Language of document : ECLI:EU:T:2009:167

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

2 juin 2009 (*)

« Recours en annulation – Marchés publics de services – Appel d’offres concernant l’extension et la remise à niveau du bâtiment Konrad Adenauer à Luxembourg – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Annulation de la procédure de passation du marché – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑524/08,

AIB-Vinçotte Luxembourg (AVLUX ASBL), établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par MR. Adam, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mme M. Ecker et M. D. Petersheim, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du Parlement, du 2 octobre 2008, rejetant l’offre soumise par la requérante dans le cadre d’un appel d’offres concernant l’extension et la remise à niveau du bâtiment Konrad Adenauer à Luxembourg (JO 2008, S 193-254240),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek (rapporteur) et V. M. Ciucă, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        La passation des marchés publics des institutions communautaires est assujettie aux dispositions du titre V de la première partie du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement financier »), ainsi qu’aux dispositions du titre V de la première partie du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1), tel que modifié (ci-après les « modalités d’exécution »).

2        L’article 100, paragraphe 2, du règlement financier dispose :

« Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

Toutefois la communication de certains éléments peut être omise dans les cas où elle ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci. »

3        L’article 101 du règlement financier dispose :

« Le pouvoir adjudicateur peut, jusqu’à la signature du contrat, soit renoncer au marché, soit annuler la procédure de passation du marché, sans que les candidats ou les soumissionnaires puissent prétendre à une quelconque indemnisation.

Cette décision doit être motivée et portée à la connaissance des candidats ou des soumissionnaires. »

4        L’article 149, paragraphes 1 et 2, des modalités d’exécution prévoit :

« 1. Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’attribution du marché ou d’un contrat-cadre ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique, y inclus les motifs pour lesquels ils ont décidé de renoncer à passer un marché ou un contrat-cadre ou à mettre en place un système d’acquisition dynamique pour lequel il y a eu mise en concurrence ou de recommencer la procédure.

2. Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours calendrier à compter de la réception d’une demande écrite, les informations mentionnées à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier. »

 Antécédents du litige et procédure

5        Par courrier du 7 avril 2008, le Parlement européen a informé la requérante, AIB-Vinçotte Luxembourg (AVLUX ASBL), qu’il envisageait la passation d’un marché public relatif à un « Projet d’extension du bâtiment Konrad Adenauer à Luxembourg » contenant deux lots, à savoir le lot A (mission de surveillance des nuisances dues aux travaux) et le lot B (mission d’organisme de contrôle agréé).

6        La requérante a présenté son offre le 19 mai 2008.

7        Par courrier du 2 octobre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), le Parlement a informé la requérante que son offre n’avait pas été retenue et qu’il lui était possible d’obtenir, sur demande écrite, les caractéristiques et les avantages relatifs à l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire du marché.

8        Par courrier du 3 octobre 2008, la requérante a sollicité du Parlement des informations concernant les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire du marché.

9        Par courrier du 9 octobre 2008, le Parlement a communiqué à la requérante le nom des attributaires ainsi que des informations relatives à leur classement et à celui de la requérante.

10      Par courrier du 16 octobre 2008, la requérante a énoncé certains arguments qui, selon elle, iraient à l’encontre d’une telle attribution et a demandé une suspension de la procédure d’adjudication en vue d’un examen complémentaire de son offre.

11      Par courrier du 29 octobre 2008, le Parlement a informé la requérante que, en vertu du principe de précaution, il avait provisoirement suspendu la signature du contrat avec l’attributaire du marché afin de pouvoir analyser les motivations développées dans le courrier de la requérante du 16 octobre 2008. Cependant, il a considéré qu’aucun des arguments développés dans ledit courrier ne lui paraissait être de nature à remettre en cause l’attribution du marché. Il a dès lors fixé un délai de cinq jours ouvrables pour que la requérante puisse lui fournir des éléments nouveaux, faute de quoi il procéderait à la signature du contrat.

12      Par courrier du 6 novembre 2008, la requérante a communiqué au Parlement les raisons pour lesquelles l’attribution du lot B du marché en cause ne pouvait pas, selon elle, être conforme aux critères du cahier des charges et a demandé une comparaison objective des deux offres, à savoir la sienne et celle de l’attributaire.

13      Par courrier du 28 novembre 2008, le Parlement a informé la requérante que la signature du contrat avec l’attributaire du lot B du marché avait été suspendue et que l’analyse de ses arguments était en cours. En outre, il lui a demandé des informations complémentaires concernant son offre.

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 décembre 2008, la requérante a introduit le présent recours visant à l’annulation de la décision attaquée.

15      Par courrier du 30 janvier 2009, le Parlement a informé la requérante qu’il avait décidé d’annuler la procédure de passation du marché en cause.

16      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 février 2009, le Parlement a déposé une demande de non-lieu à statuer.

17      Le 9 mars 2009, la requérante a déposé des observations sur la demande de non-lieu de statuer.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        lui réserver tous les autres droits, voies, moyens et actions, et notamment la condamnation du Parlement à des dommages et intérêts en rapport avec le préjudice subi ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

19      Dans sa demande de non-lieu à statuer, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer ;

–        régler les dépens conformément à l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal.

20      Dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        donner acte à la requérante qu’elle se rapporte à la sagesse du Tribunal quant au bien-fondé de la demande de non-lieu à statuer ;

–        condamner le Parlement aux dépens de la procédure y compris les frais d’avocat exposés par la requérante ;

–        à titre subsidiaire, si les frais d’avocat n’étaient pas remboursables au titre des dépens, condamner le Parlement au paiement des frais au titre des frais frustratoires et vexatoires ;

–        lui réserver tous les autres droits, voies, moyens et actions, et notamment la condamnation du Parlement à des dommages et intérêts en rapport avec le préjudice subi.

 En droit

21      La demande de non-lieu à statuer du Parlement soulève un incident de procédure qu’il convient, en vertu de l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure, de régler sans ouvrir la procédure orale, le Tribunal s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier.

22      Il y a lieu de relever que, en l’espèce, la procédure d’attribution du marché litigieux n’a pas été achevée, l’appel d’offres litigieux ayant été annulé par le Parlement le 30 janvier 2009. Cette décision a été communiquée à la requérante par courrier recommandé.

23      À cet égard, il convient d’observer que le règlement financier et les modalités d’exécution ne comportent aucune disposition imposant expressément au pouvoir adjudicateur qui a procédé à un appel d’offres de mener à son terme une procédure d’attribution d’un marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 18 juin 2002, HI, C‑92/00, Rec. p. I‑5553, point 41 ; ordonnance de la Cour du 16 octobre 2003, Kauppatalo Hansel, C‑244/02, Rec. p. I‑12139, point 30, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec. p. II‑4239, point 55). Il ressort, en particulier, de l’article 101 du règlement financier, de l’article 149, paragraphe 1, des modalités d’exécution, ainsi que du point 7 de la lettre d’invitation à soumissionner du 7 avril 2008, d’une part, que le pouvoir adjudicateur peut, jusqu’à la signature du contrat, soit renoncer au marché, soit annuler la procédure de passation du marché, sans que les candidats ou les soumissionnaires puissent prétendre à une quelconque indemnisation et, d’autre part, que cette décision doit être motivée et portée à la connaissance des candidats ou des soumissionnaires dans les meilleurs délais. Lesdites dispositions ne prévoient pas, en outre, que la décision de renoncer au marché ou d’annuler la procédure de passation du marché soit limitée aux cas exceptionnels ou soit nécessairement fondée sur des motifs graves (ordonnance du Tribunal du 19 octobre 2007, Evropaïki Dynamiki/EFSA, T‑69/05, non publiée au Recueil, point 51 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 16 septembre 1999, Fracasso et Leitschutz, C‑27/98, Rec. p. I‑5697, points 23 et 25 ; HI, précité, point 40, et ordonnance Kauppatalo Hansel, précitée, point 29).

24      En l’espèce, il y a lieu de constater que, par l’adoption de la décision du 30 janvier 2009 annulant l’appel d’offres, le Parlement a rendu la décision attaquée caduque, dès lors qu’il n’existait plus de marché à attribuer. Il a adopté cette décision, après avoir estimé qu’aucune des offres soumises ne répondait pleinement aux objectifs du marché. Dans sa demande de non-lieu à statuer, il a ainsi énoncé qu’il s’était avéré que le soumissionnaire retenu par la décision attaquée ne détenait pas la capacité d’exécuter l’ensemble du marché, parce qu’il ne disposait pas de tous les agréments nécessaires à la totalité des contrôles, tandis que l’offre de la requérante avait été considérée comme inacceptable, puisque le prix qu’elle proposait dépassait très largement les estimations du Parlement.

25      Dans ces circonstances, la caducité de la décision attaquée, qui a engendré sa disparition de l’ordre juridique communautaire, produit des effets équivalant à ceux d’un arrêt d’annulation, sans préjudice du droit de la requérante de contester, le cas échéant, dans le cadre d’un recours distinct, la légalité de la décision d’annulation de l’appel d’offres. En effet, un arrêt qui annulerait la décision attaquée n’entraînerait aucune conséquence juridique supplémentaire par rapport aux conséquences découlant de sa caducité. La requérante ne conserve, dès lors, aucun intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée. Il s’ensuit que le présent recours est devenu sans objet et que, par conséquent, il n’y a plus lieu de statuer (voir, en ce sens, ordonnance Evropaïki Dynamiki/EFSA, précitée, point 53, et la jurisprudence citée).

26      En ce qui concerne le deuxième chef de conclusions de la requête, la requérante, en faisant valoir qu’elle veut se réserver « tous autres droits, voies, moyens et actions », indique uniquement qu’elle entend se réserver la possibilité d’exercer d’autres recours.

27      À cet égard, il y a lieu de relever que le contentieux communautaire ne connaît pas de voie de recours permettant au juge de « donner acte » à une partie de ce qu’elle se réserve le droit de former un recours (arrêt du Tribunal du 14 février 2001, Sodima/Commission, T‑62/99, Rec. p. II‑655, point 28).

28      Partant, le deuxième chef de conclusions de la requête est irrecevable.

29      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

 Sur les dépens

30      Selon l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

31      La requérante estime avoir tout fait pour éviter une procédure devant le Tribunal, contrairement au Parlement. Elle considère que l’annulation de la procédure de passation du marché en cause a été décidée uniquement en raison des observations et des contestations qu’elle a émises. Par ailleurs, elle estime que cette décision d’annulation serait fondée sur une « analyse approfondie de l’ensemble des pièces du dossier », que le Parlement n’aurait effectuée qu’après le dépôt du présent recours en annulation.

32      En l’espèce, le Parlement a suspendu la signature du contrat avec le soumissionnaire initialement choisi sur la base des contestations de la requérante. Cette dernière a introduit le présent recours dans le délai prévu par l’article 230 CE. C’est donc dans ces circonstances que le Parlement a procédé à une analyse approfondie de l’ensemble des pièces du dossier et a adopté la décision d’annulation du marché en cause.

33      Au vu de ces considérations, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que le Parlement supportera l’ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

2)      Le Parlement européen est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 2 juin 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : le français.