296/20, EU:T:2022:298, point 178 et jurisprudence citée).

181    Dès lors, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des autres griefs soulevés par le requérant et visant à remettre en cause le critère a), de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé en ce qui concerne les premiers aux troisièmes actes de maintien.

c)      Sur les quatrièmes actes de maintien et l’application au requérant du critère g) modifié

182    À titre liminaire, il convient de relever que, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes en cause, il est constant entre les parties que le Conseil s’est fondé sur le premier volet du critère g) modifié, relatif à l’« homme d’affaires influent exerçant des activités en Russie » ainsi que sur le troisième volet du critère g) modifié relatif à l’« homme d’affaires ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie ».

183    Le requérant conteste le fait que l’un de ces volets du critère g) modifié puisse lui être appliqué en réitérant, en substance, les mêmes arguments que ceux exposés pour contester le bien-fondé des premiers aux troisièmes actes de maintien. En effet, il fait valoir, premièrement, qu’il ne saurait être qualifié d’« homme d’affaires influent », deuxièmement, que le fait de fournir « une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » ne saurait lui être imputé, ni le concerner et, troisièmement, que les sociétés auxquelles il est lié ne fournissent pas des revenus substantiels à ce gouvernement.

184    Par ailleurs, il ajoute que le troisième volet du critère g) modifié ne peut lui être appliqué dès lors qu’il a vendu sa participation de contrôle dans le groupe Uralchem et que le Conseil ne démontre à aucun moment de quelle façon il pourrait encore avoir une activité dans un secteur économique particulier qui fournirait une source de revenus substantielle au gouvernement de cette fédération.

185    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

186    À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que le contexte général de la situation de l’Ukraine, en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance, est resté inchangé depuis l’adoption des actes initiaux.

187    En second lieu, s’agissant de la situation individuelle du requérant, il convient de relever que les motifs d’inscription sont demeurés, en substance, les mêmes que dans les premiers aux troisièmes actes de maintien, outre la mention du critère g) modifié. En effet, le Conseil a réaffirmé que le requérant était l’« un des principaux propriétaires de la société […] Uralchem », qu’il était l’ancien PDG de cette société et qu’il avait participé à la réunion du 24 février 2022 avec le président Poutine. Le Conseil a également ajouté que le requérant avait participé au congrès de l’Union russe des industriels et des entrepreneurs en mars 2023.

188    En l’espèce, il convient de relever d’emblée que le requérant ne conteste nullement que, à la date d’adoption des quatrièmes actes de maintien, il détenait toujours une participation de 48 % d’actions dans la société holding du groupe Uralchem, ce qui est au demeurant corroboré par la pièce no 1 du troisième dossier WK.

189    Par conséquent, il y a lieu de constater que la situation du requérant n’a pas changé sur ce point par rapport aux premiers aux troisièmes actes de maintien et qu’il peut donc toujours être qualifié, à tout le moins, d’« homme d’affaires ».

190    Au demeurant, dans la mesure où il a été considéré aux points 160 et 170 ci-dessus que le requérant était un homme d’affaires « influent » au sens du critère g) initial, du seul fait qu’il est propriétaire de 48 % d’actions de la société holding du groupe Uralchem, il ne saurait être considéré en l’espèce que le requérant n’est pas un « homme d’affaires » au sens du critère g) modifié.

191    Quant à la démonstration de l’existence d’une activité dans des secteurs économiques qui fournissaient une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, il y a lieu de renvoyer aux points 162 à 170 ci-dessus, qui ont établi à suffisance que le secteur des engrais, qui est toujours visé par les quatrièmes actes de maintien et dans lequel le requérant est toujours impliqué de par les actions qu’il détient dans la société holding du groupe Uralchem, fournit une telle source substantielle de revenus à ce gouvernement.

192    Il résulte de ce qui précède que le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que le requérant satisfaisait au troisième volet du critère g) modifié relatif aux « femmes et hommes d’affaires […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » et que son nom pouvait être maintenu à ce titre sur les listes en cause en ce qui concerne les quatrièmes actes de maintien.

193    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments du requérant mentionnés au point 183 ci-dessus et d’ores et déjà invoqués pour contester le bien-fondé des premiers aux troisièmes actes de maintien. En effet, il suffit de renvoyer à cet égard aux raisons invoquées aux points 162 à 176 ci-dessus, qui s’appliquent mutatis mutandis s’agissant des quatrièmes actes de maintien et du critère g) modifié.

194    Dès lors, conformément à la jurisprudence citée au point 180 ci-dessus, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des autres griefs soulevés par le requérant et visant à remettre en cause le premier volet du critère g) modifié et le critère a), de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé en ce qui concerne les quatrièmes actes de maintien.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux

195    Le requérant fait valoir, en substance, que l’inscription de son nom sur les listes en cause constitue une limitation injustifiée et disproportionnée de ses droits fondamentaux, au rang desquels figurent, notamment, le droit à la liberté d’entreprise et celui de la propriété.

196    En substance, le requérant soutient que les mesures restrictives le concernant ne seraient pas nécessaires et appropriées à la réalisation de l’objectif poursuivi par la décision 2014/145 modifiée et par le règlement no 269/2014 modifié. En effet, leur application reviendrait à considérer que toutes les personnes qui exercent une activité économique importante en Russie et qui s’acquittent de leurs obligations fiscales pourraient, de ce seul fait, être sanctionnées. En outre, le Conseil aurait dû tenir compte du fait que les deux sociétés dans lesquelles il est actif, à savoir Uralchem et Uralkali, cette dernière faisant partie du groupe Uralchem, outre qu’elles ne contribuent nullement aux actions et à la politique de la Russie en Ukraine, sont également des producteurs et des fournisseurs de produits tels que les engrais, qui sont d’une importance capitale pour éviter une crise alimentaire dans le monde. Il ajoute, à cet égard, que le fait que ces deux sociétés soient expressément mentionnées dans les motifs des actes attaqués perturbe leurs activités en ce que cela dissuade les partenaires de prendre le risque de violer le régime des sanctions, ce qui contribuerait à l’aggravation de la crise alimentaire mondiale. Enfin, il prétend que les conditions prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, pour que puissent être limités ses droits fondamentaux, ne sont pas réunies.

197    Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

198    Il convient de rappeler que le droit à la liberté d’entreprise est consacré par l’article 16 de la Charte. Le droit à la propriété est quant à lui consacré à l’article 17 de la même Charte.

199    En l’espèce, les mesures restrictives en cause constituent des mesures conservatoires, qui ne sont pas censées priver les personnes concernées de leur propriété ou de leur liberté d’entreprise. Toutefois, elles affectent incontestablement une restriction de l’usage du droit de propriété et de la liberté d’entreprise du requérant (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 mars 2014, Al Assad/Conseil, T‑202/12, EU:T:2014:113, point 115 et jurisprudence citée).

200    Cependant, selon une jurisprudence constante, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, dans le droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société (voir arrêt du 12 mars 2014, Al Assad/Conseil, T‑202/12, EU:T:2014:113, point 113 et jurisprudence citée).

201    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, d’une part, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la [C]harte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et, d’autre part, « [d]ans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».

202    Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une limitation de l’exercice des droits fondamentaux en cause doit répondre à quatre conditions. Premièrement, elle doit être « prévue par la loi », en ce sens que l’institution de l’Union adoptant des mesures susceptibles de restreindre les droits fondamentaux d’une personne, physique ou morale, doit disposer d’une base légale à cette fin. Deuxièmement, la limitation en cause doit respecter le contenu essentiel de ces droits. Troisièmement, ladite limitation doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Quatrièmement, la limitation en cause doit être proportionnée (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 2017, Kiselev/Conseil, T‑262/15, EU:T:2017:392, points 69 et 84 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2018, VTB Bank/Conseil, T‑734/14, non publié, EU:T:2018:542, point 140 et jurisprudence citée).

203    En l’espèce, contrairement à ce que prétend le requérant, ces quatre conditions sont remplies s’agissant des actes attaqués.

204    En effet, en premier lieu, les mesures restrictives en cause sont « prévues par la loi », puisqu’elles sont énoncées dans des actes ayant notamment une portée générale et disposant d’une base juridique claire en droit de l’Union ainsi que d’une motivation suffisante en ce qui concerne tant leur portée que les raisons justifiant leur application au requérant (voir points 69 à 83 ci-dessus) (voir, par analogie, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 176 et jurisprudence citée). De plus, dans le cadre de l’examen du troisième moyen, il a été établi que la motivation des actes attaqués permettait de conclure que le Conseil pouvait légitimement inscrire le nom du requérant sur les listes en cause (voir points 141 à 179 ci-dessus).

205    En deuxième lieu, en ce qui concerne la question de savoir si la limitation en cause respecte le « contenu essentiel » du droit de propriété et de la liberté d’entreprise, il convient de relever que, eu égard à la nature et à l’étendue des mesures restrictives en cause, celles-ci ne portent pas atteinte au contenu essentiel desdits droits fondamentaux du requérant (voir, en ce sens, arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 153). À cet égard il y a lieu de constater que les mesures restrictives imposées sont limitées dans le temps et sont réversibles (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Oblitas Ruzza/Conseil, T‑551/18, non publié, EU:T:2021:453, point 96 et jurisprudence citée).

206    En effet, en vertu de l’article 6 de la décision 2014/145 modifiée, les listes en cause font l’objet d’un réexamen périodique afin que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour y figurer soient radiées.

207    En troisième lieu, les mesures restrictives en cause visent à exercer une pression sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine. Or, il s’agit là d’un objectif qui relève de ceux poursuivis dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et visés à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE, tels que la consolidation et le soutien de la démocratie, de l’État de droit, des droits de l’homme et des principes du droit international ainsi que la préservation de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale et de la protection des populations civiles.

208    En quatrième lieu, il y a lieu de rappeler, s’agissant du principe de proportionnalité, que ce dernier exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause (voir points 91 et 92 ci-dessus).

209    En l’espèce, en ce qui concerne le caractère apte à réaliser les objectifs poursuivis des mesures en cause, d’une part, il y a lieu de relever que, au regard de l’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause, des conséquences négatives telles que décrites par le requérant et résultant de leur application, ces dernières ne sont pas manifestement démesurées (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 71, et du 12 mars 2014, Al Assad/Conseil, T‑202/12, EU:T:2014:113, point 116).

210    Il en est ainsi d’autant plus que, dans le cadre de l’examen du troisième moyen, il a été établi que les mesures restrictives adoptées dans le cadre des actes attaqués à l’égard du requérant étaient justifiées, au motif que sa situation permettait de considérer qu’il remplissait les conditions pour l’application des critères g).

211    D’autre part, le fait que le requérant ou les deux sociétés dans lesquelles il est actif n’aient pas eu un rôle direct dans des actions menées à l’encontre de l’Ukraine est sans pertinence, puisqu’il ne s’est pas vu imposer des mesures restrictives pour cette raison, mais en raison du fait qu’il était un homme d’affaires influent au sens du critère g) initial ou un homme d’affaires au sens du troisième volet du critère g) modifié intervenant dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

212    En ce qui concerne le caractère nécessaire des mesures restrictives en cause, il convient de constater que des mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas d’atteindre aussi efficacement les objectifs poursuivis, à savoir l’exercice d’une pression sur les décideurs russes responsables de la situation en Ukraine, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 182 et jurisprudence citée). Par ailleurs, force est de constater que le requérant est resté en défaut d’indiquer quelles mesures moins contraignantes le Conseil aurait pu adopter.

213    De plus, il doit être rappelé que l’article 2, paragraphes 3 et 4, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, et l’article 4, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques.

214    De même, conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser l’entrée des personnes visées sur son territoire, notamment pour des raisons urgentes d’ordre humanitaire.

215    Enfin, la présence du nom du requérant sur les listes en cause ne saurait être qualifiée de disproportionnée en raison d’un prétendu caractère potentiellement illimité. En effet, ainsi que cela est mentionné au point 206 ci-dessus, ces listes font l’objet d’un réexamen périodique afin que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour y figurer soient radiées (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 185 et jurisprudence citée).

216    Il s’ensuit que, à supposer établies les conséquences négatives mises en avant par le requérant et mentionnées au point 196 ci-dessus, les restrictions de ses droits fondamentaux qui découlent des mesures restrictives en cause, adoptées dans le cadre des actes attaqués, ne sont pas disproportionnées et ne peuvent pas entraîner leur annulation.

217    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du requérant selon lequel, en substance, l’application de mesures restrictives à son égard reviendrait à permettre d’inscrire sur les listes en cause tous les hommes d’affaires qui exercent avec succès une activité économique en Russie. En effet, outre son caractère non étayé, il suffit de constater que le requérant a fait l’objet de mesures restrictives à la suite d’une évaluation individuelle fondée sur des éléments de preuve concrets, et que leur objectif est d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise.

218    Quant à l’argument selon lequel lesdites mesures contribueraient à l’aggravation de la crise alimentaire mondiale, il ne peut qu’être rejeté. En effet, il suffit de constater que les actes attaqués se bornent à geler les fonds personnels du requérant et à proscrire son entrée ou son passage en transit sur le territoire des États membres sans nullement imposer de restrictions aux deux sociétés dans lesquelles il est actif, ni, a fortiori, au secteur des engrais. Partant, le Conseil ne saurait être tenu pour responsable des décisions de certains opérateurs qui préfèrent ne plus s’adresser aux sociétés dans lesquelles le requérant est actif. Enfin, il convient de considérer que, si des perturbations de l’approvisionnement en denrées alimentaires ont eu lieu, elles découlent de la décision de la Russie de mener des actions en Ukraine plutôt que de l’adoption des mesures restrictives individuelles prises à l’égard du requérant.

219    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le cinquième moyen.

6.      Sur le sixième moyen, tiré dune violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, de larticle 21, paragraphe 2, sous d), et de larticle 3, paragraphe 5, TUE ainsi que de larticle 215 TFUE

220    En substance, le requérant soutient que, en maintenant des mesures restrictives à son égard au seul motif qu’il a une activité dans le secteur des engrais, tout en sachant clairement que ces mesures entraveraient gravement la capacité des sociétés auxquelles il est lié à continuer de contribuer au secteur agricole et à la sécurité alimentaire d’un certain nombre de pays tiers, le Conseil a violé les principes et les dispositions précités. Il ajoute que, dans la mesure où les institutions de l’Union ont affirmé à plusieurs reprises que, même lorsqu’elle met en œuvre des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine, l’Union européenne restait déterminée à éviter toute mesure susceptible de conduire à l’insécurité alimentaire dans le monde, il avait une confiance légitime dans le fait que les sanctions européennes n’auraient pas ciblé les échanges internationaux de produits agricoles et alimentaires, dont le blé et les engrais.

221    À titre subsidiaire, le requérant fait valoir que, si les mesures restrictives doivent être interprétées comme autorisant le Conseil à imposer des mesures ayant pour conséquence probable et hautement prévisible une incidence négative sur les engrais et le secteur agricole, le requérant soulève une exception d’illégalité et d’inapplicabilité du critère ayant fondé l’inscription de son nom sur les listes en cause.

222    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

223    En l’espèce, indépendamment du caractère non étayé de l’affirmation selon laquelle les mesures restrictives en cause entraveraient gravement la capacité des sociétés liées au requérant de contribuer au secteur agricole et à la sécurité alimentaire, il y a lieu de rejeter l’argumentation du requérant ainsi que l’exception d’illégalité en ce qu’elles sont fondées sur la prémisse erronée selon laquelle les mesures restrictives, dont il fait l’objet, ciblent les échanges internationaux de produits agricoles et alimentaires. En effet, à l’instar du Conseil, force est de constater que les actes attaqués se bornent à geler les fonds personnels du requérant et à proscrire son entrée ou son passage en transit sur le territoire des États membres sans nullement imposer de restrictions aux deux sociétés dans lesquelles il est actif, ni, a fortiori, aux échanges internationaux de produits agricoles et alimentaires ou au secteur économique des engrais (arrêt du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil, T‑282/22, non publié, EU:T:2023:701, point 122).

224    Dès lors que les mesures restrictives qui visent le requérant n’ont nullement pour objectif de cibler lesdits échanges et les sociétés auxquelles le requérant est lié, il ne saurait être valablement soutenu que la confiance légitime du requérant a été violée, ni que ces mesures ont prétendument diminué la capacité desdites sociétés à continuer de contribuer au secteur agricole et à la sécurité alimentaire d’un certain nombre de pays tiers.

225    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du requérant selon lequel la République de Lettonie aurait bloqué deux cent mille tonnes d’engrais destinés à l’exportation au motif que cette marchandise provenait des sociétés liées au requérant. En effet, le Conseil ne saurait être tenu pour responsable des décisions prises par les autorités nationales lettones qui relèvent de l’exercice de la souveraineté des États membres et qu’il appartient au requérant de contester devant les juridictions nationales s’il le souhaite. Enfin, à supposer établi que la capacité des sociétés liées au requérant de contribuer au secteur agricole et à la sécurité alimentaire ait diminué, il convient de considérer que de telles conséquences découlent de la décision de la Russie de mener des actions en Ukraine plutôt que de l’adoption des mesures restrictives individuelles prises à l’encontre du requérant (arrêt du 8 novembre 2023, Mazepin/Conseil, T‑282/22, non publié, EU:T:2023:701, point 122).

226    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le sixième moyen.

7.      Sur la demande d’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure et d’une mesure d’instruction

227    Le requérant demande au Tribunal d’ordonner au Conseil, par voie de mesure d’organisation de la procédure, de produire, premièrement, le dossier administratif confidentiel qui l’a conduit à maintenir son nom sur les listes en cause et, deuxièmement, la « structure organisationnelle interne chargée de l’inscription des personnes sur la liste et des procédures administratives de réexamen pour radiation, ainsi que du contentieux devant le Tribunal de ce type d’affaires, en l’accompagnant de toute ligne directrice, tout document ou acte administratif interne que le Conseil aurait adopté afin de garantir l’impartialité et l’indépendance des procédures administratives de réexamen pour radiation ».

228    S’agissant de la demande de production du dossier administratif confidentiel, le Conseil fait valoir, en substance, que tous les éléments concernant l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause lui ont été transmis. Quant à la demande portant sur la « structure organisationnelle interne », il l’estime hors de propos.

229    À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (arrêts du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C‑315/99 P, EU:C:2001:391, point 19, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 67).

230    En l’espèce, il y a lieu de relever que les éléments contenus dans le dossier sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties. S’agissant en particulier de la demande de production du dossier administratif confidentiel, il y a lieu d’ajouter que le Conseil affirme ne pas disposer d’autres éléments que ceux transmis au requérant.

231    Il s’ensuit que la demande d’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure et d’une mesure d’instruction doit être rejetée ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

232    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

233    En outre, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

234    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier. La République de Lettonie supportera, quant à elle, ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Dmitry Arkadievich Mazepin est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Conseil de l’Union européenne.

3)      La République de Lettonie supportera ses propres dépens.

Spielmann

Brkan

Tóth

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.