Language of document : ECLI:EU:C:2023:685

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 septembre 2023 (*)

Table des matières


I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’OMC

B. Le droit de l’Union

II. Les antécédents du litige

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

IV. Les conclusions des parties

V. Sur le pourvoi

A. Sur la recevabilité du recours devant le Tribunal

1. Sur la qualité pour agir de la CCCME en son propre nom

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

2. Sur le pouvoir de la CCCME de représenter ses membres en justice

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

3. Sur la régularité des mandats fournis par les neuf autres requérantes à leurs avocats

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

4. Conclusions sur la recevabilité du recours devant le Tribunal

B. Sur le fond

1. Sur le premier moyen

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

1) Considérations liminaires

2) Sur la première branche du premier moyen

3) Sur la seconde branche du premier moyen

2. Sur le deuxième moyen

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

3. Sur le troisième moyen

a) Sur la première branche du troisième moyen

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

b) Sur la seconde branche du troisième moyen

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

4. Sur le quatrième moyen

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

5. Sur le cinquième moyen

a) Considérations liminaires

b) Sur la première branche du cinquième moyen

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

Sur les dépens


« Pourvoi – Dumping – Règlement d’exécution (UE) 2018/140 – Importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine et de l’Inde – Droit antidumping définitif – Recours en annulation – Recevabilité – Qualité pour agir – Association représentative d’exportateurs – Règlement (UE) 2016/1036 – Article 3, paragraphes 2, 3, 6 et 7 – Préjudice – Calcul du volume des importations – Éléments de preuve positifs – Examen objectif –Extrapolation – Calcul du coût de production de l’industrie de l’Union européenne – Prix facturés intragroupe – Lien de causalité – Analyse du préjudice par segment – Absence – Article 6, paragraphe 7 – Article 20, paragraphes 2 et 4 – Droits procéduraux »

Dans l’affaire C‑478/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 2 août 2021,

China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products, établie à Pékin (Chine),

Cangzhou Qinghong Foundry Co. Ltd, établie à Cangzhou City (Chine),

Botou City Qinghong Foundry Co. Ltd, établie à Botou City (Chine),

Lingshou County Boyuan Foundry Co. Ltd, établie à Sanshengyuan Town (Chine),

Handan Qunshan Foundry Co. Ltd, établie à Xiaozhai Town (Chine),

Heping Cast Co. Ltd Yi County, établie à Liang Village (Chine),

Hong Guang Handan Cast Foundry Co. Ltd, établie à Xiaozhai Town,

Shanxi Yuansheng Casting and Forging Industrial Co. Ltd, établie à Shenshan (Chine),

Botou City Wangwu Town Tianlong Casting Factory, établie à Wangwu Town (Chine),

Tangxian Hongyue Machinery Accessory Foundry Co. Ltd, établie à Beiluo Town (Chine),

représentées par Me R. Antonini, avvocato, Mes B. Maniatis et E. Monard, avocats,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée initialement par M. T. Maxian Rusche et Mme P. Němečková, puis par Mmes K. Blanck, P. Němečková et M. T. Maxian Rusche, et enfin par M. T. Maxian Rusche et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

EJ Picardie, établie à Saint-Crépin Ibouvillers (France),

Fondatel Lecomte, établie à Andenne (Belgique),

Fonderies Dechaumont, établie à Muret (France),

Fundiciones de Ódena SA, établie à Ódena (Espagne),

Heinrich Meier Eisengießerei GmbH & Co. KG, établie à Rahden (Allemagne),

Saint-Gobain Construction Products UK Ltd, établie à East Leake (Royaume-Uni),

Saint-Gobain PAM Canalisation, anciennement Saint-Gobain PAM, établie à Pont-à-Mousson (France),

Ulefos Oy, établie à Vantaa (Finlande),

représentées initialement par Mes M. Hommé et B. O’Connor, avocats, puis par Mes M. Hommé, B. O’Connor, avocats, et Mme U. O’Dwyer, solicitor,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. F. Biltgen, N. Wahl et J. Passer, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. M. Longar, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 octobre 2022,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 16 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, la China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products (chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques, ci-après la « CCCME ») ainsi que Cangzhou Qinghong Foundry Co. Ltd, Botou City Qinghong Foundry Co. Ltd, Lingshou County Boyuan Foundry Co. Ltd, Handan Qunshan Foundry Co. Ltd, Heping Cast Co. Ltd Yi County, Hong Guang Handan Cast Foundry Co. Ltd, Shanxi Yuansheng Casting and Forging Industrial Co. Ltd, Botou City Wangwu Town Tianlong Casting Factory et Tangxian Hongyue Machinery Accessory Foundry Co. Ltd (ci-après les « neuf autres requérantes ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission (T‑254/18, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:278), par lequel celui-ci a rejeté le recours des requérantes tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2018/140 de la Commission, du 29 janvier 2018, instituant un droit antidumping définitif, portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine et clôturant l’enquête sur les importations de certains articles en fonte originaires de l’Inde (JO 2018, L 25, p. 6, ci-après le « règlement litigieux »), dans la mesure où ce règlement d’exécution les concernait.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’OMC

2        Par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1), le Conseil de l’Union européenne a approuvé l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994, ainsi que les accords figurant aux annexes 1 à 3 de cet accord, au nombre desquels figure l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »).

3        L’article 3.1 de l’accord antidumping prévoit :

« La détermination de l’existence d’un dommage aux fins de l’article VI [de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994] se fondera sur des éléments de preuve positifs et comportera un examen objectif a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché intérieur, et b) de l’incidence de ces importations sur les producteurs nationaux de ces produits. »

4        L’article 6.11 de cet accord dispose :

« Aux fins du présent accord, les “parties intéressées” seront :

i)      un exportateur ou producteur étranger ou l’importateur d’un produit faisant l’objet d’une enquête ou un groupement professionnel commercial ou industriel dont la majorité des membres produisent, exportent ou importent ce produit ;

ii)      le gouvernement du membre exportateur ; et

iii)      un producteur du produit similaire dans le membre importateur ou un groupement professionnel commercial ou industriel dont la majorité des membres produisent le produit similaire sur le territoire du membre importateur.

Cette liste n’empêchera pas les membres de permettre aux parties nationales ou étrangères autres que celles qui sont mentionnées ci-dessus d’être considérées comme des parties intéressées. »

B.      Le droit de l’Union

5        Le considérant 12 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »), est ainsi libellé :

« Il est nécessaire de déterminer de quelle manière les parties intéressées devraient être avisées des renseignements que les autorités exigent. Les parties intéressées devraient avoir d’amples possibilités de présenter tous les éléments de preuve pertinents et de défendre leurs intérêts. Il est aussi souhaitable de définir clairement les règles et les procédures à suivre au cours de l’enquête et de prévoir, en particulier, que les parties intéressées doivent se faire connaître, présenter leur point de vue et fournir les renseignements dans des délais déterminés afin qu’il puisse en être tenu compte. Il convient aussi d’indiquer les conditions dans lesquelles une partie intéressée peut avoir accès aux informations fournies par d’autres parties intéressées et les commenter. Il convient aussi d’instaurer une coopération entre les États membres et la Commission [européenne] en ce qui concerne la collecte des informations. »

6        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de ce règlement :

« Aux fins de l’application du présent règlement, on entend par “produit similaire” un produit identique, c’est-à-dire semblable à tous égards au produit considéré, ou, en l’absence d’un tel produit, un autre produit qui, bien qu’il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré. »

7        L’article 3 dudit règlement, intitulé « Détermination de l’existence d’un préjudice », énonce :

« 1.      Pour les besoins du présent règlement, le terme “préjudice” s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union [européenne], d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union ou d’un retard sensible dans la création d’une telle industrie, et est interprété conformément aux dispositions du présent article.

2.      La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :

a)      du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ; et

b)      de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

3.      En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examine s’il y a eu une augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examine s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

[...]

5.      L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, y compris le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement ; l’importance de la marge de dumping effective ; la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités ; les facteurs qui influent sur les prix dans l’Union ; les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance, l’aptitude à mobiliser les capitaux ou l’investissement. Cette liste n’est pas exhaustive et un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

6.      Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on puisse le considérer comme important.

7.      Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie de l’Union sont aussi examinés de manière que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent : le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping ; la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation ; les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et de l’Union et la concurrence entre ces mêmes producteurs ; l’évolution des techniques ainsi que les résultats à l’exportation, et la productivité de l’industrie de l’Union.

[...] »

8        L’article 5, paragraphes 10 et 11, du même règlement dispose :

« 10.      L’avis d’ouverture de la procédure annonce l’ouverture d’une enquête, indique le produit et les pays concernés, fournit un résumé des informations reçues et prévoit que toute information utile doit être communiquée à la Commission.

Il fixe le délai dans lequel les parties intéressées peuvent se faire connaître, présenter leur point de vue par écrit et communiquer des informations si ces points de vue et ces informations doivent être pris en compte au cours de l’enquête. Il précise également le délai dans lequel les parties intéressées peuvent demander à être entendues par la Commission conformément à l’article 6, paragraphe 5.

11.      La Commission avise les exportateurs, les importateurs ainsi que les associations représentatives des importateurs ou exportateurs notoirement concernés, de même que les représentants du pays exportateur et les plaignants, de l’ouverture de la procédure et, tout en veillant à protéger les informations confidentielles, fournit le texte intégral de la plainte écrite reçue conformément au paragraphe 1 aux exportateurs connus, aux autorités du pays exportateur et, à leur demande, aux autres parties intéressées. Lorsque le nombre d’exportateurs concernés est particulièrement élevé, il convient plutôt de n’adresser le texte intégral de la plainte écrite qu’aux autorités du pays exportateur ou à l’association professionnelle concernée. »

9        L’article 6 du règlement de base, intitulé « Enquête », prévoit :

« 1.      À la suite de l’ouverture de la procédure, la Commission, en coopération avec les États membres, commence l’enquête au niveau de l’Union. Cette enquête porte simultanément sur le dumping et le préjudice.

[...]

3.      La Commission peut demander aux États membres de lui fournir des renseignements, auquel cas les États membres prennent toutes les dispositions nécessaires pour donner suite à ces demandes.

Ils communiquent à la Commission les renseignements demandés ainsi que le résultat de l’ensemble des vérifications, contrôles ou enquêtes effectués.

Lorsque ces renseignements présentent un intérêt général ou lorsque leur transmission a été demandée par un État membre, la Commission les transmet aux États membres, à condition qu’ils n’aient pas un caractère confidentiel, auquel cas elle en transmet un résumé non confidentiel.

4.      La Commission peut demander aux États membres d’effectuer toutes les vérifications et tous les contrôles nécessaires, notamment auprès des importateurs, des opérateurs commerciaux et des producteurs de l’Union, et d’effectuer des enquêtes dans les pays tiers, sous réserve de l’accord des entreprises concernées et de l’absence d’opposition de la part du gouvernement, officiellement avisé, du pays concerné.

Les États membres prennent toutes les dispositions nécessaires pour donner suite aux demandes de la Commission.

Des agents de la Commission peuvent, à la demande de celle-ci ou d’un État membre, assister les agents des États membres dans l’exercice de leurs fonctions.

5.      Les parties intéressées qui se sont fait connaître conformément à l’article 5, paragraphe 10, sont entendues si, dans le délai fixé dans l’avis publié au Journal officiel de l’Union européenne, elles en ont fait la demande par écrit, tout en démontrant qu’elles sont effectivement des parties intéressées susceptibles d’être concernées par le résultat de la procédure et qu’il existe des raisons particulières de les entendre.

[...]

7.      Les plaignants, les importateurs et les exportateurs ainsi que leurs associations représentatives, les utilisateurs et les associations des consommateurs qui se sont fait connaître conformément à l’article 5, paragraphe 10, ainsi que les représentants du pays exportateur, peuvent, sur demande écrite, prendre connaissance de tous les renseignements fournis par toute partie concernée par l’enquête, mis à part les documents internes établis par les autorités de l’Union ou de ses États membres, pour autant que ces renseignements soient pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu’ils ne soient pas confidentiels au sens de l’article 19 et qu’ils soient utilisés dans l’enquête.

Ces parties peuvent répondre à ces renseignements et leurs commentaires sont pris en considération dans la mesure où ils sont suffisamment étayés dans la réponse.

[...]

9.      Pour les procédures ouvertes en vertu de l’article 5, paragraphe 9, une enquête est, si possible, terminée dans le délai d’un an. En tout état de cause, ces enquêtes sont, dans tous les cas, terminées dans un délai de quinze mois suivant leur ouverture, conformément aux conclusions adoptées aux termes de l’article 8 en matière d’engagements et à celles adoptées aux termes de l’article 9 en matière d’action définitive. »

10      Aux termes de l’article 17 de ce règlement, intitulé « Échantillonnage » :

« 1.      Dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de types de produits ou de transactions est important, l’enquête peut se limiter à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs d’après les renseignements disponibles au moment du choix ou au plus grand volume de production, de ventes ou d’exportations sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter compte tenu du temps disponible.

2.      Le choix final des parties, types de produits ou transactions, effectué en application desdites dispositions relatives à l’échantillonnage, appartient à la Commission, mais la préférence est accordée au choix d’un échantillon en concertation avec les parties intéressées ou avec leur consentement, sous réserve que ces parties se fassent connaître et fournissent suffisamment de renseignements dans les trois semaines suivant l’ouverture de l’enquête afin de permettre le choix d’un échantillon représentatif.

[...] »

11      L’article 20 dudit règlement, intitulé « Information des parties », dispose :

« 1.      Les plaignants, importateurs et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et les représentants du pays exportateur peuvent demander à être informés des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des mesures provisoires ont été instituées. Les demandes d’information sont adressées par écrit immédiatement après l’institution des mesures provisoires et l’information est donnée par écrit aussitôt que possible.

2.      Les parties mentionnées au paragraphe 1 peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives ou la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures, une attention particulière devant être accordée à l’information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires.

3.      Les demandes d’information finale visées au paragraphe 2 sont adressées par écrit à la Commission et reçues, dans les cas où un droit provisoire a été imposé, un mois au plus tard après la publication de l’imposition de ce droit. Lorsque aucun droit provisoire n’a été imposé, les parties ont la possibilité de demander une information finale dans les délais fixés par la Commission.

[...] »

12      L’article 21, paragraphe 2, du même règlement est libellé comme suit :

« Afin que les autorités disposent d’une base fiable leur permettant de prendre en compte tous les points de vue et tous les renseignements lorsqu’elles statuent sur la question de savoir si l’institution de mesures est dans l’intérêt de l'Union, les plaignants, les importateurs et leur association représentative et les organisations représentatives des utilisateurs et des consommateurs peuvent, dans les délais fixés dans l’avis d'ouverture de l’enquête antidumping, se faire connaître et fournir des informations à la Commission. Ces informations ou des synthèses appropriées de ces dernières sont communiquées aux autres parties désignées dans le présent article, lesquelles sont habilitées à y répondre. »

II.    Les antécédents du litige

13      Les antécédents du litige, tels qu’ils sont présentés aux points 1 à 9 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit aux fins du présent arrêt.

14      Le 31 octobre 2016, une plainte a été déposée par sept producteurs d’articles en fonte de l’Union auprès de la Commission afin qu’elle engage une procédure antidumping concernant les importations de certains de ces articles originaires de Chine et de l’Inde. Cette plainte a été soutenue par deux autres producteurs d’articles en fonte de l’Union (ces neuf producteurs sont dénommés ci-après les « plaignants »).

15      Le 10 décembre 2016, la Commission a publié un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine et d’Inde (JO 2016, C 461, p. 22). Le produit visé par cette procédure correspond à des couvercles de trou d’homme. Il a été défini, au point 2 de cet avis, comme certains articles en fonte à graphite lamellaire, également appelée « fonte grise », ou en fonte à graphite sphéroïdal, également appelée « fonte ductile », et les pièces s’y rapportant, utilisés pour couvrir et/ou donner accès à des systèmes affleurant le sol ou souterrains et permettant un accès physique et/ou visuel à de tels systèmes (ci-après le « produit concerné »).

16      L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er octobre 2015 et le 30 septembre 2016 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2016 (ci-après la « période considérée »).

17      La CCCME est une association de droit chinois qui compte parmi ses membres des producteurs-exportateurs chinois du produit concerné. Elle a participé à la procédure antidumping concernant les importations du produit concerné. Les neuf autres requérantes sont des producteurs-exportateurs chinois du produit concerné, dont deux ont été sélectionnés par la Commission pour faire partie de l’échantillon des producteurs-exportateurs chinois retenus aux fins de cette procédure.

18      Le 16 août 2017, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/1480, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains articles en fonte originaires de la République populaire de Chine (JO 2017, L 211, p. 14, ci-après le « règlement provisoire »).

19      Le 29 janvier 2018, la Commission a adopté le règlement litigieux, qui a institué un droit antidumping définitif sur les importations de certains articles en fonte originaires de Chine.

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2018, les requérantes ont demandé l’annulation du règlement litigieux.

21      Par ordonnance du 24 octobre 2018, le président de la première chambre du Tribunal a admis EJ Picardie, Fondatel Lecomte, Fonderies Dechaumont, Fundiciones de Ódena SA, Heinrich Meier Eisengießerei GmbH & Co. KG, Saint Gobain Construction Products UK Ltd, Saint Gobain PAM Canalisation, anciennement Saint-Gobain PAM, et Ulefos Oy (ci-après les « intervenantes ») à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

22      À l’appui de leur recours devant le Tribunal, les requérantes ont invoqué six moyens. La Commission a contesté tant la recevabilité que le bien-fondé de ce recours.

23      S’agissant de la recevabilité dudit recours, seules les appréciations du Tribunal portant, d’une part, sur la qualité pour agir en justice de la CCCME en son propre nom et en au nom de ses membres et, d’autre part, sur les mandats conférés par les neuf autres requérantes à leurs avocats pour les représenter en justice sont pertinentes dans le cadre du présent pourvoi.

24      En ce qui concerne la qualité pour agir en justice de la CCCME en son propre nom afin de sauvegarder ses droits procéduraux, la Commission a fait valoir qu’elle n’avait pas cette qualité parce que des droits procéduraux lui avaient été accordés par erreur au cours de la procédure administrative. Le Tribunal a rejeté cette fin de non-recevoir en considérant, en substance, que tout au long de la procédure administrative la CCCME avait été considérée comme une partie intéressée à qui des droits procéduraux devaient être accordés et qu’une erreur à cet égard, à supposer qu’elle soit avérée, ne saurait affecter ce qui a été reconnu et conféré durant la procédure administrative.

25      S’agissant de la qualité pour agir en justice de la CCCME au nom de ses membres, le Tribunal a rejeté l’objection de la Commission selon laquelle la CCCME ne pouvait pas représenter ses membres en justice parce qu’elle n’était pas une association représentative, au sens de la tradition juridique commune des États membres. Selon le Tribunal, une telle exigence n’est pas requise pour qu’une association puisse agir au nom de ses membres devant les juridictions de l’Union.

26      Concernant les mandats conférés par les neuf autres requérantes à leurs avocats, la Commission a allégué qu’ils n’étaient pas valables au motif que la fonction de leurs signataires n’y était pas clairement identifiée et que le pouvoir de ceux-ci pour signer ces mandats n’était pas établi. Le Tribunal a rejeté cette objection en considérant que son règlement de procédure n’exigeait pas la preuve que le mandat donné à l’avocat ait été établi par un représentant qualifié à cet effet.

27      S’agissant du bien-fondé du recours des requérantes, seules les appréciations du Tribunal relatives aux première et cinquième branches du premier moyen, aux deuxième et troisième branches du deuxième moyen ainsi qu’aux deuxième et troisième branches du troisième moyen sont pertinentes aux fins du présent pourvoi.

28      Dans le cadre de son examen de la première branche du premier moyen, le Tribunal a rejeté les griefs des requérantes portant sur les ajustements que la Commission avait apportés aux données de l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat), classées selon les numéros de contrôle des produits (NCP), afin de procéder au calcul du volume des importations faisant l’objet d’un dumping, conformément à l’article 3 du règlement de base.

29      Dans le cadre de son appréciation de la cinquième branche du premier moyen, le Tribunal a rejeté le grief des requérantes selon lequel, pour calculer le préjudice subi par Saint-Gobain PAM, la Commission aurait utilisé des prix facturés pour des reventes à l’intérieur du groupe de sociétés dont ce producteur fait partie sans évaluer le caractère autonome de ces prix.

30      Par la deuxième branche de leur deuxième moyen, les requérantes alléguaient que la Commission avait refusé à tort de procéder à une analyse par segment afin d’établir un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice constaté. En réponse à cette allégation, le Tribunal a considéré, en substance, qu’une analyse par segment n’était pas requise lorsque les produits sont suffisamment interchangeables et que ni l’appartenance de produits à des gammes différentes ni le fait que les consommateurs avaient exprimé une priorité ou une préférence pour certains produits ne suffisaient pour établir leur absence d’interchangeabilité et donc l’opportunité d’effectuer une telle analyse.

31      Par la troisième branche de leur deuxième moyen, les requérantes reprochaient notamment à la Commission de ne pas avoir suffisamment évalué l’importance de la sous-cotation eu égard au fait que pour 37,4 % des ventes totales effectuées dans l’Union par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon aucune sous-cotation des prix n’avait été constatée. Le Tribunal a rejeté cette branche en considérant que, dès lors que le produit concerné englobe une variété de types de produits qui demeurent interchangeables, l’existence d’une marge de sous-cotation s’établissant dans une fourchette de 31,6 à 39,2 %, portant sur 62,6 % des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, apparaissait suffisante pour conclure à l’existence d’une sous-cotation notable du prix, au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base.

32      S’agissant du troisième moyen, tiré d’une violation des droits procéduraux des requérantes au motif que des informations essentielles à la défense de leurs intérêts ne leur auraient pas été communiquées, le Tribunal a jugé celui-ci recevable en ce qu’il était soulevé par la CCCME en son propre nom. En revanche, il l’a rejeté comme étant irrecevable en ce qu’il était soulevé par les membres de la CCCME et les neuf autres requérantes, au motif que ces membres et ces requérantes n’avaient pas participé à l’enquête ou formulé des demandes visant à se voir communiquer les informations en cause. Le Tribunal a également rejeté l’argument des requérantes selon lequel, au cours de cette enquête, la CCCME avait exercé les droits procéduraux desdits membres et desdites requérantes en leur nom au motif que la CCCME avait agi comme une entité représentant l’industrie chinoise considérée dans sa globalité et non certains de ses membres individuellement.

33      Concernant le bien-fondé de ce troisième moyen, la CCCME a fait valoir, par les deuxième et troisième branches dudit moyen, que la Commission avait violé ses droits procéduraux en ne lui fournissant pas, d’une part, certaines données, sous une forme agrégée, portant notamment sur les calculs de la valeur normale, les effets des importations chinoises sur les prix et le niveau d’élimination du préjudice ainsi que, d’autre part, des estimations relatives aux indicateurs macroéconomiques, des informations sur la comparaison entre les produits importés et les produits des producteurs indiens et de l’Union ainsi que les calculs concernant le volume des importations en provenance des pays tiers concernés. Le Tribunal a rejeté ces deuxième et troisième branches en considérant, en substance, que la Commission avait fourni à la CCCME des éléments lui permettant de défendre utilement ses intérêts.

34      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours des requérantes.

IV.    Les conclusions des parties

35      Les requérantes demandent à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler le règlement litigieux dans la mesure où il les concerne ;

–        de condamner la Commission à supporter les dépens de la procédure tant devant le Tribunal que devant la Cour, y compris ceux exposés par les requérantes, et

–        de condamner les intervenantes à supporter leurs propres dépens.

36      La Commission demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il déclare le recours en première instance recevable ;

–        de déclarer le recours en première instance irrecevable ;

–        de rejeter le pourvoi, et

–        de condamner les requérantes aux dépens des deux instances.

37      Les intervenantes demandent à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi dans son intégralité ;

–        de déclarer que la CCCME ne saurait être considérée comme une association représentative aux fins du règlement de base, et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

V.      Sur le pourvoi

38      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent cinq moyens. Les premier à quatrième moyens ont trait à des erreurs que le Tribunal aurait commises en ne constatant pas que la Commission avait violé l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5 à 7, du règlement de base lors de l’adoption du règlement litigieux. Par leur cinquième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a erronément déclaré partiellement irrecevable le troisième moyen de leur recours devant le Tribunal, tiré d’une violation de leurs droits procéduraux, et qu’il a commis des erreurs de droit lors de l’appréciation de ces droits, en application de l’article 6, paragraphe 7, de l’article 19, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 20, paragraphes 2 et 4, du règlement de base.

39      La Commission et les intervenantes estiment que le recours en première instance des requérantes aurait dû être déclaré irrecevable et, en tout état de cause, que leur pourvoi n’est pas fondé.

A.      Sur la recevabilité du recours devant le Tribunal

40      La Commission fait valoir que le recours en première instance était irrecevable au motif que la CCCME n’avait pas la qualité pour agir en justice en son propre nom, qu’elle n’avait pas le pouvoir de représenter ses membres en justice et que les neuf autres requérantes n’avaient pas dûment mandaté leurs avocats.

41      Les requérantes contestent ces arguments au motif que, en demandant à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il déclare le recours en premier instance recevable et de déclarer ce recours irrecevable, la Commission a formé un pourvoi incident sans respecter les exigences prévues à l’article 176, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

42      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les questions relatives à la recevabilité d’un recours en annulation constituent des questions d’ordre public qu’il appartient aux juridictions de l’Union d’examiner à tout moment, même d’office (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, EU:C:2014:105, point 32, ainsi que du 2 septembre 2021, Ja zum Nürburgring/Commission, C‑647/19 P, EU:C:2021:666, point 53 et jurisprudence citée).

43      Il s’ensuit que, dans le cadre de l’examen d’un pourvoi, la Cour peut apprécier la recevabilité d’un recours en première instance, indépendamment du fait que celle-ci a été mise en cause par une partie ayant présenté un mémoire en réponse sans avoir présenté un pourvoi incident au titre de l’article 176, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association, C‑465/16 P, EU:C:2019:155, points 56 à 59 ainsi que jurisprudence citée).

44      Partant, la contestation des requérantes exposée au point 41 du présent arrêt doit être écartée.

1.      Sur la qualité pour agir de la CCCME en son propre nom

a)      Argumentation des parties

45      La Commission fait valoir que, aux points 52 à 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la reconnaissance de la CCCME comme une association représentative au cours de la procédure administrative suffisait à établir que la condition selon laquelle le requérant doit être directement et individuellement concerné par l’acte faisant l’objet de son recours, prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, était satisfaite à l’égard de la CCCME. La question de savoir si une entité a la qualité pour agir devant le Tribunal dépendrait non pas de la reconnaissance de cette qualité à cette entité au cours de la procédure administrative, mais des règles applicables en la matière. Il incomberait ainsi au Tribunal d’apprécier lui-même si la CCCME remplissait les conditions requises pour être considérée comme une association représentative conformément au règlement de base et avait, dès lors, la qualité pour agir en justice en son propre nom.

46      Les intervenantes adhèrent aux arguments de la Commission et allèguent que la CCCME est non pas une association représentative de producteurs-exportateurs chinois du produit concerné, mais une entité de contrôle de ces producteurs-exportateurs par le gouvernement chinois. La CCCME agirait sous la supervision, la gestion et l’orientation professionnelle du ministère des Affaires civiles et du ministère du Commerce de la République populaire de Chine.

47      Les requérantes estiment que la CCCME est une association représentative au sens du règlement de base et qu’elle est donc une partie intéressée visée par ce règlement. Elle aurait été considérée comme telle par la Commission tant au cours de l’enquête ayant abouti à l’adoption du règlement litigieux que dans d’autres enquêtes antidumping antérieures. Pour les motifs exposés par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, elle serait directement et individuellement concernée par le règlement litigieux.

b)      Appréciation de la Cour

48      Il importe de rappeler, à titre liminaire, que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle existe dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêt du 16 mars 2023, Commission/Jiangsu Seraphim Solar System et Conseil/Jiangsu Seraphim Solar System et Commission, C‑439/20 P et C‑441/20 P, EU:C:2023:211, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

49      Par son exception d’irrecevabilité, la Commission estime que, en examinant le premier de ces deux cas de figure, le Tribunal a erronément jugé que la CCCME était recevable à agir en justice en son propre nom afin de sauvegarder ses droits procéduraux. Aux points 52 à 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait fondé son appréciation de la qualité pour agir en justice de la CCCME en son propre nom sur le fait que, au cours de la procédure antidumping ayant abouti à l’adoption du règlement litigieux, la Commission lui a octroyé ces droits. Il n’aurait toutefois pas vérifié la légalité d’un tel octroi. Or, l’octroi desdits droits à la CCCME serait illégal, car cette dernière serait non pas une association représentative, au sens du règlement de base, mais une émanation de l’État chinois.

50      En vertu d’une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire d’une telle décision (arrêt du 12 juillet 2022, Nord Stream 2/Parlement et Conseil, C‑348/20 P, EU:C:2022:548, point 156 ainsi que jurisprudence citée).

51      Parmi les personnes susceptibles d’être individualisées par un acte de l’Union au même titre que les destinataires d’une décision figurent celles qui ont participé au processus d’adoption de cet acte. Toutefois, le fait pour une personne d’intervenir dans le processus d’adoption d’un tel acte n’est de nature à l’individualiser par rapport à l’acte en cause que dans le cas où des garanties de procédure ont été prévues au profit de cette personne par la réglementation de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 1983, Fediol/Commission, 191/82, EU:C:1983:259, point 31, et ordonnance du 17 février 2009, Galileo Lebensmittel/Commission, C‑483/07 P, EU:C:2009:95, point 53). En effet, la portée exacte du droit de recours d’un particulier contre un acte de l’Union dépend de la position juridique définie en sa faveur par le droit de l’Union visant à protéger les intérêts légitimes ainsi reconnus (arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association, C‑465/16 P, EU:C:2019:155, point 107 ainsi que jurisprudence citée).

52      Il s’ensuit que des droits procéduraux doivent être octroyés légalement à une personne pour qu’elle puisse être considérée comme étant individuellement concernée par ces droits et être recevable à introduire un recours en annulation contre un acte adopté en violation desdits droits.

53      En l’espèce, dans son mémoire en défense devant le Tribunal, la Commission a contesté la recevabilité du recours introduit par la CCCME afin de faire valoir une violation de ses droits procéduraux, au motif qu’elle n’était pas une partie intéressée à qui de tels droits étaient conférés par le règlement de base. Partant, pour apprécier la recevabilité de ce recours, le Tribunal aurait été tenu d’apprécier si ce règlement conférait à la CCCME des droits procéduraux.

54      Aux points 53 à 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a toutefois considéré que la CCCME était individuellement concernée par le règlement litigieux au motif que, durant toute la procédure ayant conduit à l’adoption de ce règlement, la Commission l’avait considérée comme une partie intéressée représentant notamment l’industrie chinoise des pièces en fonte, dès lors qu’elle lui avait accordé des droits procéduraux comprenant le droit d’accéder au dossier de l’enquête, le droit de se voir communiquer les conclusions provisoires et finales, le droit de soumettre des observations sur celles-ci ainsi que le droit de participer à deux auditions organisées dans le cadre de cette procédure.

55      Par conséquent, il y a lieu de constater que le Tribunal a omis d’examiner la légalité de l’octroi de ces droits procéduraux à la CCCME et que, partant, il a commis une erreur de droit lorsqu’il a examiné si la condition selon laquelle le requérant doit être individuellement concerné par l’acte faisant l’objet de son recours, prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, était satisfaite à l’égard de la CCCME.

56      Cette constatation n’est pas remise en cause par la considération du Tribunal, figurant au point 64 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, même si l’erreur commise par la Commission en accordant lesdits droits à la CCCME était avérée, elle ne pouvait pas effacer ce qui avait été reconnu et conféré durant la procédure administrative, d’autant que, après la clôture de cette dernière, la Commission conservait la possibilité de retirer le règlement litigieux et de reprendre cette procédure en corrigeant cette erreur à l’étape à laquelle celle-ci avait été commise. En effet, les décisions prises par la Commission au cours d’une procédure administrative et la possibilité pour celle-ci de les corriger ne peuvent avoir pour effet de restreindre l’examen, par le juge de l’Union, de la recevabilité des recours dont il est saisi.

57      La même erreur de droit entache l’examen, par le Tribunal, aux points 71 à 75 de l’arrêt attaqué, de la condition selon laquelle le requérant doit être directement concerné par l’acte faisant l’objet de son recours, prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors que cet examen est, lui aussi, fondé sur l’octroi, par la Commission, de droits procéduraux à la CCCME au cours de la procédure administrative.

58      Toutefois, ces erreurs ne sont de nature à entraîner l’irrecevabilité du recours de la CCCME en son propre nom que s’il est établi qu’elle ne pouvait légalement pas se voir attribuer les droits procéduraux en question. Dès lors, il convient d’apprécier si, en vertu du règlement de base, ces droits devaient être octroyés à la CCCME.

59      À cet égard, la CCCME considère que le règlement de base lui confère de tels droits parce qu’elle est une association représentative des importateurs ou exportateurs du produit concerné.

60      Bien que l’article 5, paragraphe 11, l’article 6, paragraphe 7, l’article 20, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’article 21, paragraphe 2, du règlement de base confèrent aux associations représentatives des importateurs ou exportateurs du produit faisant l’objet d’un dumping certains droits procéduraux, ce règlement ne définit pas la notion d’« association représentative des importateurs ou exportateurs », contenue à ces dispositions.

61      Conformément à une jurisprudence constante, il importe, dès lors, d’interpréter cette notion en tenant compte non seulement des termes des dispositions auxquelles elle figure, mais également du contexte dans lequel celles-ci s’inscrivent et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers), C‑872/19 P, EU:C:2021:507, point 42 et jurisprudence citée]. En outre, compte tenu de la primauté des accords internationaux conclus par l’Union sur les textes de droit dérivé de l’Union, ladite notion doit être interprétée, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords, dont l’accord antidumping fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022, Yieh United Steel/Commission, C‑79/20 P, EU:C:2022:305, point 101 et jurisprudence citée).

62      Selon une interprétation textuelle, la notion d’« association représentative des importateurs ou exportateurs » désigne un groupement de personnes qui représente les importateurs ou les exportateurs en général.

63      Il en découle, en premier lieu, que cette notion ne désigne pas des personnes ou des entités représentant des intérêts autres que ceux d’importateurs ou d’exportateurs, tels que, en particulier, des intérêts étatiques. Cette interprétation est confirmée par le contexte dans lequel s’inscrit ladite notion. En effet, l’article 5, paragraphe 11, l’article 6, paragraphe 7, et l’article 20, paragraphe 1, du règlement de base désignent les « associations représentatives des importateurs ou des exportateurs », d’un côté, et les « autorités » ou les « représentants » du pays exportateur, de l’autre, comme des parties intéressées distinctes à une procédure antidumping.

64      L’objectif du règlement de base consistant à permettre à la Commission d’imposer des droits antidumping adéquats dans le respect du principe de bonne administration confirme également ladite interprétation. Cet objectif requiert que la Commission puisse connaître les points de vue de différentes parties intéressées participant à une procédure antidumping. Le considérant 12 de ce règlement énonce ainsi que ces parties devraient avoir d’amples possibilités de présenter tous les éléments de preuve pertinents et de défendre leurs intérêts. Or, les éléments de preuve pouvant être présentés par des associations représentatives des importateurs ou des exportateurs et par des représentants du pays exportateur ainsi que leurs intérêts respectifs ne coïncident pas nécessairement. D’une part, ces associations défendent les intérêts commerciaux et industriels des importateurs ou des exportateurs, alors que, d’autre part, ces représentants cherchent à promouvoir les intérêts politiques et diplomatiques du pays exportateur.

65      Par ailleurs, l’interprétation en question est conforme à l’article 6.11 de l’accord antidumping, dès lors que cet article distingue, parmi les parties intéressées visées par cet accord, les gouvernements des États exportateurs parties audit accord des groupements professionnels commerciaux ou industriels dont la majorité des membres exportent ou importent le produit faisant l’objet d’une enquête antidumping.

66      Il résulte du choix du législateur de l’Union d’opérer une distinction entre les associations représentatives des importateurs ou des exportateurs et les autorités ainsi que les représentants du pays exportateur que, pour pouvoir être considérée comme une association représentative au sens des dispositions visées au point 63 du présent arrêt, l’entité qui se présente comme telle ne doit pas être soumise à une ingérence de l’État exportateur, mais doit, au contraire, jouir de l’indépendance nécessaire par rapport à cet État afin qu’elle puisse effectivement agir en qualité de représentante des intérêts généraux et collectifs des importateurs ou des exportateurs et non en tant que prête-nom dudit État.

67      Cette indépendance des associations représentatives visées par le règlement de base reflète celle qui est reconnue aux associations en vertu de la liberté d’association définie à l’article 12 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que cette dernière reconnaît le droit aux associations de poursuivre leurs activités et de fonctionner sans ingérence étatique injustifiée [voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative), C‑78/18, EU:C:2020:476, points 110 à 113]. Une telle convergence se limite toutefois à l’absence d’ingérence de l’État concerné mettant en cause la représentation, par une association, des intérêts généraux et collectifs des importateurs ou des exportateurs, dès lors que ce règlement vise à transposer les règles de l’accord antidumping, qui a pour objectif de promouvoir le commerce mondial et non la liberté d’association.

68      En second lieu, il ressort de l’interprétation textuelle et du contexte de la notion d’« association représentative des importateurs ou exportateurs », figurant aux points 62 et 63 du présent arrêt, que l’objet d’une telle association doit comprendre la représentation des importateurs ou des exportateurs du produit faisant l’objet de l’enquête antidumping. Cette représentation requiert que, parmi les membres d’une telle association, figurent un nombre important d’importateurs ou d’exportateurs de ce produit. En outre, elle exige que les importations ou les exportations dudit produit par ces membres soient significatives, de manière à ce que l’association concernée puisse rendre compte des caractéristiques de l’activité des importateurs ou des exportateurs de ce même produit en général.

69      Cette interprétation est confirmée par l’objectif poursuivi par le règlement de base, exposé au point 64 du présent arrêt, qui requiert la participation des associations représentatives des importateurs ou des exportateurs, en tant que parties intéressées, à la procédure antidumping. En effet, les intérêts de ces associations ne pourront être légitimes qu’à condition qu’elles soient réellement représentatives des importateurs ou des exportateurs du produit faisant l’objet du dumping.

70      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la notion d’« association représentative des importateurs ou exportateurs », au sens dudit règlement doit être comprise comme désignant un groupement dont l’objet comprend la représentation des intérêts collectifs et généraux des importateurs ou des exportateurs d’un produit faisant l’objet d’un dumping ce qui requiert que ce groupement, d’une part, jouisse d’une indépendance par rapport aux autorités étatiques afin de pouvoir assurer cette représentation et, d’autre part, compte parmi ses membres un nombre important d’importateurs ou d’exportateurs dont les importations ou les exportations de ce produit sont significatives.

71      Dès lors qu’il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de sa qualité pour agir en justice, il incombait, en l’espèce, à la CCCME de démontrer qu’elle était une telle association représentative des importateurs ou des exportateurs du produit concerné.

72      À cet égard, la CCCME a fait valoir, dans sa requête devant le Tribunal, qu’elle comptait parmi ses membres 19 producteurs-exportateurs du produit concerné qui se sont vu imposer des droits antidumping par le règlement litigieux. En outre, il ressort des statuts de la CCCME que celle-ci est une organisation sociale à but non lucratif formée volontairement par des entreprises et des institutions enregistrées en Chine, actives dans l’import et l’export, l’investissement et la coopération dans le secteur des machines et des produits électroniques (article 2), et que son objectif est notamment de protéger les droits et les intérêts légitimes de ses membres ainsi que de promouvoir un développement sain des industries mécaniques et électroniques (article 3). Par conséquent, la CCCME inclut des exportateurs du produit faisant l’objet d’un dumping et est habilitée à protéger leurs intérêts.

73      Néanmoins, comme l’indique la Commission, les statuts de la CCCME indiquent que le groupement se trouve sous la supervision, la gestion et la direction commerciale de deux ministères de la République populaire de Chine (article 4) et qu’elle conduit ses activités pertinentes en conformité avec les affectations et les autorisations du gouvernement chinois (article 6, paragraphe 2). Or, ces éléments attestent que la CCCME ne dispose pas d’une indépendance suffisante par rapport aux instances étatiques chinoises pour pouvoir être considérée comme étant une « association représentative » des exportateurs du produit concerné.

74      En outre, la CCCME n’apporte pas la preuve qu’elle est représentative des importateurs ou des exportateurs du produit concerné. Ainsi, lors de la procédure devant le Tribunal, la Commission a relevé que la CCCME était active dans l’ensemble des secteurs des machines et de l’électronique et qu’elle comptait plus de 10 000 membres. De plus, confrontée, au cours de cette procédure, à l’objection de la Commission selon laquelle elle ne représentait pas un nombre conséquent de producteurs-exportateurs du produit concerné, la CCCME s’est limitée à faire référence, premièrement, au considérant 25 du règlement litigieux, dans lequel la Commission a estimé qu’elle représentait notamment l’industrie chinoise des pièces de fonte, et, deuxièmement, à la preuve de l’adhésion de 19 producteurs-exportateurs du produit concerné, figurant à l’annexe A.4 de sa requête devant le Tribunal, en indiquant que ce nombre était conséquent. Par ailleurs, dans leur réponse aux questions de la Cour, les requérantes ont indiqué qu’elles avaient communiqué à la Commission une liste de 58 producteurs-exportateurs de fonte chinois membres de la CCCME. Cette liste n’a toutefois pas été produite devant les juridictions de l’Union et les requérantes n’ont pas précisé la quantité de produits concernés exportés par ces membres. Il s’ensuit que la CCCME n’a démontré ni qu’elle comptait parmi ses membres un nombre important d’importateurs ou d’exportateurs du produit concerné ni que les exportations de ce produit par ses membres étaient significatives.

75      Partant, la CCCME ne disposait pas de la qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de telle sorte que le recours qu’elle a introduit en son propre nom doit être rejeté comme étant irrecevable et que le Tribunal a examiné à tort les moyens tirés d’une violation des droits procéduraux de la CCCME avancés à l’appui de ce recours.

2.      Sur le pouvoir de la CCCME de représenter ses membres en justice

a)      Argumentation des parties

76      La Commission allègue que, aux points 98 à 103 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu’il n’est pas nécessaire qu’une association soit organisée de manière démocratique pour pouvoir agir en justice au nom de ses membres. Selon elle, une association professionnelle ne saurait être une émanation d’un État organisé sur la base d’un régime communiste à parti unique, car, dans un tel cas, cette association serait tenue de défendre les intérêts de ses membres, tels que définis démocratiquement par ceux-ci, vis-à-vis de cet État, dont elle constitue l’émanation. Une conception selon laquelle une association professionnelle à la fois ferait partie d’un État et défendrait les intérêts collectifs de ses membres contre cet État serait contraire aux principes fondamentaux de la démocratie représentative communs aux États membres. Par ailleurs, la prise en considération des particularités du pays dans lequel l’association est constituée irait à l’encontre du principe énoncé à l’article 3, paragraphe 5, TUE, selon lequel l’Union, dans ses relations avec le reste du monde, affirme et promeut ses valeurs.

77      La CCCME conteste l’argumentation de la Commission.

b)      Appréciation de la Cour

78      La Commission soutient que, aux points 98 à 103 de l’arrêt attaqué, la Tribunal a erronément rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité du recours en tant qu’il avait été introduit par la CCCME au nom de ses membres. En effet, selon la Commission, comme la CCCME constitue une émanation de la République populaire de Chine et n’est pas organisée de manière démocratique, elle n’était pas recevable à introduire un recours en annulation au nom de certains de ses membres.

79      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la question de savoir si une association peut représenter ses membres dans le cadre d’un recours en annulation devant les juridictions de l’Union est une question distincte de celle de savoir si elle est une « association représentative des importateurs ou exportateurs », au sens du règlement de base.

80      S’agissant de la première question, il ressort d’une jurisprudence établie qu’une association chargée de défendre les intérêts collectifs de certaines entreprises n’est en principe recevable à introduire un recours en annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE que si elle peut faire valoir un intérêt propre ou si les entreprises qu’elle représente ou certaines d’entre elles ont qualité pour agir à titre individuel (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 87 et jurisprudence citée).

81      Ainsi, est recevable, en vertu de cette disposition, le recours introduit par une association agissant en lieu et place d’un ou de plusieurs de ses membres qui auraient pu eux-mêmes introduire un recours recevable (arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 39 et jurisprudence citée).

82      Comme le Tribunal l’a relevé à juste titre au point 84 de l’arrêt attaqué, la possibilité reconnue à une association d’agir en justice au nom de ses membres a pour objectif de permettre une administration plus efficace de la justice en évitant l’introduction d’un nombre élevé de recours dirigés contre les mêmes actes par ces membres.

83      Il ressort de ce qui précède que, pour qu’une association puisse valablement introduire un recours devant les juridictions de l’Union au nom de ses membres, il importe, premièrement, que les personnes physiques ou morales au nom desquelles elle agit fassent partie de ses membres, deuxièmement, qu’elle ait le pouvoir d’agir en justice en leur nom, troisièmement, que ce recours soit introduit en leur nom, quatrièmement, qu’au moins un des membres au nom desquels elle agit aurait pu lui-même introduire un recours recevable et, cinquièmement, que les membres au nom desquels elle agit n’aient pas introduit de recours en parallèle devant les juridictions de l’Union.

84      Contrairement à ce que soutient la Commission, la représentation en justice des membres d’une association par cette dernière n’exige pas, outre les cinq conditions mentionnées au point précédent, que cette association soit organisée de manière démocratique. En effet, lors de l’examen de la notion de « personne morale », visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, la Cour a considéré que cette notion comprenait tant des personnes morales privées que des entités publiques et des États tiers sans qu’elle ait mentionné ou pris en compte leur organisation démocratique [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2021, Venezuela/Conseil (Affectation d’un État tiers), C‑872/19 P, EU:C:2021:507, points 41 à 52]. Il s’ensuit que la qualité pour agir de ces personnes, entités et États, au titre de cette disposition, ne dépend pas d’une telle organisation.

85      Dans le contexte d’un litige ayant pour objet l’annulation d’un règlement instituant un droit antidumping définitif, la Cour a ainsi jugé, comme le souligne à juste titre le Tribunal au point 99 de l’arrêt attaqué, que l’absence de droit de vote de certains membres d’une association ou d’un autre moyen leur permettant de faire prévaloir leurs intérêts au sein de cette dernière ne suffisait pas pour établir que cette association n’avait pas pour objet de représenter de tels membres. Une telle absence ne faisait, dès lors, pas obstacle à l’introduction, par ladite association, d’un recours en annulation au nom de ces membres (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Conseil/Growth Energy et Renewable Fuels Association, C‑465/16 P, EU:C:2019:155, points 120 à 125).

86      Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, aux points 98 à 103 de l’arrêt attaqué, que le droit d’agir en justice d’une association au nom de ses membres n’était pas subordonné à une condition relative au « caractère représentatif de cette association, au sens de la tradition juridique commune des États membres » et donc, en substance, au caractère démocratique de l’organisation de celle-ci.

87      Partant, la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à l’égard du recours introduit devant le Tribunal par la CCCME au nom de ses membres doit être rejetée.

3.      Sur la régularité des mandats fournis par les neuf autres requérantes à leurs avocats

a)      Argumentation des parties

88      La Commission soutient que, aux points 133 à 137 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant les recours des neuf autres requérantes recevables alors qu’elle avait contesté la régularité des mandats conférés par ces requérantes à leurs avocats. Selon elle, le Tribunal ne pouvait pas écarter une telle contestation au motif que son règlement de procédure n’exigeait pas la preuve que le mandat donné à un avocat avait été établi par un représentant qualifié à cet effet. En cas de contestation, l’obligation incombant au Tribunal de vérifier ce mandat découlerait de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

89      Les requérantes contestent l’argumentation de la Commission.

b)      Appréciation de la Cour

90      La Commission allègue que les recours des neuf autres requérantes étaient irrecevables, dès lors que les mandats désignant leurs avocats étaient irréguliers et que le Tribunal ne pouvait pas rejeter la fin de non-recevoir qu’elle avait soulevée à cet égard en invoquant le fait que son règlement de procédure n’exigeait pas la preuve que ces mandats avaient été établis par un représentant qualifié à cet effet.

91      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 19 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, de ce statut, pour pouvoir agir devant les juridictions de l’Union, des personnes morales, telles que les neuf autres requérantes, doivent être représentées par un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3).

92      S’agissant du mandat conféré à un avocat par de telles personnes, l’article 51, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que les avocats sont tenus, lorsque la partie qu’ils représentent est une personne morale de droit privé, de déposer au greffe un mandat délivré par cette dernière. À la différence de la version de ce règlement applicable avant le 1er juillet 2015, cette disposition ne prévoit pas l’obligation, pour une telle personne, de fournir la preuve que le mandat donné à son avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet.

93      La circonstance que cet article 51, paragraphe 3, ne prévoit pas cette obligation ne dispense cependant pas le Tribunal de vérifier la régularité du mandat concerné en cas de contestation. En effet, le fait que, au stade du dépôt de son recours, une partie requérante ne doit pas apporter cette preuve n’affecte pas l’obligation, pour cette partie, d’avoir régulièrement mandaté son avocat afin de pouvoir agir en justice. L’allégement des exigences de preuve au moment du dépôt d’un recours est sans incidence sur la condition de fond selon laquelle les parties requérantes doivent être dûment représentées par leurs avocats. Ainsi, en cas de contestation de la régularité du mandat conféré par une partie à son avocat, cette partie doit démontrer la régularité de ce mandat (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 1965, Barge/Haute Autorité, 14/64, EU:C:1965:13, p. 10).

94      Partant, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, en substance, aux points 120 et 121 de ses conclusions, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, au point 136 de l’arrêt attaqué, que, comme son règlement de procédure n’exigeait pas la preuve que le mandat donné à un avocat avait été établi par un représentant qualifié à cet effet, la contestation, par la Commission, de la régularité des mandats conférés aux avocats des neuf autres requérantes devait être rejetée.

95      Dès lors, il y a lieu d’apprécier la recevabilité des recours des neuf autres requérantes.

96      À cet égard, il convient de relever que, à l’appui de sa fin de non-recevoir, la Commission invoque, d’une part, le fait que certains signataires des mandats en cause n’ont pas précisé leur fonction et n’ont pas joint de documents attestant de leur pouvoir de signer de tels actes ainsi que, d’autre part, le fait que certains signataires de ces mandats, qui ont précisé leur fonction d’administrateur délégué, de directeur général, de contrôleur financier ou de directeur, n’ont pas justifié que, en vertu du droit chinois, ils étaient habilités à signer de tels mandats.

97      Or, si les juridictions de l’Union doivent exiger d’une partie la démonstration de la régularité du mandat conféré à son avocat en cas de contestation de celui-ci par une partie adverse, une telle exigence ne s’impose que pour autant que cette contestation repose sur des indices suffisamment concrets et précis.

98      En l’espèce, la Commission n’avance pas de tels indices. En effet, le fait que certains signataires des mandats en cause ne précisent pas leurs fonctions ou que, lorsqu’ils les précisent, ils ne justifient pas que, en vertu du droit chinois, ils étaient habilités à signer de tels mandats ne constitue pas de tels indices.

99      Partant, la fin de non-recevoir soulevée par la Commission à l’égard des recours des neuf autres requérantes doit être rejetée.

4.      Conclusions sur la recevabilité du recours devant le Tribunal

100    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le recours introduit devant le Tribunal est recevable en tant qu’il a été introduit par la CCCME au nom de ses membres et par les neuf autres requérantes. En revanche, la CCCME ne disposant pas de la qualité pour agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ce recours est irrecevable en tant qu’il a été introduit par la CCCME en son nom propre. Le Tribunal a, dès lors, examiné à tort ledit recours en tant que, par celui-ci, la CCCME avait allégué une violation de ses droits procéduraux, de telle sorte que les moyens du présent pourvoi portant sur cet examen sont irrecevables.

B.      Sur le fond

1.      Sur le premier moyen

a)      Argumentation des parties

101    Par leur premier moyen, qui comporte deux branches, les requérantes allèguent que, aux points 152 à 211 et 398 à 403 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis des erreurs lors de l’appréciation du volume des importations à prendre en compte afin de déterminer l’existence d’un préjudice en application de l’article 3 du règlement de base.

102    Par la première branche de ce premier moyen, les requérantes avancent que le Tribunal a erronément validé l’approche de la Commission selon laquelle, en l’espèce, ce préjudice pouvait être déterminé en extrapolant des volumes absolus et relatifs d’importations pour les années et les pays de référence à des années postérieures et à d’autres pays. Une telle extrapolation serait fondée sur l’hypothèse déraisonnable, non plausible et non justifiée selon laquelle les volumes et les prix de référence demeureraient inchangés dans le temps et d’un pays à l’autre.

103    En particulier, le Tribunal aurait commis une erreur, au point 194 de l’arrêt attaqué, en invoquant la prise en compte des données de référence pour rejeter la première branche du premier moyen du recours en annulation des requérantes sans aborder la question de leur extrapolation à d’autres années et à d’autres pays. Une telle approche ne se fonderait pas sur des éléments de preuve positifs, comme cela est exigé par l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base. L’hypothèse de la Commission selon laquelle il n’y aurait pas eu d’évolution des importations serait absurde, dès lors que les données d’importation seraient précisément invoquées pour apprécier cette évolution et les différences entre les pays concernés.

104    En outre, au point 179 de cet arrêt, le Tribunal aurait erré en considérant que les données d’exportation chinoises que la CCCME avait fournies étaient dénuées de pertinence. Le caractère intrinsèquement non plausible de l’hypothèse de la Commission, combiné aux données d’exportation chinoises, qui démonteraient le manque de fiabilité de cette hypothèse, prouveraient que les données prises en compte par la Commission ne constituaient pas des éléments de preuve positifs, au sens de cet article 3, paragraphe 2. Toute autre approche reviendrait à imposer une charge de la preuve déraisonnable.

105    Par la seconde branche de leur premier moyen, les requérantes estiment que le Tribunal a erronément omis de constater que la Commission n’avait pas examiné tous les éléments pertinents avec soin et impartialité, comme elle était tenue de le faire en vertu du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude ainsi qu’au titre des obligations lui incombant en vertu de l’article 3, paragraphes 2, 3, 5 à 7 du règlement de base. Selon elles, le Tribunal ne pouvait pas limiter l’obligation de la Commission de prendre en compte toutes les informations disponibles en invoquant, d’une part, l’obligation de cette dernière de respecter les délais de procédure et, d’autre part, le fait que le respect de ces obligations devait être susceptible d’aboutir, avec une probabilité suffisamment importante, à des résultats plus fiables. L’obligation de se fonder sur des éléments de preuve positifs et de prendre en considération toutes les informations disponibles pour obtenir ces éléments établirait une norme minimale, indépendamment de tout délai, et constituerait, en ce sens, une obligation absolue. Les considérations figurant au point 68 de l’arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate (C‑569/13, EU:C:2015:572), confirmeraient une telle interprétation.

106    Ainsi, au point 200 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait erronément considéré qu’il fallait tenir compte du fait que les données envisagées étaient ou non susceptibles d’aboutir, avec une probabilité suffisamment importante, à des résultats plus fiables que ceux obtenus dans les délais applicables. En effet, premièrement, il serait difficile d’établir un tel degré de probabilité avant d’avoir obtenu ces premiers résultats et, deuxièmement, le seul délai applicable à l’obtention de données relatives aux importations serait la durée totale de l’enquête, qui s’étend sur quinze mois.

107    L’appréciation du Tribunal figurant aux points 199 à 202 de cet arrêt violerait l’obligation de la Commission d’examiner d’office toutes les informations disponibles, dès lors que cette appréciation reviendrait à considérer que la Commission ne devait absolument rien faire pour remplir son obligation de consulter toutes les sources disponibles, au motif que cela aurait été disproportionné. Les requérantes contestent également la considération du Tribunal, figurant au point 205 dudit arrêt, selon laquelle la Commission n’était pas tenue d’adresser une demande aux autorités douanières au motif que cela représenterait une charge de travail significative et requerrait un temps important. D’après les requérantes, présumer qu’une telle exigence serait disproportionnée ôterait tout sens à l’article 6, paragraphes 3 et 4, du règlement de base.

108    Contrairement aux appréciations du Tribunal figurant aux points 205 et 206 du même arrêt, un examen de toutes les transactions effectuées pendant deux périodes spécifiques, mais limitées, et pour deux pays spécifiques, fournirait des informations significatives sur le caractère raisonnable et plausible de l’hypothèse selon laquelle il n’y aurait pas eu d’évolution des importations dans le temps et permettrait une extrapolation plus précise.

109    Au point 209 de l’arrêt attaqué, le Tribunal considérerait à tort que les importateurs n’ont pas fourni d’informations à cet égard. En effet, la Commission n’aurait pas demandé ces informations, qui auraient été plus représentatives que l’extrapolation à laquelle il a été procédé en l’absence de telles informations. En tout état de cause, le Tribunal aurait commis une erreur manifeste en considérant que les importateurs sélectionnés n’étaient pas suffisamment représentatifs de l’ensemble des importateurs du produit concerné, dès lors qu’ils l’ont été sur le fondement de l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base.

110    La Commission et les intervenantes contestent l’argumentation des requérantes.

b)      Appréciation de la Cour

1)      Considérations liminaires

111    Par leur premier moyen, les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal a commis des erreurs de droit en considérant que la Commission avait dûment prouvé le volume des importations ayant fait l’objet d’un dumping afin de déterminer l’existence d’un préjudice, en application de l’article 3 du règlement de base.

112    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner. Ce large pouvoir d’appréciation porte notamment sur la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une procédure antidumping (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 35 et 36 ainsi que jurisprudence citée).

113    Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Tel est, notamment, le cas en ce qui concerne la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antidumping (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 36 et jurisprudence citée).

114    Le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 28 avril 2022, Yieh United Steel/Commission, C‑79/20 P, EU:C:2022:305, point 58 et jurisprudence citée).

115    C’est au regard de ces éléments qu’il convient d’apprécier les différents griefs avancés par les requérantes dans le cadre de leur premier moyen.

2)      Sur la première branche du premier moyen

116    Par la première branche de leur premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a erronément qualifié de « justifiées » les hypothèses de la Commission pour définir le volume des importations ainsi que de « raisonnables » et de « plausibles » les estimations qui en découlent. Le Tribunal n’aurait pas pu, dès lors, considérer que la Commission avait fondé son appréciation de ce volume sur des éléments de preuve positifs, ainsi que cela est requis par l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base.

117    À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu de cette disposition, la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, notamment, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping. Ladite disposition précise ainsi l’administration de la preuve et l’examen qui incombent à la Commission, en tant qu’autorité investigatrice, afin d’établir l’existence d’un préjudice pour pouvoir instituer des droits antidumping.

118    Le règlement de base ne définit cependant pas la notion d’« éléments de preuve positifs ». Compte tenu du sens littéral de cette notion, de son contexte, comprenant notamment l’exigence d’un examen objectif visée à l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement, et de la finalité de la détermination de l’existence d’un préjudice, à savoir permettre l’imposition d’un droit antidumping au regard des importations faisant l’objet d’un dumping, ladite notion désigne des éléments matériels qui établissent de façon affirmative, objective et vérifiable la réalité des indicateurs de ce préjudice. Elle exclut de la sorte que de simples affirmations, des conjectures ou des considérations aléatoires puissent constituer de tels indicateurs.

119    Une telle définition respecte l’exigence, rappelée au point 61 du présent arrêt, selon laquelle les textes de droit dérivé doivent être interprétés, dans la mesure du possible, en conformité avec les accords internationaux conclus par l’Union. En effet, la notion d’« éléments de preuve positifs », qui figure également à l’article 3, paragraphe 1, de l’accord antidumping dont le contenu est identique à celui de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, a été interprétée par l’organe d’appel de l’OMC, au point 192 de son rapport du 24 juillet 2001 dans l’affaire « États-Unis – Mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon » (WT/DS 184/AB/R), comme signifiant que ces éléments de preuve doivent être de caractère affirmatif, objectif ainsi que vérifiable, et qu’ils doivent être crédibles.

120    En l’espèce, il ressort de l’arrêt attaqué que, pour calculer le volume des importations du produit concerné pendant la période considérée, la Commission a utilisé les données d’Eurostat classées en fonction de codes issus de la nomenclature combinée (NC). Elle a toutefois dû ajuster ces données parce qu’elles concernaient non seulement le produit concerné, mais également du mobilier urbain.

121    En particulier, pour les produits en fonte non malléable relevant du code ex 732510 00 de la NC, la Commission disposait, pour la période comprise entre la date du début de la période considérée, à savoir le 1er janvier 2013, et le 1er janvier 2014, des données ventilées en sous-codes dont deux incluaient exclusivement ces produits et un troisième incluait ces derniers ainsi que d’autres produits. Cette ventilation par sous-codes a toutefois été abandonnée à partir du 1er janvier 2014. Afin d’isoler les données ayant trait à la fonte non malléable pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et la date de la fin de la période d’enquête, à savoir le 30 septembre 2016, la Commission a pris en compte 60 % du volume comptabilisé comme importations chinoises sous le code ex 732510 00 de la NC, ce pourcentage correspondant au ratio représenté par les produits en fonte non malléable importés sous ce code avant le 1er janvier 2014 par rapport à l’ensemble des produits importés sous ledit code, compte tenu de la classification en trois sous-codes des produits en fonte non malléable qui existait avant cette dernière date. Pour le dernier de ces sous-codes, qui ne comprenait pas exclusivement des produits en fonte non malléable, la proportion de ces derniers a été estimée à 30 %. Un calcul analogue a été effectué pour les importations provenant de l’Inde et des autres pays tiers concernés (points 159 et 160 de l’arrêt attaqué).

122    Les produits repris sous le code ex 7325 99 10 de la NC au cours de la période considérée comprenaient la fonte malléable ainsi que d’autres produits. Pour ne prendre en compte que les produits en fonte malléable, la Commission a pris en compte 100 % des opérations comptabilisées comme des importations chinoises reprises sous ce code dont elle a soustrait 14 645 tonnes. Cette soustraction correspondait aux opérations réalisées durant l’année 2004 qui ne portaient pas sur le produit concerné, dès lors que, concernant cette année, la Commission disposait de données indiquant, pour la Chine, les importations correspondant audit code, mais ne portant pas sur le produit concerné. Un calcul analogue a été effectué pour les importations provenant de l’Inde. La Commission a, en outre, considéré sur la base des enquêtes effectuées par les plaignants, que les importations en provenance d’autres pays tiers relevant du même code ne contenaient pas de produits en fonte malléable (points 162 à 164 de l’arrêt attaqué).

123    Aux points 183 à 196 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le grief des requérantes selon lequel les données utilisées par la Commission reposaient sur des hypothèses injustifiées et déraisonnables qui n’étaient fondées sur aucun élément de preuve positif. Il a justifié ce rejet en jugeant que, en l’absence d’informations plus précises et plus récentes présentant un degré de fiabilité similaire ou plus élevé, compte tenu du caractère raisonnable et plausible des estimations présentées par la Commission et eu égard à la large marge d’appréciation reconnue à cette institution, le volume des importations avait été dûment établi.

124    À l’appui de la première branche de leur premier moyen, les requérantes invoquent deux arguments. En premier lieu, elles estiment que l’hypothèse selon laquelle la répartition des différents types de produits au sein d’un code de la NC a été constante dans le temps et équivalente dans différents pays n’est ni raisonnable ni plausible. En l’absence de preuves en ce sens, il serait absurde de considérer que cette répartition n’a pas évolué.

125    À cet égard, il y a lieu de relever que, en l’absence de données accessibles plus fiables, des données obtenues après un ajustement d’autres données peuvent constituer des éléments de preuve positifs, tels que définis au point 118 du présent arrêt, à condition, d’une part, que ces autres données constituent elles-mêmes de tels éléments de preuve positifs et, d’autre part, que les ajustements en cause soient opérés sur la base d’hypothèses raisonnables, de sorte que le résultat de ces ajustements soit plausible.

126    En l’espèce, il n’est pas contesté que les données d’Eurostat qui ont été utilisées par la Commission pour déterminer, à la suite d’ajustements, le volume des importations en cause constituaient des éléments de preuve positifs, tels que définis au point 118 du présent arrêt.

127    En outre, en l’absence d’éléments de preuve accessibles plus fiables, le Tribunal pouvait, sans commettre d’erreur de droit, entériner l’hypothèse de la Commission selon laquelle il était raisonnable de considérer que, au sein d’un même code de la NC, la proportion des importations de couvercles de trou d’homme formant le produit concerné par rapport à celles de mobilier urbain était restée stable dans le temps. Contrairement à ce qu’avancent les requérantes, le fait que l’examen de la Commission vise à apprécier l’évolution du volume des importations ne démontre pas que cette hypothèse est erronée, dès lors qu’une telle évolution est possible en maintenant une répartition stable des différents types de produits au sein d’un même code de la NC.

128    De même, en l’absence de données fiables pour les pays tiers autres que la République populaire de Chine concernant le pourcentage des importations du produit concerné par rapport à d’autres produits relevant d’un même code de la NC, la Commission pouvait prendre en considération le pourcentage de ces importations tel qu’établi s’agissant des importations de Chine. En effet, en l’absence d’autres données fiables et disponibles concernant lesdites importations du produit concerné par des pays tiers, la Commission pouvait considérer qu’une telle extrapolation était raisonnable.

129    Par conséquent, il convient d’écarter le premier argument invoqué par les requérantes à l’appui de la première branche de leur premier moyen.

130    En second lieu, les requérantes contestent l’appréciation du Tribunal selon laquelle les estimations de la Commission aux fins de l’appréciation du volume des importations pouvaient être considérées comme raisonnables et plausibles. Selon elles, le Tribunal a erré en considérant, au point 179 de l’arrêt attaqué, que les données d’exportation chinoises qu’elles avaient fournies étaient dénuées de pertinence, alors que, au contraire, ces données montraient que les données d’importation de la Commission étaient surestimées.

131    Au point 179 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, si une partie requérante entend contester la fiabilité des données relatives au volume des importations utilisées par la Commission et obtenir gain de cause, elle ne peut se limiter à produire des chiffres alternatifs tels que des chiffres obtenus sur la base de données émanant des autorités douanières dont proviennent les importations litigieuses, mais doit produire des éléments susceptibles de mettre en cause les données fournies par la Commission.

132    Ainsi, audit point 179, le Tribunal a précisé, sans commettre d’erreur de droit ni imposer une charge de la preuve déraisonnable, à quelles conditions une partie requérante pouvait valablement contester la fiabilité de certaines données utilisées par la Commission. En effet, une telle contestation ne peut se limiter à produire des données alternatives, mais doit également exposer les raisons pour lesquelles ces dernières données sont plus fiables que celles utilisées par la Commission.

133    Par conséquent, le second argument avancé par les requérantes à l’appui de la première branche de leur premier moyen doit également être écarté.

134    Dès lors, pour l’ensemble des motifs qui précèdent, la première branche du premier moyen doit être rejetée.

3)      Sur la seconde branche du premier moyen

135    Par la seconde branche de leur premier moyen, les requérantes soutiennent, d’une part, que les appréciations figurant aux points 199 et 200 de l’arrêt attaqué sont entachées d’une erreur de droit parce que le Tribunal a indument limité l’obligation, incombant à la Commission, de prendre en considération toutes les informations disponibles, au motif qu’il devait être tenu compte des délais de procédure et du fait que le respect de cette obligation devait être susceptible d’aboutir, avec une probabilité suffisamment importante, à des résultats plus fiables que ceux obtenus dans ces délais. L’obligation de se fonder sur des éléments de preuve positifs et de prendre en considération toutes les informations disponibles pour obtenir ces éléments de preuve serait une obligation absolue, indépendante de tout délai, ainsi que la Cour l’aurait confirmé au point 68 de son arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate (C‑569/13, EU:C:2015:572).

136    À cet égard, il importe de rappeler que, en application du règlement de base, c’est à la Commission qu’il incombe, en tant qu’autorité investigatrice, d’établir l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice (arrêt du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper, C‑260/20 P, EU:C:2022:370, point 47).

137    Il s’ensuit que, comme l’a rappelé à juste titre le Tribunal au point 198 de l’arrêt attaqué en se référant au point 32 de l’arrêt du 22 mars 2012, GLS (C‑338/10, EU:C:2012:158), le rôle de la Commission dans une enquête antidumping n’est pas celui d’un arbitre dont la compétence se limiterait à trancher uniquement au vu des renseignements et des éléments de preuve fournis par les parties à l’enquête. La Commission a également l’obligation d’examiner d’office toutes les informations pertinentes dont elle ne dispose pas, mais auxquelles elle peut elle-même avoir accès. À cet égard, l’article 6, paragraphes 3 et 4, du règlement de base habilite la Commission à demander aux États membres de lui fournir des renseignements ainsi que d’effectuer toutes les vérifications et les contrôles nécessaires.

138    Cette obligation d’examen d’office incombant à la Commission doit cependant se concilier avec les autres obligations que lui impose le règlement de base. Ainsi, cet examen doit pouvoir être effectué dans le délai d’enquête visé à l’article 6, paragraphe 9, de ce règlement, sans préjudice de l’exigence énoncée à l’article 3, paragraphe 2, dudit règlement, à savoir que la détermination de l’existence d’un préjudice doit se fonder sur des éléments de preuve positifs et comporter un examen objectif.

139    Par ailleurs, ladite obligation d’examen d’office n’a trait qu’aux informations auxquelles elle peut elle-même avoir accès qui sont pertinentes pour son enquête antidumping. Une telle pertinence dépendra, notamment, du contenu ainsi que de la fiabilité des renseignements et des éléments de preuve dont elle dispose déjà à la suite de la coopération des parties intéressées à cette enquête. En effet, la Commission est tenue d’examiner avec toute la diligence requise toutes les informations dont elle dispose (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper, C‑260/20 P, EU:C:2022:370, point 50 et jurisprudence citée). Dès lors que la Commission dispose d’informations suffisamment fiables afin de mener ladite enquête de façon objective et que les informations auxquelles elle peut elle-même avoir accès ne sont vraisemblablement pas plus fiables, elle ne peut être tenue d’exercer ses pouvoirs d’enquête d’office.

140    Toutefois, en cas de contestation circonstanciée de l’exactitude de certaines informations par une partie à la procédure antidumping, la Commission est tenue d’examiner avec diligence le bien-fondé de cette contestation (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, point 68) et, pour autant qu’elle est fondée, d’établir ses conclusions sur d’autres informations fiables.

141    Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant, aux points 199 et 200 de l’arrêt attaqué, que l’appréciation de l’obligation de la Commission de procéder à un examen d’office devait se faire en tenant compte tant de son obligation de respecter les délais de procédure que du fait que les données envisagées étaient ou non susceptibles d’aboutir, avec une probabilité suffisamment importante, à des résultats plus fiables que ceux obtenus dans ces délais.

142    Par la seconde branche de leur premier moyen, les requérantes soutiennent, d’autre part, que, aux points 202 à 210 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait une application erronée de l’obligation, incombant à la Commission, d’examiner d’office toutes les informations disponibles en jugeant que cette dernière n’était tenue ni de collecter des données auprès des autorités douanières nationales ni d’adresser des questionnaires aux importateurs afin d’obtenir des données plus fiables ou de contrôler les hypothèses qu’elle avait émises.

143    À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que, comme il a été exposé au point 125 du présent arrêt, la Commission ne peut se fonder sur des données obtenues après un ajustement qu’en l’absence de données accessibles plus fiables, ce qu’il appartient à la Commission d’examiner d’office.

144    Ensuite, s’agissant des données que la Commission aurait pu collecter auprès des autorités douanières nationales, il y a lieu de relever, en premier lieu, que, au point 202 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé qu’il serait disproportionné d’exiger de la Commission qu’elle collecte des listes d’importations, transaction par transaction, de la part des autorités douanières de tous les États membres, en les analysant pour déterminer si elles peuvent être prises en compte et en compilant ensuite les données du produit concerné pendant quatre ans pour l’ensemble de l’Union.

145    Une telle appréciation ne constitue pas une application erronée de l’obligation d’examen d’office de la Commission. En effet, une telle collecte de données supposerait de vérifier chaque importation de couvercle de trou d’homme dans l’Union au cours de la période d’enquête, ce qui serait pratiquement impossible à réaliser dans les délais impartis. Or, ainsi qu’il a été exposé au point 138 du présent arrêt, l’obligation d’examen d’office de la Commission doit se concilier avec les autres obligations que lui impose le règlement de base, notamment les délais prévus par ce dernier.

146    En second lieu, il convient de relever que, aux points 205 et 206 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la Commission n’était pas non plus tenue de constituer un échantillon de données en collectant certaines données plus détaillées auprès des autorités douanières nationales, dès lors que, d’une part, la constitution d’un tel échantillon représenterait une charge de travail significative et requerrait un temps important, ce dont il devrait être tenu compte au regard des délais de procédure stricts imposés à la Commission, et, d’autre part, la pertinence d’un tel échantillon pouvait être remise en cause, dès lors que la représentativité des transactions sélectionnées pourrait être questionnée et qu’il ne permettrait pas de calculer avec précision le volume des importations du produit concerné.

147    Cette appréciation du Tribunal ne contrevient pas non plus à l’obligation d’examen d’office de la Commission, dès lors qu’il n’apparaît pas que la collecte d’un échantillon auprès des autorités douanières nationales aurait permis d’obtenir des données plus fiables que les données ajustées prises en compte par la Commission en l’espèce.

148    Enfin, s’agissant des données que la Commission aurait pu collecter auprès des importateurs, le Tribunal a considéré, aux points 207 à 209 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’était pas tenue de collecter ces données en l’espèce, dès lors qu’elles n’auraient pas été plus fiables. Il a motivé cette appréciation en indiquant que, premièrement, les 28 importateurs qui s’étaient manifestés durant l’enquête avaient fourni, dans leurs réponses au questionnaire joint à l’avis d’ouverture de l’enquête, un chiffre global reprenant le volume des importations du produit concerné en provenance de Chine et de l’Inde, deuxièmement, lesdites données n’étaient pas divisées en fonction des codes de la NC dont relevait ce produit et, troisièmement, ces réponses n’avaient pu être vérifiées que pour les trois importateurs retenus dans l’échantillon qui avaient répondu à ce questionnaire et dont il n’était pas établi qu’ils étaient suffisamment représentatifs de l’ensemble des importateurs dudit produit. Le Tribunal a étayé cette dernière appréciation en évoquant le fait que la Commission avait indiqué que le marché était fragmenté et se caractérisait par un grand nombre de petites et moyennes entreprises et que, dans un tel contexte, il n’était pas exclu que de nombreux autres importateurs indépendants opérant sur le marché, lesquels n’avaient pas d’intérêt direct à coopérer à l’enquête, ne se soient pas manifestés.

149    À cet égard, il convient d’observer que l’unique fait que les réponses d’importateurs audit questionnaire ne contenaient pas des informations suffisamment détaillées sur les importations en cause ne suffisait pas pour dispenser la Commission de son obligation d’examiner d’office si ces importateurs avaient des données plus fiables que celles construites sur la base des données d’Eurostat. Toutefois, l’erreur commise à cet égard par le Tribunal est inopérante. En effet, comme l’a indiqué la Commission dans son mémoire en réponse, même si elle avait demandé des informations plus détaillées, ces informations auraient toujours été moins exhaustives que celles d’Eurostat. En effet, l’appréciation factuelle selon laquelle il n’était pas exclu que de nombreux autres importateurs indépendants opérant sur le marché n’avaient pas d’intérêt direct à coopérer à l’enquête n’est pas contestée. Partant, il n’est pas avéré que la collecte de données sur les importations auprès des importateurs aurait permis d’obtenir des données plus fiables que les données ajustées prises en compte par la Commission en l’espèce.

150    Pour les raisons qui précèdent, la seconde branche du premier moyen et, partant, ce premier moyen dans son intégralité doivent être rejetés.

2.      Sur le deuxième moyen

a)      Argumentation des parties

151    Par leur deuxième moyen, les requérantes allèguent que, aux points 305 à 311 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément entériné les appréciations de la Commission relatives au préjudice subi par Saint-Gobain PAM et au lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et ce préjudice. Ces appréciations ne reposeraient pas sur des éléments de preuve positifs et sur un examen objectif, au sens de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, car, lors du calcul dudit préjudice, il n’aurait pas été tenu compte des bénéfices résultant des ventes effectuées aux entités de vente liées à Saint-Gobain PAM. En prenant en considération les coûts de production supportés par Saint-Gobain PAM dans le cadre de la fabrication, indépendamment du type de vente qui interviendrait ensuite, la Commission aurait omis de tenir compte, lors du calcul de la rentabilité globale de cette entreprise, des bénéfices « cachés » obtenus par cette dernière auprès de ces entités lors de la vente du produit concerné. Ces bénéfices auraient été considérés comme des coûts aux fins du calcul du préjudice, de sorte que la rentabilité de Saint-Gobain PAM aurait été sous-estimée et le préjudice surestimé.

152    La Commission et les intervenantes font valoir, à titre principal, que ce moyen est irrecevable, car l’erreur de droit alléguée serait inintelligible et qu’il revient à remettre en cause une appréciation factuelle non contestée ainsi que, à titre subsidiaire, qu’il est non fondé.

b)      Appréciation de la Cour 

153    Par leur deuxième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir violé l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base en entérinant l’appréciation, par la Commission, du préjudice subi par Saint-Gobain PAM. Lors de cette appréciation, ce préjudice aurait été surestimé, car la Commission aurait erronément considéré que les bénéfices de Saint-Gobain PAM provenant des ventes effectuées à ses entités de vente liées constituaient des coûts.

154    À cet égard, il y a lieu de relever que, par la cinquième branche du premier moyen de leur recours devant le Tribunal, les requérantes ont fait grief à la Commission d’avoir utilisé, aux fins du calcul du préjudice subi par Saint-Gobain PAM, des prix facturés pour des reventes à l’intérieur du groupe de sociétés dont ce producteur de l’Union fait partie, c’est-à-dire des prix de transfert, alors que l’évaluation de la rentabilité effective aurait dû être effectuée en comparant la valeur des ventes réalisées auprès de clients indépendants avec les coûts engagés pour la production des produits ainsi qu’avec les frais de vente, les dépenses administratives et d’autres frais généraux des revendeurs.

155    Aux points 305 à 307 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté ce grief en considérant que le fait que Saint-Gobain PAM vendait le produit concerné tant directement, à des clients indépendants, qu’indirectement, par l’intermédiaire de négociants liés, était sans incidence sur la détermination des coûts de production, dès lors que les deux types de ventes impliquaient des produits qui ont été fabriqués par cette entreprise et que la valeur prise en compte par la Commission correspondait aux coûts de production supportés par ladite entreprise, indépendamment du type de vente intervenant ensuite. Le Tribunal en a déduit que le fait que certaines ventes aient été effectuées par l’intermédiaire de sociétés liées n’avait eu aucune incidence sur le calcul des coûts de production de Saint-Gobain PAM et, partant, sur l’évaluation du préjudice subi par l’industrie de l’Union.

156    Ainsi, le Tribunal n’a pas considéré que les bénéfices de Saint-Gobain PAM provenant de ses ventes du produit concerné à ses entités de vente liées faisaient partie des coûts de cette société aux fins de la détermination du préjudice subi par l’industrie de l’Union. En effet, tant pour les ventes directes que pour les ventes indirectes, effectuées par l’intermédiaire d’entités de vente liées, les coûts pris en considération ont été les coûts de production de Saint-Gobain PAM. 

157    Le grief des requérantes selon lequel les coûts de Saint-Gobain PAM pris en compte incluaient les bénéfices de cette société provenant des ventes effectuées par celle-ci à des entités de vente liées vise à remettre en cause une appréciation factuelle du Tribunal, sans qu’une dénaturation des éléments de preuve ait été démontrée, ni même alléguée. Or, ce grief est irrecevable conformément à une jurisprudence constante selon laquelle le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve qui lui sont soumis. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre de l’examen d’un pourvoi (arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 98 ainsi que jurisprudence citée).

158    Partant, au regard des motifs qui précèdent, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

3.      Sur le troisième moyen

159    Par leur troisième moyen, qui comporte deux branches, les requérantes soutiennent que le Tribunal a erré en considérant, aux points 371 à 392 et au point 397 de l’arrêt attaqué, qu’il n’y avait pas lieu d’effectuer une analyse par segment afin d’apprécier l’existence d’un lien de causalité entre les importations du produit concerné et le préjudice subi par l’industrie de l’Union, nonobstant les différences existant entre les produits standard et les produits non standard ainsi que celles existant entre les produits en fonte grise et les produits en fonte ductile.

a)      Sur la première branche du troisième moyen

1)      Argumentation des parties

160    Par la première branche de leur troisième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis une erreur de droit en limitant les cas dans lesquels il y a lieu de procéder à une analyse du préjudice par segment aux seuls cas dans lesquels les produits en cause ne sont pas interchangeables. Ainsi, au point 378 de l’arrêt attaqué, il aurait erronément considéré qu’une analyse par segment n’était pas requise lorsque ces produits sont suffisamment interchangeables et, aux points 383 à 392 de l’arrêt attaqué, il aurait limité à tort son analyse à la question de savoir si lesdits produits constituaient un seul produit aux fins de la procédure antidumping, en se fondant sur l’arrêt du 10 mars 1992, Sanyo Electric/Conseil (C‑177/87, EU:C:1992:111). Selon les requérantes, il existe des différences significatives entre les produits standard et les produits non standard ainsi qu’entre les produits en fonte grise et les produits en fonte ductile. Or, ces différences seraient importantes pour les clients de ces produits. En outre, les importations en cause porteraient exclusivement sur des produits standard et presque exclusivement sur des produits en fonte ductile. De tels éléments justifieraient une analyse par segment qui affecterait l’appréciation du lien de causalité.

161    La Commission considère que cette première branche est irrecevable faute, pour les requérantes, d’avoir identifié de façon suffisamment précise une erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué. Par ailleurs, la Commission et les intervenantes estiment que ladite première branche n’est pas fondée.

2)      Appréciation de la Cour

162    S’agissant de la recevabilité de la première branche du troisième moyen, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, notamment, arrêts du 10 novembre 2022, Commission/Valencia Club de Fútbol, C‑211/20 P, EU:C:2022:862, point 29, et du 15 décembre 2022, Picard/Commission, C‑366/21 P, EU:C:2022:984, point 52).

163    Dans cette première branche, les requérantes indiquent cependant avec suffisamment de précision l’erreur de droit alléguée ainsi que les motifs pour lesquels le Tribunal aurait commis cette erreur. En effet, elles estiment que ce dernier a erronément limité l’analyse par segment du préjudice causé par les importations faisant l’objet d’un dumping à l’hypothèse dans laquelle les produits en cause ne sont pas interchangeables et invoquent à l’appui de leur allégation les arrêts du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T‑35/01, EU:T:2004:317), et du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, EU:T:2019:691). Partant, il y a lieu de rejeter l’objection d’irrecevabilité avancée par la Commission.

164    S’agissant du bien-fondé de ladite première branche, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la détermination de l’existence du préjudice doit comporter un examen objectif du volume des importations faisant l’objet d’un dumping, de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et de l’incidence desdites importations sur l’industrie de l’Union. L’article 3, paragraphe 3, de ce règlement prévoit que, en ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, il y a lieu d’examiner s’il y a eu, pour ces importations, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union.

165    Bien que le règlement de base n’impose aucune méthode particulière pour analyser la sous-cotation des prix, il ressort des termes mêmes de cet article 3, paragraphe 3, que la méthode choisie pour déterminer une éventuelle sous-cotation des prix doit, en principe, être opérée au niveau du « produit similaire », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, dudit règlement, même si celui-ci peut être composé de différents types de produits relevant de plusieurs segments de marché. Partant, le règlement de base n’impose, en principe, pas d’obligation à la Commission d’effectuer une analyse de l’existence de la sous-cotation des prix à un niveau autre que celui du produit similaire (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 73 à 75).

166    Toutefois, dès lors que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission est tenue de procéder à un « examen objectif » de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires de l’industrie de l’Union, cette institution est obligée de tenir compte, dans son analyse de la sous-cotation des prix, de tous les éléments de preuve positifs pertinents, y compris, le cas échéant, ceux relatifs aux différents segments de marché du produit concerné (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 77).

167    Ainsi, afin d’assurer l’objectivité de l’analyse de la sous-cotation des prix, la Commission peut, dans certaines circonstances, être tenue, malgré son large pouvoir d’appréciation, de procéder à une telle analyse au niveau des segments du marché du produit en cause. Il peut en aller ainsi dans une situation marquée par l’existence d’une segmentation caractérisée du marché du produit en cause et par le fait que les importations faisant l’objet de l’enquête antidumping étaient très majoritairement concentrées dans l’un des segments du marché du produit en cause, sous réserve, toutefois, que le produit similaire dans son ensemble soit dûment pris en compte. Il peut également en aller ainsi dans une situation particulière caractérisée par une forte concentration des ventes intérieures et des importations faisant l’objet d’un dumping sur des segments distincts ainsi que par des différences de prix tout à fait notables entre ces segments. En effet, dans ces circonstances, la Commission peut être tenue de prendre en considération les parts de marché de chaque type de produit et ces différences de prix afin de garantir l’objectivité de l’analyse relative à l’existence de la sous-cotation des prix (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 78 à 81, 110 et 111).

168    Au vu de ce qui précède, le Tribunal pouvait considérer, comme il l’a fait au point 378 de l’arrêt attaqué, qu’une analyse par segment n’était pas requise lorsque les produits en cause sont suffisamment interchangeables. En effet, le caractère suffisamment interchangeable de ces types de produit garantit l’absence de segmentation caractérisée du marché et, par là même, l’objectivité de l’analyse de la sous-cotation des prix, dès lors qu’il a pour conséquence que les ventes des produits de l’Union seront affectées par les importations faisant l’objet d’un dumping, indépendamment du segment de ces produits ou de ces importations.

169    Il s’ensuit que, lorsqu’une telle interchangeabilité est établie, la perception de différences entre les produits standard et les produits non standard ainsi qu’entre les produits en fonte grise et les produits en fonte ductile, par les clients de ces produits, et le fait que les importations faisant l’objet d’un dumping porteraient exclusivement sur des produits standard et presque exclusivement sur des produits en fonte ductile ne peuvent justifier une analyse par segment.

170    Par ailleurs, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 383 de l’arrêt attaqué, que l’appartenance de produits à des gammes différentes ne suffisait pas pour établir, en soi, leur absence d’interchangeabilité et donc l’opportunité d’effectuer une analyse par segment. En effet, comme le Tribunal l’indique à juste titre à ce point, des produits appartenant à des gammes distinctes peuvent avoir des fonctions identiques ou répondre aux mêmes besoins.

171    Partant, la première branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

b)      Sur la seconde branche du troisième moyen

1)      Argumentation des parties

172    Par la seconde branche de leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur en ce qu’il n’a ni tenu compte de leur argument ni répondu à ce dernier selon lequel la nature des importations faisant l’objet d’un dumping aurait dû être prise en compte pour apprécier l’existence d’un lien de causalité. D’après les requérantes, eu égard à la nature de ces importations qui consistent presque exclusivement en des produits standard et des produits de fonte ductile, aucun lien de causalité ne pouvait être établi, au titre de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, entre lesdites importations et le préjudice pour le « produit similaire » sans opérer un examen plus détaillé de ce préjudice concernant, d’une part, les produits en fonte ductile par opposition aux produits en fonte grise et, d’autre part, les produits standard par opposition aux produits non standard.

173    Pour illustrer l’importance de cette erreur du Tribunal, les requérantes allèguent que la Commission a appliqué une méthode de comparaison des produits fondée sur les NCP (ci-après la « méthode NCP ») uniquement dans le cadre de l’examen de l’existence d’une sous-cotation des prix et non de celui des indicateurs de l’existence d’un préjudice, tels que le volume des ventes et la rentabilité, qui n’auraient été appréciés que pour l’ensemble du produit similaire. Par conséquent, la Commission aurait été dans l’impossibilité de déterminer si le préjudice constaté sur la base de chacun de ces indicateurs se rapportait à un segment concerné par les importations chinoises et donc si ce préjudice avait été causé par ces importations. En outre, le fait que la Commission n’aurait établi l’existence d’une sous-cotation que sur 62,6 % des ventes totales des producteurs de l’Union renforcerait la nécessité d’apprécier si le préjudice constaté pour le produit similaire se rapporte à des catégories de produits n’ayant fait l’objet d’aucune importation ou de presque aucune importation. En tout état de cause, le Tribunal aurait, à tort, imposé aux requérantes une charge de la preuve excessive quant à l’établissement des différences entre les catégories de produits qui requièrent une analyse par segment.

174    Le Tribunal commettrait également une erreur en réfutant, aux points 391 et 392 de l’arrêt attaqué, la pertinence d’une « préférence » ou d’une « priorité » entre les différents segments. C’est précisément cette préférence qui pourrait conduire à une absence de lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie de l’Union, lorsque ces importations ne concernent qu’un segment et que ce préjudice est constaté auprès de producteurs de l’Union dans un autre segment. Le fait que, aux points 391 et 392 de cet arrêt, le Tribunal considère l’existence d’une priorité ou d’une préférence des consommateurs, dans certains États membres, pour l’un ou l’autre type de fonte concernés comme une « allégation » qui « n’[est] pas soutenue par des éléments concrets » constituerait une démarche manifestement erronée et trompeuse. En effet, premièrement, la Commission aurait admis l’existence de cette préférence. Deuxièmement, toutes les parties intéressées, y compris les plaignants, auraient souligné les différences existant entre les produits en fonte ductile et les produits en fonte grise.

175    La Commission et les intervenantes estiment que la seconde branche du troisième moyen est inopérante, dès lors que les requérantes n’ont pas établi que les produits en cause n’étaient pas interchangeables. En tout état de cause, cette seconde branche ne serait pas fondée, dès lors que le caractère interchangeable de ces produits s’opposerait à une scission artificielle de l’analyse du préjudice de celle du lien de causalité.

2)      Appréciation de la Cour

176    Par la seconde branche de leur troisième moyen, les requérantes font grief au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de leur argument ni répondu à ce dernier selon lequel aucun lien de causalité ne pouvait être établi au titre de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base sans opérer une analyse en fonction des segments de produits standard, de produits non standard, de produits en fonte ductile et de produits en fonte grise, dès lors que les importations faisant l’objet d’un dumping consistaient presque exclusivement en des produits standard et des produits en fonte ductile.

177    À cet égard, il y a lieu de relever que, aux points 382 à 385 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, compte tenu de l’interchangeabilité des produits standard et des produits non standard ainsi que de l’absence d’éléments apportés en sens contraire par les requérantes, une analyse segmentée du préjudice distinguant les produits standard des produits non standard ne s’imposait pas. De même, aux points 387 à 392 de l’arrêt attaqué, il a relevé que la Commission avait considéré que les produits en fonte ductile et les produits en fonte grise étaient interchangeables et que les requérantes n’avaient pas fourni d’éléments mettant en cause cette appréciation, dès lors qu’elles n’avaient invoqué que l’existence d’une « priorité » ou d’une « préférence », dans certains États membres, pour l’un ou l’autre type de fonte. Par conséquent, le Tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une analyse segmentée du préjudice distinguant la fonte ductile de la fonte grise.

178    Dès lors qu’il ressort de l’appréciation factuelle du Tribunal que tant les produits standard et les produits non standard que les produits en fonte ductile et les produits en fonte grise étaient interchangeables, une analyse du préjudice en fonction des segments des produits en cause n’était pas requise. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 168 du présent arrêt, il peut être déduit du caractère interchangeable de ces produits que les ventes des produits de l’Union seront affectées par les importations faisant l’objet d’un dumping indépendamment du segment de ces produits ou de ces importations.

179    Il y a lieu de rejeter comme étant inopérant l’argument des requérantes selon lequel, en ayant appliqué la méthode NCP, la Commission aurait pris en compte une segmentation des produits en cause sans toutefois que cette méthode soit satisfaisante, dès lors qu’elle n’aurait porté que sur l’examen d’un seul des différents indicateurs d’un préjudice, à savoir l’existence d’une sous-cotation des prix, et qu’elle ne concernerait que 62,6 % des ventes totales effectuées par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. En effet, dès lors que le caractère interchangeable des produits en cause n’imposait pas une analyse par segment, les prétendues déficiences de cette méthode aux fins d’une analyse par segment sont sans pertinence.

180    En ce que les requérantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir examiné leur grief tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base en raison de l’absence d’analyse par segment, il y a lieu de relever que, certes, cet article 3, paragraphes 2 et 3, et ledit article 3, paragraphes 6 et 7, ont des objets différents, dès lors que le premier régit la détermination de l’existence d’un préjudice pour l’industrie de l’Union et le second précise les conditions de l’existence d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et ce préjudice. Toutefois, ces dispositions sont, ainsi qu’il est relevé au point 363 de l’arrêt attaqué, en rapport l’une avec l’autre. En effet, l’article 3, paragraphe 6, de ce règlement prévoit expressément que la démonstration que ces importations causent un préjudice doit être apportée sur la base des éléments de preuve présentés en relation avec le paragraphe 2 de cet article, ce qui implique de démontrer que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 dudit article ont un impact important sur l’industrie de l’Union. Ainsi, au point 364 de cet arrêt, le Tribunal a rappelé à bon droit que l’examen visé à l’article 3, paragraphe 3, dudit règlement doit servir de fondement à l’analyse relative au lien de causalité entre lesdites importations et le préjudice subi par l’industrie de l’Union.

181    Il s’ensuit que l’appréciation selon laquelle une analyse par segment n’est pas requise lors de l’examen du préjudice au titre de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base vaut également en ce qui concerne l’examen relatif au lien de causalité au titre de cet article 3, paragraphes 6 et 7. En considérant, aux points 382 à 392 de l’arrêt attaqué, qu’une analyse par segment des produits en cause ne se justifiait pas dans le cadre de l’examen du préjudice, compte tenu du caractère interchangeable de ceux-ci, le Tribunal a, dès lors, implicitement, mais nécessairement, rejeté le grief des requérantes tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 6 et 7, de ce règlement en raison de l’absence d’une telle analyse.

182    Par ailleurs, il convient de rejeter comme étant non fondé l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal leur a imposé une charge de la preuve excessive quant à l’établissement des différences entre les catégories de produits qui requièrent une analyse par segment. En effet, dès lors qu’une analyse par segment ne se justifie qu’afin de garantir l’objectivité de l’examen de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les produits similaires de l’industrie de l’Union, l’obligation de démontrer que les produits en cause ne sont pas suffisamment interchangeables, afin d’imposer une analyse par segment, ne constitue pas une charge de la preuve excessive.

183    Enfin, en ce que les requérantes font valoir que, au point 392 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur en réfutant la pertinence, lors de l’appréciation du préjudice, d’une préférence ou d’une priorité des consommateurs, dans certains États membres, pour l’un ou l’autre type de fonte concernés, il y a lieu de relever que, à ce point, le Tribunal a rejeté leurs arguments sur deux fondements autonomes. D’une part, il a constaté que leurs allégations à cet égard n’étaient pas soutenues par des éléments concrets et, d’autre part, il a considéré qu’une simple priorité ne permettait pas d’établir avec certitude une absence ou une insuffisance d’interchangeabilité des produits. Dès lors que, dans leur pourvoi, les requérantes ne remettent pas en cause ce second fondement, leurs arguments concernant l’existence d’éléments concrets étayant leurs allégations doivent être écartés comme étant inopérants.

184    Au regard de ce qui précède, la seconde branche du troisième moyen et, partant, ce troisième moyen dans son intégralité doivent être rejetés.

4.      Sur le quatrième moyen

a)      Argumentation des parties

185    Par leur quatrième moyen, les requérantes allèguent que, au point 425 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base ainsi que son obligation de motivation en jugeant que l’existence d’une marge de sous-cotation portant sur 62,6 % des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon apparaissait suffisante pour conclure à l’existence d’une sous-cotation notable du prix, au sens de l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement. Le Tribunal aurait, de la sorte, omis d’apprécier si l’absence d’une sous-cotation des prix pour 37,4 % de ces ventes faisait obstacle à la constatation d’un lien de causalité au titre de l’article 3, paragraphes 6 et 7, dudit règlement. En effet, le préjudice constaté pourrait concerner des types de produits qui ne sont pas concernés par les importations faisant l’objet d’un dumping, ce qui affecterait le caractère objectif de l’examen du préjudice causé par ces importations.

186    En outre, au point 417 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en subordonnant l’analyse de l’incidence d’une absence de sous-cotation des prix pour 37,4 % desdites ventes à la constatation d’une segmentation du marché de l’Union. Or, l’existence d’une telle segmentation ne serait pas un prérequis pour que la Commission examine avec diligence le lien de causalité. L’absence d’une sous-cotation des prix et d’une catégorie correspondante de produits importés pour une grande partie des ventes effectuées dans l’Union aurait pu empêcher la constatation d’un lien de causalité pour le préjudice subi par l’ensemble de l’industrie de l’Union.

187    Les requérantes contestent aussi que la méthode NCP puisse justifier l’approche suivie dans le règlement litigieux. L’absence de correspondance entre les NCP en cause lors de l’échantillonnage supposerait de rechercher si, malgré cette absence, un lien de causalité peut être établi. Elle pourrait, par exemple, comprendre une analyse visant à déterminer si les importations, autres que celles des seuls producteurs retenus dans l’échantillon, incluent les types de produit sans correspondance. Tel ne serait toutefois pas le cas en l’espèce.

188    La Commission et les intervenantes contestent l’argumentation des requérantes.

b)      Appréciation de la Cour

189    En vertu de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 de cet article que les importations faisant l’objet du dumping causent un préjudice, ce qui implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix de ces importations visés au paragraphe 3 dudit article ont eu un impact important sur l’industrie de l’Union.

190    Aux points 417 à 425 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, à la différence de la situation à l’origine de deux autres affaires, en l’espèce, la Commission n’avait pas constaté l’existence de différents segments et que, bien qu’elle ait divisé le produit concerné en codes NCP aux fins de la comparaison, ce produit englobait une variété de types de produits qui demeuraient interchangeables. Dans ces conditions, le Tribunal a estimé que l’existence d’une marge de sous-cotation s’établissant dans une fourchette de 31,6 à 39,2 %, portant sur 62,6 % des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, était suffisante pour conclure à l’existence d’une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union, au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base.

191    Les requérantes avancent que le Tribunal a commis une erreur de droit et de motivation en n’appréciant pas si l’absence de sous-cotation des prix pour 37,4 % de ces ventes empêchait ou non la constatation d’un lien de causalité au titre de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base. Il aurait également commis une erreur de droit en subordonnant la nécessité d’opérer une analyse de l’incidence de cette absence de sous-cotation des prix à la constatation d’une segmentation du marché de l’Union.

192    S’agissant du grief tiré d’une erreur de droit, il convient de relever que, si l’article 3 du règlement de base expose un certain nombre d’éléments à prendre en compte lors de la détermination de l’existence d’un préjudice causé par des importations faisant l’objet d’un dumping, il ne prévoit, ainsi qu’il a été indiqué au point 165 du présent arrêt, aucune méthode précise pour analyser une sous-cotation des prix. Dès lors que cette détermination implique des appréciations économiques complexes, la Commission jouit, conformément à la jurisprudence rappelée au point 112 du présent arrêt, d’un large pouvoir d’appréciation quant au choix de celle-ci.

193    En outre, le règlement de base ne prévoit pas que la Commission est tenue, en toute circonstance, de prendre en compte l’intégralité des produits vendus par l’industrie de l’Union, y compris les types du produit en cause non exportés par les producteurs-exportateurs échantillonnés lors de la détermination de l’existence d’un préjudice causé par des importations faisant l’objet d’un dumping.

194    En effet, le libellé de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, auquel se réfère l’article 3, paragraphe 6, de ce règlement, n’impose pas à la Commission de prendre en considération, dans son examen de l’incidence de ces importations sur les prix de l’industrie de l’Union, toutes les ventes d’un produit similaire de cette industrie (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 152,153 et 159).

195    Cela est corroboré par le fait que l’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de l’industrie de l’Union, qu’il y a lieu d’effectuer aux fins de la détermination d’un préjudice, implique une comparaison de ventes non pas d’une même entreprise, comme c’est le cas de la détermination de la marge de dumping, qui est calculée sur la base des données du producteur-exportateur concerné, mais de plusieurs entreprises, à savoir les producteurs-exportateurs échantillonnés et les entreprises faisant partie de l’industrie de l’Union incluses dans l’échantillon. Or, une comparaison des ventes de ces entreprises sera bien souvent plus difficile dans le cadre de l’analyse d’une sous-cotation des prix que dans celui de la détermination de la marge de dumping, dès lors que la gamme des types de produits vendue par ces différentes entreprises aura tendance à ne se chevaucher qu’en partie (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 154 et 155).

196    Un tel risque tenant à ce que certains types de produits ne puissent pas être pris en compte dans le cadre de l’analyse d’une sous-cotation des prix en raison de la différence de la gamme des produits vendue par ces différentes entreprises est plus élevé encore lorsque les NCP sont davantage détaillés. En effet, si une plus grande granularité des NCP a comme avantage que soient comparés des types de produits présentant davantage de caractéristiques physiques et techniques communes, celle-ci a, inversement, comme désavantage d’augmenter la possibilité que certains types de produits vendus par les unes ou les autres des sociétés concernées n’aient pas d’équivalents et ne puissent donc être comparés ni pris en compte dans cette analyse (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 156 et 157).

197    Ainsi, l’exercice, par la Commission, de son large pouvoir d’appréciation quant au choix de la méthode à suivre pour analyser une sous-cotation des prix peut avoir comme conséquence inéluctable, ainsi que c’est le cas de la méthode NCP, que certains types de produits ne puissent être comparés et, partant, ne soient pas pris en compte dans le cadre de ladite analyse. L’exercice de ce pouvoir d’appréciation est toutefois limité par l’obligation, qui est imposée à la Commission par l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, de procéder à un examen objectif des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de l’industrie de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 158).

198    En l’espèce, le choix de la Commission d’appliquer la méthode NCP a eu pour conséquence qu’elle n’a pas pu comparer 37,4 % des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon.

199    Toutefois, le fait que la Commission a pu établir l’existence d’une marge de sous-cotation s’établissant dans une fourchette de 31,6 à 39,2 %, portant sur 62,6 % de ces ventes constitue une sous-cotation notable du prix de ces producteurs qui est susceptible d’être qualifiée d’impact important sur l’industrie de l’Union, au sens de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base.

200    En outre et en tout état de cause, les requérantes déduisent à tort de l’absence de comparaison pour 37,4 % desdites ventes que celles-ci n’ont pas été affectées par les importations en cause. En effet, dès lors que le produit concerné comprend différents types de produits qui sont interchangeables et que, corrélativement, il n’existe pas de segmentation caractérisée du marché du produit en cause (voir point 167 du présent arrêt), ces importations ont vraisemblablement eu également un effet sur les prix des produits des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon n’ayant pas pu être comparés sur la base de la méthode NCP. Le fait que cet effet n’a pas été chiffré sur la base de cette méthode ne suffit pas à remettre en cause l’objectivité de l’appréciation selon laquelle lesdites importations ont dû affecter le prix de tous les types de produits des producteurs de l’Union puisque ces produits sont interchangeables.

201    Par conséquent, le grief des requérantes tiré d’une violation, par le Tribunal, de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base en raison d’un défaut de prise en considération de l’absence de sous-cotation des prix pour 37,4 % des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon doit être rejeté comme étant non fondé, dès lors qu’elles considèrent à tort qu’il n’existe pas de sous-cotation pour ce pourcentage de ces ventes et que la Commission a établi, en application de la méthode NCP, une sous-cotation notable des prix ayant un impact important sur l’industrie de l’Union.

202    S’agissant du grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’obligation de motiver les arrêts, qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 36 et de l’article 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, n’impose pas à celui-ci de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 14 septembre 2016, Trafilerie Meridionali/Commission, C‑519/15 P, EU:C:2016:682, point 41 et jurisprudence citée).

203    Or, en l’espèce, au vu de la motivation figurant aux points 406 à 425 de l’arrêt attaqué et de l’appréciation figurant aux points 192 à 201 du présent arrêt, il y a lieu de constater que cette motivation a permis aux requérantes de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal s’est fondé et à la Cour d’exercer son contrôle. Partant, le grief des requérantes tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

204    Au regard des considérations qui précèdent, le quatrième moyen doit être rejeté.

5.      Sur le cinquième moyen

a)      Considérations liminaires

205    Par leur cinquième moyen, qui comporte trois branches, les requérantes contestent l’appréciation du Tribunal du troisième moyen de leur recours en premier instance, tiré du non-respect, par la Commission, de leurs garanties procédurales au motif que cette dernière ne leur aurait pas communiqué des informations utiles à la détermination du dumping et du préjudice.

206    Les deuxième et troisième branches de ce cinquième moyen portent plus précisément sur le bien-fondé des considérations du Tribunal relatives à l’appréciation du troisième moyen du recours en première instance, que la CCCME avait invoqué en son propre nom. Toutefois, ainsi qu’il a été relevé aux points 48 à 75 et 100 du présent arrêt, la CCCME ne disposait pas de la qualité pour agir, en son propre nom, en annulation du règlement litigieux. Dès lors, les deuxième et troisième branches dudit cinquième moyen sont irrecevables.

b)      Sur la première branche du cinquième moyen

1)      Argumentation des parties

207    Par la première branche de leur cinquième moyen, les requérantes soutiennent que, aux points 435 à 438 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur ou, à titre subsidiaire, a dénaturé les faits en déclarant irrecevable le troisième moyen de leur recours en annulation en ce qu’il concernait les violations des garanties procédurales alléguées par les membres de la CCCME et les neuf autres requérantes, au motif qu’ils n’avaient pas participé à l’enquête. Ces membres et ces requérantes auraient participé à l’enquête, dès lors qu’ils étaient soit des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, soit des producteurs-exportateurs répertoriés dans le règlement litigieux comme ayant coopéré pour établir cet échantillon. La présentation d’un formulaire d’échantillonnage serait la façon pour un producteur-exportateur de « se manifester » en réponse à un avis d’ouverture au titre de l’article 5, paragraphe 10, du règlement de base. En outre, la Commission aurait déclaré, dans son mémoire en défense devant le Tribunal, que les requérantes chinoises non retenues et retenues dans l’échantillon ont reçu de sa part « les documents d’information visés à l’article 19, paragraphe 2, du règlement de base ».

208    Les requérantes allèguent également que, aux points 443 à 447 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé à tort que le fait que la CCCME agissait en tant que représentante de l’industrie chinoise de la fonte dans sa globalité ne suffisait pas à démontrer qu’elle agissait pour le compte de ses membres et des neuf autres requérantes au cours de la procédure antidumping en cause et, partant, qu’elle était irrecevable à faire valoir une violation des droits procéduraux de ces membres et de ces requérantes. Le Tribunal aurait appliqué un critère juridique erroné et procédé à une qualification juridique erronée des faits. En appréciant la représentation par la CCCME de ses membres et des neuf autres requérantes, le Tribunal aurait ignoré des éléments de preuve, dénaturé le contenu des observations de la CCCME du 15 septembre 2017 sur le règlement provisoire et ignoré le fait que la représentation des producteurs-exportateurs chinois par la CCCME était apparue clairement à la Commission

209    La Commission et les intervenantes contestent l’argumentation des requérantes.

2)      Appréciation de la Cour

210    En premier lieu, les requérantes soutiennent, à titre principal, que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que, malgré le fait que les membres de la CCCME et les neuf autres requérantes avaient été soit retenus dans l’échantillon, soit répertoriés comme ayant coopéré pour établir cet échantillon lors de l’enquête antidumping, ils étaient irrecevables à faire valoir une violation de leurs droits de se voir communiquer des informations utiles à la détermination du dumping et du préjudice lors de cette enquête.

211    À cet égard, il importe de rappeler que le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union (arrêt du 3 juin 2021, Jumbocarry Trading, C‑39/20, EU:C:2021:435, point 31 et jurisprudence citée). La Cour a, par conséquent, jugé que le respect de ces droits revêt une importance capitale dans les procédures d’enquêtes antidumping et que, en vertu de desdits droits, les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 76 et 77 ainsi que jurisprudence citée).

212    Le considérant 12 du règlement de base énonce, dès lors, que les parties intéressées devraient avoir d’amples possibilités de présenter tous les éléments de preuve pertinents et de défendre leurs intérêts. En outre, l’article 6, paragraphes 5 et 7, et l’article 20, paragraphes 1 et 2, de ce règlement transcrivent les droits de la défense de ces parties. En effet, cette première disposition prévoit la possibilité, pour ces dernières, au nombre desquelles figurent notamment les importateurs et les exportateurs du produit faisant l’objet de l’enquête, d’être entendues et de prendre connaissance de tous les renseignements fournis par toute partie concernée par l’enquête, mis à part les documents internes établis par les autorités de l’Union ou de ses États membres, pour autant que ces renseignements soient pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu’ils ne soient pas confidentiels, et qu’ils soient utilisés dans l’enquête. Cette seconde disposition, permet auxdites parties d’être informées des détails sous-tendant les faits et les considérations essentiels sur la base desquels, d’une part, des mesures provisoires ont été instituées ou, d’autre part, il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives.

213    Ces dispositions soumettent toutefois l’exercice de ces droits à certaines modalités afin de garantir la bonne administration de la procédure antidumping. Ainsi, en vertu de l’article 6, paragraphes 5 et 7, du règlement de base, les parties intéressées sont tenues, d’une part, de se faire connaître et, d’autre part, de présenter une demande écrite afin de prendre connaissance des renseignements en cause ou d’être entendues. En ce qui concerne la première de ces modalités, l’article 5, paragraphe 10, de ce règlement précise que l’avis d’ouverture de la procédure fixe le délai dans lequel les parties intéressées peuvent se faire connaître, présenter leur point de vue par écrit et communiquer des informations si ces points de vue et ces informations doivent être pris en compte au cours de l’enquête. Cette dernière disposition prévoit également que cet avis précise le délai dans lequel les parties intéressées peuvent demander à être entendues par la Commission conformément à l’article 6, paragraphe 5, dudit règlement. En vertu de l’article 20, paragraphes 1 et 3, du même règlement, les informations portant sur l’institution de mesures provisoires doivent être demandées par écrit immédiatement après l’institution de ces mesures provisoires et celles portant sur l’institution de mesures définitives doivent l’être, par écrit également, dans le mois suivant la publication de l’imposition d’un droit provisoire.

214    Le règlement de base confère donc à certaines personnes intéressées des droits et des garanties procéduraux, dont l’exercice dépend toutefois de la participation active de ces personnes à la procédure elle-même, qui doit s’exprimer, à tout le moins, par la présentation d’une demande écrite dans un délai déterminé (arrêt du 9 juillet 2020, Donex Shipping and Forwarding, C‑104/19, EU:C:2020:539, point 70).

215    Par ailleurs, l’article 17 de ce règlement énonce que, dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de types de produits ou de transactions est important, la Commission peut limiter l’enquête à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons. Afin d’apprécier l’opportunité de procéder à un échantillonnage et de déterminer la composition de l’échantillon, il importe que les parties intéressées fournissent à la Commission les renseignements nécessaires à cet égard. Ainsi, lorsque la Commission envisage de baser son enquête sur un échantillon d’exportateurs ou d’importateurs, elle peut, dans l’avis d’ouverture, inviter les exportateurs ou les importateurs concernés à se faire connaître et leur demander des informations afin de pouvoir définir un échantillon représentatif de ceux-ci.

216    Le fait, pour des parties intéressées, de se faire connaître et de fournir des informations pertinentes afin d’établir un échantillon représentatif de ces parties, voire d’être retenues à cette fin, constitue une forme de participation à la procédure antidumping. Toutefois, cette participation ne confère pas auxdites parties les garanties procédurales énoncées à l’article 6, paragraphes 5 et 7, et à l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement de base. En effet, ainsi qu’il a été exposé aux points 213 et 214 du présent arrêt, l’octroi de ces garanties est soumis à certaines modalités qui impliquent une participation particulière à cette procédure de la part des mêmes parties, sous la forme d’une manifestation d’intérêt et de demandes écrites. Or, la participation à un échantillonnage, au sens de l’article 17 de ce règlement, ne constitue pas une telle participation particulière.

217    Partant, même si les membres de la CCCME et les neuf autres requérantes ont participé à l’échantillonnage réalisé au cours de la procédure antidumping en cause, le Tribunal n’a pas commis une erreur de droit en jugeant, aux points 435 à 438 de l’arrêt attaqué, que ces membres et ces requérantes étaient irrecevables à faire valoir une violation de leurs garanties procédurales tirée de ce que la Commission ne leur avait pas communiqué des informations essentielles à la défense de leurs intérêts. En effet, il a, à juste titre, relevé que lesdits membres et lesdites requérantes n’avaient pas formulé de demandes visant à se voir communiquer ces informations au cours de cette procédure.

218    À titre subsidiaire, les requérantes font valoir que le Tribunal a dénaturé les faits en considérant que les membres de la CCCME et les neuf autres requérantes n’avaient pas participé à l’enquête d’une façon leur permettant de faire valoir une violation de leurs droits procéduraux. À cet égard, elles invoquent le fait que, dans son mémoire en défense devant le Tribunal, la Commission a déclaré que ces membres et ces requérantes avaient reçu les « documents d’information visés à l’article 19, paragraphe 2, du règlement de base ».

219    Dans ce contexte, il importe de rappeler que, lorsqu’une partie requérante allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, elle doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de manière précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’une dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 10 novembre 2022, Commission/Valencia Club de Fútbol, C‑211/20 P, EU:C:2022:862, point 55 et jurisprudence citée).

220    L’affirmation figurant dans le mémoire en défense présenté par la Commission devant le Tribunal, selon laquelle les membres de la CCCME et les neuf autres requérantes « ont reçu les documents d’information visés à l’article 19, paragraphe 2, du règlement de base », quand bien même elle viserait l’article 20, paragraphe 2, de ce règlement, n’est pas de nature à établir que le Tribunal a dénaturé les faits quant à une participation de ces membres et de ces requérantes à la procédure antidumping leur conférant les garanties procédurales visées à l’article 6, paragraphe 7, et à l’article 20, paragraphe 2, dudit règlement. En effet, cette affirmation ne suffit pas à démontrer que lesdits membres ou lesdites requérantes se sont fait connaître et qu’ils ont demandé par écrit la divulgation des informations requises pour pouvoir exercer leurs droits procéduraux conformément à ces dispositions.

221    Partant, nonobstant la participation des membres de la CCCME et des neuf autres requérantes à l’échantillonnage réalisé au cours de la procédure antidumping, le Tribunal n’a ni commis une erreur de droit ni dénaturé des faits en jugeant, aux points 435 à 438 de l’arrêt attaqué, que les griefs de ces membres et de ces requérantes fondés sur une absence de communication d’informations essentielles à la défense de leurs intérêts étaient irrecevables, au motif qu’ils n’avaient pas formulé de demandes visant à se voir communiquer ces informations au cours de cette procédure.

222    En second lieu, les requérantes contestent l’irrecevabilité des violations des droits de la défense invoquées par la CCCME au nom de ses membres et des neuf autres requérantes. Elles allèguent que le Tribunal a appliqué un critère juridique erroné en considérant que la CCCME n’était pas habilitée à exercer les droits procéduraux de ses membres et des neuf autres requérantes pendant la procédure antidumping en cause. En outre, il aurait erronément qualifié la CCCME d’entité représentant l’industrie chinoise de la fonte considérée dans sa globalité et non pas les producteurs-exportateurs chinois individuellement.

223    Au vu de ces griefs, il y a lieu de relever que les droits procéduraux sont des droits propres à la personne à laquelle ils sont conférés. Ainsi, la Cour a jugé que les droits de la défense ont un caractère subjectif, si bien que ce sont les parties concernées elles-mêmes qui doivent être en mesure de les exercer effectivement, indépendamment de la nature de la procédure dont elles font l’objet (arrêt du 9 septembre 2021, Adler Real Estate e.a., C‑546/18, EU:C:2021:711, point 59) et qu’une société qui n’a pas participé à une procédure d’enquête de dumping et qui n’est liée à aucun producteur-exportateur du pays visé par l’enquête ne saurait revendiquer elle-même le bénéfice de droits de la défense au cours d’une procédure à laquelle elle n’a pas participé (arrêt du 9 juillet 2020, Donex Shipping and Forwarding, C‑104/19, EU:C:2020:539, point 68 et jurisprudence citée).

224    Il convient de constater que, si la jurisprudence rappelée au point précédent ne porte pas sur la question de savoir si une association a la possibilité d’exercer les droits procéduraux de certaines entreprises, dont ses membres, au cours d’une procédure administrative, elle ne s’oppose pas à une cette possibilité. Toutefois, ladite possibilité ne saurait conduire à contourner les conditions que, en vertu de cette jurisprudence, les entreprises en cause auraient dû respecter si elles avaient voulu exercer elles-mêmes leurs droits procéduraux.

225    Dès lors, le Tribunal n’a pas appliqué un critère juridique erroné lorsqu’il a jugé, aux points 443 et 444 de l’arrêt attaqué, que la possibilité, pour une association, d’exercer les droits procéduraux de certains de ses membres durant la procédure antidumping était soumise à la condition qu’elle ait manifestée, durant l’enquête, l’intention d’agir en qualité de représentante de certains de ses membres, ce qui suppose que ces derniers aient alors été identifiés et qu’elle soit en mesure d’établir avoir reçu de leur part le mandat lui permettant d’exercer ces droits procéduraux en leur nom.

226    En outre, s’agissant de la qualification, par le Tribunal, de la CCCME d’« entité représentant l’industrie chinoise [de la fonte] considérée dans sa globalité », il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du point 446 de l’arrêt attaqué, dans ses observations du 15 septembre 2017 sur le règlement provisoire, la CCCME a précisé la nature de sa participation à l’enquête antidumping en indiquant que l’« intérêt de la CCCME correspond à l’intérêt de l’industrie chinoise de la fonte dans son ensemble. Cet intérêt peut, et cela sera souvent le cas, coïncider avec les intérêts des différents producteurs-exportateurs chinois du produit concerné, mais il est distinct et va au-delà de ces intérêts individuels. [...] La participation de la CCCME à la présente enquête vise à préserver l’intérêt collectif de ses membres et de l’industrie chinoise (exportatrice) de la fonte, par opposition aux intérêts individuels de ses membres. Ces intérêts individuels seront revendiqués par les différents producteurs (exportateurs) chinois eux-mêmes, dont certains participent individuellement à la présente procédure ».

227    Ainsi, la CCCME a clairement indiqué, au cours de la procédure, qu’elle intervenait dans celle-ci au nom de l’intérêt collectif de l’industrie chinoise exportatrice de la fonte et non pas au nom des intérêts individuels de ses membres ou d’autres entreprises, comme cela est requis afin qu’elle puisse exercer les droits procéduraux de ces derniers.

228    Les différents arguments avancés par les requérantes selon lesquels, premièrement, les propos de la CCCME ont été dénaturés, deuxièmement, la CCCME est une association représentative des producteurs-exportateurs chinois et, troisièmement, la CCCME a démontré que, au cours de la procédure antidumping en cause, elle avait assuré la défense conjointe de l’industrie chinoise de la fonte, ce qui a été reconnu par la Commission, ne remettent pas en cause l’appréciation énoncée au point précédent.

229    En effet, tout d’abord, l’appréciation de la Commission, au point 25 du règlement litigieux, selon laquelle la CCCME représente, entre autres, l’industrie chinoise des pièces en fonte ne démontre pas que le Tribunal a dénaturé les indications fournies par la CCCME, dans ses observations du 15 septembre 2017 sur le règlement provisoire, en ce qui concerne sa participation à la procédure antidumping en cause. Ensuite, les autres arguments avancés par les requérantes ne permettent pas de démontrer que la CCCME a pris part à cette procédure pour représenter les intérêts individuels des entreprises en question. Enfin, le mandat joint à la communication du 12 décembre 2016 sur la diffusion du compte-rendu de la réunion d’alerte précoce relative à l’enquête antidumping de l’Union concernant les importations de pièces en fonte, invoqué par les requérantes, ne démontre pas que la CCCME pouvait exercer les droits procéduraux de ces entreprises, dès lors qu’il ne précise pas qu’il permet à celle-ci de représenter des entreprises individuellement au cours de ladite procédure et qu’il ne s’agit que d’un projet de mandat.

230    Au regard de ce qui précède, le Tribunal n’a ni appliqué un critère juridique erroné ni commis une erreur de qualification en considérant que la CCCME était irrecevable à invoquer des violations des droits procéduraux de ses membres et des neuf autres requérantes.

231    Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, la première branche du cinquième moyen doit être rejetée.

232    Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce moyen et, partant, le pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

233    Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

234    En l’espèce, la Commission et les intervenantes ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products, Cangzhou Qinghong Foundry Co. Ltd, Botou City Qinghong Foundry Co. Ltd, Lingshou County Boyuan Foundry Co. Ltd, Handan Qunshan Foundry Co. Ltd, Heping Cast Co. Ltd Yi County, Hong Guang Handan Cast Foundry Co. Ltd, Shanxi Yuansheng Casting and Forging Industrial Co. Ltd, Botou City Wangwu Town Tianlong Casting Factory et Tangxian Hongyue Machinery Accessory Foundry Co. Ltd sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, EJ Picardie, Fondatel Lecomte, Fonderies Dechaumont, Fundiciones de Ódena SA, Heinrich Meier Eisengießerei GmbH & Co. KG, Saint Gobain Construction Products UK Ltd, Saint Gobain PAM Canalisation et Ulefos Oy.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.