Language of document : ECLI:EU:T:2011:651

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

10 novembre 2011(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative consistant en la représentation d’une lettre sur une poche – Marque nationale figurative antérieure représentant une lettre – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑22/10,

Esprit International LP, établie à New York, New York (États-Unis), représentée par Mes M. Treis et E.-M. Strobel, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), représenté initialement par M. S. Schäffner, puis par M. G. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Marc O’Polo International GmbH, établie à Stephanskirchen (Allemagne), représentée par Mes A. Gaul, V. Spitz, T. Golda et S. Kirschstein-Freund, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 19 novembre 2009 (affaire R 1666/2008‑4), relative à une procédure d’opposition entre Marc O’Polo International GmbH et Esprit International LP,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 janvier 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 26 mai 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 14 mai 2010,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 23 août 2010,

vu le mémoire en duplique déposé par l’intervenante au greffe du Tribunal le 28 octobre 2010,

à la suite de l’audience du 15 juin 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 22 mai 2006, la requérante, Esprit International LP, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie » ;

–        classe 25 : « vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 43/2006, du 23 octobre 2006.

5        Le 28 novembre 2006, l’intervenante, Marc O’Polo International GmbH, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés par la demande de marque.

6        L’opposition était fondée, premièrement, sur la marque allemande figurative antérieure, enregistrée le 25 février 2003 sous le numéro 30303672 et représentée comme suit :

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7        Cette marque a été enregistrée notamment pour des produits relevant des classes 18 et 25.

8        L’opposition était fondée, deuxièmement, sur la marque communautaire figurative déposée le 22 juillet 2003, représentée par un signe identique à celui figurant au point 6 ci-dessus pour, notamment, des produits relevant des classes 18 et 25. Cette marque a été enregistrée pour ces produits sous le numéro 3281474 le 10 décembre 2009, à savoir après l’adoption de la décision de la chambre de recours faisant l’objet du présent recours.

9        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009).

10      Le 29 septembre 2008, la division d’opposition a fait droit à l’opposition.

11      Le 19 novembre 2008, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 19 novembre 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. La chambre de recours s’est limitée à examiner le risque de confusion par rapport à la marque allemande figurative antérieure (ci-après « la marque antérieure ») et a conclu à l’existence de ce risque.

13      La chambre de recours a relevé que les produits en cause étaient identiques.

14      Quant à la comparaison des signes, la chambre de recours a, en substance, considéré ce qui suit.

15      Elle a interprété la marque antérieure comme étant une représentation de la lettre minuscule « e » sous une forme stylisée. L’élément dominant et distinctif de la marque demandée serait l’élément représentant la lettre minuscule « e ». En revanche, la représentation stylisée du contour d’une poche de pantalon dans laquelle s’inscrit ladite lettre serait dépourvue de tout caractère distinctif pour les produits en cause.

16      Elle a estimé qu’il existait une similitude visuelle moyenne entre les signes en cause. Il ne serait clair pour aucun de ces signes qu’il s’agirait bien d’une lettre et non d’un motif abstrait et, dans l’affirmative, qu’il ne pourrait pas s’agir de la lettre « c ». Cela ne mettrait cependant pas en cause la similitude visuelle entre les signes en conflit, ni son degré. Pour les consommateurs qui identifieraient l’un des deux signes à la lettre « c », l’autre signe serait également une lettre « c ». Il serait plutôt improbable qu’une partie des consommateurs ne voie pas de lettre unique dans l’un des signes. Dans ce cas, ces consommateurs ne verraient pas non plus l’autre signe comme une lettre et percevraient les deux signes comme des tracés courbes similaires.

17      La chambre de recours a en outre considéré que, d’un point de vue phonétique, les signes étaient identiques en ce qu’ils seraient prononcés comme la lettre « e ». L’identité phonétique resterait inchangée au cas où une partie des consommateurs prononcerait la marque antérieure comme la lettre « c », car ces consommateurs feraient de même concernant la marque demandée. Quant aux consommateurs qui ne discerneraient pas de lettre unique, la comparaison phonétique serait de toute manière dépourvue de pertinence, puisque impossible.

18      La comparaison conceptuelle serait neutre car la lettre « e » ou une lettre unique sur une poche de pantalon n’aurait aucune signification sémantique.

19      Quant au risque de confusion entre les signes en cause, la chambre de recours a considéré que la présentation graphique de ceux-ci différait uniquement par des éléments dont la perception exigeait un niveau d’attention analytique accru. Elle a en outre souligné que, normalement, les produits en cause s’achetaient uniquement à vue, de sorte que la comparaison visuelle des signes en cause revêtait une importance particulière dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion.

20      Le consommateur, dont le niveau d’attention ne serait pas élevé, allait considérer que les signes en cause étaient des variantes du même signe et qu’ils indiquaient la même origine commerciale.

 Conclusions des parties

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

22      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les pièces présentées pour la première fois devant le Tribunal

23      Ainsi que l’intervenante le souligne, les annexes 10, 11, 12, 16, 17, 18 et 24 à la requête ont été produites pour la première fois devant le Tribunal.

24      Il y a lieu de relever que ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 19, et la jurisprudence citée].

25      La requérante fait valoir à cet égard qu’elle n’est pas en mesure d’anticiper toutes les erreurs que la chambre de recours est susceptible de commettre lors de son analyse et, notamment, l’absence de prise en considération de la couture horizontale ondulée présente dans la marque demandée lors de l’analyse des éléments distinctifs et dominants de celle-ci. La requérante considère qu’il lui est loisible de discuter cette omission dans la requête et de présenter, dans ce cadre, de nouveaux éléments.

26      Il convient toutefois de relever que la division d’opposition avait déjà constaté dans sa décision que l’impression d’ensemble produite par la marque demandée était dominée par l’élément constitué de la représentation d’une lettre. Il était donc indiqué pour la requérante de présenter, devant la chambre de recours, les arguments et les documents susceptibles de remettre en cause cette conclusion. La requérante ne saurait valablement faire valoir qu’elle a été surprise par la position de la chambre de recours, qui était sur ce point identique à celle de la division d’opposition.

27      Il résulte de ce qui précède que les annexes 10, 11, 12, 16, 17, 18 et 24 à la requête ne peuvent être prises en considération car elles ont été présentées pour la première fois devant le Tribunal.

 Sur le moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

28      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle estime qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les signes en conflit.

29      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments avancés par la requérante.

30      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

31      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

32      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

33      Il convient de relever que les produits visés par la demande de marque, qui sont, en substance, des vêtements et des articles de maroquinerie, sont des produits de consommation courante qui s’adressent au grand public. Étant donné que la chambre de recours s’est limitée à examiner le risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure allemande, c’est uniquement la perception du consommateur allemand qu’il convient de prendre en considération. Il s’ensuit que le public par rapport auquel l’analyse du risque de confusion doit s’effectuer est constitué par le consommateur moyen en Allemagne.

34      S’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle la majeure partie des clients des produits identifiés par les marques en conflit appartient à une tranche d’âge plutôt jeune, il convient de relever que cet argument de la requérante ne concerne pas la définition du public pertinent dans le secteur des vêtements et de la maroquinerie en général. En effet, la requérante concède que « les produits protégés par les signes en conflit, qui relèvent pour l’essentiel des catégories génériques ‘maroquinerie’ et ‘vêtements’, sont, comme la quatrième chambre de recours le constate à juste titre, consommés par tout un chacun ».

35      L’argumentation de la requérante selon laquelle, dans la pratique, la majorité des clients appartient à des tranches d’âges plutôt jeunes, en particulier à celle des 16-35 ans, ne se réfère pas au secteur des vêtements et de la maroquinerie en général, mais aux clients de la requérante, ce qui résulte du fait que la requérante cite, à l’appui de cette affirmation, la partie concernant la marque Esprit d’un article consacré à diverses marques.

36      Il convient de relever qu’une telle argumentation est inopérante car il y a lieu de se référer à la liste de produits telle que visée par les marques en cause. Les vêtements et les articles de maroquinerie en général s’adressent à un public de tout âge.

37      Est sans pertinence la question de savoir si les articles concrètement vendus par la requérante s’adressent à un public plutôt jeune. Dans le cadre de la procédure d’opposition, l’OHMI peut seulement prendre en compte la liste de produits demandés telle qu’elle découle de la demande de marque concernée, sous réserve des modifications éventuelles de cette dernière [arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Gillette/OHMI – Wilkinson Sword (RIGHT GUARD XTREME sport), T‑286/03, non publié au Recueil, point 33].

38      En effet, les modalités particulières de commercialisation des produits en cause, pouvant varier dans le temps et suivant la volonté des titulaires des marques, ne sont pas appropriées aux fins de l’analyse prospective du risque de confusion entre des marques (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/OHMI, C‑171/06 P, non publié au Recueil, point 59).

39      Est également inopérant l’argument de la requérante selon lequel les articles vendus par elle et l’intervenante sont situés dans un segment de prix moyen à supérieur. En effet, les prix auxquels la requérante et l’intervenante commercialisent des vêtements relèvent de la stratégie commerciale de ces entreprises et ne doivent donc pas être pris en considération lors de la définition du public pertinent qui doit se faire par rapport aux produits tels que décrits dans la liste des produits visés par les marques en cause.

40      Il y a donc lieu de rejeter comme inopérants ces arguments de la requérante, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur leur recevabilité qui est contestée par l’intervenante.

41      Il y a également lieu de rejeter l’argument de l’intervenante selon lequel il convient de prendre en considération le grand public dans toute l’Union. Certes, l’intervenante a également fondé son opposition sur le dépôt d’une demande de marque communautaire figurative (voir point 8 ci-dessus). Cependant, la chambre de recours s’étant limitée à l’examen d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque allemande antérieure, il y a lieu de limiter l’examen à la perception du consommateur allemand. La chambre de recours a pu à bon droit se limiter à examiner l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque allemande antérieure, car elle a fait droit à l’opposition sur la base de ce droit antérieur.

42      Quant au degré d’attention du public pertinent, la chambre de recours a considéré, au point 23 de la décision attaquée, qu’il n’était pas élevé. La requérante considère quant à elle que le degré d’attention du public pertinent est supérieur à la moyenne lors de l’achat des produits en cause.

43      L’intervenante souligne que la question du niveau d’attention du public pertinent est une question de fait. Elle estime que le Tribunal est lié par les faits tels que constatés par la chambre de recours, en soulignant que la requérante n’invoque pas une dénaturation des faits et des éléments de preuve sur lesquels repose la décision attaquée. L’intervenante cite à cet égard la jurisprudence de la Cour selon laquelle des appréciations factuelles du Tribunal ne constituent pas des questions de droit soumises, comme telles, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

44      Pourtant, cette limitation du contrôle exercé par la Cour dans le cadre d’un pourvoi, résultant de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour, ne s’applique pas aux procédures devant le Tribunal. S’il est vrai que les parties ne peuvent modifier, devant le Tribunal, le cadre factuel et juridique du litige devant la chambre de recours, le Tribunal n’est pas lié par les faits tels que constatés par la chambre de recours. La requérante peut donc contester devant le Tribunal l’appréciation du degré d’attention du public pertinent effectuée par la chambre de recours.

45      Quant à ce degré d’attention, il convient de relever, d’une part, que, les produits concernés relevant des classes 18 et 25 étant de grande consommation, fréquemment achetés et utilisés par le consommateur moyen, le degré d’attention lors de l’achat de ces produits ne sera pas supérieur à la moyenne [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 octobre 2009, Aldi Einkauf/OHMI – Goya Importaciones y Distribuciones (4 OUT Living), T‑307/08, non publié au Recueil, point 21].

46      D’autre part, il y a lieu de considérer que le degré d’attention du public n’est pas inférieur à la moyenne, parce que les produits en cause sont des articles de mode et que le consommateur consacre dès lors une certaine attention au choix de ceux-ci.

47      Il y a donc lieu de considérer que le degré d’attention du consommateur pertinent lors de l’achat des produits en cause est moyen.

48      Quant à l’argument de la requérante selon lequel les consommateurs sont particulièrement attentifs du fait qu’ils sont habitués à l’utilisation de nombreuses marques constituées de lettres stylisées, il convient de relever que cet argument ne concerne pas le degré d’attention du consommateur lors de l’achat de vêtements et d’articles de maroquinerie en général, mais la situation spécifique de produits désignés par des marques constituées de lettres stylisées. Cet argument concerne donc l’appréciation globale du risque de confusion et sera examiné aux points 114 à 115 ci-après.

 Sur la comparaison des produits

49      La chambre de recours a constaté à juste titre, sans être contredite sur ce point par la requérante, que les produits visés par la demande de marque étaient identiques à ceux couverts par la marque antérieure.

 Sur la comparaison des signes

50      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

51      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, point 50 supra, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, point 50 supra, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

52      En l’espèce, il convient d’analyser, dans un premier temps, la perception des signes en cause par le consommateur allemand.

–       Sur la marque antérieure

53      La chambre de recours a considéré, au point 10 de la décision attaquée, que la marque antérieure représentait la lettre « e » stylisée. La requérante conteste cette appréciation, en faisant valoir que la marque antérieure représente la lettre « c » stylisée.

54      Il convient de constater, à cet égard, que la marque antérieure permet plusieurs interprétations.

55      L’une des interprétations possibles est celle donnée par la requérante, à savoir qu’il s’agit de la lettre « c » stylisée. Ainsi que la requérante le souligne, cette interprétation du signe représentant la marque antérieure a également été retenue par la première chambre de recours de l’OHMI dans une décision du 7 mars 2007 (affaires jointes R 93/2006‑1 et R 309/2006‑1, points 61 et 64).

56      En outre, ainsi que la requérante le relève, dans une ordonnance du 5 décembre 2008 (affaire 30630076.1/25), relative à une procédure d’opposition concernant des signes identiques à ceux litigieux en l’espèce, le Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques) a également considéré que la marque allemande antérieure représentait la lettre « c ».

57      Une autre interprétation possible est celle retenue dans la décision attaquée, à savoir qu’il s’agit de la lettre « e » stylisée. Il y a lieu de considérer qu’une partie des consommateurs, notamment une partie de ceux qui n’ont pas l’habitude d’écrire la lettre « c » avec une boucle, interprètera la marque antérieure comme une représentation stylisée de la lettre « e ». Certes, la boucle présente dans la marque antérieure est plutôt petite pour la lettre « e ». Néanmoins, en tenant compte du fait qu’il s’agit d’une lettre sous une forme stylisée, il est possible d’interpréter cette boucle comme étant celle présente dans la lettre « e ».

58      Il est vrai, ainsi que la requérante l’a fait valoir lors de l’audience, que tout un chacun a une écriture différente et que cela n’empêche pas, en principe, les consommateurs de reconnaître dans les différentes écritures des lettres précises. Néanmoins, le fait que les consommateurs arrivent à lire un texte manuscrit s’explique pour partie par la circonstance que, dans un texte, la signification de nombreuses lettres peut être déduite de leur contexte. Cela n’empêche pas qu’il se peut qu’une lettre unique stylisée hors contexte permette plusieurs interprétations.

59      Il est également vrai que, dans sa décision du 7 mars 2007 (point 55 ci-dessus), la première chambre de recours de l’OHMI a interprété la marque antérieure comme représentant la lettre « c », sans considérer la possibilité qu’une partie du public visé pourrait l’interpréter comme la lettre « e » stylisée. À cet égard, il y a toutefois lieu de rappeler que la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base du règlement nº 207/2009, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de l’OHMI [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juillet 2004, Grupo El Prado Cervera/OHMI – Héritiers Debuschewitz (CHUFAFIT), T‑117/02, Rec. p. II‑2073, point 57].

60      Quant à l’ordonnance du Deutsches Patent- und Markenamt (point 56 ci-dessus), il convient de relever que la chambre de recours n’est pas liée par les décisions des autorités nationales en matière de marques, le système des marques communautaires étant un système autonome dont l’application est indépendante de tout système national (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec. p. I‑9375, points 65 et 71). Les décisions des autorités nationales concernant des oppositions ne constituent donc qu’un élément qui, sans être déterminant, peut seulement être pris en considération aux fins d’une décision sur une opposition contre l’enregistrement d’une marque communautaire [voir, en ce sens, arrêt Develey/OHMI, précité, point 72, et arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 58, et la jurisprudence citée].

61      Il est vrai que l’intervenante a elle-même souligné, dans son mémoire présentant les motifs de l’opposition du 10 avril 2007, que la marque antérieure consistait en la lettre « c » et faisait référence à sa marque CAMPUS dont les produits se vendaient bien, notamment, dans les secteurs des vêtements et de la maroquinerie.

62      Toutefois, il convient de relever qu’il appartient à l’OHMI et au Tribunal de déterminer la perception qu’a le public pertinent des signes en cause. La seule circonstance que l’intention de l’intervenante, en créant la marque antérieure, était de représenter la lettre « c » stylisée pour faire référence à sa marque CAMPUS, n’exclut pas qu’une partie du public pertinent ne discerne pas la lettre « c », mais la lettre « e » dans ladite marque.

63      Par ailleurs, c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé, au point 9 de la décision attaquée, qu’elle n’était pas liée par la circonstance que l’OHMI avait enregistré la marque communautaire demandée par l’intervenante (point 8 ci-dessus) en tant que lettre « c » dans sa base de données.

64      Certes, l’interprétation du signe antérieur que la chambre de recours a retenue au point 10 de la décision attaquée, à savoir qu’il s’agissait de la lettre « e » stylisée, ne constitue qu’une interprétation possible de ce signe. La chambre de recours a toutefois également examiné, aux points 15 et 16 de la décision attaquée, la similitude des signes en cause en partant de l’hypothèse qu’une partie du public visé interprèterait le signe antérieur comme étant la lettre « c ».

65      Enfin, il est également probable qu’une partie du public visé ne verra pas de lettre unique dans la marque antérieure. La chambre de recours a également examiné, aux points 15 et 16 de la décision attaquée, la similitude des signes en cause dans cette hypothèse.

66      S’il est vrai qu’il y a lieu de prendre en considération la perception du consommateur moyen des produits en cause, cela n’exclut pas que, dans le cas de signes qui permettent plusieurs interprétations, la perception de ces signes ne soit pas identique pour la totalité des consommateurs.

67      Il résulte de tout ce qui précède que la perception de la marque antérieure n’est pas identique pour la totalité du public visé.

–       Sur la marque demandée

68      S’agissant de la marque demandée, la requérante fait valoir que la lettre visible sur la poche de pantalon représente un « e » stylisé.

69      La chambre de recours a retenu cette interprétation au point 14 de la décision attaquée, tout en précisant, au point 15 de cette décision, qu’il n’était pas clair qu’il s’agissait bien d’une lettre et non d’un motif abstrait et, au cas où il s’agirait bien d’une lettre, qu’il ne pouvait pas s’agir de la lettre « c ». 

70      À cet égard, il y a lieu de constater que la marque demandée permet effectivement, tout comme la marque antérieure, plusieurs interprétations.

71      D’un côté, dans la marque demandée, la boucle couvre environ la moitié de la hauteur de l’arc dirigé vers la gauche, ce qui est caractéristique de la lettre « e » minuscule. D’un autre côté, une partie des consommateurs, notamment parmi ceux qui ont l’habitude d’écrire la lettre « c » avec une boucle décorative, pourra voir dans la lettre présente sur la poche de pantalon de la marque demandée une représentation de la lettre « c ». Certes, la boucle est plutôt grande pour une boucle décorative ; cela n’exclut pourtant pas qu’il puisse s’agir d’une boucle purement décorative, notamment dans la représentation d’une lettre sous une forme stylisée. Il convient de souligner à cet égard que le tracé de l’arc dirigé vers la gauche de la marque demandée est beaucoup plus épais que le tracé de la boucle, ce qui donne plus de poids à cet arc, caractéristique de la lettre « c », qu’à la boucle.

72      Il est également probable qu’une partie du public visé ne discernera pas de lettre unique dans la marque demandée, mais la considérera comme un motif abstrait.

73      Quant aux éléments distinctifs et dominants de la marque demandée, la chambre de recours a relevé, au point 11 de la décision attaquée, que l’élément distinctif et dominant de celle-ci était l’élément constituant une lettre. Elle a considéré que la représentation stylisée du contour d’une poche de pantalon était dépourvue de tout caractère distinctif pour les produits en cause et qu’il s’agissait uniquement du contour d’une poche sur laquelle était appliqué le signe à proprement parler. Par ailleurs, selon la chambre de recours, la forme de la poche de pantalon est une forme géométrique simple et banale.

74      L’argumentation de la requérante selon laquelle la représentation du contour d’une poche de pantalon doit également être prise en considération ne saurait convaincre. En effet, la poche de pantalon reproduite dans la marque demandée constitue une simple variante de la forme de base d’une poche de pantalon. Un examen attentif du signe est nécessaire pour constater que le tracé de la double couture n’est pas parallèle. Ainsi que la chambre de recours l’a relevé, il s’agit uniquement du contour d’une poche sur laquelle est appliqué le signe à proprement parler.

75      La requérante fait également valoir que la ligne horizontale ondulée présente sur la poche de pantalon doit être prise en considération. Il convient de relever que la chambre de recours ne s’est pas explicitement prononcée sur cette ligne. Elle a implicitement considéré qu’il s’agissait d’un élément négligeable dans l’impression d’ensemble produite par la marque demandée.

76      Il y a lieu de souscrire à cette considération de la chambre de recours. En effet, la ligne horizontale ondulée est un élément peu visible dans la marque demandée. Elle est beaucoup moins épaisse que la ligne constituant la lettre. Il s’agit d’un élément négligeable qui donne l’impression d’être placé à l’arrière-plan.

77      Ce constat n’est pas remis en cause par l’argumentation soulevée par la requérante qui fait valoir que, dans le secteur des vêtements et tout particulièrement s’agissant des motifs de poches de pantalons, le public pertinent a l’habitude de prêter attention aux coutures décoratives horizontales en tant qu’indications de l’origine. La requérante a présenté, devant l’OHMI, des exemples de marques enregistrées consistant en la représentation de poches de pantalon avec une couture décorative horizontale ou de coutures décoratives horizontales sans autre élément. Il convient toutefois de relever qu’aucune des coutures décoratives dans ces exemples n’est comparable à la ligne horizontale présente dans la marque demandée. En effet, aucun de ces exemples ne contient la représentation d’une ligne qui est peu visible, comme celle de la marque demandée. Il en va de même de l’exemple présenté par la requérante pour la première fois devant le Tribunal au point 40 de la requête, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité.

78      Par ailleurs, pour déterminer les éventuels éléments dominants d’un signe, il convient de prendre en considération le poids relatif des différents éléments constituant ce signe. En l’espèce, la ligne horizontale passe au second plan par rapport à la représentation de la lettre dont le tracé est beaucoup plus épais.

79      Il convient de constater que, en l’espèce, la représentation du contour d’une poche de pantalon ainsi que la ligne horizontale ondulée sont des éléments tout à fait négligeables dans l’impression d’ensemble produite par la marque demandée, de sorte qu’il y a lieu de se limiter à prendre en considération l’élément de la marque demandée constitué de la représentation d’une lettre lors de l’examen de la similitude entre les marques en cause.

80      Ce résultat n’est pas remis en cause par l’arrêt de la Cour du 6 octobre 2005, Medion (C‑120/04, Rec. p. I‑8551), invoqué par la requérante. Au point 34 de cet arrêt, la Cour s’est bornée à donner quelques exemples de situations dans lesquelles un élément d’une marque complexe pouvait dominer l’impression d’ensemble produite par cette marque. Dans cet arrêt, la Cour n’a toutefois pas énuméré d’une manière exhaustive toutes les situations dans lesquelles un élément d’une marque complexe pouvait être considéré comme dominant.

–       Sur la position de la chambre de recours selon laquelle le public interprétera les deux signes comme représentant la même lettre

81      Il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours au point 15 de la décision attaquée, on ne saurait affirmer de manière générale que la totalité des consommateurs interprétant la marque antérieure comme une représentation stylisée de la lettre « c » feront de même s’agissant de la marque demandée. De même, on ne saurait affirmer de manière générale que la totalité des consommateurs identifiant la marque demandée comme une représentation de la lettre « e » feront de même s’agissant de la marque antérieure. En effet, la boucle se trouvant en haut de la marque demandée est beaucoup plus grande que celle se situant en haut de la marque antérieure. Ainsi, une partie du public visé interprétera la marque antérieure comme représentant la lettre « c » et la marque demandée comme représentant la lettre « e ».

82      Néanmoins, le constat de la chambre de recours selon lequel les signes en cause seront perçus comme la représentation de la même lettre reste valable pour une partie du public visé. En effet, vu le fait que les deux signes permettent plusieurs interprétations, une partie du public considérera les deux signes comme représentant la lettre « c », et une autre partie considérera les deux signes comme représentant la lettre « e ». Une autre partie du public visé interprétera l’un des signes ou les deux signes non comme la représentation stylisée de lettres, mais comme des motifs abstraits.

–       Sur la similitude visuelle

83      La chambre de recours a considéré que les deux signes représentaient une lettre « e » minuscule « présentant une ligne courbe en haut à gauche telle qu’elle constitue l’œil typique d’un ‘e’ minuscule et une ligne courbe qui s’étend en bas vers la droite ». La chambre de recours a en outre considéré que « [c]ertaines différences apparaiss[aient] au niveau de la longueur de ces arabesques et de la taille de l’œil » et qu’il « n’en rest[ait] pas moins que les deux lettres, considérées chacune dans son ensemble, rest[aient], telles qu’elles se présent[aient] en lignes courbes, similaires sur le plan visuel ».

84      Par ailleurs, comme indiqué au point 16 ci-dessus, elle a relevé qu’il n’était clair dans aucun des signes qu’il s’agissait d’une lettre et, dans l’affirmative, qu’il ne pouvait pas s’agir de la lettre « c ». Selon la chambre de recours, cette incertitude ne remet pas en cause la similitude visuelle entre les signes et le degré qu’elle prend.

85      La chambre de recours a conclu à l’existence d’une similitude visuelle moyenne entre les signes en cause.

86      La requérante estime que les signes en cause ne sont pas visuellement similaires.

87      Ainsi qu’il a été constaté au point 79 ci-dessus, il y a lieu de se limiter à prendre en considération l’élément de la marque demandée constitué de la représentation d’une lettre lors de l’examen de la similitude entre les marques en cause.

88      Cet élément de la marque demandé et la marque antérieure présentent des traits communs. Ainsi, les deux signes disposent d’un arc dirigé vers la gauche. Le tracé de cet arc est plus épais au milieu. En outre, les deux signes possèdent une boucle en haut et une ouverture en biais vers la droite et vers le haut.

89      Il convient de relever que les arcs dirigés vers la gauche présents dans les deux signes, qui possèdent des tracés plus épais que les autres éléments de ces signes et qui revêtent donc une importance particulière dans l’impression visuelle d’ensemble produite par ceux-ci, sont fortement similaires.

90      Il existe des différences entre les signes au niveau de la taille de la boucle qui est plus grande dans la marque demandée. En outre, cette dernière est plus étirée dans le sens de la largeur et possède de longs traits de liaison qui sont absents dans la marque antérieure.

91      Malgré les différences existant entre les deux signes, ceux-ci doivent être considérés comme moyennement similaires d’un point de vue visuel, eu égard aux similitudes relevées aux points 88 et 89 ci-dessus.

92      Ce résultat n’est pas remis en cause par la circonstance, soulignée par la requérante, que les signes en cause ont été classés différemment en vertu de l’arrangement de Vienne instituant la classification internationale des éléments figuratifs des marques, du 12 juin 1973, tel que modifié. En effet, le classement dans le cadre de la classification de Vienne est effectué à des fins exclusivement administratives [arrêt du Tribunal du 5 novembre 2008, Calzaturificio Frau/OHMI – Camper (Représentation d’un arc stylisé avec surface pleine), T‑304/07, non publié au Recueil, point 39].

–       Sur la similitude phonétique

93      La chambre de recours a considéré, au point 16 de la décision attaquée, que les signes en cause étaient phonétiquement identiques en ce qu’ils seraient prononcés comme la lettre « e ». Selon elle, les signes sont également identiques dans l’hypothèse où une partie des consommateurs prononcerait la marque antérieure comme la lettre « c », puisque ces consommateurs prononceraient la marque demandée de la même manière. Pour les consommateurs qui ne discerneraient pas de lettre, la comparaison phonétique serait dépourvue de pertinence puisque impossible.

94      À cet égard, il convient de relever que, effectivement, dans la perception d’une partie du public pertinent, les signes sont phonétiquement identiques, à savoir pour les consommateurs qui interprètent les deux signes comme étant la lettre « e » stylisée et pour ceux qui interprètent les deux signes comme étant la lettre « c » stylisée.

95      Pour le groupe de consommateurs allemands qui considère la marque antérieure comme la lettre « c » stylisée et la marque demandée comme la lettre « e » stylisée, il n’existe pas de similitude phonétique entre les signes. En effet, ces consommateurs prononceront la marque antérieure [tseː] et la marque demandée [eː], selon l’écriture phonétique internationale. Le sifflement dont s’accompagne la prononciation de la lettre « c » en allemand ne peut passer inaperçu. S’il est vrai que la prononciation de ces deux lettres a en commun l’élément « [eː] », il convient de relever qu’il existe plusieurs consonnes auxquelles cet élément est ajouté quand elles sont prononcées en tant que lettre unique en allemand, à savoir les consonnes « b », « d », « g », « p », « t » et « w ». L’élément « [eː] » étant exclusivement perçu comme un ajout afin de rendre plus facile la prononciation des consonnes respectives, il ne saurait être admis que les consonnes « b », « c », « d », « g », « p », « t » et « w », d’une part, et la voyelle « e », d’autre part, sont phonétiquement similaires.

96      Enfin, pour les groupes des consommateurs qui interprètent au moins l’un des signes comme un motif abstrait et non comme la représentation d’une lettre, la comparaison phonétique n’est pas pertinente.

97      Il résulte de ce qui précède que, pour une partie du public concerné, les signes en conflit sont phonétiquement identiques, pour une autre partie, ils sont phonétiquement différents, et pour une autre partie, une comparaison phonétique n’est pas pertinente, puisque impossible.

–       Sur la similitude conceptuelle

98      La chambre de recours a relevé, au point 18 de la décision attaquée, que la comparaison conceptuelle était neutre.

99      Il convient toutefois de relever que, pour la partie du public visé qui interprète les deux signes comme la lettre « e » ainsi que pour la partie du public visé qui interprète les deux signes comme la lettre « c », les signes en cause sont conceptuellement identiques car ils renvoient à la même lettre de l’alphabet [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 mai 2011, Emram/OHMI – Guccio Gucci (G), T‑187/10, non publié au Recueil, point 60].

100    Pour la partie du public visé qui interprète les signes en cause comme des lettres différentes, ces signes sont conceptuellement différents. Il en va de même pour la partie du public qui interprète l’un des signes en conflit comme une lettre et l’autre comme un motif abstrait.

101    Enfin, pour la partie du public visé qui ne voit pas de lettre dans les deux signes, la comparaison conceptuelle est neutre car, pour ces consommateurs, aucun des signes n’a de contenu sémantique.

 Sur le risque de confusion

102    Le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 22).

103    L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

104    La chambre de recours a souligné que, en l’espèce, la comparaison visuelle des signes revêtait une plus grande importance que la comparaison phonétique dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, car les produits en cause s’achèteraient normalement uniquement à vue. Tout en considérant que le caractère distinctif de la marque antérieure était inférieur à la moyenne, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion qui résulterait de la similitude de l’impression visuelle d’ensemble produite par chacune des marques.

105    La requérante estime qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les signes en conflit. Elle fait valoir que les associations que les signes en conflit suscitent dans l’esprit du public contribuent à différencier ces signes. Selon elle, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure est faible et le caractère distinctif a en outre été affaibli par l’utilisation de signes tiers. Elle estime que l’étendue de la protection de la marque antérieure doit être définie de manière très étroite.

106    Il convient de constater, tout d’abord, que c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé que la comparaison visuelle revêtait une plus grande importance dans l’appréciation d’ensemble du risque de confusion. En effet, le choix des vêtements se fait, généralement, de manière visuelle [arrêts du Tribunal du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, Rec. p. II‑3471, point 50, et du 7 mai 2009, NHL Enterprises/OHMI – Glory & Pompea (LA KINGS), T‑414/05, non publié au Recueil, point 73]. Il en va de même s’agissant des articles de maroquinerie.

107    En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, les signes en cause sont moyennement similaires visuellement. En outre, pour une partie du public visé, à savoir les consommateurs qui interprètent les deux signes comme représentant la même lettre, les signes sont phonétiquement et conceptuellement identiques.

108    Il y a lieu de considérer que, en l’espèce, au vu de l’identité des produits, la similitude entre les marques, en particulier la similitude visuelle moyenne, conduit à un risque de confusion.

109    S’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle la marque antérieure a un faible caractère distinctif intrinsèque et selon laquelle celui-ci a encore été affaibli par l’utilisation de signes tiers, il convient de relever ce qui suit.

110    La chambre de recours a elle-même estimé que le caractère distinctif de la marque antérieure était inférieur à la moyenne et elle a malgré cela conclu à l’existence d’un risque de confusion.

111    Il convient toutefois de relever que ni la division d’opposition ni la chambre de recours ne se sont prononcées sur l’argumentation de la requérante, présentée lors de la procédure administrative, selon laquelle le caractère distinctif de la marque antérieure aurait encore été affaibli par l’utilisation de signes tiers.

112    Cette omission n’était toutefois pas de nature a influencer le résultat de l’appréciation de la chambre de recours, car, à supposer que la marque antérieure possède un caractère distinctif intrinsèque faible et que ce caractère distinctif soit encore affaibli par l’utilisation de signes tiers, cela ne remettrait pas en cause, dans les circonstances de l’espèce, l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

113    En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion [voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 70, et la jurisprudence citée].

114    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, dans le secteur de l’habillement, le public concerné est habitué à regarder attentivement des marques constituées de lettres stylisées et à être attentif aux détails, il convient de relever, tout d’abord, que l’argument de l’intervenante, selon laquelle cet argument serait irrecevable car il aurait été présenté pour la première fois devant le Tribunal, manque en fait. En effet, la requérante a fait valoir, dans son mémoire du 8 octobre 2007 devant la division d’opposition, que vu l’existence d’un grand nombre de signes tiers antérieurs utilisant l’élément « c » pour des produits identiques ou similaires, le public pertinent était habitué à l’existence d’un grand nombre de tels signes et qu’il prêtait attention même à de petites différences entre ces signes. Elle a réitéré cette argumentation dans son mémoire du 29 janvier 2009 devant la chambre de recours. Il ne s’agit donc en réalité pas d’un argument nouveau.

115    Sur le fond, il convient de relever que cet argument de la requérante ne peut pas remettre en cause le constat d’un risque de confusion en l’espèce. En effet, le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire [voir arrêt du Tribunal du 21 avril 2010, Peek & Cloppenburg et van Graaf/OHMI – Queen Sirikit Institute of Sericulture (Thai Silk), T‑361/08, non encore publié au Recueil, point 51, et la jurisprudence citée]. La circonstance que le public pertinent regarde des marques constituées de lettres uniques stylisées plus attentivement que d’autres signes, à la supposer établie, ne remet pas en cause le fait que, en l’espèce, la marque demandée peut être confondue avec la marque antérieure en raison de la similitude des signes et de l’identité des produits.

116    La requérante fonde également son argumentation selon laquelle il n’existe pas de risque de confusion entre les signes en conflit sur la circonstance que, selon elle, lesdits signes représentent des lettres différentes, à savoir la lettre « c » pour la marque antérieure et la lettre « e » pour la marque demandée.

117    À cet égard, il convient de rappeler que chacun des deux signes permet plusieurs interprétations.

118    En l’espèce, il y a lieu de considérer que, parmi le public visé, il existe plusieurs groupes non négligeables de consommateurs, à savoir ceux qui interprètent la marque antérieure comme la lettre « c » et la marque demandée comme la lettre « e », ceux qui interprètent les deux signes comme la lettre « e », ceux qui interprètent les deux signes comme la lettre « c », ceux qui interprètent l’un des signes comme un motif abstrait et l’autre signe comme une des lettres « c » ou « e » et ceux qui interprètent les deux signes comme un motif abstrait.

119    Dans une telle situation, il suffit qu’il existe un risque de confusion pour l’un de ces groupes non négligeables.

120    À supposer que la partie du public visé qui interprète la marque antérieure comme la lettre « c » et la marque demandée comme la lettre « e » ne les confondent pas, il n’en reste pas moins qu’il existe un risque de confusion pour la partie du public visé qui interprète les deux signes comme représentant la même lettre et pour la partie du public qui considère les deux signes comme des motifs abstraits. Afin de constater l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, il n’est pas nécessaire de constater que ce risque existe pour la totalité du public visé (voir, en ce sens, arrêt RESPICUR, point 32 supra, points 73 et 74.)

121    Le constat d’un risque de confusion pour ces groupes non négligeables de consommateurs étant suffisant pour accueillir l’opposition, il n’y a pas lieu d’annuler la décision attaquée au seul motif que la chambre de recours a, à tort, considéré que la totalité du public visé interpréterait soit les deux signes comme représentant la même lettre, soit ces deux signes comme représentant des motifs abstraits. En effet, cette erreur commise par la chambre de recours n’a pas influencé le résultat.

122    Le résultat n’est pas non plus remis en cause par les autres arguments avancés par la requérante.

123    Celle-ci fait valoir que les associations que les signes en conflit suscitent dans l’esprit du public concerné contribuent à différencier ces signes.

124    À cet égard, la requérante soutient, en citant l’argumentation de l’intervenante dans une autre procédure devant l’OHMI, qu’une partie importante du public concerné reconnaîtra que la lettre « c » de la marque antérieure renvoie à la marque CAMPUS de l’intervenante qui serait bien introduite, surtout dans le secteur des vêtements.

125    La requérante fait en outre valoir que ce même public reconnaîtra la marque demandée et la lettre qu’elle comporte comme une indication de l’origine de la requérante. Elle souligne que, selon un sondage qu’elle produit en annexe 24 à la requête, plus de 90 % du public pertinent en Allemagne connaît la marque ESPRIT.

126    Il convient toutefois de relever que la citation de l’argumentation de l’intervenante dans une autre affaire n’est pas de nature à démontrer qu’une partie importante du public concerné reconnaîtra la marque antérieure comme faisant référence à la ligne de vêtements CAMPUS de l’intervenante. La requérante souligne elle-même que l’intervenante n’a pas affirmé ni établi que la marque antérieure était renommée.

127    Par ailleurs, le résultat d’un sondage sur la connaissance qu’a le public de la marque verbale ESPRIT, outre le fait qu’il n’a pas été présenté lors de la procédure devant l’OHMI et est donc irrecevable (voir point 27 ci-dessus), n’est pas de nature à démontrer que le public percevra la marque demandée comme faisant référence à cette marque verbale.

128    Enfin, la circonstance que le Deutsches Patent- und Markenamt a conclu à l’absence de risque de confusion entre deux signes identiques à ceux en cause en l’espèce, dans son ordonnance du 5 décembre 2008 (point 56 ci-dessus), n’est pas non plus de nature à remettre en cause ce résultat. En effet, aucune disposition du règlement n° 207/2009 n’oblige l’OHMI ou, sur recours, le Tribunal, à parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les autorités nationales dans une situation similaire (voir arrêt G, point 99 supra, point 76, et la jurisprudence citée).

 Sur les dépens

129    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

130    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Esprit International LP est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 novembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.