Language of document : ECLI:EU:T:2007:293

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

20 septembre 2007 (*)

« Aides d’État – Mesures visant à promouvoir l’utilisation de matériaux d’isolation produits à partir de matières premières renouvelables – Décision déclarant les aides compatibles avec le marché commun – Procédure préliminaire d’examen – Recours en annulation – Recevabilité – Notion d’intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE – Obligation de la Commission d’ouvrir la procédure contradictoire »

Dans l’affaire T‑375/03,

Fachvereinigung Mineralfaserindustrie eV Deutsche Gruppe der Eurima – European Insulation Manufacturers Association, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Mes T. Schmidt-Kötters, D. Uwer et K. Najork, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Kreuschitz et M. Niejahr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. W.-D. Plessing, M. Lumma et Mme C. Schulze-Bahr, puis par M. Plessing et Mme Schulze-Bahr, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2003) 1473 final de la Commission, du 9 juillet 2003, déclarant compatibles avec le marché commun les mesures que les autorités allemandes envisagent d’adopter afin de promouvoir l’utilisation de matériaux d’isolation produits à partir de matières premières renouvelables (aide N 694/2002),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 mars 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 87 CE :

« 1.      Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

[...]

3.       Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun :

[...]

c)      les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ;

[...] »

2        Aux termes de l’article 88 CE :

« 1.      La Commission procède avec les États membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun.

2.      Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.

[...]

3.      La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l’article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale. »

3        Le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), établit les règles de procédure applicables à l’examen des aides d’État par la Commission.

4        Selon l’article 4, paragraphe 3, dudit règlement, si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun.

5        En revanche, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, dudit règlement, si la Commission constate que ladite mesure suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE. Cette décision doit, conformément à l’article 4, paragraphe 5, être prise dans un délai de deux mois à compter de la réception d’une notification complète.

6        Lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE, elle doit, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, inviter l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé. À cet égard, l’article 1, sous h), du règlement n° 659/1999, prévoit que la notion de partie intéressée inclut « tout État membre et toute personne, entreprise, association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ».

7        Selon l’article 26, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, la Commission publie au Journal officiel de l’Union européenne une communication succincte des décisions qu’elle prend en application de l’article 4, paragraphe 3, du même règlement. Cette communication mentionne la possibilité de se procurer un exemplaire de la décision dans la ou les versions linguistiques faisant foi.

8        Aux termes de l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement, publié au Journal officiel de l’Union européenne du 3 février 2001 (JO C 37, p. 3, ci-après l’« encadrement »), la Commission indique les conditions dans lesquelles certaines aides peuvent être déclarées compatibles avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 3, CE.

9        Cet encadrement prévoit notamment au point E.3.1. que des aides au fonctionnement en faveur de la gestion des déchets et en faveur des économies d’énergie sont susceptibles d’être compatibles avec le marché commun. Dans l’hypothèse où ces aides sont dégressives, leur « intensité peut atteindre 100 % des surcoûts la première année, mais doit baisser de façon linéaire pour arriver à un taux zéro à la fin de la cinquième année » (paragraphe 45). Par contre, « en cas d’aide non dégressive, la durée de l’aide est limitée à cinq années et son intensité est limitée à 50 % des surcoûts » (paragraphe 46).

10      Cet encadrement prévoit également, au point E.3.3., que des aides au fonctionnement en faveur des énergies renouvelables peuvent être compatibles avec le marché commun. Ces aides peuvent couvrir 100 % des surcoûts occasionnés par l’utilisation de telles énergies.

 Faits à l’origine du litige

11      La requérante est une association regroupant des producteurs et distributeurs d’isolants produits à partir de matériaux minéraux, dont le siège ou l’établissement principal se situe en Allemagne.

12      Par lettre du 30 septembre 2002, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission, en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE, une mesure d’aide intitulée « Directives visant à promouvoir les projets centrés sur l’utilisation de matériaux d’isolation produits à partir de matières premières renouvelables dans le cadre du programme d’introduction sur le marché dit ‘Matières premières renouvelables’, adopté par le ministère fédéral de la Protection des consommateurs, de l’Alimentation et de l’Agriculture » (« Richtlinie zur Förderung von Projekten zum Schwerpunkt ‘Einsatz von Dämmstoffen aus nachwachsenden Rohstoffen’ im Rahmen des Markteinführungsprogramms ‘Nachwachsende Rohstoffe’ des Bundesministeriums für Verbraucherschutz, Ernährung und Landwirtschaft »). Initialement, il était prévu que la durée de cette mesure d’aide serait limitée à 18 mois. La notification de la mesure a été enregistrée par la Commission en tant qu’aide notifiée sous le numéro N 694/2002 (ci-après « l’aide en cause »).

13      Par lettre du 18 novembre 2002, la Commission a communiqué à la République fédérale d’Allemagne des questions écrites, auxquelles celle-ci a répondu par lettre du 2 décembre 2002.

14      Par lettres des 6 février 2003 et 8 mai 2003, la Commission a adressé à la République fédérale d’Allemagne des questions écrites supplémentaires, auxquelles celle-ci a répondu, respectivement, le 11 mars 2003 et les 6 et 27 juin 2003.

15      Par lettre du 9 juillet 2003 adressée à la République fédérale d’Allemagne (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a indiqué que l’aide en cause constituait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, mais que ladite aide était compatible avec le marché commun en application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

16      Le 21 août 2003, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne, une communication par laquelle elle a informé les tiers, en résumant les données essentielles de l’aide en cause, qu’elle ne soulevait pas d’objection à l’encontre de celle-ci (JO C 197, p. 11). Aux termes de cette communication, la Commission précisait par ailleurs :

« Le texte de la décision [attaquée] dans la ou les langues faisant foi expurgé des données confidentielles est disponible sur le site :

http://europa.eu.int/comm/secretariat_general/sgb/state_aids. »

17      Il ressort de la décision attaquée (considérants 15 à 21) que l’aide en cause avait pour objectif de promouvoir l’achat d’isolants produits à partir de matériaux renouvelables, par le biais d’incitations financières en faveur d’utilisateurs privés, et, ainsi, de contribuer à une diminution des coûts des produits et à l’amélioration de leur rentabilité.

18      Les articles dont l’achat était susceptible de bénéficier de l’aide en cause étaient les isolants thermiques et sonores produits à partir de matériaux renouvelables figurant sur une liste d’isolants éligibles. Lesdits isolants éligibles devaient remplir certains critères qualitatifs à savoir, notamment, avoir reçu un agrément et répondre à des critères relatifs à leur contenu en matériaux renouvelables, à l’isolation thermique, à la sécurité sanitaire et à l’environnement. Lesdits isolants éligibles étaient également répartis en deux catégories selon qu’ils remplissaient ou non certains critères supplémentaires définis par la Verein für zukunftsfähiges Bauen und Wohnen, Neckargemünd (natureplus e.V.) (association destinée à promouvoir une construction et un habitat d’avenir). Il est constant que certains isolants, pourtant fabriqués à base de matériaux renouvelables, ne pouvaient pas bénéficier de l’aide en cause, en raison du fait qu’ils n’étaient pas conformes à tous ces critères supplémentaires de qualité. Tel était notamment le cas des produits à base de papier recyclé/cellulose, de fibres de jute, de sisal et de coco ainsi que les produits à base de bois.

19      La liste des isolants éligibles était établie par l’agence spécialisée pour les matières premières renouvelables (Fachagentur nachwachsende Rohstoffe e.V., ci-après la « FNR »), une association de droit privé chargée par le ministère compétent de l’exécution de l’aide en cause, en particulier, de l’examen des demandes d’aides et de l’attribution de celles-ci.

20      L’aide en cause était accordée par la FNR sous la forme d’une subvention à l’achat non remboursable. Elle s’élevait à 40 euros par m3 d’isolant acheté en ce qui concernait les produits de la catégorie 1 de la liste des isolants éligibles et à 30 euros par m3 d’isolant acheté en ce qui concernait les produits de la catégorie 2 de ladite liste. L’octroi de l’aide était toutefois subordonné à la disponibilité de ressources budgétaires.

21      L’aide en cause pouvait être sollicitée par tous particuliers, communautés d’achat ainsi que par toutes entreprises industrielles et commerciales ayant la qualité de propriétaires, de preneurs d’un bail à ferme, de locataires ou de maîtres d’œuvre d’immeubles dans lesquels les isolants produits à partir de matériaux renouvelables étaient censés être incorporés. Les immeubles en question devaient être situés en Allemagne.

22      Au considérant 17 de la décision attaquée, la Commission a conclu que l’aide en cause devait s’analyser comme une aide aux entreprises productrices d’isolants produits à base de matériaux renouvelables.

23      La Commission a indiqué aux considérants 22 à 39 de la décision attaquée que l’aide en cause était compatible avec le marché commun, en application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. En effet, bien que cette mesure, qui avait pour objectif de protéger l’environnement, ne soit pas couverte par l’encadrement, la Commission a considéré que les isolants favorisés par l’aide en cause présentaient, de façon évidente, des avantages pour l’environnement. L’aide en cause constituant une aide au fonctionnement, la Commission en a examiné la compatibilité avec le marché commun en utilisant, par analogie, les critères établis au point E.3.1. de l’encadrement, consacré aux aides au fonctionnement dans le secteur des aides à l’environnement. Elle a constaté à cet égard que l’aide en cause était limitée à une durée de 18 mois et que son objectif était de couvrir une partie seulement des surcoûts liés à l’utilisation de matériaux renouvelables. Elle a donc conclu à la compatibilité de la mesure envisagée avec le marché commun.

24      Le 24 août 2003, l’aide en cause est entrée en vigueur. Elle était applicable jusqu’au 31 décembre 2004.

25      Par lettre du 23 décembre 2004, la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission un projet de modifications à l’aide en cause, sur le fondement de l’article 4 du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 659/1999 (JO L 140, p. 1) (ci-après le « règlement n° 794/2004 »). Ces modifications consistaient, d’une part, en un prolongement de deux ans de la mesure d’aide initialement notifiée et, d’autre part, en une diminution du montant octroyé lors de l’achat d’isolants éligibles, la subvention étant ramenée à 35 euros par m3 pour ceux compris dans la catégorie 1 et à 25 euros par m3 pour ceux compris dans la catégorie 2. La Commission a enregistré cette notification sous la référence N 260b/2004.

26      Par décision C (2005) 379, du 11 février 2005, relative à l’aide d’État N 260b/2004 (Allemagne – prolongation du programme visant à promouvoir l’utilisation de matériaux d’isolation produits à partir de matières premières renouvelables), la Commission a conclu que la mesure notifiée constituait une aide d’État, mais qu’elle ne suscitait pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun pour les mêmes raisons que celles retenues par la décision attaquée.

 Procédure et conclusions des parties

27      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 novembre 2003, la requérante a introduit le présent recours.

28      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 février 2004, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 mars 2004, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.

30      Par ordonnance du 25 juin 2004, le Tribunal (troisième chambre) a décidé de joindre l’examen de l’exception d’irrecevabilité au fond.

31      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juillet 2005, la requérante a introduit un recours ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2005) 379 de la Commission, du 11 février 2005, relative à l’aide d’État N 260b/2004 (Allemagne – prolongation du programme visant à promouvoir l’utilisation de matériaux d’isolation produits à partir de matières premières renouvelables). Ce recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑254/05.

32      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

33      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 8 mars 2006, les affaires T‑375/03 et T‑254/05 ont été jointes aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

34      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 23 mars 2006.

35      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

36      La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à tout le moins, non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité

37      Par son exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir, d’une part, que la requérante n’a pas qualité pour agir, en ce qu’elle n’est pas individuellement concernée par la décision attaquée, et, d’autre part, que le recours est tardif.

A –  Sur la qualité pour agir de la requérante

1.     Arguments des parties

38      La Commission soutient que la requérante n’est pas individuellement concernée par la décision attaquée.

39      La Commission rappelle qu’une association comme la requérante, qui a pour objet de défendre les intérêts collectifs d’une catégorie de justiciables, ne peut être individuellement concernée par un acte affectant les intérêts généraux de cette catégorie que dans deux hypothèses, soit qu’il existe des circonstances particulières, comme par exemple le rôle joué par l’association dans la procédure qui a abouti à l’adoption de l’acte en cause, soit que les membres de l’association soient concernés individuellement par l’acte en cause en tant que particuliers.

40      Il n’y aurait en l’espèce aucune circonstance particulière de nature à fonder un intérêt à agir propre à la requérante. En particulier, la requérante n’aurait été ni négociatrice de l’aide en cause, ni interlocutrice privilégiée de la Commission dans le cadre de la procédure d’examen de ladite mesure au regard des règles relatives aux aides d’État.

41      Les membres de la requérante ne seraient pas non plus concernés individuellement par la décision attaquée, car cette décision ne les atteindrait pas en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire de cette décision (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 36).

42      En l’espèce, la Commission estime que la requérante ne saurait soutenir qu’elle est individualisée du fait, d’une part, que ses membres possèdent, en ce qui concerne la procédure d’aide d’État litigieuse, la qualité d’intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 et, d’autre part, que ses membres sont affectés par la distorsion de concurrence résultant de l’autorisation de l’aide en cause par la Commission.

43      S’agissant, en premier lieu, de la qualité d’intéressé de la requérante, la Commission relève que, dans ses arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission (C‑198/91, Rec. p. I‑2487), et du 15 juin 1993, Matra/Commission (C‑225/91, Rec. p. I‑3203), la Cour a jugé que les concurrents du bénéficiaire d’une aide étaient individuellement concernés par une décision de la Commission d’autoriser l’aide en cause sans ouvrir la procédure formelle d’examen. Cette jurisprudence ne trouverait cependant pas à s’appliquer lorsque la Commission déclare compatible avec le marché commun un régime d’aide général dont les bénéficiaires potentiels ne sont définis que d’une manière générale et abstraite (arrêt du Tribunal du 5 juin 1996, Kahn Scheepvaart/Commission, T‑398/94, Rec. p. II‑477, points 48 et 49). L’existence d’un bénéficiaire actuel présupposerait l’application concrète du régime d’aide par l’octroi d’aides individuelles, de sorte qu’il n’y aurait pas d’entreprises concurrentes susceptibles de se prévaloir des garanties de procédure prévues par l’article 88, paragraphe 2, CE. Or, le régime d’aide examiné en l’espèce consisterait précisément en un régime d’aide générale, le groupe des bénéficiaires directs étant défini de manière générale et abstraite.

44      S’agissant, en second lieu, de la distorsion de la concurrence invoquée par la requérante, elle ne serait pas susceptible d’individualiser les membres de la requérante. Ces membres ne seraient pas les seules entreprises potentiellement affectées et de toute façon, une distorsion de concurrence supposerait, elle aussi, la mise en œuvre concrète du régime par l’octroi d’aides individuelles.

45      La requérante soutient que son recours est recevable et fait valoir, en premier lieu, qu’elle est individuellement et directement concernée par la décision attaquée en tant que partie intéressée au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, en raison du fait qu’elle est une association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide. Elle prétend, en second lieu, que certains de ses membres sont individuellement et directement concernés par la décision attaquée en tant que parties intéressées au sens de ces mêmes articles.

2.     Appréciation du Tribunal

46      Il convient de rappeler, premièrement, que selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts de la Cour Plaumann/Commission, point 41 supra, 223 ; Cook/Commission, point 43 supra, point 20 ; du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec. p. I‑4087, point 36, et du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, point 33).

47      S’agissant d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 88 CE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée par le paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 du même article. Ce n’est que dans le cadre de celle-ci, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité CE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts Cook/Commission, point 43 supra, point 22 ; Matra/Commission, point 43 supra, point 16, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 46 supra, point 34).

48      Lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché commun, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge communautaire cette décision (arrêts de la Cour Cook/Commission, point 43 supra, point 23 ; Matra/Commission, point 43 supra, point 17 ; du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 40, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 46 supra, point 35 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 mars 2004, Danske Busvognmænd/Commission, T‑157/01, Rec. p. II‑917, point 40).

49      Pour ces motifs, est recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 46 supra, point 35).

50      Or, les intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, qui peuvent ainsi, conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, introduire des recours en annulation, sont les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France, point 48 supra, point 41, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 46 supra, point 36).

51      En revanche, si le requérant met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, le simple fait qu’il puisse être considéré comme un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Le requérant doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de la jurisprudence Plaumann/Commission, point 41 supra. Il en serait notamment ainsi au cas où la position sur le marché du requérant serait substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision prise sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, CE et constatant la compatibilité d’une aide avec le marché commun (arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 46 supra, point 37).

52      Il y a lieu de relever, deuxièmement, que les recours formés par des associations sont recevables, selon la jurisprudence, dans trois situations, à savoir lorsqu’elles représentent les intérêts de requérants qui, eux, seraient recevables à agir (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Greenpeace Council e.a./Commission, C‑321/95 P, Rec. p. I‑1651, points 14 et 29), ou lorsqu’elles sont individualisées en raison de l’affectation de leurs intérêts propres en tant qu’association, notamment parce que leur position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée (ordonnances du Tribunal du 30 septembre 1997, Federolio/Commission, T‑122/96, Rec. p. II‑1559, point 61 ; du 23 novembre 1999, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, T‑173/98, Rec. p. II‑3357, point 47, et du 8 septembre 2005, ASAJA e.a./Conseil, T‑295/04 à T‑297/04, Rec. p. II‑3151, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85, 70/85, Rec. p. 219, points 21 à 24 ; du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 28 à 30, et du 23 mai 2000, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, C‑106/98 P, Rec. p. I‑3659, point 42), ou encore lorsqu’une disposition légale leur reconnaît expressément une série de facultés à caractère procédural (ordonnances du Tribunal Federolio/Commission, précitée, point 61, et du 28 juin 2005, FederDoc e.a./Commission, T‑170/04, Rec. p. II‑2503, point 49).

53      En l’espèce, la requérante soutient qu’elle dispose d’un intérêt propre à introduire le présent recours en raison de l’affectation de sa position de négociatrice. Par ailleurs, elle affirme qu’elle représente les intérêts d’entreprises qui seraient recevables à agir.

 Sur l’affectation individuelle de la requérante

54      La requérante se prévaut des arrêts Van der Kooy e.a./Commission, point 52 supra, et CIRFS e.a./Commission, point 52 supra (points 28 à 30), et soutient que, si la Commission avait entamé la deuxième phase d’examen visée à l’article 88, paragraphe 2, CE pour apprécier la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, elle aurait eu un rôle particulier de négociatrice susceptible d’être de nature à l’individualiser.

55      Force est de constater que la requérante ne peut, en l’espèce, être considérée comme négociatrice au sens de la jurisprudence précitée, qui ne se réfère qu’à la participation d’une partie intéressée à la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. En effet, la décision attaquée étant intervenue sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, la requérante n’a pas participé à une procédure d’examen prévue au paragraphe 2 de cet article. Par ailleurs, elle n’a, à aucun moment, même durant la procédure préliminaire d’examen conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE, été l’interlocuteur de la Commission. Enfin, la seule circonstance que, dans l’hypothèse de l’ouverture de la procédure conformément à l’article 88, paragraphe 2, CE, la requérante aurait pu éventuellement et de sa propre initiative apporter des éléments d’informations utiles n’est pas suffisante pour l’individualiser au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE.

56      Il convient dès lors de conclure que la requérante n’a pas d’intérêt propre à agir contre le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en cause en tant que telle. Dans la mesure où l’argument de la requérante vise à soutenir qu’elle a un intérêt propre à agir en vue de faire sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tire de l’article 88, paragraphe 2, CE, le Tribunal estime opportun d’examiner cet argument conjointement avec sa qualité pour agir dérivée, à ce titre, de la situation de ses membres.

 Sur l’affectation individuelle des membres de la requérante

57      La requérante prétend qu’elle représente des membres qui sont directement et individuellement concernés par la décision attaquée pour deux raisons. D’une part, ses membres auraient la qualité d’intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE. D’autre part, la position concurrentielle de ses membres serait affectée.

58      S’agissant, en premier lieu, de l’affectation de la position concurrentielle de certains membres de la requérante, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle si un requérant met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de la jurisprudence Plaumann/Commission, point 41 supra. Il en serait notamment ainsi au cas où la position concurrentielle serait substantiellement affectée par l’aide en cause (arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 46 supra, point 37).

59      En l’espèce, l’aide en cause vise à promouvoir l’utilisation d’isolants fabriqués à base de matériaux renouvelables et, partant, a pour effet d’augmenter les parts de marché de ces isolants au détriment des parts de marché des isolants fabriqués à base de matériaux minéraux. Ainsi, l’aide en cause est de nature à affecter la situation concurrentielle des membres de la requérante.

60      Les documents annexés aux observations de la requérante sur l’exception d’irrecevabilité montrent cependant que, jusqu’à la mi-février 2004, les aides versées représenteraient un montant total compris entre 984 780 et 1 313 040 euros, de sorte que, jusqu’à la mi-février 2004, chacune des treize entreprises inscrites sur la liste établie par la FNR aurait reçu en moyenne une aide d’environ 100 000 euros au maximum. Pour cette période, l’aide en cause aurait dès lors porté sur un volume total de 32 826 m3 de matériaux isolants, ce qui représenterait une portion extrêmement faible du marché pertinent, dès lors que, en 2001, 29 millions de m3 d’isolants auraient été utilisés en Allemagne. En d’autres termes, l’aide en cause n’aurait affecté que 0,1 % du marché pertinent. Elle n’est, dès lors, pas de nature à affecter substantiellement la position concurrentielle des membres de la requérante. Il en résulte que la requérante n’est pas recevable à former un recours en annulation concernant le bien-fondé de la décision attaquée, en vertu de la jurisprudence issue de l’arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 46 supra (point 37). Néanmoins, il résulte de l’affectation de la position concurrentielle des membres de la requérante que ceux-ci ont la qualité d’intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE.

61      À cet égard, ne saurait prospérer l’argument de la Commission selon lequel il résulterait de l’arrêt Kahn Scheepvaart/Commission, point 43 supra, que, en l’absence d’une mise en exécution de l’aide en cause, la requérante ne peut pas être considérée comme un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE et, partant, se voir appliquer les conditions de recevabilité retenues par la jurisprudence illustrée par les arrêts Cook/Commission et Matra/Commission, point 43 supra.

62      Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer de manière générale sur la question de savoir si et dans quelles conditions, dans le cas d’un régime d’aide, un requérant est en mesure de faire valoir, aux fins de démontrer la recevabilité de son recours, la violation des droits procéduraux conférés par l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêts Cook/Commission, point 43 supra, point 23 ; Matra/Commission, point 43 supra, point 17, et Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 46 supra, points 35 et 36), il suffit de constater, en l’espèce, qu’il découle de l’objet du régime d’aide en cause, qui est de favoriser les isolants produits à partir de matériaux renouvelables de manière à les rendre plus compétitifs que les matériaux isolants produits à partir d’autres matériaux, que ce sont les producteurs de ces derniers produits qui seront essentiellement affectés dans leur position concurrentielle et que cette affectation est certaine et non potentielle dès l’adoption de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, Waterleiding Maatschappij/Commission, T‑188/95, Rec. p. II‑3713, point 80).

63      En conséquence, l’affectation de la position concurrentielle de certains des membres de la requérante est suffisante pour conclure que celle-ci est recevable à agir pour la défense des droits procéduraux de certains de ses membres. Ensuite, il convient de vérifier si, par son recours, la requérante entend effectivement défendre les droits procéduraux résultant, pour certains de ses membres, de l’article 88, paragraphe 2, CE.

64      À cet égard, il y a lieu de relever que par son premier moyen, la requérante soutient expressément que la Commission aurait dû ouvrir la procédure d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Par contre, le deuxième moyen est pris de la violation de l’article 87 CE, car la décision attaquée aurait été fondée sur des constatations factuelles insuffisantes et le troisième moyen est pris de la violation du principe de proportionnalité et de l’interdiction de toute discrimination et, de ce fait, de principes fondamentaux du droit communautaire. La requérante a par ailleurs précisé à l’audience qu’il convenait de comprendre son deuxième et son troisième moyen comme visant également à montrer l’existence de difficultés sérieuses quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, doutes qui, selon la requérante, auraient dû amener la Commission à entamer la procédure d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

65      Il convient de rappeler à cet égard que le Tribunal doit interpréter les moyens d’un requérant par leur substance plutôt que par leur qualification (arrêt de la Cour du 15 décembre 1961, Fives Lille Cail e.a./Haute Autorité, 19/60, 21/60, 2/61 et 3/61, Rec. p. 561). Dans la matière spécifique du contrôle des aides d’Etat, il n’appartient cependant pas au Tribunal d’interpréter le recours d’un requérant mettant en cause exclusivement le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide en tant que telle comme visant en réalité à sauvegarder les droits procéduraux que le requérant tire de l’article 88, paragraphe 2, CE lorsque le requérant n’a pas expressément formé de moyen poursuivant cette fin. Dans une telle hypothèse, l’interprétation du moyen conduirait à une requalification de l’objet du recours (voir, en ce sens, arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, point 46 supra, points 44 et 45). À tout le moins le Tribunal doit-il se fonder à cette fin sur des éléments présentés par le requérant et qui permettent de conclure que le requérant vise en substance la sauvegarde de ses droits procéduraux.

66      Cette limite au pouvoir d’interprétation des moyens par le Tribunal n’a pas pour effet d’empêcher celui-ci d’examiner des arguments de fond avancés par un requérant afin de vérifier s’ils apportent aussi des éléments à l’appui d’un moyen, formé par le requérant, soutenant expressément l’existence de difficultés sérieuses qui auraient justifié l’ouverture de la procédure visée à l’article 88, paragraphe 2, CE (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, T‑158/99, Rec. p. II‑1, points 141, 148, 155, 161 et 167).

67      Il en résulte que, pour se prononcer sur le premier moyen, il convient d’examiner l’ensemble des autres moyens articulés par la requérante à l’encontre de la décision attaquée, afin d’apprécier le point de savoir s’ils permettent d’identifier une difficulté sérieuse face à laquelle la Commission aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, point 66 supra, point 91).

68      Les arguments de la Commission tirés de la prétendue absence de qualité pour agir de la requérante doivent dès lors être rejetés.

B –  Sur le respect du délai de recours

1.     Arguments des parties

69      La Commission fait valoir que le recours a été introduit après l’expiration du délai de deux mois prévu par l’article 230, cinquième alinéa, CE.

70      Elle soutient que la publication du résumé de la décision attaquée sous forme de communication au Journal officiel de l’Union européenne du 21 août 2003 ne constitue pas une publication au sens de l’article 230, cinquième alinéa, CE, car elle s’est limitée à indiquer que le texte intégral de la décision attaquée pouvait être consulté sur le site Internet de la Commission. Dès lors, le délai supplémentaire de quatorze jours prévu par l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, en cas de publication de l’acte attaqué ne serait pas applicable. En l’absence d’une communication de cette décision à la requérante, le délai de recours en l’espèce aurait dès lors commencé à courir le jour où la requérante a effectivement pris connaissance de la décision et il aurait pris fin deux mois et dix jours après ladite prise de connaissance.

71      La requérante soutient que la publication par avis réalisée en l’espèce constitue une publication au sens de l’article 230, cinquième alinéa, CE.

2.      Appréciation du Tribunal

72      Conformément à l’article 230, cinquième alinéa, CE, les recours en annulation doivent être formés dans un délai de deux mois. Ce délai court, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. Il s’ensuit que le critère de la date de prise de connaissance de l’acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification de l’acte (arrêt de la Cour du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C‑122/95, Rec. p. I‑973, point 35, et arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, Rec. p. II‑5015, point 30). Par ailleurs, dès lors qu’un acte a été publié, c’est la date de la publication dudit acte qui fait courir le délai de recours, et ce, même si ladite publication ne relève pas d’une pratique constante de l’institution concernée (ordonnance du Tribunal du 25 mai 2004, Schmoldt e.a./Commission, T‑264/03, Rec. p. II‑1515, points 51 à 62).

73      Il convient de noter que la publication prévue par l’article 26, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 consiste uniquement en une communication « succincte » au Journal officiel de l’Union européenne, série C, « Communications et informations ». En l’espèce, la communication succincte du 21 août 2003 comportait cependant une indication spécifique avec un lien hypertexte renvoyant au site Internet de la Commission permettant aux intéressés d’accéder à la décision en question, publiée in extenso. Le fait pour la Commission de donner aux tiers un accès intégral au texte d’une décision placée sur son site Internet, combiné à la publication d’une communication succincte au Journal officiel del’Union européenne permettant aux intéressés d’identifier la décision en question et les avisant de cette possibilité d’accès par Internet, doit être considéré comme valant publication au sens de l’article 230, cinquième alinéa, CE (ordonnance du Tribunal du 19 septembre 2005, Air Bourbon/Commission, T‑321/04, Rec. p. II‑3469, point 34). Dès lors, cette publication est à considérer comme une publication au sens des articles 230 CE et 102 du règlement de procédure, faisant courir le délai de deux mois augmenté, d’une part, du délai de distance de dix jours prévu à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure et, d’autre part, du délai de quatorze jours à partir de la publication de l’acte prévu à l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure.

74      Pour ces motifs, il convient de considérer que la décision attaquée a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 21 août 2003, date de la publication de la communication « succincte » avec renvoi au site Internet, conformément à l’article 26, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 et, partant, que le délai supplémentaire de quatorze jours prévu par l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure est applicable (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 15 juin 2005, SIMSA e.a./Commission, T‑98/04, non publiée au Recueil, point 30 ; arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T‑17/02, Rec. p. II‑2031, point 80, et ordonnance du Tribunal du 21 novembre 2005, Tramarin/Commission, T‑426/04, Rec. p. II‑4765, points 48 et 49).

75      Dès lors, le présent recours, introduit le 14 novembre 2003, a été formé dans le délai de deux mois à partir de la date de la publication, conforme à l’article 26, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, de la communication relative à la décision attaquée au Journal officiel de l’Union européenne du 21 août 2003, compte tenu des délais supplémentaires prévus par l’article 102, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure.

76      Les arguments de la Commission tirés de la violation du délai de recours doivent dès lors être rejetés.

 Sur le fond

77      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens d’annulation. Le premier moyen est tiré de la violation des formes substantielles en ce que la Commission aurait dû, conformément à l’article 88, paragraphe 3, CE et à l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999, ouvrir la procédure formelle d’examen des aides prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE et par l’article 6 du règlement n° 659/1999, dès lors qu’il existait des difficultés sérieuses quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité et de non discrimination et, partant, des principes fondamentaux du droit communautaire, en ce que la décision attaquée désavantage, sans raison objectivement justifiée, les isolants qualifiés de « traditionnels », notamment les isolants minéraux, mais également les isolants produits à partir de matériaux renouvelables non éligibles. Les deuxième et troisième moyens seront examinés uniquement pour apprécier le point de savoir s’ils permettent d’identifier une difficulté sérieuse face à laquelle la Commission aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, point 66 supra, point 91).

A –  Sur le premier moyen, tiré de la violation des formes substantielles

1.     Arguments des parties

78      La requérante soutient que, lorsque la Commission estime, au cours de son examen préliminaire de la compatibilité d’une aide avec le traité, qu’il existe des doutes à cet égard, elle est obligée d’ouvrir la procédure formelle (arrêt Cook/Commission, point 43 supra, et arrêt du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98, Rec. p. II‑867). La notion de doute aurait un caractère objectif. La requérante estime, dans les deux branches de son premier moyen, que la Commission aurait été confrontée à de tels doutes quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun. D’une part, elle n’aurait pas disposé d’informations suffisantes pour prendre la décision attaquée et, d’autre part, les circonstances de l’espèce démontreraient l’existence de doutes quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

79      S’agissant, premièrement, du défaut d’information, la Commission aurait commis une erreur en confondant les isolants produits à base de matériaux fossiles et ceux produits à base de matériaux minéraux, ce qui l’aurait amenée à commettre une erreur dans l’appréciation du prix de chaque catégorie d’isolants. La requérante soutient en particulier que, dans la détermination du caractère positif pour l’environnement de matériaux isolants, il convient de distinguer trois catégories d’isolants : les isolants fabriqués à partir de matériaux fossiles, les isolants fabriqués à partir de matériaux minéraux et les isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables. Or, la Commission n’aurait pas distingué suffisamment entre ces trois types d’isolants. D’abord, elle se serait limitée à une distinction entre, d’une part, les isolants fabriqués à partir de matériaux traditionnels et, d’autre part, les isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables. Ensuite, la Commission aurait confondu les isolants fabriqués à partir de matériaux fossiles et les isolants fabriqués à partir de matériaux minéraux, ce qui l’aurait amenée à commettre une erreur d’appréciation en ce qui concerne le prix des isolants fabriqués à partir de matériaux minéraux. La requérante prend en particulier appui sur le fait que, au considérant 4 de la décision attaquée, la Commission énonce que « les isolants produits à partir de matériaux renouvelables sont, surtout durant la phase d’introduction sur le marché, considérablement plus chers que les isolants produits à partir de matériaux fossiles comme la laine de verre, la laine de roche et la frigolite ».

80      La Commission aurait également commis une erreur en énonçant que les isolants produits à partir de matériaux renouvelables présentent des avantages évidents pour l’environnement.

81      L’état actuel des connaissances ne permettrait pas de déterminer avec certitude que les isolants produits à partir de matériaux renouvelables seraient meilleurs, d’un point de vue écologique, que les isolants minéraux et présenteraient des avantages évidents pour l’environnement. De nombreux critères devraient être pris en considération, dont notamment l’efficacité à long terme de chacun des isolants considérés, les émissions toxiques produites au moment de la fabrication, la disponibilité des matières premières, les énergies consommées lors du transport des matières premières, le caractère recyclable et les dangers pour la santé. Les isolants produits à partir de matériaux minéraux auraient, au regard de tels critères, un effet extrêmement positif pour l’environnement.

82      À cet égard, l’étude produite par la requérante, annexée à la requête et intitulée « Appréciation comparative du cycle de vie de trois matériaux isolants : laine de roche, lin, laine de verre » (Comparative Life Cycle Assessment of Three Insulation Materials : Stone Wool, Flax and Paper Wool) prouverait les avantages évidents des isolants produits à base de matériaux minéraux, ainsi que les conséquences néfastes pour l’environnement de certains isolants produits à partir de matériaux renouvelables. Notamment, la production d’isolants en lin entraînerait des dépenses énergétiques, ainsi que des émanations d’anhydrides beaucoup plus importantes que la laine de roche ; à l’instar d’autres matériaux renouvelables, elle serait relativement plus nocive et contiendrait une série de fibres synthétiques, et elle ne serait pas renouvelable.

83      En comparaison, les études fournies par la République fédérale d’Allemagne, et sur lesquelles la Commission se serait basée, ne constitueraient que des points de vue partiels et ne seraient visiblement pas représentatives. L’étude « Évaluation écologique de matériaux isolants d’immeuble, en particulier sous des aspects de recyclage des déchets » (« Ökologische Bewertung von Gebäudedämmstoffen insbesondere unter abfallwirtschaftlichen Aspekten ») (ci-après l’« étude Katalyse »), ne contiendrait aucune indication concrète, et la deuxième étude, relative cycle biologique de la production de nattes de chanvre (Lebenszyklus der Hanfmattenerzeugung), ne serait pas davantage de nature à aider à apprécier de manière circonstanciée la question de savoir si les avantages écologiques allégués existent réellement. Elle porterait plutôt sur des questions individuelles accessoires et ne serait pas de nature à établir de manière circonstanciée les avantages écologiques invoqués.

84      Avant de déclarer compatible avec le traité l’aide en cause, la Commission aurait également dû disposer d’études sur le cycle de vie de chacun des isolants. La Commission aurait dû notamment, à cet égard, avoir recours aux connaissances des autres de ses divisions, qui travaillent actuellement sur une élaboration de critères destinés à déterminer le cycle de vie des matières isolantes. À tout le moins, les difficultés inhérentes à cet exercice auraient dû conduire la Commission à permettre un débat dans le cadre de la deuxième phase de la procédure d’examen.

85      S’agissant, deuxièmement, des circonstances entourant la procédure, qui, selon la requérante, révéleraient que la Commission a rencontré des difficultés sérieuses lors de l’appréciation de la mesure, la requérante se réfère à la jurisprudence illustrée par l’arrêt Prayon Rupel/Commission, point 78 supra, pour prétendre que la longueur de la procédure – neuf mois selon elle – révélerait l’existence de difficultés importantes. De même, le fait que la Commission a été contrainte de poser des questions à trois reprises (le 18 novembre 2002, le 6 février 2003 et le 8 mai 2003) à la République fédérale d’Allemagne, associée à la durée de l’examen préliminaire, constituerait un indice de l’existence de telles difficultés. Ces difficultés seraient illustrées par le fait que, le 28 mai 2003, le gouvernement néerlandais a attiré l’attention de la Commission et de la République fédérale d’Allemagne sur le fait que l’aide en cause était susceptible d’affecter le commerce interétatique et, également, que les isolants produits à partir de matériaux renouvelables n’étaient pas nécessairement plus favorables à l’environnement que les isolants conventionnels.

86      La Commission soutient qu’elle n’était pas tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen de la compatibilité de l’aide en cause avec l’article 87 CE, car elle n’aurait pas été confrontée à des doutes quant à la compatibilité de celle-ci avec le marché commun.

2.     Appréciation du Tribunal

87      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, aux termes de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999, si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE, ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché commun. En revanche, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, dudit règlement, si la Commission constate que ladite mesure suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun, elle décide d’ouvrir la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE.

88      Selon une jurisprudence constante, la procédure de l’article 88, paragraphe 2, CE, revêt un caractère indispensable dès lors que la Commission éprouve des doutes quant à la compatibilité de l’aide avec le marché commun (voir arrêt Prayon-Rupel/Commission, point 78 supra, point 42, et la jurisprudence citée). La Commission ne peut donc s’en tenir à la procédure préliminaire de l’article 88, paragraphe 3, CE, et prendre une décision favorable à une mesure étatique notifiée que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme d’un premier examen, que cette mesure ne peut être qualifiée d’aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, ou que celle-ci, bien que constituant une aide, est compatible avec le marché commun. Il appartient à la Commission, de déterminer, sous le contrôle de la Cour et du Tribunal, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à l’affaire au moment de la prise de décision, si les difficultés rencontrées dans l’examen de la compatibilité de l’aide nécessitent l’ouverture de la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêt Cook/Commission, point 43 supra, point 30).

89      Il convient de noter à cet égard que, s’agissant du contrôle réalisé par le Tribunal sur l’existence de doutes quant à la compatibilité d’une aide avec le marché commun, il est de jurisprudence constante que, pour l’application de l’article 88, paragraphe 3, CE et de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations d’ordre économique et social. Dès lors que ce pouvoir discrétionnaire implique des appréciations complexes d’ordre économique, technique et social, le contrôle juridictionnel d’une décision prise dans ce cadre doit se limiter à vérifier le respect des règles de procédure et de motivation, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ainsi que l’absence de détournement de pouvoir. En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle de l’auteur de la décision (arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II‑2405, point 79 ; voir, s’agissant du contrôle d’appréciations complexes de nature technique, arrêts de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 13, et du 21 janvier 1999, Upjohn, C‑120/97, Rec. p. I‑223, point 34).

90      S’agissant de l’examen de la compatibilité de l’aide en cause avec l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, opéré par la Commission, le contrôle réalisé par le Tribunal se limite à celui de l’erreur manifeste quant à l’existence d’un doute à propos de la compatibilité de l’aide avec le marché commun au moment de l’adoption de la décision pertinente (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Matra/Commission, point 43 supra, points 23 à 25 et 41, et du 15 septembre 1998, Ryanair/Commission, T‑140/95, Rec. p.  II‑3327, point 90 supra). Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’une décision en matière d’aides doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 16, et du 26 septembre 1996, France/Commission, C‑241/94, Rec. p. I‑4551, point 33 ; arrêt British Airways e.a./Commission, point 89 supra, point 81). Néanmoins, la Commission est obligée d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments qui lui sont soumis. Ainsi, lorsqu’elle est saisie d’une plainte, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d’État, de procéder à un examen diligent et impartial de la plainte, ce qui peut rendre nécessaire qu’elle procède à l’examen d’éléments qui n’ont pas été expressément évoqués par le plaignant (arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 48 supra, point 62). Cette obligation de diligence de la Commission est accentuée lorsque celle-ci intervient dans une procédure administrative qui porte sur des évaluations techniques complexes ou sur des évaluations économiques complexes et dans laquelle la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation important (arrêt Technische Universität München, point 89 supra, point 14).

91      Il convient de relever que, en l’espèce, la Commission ne s’est pas cantonnée au rôle d’examinateur passif de la notification de l’aide en cause par la République fédérale d’Allemagne, mais, qu’au contraire, elle a interrogé celle-ci à trois reprises. En particulier, la Commission a expressément interrogé la République fédérale d’Allemagne sur l’existence d’une confirmation scientifique selon laquelle les isolants bénéficiant de l’aide étaient meilleurs, d’un point de vue environnemental, que les isolants produits à base de matériaux minéraux.

92      À la suite de cette question, la République fédérale d’Allemagne a fourni deux études concernant les cycles de vie des isolants, dont, en particulier, l’étude Katalyse, à laquelle la Commission s’est implicitement mais nécessairement référée au considérant 25 de la décision et qui est produite en annexe au mémoire en défense. L’étude Katalyse consiste, dans la partie descriptive, en une analyse comparative des cycles de vie de 24 isolants différents. Cette analyse repose sur une comparaison des indices de réchauffement global de la planète (ci-après le « GWP ») et de teneur en énergie primaire (ci-après le « PEI ») ainsi que de la propension à diffuser des gaz acides (ci-après l’« AP ») de chacun de ces isolants, tels que ces indices résultent de la littérature scientifique germanophone pertinente au mois de décembre 2001.

93      À la suite de la communication de l’étude Katalyse à la requérante au cours de la procédure litigieuse, l’expert de la requérante a rédigé un rapport, dont il ressort que les paramètres sur lesquels se fonde l’étude Katalyse sont généralement acceptés (note sur le fondement scientifique du système allemand d’aide aux isolants produits à partir de matériaux renouvelables, annexée à la réplique) et que l’AP ainsi que le GWP auraient été calculés conformément aux pratiques scientifiques. Seul le PEI aurait été calculé selon une méthodologie qui aurait pour conséquence de favoriser les isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables et fossiles au détriment des isolants fabriqués à base de matériaux minéraux.

94      Il convient de remarquer ensuite que l’étude Katalyse confirme que les isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables dégagent, lors de leur production et de leur destruction, moins d’énergie primaire que les isolants fabriqués à partir de matériaux minéraux et sont neutres en terme de dioxyde de carbone (étude Katalyse, p. 8).

95      À cet égard, la Commission indique dans la décision attaquée, que, « [e]n comparaison avec les isolants conventionnels, les isolants fabriqués à base de matériaux renouvelables présentent des avantages pour l’environnement », que « [l]eur utilisation préserve les ressources naturelles, car celles-ci sont remplacées par des matériaux renouvelables » et que, « [d]ès lors que ces matériaux renouvelables sont également, le plus souvent, neutres en terme de dioxyde de carbone, l’utilisation de ces isolants fabriqués à base de matériaux renouvelables contribue à la protection du climat » (considérant 3 de la décision attaquée). Au considérant 24 de la décision attaquée, la Commission énonce également que les isolants produits à partir de matériaux renouvelables ont un effet positif pour « atteindre les buts du Protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone » et que, « [p]ar ailleurs, le traitement des isolants usagers produits à base de matériaux renouvelables est moins préjudiciable à l’environnement ». Ensuite, au considérant 25, la Commission précise que « la République fédérale d’Allemagne a réalisé des études de cycle de vie qui montrent que les isolants à base de matériaux renouvelables sont supérieurs aux isolants ‘traditionnels’ du point de vue environnemental ». Enfin, la Commission énonce au considérant 27 de sa décision qu’« il est évident que cette mesure présente des avantages écologiques ».

96      Il ressort de ce qui précède que le premier avantage écologique essentiel retenu par la Commission consiste dans le caractère renouvelable des matières premières utilisées pour la fabrication des isolants bénéficiant de l’aide. La seconde considération essentielle procède des avantages en terme d’émission de dioxyde de carbone. Enfin, la Commission a pris en considération les avantages liés au recyclage et au traitement du produit usagé. Le Tribunal en conclut que la Commission a ainsi reconnu, à titre principal, le besoin de sauvegarder les ressources naturelles tout en réduisant les émissions de dioxyde de carbone.

97      Ces constatations démontrent que la Commission a non seulement tenu compte de tous les éléments à sa disposition mais a également mené son examen de la compatibilité de l’aide en cause d’une manière active et diligente en s’interrogeant sur le bien-fondé scientifique des positions prises par la République fédérale d’Allemagne. Elle disposait, lors de l’adoption de la décision attaquée, de confirmations scientifiques qu’elle pouvait raisonnablement juger suffisantes pour les besoins de l’appréciation préliminaire de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun. Il est à noter également que des études scientifiques établies après l’adoption de la décision clôturant l’examen préliminaire de la compatibilité d’une aide avec le marché commun, telles que le rapport d’expert soumis par la requérante en cours d’instance, ne sont pas susceptibles de remettre en cause la conclusion qu’il n’existait pas de difficultés sérieuses au moment de l’adoption de cette décision quant au bien-fondé scientifique de la position adoptée. De même, l’étude produite par la requérante en annexe de la requête, intitulée « Comparative Life Cycle Assessment of Three Insulation Materials : Stone Wool, Flax and Paper Wool », a été publiée en août 2003, soit après l’adoption par la Commission de la décision attaquée. Il ne peut dès lors en être tenu compte pour vérifier si, au moment de l’adoption de la décision attaquée, la Commission était confrontée à des difficultés d’appréciation de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

98      C’est à la lumière de ces éléments de fait et de droit qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

a)     Sur la première branche, tirée de l’insuffisance de l’information de la Commission

99      La requérante articule la première branche du premier moyen autour de deux griefs. L’insuffisance de l’information de la Commission résulterait, d’une part, de l’absence de différenciation suffisante entre les différentes catégories d’isolants et, d’autre part, du fait que les isolants renouvelables ne présenteraient pas d’avantages évidents pour l’environnement.

 Sur le premier grief, tiré de la confusion prétendument réalisée par la Commission

100    La requérante soutient qu’il convient de distinguer trois types d’isolants différents : les isolants fabriqués à partir de matériaux fossiles, les isolants fabriqués à partir de matériaux minéraux et les isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables. Selon elle, la Commission aurait ignoré ces distinctions en se bornant à distinguer, d’une part, les isolants fabriqués à partir de matériaux traditionnels et, d’autre part, les isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables. Par ailleurs, la Commission aurait confondu les isolants fabriqués à partir de matériaux fossiles et ceux fabriqués à partir de matériaux minéraux.

101    Le Tribunal relève que la Commission a été appelée à se prononcer sur la compatibilité avec le marché commun d’une mesure d’aide dont l’objectif était de promouvoir l’utilisation d’isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables. Selon la République fédérale d’Allemagne, cette mesure était motivée par le fait que ces matériaux présentaient des avantages pour l’environnement, en ce que leur fabrication, leur utilisation et leur recyclage étaient, la plupart du temps, neutres en termes d’émission de dioxyde de carbone. La Commission a dès lors examiné la compatibilité de l’aide en cause en prenant appui sur la distinction entre, d’une part, les isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables et, d’autre part, les isolants fabriqués à partir de matériaux traditionnels.

102    La circonstance que la Commission ait élaboré sa décision en se fondant sur la distinction entre ces deux catégories n’implique cependant pas, contrairement à ce qu’allègue la requérante, qu’elle ait ignoré la distinction entre les isolants fabriqués à partir de matériaux minéraux, les isolants fabriqués à partir de matériaux fossiles et les isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables. Au contraire, il y a lieu de constater que la décision attaquée se réfère également à la distinction entre ces trois catégories d’isolants. D’abord, la Commission indique au considérant 23 de la décision attaquée que, « en comparaison avec les isolants conventionnels fabriqués à base de matériaux fossiles et minéraux, les isolants fabriqués à base de matériaux renouvelables présentent des avantages, en particulier en ce qui concerne la protection du climat et des ressources ». Ensuite, la Commission indique au considérant 33 de la décision attaquée que « le prix moyen pour un mètre cube d’isolant fabriqué à base de matériau fossile ou minéral s’élève à 84 [euros] ». Enfin, au considérant 25 de la décision attaquée, la Commission relève que « [l]a République fédérale d’Allemagne a réalisé des analyses du cycle de vie qui montrent que les isolants à base de matériaux renouvelables sont supérieurs aux isolants ‘traditionnels’ du point de vue environnemental ». En soulignant, de la sorte, le mot traditionnel, la Commission indique implicitement que la catégorisation des isolants en isolants renouvelables, d’une part, et isolants traditionnels, d’autre part, est distincte de la catégorisation généralement réalisée entre les isolants renouvelables, minéraux et fossiles.

103    Ces éléments démontrent que la Commission a tenu compte de la distinction entre les isolants produits à partir de matériaux minéraux, fossiles et renouvelables. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que la Commission a confondu, dans certains passages de la décision, les isolants fabriqués à partir de matériaux fossiles et ceux fabriqués à partir de matériaux minéraux.

104    Contrairement à ce que prétend la requérante, cette confusion opérée par la Commission n’a pas amené celle-ci à exagérer, pour les besoins de la comparaison de prix entre les isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables et ceux fabriqués à partir de matériaux traditionnels, l’importance des isolants fabriqués à partir de matériaux fossiles, d’un prix inférieur. Au contraire, la Commission n’a pris en considération que les isolants fabriqués à base de matériaux minéraux, si bien qu’elle a sous-évalué la différence de prix entre les isolants traditionnels et les isolants renouvelables et, par conséquent, examiné la compatibilité de l’aide en cause au regard de critères plus stricts que nécessaire. La requérante ne présente par ailleurs aucun chiffre concret de nature à mettre en doute les conclusions de la Commission en ce qui concerne le prix des isolants produits à partir de matériaux minéraux.

105    Il en résulte que ce grief n’est pas fondé et qu’il doit être rejeté.

 Sur le second grief, relatif aux qualités respectives des différentes catégories d’isolants

106    La requérante soutient que les isolants produits à partir de matériaux minéraux présentent des avantages pour l’environnement et que, en toute hypothèse, les études de cycle de vie dont la décision attaquée fait état ne sont vraisemblablement pas comparables eu égard à l’absence de normes standards permettant de comparer le caractère écologique des isolants produits à partir de matériaux renouvelables et ceux produits à base de matériaux minéraux.

107    La circonstance que tout isolant, qu’il soit minéral, fossile ou renouvelable, a pour objectif de protéger l’environnement dès lors qu’il concourt à la réduction de l’émission de dioxyde de carbone n’est pas de nature à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation quant à l’existence d’avantages environnementaux des isolants fabriqués à base de matériaux renouvelables ou quant à l’existence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide en cause. En effet, le fait que tout isolant concourt à la réduction des émissions de dioxyde de carbone n’implique pas que la Commission ait commis une erreur dans l’appréciation du caractère relativement plus écologique des isolants produits à base de matériaux renouvelables.

108    Ensuite, les arguments de la requérante tenant au fait que les isolants produits à partir de matériaux renouvelables présentent certains défauts ne peuvent pas non plus être retenus. Ainsi, les parties ont abordé à l’audience la circonstance que les isolants fabriqués à partir de lin ont un PEI moins avantageux que la laine de roche, ce qui résultait de l’étude Katalyse. Selon cette dernière étude, le PEI du lin est de 35 MJ/Kg alors que celui de la laine de roche est de 22,12 MJ/Kg. Il y a lieu de noter à cet égard que le PEI du lin n’est pas très différent de celui de la laine de verre et est inférieur à celui du verre multicellulaire. Par ailleurs, ces performances inférieures en termes de PEI contrastent avec les meilleures performances en matière de GWP. En effet, le GWP des isolants fabriqués en matière de lin est de 0,41 alors que celui de la laine de roche est de 1,38. Les performances contrastées des différents types d’isolants selon le critère environnemental envisagé ne permettent pas de conclure que les isolants bénéficiant de l’aide étaient moins favorables en termes de protection environnementale, de sorte qu’il ne saurait être considéré que la Commission, au moment de l’adoption de la décision attaquée, aurait dû être confrontée à une difficulté sérieuse d’appréciation de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

109    Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu’il existait, lors de l’adoption de la décision attaquée, des analyses scientifiques tendant à démontrer que les isolants fabriqués à partir de matériaux minéraux présentaient des avantages plus importants pour l’environnement que les isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables. Les articles produits par la requérante dans ce contexte, à savoir l’article paru dans la revue Natur ainsi que dans la revue Test ne permettent pas de remettre en cause le bien-fondé des informations dont disposait la Commission. Ainsi, l’article de la revue Natur, outre qu’il ne concerne pas, au sens strict, les aspects environnementaux des isolants mais leur incidence sur la santé, affirme, pour l’essentiel, que les isolants fabriqués à base de matériaux minéraux ne sont désormais plus susceptibles de provoquer des cancers, notamment des poumons et se contente de relever qu’il n’existe aucune certitude en ce qui concerne les isolants fabriqués à partir de matériaux renouvelables. Enfin, l’article de la revue Test ne se présente pas comme une étude scientifique des données relatives aux isolants évalués, mais repose uniquement sur des informations transmises par les différents producteurs, dont la valeur probante scientifique n’est pas avérée. En tout état de cause, cet article confirme que les matériaux produits à partir de matières premières renouvelables présentent généralement des résultats bien meilleurs tant en ce qui concerne le PEI que le GWP.

110    La requérante critique cependant l’absence de standards à l’aune desquels les qualités environnementales des isolants, et en particulier leur cycle de vie, pouvaient être estimés et prétend que cela aurait impliqué l’obligation pour la Commission d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

111    Il convient de relever à cet égard qu’il est fréquent en pratique que des analyses scientifiques répondent à des méthodologies diverses où que les critères pertinents se voient attribuer des pondérations différentes. Or, compte tenu du large pouvoir d’appréciation de la Commission dans le cadre d’évaluations techniques complexes (voir point 89 ci-dessus), il ne saurait lui être reproché d’avoir donné la priorité à une option reconnue comme scientifiquement valable dès lors que sa décision repose sur un examen complet et diligent, tel que c’est le cas en l’espèce (voir point 97 ci-dessus), des éléments à sa disposition à l’époque de sa prise de décision. En effet, en l’espèce, la requérante n’a pas démontré que les résultats de l'étude scientifique prise en considération par la Commission apparaissaient manifestement moins complets et valables que ceux d'autres études existant au moment de l'adoption de la décision attaqué et qu'elle avait ainsi méconnu les limites de son pouvoir d'appréciation.

112    L’argument de la requérante selon lequel la Commission a reconnu à tort l’existence d’avantages environnementaux des isolants fabriqués à base de matériaux renouvelables doit dès lors être rejeté.

b)     Sur la deuxième branche, relative aux circonstances entourant la procédure

113    La requérante prétend que les circonstances qui ont entouré l’examen par la Commission de l’aide en cause révèlent l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure avec le marché commun. Tout d’abord, elle invoque, à cet égard, le délai inhabituellement long qui a été nécessaire à la Commission pour prendre la décision attaquée, le nombre important de questions posées par la Commission et la circonstance que les autorités néerlandaises ont communiqué des observations quant à la mesure introduite par la République fédérale d’Allemagne au titre de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 204, p. 37).

 Sur le premier argument, relatif au délai d’instruction de l’affaire

114    Il convient, à titre liminaire, de rappeler que l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999, dispose :

« Les décisions visées aux paragraphes 2, 3 et 4 sont prises dans un délai de deux mois. Celui-ci court à compter du jour suivant celui de la réception d’une notification complète. La notification est considérée comme complète si, dans les deux mois de sa réception ou de la réception de toute information additionnelle réclamée, la Commission ne réclame pas d’autres informations. Le délai peut être prorogé par accord mutuel entre la Commission et l’État membre concerné. Le cas échéant, la Commission peut fixer des délais plus courts. »

115    Il convient de relever que l’article 5 du règlement n° 659/1999 organise en détail les contacts entre la Commission et les États membres dans le contexte de cet examen préliminaire. Les considérants du règlement n° 659/1999 confirment d’ailleurs l’importance de ces contacts, en précisant que « les États membres sont tenus de coopérer avec la Commission et de lui fournir toutes les informations nécessaires pour lui permettre de remplir sa mission dans le cadre du présent règlement » (sixième considérant) et que « le délai dans lequel la Commission doit conclure son examen préliminaire de l’aide notifiée doit être fixé à deux mois à compter de la réception de la notification complète ou d’une déclaration dûment circonstanciée de l’État membre concerné selon laquelle celui-ci considère que la notification est complète parce que les informations complémentaires réclamées par la Commission ne sont pas disponibles ou ont déjà été communiquées » (septième considérant).

116    La requérante prétend que la circonstance qu’il a fallu plus de neuf mois à la Commission pour adopter la décision attaquée montre que celle-ci éprouvait des doutes sérieux quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

117    Il convient à cet égard de relever que, selon la jurisprudence, l’écoulement d’un délai excédant notablement ce qu’implique normalement un premier examen opéré dans le cadre des dispositions de l’article 88, paragraphe 3, CE, peut, avec d’autres éléments, conduire à reconnaître que la Commission avait des doutes sérieux quant à la compatibilité de l’aide avec le marché commun exigeant que soit ouverte la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, CE.

118    En l’espèce, postérieurement à la notification des mesures envisagées le 30 septembre 2002, la Commission a adressé trois séries de questions à l’Allemagne (le 18 novembre 2002, le 6 février 2003 et le 8 mai 2003), auxquelles celle-ci a répondu dans les délais (le 2 décembre 2002, le 11 mars 2003 et le 6 juin 2003).

119    Ce n’est qu’à l’issue des dernières réponses de l’Allemagne que la notification a été considérée comme complète soit le 6 juin 2003. Dès lors, la décision attaquée, du 9 juillet 2003, a été adoptée par la Commission dans un délai de un mois et un jour.

120    Il s’ensuit que le délai pris par la Commission n’est pas de nature à révéler l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure avec le marché commun, dès lors qu’il est inférieur à celui établi par le règlement n° 659/1999. Par ailleurs, dans le cadre de la phase préliminaire, la Commission ne saurait être privée de la possibilité de d’interroger l’État concerné en vue de compléter la notification de l’aide, en vue de permettre un examen diligent et objectif des mesures qui lui sont soumises. Or, en l’espèce, force est de constater que la Commission a pu estimer que des précisons étaient nécessaires étant donné que, dans la notification initiale, la République fédérale d’Allemagne soutenait que les mesures envisagées n’étaient pas des aides d’État. En conséquence, dès lors que la Commission estimait au contraire qu’il s’agissait d’une aide d’État, des informations additionnelles ont été rendues nécessaires, entraînant un délai supplémentaire sans pour autant que cela révèle des doutes quant à la compatibilité de la mesure avec le marché commun.

121    Il convient également de relever que, en l’espèce et contrairement aux circonstances de fait en cause dans l’arrêt Prayon-Rupel/Commission, point 78 supra, la République fédérale d’Allemagne a toujours répondu complètement aux demandes d’informations de la Commission et celle-ci a, durant le déroulement de la procédure, posé des questions différentes à la République fédérale d’Allemagne.

122    Partant, en l’espèce, ni le délai mis par la Commission pour adopter la décision attaquée à compter du jour où elle a considéré que la notification était complète, ni celui nécessaire pour parvenir à une telle considération ne sont de nature à démontrer l’existence de doutes quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

 Sur le deuxième argument, tiré du caractère répété des demandes d’informations

123    Selon la requérante, la circonstance que la Commission a interrogé la République fédérale d’Allemagne à trois reprises constitue une indication de l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure avec le marché commun.

124    Il convient de relever à cet égard que le seul fait que des discussions se soient instaurées entre la Commission et l’État membre concerné durant la phase préliminaire d’examen et que, dans ce cadre, des informations complémentaires aient pu être demandées par la Commission sur les mesures soumises à son contrôle ne peut pas, en soi, être considéré comme une preuve de ce que cette institution se trouvait confrontée à des difficultés sérieuses d'appréciation (voir, en ce sens, arrêt Matra/Commission, point 43 supra, points 38 et 39). Toutefois, il ne saurait, pour autant, être exclu que la teneur des discussions engagées entre la Commission et l’État membre concerné durant cette phase de la procédure puisse, dans certaines circonstances, être de nature à révéler l’existence de telles difficultés (arrêt du Tribunal du 10 mai 2000, SIC/Commission, T-46/97, Rec. p. II-2125, point 89).

125    En l’espèce, les demandes d’informations complémentaires s’expliquent notamment par le fait la République fédérale d’Allemagne, dans la notification du 30 septembre 2002, a prétendu que le soutien financier aux isolants produits à partir de matériaux renouvelables n’était pas une mesure d’aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Ainsi, la notification initiale ne contenait nécessairement que très peu d’information quant à la compatibilité de la mesure avec le marché commun, conformément à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

126    Partant, en l’espèce, les demandes répétées adressées par la Commission à la République fédérale d’Allemagne ne font que refléter la progression dans la nature des informations dont la Commission avait besoin et ne constituent pas des indices prouvant l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure avec le marché commun.

 Sur le troisième argument, relatif aux observations du Royaume des Pays-Bas

127    Il convient d’observer que le Royaume des Pays-Bas a transmis des observations, le 28 mai 2003, non en relation avec la procédure concernant l’aide en cause, mais dans le cadre de la procédure d’information instituée par la directive 98/34. Ainsi, lesdites observations ne portent pas sur la question de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

128    Les observations du Royaume des Pays-Bas ne sont pas non plus étayées de preuves ou d’études quelconques. Or, la Commission disposait d’informations scientifiques suffisantes pour considérer que les isolants bénéficiant de l’aide étaient plus favorables à l’environnement que les isolants fabriqués à partir de matériaux minéraux. Dans une telle circonstance, la Commission pouvait raisonnablement faire prévaloir les informations scientifiques dont elle disposait à cet égard, à savoir les deux études fournies par le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne, sur les indications du Royaume des Pays-Bas.

129    Dès lors, le simple fait que le Royaume des Pays-Bas a transmis des observations quant à la mesure introduite par la République fédérale d’Allemagne dans le cadre de la procédure d’information instituée par la directive 98/34 n’est pas de nature à démontrer qu’il existait, en l’espèce, des doutes quant à la compatibilité de l’aide avec le marché commun, d’autant plus que les informations, notamment scientifiques, dont disposait la Commission au moment de l’adoption de la décision attaquée lui permettaient de conclure qu’il n’existait pas de doute à cet égard.

130    La deuxième branche du moyen, tirée de ce que les circonstances entourant la procédure de notification sont de nature à démontrer l’existence de doutes quant à la compatibilité de la mesure avec le marché commun, doit dès lors être rejetée.

131    Il s’ensuit qu’aucun des arguments invoqués dans le cadre du premier moyen n’est de nature à établir l’existence de difficultés sérieuses imposant à la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

B –  Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE

132    Ainsi qu’il a été relevé au point 67 ci-dessus, il convient d’examiner les griefs et arguments développés dans le cadre des autres moyens articulés par la requérante à l’encontre de la décision attaquée, afin d’apprécier s’ils permettent d’identifier une difficulté sérieuse face à laquelle la Commission aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, point 66 supra, point 91). C’est dans cette mesure que le Tribunal examine le présent moyen.

1.     Arguments des parties

133    La requérante prétend que la décision attaquée viole l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE en ce que celle-ci serait fondée sur des constatations de fait insuffisantes. Par la première branche de son moyen, elle soutient que la Commission aurait correctement qualifié l’aide en cause d’aide au fonctionnement. Cependant, les aides au fonctionnement étant en principe interdites, ce serait principalement l’encadrement qui tracerait les contours de ces exceptions, et celui-ci ne serait pas applicable en l’espèce.

134    La requérante conteste d’abord que la mesure puisse être justifiée au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE en dehors de l’encadrement, car il n’y aurait pas d’avantage évident des isolants subventionnés. La requérante renvoie à cet égard aux arguments factuels exposés dans son premier moyen.

135    Elle soutient, ensuite, que, en tout état de cause, la compatibilité de ces aides ne pourrait être appréciée par référence aux critères établis par les points E.3.1 et E.3.3. de l’encadrement. En effet, il ne serait pas logique d’apprécier la proportionnalité de la mesure en recourant à ces points sur la base de la comparaison de prix telle qu’établie par la Commission. D’une part, en se fondant, pour le calcul de la proportionnalité de l’aide, sur le coût supplémentaire des isolants produits à base de matériaux renouvelables, la Commission ne se serait pas conformée aux principes de calcul établis dans les points en cause. D’autre part, cette comparaison ne tiendrait pas compte de la durée de vie du produit et ne serait dès lors plus pertinente.

136    Par la seconde branche de son moyen, la requérante prétend que la Commission n’a pas examiné si les aides altéraient les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. En effet, les conditions que les isolants doivent remplir pour pouvoir figurer sur la liste positive des isolants éligibles constituent un nouvel obstacle à la commercialisation des produits de construction. Des projets de standards de certification harmonisés concernant les propriétés écologiques de produits de construction seraient en cours d’examen, mais n’auraient pas encore débouché sur des standards concrets. L’aide en cause serait conçue pour produire des effets à long terme. Or, à long terme, il devrait exister des normes européennes permettant de définir des produits de construction comme étant écologiques. Dans cette mesure, l’organisation spécifique de la mesure ne pourrait être considérée comme nécessaire et il conviendrait avant tout d’attendre le développement d’une certification européenne.

137    La Commission soutient ne pas avoir violé l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE

2.     Appréciation du Tribunal

a)     Quant à la première branche, tirée de l’incompatibilité de l’aide en cause avec le marché commun

138    Il convient de noter, à titre liminaire que l’article 87, paragraphe 3, CE, confère à la Commission un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice implique des appréciations d’ordre économique et social (arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, point 24 ; du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310/85, Rec. p. 901, point 18 ; et du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑113/00, Rec. p. I‑7601, point 67). Tel est le cas des appréciations que la Commission est amenée à réaliser en ce qui concerne la compatibilité avec le marché commun d’aides à l’environnement.

139    Il ressort de la jurisprudence que, en principe, les aides au fonctionnement faussent les conditions de concurrence dans les secteurs où elles sont octroyées sans pour autant être capables, par leur nature même, d’atteindre un des buts fixés par les dispositions dérogatoires susmentionnées (arrêt du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, Rec. p. II‑1675, point 48).

140    Ce principe n’implique cependant pas que seules pourraient être déclarées compatibles avec le traité des aides limitativement énumérées par un encadrement. La requérante reconnaît d’ailleurs ce principe en indiquant dans sa requête que, les aides au fonctionnement étant en principe interdites, c’est principalement l’encadrement qui trace les contours de ces exceptions.

141    Il convient également de relever que, si la Commission peut établir des règles générales d’exécution, telles que l’encadrement, qui structurent l’exercice de son pouvoir d’appréciation lui conféré par l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, elle ne peut totalement se priver, lorsqu’elle apprécie un cas spécifique, dudit pouvoir d’appréciation, en particulier, quant aux cas qu’elle n’a pas expressément visés, voire omis de régler, dans lesdites règles générales d’exécution. Ce pouvoir d’appréciation n’est dès lors pas épuisé par l’adoption de telles règles générales et il n’existe, en principe, pas d’obstacle à une éventuelle appréciation individuelle en dehors du cadre desdites règles, à condition, toutefois, que la Commission respecte les règles supérieures de droit, telles que les règles du traité ainsi que les principes généraux de droit communautaire.

142    Au regard de l’économie générale du traité, la procédure prévue à l’article 88 CE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I‑6857, point 78, et du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C‑204/97, Rec. p. I‑3175, point 41). Il appartient dès lors à la Commission, dans l’interprétation des exemptions visées à l’article 87, paragraphe 3, CE, de tenir compte des objectifs généraux du traité CE ainsi que de ses différentes politiques. Or, aux termes de l’article 174, paragraphe 1, CE, la Communauté « contribue à la poursuite de la préservation, de la protection et de l’amélioration de la qualité de l’environnement; ainsi que de l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles ». Ces exigences représentent un objectif essentiel de la Communauté (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 décembre 2005, Grèce/Commission, C‑86/03, Rec. p. I‑10979, point 96), et doivent, en vertu de l’article 6 CE, être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de la Communauté visée à l’article 3 CE.

143    La Commission ne peut dès lors s’être privée du pouvoir de reconnaître la compatibilité d’aides à l’environnement directement sur base de l’article 87, paragraphe 3, CE, si elle n’a pas pris position explicitement sur la question en cause dans son encadrement.

144    Par ailleurs, il convient de relever que l’encadrement n’interdit pas expressément le type d’aide octroyé en l’espèce. Par ailleurs, l’encadrement précise que certaines modalités retenues par les États membres pour se conformer aux objectifs du Protocole de Kyoto sont susceptibles de constituer des aides d’État mais qu’il est prématuré de définir les conditions d’autorisation de ces aides éventuelles (point 71 de l’encadrement). Ainsi que la Commission le souligne dans la décision attaquée et sans que ce soit contesté par la requérante, l’encadrement n’avait pas pour objet d’interdire des aides bénéfiques pour l’environnement, telles que l’aide en cause. De surcroît, la décision attaquée énonce précisément que l’aide en cause contribue à atteindre les buts du Protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone (considérant 24 de la décision attaquée).

145    Il était dès lors loisible à la Commission d’examiner la question de la compatibilité de l’aide en cause directement par référence à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

146    Il reste donc à déterminer si la décision attaquée est basée sur des constatations de faits insuffisantes en ce que, d’une part, les isolants fabriqués à base de matériaux renouvelables ne présentent pas de qualités environnementales suffisantes et, d’autre part, c’est à tort que la Commission a utilisé pour l’examen de la proportionnalité de l’aide les critères établis par les chapitres E.3.1 et E.3.3. de l’encadrement.

147    S’agissant du premier grief, qui consiste à soutenir que les isolants produits à partir de matériaux renouvelables ne présentent pas d’avantages écologiques, il suffit de constater que ces arguments ont été rencontrés dans les points 106 à 111 ci-dessus et que ce grief doit, dès lors, être rejeté comme non fondé.

148    S’agissant du deuxième grief, il ressort des points 140 à 145 ci-dessus qu’il était loisible à la Commission d’examiner la compatibilité de l’aide en cause directement au regard des critères établis à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Or, il convient de rappeler, d’une part, que, sous réserve des considérations exposées au point 141 ci-dessus et notamment du respect du principe d’égalité de traitement, la Commission dispose, à cet égard, d’un pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations d’ordre économique et social dans un contexte communautaire. D’autre part, le seul fait que, dans le cadre de l’évaluation de la compatibilité de l’aide avec le marché commun, la Commission se soit inspirée des critères pertinents de l’encadrement afin d’apprécier son objectif essentiellement protecteur de l’environnement, n’est pas de nature à établir que la Commission a méconnu les exigences du principe d’égalité de traitement, étant donné la similarité de la situation à traiter et des situations visées par l’encadrement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98, T‑212/98 à T‑214/98, Rec. p. II‑3275, points 1569 à 1573).

149    Il convient de préciser à cet égard que l’encadrement prévoit, à son paragraphe 43 que, lorsque des aides au fonctionnement s’avèrent indispensables, « elles doivent être limitées à la stricte compensation des surcoûts de production par rapport aux prix du marché des produits ou services en cause » et que « ces aides doivent également être temporaires et, en principe, dégressives, de manière à constituer un incitant à respecter, dans un délai raisonnable, le principe de la vérité des prix ». Le paragraphe 45 de l’encadrement énonce ensuite que, pour toute aide au fonctionnement, « la durée de l’aide est limitée à cinq années en cas d’aide dégressive » et que « son intensité peut atteindre 100 % des surcoûts la première année, mais doit baisser de façon linéaire pour arriver à un taux zéro à la fin de la cinquième année ». En ce qui concerne les aides non dégressives, le point 46 de l’encadrement précise que « la durée de l’aide est limitée à cinq années et son intensité est limitée à 50 % des surcoûts ».

150    Il y a lieu de relever que, en l’espèce, la Commission s’est inspirée de ces critères en établissant d’abord, au considérant 30 de la décision attaquée, que l’aide en cause était limitée à une durée inférieure à deux ans. La Commission en a conclu que, quant à sa durée, l’aide en cause se conformait aux critères prévus dans l’encadrement. Quant au montant de l’aide en cause, la Commission a poursuivi, au considérant 31 de la décision attaquée, que, dès lors que la mesure n’était pas dégressive, elle devait être limitée à 50 % du surcoût occasionné par l’utilisation de matériaux renouvelables. Aux fins de l’examen de l’importance de l’aide en cause, la Commission a ensuite énoncé que l’encadrement prévoyait, en cas d’aide dégressive, que cette aide pouvait atteindre 100 % du surcoût la première année, et 75 % du surcoût la deuxième année. Par ailleurs, il résulte des considérants 33 à 35 de la décision attaquée, que selon les différents matériaux qui bénéficient de l’aide, la différence de prix est comprise dans une fourchette de 55 à 88 euros. Selon la Commission, il résultait donc des documents fournis par la République fédérale d’Allemagne que, dans la plupart des cas, l’aide serait inférieure aux 50% du surcoût engendré par l’utilisation des isolants fabriqués à base de matériaux renouvelables. La Commission a relevé que, dans certains cas, l’intensité de l’aide serait supérieure à 50 % de ce surcoût, mais qu’elle serait, en toute hypothèse, inférieure à 75 % de ce surcoût, soit le seuil permissible en cas d’aides dégressives pour une aide de la même durée que l’aide en cause.

151    La requérante reproche cependant à la Commission d’avoir appliqué les critères de l’encadrement au cas d’espèce alors que cet encadrement ne vise que des situations fort différentes, à savoir la promotion de la production des énergies renouvelables en s’appuyant sur la notion de surcoûts occasionnés par l’utilisation de ces énergies. De l’avis de la requérante, ce critère ne vise pas la même réalité que celle sur laquelle s’est fondée la Commission en l’occurrence, à savoir celui d’un différentiel de prix entre les produits bénéficiant de l’aide en cause, d’une part, et des autres produits, d’autre part. À cet égard, il convient de rappeler que, au considérant 36 de la décision attaquée, la Commission a conclu, à la suite d’une comparaison entre les prix de vente des isolants produits à partir de matières premières renouvelables et ceux des isolants comparables produits à partir de matières premières fossiles, à l’absence de surcompensation par l’aide en cause. Or, s’il est vrai que la méthode d’analyse des surcoûts ne se recoupe pas nécessairement avec celle de l’analyse d’un différentiel de prix, la circonstance que la Commission n’a effectué qu’une comparaison des prix de vente n’implique pas qu’elle se soit vue confrontée à des difficultés sérieuses, voire que son appréciation soit viciée. D’une part, cette appréciation n’a été réalisée que par analogie, en dehors du champ d’application de l’encadrement, et dans le cadre de la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour déterminer l’importance de l’aide en cause au regard de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. D’autre part, l’utilisation par la Commission de la méthode d’analyse d’un différentiel de prix revient, en pratique, à un calcul similaire à celui réalisé aux fins de la détermination du surcoût telle que prévue par l’encadrement et est, dès lors, conforme aux exigences d’égalité de traitement telles que précisées au point 148 ci-dessus. En tout état de cause, à ce titre, la requérante n’a aucunement contesté le bien-fondé de l’explication fournie par la défenderesse dans son mémoire en défense, selon laquelle, en l’absence d’informations sur les coûts au moment de l’adoption de la décision attaquée, celle-ci avait été fondée sur une comparaison des prix, compte tenu de ce que, d’une part, l’aide en cause visait la promotion de la vente d’isolants produits à partir de matières premières renouvelables et de ce que, d’autre part, le différentiel de prix reflétait également la différence des coûts de production.

152    À cet égard, le Tribunal rappelle qu’il était loisible à la Commission d’examiner la compatibilité de l’aide en cause directement au regard des critères établis à l’article 87, paragraphe 3, CE (voir points 140 à 145 ci-dessus). Dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui conférait cette disposition, la Commission n’a recouru aux critères de l’encadrement qu’à titre indicatif et par analogie afin de les adapter aux circonstances particulières du cas d’espèce non visé par ledit encadrement. Or, une telle démarche n’est en soi pas révélatrice de doutes sérieux quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

153    Par conséquent, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée en tant que celle-ci ne révèle pas l’existence de doutes quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

b)     Quant à la seconde branche, relative à l’altération des conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun

154    La requérante soutient que l’aide en cause n’aurait pas dû être déclarée compatible avec le marché commun, car elle altérerait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. Cela résulterait, selon la requérante, de la nécessité, pour qu’un produit puisse donner droit à la subvention prévue par le programme, que celui-ci soit inscrit sur la liste des isolants éligibles établie par la FNR.

155    Il convient de rappeler que l’aide en cause peut être octroyée à tous particuliers, communautés d’achat ainsi qu'à toutes entreprises industrielles et commerciales qui sont propriétaires, preneurs d’un bail à ferme, locataires ou maîtres d’œuvre d’immeubles situés en Allemagne dans lesquels les isolants produits à partir de matériaux renouvelables sont censés être incorporés (considérants 16 à 21 de la décision attaquée).

156    Par ailleurs, l’appartenance à la liste en question n’est pas une condition de commercialisation des isolants, mais elle est uniquement établie en vue de déterminer les isolants éligibles pour l’aide en cause.

157    Il y a lieu de remarquer à cet égard que les critères élaborés pour déterminer les produits pouvant bénéficier de l’aide en cause sont rédigés de façon générale et ne posent aucune condition de nationalité. La Commission a d’ailleurs indiqué, sans être contredite sur ce point, que des isolants fabriqués à base de matériaux renouvelables par des producteurs suisses et autrichiens étaient repris sur la liste des produits donnant droit à une subvention.

158    La requérante n’a par ailleurs pas apporté le moindre élément permettant de montrer que la procédure d’inscription sur la liste serait organisée de telle façon qu’elle aurait, pratiquement, pour conséquence, de favoriser des produits allemands.

159    Il y a dès lors lieu de rejeter la seconde branche, tirée de ce que l’aide en cause altérerait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

160    Il y a lieu de considérer que le deuxième moyen n’est pas révélateur de doutes sérieux quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

C –  Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes de proportionnalité et de non-discrimination

161    La requérante soulève également un moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité, d’une part, et de l’interdiction de discrimination, d’autre part. Ainsi qu’il a été relevé au point 67 ci-dessus, l’ensemble des autres moyens articulés par la requérante à l’encontre de la décision attaquée doivent être examinés uniquement afin d’apprécier le point de savoir s’ils permettent d’identifier une difficulté sérieuse face à laquelle la Commission aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, point 66 supra, point 91).

1.     Arguments des parties

162    La requérante soutient que l’aide octroyée est illimitée quant à son montant et n'est octroyée qu’à un nombre limité de producteurs, de telle façon que le montant de l’avantage est disproportionné.

163    De même, la Commission aurait violé l’interdiction de discrimination. Il n’existerait pas de raison objective de privilégier les matériaux isolants produits à partir de matières premières renouvelables au détriment de ceux produits à partir de matières premières minérales.

164    La Commission soutient qu’elle n’a pas violé le principe de proportionnalité ni l’interdiction de toute discrimination.

2.     Appréciation du Tribunal

a)     Sur la violation du principe de proportionnalité

165    Il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêts de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25, et du 11 juillet 1989, Schräder, 265/87, Rec. p. 2237, point 21 ; arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, non encore publié au Recueil, point 226).

166    Il convient de relever que, en l’espèce, la Commission a constaté que l’aide en cause avait pour objectif de protéger l’environnement en luttant contre l’émission de dioxyde de carbone et que les isolants bénéficiant de l’aide en cause présentaient des avantages environnementaux à cet égard. Elle a également vérifié que l’aide en cause était limitée à une durée inférieure à un an et demi (voir point 150 ci-dessus) et qu’elle ne couvrait qu’une partie seulement du surcoût provoqué par l’achat des isolants bénéficiant de l’aide (voir points 149 et 150 ci-dessus). La requérante n’a pas apporté d’élément permettant d’établir que la Commission aurait dû être confrontée à des doutes quant à une violation du principe de proportionnalité et quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun. À titre surabondant, il convient également de remarquer que, contrairement à ce qu’avance la requérante, le montant de l’aide accordée à chacun des producteurs n’est nullement illimité. Cette aide est en effet limitée, premièrement, à 30 ou 40 euros par mètre cube vendu, deuxièmement, par la nécessité qu’il y ait suffisamment de ressources budgétaires et, troisièmement, dans le temps.

b)     Sur la violation de l’interdiction de discrimination

167    La requérante prétend que l’interdiction de discrimination et l’impératif d’égalité, prévus à l’article 6 UE, interdisent de traiter de façon différente des situations comparables sans que cette différence de traitement soit justifiée par l’existence de différences objectives d’une certaine importance. Dès lors que les aides seraient accordées unilatéralement à quelques rares producteurs de matériaux d’isolation à partir de certains matériaux renouvelables sans qu’il n’existe de raison objective justifiant cet avantage par rapport aux matériaux minéraux, il existerait une violation du principe d’égalité.

168    Il convient de rappeler que les avantages accordés aux isolants produits à partir de matériaux renouvelables ont été accordés en raison de leur qualité environnementale particulière. Ainsi qu’il ressort à cet égard des points 87 à 112 ci-dessus, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la Commission aurait dû avoir sur ce point des doutes l’induisant à ouvrir la procédure d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. Il a par ailleurs été démontré que les matériaux bénéficiant de l’aide en cause étaient nettement plus chers que les isolants traditionnels (voir points 149 et 150 ci-dessus).

169    Il y a dès lors lieu de considérer que le troisième moyen n’est pas révélateur de doutes sérieux quant à la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun, qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE.

170    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le présent recours doit être rejeté dans sa totalité comme non fondé.

 Sur les dépens

171    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la défenderesse.

172    La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens, conformément aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Fachvereinigung Mineralfaserindustrie eV Deutsche Gruppe der Eurima – European Insulation Manufacturers Association est condamnée à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par la Commission.

3)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’allemand.