Language of document : ECLI:EU:T:2019:254

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

11 avril 2019 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑129/14 P‑DEP,

Carlos Andres, demeurant à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), et les autres membres du personnel de la Banque centrale européenne dont les noms figurent en annexe (1), représentés par Me L. Levi, avocat,

parties requérantes,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. F. Malfrère et Mme B. Ehlers, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de l’arrêt du 4 mai 2016, Andres e.a./BCE (T‑129/14 P, EU:T:2016:267),

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, M. van der Woude et M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 21 février 2014, les requérants, M. Carlos Andres et les autres membres du personnel de la Banque centrale européenne (BCE) dont les noms figurent en annexe, ont introduit, au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, un pourvoi tendant à l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 11 décembre 2013, Andres e.a./BCE (F‑15/10, EU:F:2013:194), par lequel celui-ci avait rejeté leur recours ayant pour objet, en substance, d’une part, l’annulation de leurs bulletins de salaire, à partir de ceux datés du mois de juin 2009, et de leurs bulletins de pension à venir, en ce qu’ils mettaient en œuvre la réforme du régime de prévoyance de la BCE, et, d’autre part, une demande de dommages-intérêts.

2        Par arrêt du 4 mai 2016, Andres e.a./BCE (T‑129/14 P, EU:T:2016:267), le Tribunal a rejeté le pourvoi et a condamné les requérants à supporter les dépens.

3        Par décision du 29 juin 2016, Réexamen Andres e.a./BCE (C‑312/16 RX, non publiée, EU:C:2016:520), la Cour (chambre de réexamen) a décidé qu’il n’y avait pas lieu de procéder au réexamen de l’arrêt du 4 mai 2016, Andres e.a./BCE (T‑129/14 P, EU:T:2016:267).

4        Par courrier du 7 septembre 2017, la BCE a invité les requérants à rembourser la somme de 9 844,50 euros au titre des dépens récupérables afférents à la procédure devant le Tribunal.

5        Par courrier du 26 septembre 2017, les requérants ont demandé un relevé détaillé des prestations indiquant la durée de ces dernières.

6        Par courrier du 24 novembre 2017, la BCE a communiqué aux requérants la ventilation des honoraires de l’avocat externe.

7        Par courrier du 9 février 2018, les requérants ont demandé davantage de détails au sujet des prestations de l’avocat externe.

8        Par courrier du 26 juin 2018, la BCE a communiqué aux requérants une ventilation des honoraires afférents à la procédure de pourvoi et a demandé aux requérants de lui régler le montant demandé avant le 20 juillet 2018.

9        Par courrier du 17 juillet 2018, les requérants ont invité la BCE à indiquer comment elle entendait « répartir les montants qu[’elle] av[ait] repris parmi l’ensemble des requérants »en faisant mention du décès de plusieurs d’entre eux et du départ de certains de la BCE, ainsi que le fait que certains requérants en première instance n’avaient pas fait partie des requérants dans le cadre de l’instance de pourvoi.

10      Par courrier du 18 juillet 2018, la BCE a répondu que la question de la répartition des dépens parmi les requérants demeurait l’affaire de ces derniers et les a informés que, en l’absence du paiement du montant demandé au 20 juillet 2018, elle introduirait une demande en taxation.

11      Les requérants n’ayant procédé à aucun paiement, la BCE a introduit, par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 août 2018, au titre de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la présente demande de taxation des dépens, par laquelle elle a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer le montant total des dépens récupérables par elle dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 mai 2016, Andres e.a./BCE (T‑129/14 P, EU:T:2016:267), à 10 344,50 euros.

12      Dans leurs observations déposées au greffe du Tribunal le 16 octobre 2018, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de taxation des dépens et condamner la BCE aux dépens de la présente procédure ;

–        à titre subsidiaire, fixer le montant des dépens récupérables à :

–        9 000 euros au titre des honoraires de l’avocat ;

–        200 euros au titre des dépens liés à la présente procédure.

 En droit

 Sur le caractère récupérable des dépens

13      Aux termes de l’article 170, paragraphe 3, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée par la demande en mesure de présenter ses observations.

14      Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ».

15      Selon une jurisprudence constante, il découle de l’article 140, sous b), du règlement de procédure que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnance du 7 septembre 2017, Marcuccio/Commission, T‑324/14 P‑DEP, non publiée, EU:T:2017:592, point 8 et jurisprudence citée).

16      À défaut de dispositions de nature tarifaire dans le droit de l’Union européenne, le juge doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu nécessiter de la part des agents ou conseils qui sont intervenus et des intérêts économiques que le litige a représenté pour les parties (voir ordonnance du 7 septembre 2017, Marcuccio/Commission, T‑324/14 P‑DEP, non publiée, EU:T:2017:592, point 9 et jurisprudence citée).

17      En fixant les dépens récupérables, le Tribunal tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (voir ordonnance du 7 septembre 2017, Marcuccio/Commission, T‑324/14 P‑DEP, non publiée, EU:T:2017:592, point 10 et jurisprudence citée).

18      À cet égard, ainsi qu’il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, les institutions de l’Union sont libres de recourir à l’assistance d’un avocat. La rémunération de ce dernier entre donc dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure, sans que l’institution soit tenue de démontrer qu’une telle assistance était objectivement justifiée. Dès lors, si le fait pour la BCE d’avoir fait intervenir deux agents et un avocat externe dans l’affaire principale est dénué de conséquence sur la nature potentiellement récupérable de ces dépens, rien ne permettant de les exclure par principe, il peut avoir un impact sur la détermination du montant des dépens exposés aux fins de la procédure à recouvrer in fine (voir, en ce sens, ordonnance du 7 septembre 2017, Marcuccio/Commission, T‑324/14 P‑DEP, non publiée, EU:T:2017:592, point 11 et jurisprudence citée).

19      Partant, les honoraires d’avocat ainsi que les frais de déplacement et de séjour exposés par ce dernier et par les agents de la BCE, réclamés par cette dernière, ont un caractère récupérable.

 Sur le montant des dépens récupérables

20      Afin d’apprécier, sur la base des critères énumérés au point 16 ci-dessus, le caractère indispensable des frais effectivement exposés aux fins de la procédure, des indications précises doivent être fournies par le demandeur (voir, en ce sens, ordonnances du 17 février 2004, DAI/ARAP e.a., C‑321/99 P‑DEP, non publiée, EU:C:2004:103, point 23, et du 31 mars 2011, Tetra Laval/Commission, T‑5/02 DEP et T‑80/02 DEP, non publiée, EU:T:2011:129, point 68). Dans le même sens, le caractère forfaitaire de la rémunération n’a pas d’incidence sur l’appréciation par le Tribunal du montant recouvrable au titre des dépens, le juge se fondant sur des critères prétoriens bien établis et sur les indications précises que les parties doivent lui fournir. Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place cependant dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur (voir ordonnance du 10 mars 2017, Marcuccio/Commission, T‑711/16 DEP, non publiée, EU:T:2017:177, point 29 et jurisprudence citée).

21      En premier lieu, la BCE réclame une somme de 9 000 euros correspondant à la somme forfaitaire négociée avec son avocat externe pour couvrir l’ensemble de ses honoraires exposés aux fins de la procédure de pourvoi.

22      S’agissant, premièrement, de la nature du litige, la présente demande concerne les dépens exposés dans le cadre d’un pourvoi devant le Tribunal, une procédure qui, en raison de sa nature même, est limitée aux questions de droit et n’a pas pour objet la constatation de faits (voir ordonnance du 15 décembre 2016, Marcuccio/Commission, T‑229/13 P‑DEP, non publiée, EU:T:2016:755, point 15 et jurisprudence citée).

23      Deuxièmement, s’agissant de l’objet du litige et des difficultés de la cause, il convient de relever que, à l’appui de leur pourvoi, les requérants ont soulevé huit moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 6.8 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi du personnel de la BCE, prévues à l’article 36.1 du protocole sur les statuts du Système européen de banques centrales (SEBC) et de la BCE (ci-après, respectivement, les « conditions d’emploi » et l’« ancienne annexe III des conditions d’emploi »), d’une violation des principes de légalité et de sécurité juridique, ainsi que d’une violation de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique ; le deuxième, d’une méconnaissance des compétences du comité de surveillance, d’une violation de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi et du mandat du comité de surveillance ainsi que d’une violation du principe de bonne foi ; le troisième, d’une violation du droit de consultation du comité du personnel et du comité de surveillance, d’une violation du principe de bonne foi, d’une violation des articles 45 et 46 des conditions d’emploi, d’une violation du protocole d’accord portant sur les relations entre le directoire et le comité du personnel de la BCE, d’une violation de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi et du mandat du comité de surveillance ainsi que d’une dénaturation du dossier ; le quatrième, d’une violation de l’article 6.3 de l’ancienne annexe III des conditions d’emploi, d’une violation de l’obligation du contrôle, par le Tribunal de la fonction publique, des motifs de la décision du 4 mai 2009 portant réforme du régime de prévoyance de la BCE, d’une violation du principe de bonne gestion financière ainsi que d’une dénaturation du dossier et des éléments de preuve ; le cinquième, d’une violation des règles relatives au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation et d’une dénaturation du dossier ; le sixième, d’une violation du principe de proportionnalité, d’une violation de l’obligation de motivation, d’une violation des règles de preuve et d’une dénaturation du dossier ; le septième, d’une méconnaissance de la différence de nature entre la relation d’emploi contractuelle et la relation d’emploi statutaire, d’une violation des conditions fondamentales de la relation d’emploi et d’une violation de la directive 91/533/CEE du Conseil, du 14 octobre 1991, relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (JO 1991, L 288, p. 32), et le huitième, d’une violation des droits acquis.

24      Au vu des nombreux moyens et griefs soulevés, il convient de conclure que l’affaire en cause, même si elle a pu être jugée en application d’une jurisprudence constante, était relativement complexe et soulevait des questions d’une certaine difficulté.

25      Troisièmement, s’agissant de l’importance du litige sous l’angle du droit de l’Union et, en particulier, du droit de la fonction publique de l’Union, il convient de prendre en considération le fait que le recours visait à contester la décision du conseil des gouverneurs de la BCE portant réforme de son régime de prévoyance. Dans ce cadre, le Tribunal a pu apporter certaines précisions concernant, notamment, la nature des dispositions des conditions d’emploi relatives au régime de prévoyance des membres du personnel de la BCE.

26      Quatrièmement, ainsi que l’observe la BCE, l’affaire en cause revêtait une portée considérable pour ladite institution qui visait à défendre la décision portant réforme de son régime de prévoyance susceptible d’affecter considérablement tant ses intérêts économiques, dès lors qu’elle cherchait à créer un système de pension financièrement viable, que ceux des requérants.

27      Cinquièmement, quant à la charge de travail que la procédure a pu engendrer pour le conseil de la BCE, il y a lieu de relever que la phase écrite de la procédure a consisté en un mémoire en réponse de 30 pages. Quant à la phase orale de la procédure, ledit conseil a notamment préparé une plaidoirie d’audience et assuré la représentation de sa cliente lors de celle-ci.

28      Les requérants ne contestent pas la somme forfaitaire de 9 000 euros exposés dans le cadre de la procédure de pourvoi et correspondant à 53,75 heures de travail effectuées par l’avocat externe.

29      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que le juge de l’Union n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le juge de l’Union n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance du 16 février 2017, Marcuccio/Commission, T‑498/16 DEP, non publiée, EU:T:2017:120, point 22 et jurisprudence citée).

30      Or, le Tribunal considère que la quantité de travail de l’avocat qui agissait pour la BCE était nécessaire et appropriée, au regard de la portée et de l’importance économique et juridique de l’affaire en cause pour la BCE et les requérants. En outre, la somme forfaitaire de 9 000 euros d’honoraires d’avocat pour le travail effectué apparaît raisonnable et constitue ainsi des dépens récupérables.

31      En deuxième lieu, la BCE demande la somme de 500 euros d’honoraires d’avocat exposée dans le cadre de la présente procédure de taxation des dépens, ce qui correspondrait à deux heures de travail à un taux horaire de 250 euros. Les requérants contestent ce montant.

32      À cet égard, il est admis qu’une demande de taxation des dépens présente un caractère plutôt standardisé et se distingue, en principe, par l’absence de toute difficulté pour l’avocat qui a déjà traité du fond de l’affaire (voir ordonnance du 29 novembre 2016, Brune/Commission, T‑513/16 DEP, non publiée, EU:T:2016:709, point 40 et jurisprudence citée).

33      Or, s’il apparaît que le taux horaire de l’avocat externe de la BCE est approprié (voir, en ce sens, ordonnances du 18 septembre 2018, Marcuccio/Commission, T‑720/17 RENV DEP II, non publiée, EU:T:2018:581, point 39, et du 5 octobre 2018, Trampuz/Commission, T‑348/18 DEP, non publiée, EU:T:2018:657, points 23 et 25), le nombre d’heures de travail doit être réduit à une heure, compte tenu du fait que la demande de taxation des dépens contient cinq pages au total et que la plupart des faits et arguments qui y sont présentés sont identiques à ceux déjà contenus dans la demande de taxation des dépens introduite par la BCE à la suite de l’arrêt du 11 décembre 2013, Andres e.a./BCE (F‑15/10, EU:F:2013:194).

34      Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des dépens exposés par l’avocat de la BCE au titre de la présente procédure en les limitant à un montant de 250 euros.

35      En troisième lieu, la BCE demande le remboursement d’une somme de 844,50 euros à titre de frais de voyage et de séjour de ses agents et de l’avocat externe. Les requérants contestent ce montant.

36      Le Tribunal considère que seuls les frais de voyage de 654,50 euros aux fins de la participation des agents et de l’avocat externe de la BCE à l’audience le 13 octobre 2015 à Luxembourg (Luxembourg), dûment justifiés, peuvent être considérés comme ayant été indispensables aux fins de la procédure et, dès lors, récupérables.

37      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation de l’intégralité des dépens récupérables par la BCE en fixant leur montant à 9 904,50 euros, ce qui tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à la date de l’adoption de la présente ordonnance, conformément au point 17 ci-dessus.

Par ces motifs,


LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser à la Banque centrale européenne (BCE) par M. Carlos Andres et les autres membres du personnel de la BCE dont les noms figurent en annexe est fixé à 9 904,50 euros.

Fait à Luxembourg, le 11 avril 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Jaeger


*      Langue de procédure : le français.


1      La liste des autres membres du personnel de la Banque centrale européenne n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.