Language of document : ECLI:EU:T:2014:497

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

12 juin 2014 (*)

« Aides d’État – Contrat de licence d’un logiciel – Décision constatant l’absence d’aide d’État – Recours en annulation – Défaut d’affectation substantielle de la position concurrentielle – Irrecevabilité – Droits procéduraux des parties intéressées – Recevabilité – Absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen – Absence de difficultés sérieuses – Avantage »

Dans l’affaire T‑488/11,

Scheepsbouwkundig Advies- en Rekencentrum (Sarc) BV, établie à Bussum (Pays-Bas), représentée par Mes H. Speyart et R. Bolhaar, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. H. van Vliet, Mme K. Talabér-Ritz et M. S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume des Pays-Bas, représenté initialement par Mmes C. Wissels, M. Noort et B. Koopman, puis par Mmes Wissels, Noort, M. J. Langer et Mme M. Bulterman, en qualité d’agents,

et par

Technische Universiteit Delft, établie à Delft (Pays-Bas), représentée par Mes R. van den Tweel et P. Huurnink, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2011) 642 final de la Commission, du 10 mai 2011, dans la procédure en matière d’aides d’État NN 68/2010 – Pays-Bas, déclarant, au terme de la phase préliminaire d’examen, que le contrat de licence relatif à l’utilisation du code source d’un logiciel conclu entre la Technische Universiteit Delft et Delftship BV ne constitue pas une aide d’État,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Scheepsbouwkundig Advies- en Rekencentrum (Sarc) BV, est une entreprise néerlandaise. Elle développe et commercialise un logiciel de conception de navires, appelé « Pias », et un logiciel de chargement de navires, appelé « Locopias ».

2        Par lettre du 12 décembre 2008, la requérante a déposé une plainte auprès de la Commission européenne, dans laquelle elle a dénoncé une aide d’État qui aurait été illégalement octroyée à l’entreprise néerlandaise Delftship BV (ci-après « DS »). DS développe et commercialise un logiciel de conception de navires, appelé « Delftship », et un logiciel de chargement de navires, appelé « Delftload », qu’elle a développé sur la base de Delftship.

3        Dans sa plainte, la requérante fait valoir que DS a bénéficié d’une aide illégale résultant des conditions avantageuses d’octroi du contrat de licence de logiciel (ci-après le « contrat de licence ») que DS a conclu avec la Technische Universiteit Delft (université technique de Delft, ci-après la « TUD »). Le contrat de licence concernerait l’exploitation par DS du code source du logiciel Delftship. Ce dernier aurait été créé et développé par un ingénieur et un professeur de la TUD qui ont fondé DS après avoir quitté leurs fonctions au sein de cette université.

4        Par lettre du 20 février 2009, la Commission a demandé aux autorités néerlandaises des informations relatives au contrat de licence.

5        Par lettre du 13 mai 2009, les autorités néerlandaises ont communiqué des informations à la Commission en réponse à la demande de cette dernière.

6        Par lettre du 29 mai 2009, la Commission a envoyé à la requérante une version non confidentielle des observations fournies par les autorités néerlandaises. Elle a également indiqué que ces dernières avaient avancé des arguments de nature à écarter la suspicion de la requérante relative à l’existence d’une aide d’État illégale.

7        Par lettre du 16 juin 2009, la requérante a communiqué à la Commission ses observations visant à réfuter les arguments des autorités néerlandaises.

8        Par lettre du 17 juillet 2009, la Commission a demandé de nouvelles informations aux autorités néerlandaises. Ces dernières ont répondu par lettre du 20 novembre 2009.

9        Par lettre du 31 mars 2010, la Commission a informé la requérante que, selon ses conclusions provisoires, le contrat de licence ne semblait pas comporter une aide d’État.

10      Par lettre du 31 mai 2010, la requérante a demandé à la Commission de rouvrir son enquête dans cette affaire, l’a informée qu’elle avait commandé une nouvelle évaluation indépendante concernant l’existence d’un avantage octroyé à DS et lui a demandé d’adopter une décision. Elle a communiqué à la Commission ladite évaluation le 1er septembre 2010.

11      Le 10 mai 2011, la Commission a adopté la décision C (2011) 642 final dans la procédure en matière d’aides d’État NN 68/2010 – Pays-Bas, déclarant, au terme de la phase préliminaire d’examen, que le contrat de licence relatif à l’utilisation du code source d’un logiciel conclu entre la TUD et DS ne constitue pas une aide d’État (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, qu’elle a adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission a conclu que le contrat de licence n’octroyait pas un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, à DS et ne comportait pas une aide d’État (voir point 78 de la décision attaquée).

12      Dans la décision attaquée, en premier lieu, après avoir rappelé les principales étapes de la procédure administrative (voir points 1 à 10 de la décision attaquée) et présenté les parties (voir points 11 à 14 de la décision attaquée), la Commission a décrit les conditions de l’octroi de la licence d’exploitation du logiciel Delftship par la TUD à DS (voir points 15 à 20 de la décision attaquée). À cet égard, la Commission a rappelé que le logiciel Delftship avait été développé par la TUD de 1997 à octobre 2006 et qu’il avait été utilisé par les étudiants et par les employés de cette université à des fins d’enseignement et de recherche. En juin 2006, l’ingénieur qui avait développé ce logiciel aurait annoncé qu’il allait quitter la TUD. Cette dernière, qui aurait estimé ne pas avoir les moyens de poursuivre seule le développement de ce logiciel, aurait commencé à négocier un contrat de licence avec les futurs fondateurs de DS. Le 31 octobre 2006, le code source du logiciel aurait été gelé. Le 1er novembre 2006, l’ingénieur ayant développé ce logiciel aurait quitté la TUD. Le 22 janvier 2007, la TUD et DS auraient conclu le contrat de licence qui conférerait le droit à DS d’exploiter de manière globale, exclusive et non transférable le code source du logiciel Delftship. En vertu dudit contrat, DS aurait l’obligation notamment de développer le logiciel, de fournir gratuitement des versions actualisées à la TUD et de verser à cette dernière une redevance annuelle équivalent à 5 % du chiffre d’affaires annuel généré par la vente de sous-licences pour l’utilisation du logiciel. C’est à partir du code source du logiciel Delftship que DS aurait développé, à partir de 2007, le logiciel Delftload. La Commission a précisé également que la requérante avait assigné DS devant une juridiction néerlandaise pour qu’il soit mis fin audit contrat de licence et que des dommages-intérêts lui soient versés. Le 1er juillet 2009, ladite juridiction aurait rejeté le recours introduit par la requérante (voir points 15 à 29 de la décision attaquée).

13      En deuxième lieu, la Commission a rappelé les arguments avancés par la requérante selon lesquels le contrat de licence constituait une aide d’État illégale en raison des conditions avantageuses octroyées à DS. À cet égard, la requérante aurait fait valoir, en substance, que la redevance dont DS devait s’acquitter aurait été inférieure au prix du marché, ce qui aurait permis à DS d’offrir un logiciel à un faible tarif sur le marché. Cela aurait des conséquences sur le marché qui l’affecteraient (voir points 21 à 29 de la décision attaquée). La Commission a également souligné que les autorités néerlandaises avaient soutenu que le contrat de licence ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et que les redevances en question n’étaient pas inférieures à un prix de marché (voir points 30 à 40 de la décision attaquée).

14      En troisième lieu, la Commission a procédé à l’examen de l’aide qui résulterait des conditions avantageuses d’octroi du contrat de licence (ci-après la « mesure contestée »). Premièrement, elle a considéré que les dispositions prévues au point 3 de l’encadrement communautaire des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation (JO 2006, C 323, p. 1, ci-après l’« encadrement RDI ») ne s’appliquaient pas directement en l’espèce. Deuxièmement, elle a examiné si l’octroi du contrat de licence conférait à DS un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Tout d’abord, elle a constaté que les différentes étapes des pourparlers ayant conduit à la conclusion du contrat de licence permettaient de conclure que la TUD avait réussi à améliorer sa position contractuelle (voir point 40 de la décision attaquée). Ensuite, elle a relevé que la TUD avait pris en considération plusieurs facteurs, notamment l’expérience de l’ingénieur ayant développé le logiciel Delftship, pour conclure que le taux des redevances versées au titre du contrat de licence était un prix de marché (voir points 45 à 51 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a examiné les trois évaluations fournies par la requérante. Elle a considéré que ces évaluations n’étaient pas convaincantes. Selon la Commission, elles aboutissaient à des conclusions divergentes sur la valeur du logiciel et n’étaient pas fondées (voir points 52 à 77 de la décision attaquée).

15      C’est à la lumière des considérations exposées aux points 12 à 14 ci-dessus que la Commission a conclu qu’il n’était pas démontré que la TUD avait octroyé à DS un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et, partant, que les conditions prévues par le contrat de licence n’avaient pas conduit à l’octroi d’une aide d’État (voir points 77 et 78 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 septembre 2011, la requérante a introduit le présent recours.

17      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 23 décembre 2011, le Royaume des Pays-Bas et la TUD ont demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.

18      Par ordonnances du 28 février 2012, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis le Royaume des Pays-Bas et la TUD à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

19      Par décision du président du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la cinquième chambre.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 8 janvier 2014.

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé ou, à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

24      Au soutien des conclusions de la Commission, le Royaume des Pays-Bas conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ou non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

25      Au soutien des conclusions de la Commission, la TUD conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé ou, à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

26      À l’appui de son recours, la requérante soulève cinq moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 4 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 140, p. 1), dans la mesure où la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen. Le deuxième moyen, que la requérante soulève à titre subsidiaire, est tiré d’une violation de son droit à être associée d’une manière adéquate à la procédure durant la phase préliminaire d’examen. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où la Commission aurait conclu à tort à l’absence d’octroi d’un avantage à DS. Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’obligation d’ordonner une évaluation indépendante relative à l’avantage octroyé par la mesure contestée. Le cinquième moyen est tiré d’un défaut de motivation résultant « [de] sophismes, de contradictions et de l’absence d’examen de certaines preuves ayant conduit la Commission à écarter l’existence d’un avantage dans le troisième moyen ».

 Sur la recevabilité

27      La Commission, soutenue par le Royaume des Pays-Bas et par la TUD, soulève deux fins de non-recevoir. Selon la première fin de non-recevoir, la requérante n’aurait pas qualité pour agir. Selon la seconde fin de non-recevoir, les cinq moyens que la requérante soulève seraient irrecevables.

28      La requérante conteste ces deux fins de non-recevoir.

 Sur la qualité pour agir de la requérante

29      La Commission, soutenue par le Royaume des Pays-Bas et par la TUD, fait valoir que, si la requérante est une partie intéressée, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, elle n’a qualité pour agir contre la décision attaquée que pour sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tire de cette disposition. En revanche, dans la mesure où la requérante n’a pas établi que sa position concurrentielle sur le marché était substantiellement affectée par la mesure contestée, elle ne serait pas recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

30      La requérante rétorque, en substance, que, d’une part, en tant que concurrente du bénéficiaire de l’aide, elle dispose d’un droit de contester la décision attaquée pour autant que la Commission a violé ses droits procéduraux en n’ouvrant pas la phase formelle d’examen et que, d’autre part, elle dispose également du droit de contester le bien-fondé de la décision attaquée dans la mesure où l’octroi de la mesure contestée a substantiellement affecté sa position concurrentielle.

31      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

32      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223 ; du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 20, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, point 14).

33      Il en est notamment ainsi dans le cas où la position de la partie requérante sur le marché serait substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec. p. I‑10515, point 30, et la jurisprudence citée). Il appartient alors à la partie requérante d’indiquer de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission est susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec. p. I‑9947, point 41, et la jurisprudence citée).

34      S’agissant de la détermination d’une affectation substantielle de la position d’une entreprise sur le marché concerné, il ressort de la jurisprudence que la seule circonstance qu’un acte est susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant sur le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouvait dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait en tout état de cause suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme individuellement concernée par ledit acte (voir arrêt British Aggregates Association/Commission, point 33 supra, point 47, et la jurisprudence citée ; ordonnance du Tribunal du 4 mai 2012, UPS Europe et United Parcel Service Deutschland/Commission, T‑344/10, non publiée au Recueil, point 47).

35      En effet, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire, mais doit établir, en outre, qu’elle est dans une situation de fait qui l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (voir arrêt British Aggregates Association/Commission, point 33 supra, point 48, et la jurisprudence citée ; ordonnance UPS Europe et United Parcel Service Deutschland/Commission, point 34 supra, point 48).

36      D’abord, à cet égard, il importe de rappeler que la démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation de ses performances commerciales ou financières (voir arrêt British Aggregates Association/Commission, point 33 supra, point 53, et la jurisprudence citée ; ordonnance UPS Europe et United Parcel Service Deutschland/Commission, point 34 supra, point 49).

37      Ensuite, l’existence d’une affectation substantielle de la position d’une partie requérante sur le marché ne dépend pas directement du montant de l’aide, mais de l’importance de l’atteinte que cette aide peut porter à ladite position. Une telle atteinte peut varier pour des aides d’un montant similaire en fonction de critères tels que la taille du marché concerné, la nature spécifique de l’aide, la longueur de la période pour laquelle elle a été accordée, le caractère principal ou secondaire de l’activité affectée pour la partie requérante et les possibilités de celle-ci de contourner les effets négatifs de l’aide (voir, en ce sens, ordonnance UPS Europe et United Parcel Service Deutschland/Commission, point 34 supra, point 58).

38      Enfin, sans préjudice de ce qui précède, il convient de rappeler que, lorsque la Commission adopte une décision, conformément à l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 659/1999, constatant qu’une aide est compatible avec le marché intérieur, elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 (arrêt de la Cour du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C‑646/11 P, non publié au Recueil, point 26). Les parties intéressées, qui sont, conformément à l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, les personnes, les entreprises ou les associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et qui sont les bénéficiaires des garanties de la procédure formelle d’examen, ne peuvent en obtenir le respect que si elles ont la possibilité de contester cette décision devant le juge de l’Union européenne. Dans ces conditions, leur recours ne peut alors tendre qu’à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’elles tirent de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 (arrêt British Aggregates/Commission, point 33 supra, point 28).

39      À la lumière de l’ensemble des dispositions et de la jurisprudence exposées aux points 31 à 38 ci-dessus, le Tribunal estime opportun d’examiner, préalablement à la question de savoir si la position concurrentielle de la requérante aurait été substantiellement affectée par la mesure contestée de sorte qu’elle aurait qualité pour agir afin de contester le bien-fondé de la décision attaquée, celle de savoir si elle est une partie intéressée, au sens de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, de sorte qu’elle aurait qualité pour agir afin de faire sauvegarder ses droits procéduraux.

40      En premier lieu, s’agissant de la question de savoir si la requérante est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, il convient de relever qu’il est constant que la décision attaquée a été adoptée à l’issue de la phase préliminaire d’examen et que la Commission y a conclu à l’absence d’octroi d’une aide d’État. Partant, il y a lieu de considérer, conformément à la jurisprudence exposée au point 38 ci-dessus, que la Commission a, par ladite décision, refusé implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

41      Par ailleurs, il est constant que la requérante est un concurrent de DS, qui est le bénéficiaire de la mesure contestée, pour les logiciels de conception et de chargement de navires (voir points 1 et 2 ci-dessus). Dès lors, la requérante doit être considérée, conformément à la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, comme étant une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999.

42      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, comme la requérante le soutient et comme la Commission et le Royaume des Pays-Bas le reconnaissent, elle a qualité pour agir contre la décision attaquée pour autant que, par son recours, elle vise à faire sauvegarder ses droits procéduraux.

43      En second lieu, s’agissant de la question de savoir si, au-delà de sa qualité pour agir afin de faire sauvegarder ses droits procéduraux, la requérante peut contester, par son recours, le bien-fondé de la décision attaquée, il convient de relever, d’une part, que celle-ci n’a pas fourni au Tribunal les principaux éléments relatifs à la structure du marché pertinent établissant sa position concurrentielle sur ledit marché. En particulier, la requérante n’a pas fourni d’informations concernant le marché géographique pertinent, ses parts et celles de ses concurrents sur ledit marché ainsi que leur éventuelle évolution depuis l’octroi de la mesure contestée.

44      Il convient de relever, d’autre part, que la requérante n’a fourni au Tribunal aucun élément permettant de constater que l’octroi de la mesure contestée aurait affecté substantiellement sa position concurrentielle, compte tenu notamment de la nature spécifique de ladite mesure, de la longueur de la période pour laquelle elle a été accordée et des éventuelles circonstances la mettant dans l’impossibilité de contourner les effets négatifs de ladite mesure.

45      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas établi que sa position concurrentielle avait été substantiellement affectée, au sens de la jurisprudence exposée au point 33 ci-dessus.

46      Les six arguments que la requérante soulève à cet égard ne sauraient infirmer le constat exposé au point 45 ci-dessus.

47      Premièrement, la requérante a soutenu, en réponse aux questions orales du Tribunal, que, aux fins de déterminer si sa position concurrentielle avait été substantiellement affectée, il n’était pas nécessaire d’identifier le marché pertinent, mais il suffisait d’établir les « contraintes concurrentielles en jeu ». Cet argument doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, conformément à la jurisprudence exposée au point 34 ci-dessus, ce n’est que dans l’hypothèse où la position concurrentielle de la requérante aurait été substantiellement affectée sur le marché pertinent qu’elle aurait qualité pour agir. Dès lors, le Tribunal ne peut vérifier l’existence d’une telle affectation que si la requérante lui fournit les informations utiles sur le marché pertinent sur lequel une telle atteinte se produirait.

48      Deuxièmement, la requérante invoque la circonstance selon laquelle elle est une « concurrente proche », voire « très proche », de DS. Selon la requérante, un tel constat, qui devrait être aussi pertinent en droit des aides d’État qu’il le serait en droit de la concurrence, découlerait du fait que ces entreprises s’adressent à une même clientèle et que leurs logiciels présentent des fonctionnalités communes.

49      À cet égard, il suffit de relever que, si le fait que la requérante et DS s’adressent aux mêmes clients et que les produits qu’elles commercialisent présentent des similitudes qui contribuent à établir qu’elles sont des entreprises concurrentes sur le marché de produits en cause, la preuve de l’existence de ce rapport de concurrence ne permet pas à lui seul, comme il ressort de la jurisprudence rappelée au point 35 ci-dessus, d’établir que la position concurrentielle de la requérante aurait été substantiellement affectée par la mesure contestée.

50      Troisièmement, la requérante soutient que le fait qu’elle dispose de 80 % de parts de marché aux Pays-Bas et qu’elle y dispose de nombreux points de contacts montre que sa position concurrentielle sur le marché serait affectée. D’une part, il y a lieu de souligner à cet égard que ni la Commission, qui ne conteste pas que la requérante dispose d’une telle part de marché dans cet État, ni la requérante ne font valoir que le territoire des Pays-Bas serait le marché géographique pertinent sur lequel il conviendrait d’apprécier la distorsion de concurrence que la mesure contestée générerait et, de ce fait, une éventuelle atteinte sur la position concurrentielle de la requérante.

51      D’autre part, force est de constater que, comme la Commission l’a fait observer en réponse aux questions orales du Tribunal, plusieurs éléments figurant au dossier devant le Tribunal seraient de nature à montrer que le marché géographique pertinent ne serait pas le territoire néerlandais. Tout d’abord, il y a lieu de constater que, dans ses observations déposées à la Commission les 31 mai et 1er septembre 2010, la requérante a estimé que le marché géographique pertinent des logiciels en cause était mondial. Ensuite, il ressort également desdites observations que les clients de la requérante, qui sont des chantiers navals ou des universités, sont, comme la requérante l’a reconnu en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, localisés non seulement dans toute l’Europe, mais également dans le reste du monde, comme au Canada, aux États-Unis, notamment à Hawaï, ou en Australie, que les logiciels en question peuvent être directement acquis sur Internet et qu’ils sont, comme la requérante l’a indiqué à l’audience en réponse aux questions du Tribunal, commercialisés en anglais.

52      Dans ces conditions, la circonstance avancée par la requérante selon laquelle elle dispose de 80 % de parts de marché sur le territoire d’un seul État membre n’est pas de nature à établir que sa position concurrentielle aurait été substantiellement affectée sur le marché pertinent.

53      Quatrièmement, la requérante fait valoir que la mesure contestée, qu’elle estime d’une valeur totale, sur une période de cinq ans, comprise entre 1,1 et 2,5 millions d’euros, n’est pas négligeable dans la mesure où elle dépasse le seuil de minimis de 200 000 euros sur trois ans prévu par le règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles [107 TFUE] et [108 TFUE] aux aides de minimis (JO L 379, p. 5), et qu’elle représente, en toute hypothèse, un avantage pour DS. Tout d’abord, il y a lieu de relever, que, dans ses écritures, la requérante se contente de soutenir, sur ce point précis, que sa position concurrentielle a été « affectée » par la mesure contestée, mais non qu’elle a été « substantiellement affectée », au sens de la jurisprudence exposée au point 33 ci-dessus. Ensuite, et en toute hypothèse, force est de constater que le fait que le montant de la mesure contestée excède le seuil de minimis susmentionné n’établit pas les raisons pour lesquelles l’octroi à DS d’un tel montant l’affecterait substantiellement. En effet, conformément à la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus, le constat d’une affectation substantielle de la position concurrentielle d’une partie requérante ne dépend pas directement du montant de l’aide, mais de l’importance de l’atteinte sur sa position concurrentielle.

54      Cinquièmement, la requérante fait observer qu’elle a perdu plusieurs clients au profit de DS et, de ce fait, des parts de marché. D’une part, il convient de constater à cet égard que, comme la Commission le relève, la requérante se contente d’invoquer la perte de trois clients alors même qu’il ressort de ses observations, déposées à la Commission le 1er septembre 2010, qu’elle disposerait à tout le moins de 100 clients. La seule information selon laquelle elle aurait perdu trois clients n’est donc pas, à elle seule, suffisante pour établir qu’elle a été substantiellement affectée par l’octroi de la mesure contestée. D’autre part, et en toute hypothèse, la requérante n’a fourni, notamment en réponse aux questions orales du Tribunal, aucune information permettant de constater que la perte de ces clients serait une conséquence directe, non de la vie normale des affaires, mais de l’octroi de la mesure contestée.

55      Sixièmement, la requérante fait observer, d’une part, qu’il existe un écart important entre les prix des logiciels offerts par elle et par DS résultant du fait qu’elle doit récupérer la totalité des coûts de développement que DS n’est pas tenue de supporter et, d’autre part, que son chiffre d’affaires aurait, dans un premier temps, augmenté moins rapidement à partir de l’octroi de la mesure contestée en 2007 et, dans un second temps, diminué jusqu’en 2010. Il convient donc de constater que, par ces observations, la requérante fait valoir, en substance, que la baisse de son chiffre d’affaires se justifie en raison du fait que DS est en mesure d’offrir, grâce à la mesure contestée, des logiciels à des prix nettement inférieurs aux siens.

56      Il est certes vrai que, comme le fait valoir la requérante, son chiffre d’affaires résultant de la vente de son logiciel de conception de navires Pias, qui concurrence Delftship, a diminué à compter de l’année 2007, qui est l’année à partir de laquelle DS a commencé à commercialiser ses logiciels. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, selon les informations également fournies par la requérante, le chiffre d’affaires relatif à son logiciel de chargement de navires Locopias, qui concurrence Delftload, ainsi que son chiffre d’affaires global n’ont cessé, en moyenne, d’augmenter entre 2007 et 2010. Dans ces conditions, il y a lieu de relever que, même s’il existait un écart de prix aussi important que la requérante le prétend entre les logiciels vendus par elle et ceux vendus par DS, un tel écart ne permettrait pas, en toute hypothèse, de conclure que sa position concurrentielle aurait été substantiellement affectée par la mesure contestée, compte tenu de la hausse, en moyenne, du chiffre d’affaires global de la requérante. Par ailleurs, il importe de relever à cet égard que la requérante n’avance aucun élément établissant que, comme elle le prétend, son chiffre d’affaires global aurait augmenté de manière plus importante si la mesure contestée n’avait pas été octroyée à DS.

57      Dès lors, les arguments de la requérante, exposés au point 56 ci-dessus, concernant son chiffre d’affaires et l’écart des prix entre les logiciels facturés par DS et ceux facturés par elle ne permettent pas d’établir que la mesure contestée aurait affecté substantiellement sa position concurrentielle.

58      Il ressort des considérations qui précèdent que la requérante n’a pas établi que sa position concurrentielle aurait été substantiellement affectée par la mesure contestée.

59      Dans ces conditions, il y a lieu de constater, d’une part, que, dans la mesure où la requérante est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999, elle a qualité pour agir contre la décision attaquée afin de préserver ses droits procéduraux et, d’autre part, qu’elle n’a, en revanche, pas qualité pour agir contre la décision attaquée afin d’en remettre en cause le bien-fondé.

60      La fin de non-recevoir soulevée par la Commission, par laquelle elle soutenait que la position concurrentielle de la requérante n’était pas substantiellement affectée par la mesure, doit donc être accueillie.

 Sur la recevabilité des moyens soulevés par la requérante, compte tenu de sa qualité pour agir

61      La Commission considère qu’aucun des cinq moyens soulevés par la requérante n’est recevable. D’une part, dans la mesure où ses deuxième à cinquième moyens ne viseraient que le bien-fondé de la décision attaquée, lesdits moyens seraient irrecevables. D’autre part, dans la mesure où la requérante se contente, dans le cadre du premier moyen qui concerne une violation de ses droits procéduraux, d’opérer un renvoi au troisième moyen, ledit premier moyen serait également irrecevable. Par ailleurs, les arguments soulevés par la requérante dans le cadre du premier moyen tel que développé dans la réplique seraient irrecevables, en toute hypothèse, car ils auraient été soulevés tardivement.

62      La requérante conteste l’argumentation de la Commission.

63      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une partie requérante invoque une violation de ses droits procéduraux au motif que la Commission n’a pas ouvert la procédure formelle d’examen, elle peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à la qualification de la mesure notifiée d’aide d’État et à sa compatibilité avec le traité. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours, ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette qualification ou sur cette compatibilité avec le marché intérieur est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir arrêt du Tribunal du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, non encore publié au Recueil, point 52, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 16 septembre 2013, Colt Télécommunications France/Commission, T‑79/10, non publié au Recueil, point 84).

64      Cette preuve peut être rapportée à partir d’un faisceau d’indices concordants, l’existence d’un doute devant être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision de ne pas soulever d’objections que dans son contenu, en mettant en rapport les appréciations sur lesquelles s’est fondée la Commission dans ladite décision avec les éléments dont celle-ci disposait lorsqu’elle s’est prononcée sur la qualification et sur la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur (voir arrêt 3F/Commission, point 38 supra, point 31, et la jurisprudence citée). La partie requérante supporte la charge de la preuve de l’existence d’un tel doute (arrêts du Tribunal du 15 mars 2001, Prayon-Rupel/Commission, T‑73/98, Rec. p. II‑8677, point 49 ; du 3 mars 2010, Bundsverband deutscher Banken/Commission, T‑36/06, Rec. p. II‑537, point 127, et Colt Télécommunications France/Commission, point 63 supra, point 37).

65      Ensuite, il importe de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, pour autant qu’une partie requérante soulève un moyen par lequel elle entend défendre ses droits procéduraux, il ne saurait être reproché au Tribunal de prendre en considération les arguments soulevés dans d’autres moyens de la requête visant à démontrer que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à la qualification d’aide d’État des mesures en cause ou à leur compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, Rec. p. I‑4441, points 56 à 58, et du 22 septembre 2011, Belgique/Deutsche Post et DHL International, C‑148/09 P, Rec. p. I‑8573, points 64 à 66).

66      C’est à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 63 à 65 ci-dessus qu’il convient de rechercher si, comme le conteste la Commission, les cinq moyens que la requérante soulève à l’appui de son recours et qui sont exposés au point 26 ci-dessus sont recevables.

67      Le Tribunal estime opportun d’examiner la recevabilité des cinq moyens soulevés par la requérante dans un ordre partiellement différent de celui dans lequel ceux-ci ont été soulevés.

68      En premier lieu, s’agissant des premier et troisième moyens, il convient de constater que, dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû éprouver des difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Pour étayer le premier moyen, elle renvoie explicitement aux arguments qu’elle a soulevés dans le cadre du troisième moyen, dans lequel elle soutient que la Commission a conclu à tort à l’absence d’octroi d’un avantage à DS.

69      À cet égard, d’une part, il convient de rejeter l’argument par lequel la Commission soulève l’irrecevabilité du premier moyen au motif que la requérante n’y indiquerait pas avec suffisamment de clarté quelles difficultés sérieuses celle-ci aurait éprouvées. En effet, c’est sans ambigüité qu’il ressort du premier moyen, lu en combinaison avec le troisième moyen auquel la requérante renvoie explicitement, que cette dernière soutient que la Commission aurait dû éprouver des doutes dans l’analyse de l’existence d’un avantage qui constituaient une difficulté sérieuse justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

70      D’autre part, pour autant que la Commission fait valoir que les arguments soulevés par la requérante dans le premier moyen de la réplique sont irrecevables, il ressort de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen, ou un argument, qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du Tribunal du 18 janvier 2012, Djebel – SGPS/Commission, T‑422/07, non publié au Recueil, points 142 et 143, et la jurisprudence citée). En l’espèce, s’il importe de constater que, dans la réplique, l’argumentation de la requérante relative à l’absence d’analyse contrefactuelle des faits de l’espèce par la Commission et celle relative aux difficultés inhérentes à la question de savoir si le taux de redevance prévu dans le contrat de licence équivalait à un prix de marché constituent une ampliation de son argumentation développée dans le troisième moyen de la requête, force est de constater, en revanche, que l’argumentation développée dans la réplique ainsi qu’à l’audience concernant la durée de la procédure administrative est sans lien avec l’argumentation développée dans le cadre de la requête. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir soulevée par la Commission selon laquelle tous les arguments avancés par la requérante dans le cadre du premier moyen de la réplique sont irrecevables, car ils auraient été soulevés tardivement, doit être rejetée comme étant non fondée, sauf pour ce qui concerne l’argumentation développée par la requérante dans la réplique concernant la durée de la procédure administrative.

71      Il ressort des considérations exposées aux points 69 et 70 ci-dessus que le premier moyen ainsi que le troisième moyen qui vient l’étayer sont recevables, à l’exception de l’argumentation développée par la requérante dans la réplique concernant la durée de la procédure administrative, qui est irrecevable dans la mesure où elle est tardive.

72      En deuxième lieu, s’agissant du quatrième moyen, il y a lieu de constater que, dans la mesure où la requérante y fait valoir que la Commission ne pouvait pas conclure à l’absence d’un avantage sans avoir préalablement ordonné une évaluation indépendante de la mesure contestée, les arguments soulevés dans ce moyen viennent, à l’instar de ceux soulevés dans le troisième moyen, étayer le premier moyen. Dans ces conditions, le quatrième moyen, qui doit être lu en combinaison avec le premier moyen, doit être considéré comme étant recevable.

73      En troisième lieu, s’agissant du deuxième moyen, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas été associée d’une manière adéquate à la procédure durant la phase préliminaire d’examen. À cet égard, il importe de relever que ce moyen, s’il ne vise pas à faire constater que la Commission aurait dû éprouver des doutes quant à l’existence d’un avantage justifiant qu’elle ouvre la procédure formelle d’examen, tend toutefois à obtenir l’annulation de la décision attaquée en ce que la Commission aurait violé le droit de la requérante à être associée d’une manière adéquate à la procédure durant la phase préliminaire d’examen, tel que la Cour l’a reconnu dans son arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission (C‑521/06 P, Rec. p. I‑5829, point 38). Partant, il doit être considéré comme étant recevable.

74      En quatrième lieu, s’agissant du cinquième moyen, la requérante invoque une violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée en raison « des sophismes, des contradictions et de l’examen de certaines preuves soumises par [elle] qui ont été démontrées dans le troisième moyen ». À cet égard, il convient de constater que, dans ledit moyen, la requérante n’identifie pas de manière claire et précise les motifs pour lesquels elle considère que l’analyse de la Commission relative à l’absence d’un avantage octroyé à DS ne serait pas, ou serait insuffisamment, motivée alors même que, dans le même temps, elle conteste, dans le cadre du troisième moyen, le bien-fondé des éléments ayant conduit la Commission à conclure à l’absence d’un avantage. Par ailleurs, il ressort clairement des points 45 à 76 de la décision attaquée, tels que résumés au point 14 ci-dessus et développés aux points 104 à 109 ci-après, que la Commission a indiqué dans la décision attaquée les raisons pour lesquelles elle avait considéré que la mesure contestée n’octroyait aucun avantage à DS. Dans ces conditions, le cinquième moyen doit être considéré comme irrecevable dans la mesure où il ne satisfait pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure et, au surplus, comme non fondé dans la mesure où la Commission a motivé la décision attaquée à suffisance de droit sur ce point. Partant, ce moyen doit être rejeté.

75      À la lumière de l’ensemble des considérations exposées aux points 68 à 74 ci-dessus, il y a lieu, d’une part, d’accueillir la seconde fin de non-recevoir soulevée par la Commission pour autant que l’argumentation relative à la durée de la procédure administrative développée par la requérante dans le premier moyen de la réplique ainsi que le cinquième moyen, sont irrecevables et, d’autre part, de rejeter, en revanche, cette seconde fin de non-recevoir pour le surplus, dès lors que le premier moyen, à l’exception de l’argumentation relative à la durée de la procédure administrative développée par la requérante dans le premier moyen de la réplique, ainsi que les deuxième, troisième et quatrième moyens sont recevables.

 Sur le fond

76      Le Tribunal estime opportun d’examiner, pour des raisons de logique juridique, d’abord, le deuxième moyen, que la requérante soulève à titre subsidiaire, et, ensuite, le premier moyen (à l’exception de l’argumentation relative à la durée de la procédure administrative développée par la requérante dans le premier moyen de la réplique qui est irrecevable), conjointement avec les troisième et quatrième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit de la requérante d’être associée d’une manière adéquate à la procédure durant la phase préliminaire d’examen

77      La requérante fait valoir, en substance, que son droit d’être associée d’une manière adéquate à la procédure, tel qu’il l’a été reconnu dans l’arrêt Athinaïki Techniki/Commission, point 73 supra (point 38), a été violé. La Commission aurait dû lui donner l’opportunité de répondre aux arguments avancés par le Royaume des Pays-Bas dans sa seconde réponse aux demandes d’information de la Commission et à ceux retenus dans la décision attaquée dont elle n’avait pas connaissance au préalable.

78      La Commission conteste cette argumentation.

79      Il ressort de la jurisprudence que, si les parties intéressées ne peuvent pas se prévaloir des droits de la défense dans le cadre de la phase préliminaire d’examen, elles disposent toutefois du droit d’être associées à ladite procédure dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (arrêt Athinaïki Techniki/Commission, point 73 supra, point 38).

80      En l’espèce, il est constant que, durant la phase préliminaire ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, comme il ressort des points 3 à 9 de ladite décision, la Commission a invité la requérante, le 29 mai 2009, à lui communiquer ses observations sur les informations que lui avait fournies le Royaume des Pays-Bas le 13 mai 2009. En outre, la Commission, qui avait demandé au Royaume des Pays-Bas le 17 juillet 2009, et obtenu le 20 novembre 2009, des informations supplémentaires, a informé la requérante, le 31 mai 2010, de ses conclusions intermédiaires selon lesquelles, sur la base de l’ensemble des informations examinées, elle considérait à ce stade qu’il n’existait pas d’aide d’État. Enfin, la Commission a pris en considération dans la décision attaquée, comme cela ressort notamment du point 75 de ladite décision, les observations que la requérante lui a communiquées le 1er septembre 2010, notamment en constatant que l’évaluation de l’aide que la requérante lui avait remise à cette dernière date ne permettait pas de conclure à l’existence d’une aide d’État.

81      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission a satisfait à son obligation, telle que rappelée au point 79 ci-dessus, d’associer la requérante d’une manière adéquate à la phase préliminaire d’examen de la procédure. En effet, avant d’adopter la décision attaquée, la Commission a non seulement communiqué à la requérante, par lettre du 31 mars 2010, ses conclusions provisoires, mais elle a également pris en considération, dans la décision attaquée, les principaux arguments que la requérante avait soulevés par la suite, dans ses courriers des 31 mai et 1er septembre 2010, tels que la dernière évaluation de l’avantage conféré par la mesure contestée fournie par la requérante le 1er septembre 2010, et qui visaient à établir l’existence d’un avantage octroyé, selon elle, à DS.

82      L’argument que la requérante soulève à cet égard, selon lequel il ressort de l’arrêt Athinaïki Techniki/Commission, point 73 supra (point 38), que, plus une entreprise est associée à la procédure, plus la Commission doit utiliser avec précaution dans la décision attaquée des informations factuelles ou des appréciations que la requérante n’a pas eu l’opportunité de commenter, doit être rejeté comme étant non fondé.

83      En effet, premièrement, il y a lieu de constater que, si, au point 38 de l’arrêt Athinaïki Techniki/Commission, point 73 supra, la Cour a considéré qu’un plaignant devait être associé à la procédure dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce, cela ne signifie pas toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, qu’il incombe à la Commission de se prononcer, dans une décision de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen, sur l’ensemble des observations que ce plaignant lui aurait fournies. En effet, un tel constat est conforté par le fait que, dans l’hypothèse où la Commission envisage de ne pas donner suite à une plainte, la Cour a considéré, au point 39 dudit arrêt, que l’obligation de la Commission vis-à-vis d’un plaignant se limitait à devoir l’informer de ses conclusions provisoires et à recueillir ses éventuelles observations.

84      Deuxièmement, et en toute hypothèse, force est de constater, en l’espèce, que, même si la Commission n’a pas répondu à l’ensemble des éléments factuels que la requérante lui a soumis ou si elle a formulé dans la décision attaquée certaines appréciations juridiques qu’elle ne lui avait pas communiquées préalablement, il n’en demeure pas moins que la Commission a examiné, dans le cadre de la décision attaquée, les principaux arguments qu’elle avait soulevés afin d’établir l’existence d’une aide d’État, en particulier ceux relatifs à la question de savoir si la mesure contestée octroyait un avantage à DS. À cet égard, le fait que la requérante n’ait pas eu, comme elle l’invoque, l’opportunité de commenter les appréciations de la Commission suivant lesquelles la TUD aurait souhaité utiliser Delftship plutôt qu’un autre programme ou qu’il aurait été improbable qu’un autre concurrent que DS aurait eu un intérêt à acquérir ce logiciel, ne remet pas en cause le constat selon lequel elle a eu l’opportunité de fournir ses observations sur les principaux motifs pour lesquelles la Commission a considéré que la mesure contestée ne conférait pas un avantage à DS, compte tenu notamment du montant des licences que cette dernière devait reverser à la TUD.

85      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

 Sur les premier, troisième et quatrième moyens, tirés des doutes que la Commission aurait dû éprouver dans l’appréciation de l’absence d’un avantage octroyé à DS

86      Il ressort des premier, troisième et quatrième moyens, lus conjointement, que la requérante fait valoir trois principaux griefs. En premier lieu, elle estime que la Commission a commis une erreur de droit en ne présumant pas l’octroi d’un avantage en l’absence d’un appel d’offres ou d’une évaluation ordonnés préalablement. Une telle présomption figurerait dans les principes dégagés par la Commission dans son XXIIIe Rapport sur la politique de concurrence (ci-après le « XXIIIe Rapport ») ainsi que dans sa communication concernant les éléments d’aides d’État contenus dans les ventes de terrains et de bâtiments par les pouvoirs publics (JO 1997, C 209, p. 3) et dans l’encadrement RDI. De plus, des présomptions existeraient dans d’autres domaines du droit de la concurrence, telles que la présomption d’exercice d’une influence déterminante d’une société mère sur la filiale qu’elle détient intégralement et la présomption d’affectation des échanges entre États membres ou de distorsion de concurrence lorsque certaines conditions sont remplies.

87      En deuxième lieu, premièrement, la requérante estime que la Commission a commis plusieurs erreurs d’appréciation en considérant que la TUD avait agi comme un investisseur privé en conduisant des négociations exclusives avec DS. Tout d’abord, la Commission aurait considéré à tort que les circonstances de l’espèce requéraient que l’octroi de la licence du logiciel Delftship se fasse sur la base de négociations exclusives entre la TUD et DS. Ensuite, la requérante conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle le choix de DS se justifiait en raison de ses compétences spécifiques pour développer le logiciel Delftship. Enfin, l’affirmation de la Commission selon laquelle aucune entreprise n’aurait été intéressée par une licence serait spéculative. Deuxièmement, contrairement à ce que la Commission a constaté, le code source du logiciel Delftship aurait été prêt à être commercialisé au moment où il a été gelé le 31 octobre 2006. Troisièmement, la Commission aurait pris en considération à tort la fourchette de 2 à 6 % indiquée par les autorités néerlandaises pour justifier la conformité au marché du taux de redevance payable par DS à la TUD. Quatrièmement, la requérante estime que la Commission aurait dû relever que les évaluations qu’elle lui a fournies indiquaient toutes que la mesure contestée octroyait un avantage à DS.

88      En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission était tenue d’ordonner au Royaume des Pays-Bas de fournir une évaluation indépendante relative à l’avantage pour DS de l’octroi de la mesure contestée. Cette obligation découlerait du droit, prévu à l’article 10 du règlement n° 659/1999, pour la Commission d’obtenir des informations des États membres et serait conforme aux principes dégagés dans le XXIIIe Rapport.

89      La Commission, soutenue par le Royaume des Pays-Bas et par la TUD, conteste l’argumentation de la requérante.

90      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE requiert que toutes les conditions visées à cette disposition soient remplies. Ainsi, pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’aide d’État, premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire et, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, Rec. p. I‑7831, points 38 et 39, et la jurisprudence citée). Concernant la troisième de ces conditions, il ressort d’une jurisprudence constante que sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt Commission/Deutsche Post, précité, point 40, et la jurisprudence citée).

91      Pour vérifier si l’octroi d’une licence d’exploitation d’un logiciel par une autorité publique à une entité privée a conféré un avantage au licencié et constitue ainsi une aide d’État, il y a lieu, pour la Commission, d’appliquer le critère de l’investisseur privé dans une économie de marché, de manière à déterminer si les redevances payées par le licencié correspondent au prix qu’un investisseur privé, agissant dans des conditions de concurrence normales, aurait pu obtenir pour l’octroi de ladite licence (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, Rec. p. I‑7763, point 68).

92      Lorsque l’octroi d’une telle licence a été réalisé sans procédure d’appel d’offres et sans évaluation préalable par un expert indépendant, la tâche de la Commission doit être considérée comme ayant été complexe et comme n’ayant pu aboutir qu’à une estimation approximative de la valeur de marché de cette licence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Commission/Scott, point 91 supra, point 70).

93      Dans ce cadre, il importe de rappeler que la question de savoir si la Commission aurait appliqué de manière erronée le critère de l’investisseur privé ne se confond pas avec celle de l’existence de doutes exigeant l’ouverture de la procédure formelle d’examen. En effet, l’examen de l’existence de doutes ne vise pas à savoir si la Commission a correctement appliqué l’article 107 TFUE, mais à établir si elle disposait, au jour où elle a adopté la décision attaquée, d’informations suffisamment complètes pour apprécier si la mesure contestée constituait une aide d’État (arrêts du Tribunal du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, non encore publié au Recueil, point 129, et Bundsverband deutscher Banken/Commission, point 64 supra, point 129).

94      C’est à la lumière de la jurisprudence exposée aux points 90 à 93 ci-dessus qu’il convient d’examiner si les trois principaux griefs que la requérante soulève conduisent à constater que la Commission aurait dû éprouver des doutes sur l’existence d’un avantage conféré à DS, compte tenu des termes du contrat de licence.

–       Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit liée au constat de l’absence d’un avantage

95      La requérante soutient, en substance, que, en l’absence d’une procédure d’appel d’offres et d’une évaluation préalables, la Commission était tenue de présumer, conformément aux règles de droit citées au point 86 ci-dessus, que la mesure contestée avait octroyé un avantage à DS.

96      Tout d’abord, il convient de relever à cet égard, d’une part, que la communication sur les ventes de terrains et de bâtiments publics mentionnée au point 86 ci-dessus prévoit, en son point I, quatrième alinéa, qu’elle « concerne uniquement les ventes de terrains et de bâtiments appartenant à l’État » et, d’autre part, qu’il ressort des principes dégagés dans le XXIIIe Rapport que ceux-ci ne concernent que les « privatisation[s] de société[s] ». Ces dispositions ne lient donc pas, en toute hypothèse, la Commission dans les affaires d’octroi de licences d’exploitation d’un logiciel telles que la présente affaire.

97      Ensuite, s’agissant de la prétendue violation de l’encadrement RDI, il y a lieu de constater que la requérante n’avance à cet égard aucun argument visant à contester les trois motifs retenus par la Commission, au point 43 de la décision attaquée, indiquant pour quelles raisons les dispositions de l’encadrement RDI ne la liaient pas en l’espèce, compte tenu notamment du fait que la mesure contestée ne constituait pas une « aide en faveur de la recherche, du développement et de l’innovation » au sens du point 2.1 dudit encadrement. Par ailleurs, et en toute hypothèse, même s’il doit être considéré comme opportun d’appliquer les principes dudit encadrement aux faits de l’espèce, comme l’a estimé la Commission au point 44 de la décision attaquée, force est de constater que ledit encadrement ne prévoit pas qu’il y a lieu de présumer qu’une mesure octroie un avantage à une entreprise en l’absence d’une procédure d’appel d’offres ou d’une évaluation préalables. En effet, comme le fait observer à juste titre la Commission dans ses écritures, celle-ci s’est contentée, dans la note en bas de page n° 29 de l’encadrement RDI, d’indiquer qu’il existait une « rémunération équivalente au prix de marché pour les droits de propriété intellectuelle » lorsque « l’organisme de recherche, en tant que vendeur, négocie un bénéfice maximal au moment de la conclusion du contrat ». Ledit encadrement ne prévoit pas que, en cas d’octroi d’une licence, un avantage doit être présumé en l’absence d’une procédure d’appel d’offres ou d’une évaluation économique indépendante préalables.

98      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il existe plusieurs autres présomptions en droit de la concurrence, telles que la présomption d’exercice d’une influence déterminante ou encore des présomptions en matière d’affectation des échanges entre États membres et de distorsion de concurrence, il y a lieu de constater, d’une part, qu’un tel argument n’est pas de nature à modifier le constat selon lequel la requérante reste en défaut d’avoir identifié une quelconque règle imposant à la Commission de présumer l’existence d’un avantage dans des circonstances telles que celles de l’espèce et, d’autre part, et en toute hypothèse, que la Cour a admis que, s’il est certain que les méthodes du plus offrant et de l’expertise sont susceptibles de fournir des prix correspondant aux valeurs réelles du marché, il n’est pas exclu que d’autres méthodes puissent également atteindre ce même résultat (arrêt de la Cour du 16 décembre 2010, Seydaland Vereinigte Agrarbetriebe, C‑239/09, Rec. p. I‑13083, point 39).

99      Le premier grief de la requérante doit donc être rejeté.

–       Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs d’appréciation dans le constat de l’absence d’un avantage

100    La requérante conteste, en substance, les appréciations d’ordre factuel sur lesquelles la Commission s’est fondée pour conclure à l’absence d’un avantage octroyé à DS.

101    Il convient, d’abord, d’exposer les appréciations ayant conduit la Commission à écarter l’existence d’un avantage octroyé à DS afin, ensuite, d’examiner si les indices avancés par la requérante établissent que la Commission aurait dû éprouver des doutes quant à l’existence d’un tel avantage.

102    En premier lieu, s’agissant de la conclusion de la Commission selon laquelle la mesure contestée n’aurait pas octroyé un avantage à la requérante, il ressort de la décision attaquée qu’elle se fonde sur les quatre considérations principales exposées ci-après.

103    Premièrement, la Commission a constaté, aux points 46 à 48 de la décision attaquée, que, comme l’en avait informé le Royaume des Pays-Bas, durant les négociations exclusives qui se sont tenues entre DS et la TUD, cette dernière était parvenue à « améliorer sa position » dans la mesure où elle avait obtenu des conditions plus favorables que celles initialement proposées. Elle a relevé en effet à cet égard que le taux des redevances devant être versées à la TUD n’était plus plafonné. Elle en a conclu, dans la note en bas de page n° 12 de ladite décision, que, conformément à l’encadrement RDI, la TUD « sembl[ait] donc avoir négocié afin de retirer un bénéfice maximal de la conclusion d[u contrat de licence], ce qui, en principe, p[ouvai]t être perçu comme un indice du fait qu’elle per[cevait] une redevance correspondant au prix de marché ».

104    Deuxièmement, il ressort du point 49 de la décision attaquée que la Commission a examiné six observations que le Royaume des Pays-Bas avait formulées et desquelles elle a tiré trois principales conclusions. Tout d’abord, elle a indiqué qu’elle n’avait pas de raisons de douter, à l’instar du Royaume des Pays-Bas, que, compte tenu de la compétence acquise par les fondateurs de DS dans le développement du logiciel Delftship, cette dernière était l’entreprise la plus qualifiée pour poursuivre le développement de ce logiciel et l’adapter aux besoins de la TUD. Ensuite, la Commission a constaté, à la différence du Royaume des Pays-Bas, que le fait que DS avait généré un chiffre d’affaires dès 2007 montrait que le logiciel Delftship pouvait être mis relativement rapidement sur le marché après l’octroi de la licence. Un tel constat serait sans préjudice du fait que l’augmentation du chiffre d’affaires, les années suivantes, montrerait que la commercialisation de ce logiciel nécessitait initialement des ajustements. Enfin, à l’instar du Royaume des Pays-Bas, la Commission a fait observer que, s’il était vrai que la TUD n’avait contacté aucune entreprise afin d’évaluer un éventuel intérêt pour l’octroi d’une licence de son logiciel Delftship, aucune entreprise spécifique n’aurait été identifiée par la requérante comme susceptible d’être intéressée par l’exploitation de ce logiciel. Selon la Commission, il était peu probable que les concurrents ayant déjà un tel logiciel soient intéressés et que les entreprises ne disposant pas d’un tel logiciel aient le savoir-faire nécessaire pour poursuivre le développement du logiciel et satisfaire les besoins de la TUD.

105    Troisièmement, au point 50 de la décision attaquée, la Commission a estimé, d’une part, que les éléments d’information rapportés par le Royaume des Pays-Bas selon lesquels la TUD avait appliqué, au cours de la même période, pour des licences de brevets octroyés à des start-up, des redevances correspondant à celle qui a été conclue en l’espèce, montrait, à tout le moins, que la TUD n’avait pas appliqué un tarif bien plus bas à DS que dans le cadre de l’octroi d’autres licences. Elle a estimé, d’autre part, que non seulement les taux de redevance mentionnés dans la dernière évaluation fournie par la requérante concernaient d’autres périodes et d’autres universités que des universités néerlandaises, mais encore que la requérante n’avait pas établi pour quelles raisons ils s’appliqueraient au logiciel Delftship, compte tenu de ses caractéristiques. Enfin, la Commission a précisé que le Royaume des Pays-Bas n’avait pas été en mesure de fournir des données plus précises dans la mesure où les entreprises souhaitaient garder la confidentialité des conditions d’octroi de licence.

106    Quatrièmement, la Commission a décrit la teneur des trois évaluations fournies par la requérante et en a apprécié la valeur. D’abord, elle a relevé, aux points 65 et 66 de la décision attaquée, que ces trois évaluations divergeaient considérablement dans la mesure où la première concluait à une aide de 711 125 euros, la deuxième ne fournissait aucune estimation de la valeur de l’aide présumée et la troisième l’évaluait entre 1,1 et 2,5 millions d’euros. Partant, selon la Commission, aucune de ces trois évaluations ne constituait une preuve solide qu’un avantage avait été octroyé à DS.

107    Ensuite, la Commission a constaté, au point 67 de la décision attaquée, d’une part, que la première évaluation fournie par la requérante reposait à tort sur la valeur marchande ultérieure du logiciel et, d’autre part, que cette évaluation, selon laquelle des redevances pourraient atteindre 10 % du chiffre d’affaires réalisé, ne prenait pas en considération le fait que la TUD pouvait bénéficier gratuitement du logiciel Delftship.

108    Enfin, s’agissant des deuxième et troisième évaluations, la Commission a estimé que celles-ci reposaient sur des projections extrêmement optimistes et peu vraisemblables des résultats que DS pouvait obtenir alors même que le marché était très concurrentiel. Parmi les erreurs qui figureraient dans la deuxième évaluation, la Commission a relevé, notamment, que cette estimation ne prenait en compte ni la valeur de mise à disposition du logiciel par DS à la TUD, ni la valeur des mises à jour, ni les économies de coûts que le contrat de licence faisait réaliser à la TUD. S’agissant de la troisième évaluation, la Commission a estimé, au point 75 de la décision attaquée, que, à l’instar de la deuxième évaluation, celle-ci reposait sur des projections extrêmement optimistes, compte tenu du marché fortement concurrentiel, et peu vraisemblables et prenait en considération, à tort, le logiciel Delftload, alors même que ce dernier avait été développé après la conclusion du contrat de licence. Par ailleurs, la Commission a relevé que, dans cette troisième évaluation, la requérante manquait d’expliquer pour quelles raisons la valeur actuelle nette des revenus que la TUD percevait était inférieure à son estimation de la valeur actuelle nette de Delftship.

109    Il ressort donc des constatations exposées aux points 103 à 108 ci-dessus que la Commission a considéré, en substance, premièrement, que le déroulement et le résultat des négociations entre DS et la TUD constituaient « un indice du fait qu’elle per[cevai]t une redevance correspondant au prix de marché » (voir point 103 ci-dessus), deuxièmement, que le choix par la TUD d’octroyer la licence à DS était approprié, compte tenu de l’absence d’entreprises susceptibles de poursuivre l’exploitation de Delftship, en fournissant, en particulier, les mêmes prestations techniques, et, de ce fait, de générer des revenus aussi importants pour la TUD (voir point 104 ci-dessus), troisièmement, que le taux de 5 % du montant du chiffre d’affaires versé au titre des redevances correspondait, selon les informations à la disposition de la Commission, à tout le moins, à un pourcentage habituellement pratiqué par la TUD, pendant la même période, pour des brevets octroyés aux entreprises (voir point 105 ci-dessus) et, quatrièmement, que les trois évaluations fournies par la requérante, qui étaient contradictoires et non fondées, n’établissaient pas que le contrat de licence avait conféré un avantage à DS (voir points 106 à 108 ci-dessus).

110    En second lieu, à la lumière des constatations de la Commission qui précèdent, il convient de rechercher si la requérante rapporte des indices concordants établissant que la Commission aurait dû avoir des doutes sur l’octroi d’un avantage à DS, de sorte qu’elle aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen.

111    Premièrement, la requérante estime que la Commission a commis une erreur d’appréciation en considérant que la TUD avait agi comme un investisseur privé en dépit du fait que le contrat de licence avait été conclu à l’issue de négociations exclusives avec DS. Elle avance trois principaux arguments à cet égard.

112    Tout d’abord, la requérante soutient que la Commission a considéré à tort que les circonstances de l’espèce requéraient que l’octroi de la licence du logiciel Delftship se fasse sur la base de négociations exclusives entre la TUD et DS. Il y a lieu toutefois de constater qu’un tel argument repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, comme il ressort du point 103 ci-dessus, dans la décision attaquée, la Commission s’est contentée d’examiner si la TUD avait amélioré sa position contractuelle dans le cadre de cette négociation et de constater qu’une telle amélioration pouvait être perçue comme un indice que le taux des redevances pouvait correspondre à un prix de marché.

113    Ensuite, la requérante conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle le choix de DS se justifiait en raison de ses compétences spécifiques pour développer le logiciel Delftship. Dans ce cadre, elle soulève trois arguments distincts. D’une part, pour autant que la requérante fait observer que la TUD n’était pas tenue de conclure un contrat de licence avec DS, car il existait d’autres logiciels de conception et de chargement de navires sur le marché qu’elle aurait pu acquérir aux fins de recherche et d’enseignement, il convient de constater que cet argument est inopérant. En effet, à supposer même que la TUD aurait eu un intérêt à acheter un logiciel de conception de navires plutôt qu’à conclure le contrat de licence (aux termes duquel elle bénéficiait dudit logiciel à titre gratuit en plus du gain des redevances prévues dans ce contrat), un tel constat serait, en toute hypothèse, sans aucune influence sur la question de savoir si la Commission aurait dû éprouver des doutes dans la détermination de l’existence d’un avantage octroyé à DS en raison de la mesure contestée.

114    D’autre part, pour autant que la requérante fait observer non seulement qu’il existe de nombreux professionnels sur ce secteur, mais également que le logiciel Delftship a été écrit en langage informatique pascal, qui est facilement utilisable par tout programmeur, il importe de constater que, à supposer même que, comme le soutient la requérante, le développement du logiciel Delftship ne requiert aucune compétence spécifique de programmation, il n’en demeure pas moins que la requérante n’avance aucun argument ou preuve tendant à infirmer l’appréciation de la Commission selon laquelle DS, dont il est constant que les fondateurs avaient développé au sein de la TUD le logiciel en question pendant près de dix ans à compter de 1997, était la société la plus compétente pour continuer à développer ledit logiciel et comprendre les besoins spécifiques de la TUD.

115    Enfin, pour autant que la requérante soutient que la Commission a considéré, de manière spéculative, qu’il était improbable que des entreprises autres que DS soient intéressées par la conclusion du contrat de licence, il importe de relever que la requérante reconnaît toutefois explicitement dans ses écritures que, comme la Commission l’a indiqué dans la décision attaquée, il était vraisemblable que les concurrents de DS ne soient pas intéressés par le contrat de licence, compte tenu du fait qu’ils disposaient déjà d’un logiciel concurrent à Delftship. Par ailleurs, la requérante n’avance aucun argument ou preuve tendant à infirmer l’appréciation de la Commission selon laquelle les entreprises, qui ne disposaient pas d’un tel logiciel et qui auraient pu avoir un intérêt à entrer sur ce marché, n’auraient toutefois pas des compétences équivalentes à DS pour développer ledit logiciel et répondre aux besoins de la TUD.

116    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les trois arguments soulevés par la requérante ne permettent pas de considérer que les négociations exclusives qui se sont tenues entre DS et la TUD auraient dû conduire la Commission à éprouver des doutes quant à l’existence d’un avantage octroyé à DS.

117    Deuxièmement, la requérante considère que la Commission a commis une erreur d’appréciation des faits en considérant que le logiciel Delftship n’était pas prêt à être commercialisé au moment où son code source a été gelé.

118    Tout d’abord, il importe de souligner, comme il ressort du point 104 ci-dessus, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas, dans la décision attaquée, estimé que le logiciel Delftship n’était pas prêt à être exploité au moment où son code source a été gelé, mais elle s’est contentée de rappeler à cet égard que telle était la position du Royaume des Pays-Bas. En effet, la Commission a considéré que, contrairement à ce que le Royaume des Pays-Bas avait fait valoir dans les observations que ce dernier lui avait soumises, le logiciel Delftship était prêt à la commercialisation, même si des ajustements semblaient nécessaires, ce que l’augmentation rapide du chiffre d’affaires de DS après 2007 tendait à montrer.

119    Ensuite, pour autant que la requérante considère que l’appréciation de la Commission selon laquelle le fait que le logiciel Delftship ait été prêt à la commercialisation au moment où son code source a été gelé ne faisait, en toute hypothèse, qu’augmenter le montant des redevances que la TUD percevrait constituerait un « sophisme », il y a lieu de rejeter cet argument comme étant inopérant. En effet, il n’établit pas, en toute hypothèse, que la Commission aurait dû avoir des doutes sur le fait que le taux de la redevance conclu dans le contrat de licence ne constituait pas un prix de marché.

120    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que le logiciel Delftship était, au moment où son code source a été gelé, prêt à la commercialisation, même si des ajustements restaient nécessaires, ne conduit pas à conclure que la Commission aurait dû éprouver des doutes sur le fait que le taux de la redevance conclu dans le contrat de licence ne constituait pas un prix de marché.

121    Troisièmement, la requérante soutient que la Commission a pris en considération à tort la fourchette de 2 à 6 % du chiffre d’affaires indiquée par les autorités néerlandaises pour justifier la conformité au marché du taux de redevance payable à la TUD. Elle avance deux arguments à cet égard.

122    Tout d’abord, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’analyse, qui vise à déterminer si le prix payé est celui qu’un investisseur privé aurait offert, ne peut pas se limiter à une comparaison avec d’autres transactions conclues par le même organisme public, il y a lieu de le rejeter comme étant non fondé. En effet, la requérante n’établit ni ne prétend que les autres licences octroyées par la TUD n’auraient pas été accordées à des conditions normales de marché. Dès lors, elle n’établit pas que les redevances pour l’octroi de ces licences ne constituaient pas des informations pertinentes en l’espèce. Par ailleurs, et en toute hypothèse, force est de constater que la requérante ne conteste pas que, comme le Royaume des Pays-Bas l’a indiqué à la Commission, le taux de 5 % du montant du chiffre d’affaires devant être versé à la TUD à titre de redevance se trouve dans la fourchette des pourcentages pratiqués par d’autres universités néerlandaises. À cet égard, il importe de relever que la requérante n’a avancé aucun argument, notamment lors de l’audience, permettant de considérer que les taux de redevance exigés par les universités américaines ou anglaises, et pouvant atteindre 55 %, seraient applicables à des logiciels développés par une université telle que la TUD.

123    Ensuite, la requérante estime que la fourchette des taux de redevance de 2 à 6 % du chiffre d’affaires, avancée par le Royaume des Pays-Bas, n’est pas applicable en l’espèce, car celui-ci se réfère à des redevances pour des brevets qui représentent « une technologie en termes abstraits, qui doit être encore développée pour devenir un produit concret susceptible d’être commercialisé », alors que le logiciel Delftship aurait été prêt à être commercialisé. Toutefois, force est de constater à cet égard que, comme il ressort de l’étude fournie par le Royaume des Pays-Bas à la Commission, non seulement la fourchette de taux des redevances, allant de 2 à 6 % du chiffre d’affaires, repose sur une analyse des redevances en matière de propriété intellectuelle dans les secteurs technologiques sans distinction, mais encore elle inclut des exemples de redevances résultant de brevets qui génèrent immédiatement des revenus. En outre, la requérante n’avance aucun argument pour établir que les exemples, fournis par le Royaume des Pays-Bas, d’octroi de licence par la TUD pour des brevets à des start-up, telles que DS, ne seraient pas transposables en l’espèce.

124    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas établi que la Commission ne pouvait pas valablement, sur la base des informations fournies par le Royaume des Pays-Bas, considérer que le taux de 5 % du montant du chiffre d’affaires versé à titre de redevance, prévu dans le contrat de licence, constituait un prix de marché qu’un investisseur privé, dans des conditions normales de concurrence, aurait fixé.

125    Quatrièmement, la requérante estime que la Commission aurait dû relever que les évaluations qu’elle lui a fournies indiquent, toutes, que la mesure contestée octroyait un avantage à DS. Elle avance trois principaux arguments à cet égard.

126    Tout d’abord, la requérante fait valoir que la Commission ne peut pas valablement lui reprocher d’avoir fourni des évaluations aboutissant à des résultats différents. Elle fait observer, à cet égard, qu’elle est la seule à avoir réalisé ou fait réaliser de telles évaluations et que ces trois évaluations reposent sur des estimations et des hypothèses, dès lors que les personnes qui les ont établies ne disposaient pas des chiffres confidentiels de DS. Ces évaluations indiqueraient, toutes, que DS a bénéficié d’un avantage.

127    À cet égard, il suffit de constater que, même si les arguments de la requérante, exposés au point 126 ci-dessus, permettent d’expliquer les divergences existant entre les trois évaluations qu’elle a fournies, ils ne sont toutefois pas de nature, en toute hypothèse, à infirmer les motifs, exposés aux points 107 et 108 ci-dessus, pour lesquels la Commission a estimé que chacune de ces évaluations était non fondée.

128    Ensuite, la requérante soutient que la Commission a estimé, à tort, que les prévisions de chiffres d’affaires de DS, figurant dans la dernière évaluation qu’elle a fournie à la Commission, ne seraient pas atteintes en raison du fait que le marché était saturé. À cet égard, il y a lieu de constater que l’argument de la requérante repose sur la prémisse erronée que la Commission a considéré que le marché était saturé, alors même qu’elle s’est contentée de constater, en substance, au point 75 de la décision attaquée, que le marché était extrêmement concurrentiel et que les estimations futures du chiffre d’affaires de DS, fournies par la requérante, étaient peu vraisemblables, car excessivement optimistes. Or, force est de relever qu’une telle analyse est étayée par la requérante elle-même dans ses écritures. En effet, outre le fait que la requérante fait état de nombreux concurrents sur le marché en cause, elle soutient que les logiciels commercialisés par DS ne présenteraient pas d’avantage concurrentiel, dès lors qu’elle considère que la TUD aurait pu facilement remplacer lesdits logiciels par les siens. Ces éléments, avancés par la requérante elle-même, tendent donc à montrer que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant qu’une évaluation excessivement optimiste de l’évolution du chiffre d’affaires de DS ne serait pas vraisemblable.

129    Enfin, il y a lieu de constater que les autres arguments soulevés par la requérante, visant exclusivement à remettre en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle ses évaluations n’établiraient pas qu’un avantage a été octroyé à DS, ne sauraient convaincre. En effet, dans la mesure où aucun d’entre eux ne critique en particulier l’appréciation de la Commission selon laquelle les évaluations fournies par la requérante auraient manqué de prendre en considération les économies de coûts que le contrat de licence faisait réaliser à la TUD, ils ne permettent pas, en toute hypothèse, de constater que la Commission a considéré, à tort, que lesdites évaluations n’étaient pas fondées. À cet égard, il y a lieu de relever que, même s’il fallait considérer, comme la requérante le soutient, qu’il serait d’usage que les entreprises mettent gratuitement à la disposition des étudiants leurs logiciels, cela n’infirmerait pas, en toute hypothèse, le constat que lesdites évaluations ont manqué de comptabiliser, aux fins d’établir l’éventuel avantage dont la TUD aurait bénéficié, les économies de coûts que le contrat de licence lui faisait réaliser. Dans ces conditions, les arguments soulevés par la requérante à cet égard doivent être rejetés.

130    À la lumière de ce qui précède, l’ensemble des arguments soulevés par la requérante visant à contester les appréciations d’ordre factuel sur lesquelles la Commission s’est reposée pour conclure à l’absence d’un avantage octroyé à DS doivent être rejetés.

131    Le deuxième grief de la requérante doit donc être rejeté.

–       Sur le troisième grief, tiré du défaut d’évaluation indépendante constatant l’absence d’un avantage

132    La requérante soutient que la Commission était tenue d’ordonner au Royaume des Pays-Bas de fournir une évaluation indépendante relative à l’octroi de la mesure contestée. Cette obligation découlerait de son droit, prévu à l’article 10 du règlement n° 659/1999, d’obtenir des informations des États membres et serait conforme aux principes dégagés dans le XXIIIe Rapport.

133    À cet égard, il y a lieu de relever que ni l’article 10 du règlement n° 659/1999, qui prévoit, en substance, le droit pour la Commission de demander des informations à l’État membre concerné par une prétendue aide, ni les principes dégagés dans le XXIIIe Rapport, qui concernent exclusivement les circonstances dans lesquelles une société est privatisée (voir point 96 ci-dessus), n’imposaient, en l’espèce, à la Commission d’ordonner une évaluation économique indépendante, dès lors qu’elle considérait, sur la base des informations qu’elle avait réunies, que l’octroi d’un avantage devait être écarté.

134    Le troisième grief de la requérante doit donc être rejeté.

135    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter les premier, troisième et quatrième moyens, lus conjointement, et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

136    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission et par la Technische Universiteit Delft, conformément aux conclusions de ces dernières.

137    Conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Le Royaume des Pays-Bas supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Scheepsbouwkundig Advies- en Rekencentrum (Sarc) BV est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne et par la Technische Universiteit Delft.

3)      Le Royaume des Pays-Bas supportera ses propres dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juin 2014.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur la qualité pour agir de la requérante

Sur la recevabilité des moyens soulevés par la requérante, compte tenu de sa qualité pour agir

Sur le fond

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit de la requérante d’être associée d’une manière adéquate à la procédure durant la phase préliminaire d’examen

Sur les premier, troisième et quatrième moyens, tirés des doutes que la Commission aurait dû éprouver dans l’appréciation de l’absence d’un avantage octroyé à DS

– Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit liée au constat de l’absence d’un avantage

– Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs d’appréciation dans le constat de l’absence d’un avantage

– Sur le troisième grief, tiré du défaut d’évaluation indépendante constatant l’absence d’un avantage

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.