Language of document : ECLI:EU:T:2007:148

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

22 mai 2007(*)

« Protection de la couche d’ozone – Importation de bromure de méthyle dans l’Union européenne – Refus d’allouer un quota d’importation pour utilisation critique au titre de l’année 2005 – Recours en annulation – Recevabilité – Mise en œuvre des articles 3, 4, 6 et 7 du règlement (CE) n° 2037/2000 – Confiance légitime – Sécurité juridique »

Dans l’affaire T-216/05,

Mebrom NV, établie à Rieme-Ertvelde (Belgique), représentée par Mes C. Mereu et K. Van Maldegem, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. U. Wölker et X. Lewis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation d’une prétendue décision, contenue dans la lettre de la Commission du 11 avril 2005, adressée à la requérante et relative à l’allocation de quotas d’importation de bromure de méthyle pour l’année 2005,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 novembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique et factuel

1.     Convention de Vienne et protocole de Montréal

1        Par la décision 88/540/CEE du Conseil, du 14 octobre 1988, concernant la conclusion de la convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone, et du protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (JO L 297, p. 8), la Communauté européenne est devenue partie à la convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone (ci-après la « convention de Vienne ») et au protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (ci-après le « protocole de Montréal »).

2        Le bromure de méthyle entre dans le champ d’application du protocole de Montréal. Il s’agit d’un pesticide qui s’applique par fumigation et qui est utilisé essentiellement dans l’agriculture, car il pénètre facilement le sol et s’avère efficace contre un large éventail d’éléments nocifs. Sa dégradation rapide empêche la contamination de la chaîne alimentaire et des eaux souterraines. Pour ces raisons, le bromure de méthyle était l’un des cinq pesticides les plus utilisés au monde. En revanche, il présente l’inconvénient d’appauvrir la couche d’ozone.

3        En 1997, les parties au protocole de Montréal sont convenues de réduire, par étapes, la production et l’importation de bromure de méthyle dans les pays développés jusqu’au 31 décembre 2004 et d’interdire, à partir du 1er janvier 2005, la production et l’importation de bromure de méthyle dans les pays développés, sauf pour des utilisations dites « critiques ».

4        En vertu de la décision IX/6 des parties au protocole de Montréal (ci-après la « décision IX/6 »), une utilisation du bromure de méthyle n’est considérée comme « critique » que si la partie qui formule la demande de dérogation pour une telle utilisation détermine, d’une part, que la non-disponibilité du bromure de méthyle pour l’usage concerné créerait un déséquilibre important du marché et, d’autre part, qu’il n’existe pas de solution de rechange techniquement ou économiquement possible ni de produit de remplacement qui soit acceptable pour l’utilisateur du point de vue de l’environnement ou de la santé, ou convenant aux cultures et aux conditions justifiant la demande.

5        La décision IX/6 requiert, en outre, que la production et la consommation du bromure de méthyle pour des utilisations critiques ne soient autorisées que lorsque :

–        toutes les mesures techniquement et économiquement réalisables ont été prises afin de réduire au minimum les utilisations critiques et toute émission connexe du bromure de méthyle ;

–        le bromure de méthyle n’est pas disponible en quantité et en qualité suffisantes dans les stocks existants de matière emmagasinée ou recyclée ;

–        il est démontré que des mesures appropriées sont prises pour évaluer les solutions de rechange et les produits de remplacement, pour les commercialiser et pour obtenir l’approbation selon la réglementation nationale pertinente.

2.     Règlement (CE) n° 2037/2000

6        Les obligations découlant de la convention de Vienne et du protocole de Montréal sont actuellement mises en oeuvre dans l’ordre juridique communautaire par le règlement (CE) n° 2037/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 29 juin 2000, relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (JO L 244, p. 1, ci-après le « règlement »). Ce texte fixe les règles applicables à la production, à l’importation, à l’exportation et à l’utilisation de certaines substances qui appauvrissent la couche d’ozone, dont le bromure de méthyle.

7        L’article 2 du règlement définit l’entreprise au sens du règlement comme « toute personne physique ou morale qui produit, recycle aux fins de mise sur le marché ou utilise, dans la Communauté, des substances réglementées à des fins industrielles ou commerciales, ou qui met en libre pratique dans la Communauté des substances de cette nature importées ou les exporte de la Communauté à des fins industrielles ou commerciales ». Il définit aussi la « mise sur le marché » comme « la fourniture à des tiers ou la mise à leur disposition, à titre onéreux ou gratuit, de substances réglementées ou de produits contenant des substances réglementées visées par le présent règlement ».

8        L’article 3, paragraphe 2, sous i), d), du règlement interdit la production de bromure de méthyle après le 31 décembre 2004, sauf, notamment, pour des utilisations critiques, conformément à son article 3, paragraphe 2, sous ii), et aux critères définis dans la décision IX/6.

9        L’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement prévoit :

« Compte tenu des propositions des États membres, la Commission applique […] les critères établis dans la décision IX/6 des parties, ainsi que tous les autres critères pertinents établis d’un commun accord par les parties, afin de déterminer chaque année les utilisations critiques pour lesquelles la production, l’importation et l’utilisation de bromure de méthyle peuvent être autorisées dans la Communauté après le 31 décembre 2004, les quantités et les utilisations à autoriser et les utilisateurs susceptibles de bénéficier de la dérogation pour utilisation critique. La production et l’importation ne sont autorisées que s’il n’est pas possible de se procurer un produit de remplacement adéquat ou du bromure de méthyle recyclé ou régénéré auprès d’une des parties […] »

10      L’article 3, paragraphe 4, du règlement prévoit que la Commission délivre des licences aux utilisateurs désignés en application de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, et paragraphe 2, sous ii), et leur notifie l’utilisation pour laquelle une autorisation leur est accordée, les substances et la quantité de ces substances qu’ils sont autorisés à utiliser.

11      Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 2, sous i), a) à c), du règlement prévoit que chaque producteur ou importateur veille à ce qu’il ne mette sur le marché ni n’utilise pour son propre compte, entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2004, du bromure de méthyle en quantités dépassant un certain pourcentage de la quantité de bromure de méthyle qu’il a mise sur le marché ou utilisée pour son propre compte en 1991.

12      Après le 31 décembre 2004, chaque producteur ou importateur veille, selon l’article 4, paragraphe 2, sous i), d), du règlement et sous réserve de ses paragraphes 4 et 5, à ce qu’il ne mette sur le marché ni n’utilise pour son propre compte du bromure de méthyle.

13      Cette interdiction ne s’applique pas, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, du règlement, notamment, à la mise sur le marché ou à l’utilisation de substances réglementées lorsqu’elles sont utilisées pour répondre aux demandes pour lesquelles une licence a été accordée aux fins d’utilisations critiques émanant des utilisateurs déterminés conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement.

14      En outre, l’article 4, paragraphe 5, du règlement prévoit que tout producteur ou importateur habilité à mettre sur le marché ou à utiliser pour son propre compte les substances réglementées visées au présent article peut transférer ce droit, pour tout ou partie des quantités de ce groupe de substances fixées conformément audit article, à tout autre producteur ou importateur de ce groupe de substances dans la Communauté.

15      L’article 6, paragraphe 1, du règlement prévoit :

« La mise en libre pratique dans la Communauté ou le perfectionnement actif de substances réglementées sont soumis à la présentation d’une licence d’importation. Cette licence est délivrée par la Commission après vérification de la conformité avec les articles 6, 7, 8 et 13. »

16      L’article 6, paragraphes 3 et 4, du règlement définit les éléments qu’une demande de licence d’importation doit comporter et prévoit que la Commission peut exiger un certificat attestant la nature de la substance à importer. L’article 8 du règlement interdit l’importation de substances réglementées d’États non parties au protocole de Montréal. L’article 13 du règlement permet sous certaines conditions des dérogations, notamment à l’interdiction de l’article 8 du règlement.

17      L’article 7 du règlement est libellé comme suit :

« La mise en libre pratique dans la Communauté de substances réglementées importées de pays tiers est soumise à des limites quantitatives. Ces limites sont déterminées et les quantités correspondantes sont allouées aux entreprises pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1999 et pour chaque période de douze mois suivante selon la procédure visée à l’article 18, paragraphe 2. Elles sont allouées uniquement :

a)      pour des substances réglementées des groupes VI et VIII, visées à l’annexe I ;

b)      pour des substances réglementées utilisées pour satisfaire à des utilisations essentielles ou critiques ou pour des applications à des fins de quarantaine et avant expédition ;

[…] »

18      L’article 17 du règlement traite de la prévention des fuites de substances réglementées et prévoit, notamment, au paragraphe 2, que les États membres définissent le niveau de qualification minimale requis du personnel concerné par la fumigation du bromure de méthyle.

19      Selon l’article 18 du règlement, la Commission est assistée par un comité auquel s’appliquent les articles 4 et 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23).

3.     Régime d’application des articles 6 et 7 du règlement : changements survenus le 1er janvier 2005

20      Les informations suivantes, concernant les changements survenus le 1er janvier 2005 dans l’application des articles 3, 4, 6 et 7 du règlement, ressortent des mémoires des parties ainsi que de leurs réponses écrites aux questions posées par le Tribunal.

21      Jusqu’au 31 décembre 2004, le système de licences et de quotas octroyés en vertu des articles 6 et 7 du règlement fonctionnait comme suit : chaque année, généralement en septembre, les importateurs présentaient à la Commission une demande de quota d’importation pour l’année suivante en utilisant un formulaire de demande standard spécialement conçu par la Commission à cette fin. Les quotas étaient habituellement attribués au moyen de décisions de la Commission, en janvier ou en février de l’année suivante, qui comportaient une liste nominative et exhaustive des importateurs dont les demandes avaient été acceptées par la Commission, en précisant leurs quotas individuels. Pour le bromure de méthyle, le volume du quota individuel était calculé en fonction de la part de marché historique en 1991 des huit importateurs qui avaient droit à des quotas d’importation pour des utilisations réglementées de bromure de méthyle.

22      Depuis le 1er janvier 2005, les quantités et les utilisations autorisées, ainsi que les entreprises susceptibles de bénéficier de dérogations pour utilisations critiques de bromure de méthyle, doivent être déterminées chaque année par la Commission conformément à la procédure définie à l’article 18, paragraphe 2, du règlement, aux critères énoncés dans la décision IX/6 et à tout autre critère accepté par les parties au protocole de Montréal.

23      Au mois de mars de l’année qui précède, la Commission invite les États membres à déposer leurs demandes d’utilisations critiques de bromure de méthyle avant le 30 juin. La Commission examine les demandes, généralement assistée par des experts extérieurs, et détermine les quantités autorisées à être employées pour des utilisations critiques, par culture et par État membre.

24      La Commission publie ensuite un avis au Journal officiel de l’Union européenne pour toutes les applications appauvrissant la couche d’ozone, annonçant que des quotas limitant la quantité totale de bromure de méthyle qui peut être placée sur le marché à des fins d’utilisations critiques sera fixée. Elle prépare ensuite une décision déterminant les quantités de bromure de méthyle autorisées à être employées pour des utilisations critiques.

25      Les États membres transmettent à la Commission les chiffres correspondant aux stocks de bromure de méthyle disponibles à des fins d’utilisations critiques et fournissent les noms et adresses de chaque fumigateur ou entreprise de fumigation en activité, le quota par culture et par fumigateur, un plan décrivant la manière dont le bromure de méthyle sera utilisé en conformité avec le règlement et les stocks par entreprise de fumigation et par utilisation. Il revient aux États membres de répartir le quota total entre les fumigateurs selon leurs propres critères.

26      La Commission a mis en place un système électronique de gestion et d’attribution des quotas par le biais d’un site Internet destiné aux substances appauvrissant la couche d’ozone (Ozone Depleting Substances, ci-après le « site ODS »). Les quotas et les stocks de chaque fumigateur sont enregistrés sur ce site. Chaque fumigateur est tenu de s’inscrire par le biais de son État membre et reçoit un mot de passe pour accéder au site ODS, sur lequel il peut solliciter une licence pour importer ou faire produire du bromure de méthyle lorsque les stocks sont épuisés. Le système est conçu de façon à ce que les stocks soient déduits des quotas de production ou d’importation. Le fumigateur reçoit une licence l’autorisant à prélever certaines quantités sur les stocks par le biais du site ODS. Une fois les stocks épuisés, le fumigateur peut demander une licence d’importation ou de production. Il ne peut obtenir de licences qu’en utilisant le site ODS.

27      Après s’être vu attribuer un quota, le fumigateur peut choisir un importateur inscrit sur le site ODS et le charger d’importer la quantité de bromure de méthyle requise. La demande de quantités dans le cadre du quota alloué doit identifier l’importateur. La Commission indique par courriel au fumigateur si elle accepte ou refuse la demande. Si la demande est acceptée, la Commission « clôture » la demande et informe l’État membre concerné. Afin qu’il puisse importer et que le produit soit dédouané, l’importateur doit ensuite, au nom du fumigateur, demander et obtenir une licence d’importation signée des services de la Commission, spécifique à la demande du fumigateur en ce qui concerne la quantité, la culture et l’État membre. Un importateur peut regrouper plusieurs demandes d’importation afin d’obtenir suffisamment de bromure de méthyle pour répondre à plusieurs demandes avec une seule licence d’importation. Il incombe alors à l’importateur de fournir la quantité correcte de bromure de méthyle au fumigateur.

28      Les États membres sont invités à présenter un rapport annuel sur les utilisations critiques de bromure de méthyle, ce qui permet une contre-vérification du non-dépassement de la quantité prévue par catégorie d’utilisation.

4.     Avis aux importateurs de 2004

29      Le 22 juillet 2004, la Commission a publié un avis aux entreprises qui importent dans l’Union européenne en 2005 des substances réglementées appauvrissant la couche d’ozone, concernant le règlement (JO C 187, p. 11, ci-après l’« avis de 2004 ») (voir également point 24 ci-dessus).

30      Selon son point I, l’avis de 2004 s’adresse aux entreprises qui envisagent d’importer, en 2005, dans la Communauté des substances en provenance de pays tiers, dont le bromure de méthyle.

31      Au point II de l’avis de 2004, la Commission informe ces entreprises que l’article 7 du règlement prévoit l’imposition de limites quantitatives et l’octroi de quotas aux producteurs et aux importateurs pour, notamment, le bromure de méthyle. Elle indique en outre :

« Des quotas sont alloués pour :

a)      le bromure de méthyle, utilisé à des fins de quarantaine et de traitement avant expédition selon la définition des parties au protocole de Montréal, et utilisé à des fins critiques conformément aux décisions IX/6, ExI/3 et ExI/4, à tout autre critère pertinent convenu par les parties au protocole de Montréal et à l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement ; les utilisations à des fins de quarantaine et de traitement ainsi que les utilisations critiques sont approuvées par la Commission, en application de l’article 18 du règlement ;

[…] »

32      Aux point VII de l’avis de 2004, la Commission signale aux entreprises ne possédant pas de quota d’importation de substances réglementées pour 2004 et souhaitant en effectuer une demande pour l’année 2005 qu’elles doivent se manifester auprès de ses services au plus tard le 3 septembre 2004.

33      Au point VIII de l’avis de 2004, la Commission informe les entreprises qui disposent d’un quota d’importation de substances réglementées pour l’année 2004 qu’elles doivent faire une déclaration en complétant et en transmettant les formulaires appropriés figurant sur le site ODS et que « [s]eules les demandes qui [lui] seront parvenues […] au 3 septembre 2004 seront prises en considération ».

34      Au point IX de l’avis de 2004, la Commission indique qu’elle examinera les demandes et fixera des quotas d’importation pour chaque importateur et chaque producteur. Les quotas attribués seront indiqués sur le site ODS et tous les demandeurs seront informés de la décision par courrier.

5.     Demande de la requérante

35      Depuis 1996, la requérante importe du bromure de méthyle dans l’Union européenne, en son nom propre et pour le compte de deux autres importateurs sur la base d’un transfert de quotas d’importation. Elle s’est vu attribuer des quotas d’importation entre 1996 et 2004. En 2004, il lui a été octroyé 37,46 % du quota total de l’Union européenne.

36      À la suite de la publication de l’avis de 2004, la requérante a présenté à la Commission, le 30 août 2004, une déclaration afin d’obtenir, notamment, un quota de bromure de méthyle à des fins d’utilisations critiques pour l’année 2005. Elle demandait l’allocation d’un quota de 4 500 000 kg, représentant 2 700 000 kg de potentiel d’appauvrissement de la couche d’ozone (PACO) à cet effet.

37      Le 10 décembre 2004, la requérante a reçu un courriel, envoyé par la Commission à tous les utilisateurs du site ODS, l’informant que « [l]e quota pour 2005 sera[it] disponible sur [son] site Internet […] le 13 décembre 2004 ». Il était précisé que la « décision d’importation » était en cours d’élaboration et qu’elle serait notifiée à chaque importateur dès son adoption. La Commission ajoutait que toutes les importations réalisées à partir du 1er janvier 2005 seraient imputées sur le quota de 2005.

38      Le 1er mars 2005, en l’absence d’une communication ultérieure de la Commission relative à un quota d’importation pour 2005, la requérante a envoyé à la Commission une demande dans laquelle elle lui demandait de lui notifier, en vertu de l’article 7 du règlement et de l’avis de 2004, sa décision de lui allouer un quota pour l’importation de bromure de méthyle aux fins d’utilisations critiques en 2005 dans l’Union européenne. Elle y indique qu’elle a un droit à obtenir un tel quota, dans la mesure où elle a transmis, le 30 août 2004, la demande exigée par la Commission dans l’avis de 2004. La requérante mentionne le courriel de la Commission du 10 décembre 2004 et rappelle qu’elle n’a reçu aucune information supplémentaire depuis, que son quota d’importation ne lui a pas été alloué et qu’elle n’a obtenu aucune réponse à sa demande du 30 août 2004.

6.     Acte attaqué

39      La Commission a répondu à cette demande par la lettre du 11 avril 2005 (ci-après l’« acte attaqué »), dans laquelle elle informe la requérante que, en vertu du règlement, l’octroi de quotas d’importation à la requérante n’est plus possible. Elle rappelle à cet égard que le volume de bromure de méthyle autorisé pour des utilisations critiques individuelles a été arrêté suivant la procédure prévue à l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement et conformément à l’article 18 du règlement.

40      La Commission, dans l’acte attaqué, expose que l’application de l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement requiert l’identification des utilisateurs et l’indication des quantités autorisées aux fins d’utilisations critiques. Elle a ainsi identifié les entreprises qui pratiquent la fumigation comme étant les utilisateurs, parce que, d’une part, l’article 17, paragraphe 2, du règlement impose aux États membres de définir le niveau de qualification minimale requis du personnel concerné par l’utilisation de bromure de méthyle et, d’autre part, la fumigation est la seule application possible de cette substance. La Commission indique que les entreprises pratiquant la fumigation doivent dorénavant demander l’autorisation d’importer ou de produire du bromure de méthyle, à condition qu’aucune des parties au protocole de Montréal ne dispose de stocks de bromure de méthyle recyclé ou régénéré.

41      La Commission explique également que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous i), d), du règlement, les huit importateurs qui avaient droit à des quotas d’importation pour des utilisations réglementées de bromure de méthyle, le volume de chaque quota étant calculé en fonction de la part de marché historique en 1991, ne peuvent plus bénéficier de quotas pour des utilisations réglementées de bromure de méthyle à partir du 1er janvier 2005.

42       La Commission indique ensuite que la période de grâce prévue par l’article 4, paragraphe 2, sous ii), du règlement ne s’applique pas en l’espèce, en vertu des paragraphes 4 et 5 du même article. Elle estime en effet que, selon l’économie de l’article 4 du règlement, son paragraphe 4, sous i), b), prévaut. Selon la Commission, ce dernier dispose que la mise sur le marché et l’utilisation de bromure de méthyle par des entreprises autres que des producteurs et des importateurs seront autorisées après le 31 décembre 2004, puisque les demandes pour lesquelles une licence a été accordée aux fins d’utilisations critiques seront suivies d’effet à partir du 1er janvier 2005. Il s’ensuit, selon la Commission, que les parts de marché historiques détenues par les importateurs ne constituent plus la base juridique permettant de déterminer les importations de bromure de méthyle aux fins d’utilisations critiques.

43      La Commission conclut en indiquant que les quotas d’importation ont été remplacés par des quotas strictement réglementés aux fins d’utilisations critiques qui seront attribués aux entreprises de fumigation et que le marché européen est ouvert à toute entreprise souhaitant importer du bromure de méthyle, à condition que celle-ci possède une licence valable l’autorisant à importer du bromure de méthyle pour des utilisations critiques.

7.     Décision 2005/625/CE

44      Par décision 2005/625/CE de la Commission, du 23 août 2005, déterminant les quantités de bromure de méthyle autorisées à être employées pour des utilisations critiques dans la Communauté européenne entre le 1er janvier et le 31 décembre 2005 en vertu du règlement (JO L 219, p. 47) (voir également point 24 ci-dessus), la Commission a déterminé, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement et selon les critères figurant dans la décision IX/6, les quantités de bromure de méthyle autorisées à être employées pour des utilisations critiques dans la Communauté entre le 1er janvier et le 31 décembre 2005.

 Procédure

45      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mai 2005, la requérante a introduit le présent recours.

46      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 18 juillet 2005, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception d’irrecevabilité le 16 septembre 2005. Par ordonnance du Tribunal (deuxième chambre) du 15 mai 2006, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

47      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a posé par écrit, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, des questions à la requérante et à la Commission. Les parties y ont répondu dans le délai imparti.

48      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 juin 2006, la Commission a présenté son mémoire en défense.

49      En application de l’article 47, paragraphe 1, de son règlement de procédure, le Tribunal a décidé qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire. La procédure écrite a été close le 5 juillet 2006.

50      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 28 novembre 2006.

 Conclusions des parties

51      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les arguments avancés dans l’exception d’irrecevabilité ;

–        déclarer le recours recevable et fondé ou, à titre subsidiaire, joindre les questions relatives à la recevabilité à l’examen du fond de l’affaire ou, à titre subsidiaire, réserver sa décision sur la qualité pour agir jusqu’à ce qu’un arrêt soit rendu dans l’affaire au principal ;

–        annuler l’acte attaqué ;

–        condamner la Commission à lui allouer un quota pour une durée de douze mois en vertu de l’article 7 du règlement ;

–        condamner la Commission aux dépens.

52      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité

53      La Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité par laquelle elle fait valoir que la demande d’injonction concernant l’octroi d’un quota d’importation à la requérante et le recours en annulation sont irrecevables.

 Sur la demande d’injonction à la Commission d’octroyer un quota d’importation à la requérante

 Arguments des parties

54      La Commission considère que, conformément à la jurisprudence, le Tribunal n’est pas habilité à adresser des injonctions à la Commission lorsqu’il est saisi en vertu de l’article 230 CE et que, partant, la demande d’injonction est irrecevable.

55      La requérante se réfère à l’article 233 CE et observe que, en cas d’annulation de l’acte attaqué, la seule possibilité qu’aurait la Commission de se conformer à l’arrêt serait de lui accorder un quota de douze mois. La requérante soutient que sa demande doit être considérée dans ce contexte.

 Appréciation du Tribunal

56      Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un recours en annulation fondé sur l’article 230 CE, la compétence du juge communautaire est limitée au contrôle de la légalité de l’acte attaqué et que, en vertu d’une jurisprudence constante, le Tribunal ne peut pas, dans l’exercice de ses compétences, adresser une injonction aux institutions communautaires (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, DSM/Commission, C‑5/93 P, Rec. p. I‑4695, point 36, et arrêt du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, point 83). En cas d’annulation de l’acte attaqué, il incombe à l’institution concernée de prendre, au titre de l’article 233 CE, les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation (arrêts du Tribunal du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T‑67/94, Rec. p. II‑1, point 200, et ADT Projekt/Commission, précité, point 84).

57      Il s’ensuit que le chef de conclusions visant à ce que le Tribunal adresse une injonction à la Commission d’octroyer un quota d’importation à la requérante doit être écarté comme irrecevable.

 Sur le recours en annulation

 Arguments des parties

58      La Commission fait valoir que l’acte attaqué n’est pas un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante et que, partant, le recours en annulation est irrecevable.

59      La requérante estime le recours recevable, mais demande au Tribunal d’examiner le fond de l’affaire avant de se prononcer sur la recevabilité du recours. Elle considère que la recevabilité de la présente affaire ne saurait être pleinement appréciée sans un examen préalable du fond de l’affaire.

 Appréciation du Tribunal

60      Dans un souci de bonne administration de la justice, le Tribunal estime opportun, dans les circonstances de l’espèce, de se prononcer d’abord sur les questions de fond avant d’examiner les questions de recevabilité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 15 mars 1984, Tradax/Commission, 64/82, Rec. p. 1359, point 12, et arrêt du Tribunal du 1er décembre 1999, Boehringer/Conseil et Commission, T‑125/96 et T‑152/96, Rec. p. II‑3427, point 58, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52).

2.     Sur le fond

61      À l’appui de son recours en annulation, la requérante avance quatre moyens. Elle soutient, par son premier moyen, que la Commission n’a pas correctement mis en œuvre le cadre juridique établi dans le règlement et, par son deuxième moyen, que la Commission a violé l’article 7 du règlement. Il convient d’examiner ces deux moyens ensemble. La requérante affirme ensuite, par son troisième moyen, que la Commission a agi au-delà du cadre juridique défini à l’article 7 du règlement et a outrepassé le mandat que le Parlement et le Conseil lui avaient confié par le règlement. Elle avance enfin, par son quatrième moyen, que la Commission a violé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

 Sur les premier et deuxième moyens, tirés d’une mise en œuvre incorrecte du cadre juridique applicable et d’une violation de l’article 7 du règlement

 Arguments des parties

62      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante fait valoir que, en n’accordant pas de quotas aux importateurs, la Commission n’a pas correctement mis en œuvre le cadre juridique établi dans le règlement. En affirmant que, depuis le 1er janvier 2005, seuls les fumigateurs peuvent demander l’autorisation d’importer du bromure de méthyle et que les importateurs ne peuvent plus bénéficier de quotas, la Commission confond les dispositions du règlement relatives aux quotas approuvés et à la procédure pour le calcul de leur volume avec les dispositions et les procédures relatives à l’identité des entreprises autorisées à importer les volumes ainsi fixés.

63      La requérante considère, plus précisément, que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement, le volume du quota doit être déterminé par la Commission en application de la procédure définie à l’article 18, paragraphe 2, du règlement et des critères établis dans la décision IX/6. Ainsi, la requérante ne conteste pas que le volume des quotas autorisés à partir du 1er janvier 2005 ne soit plus calculé sur la base des volumes de production historiques des huit importateurs.

64      Cela ne signifie pas pour autant, selon elle, que les importateurs qui avaient droit, avant le 1er janvier 2005, à des quotas d’importation pour des utilisations réglementées de bromure de méthyle peuvent être empêchés de poursuivre leur activité. Une telle interprétation serait incompatible avec les articles 6 et 7 du règlement, qui accordent aux importateurs, et non aux utilisateurs, le droit d’obtenir une licence d’importation et un quota d’une durée de douze mois. Par ailleurs, les importateurs seraient également autorisés par l’article 4, paragraphe 5, du règlement à transférer leur droit à un autre importateur.

65      En outre, l’interprétation de la Commission impliquerait que les importateurs existants à l’époque doivent cesser leur activité, puisqu’ils seraient exclus du nouveau système d’importation envisagé par la Commission. Cela porterait atteinte au principe de libre exercice d’une activité professionnelle, lequel appartient, selon la requérante, au patrimoine juridique commun aux juridictions de tous les États membres et fait partie des principes généraux du droit communautaire.

66      Enfin, l’interprétation de la Commission conduirait à une distorsion de la concurrence, et non à son ouverture, dès lors qu’elle empêcherait les importateurs d’entrer en concurrence avec les utilisateurs sur le marché de l’importation et de la vente de bromure de méthyle.

67      Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante estime que l’article 7 du règlement impose explicitement à la Commission de soumettre la mise en libre pratique dans la Communauté de substances réglementées, dont le bromure de méthyle, à des quotas alloués directement aux importateurs pour chaque période de douze mois à compter du 31 décembre 1999.

68      Au point IX de l’avis de 2004, la Commission a admis, selon la requérante, qu’elle était tenue d’attribuer des quotas aux importateurs. De plus, la correspondance échangée par la suite confirmerait que la Commission savait et admettait que la requérante disposait d’un droit individuel à obtenir un quota personnel de douze mois pour 2005. La requérante estime qu’il ne fait donc aucun doute que la Commission avait l’obligation de lui allouer un quota en application du droit dérivé. Conformément à l’avis de 2004, la requérante a transmis à la Commission, le 30 août 2004, sa déclaration afin de pouvoir importer du bromure de méthyle en 2005.

69      La requérante fait observer que la Commission a omis de mentionner, dans l’acte attaqué, l’article 7 du règlement, bien qu’elle ait explicitement fondé sa demande sur cette disposition dans sa lettre du 1er mars 2005. La Commission indiquerait simplement que les fumigateurs ont la possibilité d’obtenir des quotas d’importation, ce que la requérante ne nie pas. La requérante conteste néanmoins la conclusion selon laquelle, d’une part, les importateurs qui avaient droit à l’époque à des quotas d’importation ne peuvent plus en bénéficier à partir du 1er janvier 2005 et, d’autre part, les quotas des importateurs ont été remplacés par des quotas attribués aux entreprises de fumigation. Elle considère qu’une telle affirmation est contraire à l’article 7 du règlement et qu’elle viole les droits de la requérante aux quotas d’importation conférés par cette disposition.

70      S’agissant du premier moyen, la Commission soutient que le régime juridique applicable à l’importation de bromure de méthyle a changé le 1er janvier 2005 en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous ii), du règlement. La Commission indique que la Communauté était tenue d’interdire à cette date l’utilisation du bromure de méthyle, sauf, notamment, dans le cas d’utilisations critiques. Le régime en place en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous i), du règlement ne pourrait plus servir de base à l’octroi des licences d’importation après le 31 décembre 2004, conformément à la décision IX/6 et à l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement. Depuis le 1er janvier 2005, il incomberait aux fumigateurs de solliciter une telle licence, avant de demander à des importateurs tels que la requérante d’importer la quantité de bromure de méthyle pour laquelle la licence a été accordée. La Commission estime que le changement de situation de la requérante découle directement de l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement, qui a mis fin à l’attribution de quotas calculés sur la base des quantités historiques. Cependant, ce changement n’implique nullement, selon la Commission, que des sociétés telles que la requérante doivent cesser leur activité.

71      S’agissant du deuxième moyen, la Commission rappelle que l’article 7 du règlement dispose que des quotas doivent être alloués aux entreprises. Puisque l’article 7, sous b), du règlement fait référence aux utilisations critiques, la Commission considère qu’il doit être lu et compris à la lumière de l’article 3, paragraphe 2, du règlement pour déterminer à quelles entreprises exactement doivent être alloués, à partir du 1er janvier 2005, les quotas pour les utilisations critiques de bromure de méthyle. Ainsi, les entreprises auxquelles les quotas doivent être attribués seraient les fumigateurs et non les importateurs. La Commission considère que l’article 7 du règlement découle logiquement de l’article 6, qui définit le principe selon lequel l’importation de bromure de méthyle n’est pas libre, mais est soumise à l’obtention et à la présentation d’une licence d’importation valable. Ces deux articles seraient complémentaires l’un de l’autre.

72      Enfin, la Commission fait valoir que l’avis de 2004 et son courriel du 10 décembre 2004 sont de caractère général, concernent l’ensemble des substances appauvrissant la couche d’ozone et n’indiquent pas expressément que des quotas seront alloués aux importateurs pour les utilisations critiques de bromure de méthyle en 2005. Au contraire, la Commission souligne que le point II, sous a), de l’avis de 2004 fait référence à l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement et indique donc que des quotas sont alloués conformément à cette disposition. En outre, la Commission a fait observer à l’audience que l’avis de 2004 se distinguait de l’avis de 2003 par cette référence.

 Appréciation du Tribunal

73      Tout d’abord, il convient de relever que le système mis en place par la Commission au 1er janvier 2005 se caractérise par le fait qu’elle a défini les utilisateurs au sens de l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement susceptibles de bénéficier de la dérogation pour utilisation critique comme étant les fumigateurs. La Commission a aussi décidé, au titre de l’article 7 du règlement, que les importateurs ne bénéficient plus de quotas d’importation, mais que des quotas sont, en 2005, attribués aux fumigateurs en tant qu’utilisateurs. Le système prévoit également qu’une opération d’importation requiert l’octroi d’une licence au fumigateur et, en outre, d’une licence à l’importateur. Enfin, la Commission a décidé, dans le cadre du nouveau système, de limiter l’importation du bromure de méthyle par les importateurs cas par cas, des licences n’étant accordées que dans la mesure où les conditions pour la mise sur le marché énoncées à l’article 4, paragraphe 4, sous i), b), deuxième tiret, du règlement sont réunies. Ainsi, il n’est plus possible aux importateurs d’établir un stock de bromure de méthyle destiné à la vente aux utilisateurs.

74      S’agissant de la prétendue violation de l’article 7 du règlement et de l’affirmation de la requérante selon laquelle le système mis en place par la Commission à l’échéance du 1er janvier 2005 ne constitue pas une mise en œuvre correcte des dispositions pertinentes du règlement, il convient, premièrement, de rappeler que le libellé de l’article 7 du règlement, qui régit non seulement l’importation du bromure de méthyle, mais également celle de l’ensemble des substances réglementées en provenance de pays tiers, ne précise pas que des quotas d’importation doivent être attribués aux importateurs, mais dispose que ceux-ci doivent être alloués aux entreprises, ce terme comprenant, selon la définition prévue à l’article 2 du règlement, les producteurs, les recycleurs, les utilisateurs, les importateurs et les exportateurs de substances réglementées. Partant, le libellé de l’article 7 du règlement laisse à la Commission le choix quant à la question de savoir quelles catégories d’entreprises parmi celles mentionnées à l’article 2 du règlement, dont les fumigateurs en tant qu’utilisateurs, seront bénéficiaires de quotas au titre de cette disposition. Il s’ensuit que l’article 7 n’oblige pas la Commission à allouer des quotas d’importation aux importateurs.

75      Deuxièmement, il y a lieu de relever que l’article 3 du règlement interdit, conformément à son paragraphe 2, sous i), d), la production de bromure de méthyle après le 31 décembre 2004. Il prévoit en outre, au paragraphe 2, sous ii), que la Commission applique les critères établis dans la décision IX/6 afin de déterminer chaque année les utilisations critiques pour lesquelles la production, l’importation et l’utilisation de bromure de méthyle peuvent être autorisées dans la Communauté après le 31 décembre 2004, les quantités et les utilisations à autoriser et les utilisateurs susceptibles de bénéficier de la dérogation pour utilisation critique. L’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement stipule également que la production et l’importation ne sont autorisées que s’il n’est pas possible de se procurer un produit de remplacement adéquat ou du bromure de méthyle recyclé ou régénéré auprès de l’une des parties au protocole de Montréal.

76      Il convient également de rappeler que l’article 4 du règlement interdit, au paragraphe 2, sous i), d), la mise sur le marché de substances réglementées après le 31 décembre 2004, sous réserve des paragraphes 4 et 5. Le paragraphe 4, sous i), b), deuxième tiret, prévoit que l’interdiction du paragraphe 2, sous i), d), ne s’applique pas à la mise sur le marché ni à l’utilisation de bromure de méthyle lorsqu’il est utilisé pour répondre aux demandes pour lesquelles une licence a été accordée aux fins d’utilisations critiques émanant des utilisateurs déterminés conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement.

77      Il s’ensuit que, conformément à ces deux articles du règlement, l’utilisation et la mise sur le marché du bromure de méthyle en 2005 sont strictement limitées aux utilisations critiques. Il ressort de ces dispositions que le bromure de méthyle ne doit être disponible dans la Communauté que dans le cas d’un besoin d’utilisation critique précis.

78      Troisièmement, il y a lieu de rappeler que l’article 6, paragraphe 1, du règlement prévoit que l’importation de bromure de méthyle dans la Communauté est soumise à l’obtention de licences d’importation, mais qu’il ne spécifie ni leurs bénéficiaires ni le nombre de licences à attribuer par opération d’importation. Partant, l’octroi de deux licences pour chaque importation, d’abord à l’utilisateur puis à l’importateur, prévu par le système mis en place par la Commission à l’échéance du 1er janvier 2005 est conforme à cette disposition. En outre, les articles 6 et 7 du règlement sont des dispositions complémentaires, en ce sens que les deux articles visent ensemble le contrôle et la limitation des quantités de substances réglementées importées dans la Communauté.

79      En conséquence, compte tenu des restrictions à la production, à l’utilisation et à la mise sur le marché du bromure de méthyle prévues par les articles 3 et 4 du règlement, il résulte de l’économie du règlement que ses articles 6 et 7 ont pour objectif d’assurer que l’importation de bromure de méthyle ne dépasse pas les stricts besoins d’utilisations critiques spécifiquement identifiées.

80      L’interprétation que la Commission a retenue des articles 3, 4, 6 et 7 du règlement en n’attribuant plus de quotas d’importation aux importateurs et en limitant l’importation de bromure de méthyle cas par cas, empêchant ainsi la constitution de stocks chez les importateurs, donne donc un effet utile à ces dispositions et leur assure une application cohérente et correspondant à l’économie et aux objectifs du règlement, qui vise à limiter, notamment, la production et l’utilisation du bromure de méthyle aux fins de la protection de la couche d’ozone.

81      Cette analyse n’est pas remise en cause par le fait que l’article 7 du règlement ne prévoit pas expressément une modification, à l’échéance du 1er janvier 2005, de son régime d’application quant au bromure de méthyle. Il ressort de ce qui a été exposé aux points 74 à 80 ci-dessus que la Commission n’a pas confondu, comme le soutient la requérante, deux régimes distincts, à savoir, d’une part, celui des articles 3 et 4 du règlement et, d’autre part, celui des articles 6 et 7 du règlement, mais qu’elle a retenu, à juste titre, une interprétation de l’ensemble de ces dispositions qui correspond à l’économie du règlement.

82      De même, s’agissant de l’argument tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 5, du règlement, qui permet à tout importateur habilité à mettre sur le marché les substances réglementées de transférer ce droit aux autres importateurs ainsi habilités dans la Communauté, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 4, paragraphe 2, sous i), d), du règlement, les producteurs et les importateurs ne sont plus habilités, après le 31 décembre 2004, à mettre sur le marché du bromure de méthyle, à l’exception des quantités autorisées cas par cas en vertu de l’article 4, paragraphe 4, sous i), b), deuxième tiret, et de l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement. Il s’ensuit, d’une part, que le droit de transfert que les importateurs tirent, en 2005, de l’article 4, paragraphe 5, du règlement est limité aux seules quantités autorisées cas par cas et, d’autre part, que les importateurs peuvent exercer ce droit de transfert limité sans disposer d’un quota d’importation, comme la requérante l’a reconnu à l’audience. Partant, l’article 4, paragraphe 5, du règlement n’oblige pas la Commission à octroyer des quotas d’importation aux importateurs.

83      Eu égard à ce qui précède, force est de constater que la Commission n’était pas tenue, au titre du règlement, d’octroyer en 2005 un quota d’importation à la requérante en tant qu’importateur et que le nouveau système mis en place par la Commission à partir du 1er janvier 2005 constitue une mise en œuvre licite des articles 3, 4, 6 et 7 du règlement compatible avec ces dispositions. Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si la Commission aurait pu procéder autrement en continuant, après le 31 décembre 2004, d’octroyer des quotas d’importation aux importateurs.

84      S’agissant de la référence que fait la requérante à l’avis de 2004, il convient de rappeler que la Commission a précisé, au point II de cet avis, que les quotas d’importation prévus à l’article 7 du règlement seront octroyés, en 2005, pour le bromure de méthyle utilisé à des fins d’utilisations critiques, conformément à la décision IX/6 et à l’article 3, paragraphe 2, point ii), du règlement, qui prévoit que la production et l’importation ne sont autorisées que s’il n’est pas possible de se procurer un produit de remplacement adéquat ou du bromure de méthyle recyclé ou régénéré auprès d’une des parties. La Commission a, en outre, indiqué à l’audience que l’avis de 2004 se distinguait par cette référence à la décision IX/6 et à l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement du libellé de l’avis correspondant de 2003 qui ne contenait pas une telle référence. Il en résulte qu’un lecteur avisé, tel que la requérante, était en mesure de déduire de l’avis de 2004 que la Commission avait l’intention de ne plus appliquer, en 2005, l’article 7 du règlement de la même manière qu’en 2004, mais que l’octroi de quotas d’importation serait effectué, en 2005, conformément à la décision IX/6 et à l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement. Enfin, les termes des points II et IX de l’avis de 2004, en ce qu’ils se réfèrent aux producteurs et aux importateurs et non aux fumigateurs, s’expliquent par le fait que l’avis de 2004 concerne l’ensemble des substances appauvrissant la couche d’ozone, comme le fait valoir la Commission, et que le cas spécifique du bromure de méthyle ne fait pas l’objet d’un traitement particulier. Partant, le Tribunal estime que l’avis de 2004 ne met pas en cause la décision de la Commission de ne pas attribuer, en 2005, un quota d’importation à la requérante.

85      Ensuite, il y a lieu de constater que l’argumentation de la requérante reposant sur le courriel du 10 décembre 2004 ne saurait prospérer. Il convient de rappeler qu’il ne s’agit pas d’un courriel individuel, envoyé à la requérante pour l’assurer de l’octroi d’un quota individuel de bromure de méthyle pour des utilisations critiques, mais d’un courriel envoyé à tous les utilisateurs du site ODS, qui annonce la publication de tous les quotas, pour toutes les substances réglementées et pour toutes leurs utilisations. Il s’ensuit que ce courriel ne remet pas en cause l’interprétation du règlement retenue par la Commission.

86      De même, le Tribunal estime que l’interprétation du règlement retenue par la Commission ne peut être considérée comme entraînant une distorsion de la situation concurrentielle sur le marché. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, les importateurs ne sont pas empêchés d’entrer en concurrence avec les fumigateurs sur le marché de l’importation et de la vente de bromure de méthyle. Ainsi, comme le fait valoir la Commission, le changement survenu le 1er janvier 2005 n’implique nullement que des sociétés telles que la requérante doivent cesser leur activité. Il signifie seulement que ces opérateurs ne peuvent plus solliciter de licences d’importation en vue de constituer un stock de ce produit qu’ils revendront ensuite aux utilisateurs effectifs.

87      Enfin, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le droit au libre exercice des activités professionnelles n’est pas une prérogative absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées, à condition qu’elles répondent à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but recherché, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (arrêts de la Cour du 13 juillet 1989, Wachauf, 5/88, Rec. p. 2609, points 17 et 18, et du 30 juin 2005, Alessandrini e.a./Commission, C‑295/03 P, Rec. p. I‑5673, point 86).

88      En l’espèce, le nouveau système introduit par la Commission le 1er janvier 2005 a uniquement modifié les circonstances de l’exercice des activités d’importation de bromure de méthyle et n’implique pas que la requérante doive cesser son activité. Or, à supposer qu’il puisse être considéré comme une restriction, le Tribunal relève que l’intérêt général poursuivi par la Communauté est, en l’occurrence, celui de la protection de la couche d’ozone et considère que l’éventuelle restriction se trouve, en tout état de cause, justifiée du fait qu’il s’agit d’une application du règlement, conforme à celui-ci (points 74 à 83 ci-dessus), qui ne saurait être considérée démesurée ou intolérable, ni comme une atteinte à la substance même de ce droit, dès lors que la requérante peut continuer à exercer ses activités économiques antérieures.

89      Eu égard à ce qui précède, les premier et deuxième moyens doivent être rejetés.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de compétence (acte ultra vires)

 Arguments des parties

90      La requérante estime qu’en ne lui accordant pas un quota pour importer du bromure de méthyle dans l’Union européenne, la Commission a agi au-delà du cadre juridique défini à l’article 7 du règlement et a outrepassé de ce fait le mandat que le Parlement et le Conseil lui avaient confié par le règlement.

91      Selon elle, il est de jurisprudence constante qu’une mesure d’exécution qui a été adoptée en application des dispositions d’un règlement de base doit être annulée lorsqu’elle a modifié, sans recours à la procédure législative requise par le traité, l’étendue des obligations imposées. Dès lors qu’une mesure d’exécution s’avère dérogatoire en ce qu’elle fixe des critères différents de ceux exigés par la mesure de base, elle ne peut être adoptée sans consultation préalable du Parlement.

92      De même, en l’espèce, l’article 7 du règlement imposerait à la Commission l’obligation d’allouer des quotas d’importation pour la mise en libre pratique de bromure de méthyle dans la Communauté. Seul le législateur communautaire serait habilité à décider qu’il convient de ne plus allouer de quotas d’importation aux importateurs après le 31 décembre 2004. Jusqu’à ce qu’une telle décision soit adoptée, la Commission devrait continuer à attribuer les quotas d’importation, tout refus de sa part étant illégal.

93      La Commission considère que le troisième moyen est une répétition du deuxième moyen et renvoie aux considérations qu’elle a exposées à cet égard. Elle souligne toutefois qu’elle a en fait déterminé les quotas de bromure de méthyle destinés aux utilisations critiques par la décision 2005/625 et fait observer que la requérante a reçu des licences d’importation et a été en mesure d’exercer son activité.

 Appréciation du Tribunal

94      Il y a lieu de rappeler que le Tribunal a considéré, dans le cadre de l’examen des premier et deuxième moyens, que l’article 7 du règlement n’imposait pas à la Commission d’octroyer à la requérante un quota d’importation pour l’année 2005 et que la mise en œuvre du règlement par la Commission dans le cadre du nouveau système mis en place au 1er janvier 2005 est compatible avec les dispositions du règlement. Or, dans la mesure où l’acte attaqué informe la requérante que, en vertu du nouveau système, elle ne peut plus disposer d’un quota d’importation, il constitue une mesure prise par la Commission qui se fonde valablement sur le règlement et ne constitue pas un acte ultra vires. Partant, la Commission n’a empiété, par l’acte attaqué, ni sur les compétences du Conseil ni sur celles du Parlement.

95      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

 Arguments des parties

–       Arguments de la requérante

96      La requérante fait valoir qu’en méconnaissant son droit à obtenir un quota d’importation sur la base de l’article 7 du règlement, de l’avis de 2004 et des courriels échangés par la suite, la Commission a trompé la confiance légitime que la requérante avait d’obtenir un quota d’importation et a violé le principe de sécurité juridique.

97      Le principe de sécurité juridique implique, selon la requérante, que les personnes soumises à la loi ne soient pas placées dans une situation d’incertitude quant à leurs droits et obligations, que les règles communautaires définissent avec certitude et sans aucune ambiguïté les droits des personnes qu’elles affectent et que des mesures soient adoptées afin de garantir que les situations et les relations juridiques régies par lesdites règles restent prévisibles. En l’espèce, le refus de la Commission d’allouer un quota d’importation à la requérante et sa décision de remplacer les quotas des importateurs par des quotas attribués aux utilisateurs rendraient l’ensemble du système d’importation de bromure de méthyle dans l’Union européenne imprévisible et contraire au règlement.

98      La notion de confiance légitime est, selon la requérante, un corollaire important du principe de sécurité juridique et requiert que la confiance de ceux qui agissent de bonne foi sur la base de la loi, telle qu’elle est ou semble être, ne doit pas être trompée. La jurisprudence confirmerait qu’une simple pratique ou tolérance administrative, non contraire à la réglementation en vigueur et n’impliquant pas l’exercice d’un pouvoir d’appréciation, peut susciter la confiance légitime des intéressés, sans que celle-ci doive nécessairement se fonder sur une communication de portée générale (arrêt de la Cour du 1er octobre 1987, Royaume-Uni/Commission, 84/85, Rec. p. 3765, et ordonnance du président de la Cour du 10 juin 1988, Sofrimport/Commission, C‑152/88 R, Rec. p. 2931 ; arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, point 112).

99      La confiance légitime que la requérante avait d’obtenir un quota pour importer du bromure de méthyle au cours de l’année 2005 découlerait du libellé précis de l’article 7 du règlement et des déclarations écrites de la Commission, dont l’avis de 2004 et ses divers courriels adressés à la requérante. La requérante indique que, sur la base de cette confiance, elle a déposé sa déclaration de 2004 et a légitimement attendu l’octroi d’un quota d’importation pour l’année 2005. En refusant de lui allouer un quota pour importer du bromure de méthyle au cours de l’année 2005, la Commission aurait trompé la confiance légitime de la requérante.

–       Arguments de la défenderesse

100    La Commission considère que la requérante n’a pas reçu d’assurances précises quant au fait qu’un quota lui serait attribué aux fins de la mise en libre pratique du bromure de méthyle en 2005. Elle estime aussi qu’un opérateur économique prudent et avisé tel que la requérante savait ou aurait dû savoir que, à partir du 1er janvier 2005, il était interdit d’utiliser ou de mettre sur le marché du bromure de méthyle pour son propre compte, cette interdiction étant énoncée à l’article 4, paragraphe 2, sous i), d), du règlement. La Commission considère que la requérante savait également que seules les utilisations critiques de bromure de méthyle seraient autorisées après cette date, conformément à l’article 4, paragraphe 4, sous i), b), du règlement. Il s’ensuit que, selon la Commission, la requérante savait que le système mis en place en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous i), a) à c), du règlement, selon lequel des quotas étaient octroyés aux importateurs enregistrés sur la base des quantités de référence de l’année 1991, ne pouvait plus s’appliquer à partir du 1er janvier 2005. La Commission estime que la requérante s’attendait à ce que le système des quotas et ses modalités d’attribution pour les utilisations critiques de bromure de méthyle changent à partir de cette date.

 Appréciation du Tribunal

101    S’agissant, en premier lieu, de la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient, tout d’abord, de rappeler que l’article 7 du règlement, qui désigne uniquement les entreprises, et non les importateurs, n’assure pas ces derniers de l’attribution de quotas et qu’une confiance légitime telle que celle revendiquée par la requérante ne résulte pas non plus des articles 3, 4 et 6 du règlement.

102    Ensuite, il a été relevé au point 84 ci-dessus que la référence, au point II de l’avis de 2004, à la décision IX/6 et à l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement indique que l’octroi des quotas d’importation sera effectué, après le 1er janvier 2005, conformément à ces dispositions. De surcroît, il a été jugé au point 84 ci-dessus que l’avis de 2004 se distinguait par cette référence du texte de l’avis correspondant de 2003 et qu’il en résultait qu’un lecteur avisé, tel que la requérante, était en mesure de déduire de l’avis de 2004 que la Commission avait l’intention de modifier, en 2005, sa pratique antérieure. Partant, il y a lieu de conclure que l’avis de 2004 n’assure pas aux importateurs l’octroi de quotas d’importation.

103    Il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence, comme le fait valoir la Commission, qu’un opérateur économique prudent et avisé qui est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts ne saurait invoquer le bénéfice du principe de protection de la confiance légitime lorsque cette mesure est adoptée (arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 147, et arrêt du Tribunal du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T‑336/94, Rec. p. II‑1343, point 31). À cet égard, il y a lieu de rappeler que la requérante est l’un des huit importateurs qui étaient seuls habilités, jusqu’en 2004, à importer du bromure de méthyle dans la Communauté et que tout changement dans le régime applicable au bromure de méthyle revêt une grande importance économique pour ses activités d’importation. Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’une entreprise diligente dans sa position aurait dû solliciter des renseignements précis quant aux changements à venir. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la requérante a reconnu qu’elle s’attendait, en vertu des articles 3 et 4 du règlement, à des modifications du régime applicable au bromure de méthyle à l’échéance du 1er janvier 2005.

104     Partant, une telle obligation de diligence pesait sur elle dans les circonstances de l’espèce.

105    Il convient aussi de rappeler que, selon la jurisprudence, nul ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts Belgique et Forum 187/Commission, précité, point 147, et Efisol/Commission, précité, point 31). En l’espèce, la Commission fait valoir, à juste titre, qu’elle n’a pas donné d’assurances précises à la requérante.

106    Il ressort également de la jurisprudence qu’une pratique administrative antérieure de la Commission portée à la connaissance du public peut, en l’absence d’indications en sens contraire, faire naître une confiance légitime dans l’application des mêmes règles, notamment lorsque des communications de l’institution communautaire concernée ne se distinguent pas des précédentes (arrêt MCI/Commission, précité, point 112 ; voir également, en ce sens, arrêt Royaume-Uni/Commission, précité, points 9 à 27 ; ordonnance Sofrimport/Commission, précitée, points 17 à 23). Toutefois, ces principes ne peuvent pas trouver application en l’espèce. En effet, dans la présente affaire, le point II de l’avis de 2004 se distingue par la référence à la décision IX/6 et à l’article 3, paragraphe 2, sous ii), du règlement, dont il ressort que, en 2005, les quotas d’importation ne seront plus octroyés selon la pratique antérieure de la Commission, mais conformément à cette disposition.

107    Enfin, il y a lieu de rappeler que le courriel de la Commission du 10 décembre 2004 a été envoyé à l’ensemble des utilisateurs du site ODS et qu’il annonçait la publication de tous les quotas, pour toutes les substances réglementées et pour toutes leurs utilisations. Il s’ensuit qu’il n’assurait en rien la requérante de l’octroi d’un quota individuel de bromure de méthyle pour utilisations critiques. Dans la mesure où la requérante se réfère aussi à d’autres courriels de la Commission, il y a lieu d’observer qu’elle n’a apporté aucune preuve à cet égard dans le cadre de la présente affaire ni même identifié les courriels auxquels elle se réfère.

108    S’agissant, en deuxième lieu, de la prétendue violation du principe de sécurité juridique, il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence que ce principe constitue un principe fondamental de droit communautaire qui exige, notamment, qu’une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence. Cependant, dès lors qu’un certain degré d’incertitude quant au sens et à la portée d’une règle de droit est inhérent à celle-ci, il convient d’examiner si la règle de droit en cause souffre d’une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante des éventuels doutes sur la portée ou le sens de cette règle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, Rec. p. I‑2801, points 30 et 31).

109    En l’espèce, il y a lieu de constater que, eu égard, principalement, aux dispositions du règlement (voir points 74 à 83 ci-dessus), mais aussi au libellé de l’avis de 2004 (voir points 84 et 102 ci-dessus), ni le refus de l’octroi du quota d’importation auquel prétend la requérante ni le remplacement des quotas d’importation alloués aux importateurs par des quotas alloués aux utilisateurs n’étaient imprévisibles pour les importateurs dans la situation de la requérante. Il s’ensuit que ni le règlement ni l’avis de 2004 ne faisaient obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante des éventuels doutes sur la portée ou le sens de l’article 7 du règlement.

110    Eu égard à ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté.

111    Les quatre moyens invoqués par la requérante à l’appui de sa demande en annulation de l’acte attaqué ayant été rejetés, cette demande doit être déclarée non fondée, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

112    Dans ces conditions, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Pirrung

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mai 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : l’anglais.