Language of document : ECLI:EU:T:2012:121

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 mars 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale ISENSE – Marque nationale verbale antérieure EyeSense – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑207/11,

EyeSense AG, établie à Bâle (Suisse), représentée par Me N. Aicher, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme R. Manea, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Osypka Medical GmbH, établie à Berlin (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 4 février 2011 (affaire R 1098/2010‑4), relative à une procédure d’opposition entre EyeSense AG et Osypka Medical GmbH,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona (rapporteur) et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 avril 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 29 juillet 2011,

vu la décision du 14 septembre 2011 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 août 2008, Osypka Medical GmbH a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ISENSE.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 9, 10 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments de mesure » ;

–        classe 10 : « Instruments et appareils médicaux; appareils médicaux pour diagnostics » ;

–        classe 42 : « Services d’analyses et de recherches industrielles ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 45/2008, du 10 novembre 2008.

5        Le 2 février 2009, la requérante, EyeSense AG, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque verbale antérieure allemande EyeSense désignant les produits et services relevant des classes 10 et 42, correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 10 : « Appareils de diagnostic ophtalmiques » ;

–        classe 42 : « Développement d’appareils de diagnostic ophtalmiques ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009).

8        Le 26 mai 2010, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

9        Le 17 juin 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 4 février 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Dans ladite décision, la chambre de recours a, tout d’abord, confirmé la comparaison des produits faite par la division d’opposition, selon laquelle il existait une identité des produits relevant de la classe 10 et une similitude entre les autres produits et services couverts par les signes en conflit. Ensuite, la chambre de recours a défini le public pertinent comme étant composé de spécialistes allemands relevant du domaine médical et médico-technique, lesquels prêteraient normalement un niveau d’attention accru aux produits en cause et auraient une bonne connaissance de l’anglais. S’agissant de la comparaison des signes, la chambre de recours a, d’abord, considéré que la similitude visuelle entre les signes était « inférieure à la moyenne ». À cet égard, elle a considéré que, bien que les signes concordent quant à leurs cinq dernières lettres, l’effet de cette concordance était affaibli, cette suite de lettres étant, dans la marque antérieure, nettement séparée des premières lettres par une lettre « S » majuscule, ce qui n’était pas le cas dans la marque demandée. Ainsi, les différences entre les signes en conflit se situant en début de mot devraient être prises davantage en compte. En outre, à la différence de la façon dont il prononcerait la marque antérieure, le public spécialisé pertinent, même en ayant de très bonnes connaissances de l’anglais, n’aurait pas de raison, en prononçant la marque demandée, de scinder le début de la marque, à savoir la lettre « i », de la suite de lettres « s », « e », « n », « s » et « e ». En effet, il n’existerait pas de concept, en anglais, correspondant à l’association, d’une part, du pronom personnel représenté par la lettre « I » majuscule et, d’autre part, du terme « sense ». Au contraire, ledit public aurait tendance à lire le début de la marque comme se prononçant « isen », ce qui n’aurait pas de signification. Ensuite, la chambre de recours a considéré qu’il y avait une dissemblance phonétique entre les signes en conflit, car la marque antérieure serait prononcée « aï-cènss » selon les règles de la phonétique anglaise, tandis que la marque demandée serait prononcée « i-sen-se », sans suivre ces règles. En ce qui concerne la comparaison conceptuelle, la chambre de recours a considéré qu’il y avait également des différences entre les signes en cause, dans la mesure où la marque antérieure serait comprise comme associant deux mots signifiant, respectivement, « œil » et « sens », alors que la marque demandée n’aurait pas de signification conceptuelle. Il serait, en outre, exclu que la lettre « i » soit un équivalent phonétique de « eye ». La coïncidence des deux marques concernant la suite de lettres « s », « e », « n », « s » et « e », formant un mot ayant une signification tant en anglais qu’en allemand, ne serait pas décisive, dans la mesure où l’on ne reconnaîtrait pas cette suite de lettres en tant que telle dans la marque demandée. Dans ces conditions, en considérant que la marque antérieure avait un caractère distinctif inhérent nettement affaibli et au vu des conditions habituelles de commercialisation des produits concernés et du niveau élevé d’attention du public pertinent, la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion entre les signes en conflit.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure devant ce dernier.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

14      Dans le cadre de son moyen unique, la requérante soulève, en substance, trois griefs à l’égard de la décision attaquée, visant, premièrement, l’analyse de la similitude des signes par la chambre de recours, deuxièmement, la conclusion de celle-ci concernant le caractère distinctif affaibli de la marque antérieure et, troisièmement, l’analyse du risque de confusion à laquelle elle a procédé.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

16      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent et sur les produits et services en cause

17      En l’espèce, s’agissant du public pertinent, les parties ne contestent pas le constat de la chambre de recours selon lequel, d’une part, ce public est composé de spécialistes relevant du domaine médical et médico-technique et, d’autre part, la marque antérieure étant une marque nationale allemande, ledit public pertinent se compose de consommateurs allemands. Les parties s’accordent également sur le constat selon lequel ces spécialistes prêtent normalement un niveau d’attention accru aux produits en cause et disposent généralement d’une bonne connaissance de l’anglais.

18      Ensuite, les parties s’accordent également sur l’analyse de la chambre de recours relative à la comparaison des produits et services couverts par les signes en conflit et, notamment, sur le constat selon lequel il existe une identité entre les produits relevant de la classe 10 et une similitude entre les autres produits et services relevant des classes 9 et 42.

19      Dans la mesure où c’est à bon droit que la chambre de recours a procédé auxdits constats, il y a donc lieu de se fonder sur ceux‑ci lors de l’examen du bien-fondé du présent recours.

 Sur la comparaison des signes en conflit

20      S’agissant de la comparaison des signes en conflit, la requérante conteste tout d’abord la conclusion de la chambre de recours selon laquelle, en l’espèce, le public pertinent ne scinderait pas, en prononçant la marque demandée, la lettre « i » de la suite de lettres « s », « e », « n », « s » et « e ». Elle fait notamment valoir qu’il est nécessaire de considérer qu’une partie du public pertinent associera automatiquement la marque demandée à l’anglais et, ainsi, la percevra et la prononcera en conséquence. De plus, l’autre partie à la procédure devant l’OHMI désignerait souvent ses produits par des termes anglais.

21      À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 17 ci-dessus, en l’espèce, le public pertinent est composé de spécialistes allemands relevant du domaine médical et médico-technique, disposant d’une bonne connaissance de l’anglais et dont le niveau d’attention pour les produits en cause est accru. Or, s’il n’est pas contesté que, en anglais, la lettre « I » majuscule, en tant que pronom personnel, tout autant que le mot « sense », existent en tant que mots ayant une signification propre, force est toutefois de constater que, dans ladite langue, le signe verbal « ISENSE » n’a pas une signification immédiatement perceptible. Au contraire, afin que ledit signe revête une signification en anglais, il est nécessaire que le public pertinent le décompose en deux mots, en appliquant les règles linguistiques anglaises.

22      Or, force est de constater qu’aucun élément du dossier ne permet de considérer que le public pertinent, par définition germanophone, appréhende la marque demandée comme une marque de langue anglaise, de sorte qu’il soit amené à la décomposer en deux éléments. En effet, aucun élément avancé par la requérante ne permet de considérer que les produits et les services désignés par la marque demandée suggéreraient aux spécialistes allemands du domaine médical et médico-technique de décomposer le signe verbal correspondant à la marque demandée en deux mots anglais. À cet égard, il importe de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle le consommateur perçoit normalement une marque comme un tout, sans se livrer à un examen de ses différents détails (voir ordonnance de la Cour du 29 juin 2011, adp Gauselmann/OHMI, C‑532/10 P, non encore publiée au Recueil, point 24, et la jurisprudence citée).

23      Il y a lieu, par conséquent, de confirmer l’appréciation de la chambre de recours figurant au considérant 15 de la décision attaquée, selon laquelle, en l’espèce, le public pertinent lira le signe verbal constituant la marque demandée en suivant simplement les règles linguistiques allemandes et prononcera, conformément à ces règles, ledit signe « i-sen-se », en prononçant notamment la lettre « i » telle qu’elle est prononcée dans le mot allemand  « Idee » et la lettre « s » telle qu’elle est prononcée dans le mot allemand « Sense ». Il s’ensuit que, ainsi que l’a établi à juste titre la chambre de recours, ledit public pertinent percevra d’abord, dans le signe constituant la marque demandée, le début du mot, « isen » (prononcé « izen »), suivi de « se » (prononcé « ze »). Cette lecture du terme « isense » ne lui confère aucune signification.

24      Aucun des autres arguments avancés par la requérante n’est de nature à remettre en cause ce constat.

25      La requérante fait valoir que la séparation, dans la marque demandée, de la lettre « i » de la suite de lettres « s », « e », « n », « s » et « e », pourrait découler de la forme effective d’utilisation de la marque demandée, laquelle pourrait être librement choisie par l’autre partie à la procédure devant l’OHMI, qui ne serait pas liée par l’enregistrement de la marque en lettres majuscules. Ainsi, ladite partie pourrait utiliser le signe dans toutes les formes d’écriture, comme, notamment, « iSENSE » ou « iSense ». À cet égard, la requérante mentionne, à titre d’exemple, les marques connues des produits de la société Apple, tels que l’iPhone ou l’iPad, dont la dénomination serait constituée exactement de la même façon, à savoir d’une lettre « i », prononcée « aï » en anglais, unie à un autre mot anglais pour former un terme unique.

26      À cet égard, il importe, d’abord, de souligner qu’il est de jurisprudence constante que l’examen de la similitude des signes en conflit prend en considération ces signes dans leur ensemble, tels qu’ils sont enregistrés ou tels qu’ils sont demandés. Or, une marque verbale est une marque constituée exclusivement de lettres, de mots ou de groupes de mots, écrits en caractères d’imprimerie dans une police normale, sans élément figuratif spécifique. La protection qui découle de l’enregistrement d’une marque verbale porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non sur les aspects figuratifs ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir. Il n’y a donc pas lieu de prendre en compte, aux fins de l’examen de la similitude, la graphie que le signe verbal demandé serait susceptible de présenter à l’avenir [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 22 mai 2008, Radio Regenbogen Hörfunk in Baden/OHMI (RadioCom), T‑254/06, non publié au Recueil, point 43 ; voir également, arrêt du Tribunal du 2 décembre 2009, Volvo Trademark/OHMI – Grebenshikova (SOLVO), T‑434/07, Rec. p. II‑4415, point 37, et la jurisprudence citée].

27      Ensuite, quant à l’invocation des marques des produits d’Apple commençant par une lettre « i », il convient de relever que la requérante n’avance aucun élément concret de nature à étayer la thèse selon laquelle, dans le contexte de la présente espèce, le consommateur défini au point 17 ci-dessus, prêtant une attention accrue aux produits en cause et prononçant le signe verbal constituant la marque demandée de la manière indiquée au point 23 ci-dessus, serait, en quelque sorte, poussé à établir un lien avec les produits d’Apple ou à lire ledit signe comme il le ferait des marques de cette entreprise.

28      De même, quant à l’argument selon lequel il serait courant, en langue anglaise, de recourir à des abréviations, de sorte que, comme le mot « you » serait représenté par la lettre « u », la lettre « i » pourrait, de la même manière, représenter le mot « eye », force est d’admettre que la chambre de recours pouvait considérer, sans commettre d’erreur, que, en l’espèce, le public pertinent ne percevrait pas la lettre « i » comme l’équivalent du mot « eye ». Aucun élément du dossier ne permet, au demeurant, de remettre en cause cette appréciation. Le mot anglais « eye » n’est d’ailleurs pas communément abrégé en une lettre « i ». La requérante ne saurait ainsi reprocher à la chambre de recours d’avoir commis une erreur à cet égard. En outre, à supposer même que le mot « isense » soit lu, conformément aux standards de la langue anglaise, en faisant apparaître une différence visuelle entre la lettre « i » et le terme « sense », il n’est pas non plus exclu que la marque demandée puisse être lue comme la phrase anglaise « I sense » (« Je sens »).

29      Il découle des considérations qui précèdent que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que, en l’espèce, le public pertinent ne scinderait pas la lettre « i » de la suite de lettres « s », « e », « n », « s » et « e » en lisant le signe verbal constituant la marque demandée.

30      La requérante fait encore valoir que, en tout état de cause, il existerait, concernant les deux marques, une identité correspondant à l’emploi, dans chacune d’elles, du terme « sense », ce qui impliquerait une similitude des deux signes d’un point de vue tant visuel que phonétique et conceptuel.

31      À cet égard, il convient de relever que les signes en conflit sont des signes verbaux, qui ont en commun la suite de lettres « s », « e », « n », « s » et « e » et qui se différencient par leur début, à savoir le mot « eye » dans la marque antérieure et la lettre « i » dans la marque demandée.

32      Or, s’agissant de la comparaison visuelle, s’il ne peut être nié que la suite de lettres communes « s », « e », « n », « s » et « e » entre les deux signes introduit des éléments de similitude visuelle entre ceux-ci, il y a toutefois lieu de confirmer l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la similitude visuelle entre les signes en conflit n’est pourtant pas très importante. En effet, si, concernant la marque antérieure, le public pertinent percevra d’abord le mot « eye », qu’il associera avec le concept d’œil, mot anglais basique, et, seulement après, la suite de lettres « s », « e », « n », « s » et « e », cela ne sera pas le cas, en revanche, concernant la marque demandée. En effet, il a été indiqué, au point 23 ci-dessus, que le public pertinent lirait la marque demandée en utilisant les règles linguistiques allemandes et, par conséquent, percevrait d’abord, dans la marque demandée, les lettres « i », « s », « e » et « n », de sorte qu’il ne reconnaîtra pas nécessairement la suite de lettres « s », « e », « n », « s » et « e » en tant que telle. Il s’ensuit que, en l’espèce, en dépit de la présence de cette suite de lettres en commun, les différences se situant en début de signe ont davantage d’importance du point de vue visuel que les éléments de similitude qui leur font suite [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 octobre 2009, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Redrock Construction (REDROCK), T‑146/08, non publié au Recueil, point 64].

33      S’agissant de la comparaison phonétique, il convient de relever que l’application de règles linguistiques différentes dans la lecture des deux marques, à savoir les règles de l’anglais pour la marque antérieure et celles de l’allemand pour la marque demandée, aboutit à un rythme linguistique et à une prononciation des signes différents. En effet, en application des règles de prononciation anglaises, la marque antérieure aura deux syllabes et sera prononcée « aï-cènss », alors que, en application des règles de prononciation allemandes, la marque demandée sera trisyllabique et sera prononcée « i-sen-se », ainsi qu’indiqué au point 23 ci-dessus. Dans ces conditions, il convient de juger que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que la comparaison phonétique entre les signes verbaux en cause aboutissait à la dissemblance de ces signes.

34      S’agissant de la comparaison conceptuelle, à l’instar de la chambre de recours, il convient de considérer que la marque antérieure sera comprise comme se référant au « sens de l’œil », alors que le signe verbal constituant la marque demandée, n’ayant aucune signification en allemand, n’aura aucun sens pour le public pertinent. Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que les deux signes verbaux en cause partagent la suite de lettres communes « s », « e », « n », « s » et « e » et que le mot « sense » possède une signification tant en anglais, le sens, qu’en allemand, la faux, étant donné que, ainsi qu’il résulte de la constatation effectuée au point 23 ci-dessus, cette suite n’est pas perçue comme telle par le public pertinent en ce qui concerne le signe verbal constituant la marque demandée. Dans ces conditions, il convient de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que les signes en conflit ne présentaient pas de similitude conceptuelle.

35      À la lumière de toutes ces considérations, il convient de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans la comparaison des signes en conflit.

 Sur le risque de confusion

36      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

37      Dans la décision attaquée la chambre de recours a considéré d’abord que, bien que la constatation d’une similitude visuelle, même faible, puisse être suffisante pour exclure le constat de dissemblance entre les marques (arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30), une similitude entre les marques d’un seul point de vue, comme en l’espèce le point de vue visuel, n’était pas automatiquement suffisante pour constater le risque de confusion (arrêt de la Cour du 23 mars 2006, Mühlens/OHMI, C‑206/04 P, Rec. p. I‑2717, points 20 à 23). Elle a donc estimé nécessaire de pondérer l’importance de la similitude en la comparant à tous les autres critères pertinents.

38      Ainsi, la chambre de recours a relevé, premièrement, que la marque antérieure avait un caractère distinctif inhérent nettement affaibli, dans la mesure où les produits et les services couverts par cette marque concernent les appareils de diagnostic ophtalmiques qui étudient l’œil humain et où les deux éléments de la marque antérieure « eye » et « sense » indiquent des qualités de ces produits et services. Deuxièmement, elle a intégré dans l’appréciation globale les conditions habituelles de commercialisation des produits et le niveau d’attention élevé du public pertinent. Elle a considéré que les commandes de produits aussi chers et spécifiques, et des prestations s’y rapportant, seraient rarement faites oralement et que, en revanche, la sélection se ferait sur catalogue, ou après avoir testé le produit, et avoir soigneusement examiné les caractéristiques techniques des appareils de diagnostic.

39      Sur la base de ces considérations, la chambre de recours a conclu que, au vu du caractère distinctif inhérent nettement affaibli de la marque antérieure ainsi que des conditions habituelles de commercialisation des produits concernés et du niveau élevé d’attention du public pertinent, il n’existait pas de risque de confusion entre les signes en conflit, même pour des produits identiques.

40      En premier lieu, la requérante conteste le constat de la chambre de recours selon lequel le caractère distinctif de la marque antérieure serait nettement réduit en raison de sa signification renvoyant aux qualités des appareils de diagnostic ophtalmiques. Ainsi, le terme « sense » pourrait se traduire de multiples façons. Par ailleurs, même la signification de « sens de l’œil », attribuée par la chambre de recours à la marque antérieure, ne constituerait pas simplement une description de ses produits ou de ses services.

41      À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que, pour déterminer le caractère distinctif d’une marque, il faut apprécier globalement l’aptitude plus ou moins grande de la marque à identifier les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de la marque, y compris le fait qu’elle est ou non dénuée de tout élément descriptif des produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque (arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, points 22 et 23).

42      Or, en l’espèce, il n’y a aucun doute, et d’ailleurs la requérante l’admet elle-même, que la marque antérieure indique que les produits ou leur mise au point ont un lien avec l’œil humain. Ainsi, force est de constater que l’élément « eye » de la marque antérieure sera en tout cas compris comme une désignation descriptive de l’objet de référence des produits et services désignés par la marque antérieure, à savoir l’œil. Dans la mesure où le deuxième élément, « sense », vise l’œil comme organe des sens, force est encore de constater qu’il complète l’élément « eye » dans son effet descriptif. Dans ces conditions, les produits couverts par la marque antérieure étant les « appareils de diagnostic ophtalmiques » et les services étant ceux de « développement d’appareils de diagnostic ophtalmiques », la requérante ne saurait reprocher à la chambre de recours d’avoir commis une erreur en considérant que la marque antérieure possédait un caractère distinctif affaibli.

43      Quant à l’argument de la requérante selon lequel, contrairement à ce qu’aurait établi la chambre de recours, la marque antérieure ne serait pas purement descriptive des produits et services qu’elle couvre, il n’est pas pertinent. En effet, la chambre de recours n’a pas considéré que la marque antérieure était purement descriptive, mais elle a seulement considéré que, à la lumière des considérations exposées au point précédent, ladite marque disposait d’un caractère distinctif affaibli.

44      En deuxième lieu, la requérante conteste le constat opéré par la chambre de recours selon lequel la comparaison visuelle serait en l’espèce plus importante que la comparaison phonétique, dans la mesure où les produits seraient normalement achetés de visu. D’une part, des commandes orales à distance de ces produits ne pourraient être exclues et, d’autre part, dans le domaine des produits en cause, il serait possible que des collègues échangent leurs expériences ou recommandent des produits oralement. Une confusion sur le plan phonétique pourrait ainsi avoir des conséquences significatives.

45      À cet égard, il convient de relever que la requérante ne remet pas en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les commandes de produits tels que ceux désignés par la marque antérieure, qui sont normalement très coûteux et plutôt spécifiques, ainsi que des services s’y rapportant, sont normalement faites par écrit, après une analyse attentive du produit ou des services en cause. La requérante reproche plutôt à la chambre de recours de n’avoir pas considéré, dans l’appréciation globale du risque de confusion, les possibles conséquences d’une confusion phonétique.

46      Or, un tel argument est nécessairement fondé sur la prémisse de l’existence de quelque niveau de similitude phonétique entre les signes en cause. En effet, à défaut d’une similitude phonétique entre lesdits signes, même de faible nature, aucune confusion phonétique ne serait possible, de sorte que la chambre de recours n’aurait pas dû en tenir compte dans son appréciation du risque de confusion. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 33 ci-dessus, la chambre de recours a établi, sans commettre d’erreur, que, en l’espèce, les signes étaient dissemblables d’un point de vue phonétique. Dans ces conditions, l’argument de la requérante ne peut être accueilli, puisqu’il repose sur une prémisse dont le caractère erroné a été établi.

47      Il découle de toutes les considérations qui précèdent qu’il y a lieu de juger que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans l’appréciation du risque de confusion. Par conséquent, le moyen unique de la requérante et, ainsi, le recours dans son ensemble doivent être rejetés.

 Sur les dépens

48      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

49      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      EyeSense AG est condamnée aux dépens.

Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.