Language of document : ECLI:EU:T:2007:391

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 décembre 2007 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative el charcutero artesano – Marque nationale figurative antérieure El Charcutero – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Absence de similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑242/06,

Miguel Cabrera Sánchez, demeurant à Móstoles (Espagne), représenté par Mes J. Calderón Chavero et T. Villate Consonni, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme J. García Murillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Industrias Cárnicas Valle, SA, établie à Madrid (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 15 juin 2006 (affaire R 790/2005‑1), relative à une procédure d’opposition entre Miguel Cabrera Sánchez et Industrias Cárnicas Valle, SA,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 septembre 2006,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2006,

à la suite de l’audience du 21 juin 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 août 2002, Industrias Cárnicas Valle, SA a déposé la demande de marque communautaire nº 2823193 auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est la marque figurative suivante :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier, charcuteries, plats froids, jambons et produits de charcuterie, conserves de viande et de poisson, fromages et produits laitiers, huiles, graisses comestibles, salaisons de poissons, conserves de légumes, aliments congelés » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café, farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles, miel, sirop de mélasse, levure, sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), ketchup (sauce), épices, sauce tomate ».

4        La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 48/2003, du 10 juin 2003.

5        Le 2 septembre 2003, le requérant, M. Miguel Cabrera Sánchez a formé une opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée au titre l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, en vertu de l’article 42, paragraphe 1, de ce même règlement.

6        Le requérant est titulaire de la marque figurative antérieure suivante :

Image not found

7        La marque antérieure est la marque espagnole nº 2047511, demandée le 17 septembre 1996 et enregistrée le 5 décembre 1997, pour des produits relevant de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Viande, jambons, charcuteries, plats froids et conserves de viande ».

8        L’opposition était fondée sur l’ensemble des produits couverts par la marque antérieure et était dirigée à l’encontre d’une partie des produits désignés par la marque demandée, à savoir certains des produits relevant de la classe 29 (viande, volaille et gibier, charcuteries, plats froids, jambons et produits de charcuterie, conserves de viande, fromages et produits laitiers, huiles et graisses comestibles, aliments congelés).

9        Par décision du 23 juin 2005, la division d’opposition a rejeté l’opposition en estimant qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les deux marques en conflit. Elle a considéré que les signes en cause étaient très différents d’un point de vue visuel dans leurs éléments dominants et que ces différences visuelles l’emportaient sur les similitudes phonétiques et conceptuelles existantes.

10      Le 8 juillet 2005, le requérant a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement nº 40/94, à l’encontre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 16 juin 2006 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a rejeté le recours et confirmé la décision de la division d’opposition en considérant qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les signes en conflit. Elle a motivé sa décision en estimant que le mot espagnol « charcutero » présentait un fort caractère descriptif et que, dans la perception des marques en conflit, l’attention du consommateur était, en réalité, attirée par leurs caractéristiques visuelles distinctes, lesquelles n’étant par ailleurs pas susceptibles d’être négligées du fait des similitudes phonétiques et conceptuelles existant entre les signes en cause. Tout en constatant que les deux signes en conflit avaient la même application, dans la mesure où ils couvraient les mêmes produits, la chambre de recours a conclu qu’il était peu probable qu’il ait existé un risque de confusion entre ceux-ci compte tenu des différences qui les caractérisaient.

 Conclusions des parties

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler, par conséquent, la décision de la division d’opposition ;

–        ordonner à la division d’opposition de refuser dans son intégralité l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, le requérant invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.

 Arguments des parties

15      Le requérant considère que c’est à tort que la chambre de recours a conclu, dans la décision attaquée, à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit et fait valoir qu’il existe des similitudes significatives entre les signes en cause. Selon le requérant, la chambre de recours a commis une erreur de droit en confirmant la décision de la division d’opposition dans la mesure où, outre l’indiscutable identité des produits couverts par les marques en conflit, les signes en cause étaient identiques d’un point de vue visuel, phonétique et conceptuel, en raison tant de l’identité de leurs éléments verbaux que de celle de leurs structures d’ensemble.

16      Le requérant fait valoir, en substance, que le fait que les marques en conflit ont en commun un élément dominant et distinctif constitué de l’expression « el charcutero » l’emporte sur le fait qu’il existe des différences entre celles-ci, d’autant plus que ces différences procèdent de leurs éléments secondaires ou revêtent un caractère accessoire dans l’impression d’ensemble de chacun des signes en cause.

17      S’agissant des similitudes existant entre les marques en conflit, premièrement, le requérant met en exergue le fait que les signes en cause n’ont pas en commun le seul terme espagnol « charcutero », mais l’expression « el charcutero ». Il souligne, par ailleurs, que cette expression constitue l’intégralité de la marque antérieure en tant que telle et que la marque antérieure est de ce fait entièrement reproduite dans la marque demandée.

18      Deuxièmement, le requérant fait valoir que l’expression commune aux deux marques en conflit constitue le seul élément dominant et distinctif dans l’impression d’ensemble de chacun des signes en cause.

19      Ce caractère dominant et distinctif de l’expression « el charcutero » procèderait notamment de sa position unique, privilégiée et prépondérante dans chacun des deux signes en conflit pris dans leur ensemble ainsi que de sa position par rapport aux autres composants de la marque demandée, à savoir l’adjectif qualificatif « artesano », qui vient à la suite de l’expression « el charcutero », et la représentation figurative d’un charcutier. Selon le requérant, ces composants sont de nature accessoire et secondaire et, partant, ne sont pas susceptibles d’affaiblir le caractère dominant et prépondérant de l’expression « el charcutero ».

20      D’une part, le requérant fait observer que l’adjectif « artesano » fait référence à une caractéristique inhérente à la profession de charcutier, qui est une profession traditionnelle bénéficiant d’une renommée et qui s’exerce, par nature et à la différence de la production industrielle, de manière naturelle et artisanale. L’adjectif « artesano » ne serait pourvu que d’un faible caractère distinctif, en tout état de cause moins élevé que celui dont jouirait l’expression « el charcutero » et ne serait pas susceptible de donner de la marque demandée une perception conceptuelle différente de celle de la marque antérieure.

21      D’autre part, la représentation figurative faisant partie de la marque demandée serait semblable à celle reproduite dans la marque antérieure, les différences mineures entre les marques en conflit constatées par la chambre de recours dans la décision attaquée et résultant d’une analyse trop poussée n’étant pas de nature à permettre que les éléments similaires qu’elles présentent puissent être négligés.

22      Le requérant renvoie, au demeurant, à la pratique décisionnelle de l’OHMI selon laquelle, dans le cas d’une marque complexe, comprenant des éléments figuratifs et verbaux, l’attention du consommateur est dirigée vers ces derniers, les éléments figuratifs revêtant un caractère secondaire ou accessoire dans l’impression d’ensemble de la marque en cause (décisions de la division d’opposition nº 2279/2005, du 28 juin 2005, Miracle System/Miracle Blade, et nº 324/1999, du 3 juin 1999, Vitalia/Vitala’s).

23      Le requérant fait valoir, en outre, que le caractère dominant de l’expression « el charcutero » ne saurait être contesté, au motif que cette expression ne ferait qu’informer le consommateur sur la nature des produits visés par les signes en conflit, étant donné que l’importance du composant d’une marque doit être établie en fonction de la position qu’il occupe par rapport aux autres composants de la marque en cause, et ce indépendamment du fait qu’il ne jouit que d’un faible caractère distinctif.

24      Le requérant fait par ailleurs observer que l’enregistrement de la marque antérieure par l’Oficina española de patentes y marcas (Office espagnol des brevets et des marques) démontre que la marque antérieure composée de l’expression « el charcutero » remplit la fonction primordiale d’une marque, à savoir l’identification des produits désignés par la marque en cause et la distinction des produits couverts par ladite marque de ceux ayant une autre origine commerciale.

25      Enfin, le requérant reproche à la chambre de recours d’avoir effectué une appréciation globale erronée du risque de confusion, car, selon lui, les similitudes entre les marques en conflit l’emportent sur les différences existant entre les éléments qui leur sont propres, ceux-ci étant de nature secondaire ou accessoire. En effet, au vu de l’identité des produits concernés et de la ressemblance des marques en conflit en ce qui concerne leur élément verbal dominant et distinctif, le principe d’interdépendance des facteurs exigerait la constatation d’un risque de confusion entre les signes en conflit [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359], outre celle d’un risque d’association entre ceux-ci.

26      L’OHMI fait valoir, en ce qui concerne les produits visés par les marques en conflit, que certains des produits visés par la marque demandée ne sont pas identiques, mais seulement semblables à ceux qui sont désignés par la marque antérieure et renvoie à l’analyse effectuée, à cet égard, dans la décision de la division d’opposition.

27      S’agissant de la comparaison entre les marques en conflit, l’OHMI conteste le caractère distinctif et dominant que le requérant attribue à l’élément verbal « el charcutero » dans chacun des signes en conflit, car s’agissant d’une indication descriptive faisant référence à la personne qui vend les produits de charcuterie, cette expression ne permettrait pas d’identifier l’origine commerciale des produits en cause.

28      L’OHMI fait, en outre, observer que l’adjectif qualificatif « artesano » est lui aussi dépourvu de caractère distinctif. De même, la représentation figurative d’un charcutier ne saurait pas non plus constituer une image dotée d’un caractère distinctif.

29      Selon l’OHMI, les éléments verbaux des marques en conflit apparaissant comme étant descriptifs des produits en cause, le consommateur concentrera son attention, afin d’identifier l’origine commerciale de ceux-ci, sur les caractéristiques particulières de leurs éléments figuratifs.

30      Or, d’un point de vue visuel, les signes en conflit, présentant de nombreuses différences, ne sauraient être considérés comme étant similaires. L’OHMI souligne à cet égard les différences existant entre les combinaisons de couleurs caractérisant chacun des signes en cause ainsi que celles existant entre eux dans la représentation figurative du personnage du charcutier en raison de la tenue vestimentaire de celui-ci, de sa coiffe et de son attitude. Les signes en conflit différeraient également en ce qui concerne la disposition et le graphisme de leur élément verbal commun, à savoir l’expression « el charcutero ».

31      D’un point de vue phonétique et conceptuel, l’OHMI admet l’existence d’une similitude entre les marques en conflit au motif qu’elles ont en commun l’expression « el charcutero ».

32      L’OHMI rejette cependant les arguments du requérant et met en exergue l’importance de la comparaison des signes en conflit d’un point de vue visuel en raison du mode d’acquisition des produits visés par les marques en cause.

33      L’OHMI relève, en outre, que, à défaut d’avoir étayé le caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par usage de la marque antérieure, le fait que les signes en conflit soient similaires d’un point de vue conceptuel au vu de la représentation d’un charcutier dans chacun de ceux-ci, ne suffit pas pour conclure à l’existence d’un risque de confusion entre eux (arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, points 23 et 24).

 Appréciation du Tribunal

34      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, une marque est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

35      Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement nº 40/94, on entend par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

36      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 32, et la jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

37      La marque sur laquelle se fonde l’opposition en l’espèce a été enregistrée et est protégée en Espagne. Partant, afin d’établir l’existence éventuelle d’un risque de confusion entre les signes en conflit, il convient de tenir compte du point de vue du public pertinent espagnol.

38      En outre, les produits visés par les marques en conflit étant des produits de consommation courante, le public ciblé, par rapport auquel l’analyse du risque de confusion doit s’effectuer, est, par conséquent, ainsi que l’a indiqué à juste titre la chambre de recours, constitué du consommateur moyen espagnol, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

 Sur la similitude des produits concernés

39      Il convient de constater que la chambre de recours s’est limitée à affirmer au point 11 de la décision attaquée que les marques en conflit ont « la même application » en ce sens qu’elles visent les mêmes produits.

40      À cet égard, il convient de rappeler que, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou les services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 23).

41      En l’espèce, d’une part, il y a lieu de considérer, ainsi que le requérant l’a lui-même reconnu en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, que les produits que sont la viande, les charcuteries, les plats froids, les jambons et les conserves de viande, qui sont visés par les deux signes en conflit, sont identiques. Il est à noter, en outre, que les produits que désigne la marque antérieure font partie de la catégorie plus générale intitulée « produits de charcuterie » visée par la marque demandée et, de ce fait, doivent être considérés comme étant également identiques. D’autre part, les autres produits visés par la marque demandée, à savoir les produits que sont la volaille et le gibier, les fromages et les produits laitiers, les huiles, les graisses comestibles et les aliments congelés, ne sont pas identiques mais seulement semblables à ceux désignés par la marque antérieure, et ce en raison de leurs natures et de leurs destinations identiques, ainsi que de leurs canaux de distribution semblables.

42      Dès lors, aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion entre les marques en conflit, il y a lieu de considérer que les produits visés par celles-ci sont, en partie, identiques et, en partie, similaires.

 Sur la comparaison des signes en conflit

43      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle ou phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêts du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips‑Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS) T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée, et du 9 mars 2005, Osotspa/OHMI – Distribution & Marketing (Hai), T‑33/03, Rec. p. II‑763, point 47].

44      Il est, par ailleurs, de jurisprudence constante qu’une marque complexe, dont un des composants est identique ou semblable à celui d’une autre marque, ne peut être considérée comme étant semblable à cette autre marque que si ce composant constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêts du Tribunal 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 33, et du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, Rec. p. II‑1515, point 44].

45      Cependant, cette appréciation ne revient pas à prendre en considération uniquement un composant de la marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer une comparaison entre les marques en cause en les examinant, considérées chacune dans leur ensemble. Cependant, cela n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, non encore publié au Recueil, point 41, et la jurisprudence citée).

46      Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt OHMI/Shaker, point 45 supra, point 42).

47      Lors de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe (arrêt MATRATZEN, point 44 supra, point 35).

–       Sur la comparaison visuelle

48      À titre liminaire, il convient de constater que, telle qu’elle résulte de son enregistrement en Espagne, la marque antérieure est, à l’image de la marque demandée, une marque complexe, constituée d’éléments verbaux et figuratifs. Elle est, en effet, formée, d’une part, de l’expression « el charcutero », résultant de l’association de l’article défini « el » et du nom « charcutero », laquelle est présentée avec une configuration particulière, et, d’autre part, d’un élément figuratif constitué d’une représentation figurative spécifique en noir et blanc.

49      Il en résulte que l’argument du requérant selon lequel l’expression « el charcutero » constitue à elle seule la marque antérieure ne saurait être accueilli.

50      S’agissant de la comparaison visuelle entre les marques en conflit, force est de constater qu’elles ont en commun l’expression « el charcutero » et présentent, de ce fait, une certaine similitude visuelle. Cependant, contrairement à ce que soutient le requérant, le Tribunal estime que c’est à bon droit que la chambre de recours a rejeté le caractère dominant et distinctif de cet élément verbal dans l’impression d’ensemble de chacune des marques en conflit.

51      À cet égard, il convient de rappeler que, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [voir arrêt du Tribunal du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, Rec. p. II‑1677, point 35, et la jurisprudence citée].

52      En l’espèce, il y a lieu de relever que, eu égard aux produits concernés, l’expression commune aux deux marques en conflit, à savoir l’expression « el charcutero », ne jouit, tout au plus, que d’un faible caractère distinctif, étant donné que cette expression est fortement évocatrice de la nature des produits en cause. En effet, l’expression « el charcutero » fait directement référence à la personne qui vend lesdits produits et comporte, dès lors, une résonance descriptive.

53      Toutefois, s’il est vrai que, en règle générale, le public ne considérera pas un élément descriptif faisant partie d’une marque complexe comme l’élément distinctif et dominant dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, il n’en reste pas moins que, contrairement à ce que fait valoir l’OHMI, le faible caractère distinctif d’un élément d’une marque complexe n’implique pas nécessairement que celui-ci ne saurait constituer un élément dominant, dès lors que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, il est susceptible de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardé en mémoire par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt Représentation d’une peau de vache, point 51 supra, point 32, et la jurisprudence citée).

54      Il y a donc lieu d’examiner si l’expression commune aux deux marques en conflit, à savoir l’expression « el charcutero », peut s’imposer comme l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par chacune des marques en cause en raison de sa position ou de sa dimension dans chacune d’elles.

55      À cet égard, premièrement, le Tribunal relève que, contrairement à ce que fait valoir le requérant, lorsqu’un signe consiste à la fois en des éléments figuratifs et en des éléments verbaux, il ne s’ensuit pas automatiquement que c’est l’élément verbal qui doit toujours être considéré comme dominant [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Simonds Farsons Cisk/OHMI – Spa Monopole (KINJI by SPA), T‑3/04, Rec. p. II‑4837, point 45]. En effet, dans une marque complexe, l’élément figuratif peut détenir une place équivalente à l’élément verbal [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec. p. II‑5275, point 53].

56      Dès lors, l’argument du requérant fondé sur certaines décisions de la division d’opposition (voir point 22 ci-dessus), selon lesquelles l’élément verbal d’un signe mixte, à la fois figuratif et verbal, constituerait l’élément dominant dudit signe, doit être rejeté.

57      Il importe de rappeler, en outre, que la légalité des décisions des chambres de recours concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire doit être appréciée uniquement sur la base du règlement nº 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non pas sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 66].

58      Deuxièmement, la circonstance que les deux marques en conflit comprennent des éléments verbaux similaires ne suffit pas, à elle seule, à conclure à l’existence d’une similitude visuelle entre celles-ci, étant donné que la présence d’éléments figuratifs ayant une configuration particulière est susceptible d’aboutir à ce que l’impression globale de chacun des signes soit différente [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO AIRE), T‑156/01, Rec. p. II‑2789, points 73 et 74].

59      Troisièmement, ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, il convient de conclure à la similitude entre une marque complexe et une autre marque lorsque, considérée dans son ensemble, l’impression produite par cette marque complexe est dominée par l’un de ses éléments de telle manière que les autres composants de cette marque apparaissent négligeables dans l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire et que cet élément dominant est identique ou semblable à cette autre marque (voir, en ce sens, arrêt STAR TV, point 44 supra, point 44). Autrement dit, ainsi qu’il a été rappelé au point 46 ci-dessus, ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant.

60      Or, en l’occurrence, force est de constater que l’expression « el charcutero » ne constitue pas l’élément dominant dans chacune des marques en cause eu égard aux différents éléments qui entourent cette expression dans la marque demandée et dans la marque antérieure. Ces éléments, verbaux et figuratifs dans la marque demandée, et uniquement figuratifs dans la marque antérieure, et plus précisément leur disposition et leur coloris respectifs, contribuent nettement à déterminer l’image de chacune des marques en cause que le public pertinent garde en mémoire, sans qu’ils puissent, dès lors, être négligés lors de la perception de celles‑ci. Partant, le Tribunal estime que la comparaison visuelle entre les signes en conflit doit être effectuée sur la base de l’ensemble de leurs différents éléments constitutifs.

61      Pour ce qui est, d’une part, de l’élément verbal de chacune des marques en conflit, à savoir respectivement l’expression « el charcutero », en ce qui concerne la marque antérieure, et l’expression « el charcutero artesano », en ce qui concerne la marque demandée, il y a lieu de constater que la chambre de recours a, à juste titre, considéré aux points 14 et 15 de la décision attaquée, que ceux-ci ne sont pas identiques en raison d’abord de la position différente que l’expression commune « el charcutero » s’est vue attribuer dans chacune des marques en conflit.

62      À cet égard, il convient d’observer que, pour ce qui est de la marque demandée, l’expression « el charcutero » est inscrite à l’intérieur d’un dessin représentant un ruban qui se déplie en trois. En arrière plan figure l’article défini « el », puis sur le plan intermédiaire le mot « charcutero » et, enfin, au premier plan, l’adjectif qualificatif « artesano ». Il s’agit, en effet, d’une présentation fantaisiste de l’élément verbal de la marque demandée aux yeux du consommateur. De plus, le ruban sur lequel est inscrit l’élément verbal est d’une teinte correspondant à la combinaison des couleurs Pantone 1605 et Pantone 138‑C, où s’insèrent des éléments de couleurs noire et jaune, et se situe sur la droite de la représentation du cuisinier, laquelle est placée au fond du signe demandé. Or, dans la marque antérieure, l’expression « el charcutero » se situe clairement en dessous du charcutier et se présente sous la forme d’une banale indication.

63      Il y a lieu de remarquer, en outre, que la couleur et la police de caractères de l’élément verbal de chacun des signes en conflit contribue également à ce que les marques en cause soient perçues par le consommateur moyen comme étant différentes d’un point de vue visuel. En effet, dans la marque demandée, l’élément verbal est inscrit en lettres minuscules, lesquelles sont en police de caractères fantaisistes et de couleur noire, sur un fond d’une teinte résultant de la combinaison des couleurs Pantone 1605 et Pantone 138‑C. En revanche, l’élément verbal de la marque antérieure figure en lettres cursives, la première lettre de chacun des deux mots formant l’expression « el charcutero », à savoir la lettre « e » et la lettre « c », étant écrite en lettres majuscules. Si cette expression est, tout comme dans la marque demandée, inscrite en noir, la perception visuelle qu’en aura le consommateur moyen ne saurait être la même dans la marque antérieure, dans la mesure où la couleur également noire du fond de celle-ci, dans lequel ladite expression est insérée, fait obstacle à ce que l’expression « el charcutero » puisse être clairement distinguée par le consommateur dans sa perception de la marque antérieure. Le subtil contour blanc des lettres noires composant l’expression « el charcutero » ne suffit pas, en outre, à la faire ressortir aux yeux du consommateur dans sa perception de la marque antérieure.

64      Par ailleurs, contrairement à ce que le requérant semble soutenir, l’ajout de l’adjectif qualificatif « artesano » dans la marque demandée ne saurait être ignoré étant donné qu’il contribue nettement à ce que les impressions visuelles produites par les marques en conflit ne soient pas les mêmes. D’une part, il y a lieu de prendre en considération le fait que l’ajout de ce terme rend la marque demandée plus longue que la marque antérieure, ce qui contribue indéniablement à ce que les impressions d’ensemble des marques en cause aux yeux du consommateur ne soient pas les mêmes. D’autre part, il importe de remarquer la position spécifique que détient l’adjectif « artesano » dans l’élément verbal de la marque demandée étant donné que le mot « artesano » est placé au premier plan sur le ruban et que sa police de caractères est d’une taille plus grande que celle utilisée pour les autres termes composant l’élément verbal, à savoir l’article défini « el » et le substantif « charcutero », lesquels composent l’expression commune aux deux marques en conflit.

65      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que l’adjectif qualificatif « artesano » s’impose, à tout le moins, autant que l’expression « el charcutero » dans la perception de la marque demandée par le consommateur moyen de sorte qu’il contribue à ce que la marque demandée soit perçue comme étant différente de la marque antérieure.

66      Pour ce qui est, d’autre part, des éléments figuratifs propres à chacune des deux marques en conflit, il y a lieu d’observer, à l’instar de l’OHMI, que la marque antérieure est composée d’un fond noir dans lequel est insérée l’image de profil d’un charcutier, lequel porte un chapeau, dont la partie supérieure est plate, un nœud papillon ainsi qu’un tablier à rayures verticales. Ledit charcutier est représenté, ainsi que la chambre de recours l’a souligné dans la décision attaquée, en train d’aiguiser la lame d’un couteau, activité qui est courante dans cette profession. Il importe de souligner que le fond noir, servant de cadre à la représentation figurative et verbale formant la marque antérieure, joue un rôle important dans la perception visuelle de ladite marque, de sorte qu’il s’impose de manière inévitable aux yeux du consommateur.

67      Or, force est de constater que la marque demandée est configurée différemment. À cet égard, il convient d’observer que, comme Industrias Cárnicas Valle l’a indiqué, la marque demandée est composée, outre de l’élément verbal « el charcutero artesano » présenté de façon fantaisiste, de la représentation d’un cuisinier qui tient dans ses mains un plat avec des mets. L’élément figuratif de la marque demandée diffère, toutefois, de celui de la marque antérieure. Ainsi, il importe de relever que, à la différence du charcutier représenté dans la marque antérieure, le cuisinier figurant dans la marque demandée est représenté de face et que, comme le note avec pertinence la chambre de recours dans la décision attaquée, il porte une toque de cuisinier. En outre, le cuisinier est représenté en couleurs dans la marque demandée. En effet, la couleur de la peau du cuisinier est celle correspondant à la référence de couleur Pantone 1645‑C et celle de son cou est celle correspondant à la référence de couleur Pantone 1795.

68      Au surplus, le Tribunal considère que c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté au point 15 de la décision attaquée que les signes en conflit présentaient des combinaisons de couleurs bien distinctes. En effet, il y a lieu d’observer que la marque antérieure se caractérise par une combinaison de noir et de blanc, la couleur noire primant dans l’ensemble de la marque, en raison, notamment, de son fond qui est de couleur noire et dans lequel s’insèrent ses éléments figuratifs et verbaux. La marque demandée est, au contraire, dominée, principalement, par des teintes claires et, plus particulièrement, ainsi qu’il ressort de la description de la demande d’enregistrement, de teintes résultant d’une combinaison des couleurs correspondant aux références de couleurs Pantone 1605, Pantone 138‑C, Pantone 1645‑C et Pantone 1795.

69      Au vu des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que la configuration de la marque demandée est particulièrement originale et voyante et contraste de ce fait avec la sobriété générale de celle de la marque antérieure.

70      Partant, il y a lieu de confirmer la solution retenue dans la décision attaquée eu égard à l’ensemble des éléments figuratifs présents dans chacun des signes en conflit et, en particulier, à la configuration et à la disposition indéniablement originales des éléments verbaux et figuratifs de la marque demandée. Ces éléments jouent en effet un rôle important dans l’appréciation globale de la marque demandée.

71      Il y a donc lieu de confirmer la décision attaquée en ce qu’elle conclut que les signes en conflit présentent des différences visuelles notables.

–       Sur la comparaison phonétique et conceptuelle

72      S’agissant de la comparaison phonétique des marques en conflit, il y a lieu d’approuver la constatation de la chambre de recours selon laquelle il existe une similitude entre celles-ci en raison du fait qu’elles ont l’expression « el charcutero » en commun.

73      S’agissant de la comparaison conceptuelle, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les marques en conflit sont aussi similaires étant donné qu’elles partagent, non seulement, la signification de leur expression commune « el charcutero », laquelle fait référence à la personne qui vend des produits tels que des jambons, de la charcuterie, des plats froids et d’autres produits qui se trouvent dans les charcuteries, mais aussi l’image évocatrice d’un charcutier.

74      À cet égard, il convient de préciser, toutefois, que, comme il est relevé aux points 66 et 67 ci-dessus et 84 ci-après, l’image représentée dans la marque demandée est celle d’un cuisinier, tandis que celle reprise dans la marque antérieure correspond à un charcutier. Cette nuance n’est pas, cependant, de nature à infirmer la constatation selon laquelle, en substance, dans leur contenu sémantique, l’image représentée dans l’une des marques en cause coïncide avec celle représentée dans l’autre.

75      En outre, force est de constater que les marques en conflit diffèrent d’un point de vue phonétique comme d’un point de vue conceptuel, en raison de l’adjectif « artesano » figurant dans la marque demandée. En effet, d’un point de vue phonétique, l’ajout de cet adjectif qualificatif, qui vient à la suite de l’expression « el charcutero », rend la marque demandée nettement plus longue que la marque antérieure. D’un point de vue conceptuel, l’ajout de l’adjectif qualificatif « artesano » ajoute une précision à l’expression « el charcutero ». Ainsi, s’il est constant que cet adjectif ne jouit pas d’un caractère distinctif particulier, il n’en demeure pas moins qu’il permet de qualifier la manière dont les produits concernés sont confectionnés, en évoquant une fabrication traditionnelle qui suppose, bien souvent, une qualité supérieure du produit.

76      Il en résulte que, d’un point de vue phonétique et d’un point de vue conceptuel, les signes en conflit présentent à la fois des similitudes, étant donné qu’ils ont en commun l’expression « el charcutero », et des différences en raison de l’adjectif « artesano » dans la marque demandée.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

77      Il convient de rappeler que, en l’espèce, la conclusion relative à l’absence de risque de confusion entre les signes en cause, à laquelle la chambre de recours est parvenue dans la décision attaquée, était fondée sur le fait que les deux marques en conflit présentaient des différences visuelles en raison de la disposition particulière et de la configuration distincte de leurs éléments verbaux et figuratifs, celles-ci étant susceptibles de neutraliser les similitudes phonétiques et conceptuelles constatées entre les marques en cause et limitées à l’expression commune « el charcutero ».

78      Aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Cependant, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26).

79      Ensuite, il convient de relever que, dans le cadre de cette appréciation globale, les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids et il importe alors d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 57, et du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec. p. II‑3471, point 49].

80      Ainsi, l’importance des éléments de similitude ou de différence entre les signes en conflit peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou des services que ceux-ci désignent. Si les produits désignés par les marques en cause sont normalement vendus dans des magasins en libre-service où le consommateur choisit lui-même le produit et doit, dès lors, se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit, une similitude visuelle des signes sera, en règle générale, d’une plus grande importance (arrêt NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection, point 78 supra, point 49).

81      De même, le degré de similitude phonétique entre deux marques est d’une importance réduite s’agissant de produits qui sont commercialisés d’une telle manière que, habituellement, le public pertinent, lors de l’achat, perçoit la marque les désignant de façon visuelle [arrêts du Tribunal BASS, point 43 supra, point 55, et du 28 juin 2005, Canali Ireland/OHMI – Canal Jean (CANAL JEAN CO. NEW YORK), T‑301/03, Rec. p. II‑2479, point 55].

82      Or, tel est le cas des produits en l’espèce, étant donné les conditions de commercialisation des produits concernés sur le marché espagnol, ainsi que les parties l’ont relevé en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience.

83      À cet égard, il y a lieu d’observer que les produits visés se trouvent normalement préemballés et disposés sur des étagères réfrigérées, auxquelles le consommateur a accès en libre-service. Dans ces circonstances, force est de constater que la perception visuelle des marques en conflit joue un rôle prépondérant. De même, lorsque les produits concernés sont disposés derrière les vitrines du rayon charcuterie et que le produit est servi au consommateur par le biais d’un intermédiaire, à savoir le charcutier lui-même, le Tribunal considère que c’est également la perception visuelle des marques en conflit qui est normalement déterminante de l’acte d’achat. Même si la désignation orale des marques en cause par l’élément verbal « el charcutero » ne peut être exclue lors de la vente des produits par un charcutier, le Tribunal observe que, eu égard au caractère peu distinctif de cet élément verbal des marques en cause lorsqu’il est prononcé oralement, celui-ci se référant à la personne vendant le produit en question, et à l’absence de démonstration d’un caractère distinctif acquis par l’usage de ce même élément verbal, la désignation orale des marques en question ne peut remettre en cause la prééminence de l’aspect visuel de celles‑ci.

84      Au vu de ces considérations, il y a lieu de conclure, à l’instar de l’OHMI, que, en l’espèce, l’aspect visuel revêt le plus d’importance dans l’appréciation globale du risque de confusion.

85      En outre, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, où le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque antérieure n’a pas été établi, ni, d’ailleurs, invoqué par le requérant, il y a lieu de relever que la simple similitude conceptuelle entre les marques tenant au fait que celles-ci utilisent une expression, à savoir celle de « el charcutero », ainsi que des images, dont notamment celle d’un charcutier pour l’une et celle d’un cuisinier pour l’autre, lesquelles, bien que concordant dans leur contenu sémantique, sont toutefois faiblement distinctives, ne suffit pas pour créer un risque de confusion (voir, en ce sens, arrêt SABEL, point 33 supra, points 24 et 25). Et c’est, d’autant plus vrai que les différents éléments composant la marque antérieure, considérés séparément, ne jouissent pas d’un caractère distinctif particulier.

86      Partant, et dans la mesure où les marques en cause présentent des différences notables d’un point de vue visuel, la chambre de recours pouvait à juste titre conclure que ces différences étaient suffisantes pour exclure l’existence d’un risque de confusion par le public pertinent.

87      Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir le requérant, la chambre de recours n’a pas méconnu le principe de l’appréciation globale du risque de confusion en concluant à l’absence d’un tel risque.

88      Cette conclusion ne saurait être infirmée par le renvoi opéré par le requérant à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Fifties, point 25 supra (ci‑après l’« affaire Fifties »).

89      À cet égard, il importe de relever que, contrairement à l’affaire Fifties, dans laquelle le terme « fifties » constituait l’élément dominant dans les marques en cause, en l’espèce, l’expression « el charcutero », qui est commune aux signes en conflit, ne jouit pas d’un tel caractère dominant et distinctif dans la mesure où elle n’est pas susceptible de dominer à elle seule l’image globale des marques en cause que le public pertinent garde en mémoire en négligeant tous les autres composants de celles-ci. Par ailleurs, dans l’affaire Fifties, les marques en conflit étaient, pour l’une, une marque verbale et, pour l’autre, une marque figurative. En revanche, en l’occurrence, les deux marques en conflit sont des signes mixtes, c’est-à-dire des signes verbaux et figuratifs à la fois, dont les éléments verbaux et figuratifs sont disposés et colorés d’une manière particulière et distincte. Il s’ensuit que l’affaire Fifties n’est pas comparable à la présente affaire et ne saurait, dès lors, être invoquée pour démontrer que la chambre de recours a erronément appliqué le principe d’interdépendance entre les divers facteurs à prendre en considération dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion.

90      De surcroît, en l’espèce, les différences visuelles notables existant entre les deux marques en conflit compensent largement le degré élevé de similitude constaté entre les produits concernés, ainsi que les similitudes phonétiques et conceptuelles entre les signes en cause.

91      Enfin, en ce qui concerne le risque d’association invoqué par le requérant, il y a lieu de rappeler, d’une part, que la notion de risque d’association n’est pas une alternative à la notion de risque de confusion, mais sert à en préciser l’étendue et que, d’autre part, les termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 excluent qu’il puisse être appliqué s’il n’existe pas, dans l’esprit du public, un risque de confusion (voir, par analogie, arrêt SABEL, point 33 supra, point 18). Or, la chambre de recours, ayant conclu à juste titre à l’absence de risque de confusion en raison des différences visuelles existant entre les marques en conflit, découlant de la disposition particulière et des couleurs distinctes de leurs éléments verbaux et figuratifs, le requérant ne peut utilement invoquer l’existence d’un risque d’association tiré de la reproduction dans la marque demandée de l’expression « el charcutero » faisant partie de la marque antérieure.

92      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il n’existait pas un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, entre la marque demandée et la marque antérieure.

93      Partant, il y a lieu de rejeter le moyen unique tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 et, par voie de conséquence, le présent recours.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par l’OHMI, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Miguel Cabrera Sánchez est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

      M. Jaeger                              

M. Jaege


* Langue de procédure : l’espagnol.