Language of document : ECLI:EU:T:2005:1

Ordonnance du Tribunal

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
10 janvier 2005 (1)

« Décision du bureau du Parlement européen – Recours en annulation – Irrecevabilité »

Dans l'affaire T-357/03,

Bruno Gollnisch, demeurant à Limonest (France),

Marie-France Stirbois, demeurant à Villeneuve-Loubet (France),

Carl Lang, demeurant à Boulogne-Billancourt (France),

Jean-Claude Martinez, demeurant à Montpellier (France),

Philip Claeys, demeurant à Overijse (Belgique),

Koen Dillen, demeurant à Anvers (Belgique),

représentés par Me W. de Saint Just, avocat,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. H. Krück et N. Lorenz, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du bureau du Parlement européen du 2 juillet 2003 portant modification de la réglementation régissant l'utilisation des crédits du poste budgétaire 3701 du budget général de l'Union européenne,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),



composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. H. Jung,

rend la présente



Ordonnance




Cadre juridique et factuel

1
La quatorzième édition du règlement du Parlement européen, en vigueur à compter du 1er mai 1999 (JO 1999, L 202, p. 1), a été remplacée par la quinzième édition du règlement du Parlement européen, en vigueur à compter du 1er février 2003 (JO 2003, L 61, p. 1, ci-après le « règlement »). Le libellé de l’article 22 de ces deux éditions du règlement est identique.

2
Selon l’article 22, paragraphe 2, du règlement, « [l]e [bureau du Parlement] règle les questions financières, d’organisation et administratives concernant les députés, l’organisation interne du Parlement, son secrétariat et ses organes ».

3
Le poste 3701 du budget général de l’Union européenne est consacré aux frais de secrétariat, dépenses administratives de fonctionnement, activités d’information et dépenses liées aux groupes politiques et aux membres non inscrits du Parlement. Pour l’exercice 2003, ce poste est doté de crédits d’un montant de 37 948 000 euros (JO 2003, L 54, p. 1, 201, 222).

4
Sur la base de l’article 22 du règlement, le bureau du Parlement a adopté la réglementation régissant l’utilisation des crédits du poste budgétaire 3701 (ci-après la « réglementation »).

5
La réglementation a fait l’objet d’une procédure de modification mise en route en 2002 et poursuivie en 2003. Lors de sa réunion du 8 avril 2003, la conférence des présidents du Parlement a décidé de donner son avis favorable aux propositions de modification de la réglementation, de soumettre ces propositions au bureau du Parlement et d’inviter celui-ci à consulter la commission de contrôle budgétaire et le service juridique avant de les adopter définitivement. Par notes des 21 et 22 mai 2003, le secrétaire général du Parlement a demandé respectivement à la commission du contrôle budgétaire et au jurisconsulte du Parlement de remettre au bureau du Parlement leur avis sur la proposition de modification de la réglementation. Par note du 16 juin 2003, la commission du contrôle budgétaire a transmis au président du Parlement un avis préliminaire. Le service juridique a rendu son avis le 25 juin 2003.

6
La décision du bureau du Parlement du 2 juillet 2003 (ci-après l’« acte attaqué ») modifie la réglementation, « sous réserve de la modification du règlement du Parlement et des autres changements qui apparaîtraient nécessaires comme suite à de nouvelles consultations ».

7
À la suite de l’acte attaqué, la disposition 1.1.1 de la partie 1 de la réglementation énonce que « [l]es crédits mis à disposition à partir du poste budgétaire 3701 sont destinés à couvrir […] les dépenses administratives et de fonctionnement des groupes politiques/secrétariat des députés non inscrits ». Auparavant, cette disposition énonçait :

« Les crédits inscrits au poste budgétaire 3701 sont destinés à couvrir […] les dépenses de secrétariat et les dépenses administratives et de fonctionnement des groupes politiques/députés non inscrits […] »

8
La disposition 1.3 de la partie 1 de la réglementation, telle que modifiée par l’acte attaqué, énonce :

« 1.3.1[…] En cas d’adhésion d’un député non inscrit à un groupe politique, l’administration présentera un rapport concernant l’état de ses dépenses à la date d’adhésion. Le cas échéant, les crédits non utilisés par le député non inscrit seront transférés au groupe concerné.

1.3.2 […] En cas de démission d’un député non inscrit, l’administration clôturera les comptes du député concerné, tout en tenant compte des engagements pris par écrit auparavant. »

9
Avant l’adoption de l’acte attaqué, la disposition 1.3 de la partie 1 de la réglementation imposait au député non inscrit qui adhérait à un groupe politique ou qui démissionnait de présenter au directeur des finances un rapport concernant l’état de ses dépenses et de rembourser, le cas échéant, les crédits non utilisés. Il prévoyait également que toute dépense non justifiée ou non conforme devait être remboursée par le député non inscrit démissionnaire.

10
À la suite de l’acte attaqué, la disposition 1.4 de la partie 1 de la réglementation ne s’applique plus aux députés non inscrits. Cette disposition telle que modifiée fixe le régime de responsabilité pour l’utilisation des crédits applicables aux seuls groupes politiques.

11
L’acte attaqué ajoute à la disposition 1.5 de la partie 1 de la réglementation un paragraphe qui se lit comme suit :

« 1.5.1 Toute activité politique ou d’information financée par des crédits inscrits au poste 3701 doit faire état du nom du groupe politique ou pour un/des député(s) non inscrit(s) de son/leur nom et du logo du PE. »

12
La disposition 1.6.1 de la partie 1 de la réglementation, telle que modifiée par l’acte attaqué, prévoit que « [l]es groupes politiques ne peuvent financer un parti politique européen que dans le respect [de certaines conditions] ». La version de cette disposition antérieure à l’adoption de l’acte attaqué énonçait :

« Les groupes politiques/députés non inscrits ne peuvent financer un parti politique européen que dans le respect [de certaines conditions]. »

13
La disposition 1.6.2, modifiée par l’acte attaqué, se lit comme suit :

« Les groupes politiques/députés non inscrits qui sont membres d’une organisation extérieure peuvent la soutenir financièrement à partir du poste 3701, sous la forme de subvention ou de cotisation, jusqu’à concurrence de 5 % de leurs crédits annuels perçus au titre du poste budgétaire 3701 […] »

14
Auparavant, cette disposition énonçait :

« Les groupes politiques/députés non inscrits peuvent soutenir une activité ou une organisation extérieure sur le plan financier, sous la forme de subvention ou de cotisation s’ils en sont membres, jusqu’à concurrence de 5 % de leurs crédits annuels au titre du poste budgétaire 3701. »

15
La disposition 1.7 de la partie 1 de la réglementation, telle que modifiée par l’acte attaqué, prévoit que, « [o]utre le personnel employé conformément au statut des fonctionnaires et au régime applicable aux autres agents des Communautés européennes, les groupes politiques peuvent employer du personnel à partir des crédits du poste budgétaire 3701 ». Avant d’être modifiée par l’acte attaqué, cette disposition prévoyait la même possibilité pour les députés non inscrits.

16
L’acte attaqué modifie de façon substantielle les dispositions 2.1 à 2.7 de la partie 1 de la réglementation qui fixent notamment les règles relatives à l’exécution du budget annuel des groupes politiques, aux achats, aux inventaires, à la comptabilité, au contrôle financier et au rapport annuel sur l’utilisation des crédits. Par ailleurs, il résulte de l’acte attaqué que ces dispositions telles que modifiées ne s’appliquent plus aux députés non inscrits.

17
En revanche, les députés non inscrits sont soumis aux règles fixées dans la disposition 2.9, insérée dans la réglementation par l’acte attaqué. Cette disposition intitulée « Règles spécifiques aux députés non inscrits » énonce :

« 2.9.1 Les dépenses effectuées par les députés non inscrits sont, soit payées directement au fournisseur, soit remboursées par l’administration dans les meilleurs délais, sur présentation des pièces justificatives et de la documentation exigée par la présente réglementation après vérification de leur conformité avec cette dernière. L’administration vérifie que

a)      les dépenses s’inscrivent dans le cadre de la réglementation et ne sont pas couvertes par d’autres indemnités ;

b)      les dispositions de la réglementation ont été respectées ;

c)      le principe de bonne gestion financière a été appliqué ;

d)       les dépenses s’appuient sur des pièces justificatives originales (ou copie certifiée conforme par le fournisseur ou toute autre autorité habilitée à [en] certifier la conformité).

Les députés non inscrits peuvent obtenir une avance de 10 % de la dotation annuelle sur demande.

Avant la fin de l’exercice en cours, l’administration procédera à la régularisation des avances payées sur la base des pièces justificatives introduites par le député […]

Dans le cadre de cette régularisation, toute dépense non justifiée ou non conforme aux dispositions de la réglementation sera refusée et les crédits correspondants seront remboursés au Parlement européen dans un délai de trois mois […]

L’exercice commence le 1er janvier et s’achève le 31 décembre.

L’année des élections européennes, le premier exercice budgétaire débute le 1er janvier et se clôture le 30 juin, le second exercice débute le 1er juillet et se clôture le 31 décembre.

2.9.2 Les crédits qui n’ont pas été utilisés au cours de l’exercice peuvent être reportés au seul exercice suivant, à concurrence de 50 % des crédits annuels reçus du budget du Parlement européen.

Tout montant dépassant 50 % est annulé au profit du budget du Parlement européen, cela après la clôture des comptes.

2.9.3 La gestion des crédits pour les députés non inscrits est assurée par l’administration du Parlement européen selon le plan comptable joint en annexe.

2.9.4 Toute avance octroyée dans le cadre de [la disposition] 2.9.1 de la présente réglementation sera versée sur les comptes bancaires spécialement ouverts à cette fin par les députés non inscrits.

2.9.5 Les biens achetés par les députés non inscrits avec leurs crédits 3701 seront inscrits à l’inventaire du Parlement européen. Doivent être inscrits dans cet inventaire les biens non consommables, d’une durée d’utilisation supérieure à un an, et dont le prix d’acquisition atteint ou dépasse le seuil fixé pour les biens du Parlement. Cet inventaire doit être tenu selon les modalités définies en annexe.

2.9.6 L’administration prépare un état des recettes et des dépenses, et un bilan par député attestant la régularité des comptes et leur conformité à la présente réglementation. Ces documents seront par la suite divulgués au public par l’intermédiaire d’Internet.

2.9.7 Le [p]résident du Parlement européen transmet ces documents, qui doivent lui parvenir avant le 30 avril de l’exercice suivant, au [b]ureau et à la [c]ommission du contrôle budgétaire, qui les examinent conformément aux compétences qui leur sont conférées par le règlement du Parlement européen, de même qu’à la Cour des comptes.

2.9.8 Lorsque le [b]ureau, consulté conformément à l’alinéa précédent et en accord avec la [c]ommission du contrôle budgétaire, estime que les crédits n’ont pas été utilisés conformément à la présente réglementation, ces crédits seront remboursés au Parlement européen, dans un délai de trois mois à partir de la date à laquelle l’irrégularité a été constatée. »

18
La disposition 2.8 de la partie 1 de la réglementation, modifiée par l’acte attaqué, prévoit que les groupes et les députés non inscrits se consultent mutuellement pour toute question concernant l’application de la réglementation.

19
L’acte attaqué modifie également la partie 2 de la réglementation, intitulée « Plan comptable », et plus particulièrement certains postes relatifs aux dépenses des comptes de résultat.

20
Ainsi, pour les députés non inscrits, il est exclu que les dépenses de recrutement et de représentation du personnel ainsi que les salaires et les charges qui y sont afférentes puissent figurer au titre des dépenses de personnel sur la ligne budgétaire 3701 (partie 2, 1.2, chapitre 1, points 2, 4 et 6).

21
Il en va de même pour les frais de loyer des bureaux (partie 2, 1.2, chapitre 2, point 7), de comptabilité (partie 2, 1.2, chapitre 4, point 2) et de réunion de groupe (partie 2, 1.2, chapitre 5, point 1).

22
En outre, l’acte attaqué modifie la partie 3 de la réglementation qui prévoit des lignes directrices pour l’interprétation de plusieurs dispositions de la partie 1 de la réglementation.

23
Enfin l’acte attaqué ajoute une annexe à la réglementation. Cette annexe fixe le régime d’inventaire.

24
Par note du 15 juillet 2003, émanant du directeur général de la direction générale des finances du Parlement, les requérants ont été informés de ce que le bureau avait adopté les modifications de la réglementation le 2 juillet 2003. Le texte modifié de la réglementation était annexé à cette note.


Procédure

25
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 octobre 2003, les requérants ont introduit le présent recours en annulation.

26
Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 27 octobre 2003, les requérants ont demandé qu’il soit statué selon la procédure accélérée prévue par l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal. Cette demande a été rejetée par décision du Tribunal du 18 février 2004.

27
Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 novembre 2003, le Parlement a demandé que l’avis du service juridique du Parlement du 25 juin 2003, produit par les requérants en annexe à la requête, soit retiré du dossier

28
Sans avoir déposé de mémoire en défense, le Parlement a, par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 novembre 2003, soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure. Les requérants ont déposé leurs observations sur cette exception le 6 février 2004.

29
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les éléments du dossier, a décidé, conformément à l’article 114, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de ne pas ouvrir la procédure orale.


Conclusions des parties

30
Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

ordonner que l’avis du service juridique du Parlement du 25 juin 2003 soit retiré du dossier ;

rejeter le recours comme irrecevable ;

condamner les requérants aux dépens.

31
Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter la demande de retrait de document formulée par le Parlement ;

rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

annuler l’acte attaqué ;

condamner le Parlement aux dépens s’élevant à 10 000 euros.


Sur la demande du Parlement visant à ce que l’avis de son service juridique soit écarté du dossier

Arguments des parties

32
Le Parlement demande que soit écarté du dossier l’avis de son service juridique sur la modification de la réglementation, produit en annexe 5 à la requête. Il souligne que cet avis était destiné au seul bureau du Parlement dont les réunions sont tenues à huis clos. De ce fait, l’avis en question serait un document confidentiel dont l’accès serait limité aux seuls membres du bureau. Il ajoute que la diffusion des avis juridiques destinés aux institutions risquerait d’avoir des conséquences préjudiciables pour le bon fonctionnement de ces institutions et que, pour cette raison, le législateur communautaire a expressément exclu l’accès du public à de tels avis à l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43). Il ajoute encore, en substance, qu’il résulte de la jurisprudence que la production de tels documents ne peut avoir lieu, dans le cadre d’un litige devant le juge communautaire, sans que ladite production ait été autorisée par l’institution concernée ou ordonnée par cette juridiction (ordonnance de la Cour du 23 octobre 2002, Autriche/Conseil, C‑445/00, Rec. p. I‑9151, point 12, et ordonnance du président du Tribunal du 3 mars 1998, Carlsen e.a./Conseil, T‑610/97 R, Rec. p. II‑485). Or, en l’espèce, le Parlement n’aurait pas autorisé la production de l’avis juridique concerné dans le cadre du présent litige.

33
Les requérants soutiennent, tout d’abord, que l’avis en cause a été diffusé par voie de courrier électronique à tous les membres de la commission de contrôle budgétaire du Parlement, dont l’un des requérants, et qu’il était à la disposition de tout membre du Parlement qui en aurait fait la demande. Dans ces conditions, le caractère confidentiel de ce document serait exclu. Ils ajoutent que la jurisprudence à laquelle se réfère le Parlement n’est pas pertinente, dès lors qu’elle porte sur la production, par des tiers, d’avis juridiques adressés au Conseil et à la Commission, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Ils font encore valoir que le service juridique n’a soulevé aucune objection à la communication de l’avis en question aux parlementaires qui en ont effectivement fait la demande. Enfin, selon les requérants, le respect des « principes fondamentaux de publicité, de transparence, de sauvegarde de la sécurité juridique et de stabilité du droit communautaire » ne saurait faire obstacle, dans un cas comme celui de l’espèce, à l’accès des requérants, membres du Parlement, aux avis du service juridique de cette institution. Ces avis concerneraient, par définition, des questions de droit relatives au fonctionnement du Parlement et, par voie de conséquence, concerneraient les membres qui le constituent. Les requérants auraient donc le droit d’accéder à l’avis juridique concerné et de produire ce dernier devant le juge communautaire.

Appréciation du Tribunal

34
Comme le fait valoir à juste titre le Parlement, il serait contraire à l’intérêt public qui veut que les institutions puissent bénéficier des avis de leur service juridique, donnés en toute indépendance, d’admettre que de tels documents internes puissent être produits par des personnes autres que les services à la demande desquels ils ont été établis dans un litige devant le Tribunal sans que leur production ait été autorisée par l’institution concernée ou ordonnée par la juridiction (voir, notamment, ordonnance Autriche/Conseil, point 32 supra, point 12, et arrêt du Tribunal du 8 novembre 2000, Ghignone e.a./Conseil, T‑44/97, RecFP p. I‑A‑223 et II‑1023, point 48).

35
Or, en l’espèce, il est constant que l’avis juridique en cause a été établi à la demande du secrétaire général du Parlement pour le compte du bureau du Parlement et que ce dernier n’a pas autorisé la production de cet avis.

36
Par ailleurs, il y a lieu de préciser que la question de savoir si les membres du Parlement ou certains d’entre eux ont accès à l’avis du service juridique concerné est sans incidence sur l’appréciation de la demande du Parlement qui, quant à elle, concerne la question de savoir si l’avis en cause est susceptible de figurer parmi les pièces du dossier que le juge prend en considération aux fins de l’appréciation du recours.

37
Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande du Parlement et d’écarter du dossier l’avis du service juridique produit en annexe 5 à la requête.


Sur la recevabilité

38
Le Parlement soulève deux fins de non-recevoir. La première est tirée du caractère prétendument tardif du recours. La seconde est tirée d’un défaut de qualité pour agir des requérants. Le Tribunal estime, en l’espèce, qu’il y a lieu d’examiner, tout d’abord, la fin de non-recevoir prise de l’absence de qualité pour agir des requérants.

Arguments des parties

39
Le Parlement fait tout d’abord valoir que l’acte attaqué ne concerne pas directement les requérants. Selon lui, les obligations qui pèsent sur les députés non inscrits en raison de la modification de la réglementation par l’acte attaqué ont un caractère général et abstrait et doivent faire l’objet d’un « acte de concrétisation » par l’administration.

40
Il résulterait de la jurisprudence relative à la condition de l’affectation directe prévue par l’article 230, quatrième alinéa, CE que la mesure communautaire incriminée doit produire directement des effets sur la situation juridique du particulier et ne doit laisser aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts de la Cour du 13 mai 1971, International Fruit Company e.a./Commission, 41/70 à 44/70, Rec. p. 411, points 23 à 29 ; du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, points 25 et 26 ; du 26 avril 1988, Apesco/Commission, 207/86, Rec. p. 2151, point 12 ; du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, Rec. p. I‑2477, point 9, et du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 43 ; ordonnances du Tribunal du 10 septembre 2002, Japan Tobacco et JT International/Parlement et Conseil, T‑223/01, Rec. p. II‑3259, point 45, et du 6 mai 2003, DOW AgroSciences/Parlement et Conseil, T‑45/02, Rec. p. II‑1973, point 35).

41
En l’espèce, seule la partie 1 de la réglementation produirait des effets juridiques. Toutefois, les dispositions de cette partie 1 seraient, pour l’essentiel, générales et abstraites et nécessiteraient une concrétisation par un acte ultérieur. Il en irait ainsi des dispositions 1.1, 1.3, 1.4, 1.5 et 2.8. Les dispositions 1.6.1, 1.7, 2.1 à 2.7 ne concerneraient que les groupes politiques et ne pourraient, partant, toucher aux droits des requérants.

42
La disposition 1.6.2 fixerait un seuil pour le soutien des organisations extérieures dont les députés sont membres et limiterait les requérants dans la gestion de leurs fonds obtenus au titre du poste 3701. Toutefois, ces limites ne produiraient d’effet que dans le cadre de la vérification de la régularité des dépenses du député non inscrit telle que prévue par la disposition 2.9.1. En tant que telle, la disposition 1.6.2 ne produirait pas d’effet direct à l’égard des députés non inscrits.

43
L’exécution de la disposition 2.9.1 requerrait l’adoption d’un acte administratif pour assurer le paiement des factures des députés non inscrits, à savoir la décision de l’administration prise soit sur la demande de paiement du fournisseur, soit sur la demande de remboursement du député non inscrit. Par conséquent, seul un acte d’exécution concernerait directement les requérants.

44
La disposition 2.9.2 qui prévoit la possibilité d’un report des crédits revêtirait également un caractère général et abstrait. Seule une décision concrète sur un éventuel report concernerait directement le député non inscrit concerné.

45
S’agissant de la disposition 2.9.4 relative au versement de sommes au titre du poste budgétaire 3701 sur un compte ouvert à cette fin par un député non inscrit, de la disposition 2.9.5 relative à l’inventaire des biens achetés par le député non inscrit avec des fonds du poste budgétaire 3701, de la disposition 2.9.7 relative à l’information du bureau et de la commission du contrôle budgétaire par le président du Parlement, le Parlement soutient, en substance, que l’exécution de ces dispositions requiert une décision ultérieure de l’administration qui, seule, concernera directement les députés non inscrits.

46
Les dispositions 2.9.3 et 2.9.6 créeraient des droits en faveur des députés non inscrits relatifs à la gestion des fonds qui leur sont alloués et à l’établissement d’un bilan pour ceux-ci. Ces dispositions n’empiéteraient donc pas sur des droits existants des députés non inscrits. En tout état de cause, l’application de ces dispositions serait, elle aussi, subordonnée à des actes administratifs ultérieurs, à savoir les actes de gestion des fonds alloués et l’établissement d’un bilan. Seuls ces actes concerneraient directement les députés non inscrits.

47
Enfin, la disposition 2.9.8 qui prévoit l’obligation de rembourser les sommes indues ne concernerait pas directement les requérants, dès lors que la mise en œuvre de cette disposition serait subordonnée à l’adoption d’une décision du bureau constatant l’irrégularité et d’une décision par laquelle le remboursement serait effectivement réclamé par le Parlement.

48
Dans ces conditions, il y aurait lieu de rejeter la thèse des requérants selon laquelle ils seraient directement concernés par l’acte attaqué qui prévoit de nouvelles obligations budgétaires et comptables.

49
S’agissant de la thèse des requérants selon laquelle l’acte attaqué supprimerait pour les requérants le droit de financer un parti politique (disposition 1.6.1), le droit de souscrire des contrats d’emploi (disposition 1.7.1) et le droit de financer les loyers de bureaux (partie 2) au moyen de crédits du poste 3701, le Parlement soutient que, même si la suppression de ces droits peut éventuellement concerner directement les requérants, en tout état de cause, elle ne les concerne pas individuellement.

50
Le Parlement fait valoir, ensuite, qu’il est de jurisprudence constante qu’un acte de portée générale, tel qu’un règlement, ne peut concerner individuellement des personnes physiques ou morales que s’il les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire de l’acte (arrêts de la Cour du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil, C‑451/98, Rec. p. I‑8949, point 49 ; du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 36 ; du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, Rec. p. I‑11355, point 73 ; arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, ARD/Commission, T‑158/00, non encore publié au Recueil, point 62).

51
Il ajoute qu’une personne n’est pas individuellement concernée par un acte si elle n’est affectée par celui-ci qu’en tant que membre d’un groupe – même restreint – dont la composition – même si elle peut être facilement déterminée – n’est pas fixée de manière permanente à la date à laquelle l’acte a été adopté. À cet égard, il soutient que, comme l’a relevé l’avocat général M. Jacobs dans ses conclusions du 20 novembre 2003 sous l’arrêt de la Cour du 30 mars 2004, Rothley e.a./Parlement (C‑167/02 P, non encore publiées au Recueil, point 42), bien que la composition du Parlement soit définie par un ensemble de règles et de procédures précises et varie en fonction de ces dispositions, elle ne saurait cependant être considérée comme figée.

52
Certes, selon le Parlement, les groupes politiques et les membres non inscrits auxquels la réglementation s’applique peuvent être identifiés parmi les membres actuels du Parlement. Toutefois, la réglementation s’adresserait à un nombre indéterminé et indéterminable de groupes politiques et de députés non inscrits. Tout d’abord, la réglementation s’adresserait à tout groupe politique qui se crée au sein du Parlement et à tout membre qui n’est pas inscrit à un groupe politique ou qui quitte un groupe et ne s’inscrit pas auprès d’un autre groupe. Ensuite, cette réglementation s’appliquerait non seulement à tous les groupes politiques et députés non inscrits actuels, mais également à ceux qui existeront à l’avenir.

53
Il fait encore valoir que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant individuellement concernés par cette mesure, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (arrêts Commission/Camar et Tico, point 50 supra, point 74, et Antillean Rice Mills/Conseil, point 50 supra, point 52).

54
Dans ces conditions, les requérants ne se distingueraient pas des députés ou groupes politiques présents ou futurs, qui sont tous soumis à la réglementation. Ils ne seraient donc pas individuellement concernés par l’acte attaqué.

55
Les requérants font valoir, tout d’abord, que, bien que l’acte attaqué relève de la sphère interne du Parlement, il peut toutefois être contesté, car il produit des effets juridiques vis-à-vis des requérants qui, en tant que détenteurs d’un mandat de représentant des peuples des États réunis dans la Communauté, doivent, à l’égard d’un acte émanant du Parlement et produisant des effets juridiques en ce qui concerne les conditions d’exercice dudit mandat, être considérés comme des tiers au sens de l’article 230, premier alinéa, CE (arrêt du Tribunal du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, Rec. p. II‑2823, point 61).

56
Ils soutiennent, ensuite, qu’ils sont directement et individuellement concernés par l’acte attaqué.

57
À cet égard, ils allèguent, en premier lieu, que l’acte attaqué produit directement des effets juridiques à l’égard des députés non inscrits, car il ne leur permettrait plus d’utiliser les crédits du poste budgétaire 3701 pour financer un parti politique européen (disposition 1.6.1), du personnel (disposition 1.7.1), des frais de comptabilité (partie 2, 1.2, chapitre 4) et la tenue de réunions de groupe (partie 2, 1.2, chapitre 5). Par ailleurs, l’acte attaqué ne leur permettrait plus d’ouvrir un compte bancaire pour l’exécution des crédits du poste 3701 (disposition 2.5.4).

58
Selon eux, les actes d’application et de concrétisation de l’acte attaqué auront, contrairement à ce que soutient le Parlement, un caractère purement automatique sans laisser aucun pouvoir d’appréciation aux auteurs de ces actes d’application.

59
En second lieu, ils font valoir, en substance, qu’ils sont individuellement concernés par l’acte attaqué en raison de leur qualité de députés non inscrits, dès lors que cet acte leur impose, à eux seuls, de nouvelles obligations tant budgétaires que comptables et leur supprime un certain nombre de droits, ce qui accentuerait encore la discrimination qui existerait entre les députés non inscrits et les députés appartenant à un groupe politique.

Appréciation du Tribunal

60
Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former un recours en annulation contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

61
Dès lors qu’il n’est pas contesté que les requérants ne sont pas les destinataires de l’acte attaqué, il convient d’examiner si cet acte les concerne directement et individuellement.

62
Dans la mesure où les requérants entendent soutenir que, en présence d’une décision du Parlement qui dépasse le cadre de la seule organisation interne de cette institution et a des effets directs à l’égard des membres de celle-ci, ces derniers seraient recevables à agir sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur la question de savoir s’ils sont individuellement concernés par l’acte en cause, il suffit de relever que la Cour a explicitement rejeté cette thèse. À cet égard, elle a rappelé qu’il ressort du libellé même de l’article 230, quatrième alinéa, CE, ainsi que d’une jurisprudence constante, qu’une personne physique ou morale n’est recevable à poursuivre l’annulation d’un acte qui ne constitue pas une décision dont elle est le destinataire que si elle est concernée non seulement directement, mais également individuellement par un tel acte, de sorte que l’interprétation de ladite disposition ne saurait aboutir à écarter cette dernière condition, qui est expressément prévue par le traité, sans excéder les compétences attribuées par celui-ci aux juridictions communautaires (voir, notamment, arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 50 supra, point 44).

63
Il convient donc d’examiner si les requérants sont individuellement concernés par l’acte en cause. À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’un acte ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cet acte les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire de l’acte (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, point 50 supra, point 36).

64
En l’espèce, les requérants ont excipé de leur qualité de députés non inscrits, discriminés par rapport aux députés appartenant à un groupe politique.

65
S’agissant de la qualité de députés non inscrits, force est de constater que cet élément n’est pas de nature à individualiser les requérants d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire de l'acte.

66
En effet, il y a lieu de relever que l’acte attaqué modifie les conditions d’utilisation des crédits du poste budgétaire 3071 par les groupes politiques, tel que cela ressort notamment des indications mentionnées au point 16 ci-dessus, et par les députés non inscrits, tel que cela ressort, en particulier, des indications mentionnées aux points 12, 15 et 17 ci-dessus. Cet acte s’applique de manière générale et pour l’avenir aux groupes politiques et aux députés non inscrits. Il est donc de nature à affecter tant les futurs groupes politiques et députés non inscrits que ceux qui composaient le Parlement au moment de son adoption, si bien qu’il ne concerne individuellement aucun d’entre eux (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C‑10/95 P, Rec. p. I‑4149, point 30).

67
L’existence alléguée d’une discrimination entre les requérants, en leur qualité de députés non inscrits, et les députés qui adhèrent à un groupe politique n’est pas davantage susceptible d’établir que les requérants sont individuellement concernés par l’acte attaqué.

68
Tout d’abord, le fait pour les requérants d’appartenir à l’une des deux catégories de personnes auxquelles s’applique l’acte attaqué ne suffit pas à les individualiser, puisque chacune de ces deux catégories – les groupes politiques et les députés non inscrits – sont définies de manière générale et abstraite par l’acte attaqué.

69
Ensuite, les faits de l’espèce se distinguent de ceux à l’origine de l’arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, Rec. p. 1339, point 36). En effet, cette affaire portait sur une inégalité de répartition de fonds publics destinés à la campagne d’information des formations politiques participant à l’élection du Parlement en 1984. Les décisions budgétaires attaquées concernaient toutes les formations politiques bien que le traitement qu’elles leur réservaient variât selon qu’elles étaient représentées ou non dans l’Assemblée élue en 1979. Les formations représentées avaient participé à la prise de décisions portant à la fois sur leur propre traitement et sur celui accordé aux formations rivales non représentées. La Cour a répondu par l’affirmative à la question de savoir si les décisions attaquées concernaient individuellement une formation politique non représentée mais susceptible de présenter des candidats à l’élection de 1984. La Cour a estimé que la thèse selon laquelle seules les formations représentées étaient individuellement concernées par l’acte attaqué aboutirait à créer une inégalité de protection juridictionnelle dans la mesure où les formations non représentées seraient dans l’impossibilité de s’opposer à la répartition des crédits budgétaires destinés à la campagne électorale avant que les élections n’aient eu lieu.

70
En l’espèce, dans le cadre des questions procédurales, il n’existe aucune disparité de ce type entre la situation des requérants, députés non inscrits, et celle des députés membres des groupes politiques, dès lors que, comme il a été relevé au point 66 ci-dessus, l’acte attaqué ne concerne individuellement ni les députés non inscrits ni les groupes politiques.

71
Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas individuellement concernés par l’acte attaqué, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, et, partant, que le recours doit être rejeté comme irrecevable sans qu’il soit nécessaire d’aborder ni la question de savoir si les requérants sont directement concernés par l’acte en cause, au sens de cette même disposition, ni la question de savoir si le présent recours a été introduit dans les délais prévus par l’article 230, cinquième alinéa, CE.


Sur les dépens

72
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)



ordonne :

1)
L’avis du service juridique du Parlement, produit par les requérants en annexe 5 à la requête, est écarté du dossier.

2)
Le recours est rejeté comme irrecevable.

3)
Les requérants supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement.

Fait à Luxembourg, le 10 janvier 2005.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Pirrung


1
Langue de procédure : le français.