Language of document : ECLI:EU:C:2014:2318

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

23 octobre 2014 (*)

«Renvoi préjudiciel – Code des douanes communautaire – Recouvrement de droits à l’importation – Origine des marchandises – Moyens de preuve – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 47 – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Autonomie procédurale des États membres»

Dans l’affaire C‑437/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays‑Bas), par décision du 12 juillet 2013, parvenue à la Cour le 2 août 2013, dans la procédure

Unitrading Ltd

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, M. A. Borg Barthet et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2014,

considérant les observations présentées:

–        pour Unitrading Ltd, par Me R. Niessen-Cobben, en qualité de conseil,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes B. Koopman, M. Bulterman et H. Stergiou, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme J. Beeko, en qualité d’agent, assistée de M. K. Beal, QC,

–        pour la Commission européenne, par MM. W. Roels et B.‑R. Killmann, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Unitrading Ltd (ci-après «Unitrading») au Staatssecretaris van Financiën au sujet de l’imposition de droits de douane à l’importation.

 Le cadre juridique

3        L’article 243 du règlement (CEE) nº 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci‑après le «code des douanes»), dispose:

«1.      Toute personne a le droit d’exercer un recours contre les décisions prises par les autorités douanières qui ont trait à l’application de la réglementation douanière et qui la concernent directement et individuellement.

[...]

2.      Le droit de recours peut être exercé:

a)      dans une première phase, devant l’autorité douanière désignée à cet effet par les États membres;

b)      dans une seconde phase, devant une instance indépendante qui peut être une autorité judiciaire ou un organe spécialisé équivalent, conformément aux dispositions en vigueur dans les États membres.»

4        L’article 245 du code des douanes prévoit:

«Les dispositions relatives à la mise en œuvre de la procédure de recours sont arrêtées par les États membres.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

5        Le 20 novembre 2007, Unitrading, établie à Rickmansworth (Royaume‑Uni), a introduit auprès des autorités douanières néerlandaises une déclaration de mise en libre pratique concernant 86 400 kilogrammes d’aulx frais (ci-après la «marchandise»). La déclaration a été soumise par F. V. de Groof’s In- en Uitklaringsbedrijf BV, exerçant son activité sous le nom de Comex (ci-après «Comex»), en tant que représentant direct d’Unitrading. La déclaration indiquait comme pays d’origine de la marchandise le Pakistan. Elle était accompagnée d’un certificat d’origine émis par la Karachi Chamber of Commerce and Industry le 5 novembre 2007.

6        Les autorités douanières néerlandaises ont, le 21 novembre 2007, prélevé des échantillons de la marchandise. Le même jour, ces autorités ont exigé la constitution d’une garantie complémentaire, en raison de doutes qu’elles nourrissaient quant au pays d’origine déclaré. Unitrading ayant constitué cette garantie, lesdites autorités ont, le 26 novembre 2007, accordé la mainlevée de la marchandise. Le laboratoire des douanes d’Amsterdam (Pays-Bas) a toutefois fait examiner, selon une méthode dite «ICP/MS [Inductively coupled plasma mass spectroscopy] à haute résolution», une partie de chacun des échantillons (ci-après, ensemble, les «sous‑échantillons») par un laboratoire de l’US Department of Homeland Security, Customs and Border Protection (bureau des douanes et de la protection des frontières du ministère américain de la Sécurité intérieure ci‑après le «laboratoire américain»). Ce dernier a notamment indiqué, dans une lettre du 8 janvier 2008, qu’il existait une probabilité d’au moins 98 % que le produit en cause soit de l’ail chinois.

7        À la demande de Comex, une autre partie de chacun des échantillons a été envoyée au laboratoire américain qui, après analyse, a confirmé ses constatations antérieures. En revanche, la proposition de Comex visant à ce que la marchandise soit examinée au Pakistan, aux frais de la société pour le compte de laquelle la marchandise avait été importée aux Pays‑Bas, a été rejetée par les autorités douanières.

8        Le laboratoire des douanes d’Amsterdam a communiqué les résultats des nouvelles analyses aux services du bureau de douane néerlandais concerné. Il a également informé ce dernier que le reste des échantillons analysés ne serait pas conservé dans ses locaux, mais que des contre‑échantillons seraient conservés dans un dépôt central jusqu’au 30 mai 2009, ce dont Unitrading a été informée le 11 juin 2008. Le 2 décembre 2008, les autorités douanières ont conclu que la marchandise était originaire de Chine.

9        Le 19 décembre 2008, un avis d’imposition de droits de douane (ci‑après l’«avis d’imposition litigieux») a été émis et notifié à Unitrading. Eu égard au fait allégué que la marchandise provenait de Chine, des droits additionnels d’un montant de 1 200 euros par 1 000 kilogrammes, soit 98 870,40 euros, ont été imposés.

10      Unitrading a introduit une réclamation contre l’avis d’imposition litigieux, contestant les analyses effectuées par le laboratoire américain. Interrogé par le laboratoire des douanes d’Amsterdam, le laboratoire américain, dans un courrier électronique du 9 février 2009, a indiqué que les sous‑échantillons avaient été comparés aux informations contenues dans ses banques de données relatives au pays d’origine déclaré, à savoir le Pakistan, et au pays d’origine soupçonné, à savoir la Chine. Au mois de mars 2009, le laboratoire américain a en outre informé le laboratoire des douanes d’Amsterdam que plus de quinze éléments en traces avaient été décelés dans les échantillons de la marchandise. Toutefois, il a refusé de divulguer des informations concernant les régions de Chine et du Pakistan qui avaient été comparées, au motif qu’il s’agissait de données sensibles dont l’accès était restreint par la loi.

11      Dans un rapport de mission du 20 octobre 2009, relatif à une enquête menée en Chine à propos d’un certain nombre d’envois d’ail frais qui avaient été effectués vers le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Belgique, et pour lesquels le pays d’origine déclaré était le Pakistan, alors qu’il était suspecté que les marchandises étaient originaires de Chine, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) est parvenu à la conclusion qu’il y avait de solides raisons de penser que le pays de provenance était non pas le Pakistan, mais la Chine.

12      L’avis d’imposition litigieux ayant été confirmé, dans ces conditions, par les autorités douanières, Unitrading a saisi le Rechtbank te Haarlem (tribunal de Haarlem) qui, par jugement du 12 août 2010, a déclaré non fondé le recours intenté contre cette dernière décision. Unitrading a interjeté appel de ce jugement devant le Gerechtshof te Amsterdam (cour d’appel d’Amsterdam), lequel a, le 10 mai 2012, confirmé le jugement rendu en première instance, en considérant, notamment, que les autorités douanières néerlandaises avaient démontré que la marchandise était originaire non pas du Pakistan, mais de Chine. Le Gerechtshof te Amsterdam a, en outre, précisé qu’il existait encore à Amsterdam, à la date de l’audience devant lui, des sous-échantillons de la marchandise pouvant servir à une contre‑expertise éventuelle. Unitrading s’est pourvue en cassation devant la juridiction de renvoi.

13      Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      À supposer que les autorités douanières souhaitent, dans le cadre de la preuve de l’origine de marchandises importées, prendre appui sur les résultats d’analyses effectuées par un tiers, sur lesquels ce tiers refuse de fournir des informations complémentaires, que ce soit aux autorités douanières ou au déclarant, avec pour conséquence d’entraver ou de rendre impossible la vérification ou la réfutation de l’exactitude des conclusions utilisées, ainsi que de gêner le juge dans l’appréciation qui lui incombe des résultats des analyses, les droits consacrés à l’article 47 de la Charte [...] impliquent-ils que le juge ne peut pas prendre en considération lesdits résultats? Est‑il important, pour l’examen de cette question, que le tiers en question ait privé les autorités douanières et l’intéressée des informations en question au motif, qu’il n’a pas davantage étayé, que celles-ci seraient sensibles au regard de l’exécution des lois (‘law enforcement sensitive’)?

2)      À supposer que les autorités douanières ne puissent pas donner d’informations complémentaires quant aux analyses qui ont été effectuées et sur lesquelles repose leur conclusion que les marchandises en cause sont originaires d’un certain pays – une conclusion qui fait l’objet d’une contestation motivée –, les droits consacrés à l’article 47 de la Charte impliquent-ils que les autorités douanières – pour autant qu’on peut raisonnablement l’exiger de leur part – doivent se montrer coopératives dans le cadre de la demande de l’intéressée de faire effectuer, à ses propres frais, des analyses et/ou des prélèvements d’échantillons dans le pays déclaré par elle comme pays d’origine?

3)      Est-il important, pour l’examen des première et deuxième questions, que des parties d’échantillons des marchandises aient, après la notification des droits de douane dus, été conservées pendant un certain temps, dont l’intéressée aurait pu disposer aux fins de vérifications par un autre laboratoire, même si le résultat de telles vérifications ne changerait rien au fait que les constatations du laboratoire consulté par les autorités douanières sont invérifiables, de sorte qu’il sera, dans cette hypothèse aussi, impossible pour le juge – au cas où l’autre laboratoire conclurait à la même origine que celle déclarée par l’intéressée – de comparer entre elles les conclusions des deux laboratoires sur le plan de leur fiabilité? Dans l’affirmative, les autorités douanières devraient‑elles informer l’intéressée de l’existence des sous‑échantillons de marchandises conservés et du fait qu’elle peut demander à pouvoir en disposer aux fins desdites vérifications?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

14      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que la preuve, par les autorités douanières, de l’origine de marchandises importées repose sur les résultats d’analyses effectuées par un tiers, au sujet desquels ce tiers refuse de fournir des informations complémentaires, que ce soit aux autorités douanières ou au déclarant en douane, avec pour conséquence d’entraver ou de rendre impossible la vérification ou la réfutation de l’exactitude des conclusions utilisées.

15      Selon Unitrading, l’article 47 de la Charte exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée une décision prise à son égard. Par ailleurs, compte tenu du principe du contradictoire faisant partie des droits de la défense, les parties à un procès devraient avoir le droit de prendre connaissance de toutes les pièces ou observations présentées au juge en vue d’influer sur sa décision et de les discuter. La Cour, dans son arrêt ZZ (C‑300/11, EU:C:2013:363), aurait déjà jugé que, s’il s’avère nécessaire de ne pas communiquer certaines informations à l’intéressé, en raison notamment de considérations impérieuses liées à la sûreté de l’État, le juge national doit avoir à sa disposition et mettre en œuvre des techniques et des règles de droit de procédure permettant de concilier ces considérations et les droits consacrés à l’article 47 de la Charte.

16      Le gouvernement tchèque souligne que les autorités douanières, si elles entendent fonder leur décision sur le fait que l’indication, par un déclarant, du pays d’origine ne correspond pas à la réalité, doivent supporter la charge de la preuve de cette allégation. Seul un rapport d’analyse dont il ressort clairement quelle procédure a été employée et à quel résultat elle a conduit, d’une manière suffisante pour permettre aux autorités douanières d’évaluer la crédibilité et la pertinence des résultats et à la personne concernée de faire valoir utilement son point de vue sur ces résultats, pourrait avoir valeur de preuve.

17      Le gouvernement néerlandais indique que ni les autorités douanières, ni Unitrading, ni la juridiction de renvoi n’ont pu prendre pleinement connaissance de tous les détails des analyses réalisées par le laboratoire américain. Néanmoins, compte tenu de la fiabilité de ce laboratoire, ces autorités pouvaient légitimement considérer que les rapports relatifs aux résultats d’analyse constituaient une preuve suffisante. L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exigerait, notamment, que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard. Or, cette exigence aurait été respectée dans le litige au principal.

18      Le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir que, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité, il appartient, en vertu de l’article 245 du code des douanes, à l’ordre juridique interne de chaque État membre de régler la procédure pour l’exercice du droit de recours contre une décision de l’autorité douanière nationale défavorable à l’intéressé. La Cour aurait établi, aux points 57 à 66 de l’arrêt ZZ (EU:C:2013:363), une distinction entre les motifs sur lesquels une décision administrative est fondée et les éléments de preuve sous‑tendant ces motifs, et elle aurait jugé qu’il appartient au juge national d’apprécier si et dans quelle mesure des restrictions aux droits de la défense découlant d’une non‑divulgation des éléments de preuve sont de nature à influer sur la force probante de ces éléments.

19      Selon la Commission européenne, en l’absence d’une réglementation de l’Union portant sur la notion de preuve, tous les moyens de preuve que les droits procéduraux des États membres admettent dans des procédures analogues à celle prévue à l’article 243 du code des douanes sont, en principe, recevables. Toutefois, il découlerait des points 62 à 67 de l’arrêt ZZ (EU:C:2013:363) qu’il incombe aux autorités douanières compétentes de prouver que la réalisation d’objectifs importants d’intérêt général pour les États membres serait compromise par la divulgation d’éléments de preuve précis et complets qui étayent la légalité de leur décision.

20      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige, d’une part, que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard, soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent. D’autre part, le juge compétent doit avoir le pouvoir d’exiger de l’autorité en cause qu’elle communique ces motifs, afin de mettre celui-ci pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision nationale en cause (voir, en ce sens, arrêt ZZ, EU:C:2013:363, point 53 et jurisprudence citée).

21      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, s’agissant de la procédure juridictionnelle, eu égard au principe du contradictoire faisant partie des droits de la défense, visés à l’article 47 de la Charte, les parties à un procès doivent avoir le droit de prendre connaissance de toutes les pièces ou observations présentées au juge en vue d’influer sur sa décision et de les discuter. En effet, ce serait violer le droit fondamental à un recours juridictionnel effectif que de fonder une décision juridictionnelle sur des faits et des documents dont les parties elles-mêmes, ou l’une d’entre elles, n’ont pas pu prendre connaissance et sur lesquels elles n’ont donc pas été en mesure de prendre position (arrêt ZZ, EU:C:2013:363, points 55 et 56 ainsi que jurisprudence citée).

22      Toutefois, il n’apparaît pas que, dans un cas tel que celui en cause au principal, les principes évoqués aux points 20 et 21 du présent arrêt aient été violés. En effet, il découle de la décision de renvoi qu’Unitrading connaît les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard, qu’elle a pris connaissance de toutes les pièces et observations présentées au juge en vue d’influer sur sa décision et qu’elle pouvait les discuter devant celui-ci.

23      Dans ces conditions, les résultats d’analyses fournis par le laboratoire américain constituent un simple moyen de preuve que tant les autorités douanières que les juridictions néerlandaises, en tenant également compte des arguments et des éléments de preuve apportés par Unitrading, ont pu considérer comme suffisant afin d’établir la véritable origine de la marchandise. Or, comme l’a souligné à bon droit la Commission, en l’absence d’une réglementation de l’Union portant sur la notion de preuve, tous les moyens de preuve que les droits procéduraux des États membres admettent dans des procédures analogues à celle prévue à l’article 243 du code des douanes sont, en principe, recevables [arrêt Sony Supply Chain Solutions (Europe), C‑153/10, EU:C:2011:224, point 41 et jurisprudence citée].

24      La recevabilité d’un tel moyen de preuve, même dans l’hypothèse où celui‑ci est important, voire déterminant, pour la solution du litige concerné, ne saurait être remise en cause par le seul fait que ce moyen de preuve n’est pas pleinement vérifiable, ni par la partie concernée ni par la juridiction saisie, comme cela apparaît être le cas s’agissant des résultats d’analyses du laboratoire américain dans l’affaire au principal. En effet, si, dans une telle hypothèse, la partie concernée ne peut pas entièrement vérifier l’exactitude de ces résultats d’analyses, elle ne se trouve pas pour autant dans une situation assimilable à celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt ZZ (EU:C:2013:363), dans laquelle tant l’autorité nationale concernée que la juridiction saisie d’un recours contre la décision adoptée par cette dernière refusaient, en appliquant la réglementation nationale en cause dans cette affaire, de communiquer à l’intéressé les motifs précis et complets constituant le fondement de la décision prise à son égard.

25      Il n’apparaît pas non plus que le droit à une protection juridictionnelle effective ait été violé dans le litige au principal étant donné que les juridictions saisies successivement n’apparaissent pas être liées, en vertu du droit procédural national, par l’appréciation des faits et, notamment, des moyens de preuve effectuée par l’autorité douanière (voir, en ce sens, arrêt Wilson, C‑506/04, EU:C:2006:587, point 61).

26      En effet, dans la mesure où la pertinence d’un moyen de preuve non entièrement vérifiable par toutes les parties à la procédure ainsi que par la juridiction saisie du litige, comme c’est le cas s’agissant des résultats d’analyse en cause au principal, peut valablement être remise en cause par la partie concernée, notamment en faisant valoir que ce moyen de preuve ne saurait constituer qu’une preuve indirecte des faits allégués et en avançant d’autres éléments susceptibles d’étayer ses affirmations divergentes, le droit de cette personne à une protection juridictionnelle effective, visé à l’article 47 de la Charte, n’est, en principe, pas violé. Or, comme il ressort de la décision de renvoi ainsi que des observations du gouvernement néerlandais présentées lors de l’audience, les juridictions saisies successivement au principal apparaissent libres dans leur appréciation de la pertinence des moyens de preuve qui leur sont soumis.

27      L’article 245 du code des douanes prévoyant, dans ce contexte, que les dispositions relatives à la mise en œuvre de la procédure de recours prévue à l’article 243 de ce code sont arrêtées par les États membres, il y a lieu de constater qu’il appartient à l’ordre juridique interne de chacun de ces derniers de régler les modalités procédurales de ces recours, pour autant que ces modalités ne sont pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité). Ces considérations valent également en ce qui concerne, en particulier, les modalités de preuve (voir, en ce sens, arrêt Direct Parcel Distribution Belgium, C‑264/08, EU:C:2010:43, points 33 et 34 ainsi que jurisprudence citée).

28      Afin d’assurer le respect du principe d’effectivité, le juge national, s’il constate que le fait de faire supporter au redevable de la dette douanière la charge de la preuve de l’origine des marchandises déclarées, en ce qu’il lui incombe de réfuter la pertinence d’un moyen de preuve indirect utilisé par les autorités douanières, est susceptible de rendre impossible ou excessivement difficile l’administration d’une telle preuve, du fait notamment que celle-ci porte sur des données dont le redevable ne peut disposer, est tenu d’avoir recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national, au nombre desquels figure celui d’ordonner les mesures d’instruction nécessaires (voir, en ce sens, arrêt Direct Parcel Distribution Belgium, EU:C:2010:43, point 35 et jurisprudence citée).

29      Toutefois, dans la mesure où le juge national, après avoir eu recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national, conclut que la véritable origine des marchandises concernées est autre que celle déclarée et que l’imposition de droits de douane supplémentaires, ou même d’une amende, au déclarant est donc justifiée, l’article 47 de la Charte ne s’oppose pas à ce qu’une décision en ce sens soit adoptée par ledit juge.

30      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la preuve de l’origine de marchandises importées, administrée par les autorités douanières sur le fondement du droit procédural national, repose sur les résultats d’analyses effectuées par un tiers, au sujet desquels ce tiers refuse de fournir des informations complémentaires, que ce soit aux autorités douanières ou au déclarant en douane, avec pour conséquence d’entraver ou de rendre impossible la vérification ou la réfutation de l’exactitude des conclusions utilisées, pourvu que les principes d’effectivité et d’équivalence soient respectés. Il incombe à la juridiction nationale de vérifier si tel a été le cas dans l’affaire au principal.

 Sur les deuxième et troisième questions

31      Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans un cas tel que celui en cause au principal, et à supposer que les autorités douanières ne soient pas en mesure de fournir des informations complémentaires quant aux analyses concernées, l’article 47 de la Charte doit être interprété en ce sens que les droits qu’il consacre impliquent que les autorités douanières doivent accéder à une demande de l’intéressée visant à faire effectuer, à ses propres frais, des analyses de la marchandise en cause dans le pays déclaré comme pays d’origine. En outre, la juridiction de renvoi cherche à savoir s’il importe que des parties d’échantillons de marchandises aient été conservées pendant un certain temps, parties d’échantillons dont l’intéressée aurait pu disposer aux fins de vérifications par un autre laboratoire et, dans l’affirmative, si les autorités douanières devraient informer l’intéressée de l’existence de sous-échantillons de marchandises conservés ainsi que du fait qu’elle peut demander à pouvoir en disposer aux fins desdites vérifications.

32      Afin de donner une réponse aux deuxième et troisième questions, il convient de rappeler, premièrement, que l’article 47 de la Charte ne s’oppose pas, en principe, à ce que la preuve de l’origine de marchandises importées, administrée par les autorités douanières sur le fondement du droit procédural national, repose sur des résultats d’analyses effectuées par un tiers et dont il est impossible de vérifier ou de réfuter l’exactitude, pourvu que les principes d’effectivité et d’équivalence soient respectés.

33      Deuxièmement, il ressort du point 27 du présent arrêt, d’une part, qu’il appartient à l’ordre juridique interne de chacun des États membres de régler les modalités procédurales des recours visés à l’article 243 du code des douanes, pour autant que ces modalités ne sont pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité), et, d’autre part, que ces considérations valent également en ce qui concerne les modalités de preuve.

34      Or, ces considérations sont entièrement applicables aux deuxième et troisième questions. Par conséquent, nonobstant la nécessité, pour les États membres, de respecter les principes d’effectivité et d’équivalence, la question de savoir si, dans une situation telle que celle en cause au principal, les autorités douanières doivent accéder à une demande de l’intéressée de faire effectuer des analyses dans un pays tiers, la pertinence, à cet égard, du fait que des parties d’échantillons de marchandises ont été conservées pendant un certain temps et, dans l’affirmative, la question de savoir si les autorités douanières doivent en informer l’intéressée doivent être appréciées sur le fondement du droit procédural national.

35      Dès lors, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que, dans un cas tel que celui en cause au principal, et à supposer que les autorités douanières ne puissent pas donner d’informations complémentaires quant aux analyses concernées, la question de savoir si les autorités douanières doivent accéder à une demande de l’intéressé de faire effectuer, à ses propres frais, des analyses dans le pays déclaré comme pays d’origine ainsi que la question de savoir s’il importe que des parties d’échantillons de marchandises aient été conservées pendant un certain temps, dont l’intéressé aurait pu disposer aux fins de vérifications par un autre laboratoire et, dans l’affirmative, si les autorités douanières doivent informer l’intéressé de l’existence de sous‑échantillons de marchandises conservés et du fait qu’il peut demander à pouvoir en disposer aux fins desdites vérifications doivent être appréciées sur le fondement du droit procédural national.

 Sur les dépens

36      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que la preuve de l’origine de marchandises importées, administrée par les autorités douanières sur le fondement du droit procédural national, repose sur les résultats d’analyses effectuées par un tiers, au sujet desquels ce tiers refuse de fournir des informations complémentaires, que ce soit aux autorités douanières ou au déclarant en douane, avec pour conséquence d’entraver ou de rendre impossible la vérification ou la réfutation de l’exactitude des conclusions utilisées, pourvu que les principes d’effectivité et d’équivalence soient respectés. Il incombe à la juridiction nationale de vérifier si tel a été le cas dans l’affaire au principal.

2)      Dans un cas tel que celui en cause au principal, et à supposer que les autorités douanières ne puissent pas donner d’informations complémentaires quant aux analyses concernées, la question de savoir si les autorités douanières doivent accéder à une demande de l’intéressé de faire effectuer, à ses propres frais, des analyses dans le pays déclaré comme pays d’origine ainsi que la question de savoir s’il importe que des parties d’échantillons de marchandises aient été conservées pendant un certain temps, dont l’intéressé aurait pu disposer aux fins de vérifications par un autre laboratoire, et, dans l’affirmative, si les autorités douanières doivent informer l’intéressé de l’existence de sous‑échantillons de marchandises conservés et du fait qu’il peut demander à pouvoir en disposer aux fins desdites vérifications doivent être appréciées sur le fondement du droit procédural national.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.