Language of document : ECLI:EU:T:2016:598

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

5 octobre 2016 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Agent contractuel – Contrat à durée déterminée – Résiliation – Rupture du lien de confiance – Droit d’être entendu »

Dans l’affaire T‑395/15 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 29 avril 2015, CJ/ECDC (F‑159/12 et F‑161/12, EU:F:2015:38), et tendant à l’annulation partielle de cet arrêt,

Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), représenté par Mmes J. Mannheim et A. Daume, en qualité d’agents, assistées de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

CJ, demeurant à Agios Stefanos (Grèce), représenté par Me V. Kolias, avocat,

partie demanderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, S. Papasavvas et S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 29 avril 2015, CJ/ECDC (F‑159/12 et F‑161/12, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2015:38), par lequel celui-ci a partiellement fait droit au recours dans l’affaire F‑159/12 en annulant la décision du 24 février 2012 du directeur de l’ECDC portant résiliation du contrat d’agent contractuel de CJ (ci-après la « décision litigieuse »).

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits à l’origine du litige sont énoncés aux points 6 à 54 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« 6      Le requérant a été recruté le 1er janvier 2010 en tant qu’agent contractuel dans le groupe de fonctions IV, grade 14, au sein de la section ‟Affaires juridiques et marchés publics” (ci-après le ‟service juridique”) de l’unité ‟Gestion des ressources et coordination” de l’ECDC, en tant qu’‟assistant juridique”, pour une durée de cinq ans.

7      Compte tenu de sa charge de travail, courant août 2011, le requérant a convenu avec Mme A, le chef de l’unité ‟Gestion des ressources et coordination” qui faisait à l’époque fonction de chef du service juridique, qu’il ne devait pas travailler sur plus de 30 dossiers simultanément.

8      Le 1er novembre 2011, Mme B a pris ses fonctions en tant que chef du service juridique, devenant ainsi le supérieur hiérarchique direct du requérant.

9      Au moment de la prise de fonctions de Mme B, le requérant bénéficiait d’un congé annuel qui devait prendre fin le 8 novembre 2011. Ce congé a été prolongé, à la demande du requérant, jusqu’au 18 novembre 2011.

10      Par courriel du 8 novembre 2011, Mme B a demandé au requérant de lui transmettre un ‟bref résumé écritˮ des dossiers sur lesquels il travaillait, en précisant les questions qu’il estimait être les plus importantes. Mme B ajoutait qu’elle savait que le requérant était en congé annuel, mais qu’il était important pour elle d’avoir un aperçu complet des dossiers en cours de traitement par le service.

11      Le requérant a répondu par un courriel du 9 novembre 2011, à 10 h 29, en demandant à Mme B si Mme A ne lui avait ‟pas remis officiellement ce dont elle disposait en tant que chef [du service juridique] faisant fonction, y compris les résumés écrits qu[’il] lui a[vait] remis et dont [il] a[vait] discuté avec elle juste avant [s]on départ en vacances à la mi-octobre […]ˮ, et en se disant prêt à renvoyer lesdits résumés, si tel n’avait pas été le cas.

12      Après être revenu pour deux jours au bureau, le requérant a été en congé de maladie du 23 novembre au 12 décembre 2011.

13      Dans un courriel du 14 décembre 2011, envoyé au requérant à 12 h 07, Mme B, premièrement, a indiqué qu’elle avait reçu une liste des affaires attribuées au requérant, préparée par ce dernier en septembre 2011 pour Mme A. Deuxièmement, elle a affirmé avoir compris que, à l’époque, le requérant ne se sentait pas en mesure d’accepter des tâches supplémentaires en raison de sa charge de travail. Troisièmement, elle a indiqué qu’il était prioritaire d’examiner en détail l’état des affaires dont le requérant était en charge et lui a demandé de ‟mettre à jour [sa] liste de tâches en cours en proposant, pour chaque tâche, un classement dans une des catégories suivantes : dormant, urgent avec ‘gains rapidesʼ, urgent et important […], important mais pas urgent, en cours […]ˮ.

14      Le jour même, à 14 h 40, le requérant a répondu à Mme B par courriel qu’il supposait qu’elle n’avait pas reçu une ‟note de passation des responsabilitésˮ détaillée et formelle de la part de Mme A, en précisant qu’il avait convenu avec cette dernière ‟au mois d’août [2011] qu’[il] ne devrai[t] pas traiter plus de 30 dossiers […]ˮ. En outre, il faisait part de ce qu’il avait près de 50 dossiers : une dizaine d’entre eux seulement requéraient, pour être clôturés, une discussion finale avec Mme B. Au vu de ces circonstances, il estimait ne pas pouvoir être chargé d’autres dossiers. Le requérant a joint à ce courriel une liste des dossiers en cours, mentionnant les dossiers actifs et ceux en suspens.

15      Par courriel envoyé le 15 décembre 2011 à 10 h 10, Mme B a assuré le requérant de ce que la question de sa charge de travail avait bien été abordée avec Mme A. En outre, après avoir observé que la liste des dossiers en cours avait été rédigée en ‟août/septembre [2011]ˮ, elle a fait valoir que ladite liste devait être revue et mise à jour. Elle lui a demandé de supprimer de cette liste les dossiers en suspens et de classer les autres selon les instructions précédemment données.

16      Ce même jour, à 10 h 46, le requérant a répondu en rappelant à nouveau les termes de l’accord conclu avec Mme A et en insistant sur sa demande de ne pas se voir confier d’autres tâches, puisque le maximum convenu avait été dépassé. En outre, il demandait les raisons pour lesquelles Mme B souhaitait que les dossiers en suspens soient retirés de la liste qu’il avait préparée, en affirmant que de toute façon ces dossiers n’affectaient pas le nombre maximal de dossiers qu’il pouvait traiter. En outre, il demandait des explications sur la présentation de la liste requise par Mme B, en affirmant que la présentation actuelle avait toujours satisfait sa hiérarchie.

17      Toujours le 15 décembre 2011, Mme B a répondu par un courriel envoyé à 15 h 06 que, afin d’apprécier la charge de travail du requérant, elle avait besoin d’une liste des dossiers qu’il était en train de traiter assortie de brefs commentaires concernant l’état dans lequel ils se trouvaient. Elle ajoutait que, bien que le ‟plafond de 30 dossiersˮ ait pu se justifier en août 2011, ce nombre devait être réévalué et établi en tenant compte des ressources disponibles.

18      Le 16 décembre 2011, le requérant a envoyé plusieurs courriels à Mme B lui demandant des renseignements concernant un agent intérimaire qui aurait été recruté par l’ECDC. Selon le requérant, ces renseignements lui auraient permis d’apprécier s’il y avait eu des irrégularités dans ce recrutement.

19      Ce même jour, Mme A a envoyé à Mme B un courriel lui confirmant que le plafond de 30 dossiers précédemment fixé n’était plus d’actualité et que, désormais, seule Mme B avait la tâche d’évaluer et de fixer la charge de travail du requérant.

20      Par courriel du 21 décembre 2011 à 12 h 39, Mme B a reproché au requérant d’avoir refusé, lors d’une brève rencontre qui avait eu lieu ce même jour, de prendre en charge le suivi de huit dossiers qui lui avaient été attribués, comportement qu’elle a qualifié de ‟violation des devoirs envers [elle] en tant que supérieur hiérarchique et [envers l’ECDC] dans son ensembleˮ. En outre, par un courriel envoyé à 12 h 46, elle a convoqué le requérant pour une réunion le même jour à 15 h 00, en présence de Mme C, chef de la section ‟Ressources humainesˮ de l’unité ‟Gestion des ressources et coordinationˮ.

21      Par courriel envoyé à 14 h 19, le requérant a répondu à Mme B qu’il avait ‟réservé [s]on calendrier de 13 h 30 à 16 h 30ˮ pour rédiger un rapport, au sens de l’article 22 bis du statut, pour le directeur de l’ECDC (ci-après le ‟directeurˮ), concernant l’engagement d’un agent intérimaire, et que de ce fait il n’aurait pas le temps de participer à une réunion avant 16 h 45. Il lui demandait en tout état de cause de reporter la réunion au lendemain, vu que, en considération de sa récente maladie, il préférait ne pas rester trop tard au bureau. En outre, le requérant soulevait des objections à la participation de Mme C à cette réunion.

22      Ce même 21 décembre 2011, le requérant a participé à une réunion à 17 h 00 avec le directeur, Mme A, Mme B et Mme C. Il ressort du compte rendu de cette réunion que Mme A a confirmé que l’accord du mois d’août 2011 avec le requérant sur son plafond de dossiers n’avait plus de raison d’être depuis la nomination de Mme B comme chef du service juridique et que cette dernière était la seule responsable pour la délégation et l’assignation de tâches au requérant. Au cours de cette réunion, le directeur a confirmé les propos de Mme A.

23      Par courriel du 22 décembre 2011, le requérant a informé le directeur que, à son avis, des irrégularités avaient été commises dans le recrutement d’un agent intérimaire. Suite à cette information, le directeur a saisi l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) de la question.

24      Par courriel du 3 janvier 2012 adressé à Mme B, le requérant a demandé à être relevé de manière permanente du traitement des dossiers concernant la protection des données.

25      Le 8 janvier 2012, le requérant a adressé un courriel à Mme A en lui demandant, en application de l’article 21 bis, paragraphe 1, du statut, de lui confirmer si certaines tâches qui lui avaient été attribuées par Mme B étaient ‟compatibles avec sa position de juriste”. Le lendemain, Mme A a répondu que, lors de la réunion tenue le 21 décembre 2011, elle et le directeur avaient clairement affirmé qu’il revenait à Mme B, en tant que son supérieur hiérarchique, de lui attribuer les tâches à exécuter. En l’espèce, selon Mme A, il n’y avait aucune irrégularité dans l’attribution des tâches que le requérant contestait.

26      Le 10 janvier 2012, le requérant et Mme B ont eu une nouvelle réunion en présence de Mme D, agent en charge des politiques et du soutien au sein de la section ‟Ressources humainesˮ, chargée d’établir le procès-verbal de cette réunion, et de M. E, membre du comité du personnel, en tant que témoin. Il ressort du procès-verbal de cette réunion que Mme B a reproché au requérant d’avoir systématiquement refusé d’exécuter les tâches qu’elle lui confiait, de ne pas suivre ses instructions et de se concentrer sur la rédaction d’innombrables courriels la critiquant constamment plutôt que sur la solution des problèmes liés à son travail. De son côté, le requérant a répondu que les instructions qui lui avaient été données par Mme B étaient inappropriées ou non adaptées pour un juriste.

27      Toujours le 10 janvier 2012, le requérant a adressé au directeur une demande tendant à faire ‟reconnaître, cesser et empêcher le harcèlement psychologique” dont il s’estimait victime de la part de Mme B.

28      Le 11 janvier 2012, le directeur a ouvert une enquête administrative au titre de l’article 2 de l’annexe IX du statut concernant les accusations de non-respect des obligations découlant des articles 21 et 21 bis du statut portées par Mme B à l’égard du requérant (ci-après l’‟enquête sur des accusations d’insubordination”) et en a informé le requérant par courriel du 12 janvier 2012.

29       L’enquête sur des accusations d’insubordination a été confiée à M. F, chef de l’unité ‟Capacité d’action en santé publique et communication”. Elle a été diligentée du 12 au 24 janvier 2012. M. F a rencontré le requérant, dans le cadre de l’enquête, le 13 janvier 2012.

30       Le 17 janvier 2012, le directeur a informé le requérant de l’ouverture d’une enquête faisant suite à sa demande de faire ‟reconnaître, cesser et empêcher le harcèlement psychologiqueˮ dont il s’estimait victime de la part de Mme B (ci-après l’‟enquête sur des allégations de harcèlement”).

31      Par courriel du 23 janvier 2012 à 23 h 39, M. F a transmis au requérant une première version du projet de rapport de l’enquête sur des accusations d’insubordination, en lui demandant de préciser s’il contestait les faits tels qu’exposés dans ledit projet. En outre, M. F indiquait au requérant qu’il pourrait faire à un stade ultérieur des observations sur la sélection des faits y présentée, à savoir après la finalisation du rapport.

32       Le 24 janvier 2012, par courriel envoyé à 17 h 39, M. F a transmis au requérant une version révisée du projet de rapport de l’enquête sur des accusations d’insubordination, en lui demandant de présenter ses observations pour le 26 janvier 2012 à midi. Le requérant a fait savoir à M. F, par courriel du même jour, qu’il était en mesure de présenter ses observations sur la partie ‟Faits” pour le 30 janvier 2012 à midi, mais qu’il avait besoin de plus de temps pour présenter des observations sur les parties ‟Résumé” et ‟Conclusions” du projet de rapport.

33       Par courriel du 25 janvier 2012, M. F a répondu au requérant que, comme le délai pour déposer son rapport d’enquête expirait le lendemain et que celui-ci n’était pas en mesure de lui transmettre ‟une réponse plus détailléeˮ pour cette date, il allait transmettre le rapport d’enquête au directeur. En outre, M. F invitait le requérant à présenter ses observations directement au directeur. Le requérant a répondu à M. F qu’il allait effectivement attendre que le directeur l’invite à présenter d’éventuelles observations concernant le rapport de l’enquête sur des accusations d’insubordination.

34       Ce même 25 janvier 2012, Mme B a envoyé un courriel au requérant dans lequel elle lui reprochait plusieurs agissements. En particulier, Mme B faisait observer qu’elle lui avait demandé d’imprimer certains documents en préparation d’une réunion, qui avait eu lieu le même jour, mais que le requérant n’avait pas donné suite à cette instruction et s’était présenté à la réunion sans les documents imprimés requis et en refusant de les imprimer.

35       Par courriel du 26 janvier 2012 à 7 h 29, le requérant s’est justifié en expliquant à Mme B qu’il lui avait déjà envoyé ces documents par courriels et qu’il estimait qu’‟imprimer […] des documents qui [étaient] déjà à [sa] disposition [n’était pas] […] une tâche adaptée à un juriste, mais plutôt à [elle], à [sa] secrétaire ou [son] assistant […]ˮ, et qu’il considérait par conséquent cette instruction illégale.

36       Le 26 janvier 2012, M. F a remis au directeur la version définitive du rapport de l’enquête sur des accusations d’insubordination (ci-après le ‟rapport final sur l’insubordination”). Dans ses conclusions, l’enquêteur indiquait être d’avis que le requérant avait violé les articles 21 et 21 bis du statut et qu’il y avait des éléments suffisants pour diligenter une procédure disciplinaire sur le fondement de l’article 3 de l’annexe IX du statut. En particulier, M. F constatait, premièrement, l’existence d’une ‟méfiance profonde et mutuelle entre [le requérant] et [son supérieur hiérarchique] qui rend[ait], en pratique, impossible une relation de travail quotidienne normale entre eux [et que l]a vitesse à laquelle cette situation s’[était] installée [était] frappante”. Deuxièmement, il concluait qu’‟en violation de l’article 21 du statut, des instructions claires et répétées de [Mme B] au [requérant] n’[avaient] pas été suivies et [que] les délais donnés n’[avaient] pas été respectésˮ. Troisièmement, il mettait en exergue que ‟[Mme B] a[vait] signifié clairement que le refus d’exécuter les tâches attribuées pourrait avoir des conséquences [et que le requérant] a[vait] argumenté longuement quant au fait que les tâches attribuées pourraient ne pas avoir été appropriées, adaptées ou raisonnables”. Quatrièmement, il concluait que ‟les deux intéressés [n’étaient pas d’accord] sur ce qui constitu[ait] une charge de travail raisonnable et des tâches adaptées à un juriste[ ; d]ans ce contexte, [le requérant] a[vait] mis en doute la compétence de [Mme B] pour les matières ayant trait à la protection des données, son expérience en matière de management et sa capacité à le superviser correctement”.

37       Par un courriel du 27 janvier 2012, Mme B a critiqué une liste préparée par le requérant concernant les tâches sur lesquelles il était en train de travailler, au motif que certaines des tâches ne demandaient plus aucune action de la part du requérant et n’auraient donc pas dû figurer sur cette liste. Dans le même courriel, elle demandait au requérant de tenir un journal de ses activités, en mentionnant dans le détail le temps passé pour s’acquitter de chaque tâche qui lui était confiée.

38       Par courriel du 31 janvier 2012, le requérant a contesté les observations de Mme B sur les tâches qu’il devait exécuter et a affirmé que la demande de tenir un journal de ses activités était ‟manifestement illégale” et qu’elle faisait suite à ‟une série d’ordres également illégauxˮ. Le requérant a écrit, le même jour, à Mme A pour lui demander si elle confirmait cette demande, ainsi que l’instruction d’‟imprimer des documents […] déjà envoyés par courriel”, en considérant que ces deux instructions étaient illégales et non adaptées à ses fonctions.

39       Par courriel adressé au requérant le 2 février 2012, Mme A a confirmé les instructions de Mme B en ces termes : ‟[…] je ne vois rien d’‘illégal’ ou de ‘manifestement inadapté’ à vos fonctions dans sa demande ; au contraire, il est normal pour un supérieur hiérarchique d’attendre de ses subordonnés que ceux-ci viennent préparés aux réunions organisées avec lui, qu’ils tiennent un journal d’activités et apportent une contribution matérielle aux réunions […]”

40       Le 2 février 2012, le requérant a été entendu par M. G, le responsable scientifique adjoint de l’ECDC qui avait été chargé de mener l’enquête sur des allégations de harcèlement, dans le cadre de cette enquête.

41       Le 10 février 2012, M. G a remis au directeur son rapport d’enquête sur des allégations de harcèlement (ci-après le ‟rapport final de l’enquête sur des allégations de harcèlementˮ). Dans ce rapport, M. G recommandait de ne pas considérer le cas comme du harcèlement psychologique, mais comme un grave différend entre un subordonné et son supérieur hiérarchique direct.

42       Par courriel du 17 février 2012 à 8 h 38, le directeur a convoqué le requérant à participer à une réunion dans son bureau le jour même à 9 h 15 (ci-après la ‟réunion du 17 février 2012ˮ).

43      Il ressort du compte rendu de la réunion du 17 février 2012, transmis au requérant ce même jour à 12 h 37, que le directeur, après avoir pris acte de ce que le requérant avait reçu le rapport final sur l’insubordination, l’a informé, d’une part, que l’enquête sur l’insubordination avait été clôturée et que les allégations à son égard étaient confirmées et, d’autre part, que l’enquête sur des allégations de harcèlement était clôturée sans suite. Ensuite, il a invité le requérant à présenter ses observations pour le 22 février 2012 à 17 h 00. Ce compte rendu était accompagné du rapport final sur l’insubordination et d’un résumé du rapport final de l’enquête sur des allégations de harcèlement incluant les conclusions et les recommandations de l’enquêteur.

44       Par courriel du 20 février 2012 adressé au directeur et à Mme D, le requérant a demandé plus de temps pour examiner les deux documents joints au compte rendu de la réunion du 17 février 2012. Le même jour, Mme D a confirmé au requérant le délai du 22 février 2012 fixé par le directeur.

45       Par courriel du 21 février 2012, le requérant a répété que le délai fixé par le directeur était trop court et qu’il n’allait pas pouvoir, de ce fait, présenter ses observations dans le délai imparti.

46       Le 24 février 2012, une réunion s’est tenue entre le directeur, le requérant et Mme D. Au cours de cette réunion, le directeur a notifié au requérant la décision de résiliation de son contrat, adoptée sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA (ci-après la ‟décision litigieuse”), en lui expliquant les raisons de cette décision.

47      La décision litigieuse est rédigée en ces termes :

      ‟[…] 

Au cours de notre réunion du 17 février 2011 [sic], j’ai confirmé les conclusions [du rapport final sur l’insubordination] au sujet de votre non-respect allégué des obligations précisées aux articles 21 et 21 bis du statut […] comme [celles] du rapport [final de l’enquête sur des allégations de harcèlement]. Il vous a été donné la possibilité de présenter des observations soit oralement, au cours de la réunion, soit ultérieurement par écrit, mais aucune observation n’a été reçue de votre part endéans le délai imparti.

En ce qui concerne le premier point, je vous ai clairement précisé lors de notre réunion du 10 décembre 2011 [sic] que j’attendais de votre part que vous suiviez les instructions de votre supérieur hiérarchique. Il m’apparaît clairement, à partir du rapport [final sur l’insubordination] ainsi que de votre comportement ultérieur qui a été porté à mon attention, que vous avez constamment manqué à vos obligations envers [l’ECDC] à cet égard. S’agissant du second point, une enquête a été menée à la suite de vos allégations de harcèlement psychologique et aucun élément de preuve d’un harcèlement psychologique à votre égard n’a pu être constaté. Après avoir lu les deux rapports [d’enquête], il m’apparaît que vous avez d’importantes difficultés à accepter les décisions de la hiérarchie, [que vous] avez refusé à plusieurs reprises d’accomplir vos tâches et [que vous] vous êtes comporté de manière obstructionniste et provocatrice.

Je peux seulement conclure que ce grave différend a été initié et entretenu par vous au détriment de [l’ECDC]. Votre comportement n’est pas compatible avec [s]es valeurs et votre refus persistant de répondre aux attentes exigées s’oppose à la possibilité d’une relation de travail normale. J’en suis donc venu à la conclusion qu’il a été irrémédiablement porté atteinte à la relation nécessaire de confiance entre vous et moi, en tant que directeur […], et avec les autres membres du personnel. J’ai donc le regret de vous informer qu’il sera mis un terme à votre emploi à l’ECDC conformément à l’article 47 du [RAA]. Suite à la période de préavis de deux mois, votre dernier jour de travail sera le 30 avril 2012. Conformément à l’article 47, [sous] b), ii), du RAA, vous recevrez une compensation égale à un tiers de votre salaire de base pour la période comprise entre la date de cessation de vos fonctions et celle de l’expiration de votre contrat.

Aujourd’hui sera votre dernier jour de travail au bureau […] Vous vous verrez assigner du travail à accomplir depuis chez vous par votre supérieur hiérarchique, ce qui comprendra la préparation d’un dossier de passation de fonctions.

      […]”

48      Par courriel du 5 mars 2012, le requérant a adressé au directeur et à Mme D des observations écrites concernant le rapport final sur l’insubordination. Par courriel de même date, Mme D a rappelé au requérant que le délai pour la présentation des observations avait expiré et que le directeur avait déjà rendu sa décision.

49       Par courriel du 16 avril 2012, le requérant a demandé au directeur à avoir accès à tous les documents ayant trait à l’enquête sur des accusations d’insubordination et à l’enquête sur des allégations de harcèlement qui ne lui avaient pas encore été transmis. En l’absence de réponse de l’ECDC, par courriel du 16 août 2012, mentionnant en objet ‟Réclamation […]ˮ, le requérant a demandé au directeur de revoir sa ‟décision de rejet implicite”. […]

      […]

51      Le 18 mai 2012, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision litigieuse.

52      Par lettre du 29 juin 2012, le directeur a informé le requérant de sa décision de considérer close l’affaire relative aux prétendues illégalités dans le recrutement d’un agent intérimaire, en raison de la décision du directeur général de l’OLAF de ne pas ouvrir une enquête suite aux allégations du requérant, compte tenu de la faiblesse des indices laissant présumer des irrégularités.

      […]

54      Par lettre du 18 septembre 2012, le directeur, agissant en tant qu’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’‟AHCCˮ), a rejeté la réclamation du 18 mai 2012 contre la décision litigieuse […] »

 Procédure devant le Tribunal de la fonction publique

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 26 décembre 2012, CJ a introduit un recours, qui a été enregistré sous la référence F‑159/12 (ci-après le « recours F‑159/12 »), tendant à l’annulation de la décision litigieuse ainsi qu’à la réparation du préjudice matériel qu’il estime avoir subi en raison de cette décision.

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 28 décembre 2012, CJ a introduit un recours, enregistré sous la référence F‑161/12 (ci-après le « recours F‑161/12 »), tendant à la réparation du préjudice moral prétendument subi.

5        Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal de la fonction publique du 14 mars 2013, les affaires F‑159/12 et F‑161/12 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de la décision mettant fin à l’instance.

6        Dans son mémoire en défense dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de la fonction publique, l’ECDC a conclu notamment au rejet des recours F‑159/12 et F‑161/12.

7        Par lettre du 30 mai 2013, CJ a demandé au Tribunal de la fonction publique d’autoriser un deuxième échange de mémoires.

8        Par lettres du greffe du 11 juin 2013, les parties ont été informées de ce que le Tribunal de la fonction publique estimait nécessaire un deuxième échange de mémoires, limité aux observations éventuelles sur certaines annexes au mémoire en défense dont le requérant estimait qu’elles pouvaient avoir un impact significatif sur la solution à donner au litige, à savoir les procès-verbaux de trois réunions entre le requérant et sa hiérarchie, un courriel adressé par Mme B au directeur de l’ECDC concernant la possibilité de diligenter une procédure disciplinaire sur le fondement de l’article 86 du statut contre CJ, le rapport final de l’enquête sur des allégations de harcèlement et la décision du directeur de l’ECDC du 18 septembre 2012 concernant la délégation de certains pouvoirs à un des agents de l’ECDC (ci-après les « instructions du 11 juin 2013 »). En outre, le Tribunal de la fonction publique indiquait à CJ que son mémoire en réplique ne pourrait pas dépasser dix pages.

9        Le 22 juillet 2013, CJ a déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique un mémoire en réplique de 75 pages accompagné d’annexes comportant 317 pages. Dans ce mémoire, le requérant ne limitait pas ses observations aux annexes indiquées dans les instructions du 11 juin 2013, mais répliquait sur l’ensemble du mémoire en défense.

10      Par lettre du greffe du 12 septembre 2013, les parties ont été informées de la décision du Tribunal de la fonction publique de ne pas accepter le mémoire en réplique déposé le 22 juillet 2013 et de fixer un nouveau délai pour le dépôt d’un mémoire en réplique conforme aux instructions du 11 juin 2013.

11      Le 19 septembre 2013, CJ a déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique un nouveau mémoire en réplique de 18 pages. Ce mémoire en réplique était assorti de 22 annexes, qui comportaient 144 pages, parmi lesquelles le mémoire en réplique du 22 juillet 2013. Ce nouveau mémoire en réplique n’étant pas conforme aux instructions du 11 juin 2013, le Tribunal de la fonction publique a décidé de ne pas le verser au dossier et a fixé un nouveau délai au 24 octobre 2013 pour le dépôt d’un mémoire en réplique conforme auxdites instructions, ce dont il a informé le requérant par lettre du greffe du 16 octobre 2013. Par la même lettre, le Tribunal de la fonction publique a attiré l’attention du requérant sur les articles 32 et 94 de son règlement de procédure alors en vigueur et sur les conséquences que le Tribunal de l’Union européenne avait tiré de la violation des dispositions équivalentes de son règlement de procédure, notamment dans son arrêt du 13 décembre 2012, Strack/Commission (T‑199/11 P, EU:T:2012:691).

12      CJ a demandé au Tribunal de la fonction publique, par lettre du 23 octobre 2013, d’admettre le mémoire en réplique du 22 juillet 2013 ou celui du 19 septembre 2013.

13      Par lettre du 12 novembre 2013, le greffe du Tribunal de la fonction publique a informé les parties que, compte tenu de ce que le requérant n’avait pas déposé dans le délai imparti un mémoire en réplique conforme aux instructions du 11 juin 2013, le Tribunal de la fonction publique avait décidé de clôturer la procédure écrite.

14      Par lettre du 26 juillet 2014, CJ a demandé au Tribunal de la fonction publique d’adopter certaines mesures d’organisation de la procédure, concernant des événements survenus plus d’un an après l’adoption de la décision litigieuse.

15      Par lettre du 14 août 2014, le greffe du Tribunal de la fonction publique a informé les parties de la décision du Tribunal de rejeter ces deux demandes.

16      L’audience s’est tenue devant le Tribunal de la fonction publique le 4 septembre 2014.

17      Par lettre du 28 septembre 2014, CJ a demandé au Tribunal de la fonction publique de bien vouloir modifier le procès-verbal d’audience. Par lettres du greffe du 4 décembre 2014, les parties ont toutefois été informées de la décision du Tribunal de la fonction publique de ne pas modifier ledit procès-verbal.

 Arrêt attaqué

18      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision litigieuse, qui portait résiliation du contrat d’agent contractuel de CJ, rejeté le recours dans l’affaire F‑159/12 pour le surplus et rejeté le recours dans l’affaire F‑161/12. Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a déclaré, dans l’affaire F‑159/12, que chaque partie supportait ses propres dépens et, dans l’affaire F‑161/12, que CJ supportait ses propres dépens et était condamné à supporter les dépens exposés par l’ECDC. En dernier lieu, dans l’affaire F‑159/12, le Tribunal de la fonction publique a condamné CJ à lui payer un montant de 2 000 euros afin de rembourser une partie des frais évitables que ce dernier avait dû exposer.

 Sur les conclusions en annulation de la décision litigieuse

19      Après avoir soulevé dans le cadre du recours formé devant le Tribunal de la fonction publique deux moyens préliminaires, tirés, le premier, de ce que la décision litigieuse serait en réalité une sanction disciplinaire déguisée (ci-après le « premier moyen préliminaire ») et, le second, d’un détournement de pouvoir (ci-après le « second moyen préliminaire »), CJ a invoqué quinze moyens au soutien de ses conclusions en annulation de la décision litigieuse :

–        le premier, tiré de la violation du droit d’être entendu ;

–        le deuxième, tiré de la violation de l’obligation de motivation ;

–        le troisième, tiré de l’atteinte à la présomption d’innocence ;

–        le quatrième, tiré de la violation du devoir de diligence ;

–        le cinquième, tiré de la violation du droit du requérant à avoir accès aux dossiers des deux enquêtes ;

–        le sixième, tiré de la prétendue inaptitude des deux enquêteurs ;

–        le septième, tiré du détournement de pouvoir ;

–        le huitième, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 3, de l’annexe IX du statut ;

–        le neuvième, tiré de l’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ;

–        le dixième, tiré de l’erreur de droit dans le choix de la base juridique de la décision litigieuse ;

–        le onzième, tiré de l’erreur de fait quant au « comportement ultérieur » reproché ;

–        le douzième, tiré des erreurs manifestes dans l’appréciation de l’insubordination ;

–        le treizième, tiré de la violation du principe de proportionnalité ;

–        le quatorzième, tiré de l’absence de compétence de la personne ayant signé la décision portant rejet de la réclamation ;

–        le quinzième, tiré de l’absence de compétence de l’ECDC et du Tribunal de la fonction publique pour statuer sur des accusations concernant des comportements pénalement répréhensibles.

20      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a tout d’abord procédé à l’examen du premier moyen préliminaire, ensemble avec le dixième moyen, puis à l’examen du second moyen préliminaire traité conjointement avec le septième moyen. Ensuite, le Tribunal de la fonction publique s’est penché sur les autres moyens dans l’ordre retenu par CJ, en examinant ensemble les neuvième, onzième et douzième moyens qui sont tous trois tirés d’une erreur manifeste d’appréciation.

21      En premier lieu, le Tribunal de la fonction publique a écarté, aux points 81 à 83 de l’arrêt attaqué, le premier moyen préliminaire et le dixième moyen, tirés de ce que la décision litigieuse serait en réalité une sanction disciplinaire déguisée et que sa base juridique serait entachée d’une erreur de droit :

« 81      Le Tribunal [de la fonction publique] rappelle que […], en raison du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’AHCC, rien n’oblige celle-ci, en cas de faute susceptible de justifier le licenciement d’un agent temporaire ou contractuel, à engager une procédure disciplinaire à l’égard de ce dernier plutôt que de recourir à la faculté de résiliation unilatérale du contrat prévue à l’article 47, sous b), du RAA. Ce n’est que dans l’hypothèse où l’AHCC entend licencier un agent temporaire ou contractuel sans préavis, en cas de manquement grave à ses obligations, qu’il convient d’engager, conformément à l’article 49, paragraphe 1, du RAA, la procédure disciplinaire organisée à l’annexe IX du statut pour les fonctionnaires et applicable par analogie aux agents temporaires et contractuels […]

82       Il s’ensuit qu’en décidant de résilier le contrat du requérant avant son échéance, avec préavis, sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA, sans procéder à l’ouverture d’une procédure disciplinaire, l’AHCC n’a commis aucune illégalité.

83       Le premier moyen préliminaire et le dixième moyen doivent dès lors être écartés. »

22      En deuxième lieu, le Tribunal de la fonction publique a rejeté, aux points 89 à 92 de l’arrêt attaqué, le second moyen préliminaire et le septième moyen, tirés d’un détournement de pouvoir fondé sur l’allégation selon laquelle la décision litigieuse aurait été prise en représailles contre la dénonciation d’éventuelles irrégularités commises par l’ECDC :

« 89  [L]e Tribunal [de la fonction publique] rappelle qu[’]une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées […]

90      En l’espèce, d’une part, le Tribunal [de la fonction publique] constate qu’il ressort du texte de la décision litigieuse que celle-ci se fonde sans ambiguïté sur des manquements du requérant à ses obligations vis-à-vis de l’ECDC et sur la rupture irrémédiable du lien de confiance qui en a découlé.

91      D’autre part, le Tribunal [de la fonction publique] estime que le requérant se limite à de pures spéculations sans apporter d’indices objectifs, pertinents et concordants de l’existence d’un détournement de pouvoir. En particulier, le Tribunal [de la fonction publique] rappelle que l’OLAF a décidé de ne donner aucune suite aux dénonciations du requérant en raison de la faiblesse des indices d’illégalités dont il avait fait état. Le requérant ne saurait donc se prévaloir du fait que, à son avis, ses dénonciations ‟étaient bien fondées” et qu’elles auraient été écartées seulement parce qu’elles concernaient le directeur [de l’ECDC] ou son entourage. Dans le même sens, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel la décision litigieuse était liée au prétendu harcèlement moral qu’il aurait subi de la part de Mme B. En effet, le rapport final de l’enquête sur des allégations de harcèlement exclut qu’il ait subi un tel harcèlement et cette enquête a été clôturée sans suite par décision du directeur [de l’ECDC], décision que le requérant n’a pas contestée devant le juge de l’Union et qui est, partant, devenue définitive.

92      Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le second moyen préliminaire ainsi que le septième moyen, tirés du détournement de pouvoir, comme non fondés, sans qu’il soit nécessaire d’adopter les mesures d’organisation de la procédure demandées par le requérant. »

23      En troisième lieu, aux points 107 à 131 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a décidé d’accueillir le troisième grief présenté dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu, de rejeter les trois autres griefs et, par voie de conséquence, d’annuler la décision litigieuse au motif que, avant d’adopter cette décision l’AHCC n’avait pas entendu CJ sur les conséquences qu’elle entendait tirer du comportement de celui-ci :

« 107 Il y a lieu de rappeler d’emblée que, comme le Tribunal [de la fonction publique] l’a constaté aux points 81 et 82 [de l’arrêt attaqué], la décision litigieuse a été adoptée sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA, de sorte que toute référence aux dispositions régissant la procédure disciplinaire faite par le requérant est sans pertinence dans l’analyse du présent moyen.

108      Ensuite, selon l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre. En outre, le respect du droit d’être entendu s’impose même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (arrêt Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 39).

109      Selon la jurisprudence, le droit d’être entendu garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption d’une décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 83).

110      Il n’est pas contesté que, dans le cas d’espèce, la décision de résilier le contrat du requérant sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA est une mesure individuelle qui affecte défavorablement le requérant (voir, s’agissant de la résiliation anticipée du contrat d’un agent parlementaire accrédité, arrêt CH/Parlement, F‑129/12, EU:F:2013:203, point 34 ; voir également, s’agissant du non-renouvellement du contrat à durée déterminée d’un agent temporaire, arrêt Tzikas/AFE, F‑120/13, EU:F:2014:197, point 46). Le requérant avait donc le droit d’être entendu avant l’adoption de la décision litigieuse, même si l’article 47, sous b), ii), du RAA ne prévoit pas spécifiquement un tel droit.

111      En ce qui concerne les premier, deuxième et quatrième griefs, il ressort du libellé de la décision litigieuse que celle-ci est motivée par la constatation que le requérant avait manqué à ses obligations envers l’ECDC, en ne se conformant pas aux instructions de son supérieur hiérarchique direct et en se comportant de manière obstructionniste et provocatrice. Cette constatation se fonde sur le rapport final sur l’insubordination et sur un ‟comportement ultérieurˮ du requérant qui avait été porté à la connaissance du directeur [de l’ECDC].

112      Pour ce qui est de ce ‟comportement ultérieur”, l’AHCC a fait référence, dans la décision portant rejet de la réclamation, à plusieurs courriels par lesquels Mme B a stigmatisé différents agissements du requérant. En particulier, Mme B a reproché au requérant de ne pas avoir participé à des réunions auxquelles il avait été convoqué (courriels des 3 et 7 février 2012), de ne pas avoir préparé des documents qui lui avaient été demandés (courriels du 25 janvier et du 6 février 2012), d’avoir eu un comportement inapproprié lors d’une réunion (courriel du 31 janvier 2012) et enfin d’avoir mis ses compétences en question, malgré le fait qu’elle lui avait déjà signalé qu’elle considérait ce comportement ‟impoli et agaçantˮ (courriel du 23 janvier 2012). Par ailleurs, dans les courriels des 25 janvier, 6 février et 7 février 2012, Mme B a informé le requérant que son comportement allait être porté à la connaissance du directeur [de l’ECDC], de sorte que le requérant était parfaitement conscient que les agissements qui lui étaient reprochés par Mme B seraient connus du directeur [de l’ECDC].

113      Force est donc de constater que les agissements dont les courriels cités au point précédent font état ne sont rien d’autre que des exemples du comportement déjà reproché au requérant dans les conclusions du rapport final sur l’insubordination, à savoir le fait de ne pas suivre les instructions claires et répétées de son supérieur hiérarchique direct, en violation de l’article 21 du statut.

114      Or, il ressort du dossier que, premièrement, le requérant a été effectivement invité à présenter ses observations d’abord sur le projet de rapport de l’enquête sur des accusations d’insubordination puis, lors de la réunion du 17 février 2012, sur le rapport final de cette enquête (voir point 43 du présent arrêt) et qu’il n’a pas présenté d’observations dans les délais qui lui avaient été impartis. Deuxièmement, le requérant aurait pu présenter des observations sur les agissements stigmatisés dans les courriels mentionnés au point 112 [de l’arrêt attaqué], tant lors de la réunion du 17 février 2012 que dans le délai imparti pour présenter ses observations sur le rapport final sur l’insubordination et donné lors de cette réunion. Toutefois, il apparaît qu’en se limitant à ne transmettre des observations à l’ECDC que le 5 mars 2012, donc presque deux semaines après l’expiration du dernier délai qui lui avait été imparti, le requérant a en fait renoncé à exercer son droit d’être entendu à cet égard.

115      Le requérant ayant ainsi été mis en mesure de réagir et de présenter des observations sur les agissements qui lui étaient reprochés, le grief tiré de ce qu’il n’aurait pas été entendu sur le ‟comportement ultérieur” reproché ne saurait donc prospérer.

116      Sur le grief tiré de la présumée incertitude sur la responsabilité du différend entre le requérant et Mme B, il suffit de constater que, dans le rapport final sur l’insubordination, l’enquêteur affirme que, en violation de l’article 21 du statut, le requérant n’a pas suivi les instructions claires de son supérieur hiérarchique, et cela nonobstant la confirmation de ces instructions par l’autorité hiérarchique immédiatement supérieure, conformément à l’article 21 bis, paragraphe 1, du statut. L’enquêteur a donc émis l’avis que le requérant avait manqué à ses obligations envers l’ECDC et que cela justifiait l’ouverture d’une procédure disciplinaire.

117      Au vu du libellé de ce rapport, le requérant ne peut certainement pas prétendre avoir découvert pour la première fois à la lecture de la décision litigieuse que la responsabilité du différend avec son supérieur hiérarchique direct lui était imputée. Dans ces circonstances, il y a lieu de juger que le requérant a été mis en mesure de présenter ses observations sur la responsabilité du différend avec son supérieur hiérarchique direct qui, aux termes du rapport final sur l’insubordination, lui était clairement imputée. Par conséquent, le présent grief ne saurait être retenu.

118      Pour ce qui est enfin des différents délais impartis au requérant pour présenter ses observations, le Tribunal [de la fonction publique] constate que l’enquêteur a donné au requérant un délai d’un jour et demi de travail pour présenter ses observations sur le rapport final sur l’insubordination et que, lors de la réunion du 17 février 2012, le directeur [de l’ECDC] a laissé au requérant encore cinq jours pour présenter ses observations sur le rapport final sur l’insubordination et sur les conclusions et les recommandations figurant dans ledit rapport.

119      Le Tribunal [de la fonction publique] estime que ces délais se justifient, d’une part, par le fait que le requérant connaissait parfaitement le contexte factuel dans lequel les deux enquêtes s’inscrivaient et, d’autre part, par la brièveté des documents qui lui avaient été communiqués. En effet, le rapport final sur l’insubordination se compose de sept pages, dont six sont consacrées à la description des faits et seulement une aux conclusions de l’enquêteur. Par ailleurs, le rapport final est identique au projet transmis au requérant la première fois le 23 janvier 2012 à 23 h 39 et la seconde fois le lendemain à 17 h 39. Par conséquent, lorsque le directeur a accordé au requérant, lors de la réunion du 17 février 2012, un délai de cinq jours pour présenter ses observations sur le rapport final sur l’insubordination, le requérant connaissait déjà le contenu dudit rapport depuis plus de trois semaines. Quant aux conclusions du rapport final de l’enquête sur des allégations de harcèlement, il s’agit d’un texte de sept lignes. Dans ces circonstances, le Tribunal [de la fonction publique] estime que le délai imparti au requérant était largement suffisant pour présenter des observations.

120      Pour ce qui est enfin de la réunion du 17 février 2012, le Tribunal [de la fonction publique] constate que le requérant était déjà au courant, depuis le 24 janvier 2012, de ce que le directeur [de l’ECDC] avait reçu le rapport final sur l’insubordination. En effet, c’est le requérant lui-même qui, dans un courriel du 25 janvier 2012 adressé à M. F, a écrit qu’il attendait ‟un signe de la part du directeur” pour savoir s’il pouvait encore remettre des observations sur ledit rapport. Dans ces circonstances, le fait que la convocation à la réunion du 17 février 2012 soit intervenue avec un bref préavis et par un courriel qui ne précisait pas l’objet de la réunion ne peut pas avoir affecté la possibilité qu’avait le requérant de présenter ses observations sur le rapport final sur l’insubordination directement au directeur [de l’ECDC], comme le lui avait proposé M. F dès le 24 janvier 2012, lorsqu’il lui a soumis une copie du rapport. En tout état de cause, étant donné le contexte factuel et en particulier la teneur de la réunion du 21 décembre 2011 entre, notamment, le directeur et le requérant, et compte tenu également de leur relation hiérarchique, le requérant était en mesure de comprendre quel serait le sujet de la réunion du 17 février 2012 et de s’en informer, s’il avait des doutes à ce sujet, avant de s’y rendre.

121      Partant, il y a lieu de rejeter le grief tiré de ce que les délais impartis au requérant pour présenter ses observations ne seraient pas compatibles avec l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

122      En ce qui concerne le troisième grief, tiré de ce que le requérant n’aurait pas été informé des conséquences que l’AHCC envisageait de tirer des constatations figurant dans le rapport final sur l’insubordination, ni entendu sur la gravité desdites conséquences, ni informé ou entendu sur la base juridique sur le fondement de laquelle l’AHCC avait l’intention d’adopter la décision litigieuse, il ressort du dossier que l’AHCC n’a jamais évoqué, avant l’adoption de la décision litigieuse, la possibilité d’adopter à l’égard du requérant une décision de résiliation de son contrat sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA. Il y a lieu de constater notamment que les différentes indications de la part de Mme B selon lesquelles le comportement du requérant pourrait avoir des conséquences sur son rapport de notation, voire ‟des conséquences plus sérieusesˮ, ne le mettaient pas en mesure de comprendre avec certitude que l’AHCC envisageait de mettre fin prématurément à son contrat. Le requérant n’a donc pas eu la possibilité de présenter des observations sur les conséquences que l’AHCC envisageait de tirer de son comportement et, notamment, sur le fait qu’elle avait l’intention de résilier son contrat en faisant application de la disposition susmentionnée.

123      Il y a donc lieu de constater que, en ce qui concerne cet aspect de la décision litigieuse, le droit du requérant d’être entendu n’a pas été respecté par l’ECDC, en violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

124      Toutefois, pour que la violation du droit d’être entendu puisse aboutir, en l’espèce, à l’annulation de la décision litigieuse, il est encore nécessaire d’examiner si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (arrêts Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, EU:C:2014:2041, point 79 ; CH/Parlement, EU:F:2013:203, point 38, et Wahlström/Frontex, F‑117/13, EU:F:2014:215, point 28).

125      En effet, la règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci ne soit prise a pour but de permettre à l’autorité concernée de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents. Afin d’assurer une protection effective dudit destinataire, elle a notamment pour objet que celui-ci puisse corriger une erreur ou faire valoir tels éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (arrêt France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 65, et la jurisprudence citée).

126      À cet égard, le requérant fait valoir que, s’il avait été entendu sur les conséquences que l’AHCC envisageait de tirer de son comportement, il aurait pu demander l’ouverture d’une procédure disciplinaire. En outre, interrogé lors de l’audience, le requérant a affirmé qu’il aurait pu proposer à l’AHCC d’adopter des solutions alternatives, telles que, par exemple, une mutation dans un autre service ou une suspension temporaire de ses fonctions pour lui ‟permettre de réfléchir”.

127      Or, le Tribunal constate que la décision litigieuse se fonde sur une rupture irrémédiable du lien de confiance avec le requérant due à une longue série d’agissements inappropriés de celui-ci et que le requérant a eu la possibilité de s’exprimer, à plusieurs reprises, sur le comportement qui lui était reproché.

128      Toutefois, il ressort du dossier, et notamment des faits tels qu’établis dans le rapport final sur l’insubordination, que le comportement reproché au requérant n’a commencé qu’à partir de la nomination de Mme B comme chef du service juridique et, partant, depuis que celle-ci était devenue son supérieur hiérarchique. L’ECDC ne prétend pas que le comportement du requérant ait donné lieu à des problèmes de nature disciplinaire ou autre avant la période visée par ce rapport ou que, par exemple, le requérant avait déjà manqué à ses obligations en vertu des articles 21 et 21 bis du statut avant cette période. Si l’ECDC a affirmé, lors de l’audience, que la mutation du requérant sur un autre poste n’était pas possible en l’occurrence, il s’est borné à l’affirmer sans apporter d’élément de preuve de ce prétendu état de fait qui, par ailleurs, ne ressort nullement du dossier, ce qui démontre que l’AHCC n’a pas envisagé d’autre solution à l’insubordination avérée du requérant que de mettre fin à son contrat.

129      Or, la décision de mettre fin avant son terme au contrat d’un agent contractuel, aussi justifiée qu’elle puisse l’être, constitue un acte d’une extrême gravité à la fois pour l’institution ou l’agence concernée, qui l’avait sélectionné et recruté, normalement à l’issue d’une procédure de sélection hautement compétitive, et plus encore pour l’agent, qui se retrouve subitement sans emploi et dont la carrière pourrait être affectée négativement pendant de nombreuses années. Outre le fait qu’il s’agit d’un droit fondamental de l’agent concerné, l’exercice par ce dernier du droit de s’exprimer utilement sur la décision de licenciement envisagée relève de la responsabilité de l’AHCC, responsabilité qu’elle doit assurer de manière scrupuleuse. Il n’incombe pas au Tribunal [de la fonction publique] de prendre position, dans le cadre de ce grief, sur la faisabilité, ou non, d’autres solutions qui auraient pu être envisagées en l’espèce. En tout état de cause, retenir que l’AHCC aurait adopté une décision identique, même après avoir entendu le requérant, reviendrait à vider de sa substance le droit fondamental d’être entendu consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, dès lors que le contenu même de ce droit implique que l’intéressé ait la possibilité d’influencer le processus décisionnel en cause (arrêt Wahlström/Frontex, EU:F:2014:215, point 33, et la jurisprudence citée).

130      Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal [de la fonction publique] n’est pas en mesure d’exclure que, s’il avait été entendu avant que l’AHCC ne décide de résilier son contrat d’engagement sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA, le requérant aurait pu convaincre l’AHCC d’adopter une décision différente.

131      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le troisième grief du premier moyen et d’annuler la décision litigieuse au motif qu’avant d’adopter la décision litigieuse l’AHCC n’a pas entendu le requérant sur les conséquences qu’elle entendait tirer du comportement de celui-ci. »

24      En quatrième lieu, dans un souci de bonne administration de la justice, le Tribunal de la fonction publique a examiné et rejeté les autres moyens soulevés par CJ.

25      En ce qui concerne le deuxième moyen relatif à la violation de l’obligation de motivation, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit aux points 143 à 151 de l’arrêt attaqué :

« 143 En l’espèce, le Tribunal [de la fonction publique] rappelle d’abord que l’AHCC n’avait aucune obligation de diligenter une procédure disciplinaire et, dès lors, n’était pas obligée d’expliquer, dans la décision litigieuse, les raisons pour lesquelles elle fondait sa décision sur l’article 47, sous b), ii), du RAA et non sur les dispositions relatives au régime disciplinaire.

144      Ensuite, il ressort du libellé de la décision litigieuse (voir point 47 du présent arrêt) que, premièrement, le directeur [de l’ECDC] constate que, lors d’une réunion tenue en décembre 2011 avec le requérant, il lui avait indiqué qu’il s’attendait à ce que celui-ci se conforme aux instructions de Mme B. Deuxièmement, le directeur [de l’ECDC] indique qu’il lui apparaît clair que le requérant a constamment manqué à ses obligations à l’égard de l’ECDC et que cela ressort, d’une part, du rapport final sur l’insubordination et, d’autre part, de son ‟comportement ultérieurˮ. Troisièmement, il affirme, après avoir lu les rapports des deux enquêtes, être d’avis que le requérant a d’importantes difficultés à accepter les décisions de sa hiérarchie, qu’il a refusé à plusieurs reprises d’accomplir ses tâches et qu’il s’est comporté de manière obstructionniste et provocatrice. Quatrièmement, il constate que le requérant a engagé et poursuivi un grave conflit avec sa hiérarchie au détriment de l’ECDC, que son comportement n’est pas compatible avec les valeurs de l’ECDC et que son refus persistant de répondre aux attentes exigées s’oppose à la possibilité d’une relation de travail normale. Enfin, il conclut que le requérant a irrémédiablement porté atteinte à la relation de confiance qui devait exister entre eux.

145      Il y a donc lieu de constater que la décision litigieuse est motivée de manière à permettre au requérant d’apprécier, en parfaite connaissance de cause, le bien-fondé de celle-ci et l’opportunité d’introduire un recours, et au Tribunal [de la fonction publique] d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte.

146      Par ailleurs, il est constant que le requérant avait une connaissance très précise du contexte dans lequel la décision litigieuse est intervenue.

147      En effet, tout d’abord, il avait reçu, le 17 février 2012, le rapport final sur l’insubordination d’où il ressortait que l’enquêteur était d’avis qu’il avait violé de façon répétée ses obligations à l’égard de l’ECDC.

148      Ensuite, à plusieurs reprises, Mme B avait reproché au requérant de ne pas se tenir à ses instructions et de refuser son autorité. À titre d’exemple, outre les courriels mentionnés au point 112 [de l’arrêt attaqué] qui, bien qu’envoyés après l’adoption du rapport final sur l’insubordination, sont pertinents pour apprécier la légalité de la décision litigieuse, par un courriel du 20 décembre 2011 à 11 h 51, Mme B avait prévenu le requérant que ‟[s’il] n’[était] pas disposé à suivre les demandes de [son] supérieur hiérarchique direct […], cela se reflétera[it] dans l’appréciation de [se]s capacités, efficacité et conduite” en indiquant qu’‟une incapacité ou absence de volonté constante de suivre les instructions de [son] supérieur hiérarchique direct p[ourrait] avoir des conséquences plus sérieusesˮ.

149      En outre, dans un courriel du 5 janvier 2012 à 9 h 43, Mme B écrivait au requérant que ‟[l]e cœur du problème sembl[ait] être [son] refus d’accepter [s]on autorité en tant que supérieur hiérarchique direct [décidant] quelles tâches [lui] assigner […] Puisque le directeur [de l’ECDC] a[vait] déjà tranché cette question, [elle] consid[érait] qu’un échange de correspondance prolongé [était] un gaspillage de ressources précieuses et un manque de respect vis-à-vis d’[elle-même] et de l’[ECDC] en général […]”. Enfin, le même jour, Mme B a adressé au requérant un autre courriel rédigé ainsi : ‟[…] Comme vous le savez, vous avez une obligation contractuelle d’accomplir les tâches qui vous sont assignées et le refus de le faire sera pris en considération à la lumière de cette obligation […]ˮ

150      Enfin, la conclusion selon laquelle il n’y a pas eu violation de l’obligation de motivation ne saurait être remise en cause par les imprécisions chronologiques de la décision litigieuse, qui indique comme dates des réunions entre le directeur [de l’ECDC] et le requérant le ‟10 décembre 2011” et le ‟17 février 2011ˮ, alors que les réunions en question ont eu lieu le 21 décembre 2011 et le 17 février 2012. Ces erreurs matérielles ont en effet été détectées par le requérant, qui, dans sa requête, admet lui-même que ‟par ’10 décembre 2011’, l’AIPN a sans doute voulu dire ’21 décembre 2011’” et que ‟par ’17 février 2011’ l’AIPN a sans doute voulu dire ’17 février 2012’ˮ. De surcroît, en cas de doute, rien n’empêchait le requérant, après avoir détecté une anomalie dans le libellé de la décision litigieuse, de demander une clarification à l’AHCC.

151      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être écarté. »

26      S’agissant du troisième moyen, tiré de l’atteinte à la présomption d’innocence, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit aux points 154 à 156 de l’arrêt attaqué :

« 154 Le Tribunal [de la fonction publique] rappelle que le droit à la présomption d’innocence constitue un droit fondamental dont les juridictions de l’Union doivent assurer le respect par les institutions. Ce droit est identifié par la jurisprudence comme un principe général applicable aux procédures administratives eu égard à la nature des manquements en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des mesures qui s’y rattachent. Il s’ensuit que le droit à la présomption d’innocence s’applique, même en l’absence de poursuites pénales, au fonctionnaire accusé d’un manquement aux obligations statutaires suffisamment grave pour justifier une enquête de l’OLAF au vu de laquelle l’administration pourra adopter toute mesure, le cas échéant sévère, qui s’impose […]

155      En l’espèce, ce droit aurait pu être violé si l’ECDC avait décidé de résilier le contrat du requérant sur la base des seules accusations formulées à son égard par son supérieur hiérarchique, sans avoir jamais donné la possibilité au requérant de s’expliquer et sans avoir vérifié si les reproches qui lui étaient faits étaient justifiés […] Toutefois, en l’espèce, la décision litigieuse est intervenue après qu’une enquête a été diligentée, enquête au cours de laquelle le requérant a eu la possibilité de s’exprimer. Dans de telles circonstances, il ne saurait être question d’une violation de la présomption d’innocence.

156      Le présent moyen doit donc être écarté comme dépourvu de tout fondement. »

27      En ce qui concerne le quatrième moyen, relatif à la violation du principe de diligence, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit aux points 159 à 162 de l’arrêt attaqué :

« 159 Le Tribunal [de la fonction publique] constate, premièrement, que, en ce qui concerne l’enquête sur des allégations de harcèlement, l’agent ‟personnellement impliqué” n’était pas le requérant, mais son supérieur hiérarchique, qui avait été accusé de harcèlement moral par le requérant. Il s’ensuit que le requérant ne saurait prétendre bénéficier des droits liés au statut d’agent ‟personnellement impliquéˮ et ne saurait valablement reprocher à l’ECDC de ne pas l’avoir informé desdits droits.

160      Deuxièmement, en ce qui concerne l’enquête sur des accusations d’insubordination, le Tribunal [de la fonction publique] rappelle que, selon l’article 2, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, l’agent concerné a le droit d’être entendu avant l’adoption des conclusions finales de l’enquête administrative, d’être informé de la conclusion de l’enquête et de recevoir le rapport d’enquête.

161      En l’espèce, par courriel du 24 janvier 2012, l’enquêteur a transmis au requérant le projet de rapport de l’enquête sur des accusations d’insubordination en lui demandant de présenter ses observations. En outre, par courriel du 25 janvier 2012, l’enquêteur a écrit au requérant qu’il allait transmettre ledit document au directeur, l’informant ainsi de la clôture de l’enquête.

162      Il s’ensuit que, le requérant n’ayant démontré l’existence d’aucune violation de ses droits de la défense dans les deux procédures d’enquête, le présent moyen doit être rejeté comme non fondé. »

28      S’agissant du cinquième moyen, tiré de l’absence d’accès aux dossiers des enquêtes, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit aux points 165 à 171 de l’arrêt attaqué :

« 165 Tout d’abord, il y a lieu de constater qu’une éventuelle violation de l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe IX du statut serait sans aucune pertinence pour l’appréciation de la décision litigieuse, celle-ci étant fondée sur l’article 47, sous b), ii), du RAA et non sur les dispositions relatives au régime disciplinaire.

166      Ensuite, quant à la violation de l’article 13 du règlement no 45/2001 alléguée par le requérant, celui-ci affirme, dans sa requête, avoir demandé l’accès au rapport final de l’enquête sur des allégations de harcèlement par courriel du 5 mars 2012 et à ‟tous les documents qui ne [lui avaient] pas encore été transmis” relatifs à l’enquête sur des accusations d’insubordination et à l’enquête sur des allégations de harcèlement par courriel du 16 avril 2012.

167      Or, ces deux demandes sont postérieures à la décision litigieuse, laquelle est intervenue le 24 février 2012. Par conséquent, le refus de l’ECDC de donner une réponse favorable à ces demandes ne saurait affecter la validité de la décision litigieuse.

168      En tout état de cause, il apparaît que, dans les deux courriels susmentionnés, le requérant ne fait aucune référence à ses données personnelles, ni pour demander confirmation que des données le concernant étaient traitées par l’ECDC, ni pour demander des informations quant aux finalités d’un éventuel traitement, ni pour avoir communication des données faisant l’objet d’un tel traitement, ni, enfin, pour connaître la logique qui sous-tend un éventuel traitement automatisé. Il s’ensuit que dans ce contexte la référence à l’article 13 du règlement no 45/2001 est dépourvue de toute pertinence.

169      Pour ce qui est enfin de la prétendue violation de l’article 26 du statut, le requérant n’a pas démontré avoir demandé l’accès à son dossier individuel, de sorte que ce grief doit être écarté.

170      Par ailleurs, en ce qui concerne le refus de l’ECDC de transmettre au requérant le rapport final de l’enquête sur des allégations de harcèlement, il y a lieu de rappeler que, s’agissant d’une décision clôturant sans suite une enquête ouverte en réponse à une demande d’assistance introduite au titre de l’article 24 du statut, le statut n’impose aucune obligation explicite de transmettre au plaignant ni le rapport final d’une enquête administrative, ni les comptes rendus des auditions menées dans le cadre d’une telle enquête (arrêt Tzirani/Commission, EU:F:2013:115, point 132).

171      Il y a donc lieu d’écarter le cinquième moyen, tiré de la violation du droit d’accès aux dossiers des deux enquêtes, comme dépourvu de tout fondement. »

29      En ce qui concerne le sixième moyen, tiré de la prétendue inaptitude des deux enquêteurs, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit aux points 174 à 178 de l’arrêt attaqué :

« 174 Il est opportun de rappeler que les institutions jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix des personnes auxquelles elles confient une enquête sur des accusations d’insubordination administrative, y compris une enquête pour des faits de harcèlement (arrêt Tzirani/Commission, EU:F:2013:115, point 121). Dans ce contexte, les institutions sont tenues de choisir des personnes adaptées aux tâches délicates qui leur sont confiées, sans toutefois que l’expérience de ces personnes en tant qu’enquêteurs soit un élément décisif dans ce choix.

175      Au vu de ce large pouvoir d’appréciation, le requérant ne saurait valablement contester le choix de l’ECDC en se fondant uniquement sur un prétendu manque d’expérience des enquêteurs et sans même avoir essayé de démontrer que l’AHCC aurait usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée.

176      En outre, le requérant s’est limité à observer que, avant le début des deux enquêtes, il avait signalé des faits laissant supposer qu’une illégalité avait été commise dans le cadre de l’utilisation des fonds de l’ECDC, illégalité qui aurait impliqué le directeur et le responsable scientifique de l’ECDC, et que les deux enquêteurs étaient le chef de l’unité ‟Capacité d’action en santé publique et communicationˮ, subordonné direct du directeur, et le responsable scientifique adjoint de l’ECDC.

177      Le requérant n’a toutefois fourni au Tribunal aucun élément de preuve ni aucun indice d’une éventuelle absence d’indépendance des deux enquêteurs.

178      Par conséquent, le sixième moyen doit être écarté. »

30      S’agissant du huitième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 3, de l’annexe IX du statut, le Tribunal de la fonction publique a précisé au point 180 de l’arrêt attaqué, en relevant que « pour écarter comme inopérant ce moyen, il suffi[sai]t d’observer, comme le Tribunal [de la fonction publique] l’a[vait] fait aux points 81 et 82 [dudit] arrêt, que la décision litigieuse n’a[vait] pas été adoptée sur le fondement de la procédure disciplinaire qui fai[sait] l’objet de l’annexe IX du statut, mais sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA ».

31      En ce qui concerne les neuvième, onzième et douzième moyens, tirés d’erreurs manifestes d’appréciation des faits, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit aux points 188 à 204 de l’arrêt attaqué :

« 188 Le Tribunal [de la fonction publique] rappelle, d’une part, que la résiliation anticipée d’un contrat d’agent contractuel conformément à l’article 47, sous b), ii), du RAA peut être fondée sur un comportement de l’agent concerné entraînant la rupture du lien de confiance entre celui-ci et l’AHCC et, d’autre part, que l’autorité compétente dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du juge de l’Union se limitant à la vérification de l’absence d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir […]

189      Dans ce contexte, établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision prise sur la base de cette appréciation suppose que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme justifiée et cohérente […]

190      En l’espèce, la décision litigieuse est effectivement motivée par la rupture irrémédiable du lien de confiance entre le requérant et sa hiérarchie, rupture qui n’est pas due à tel ou tel épisode isolé, mais à un enchaînement de comportements du requérant entre novembre 2011 et février 2012. Dans la décision litigieuse, le directeur [de l’ECDC] fait notamment état de ce que le requérant a ‟d’importantes difficultés à accepter les décisions de la hiérarchie, [a] refusé à plusieurs reprises d’accomplir [ses] tâches et [s’est] comporté de manière obstructionniste et provocatriceˮ.

191      Il suffit, premièrement, d’observer que, jusque dans la requête, le requérant essaie, sur le fondement d’allégations qui ne sont pas étayées par des éléments de preuve, de mettre en cause la compétence de son supérieur hiérarchique direct, dans le but de contester les reproches qui lui sont faits. En effet, dans le cadre du onzième moyen, il indique que, du fait que les membres du jury chargé du recrutement de Mme B ‟étaient simplement des professionnels médicaux”, il existait ‟un risque accru que [Mme B] ait été plus ou moins inadaptée à sa fonction [de chef du service juridique] et ait donc commis des erreurs de jugement lorsqu’elle a évalué le caractère approprié [ou non] de la conduite de ses subordonnésˮ.

192      Deuxièmement, il ressort de manière très claire du dossier que le requérant, comme l’a relevé le directeur, avait effectivement des difficultés à accepter les décisions de sa hiérarchie.

193      À titre d’exemple, le Tribunal rappelle que, à la simple demande formulée par Mme B, le 8 novembre 2011, de lui transmettre un bref résumé des dossiers sur lesquels il travaillait, le requérant a répondu en lui demandant si elle n’avait pas reçu les résumés écrits qu’il avait transmis à son prédécesseur avant de partir en congé à la mi-octobre 2011 (voir points 10 et 11 [de l’arrêt attaqué]).

194      En outre, le 14 décembre 2011, Mme B a demandé au requérant de mettre à jour la liste des dossiers en cours qu’il avait préparée en septembre en les classant selon leur degré d’urgence. Le requérant a répondu le jour même en transmettant une liste qui n’était pas conforme aux instructions données. Ensuite, après plusieurs échanges de courriels avec Mme B, le 19 décembre 2011, le requérant, après avoir contesté sa charge de travail, lui a finalement transmis une nouvelle liste des dossiers en cours qui lui avaient été attribués, sans toutefois se conformer, encore une fois, aux instructions de Mme B.

195      Face au reproche de ne pas avoir établi de liste selon les instructions données, le requérant s’est limité à évoquer, dans un courriel du 20 décembre 2011 à 10 h 32, ‟un possible manque d’expérience/savoir-faire (significatif) en termes de management” de Mme B et à indiquer que les instructions données par Mme B n’étaient pas les mêmes que celles données par son prédécesseur et que préparer deux listes de dossiers – les dossiers actifs et les dossiers en suspens – serait une opération qui lui ‟causerait des difficultés pratiques considérablesˮ, tout en invitant son supérieur hiérarchique direct à avoir ‟une approche plus décontractée”.

196      Par ailleurs, dans sa requête, le requérant a cherché à justifier son attitude en affirmant que ‟cette liste [était] un document destiné en principe à l’usage personnel d’un juriste [du service juridique] ; […] un chef de [service juridique] conserve et met à jour, ou au moins le devrait, sa propre liste des affaires qu’[il] attribue aux subordonnés, notamment lorsque [le service juridique] qu’[il] dirige se compose seulement de trois subordonnés ; […] les souhaits particuliers [du chef du service juridique] quant au format et au classement du contenu de cette liste n’étaient pas constructifs, et en tout état de cause n’étaient pas substantiels ou importantsˮ.

197      Comme le soutient à juste titre l’ECDC, la préparation d’une simple liste des dossiers en cours de traitement est une tâche que tout fonctionnaire ou agent doit être en mesure d’effectuer à bref délai à la demande de son supérieur hiérarchique, sans qu’une telle tâche n’entraîne de nombreux échanges de courriels et la mise en cause, par l’agent concerné, des capacités managériales de son supérieur hiérarchique. Par ailleurs, une telle liste ne saurait être un ‟document destiné […] à l’usage personnel d’un juriste [du service juridique]” comme le requérant le prétend. Il s’agit en effet d’un instrument élémentaire permettant à tout fonctionnaire ou agent ayant des responsabilités managériales d’avoir un aperçu rapide et complet de l’état des travaux confiés aux membres de son équipe. Il est donc loisible à tout fonctionnaire ou agent ayant des responsabilités managériales de demander à ses subordonnés la préparation d’une telle liste dans les formes qui lui paraissent les plus appropriées, sans qu’il soit lié aux modalités de présentation établies par son prédécesseur.

198      Par ailleurs, il ressort du dossier que, ainsi que le soutient l’ECDC, le requérant a mis en cause, à plusieurs reprises et de manière ‟obstructionniste et provocatriceˮ, la compétence de son supérieur hiérarchique direct tant comme chef de service que comme juriste.

199      À titre d’exemple, il suffit de mentionner, premièrement, un courriel du 16 décembre 2011 à 14 h 35 dans lequel le requérant écrivait à Mme B dans les termes suivants : ‟[…] Avec le temps, vous vous familiariserez probablement davantage avec le fonctionnement de la protection des données et serez à même de définir des délais plus adaptés (j’entends [par là] : vous n’avez jamais exercé la fonction de délégué à la protection des données et n’avez ni expérience ni formation formelle dans ce domaine, n’est-ce pas ?) […]”

200      Deuxièmement, toujours le 16 décembre 2011, à 16 h 17, le requérant envoyait à Mme B un courriel contenant les remarques suivantes : ‟[…] puis-je demander encore une fois si vous avez déjà exercé la fonction de délégué à la protection des données ou si vous disposez d’une autre expérience pertinente ou d’une formation formelle ? Comme mentionné, [votre] manque d’expérience est peut-être la raison pour laquelle le délai en question a pu s’avérer impossible à respecter […]ˮ

201      Troisièmement, dans un courriel du 20 décembre 2011 à 11 h 51, le requérant s’adressait ainsi à Mme B : ‟[…] votre approche de la ‘gestion active de dossiers’ peut être faussée du fait de votre possible manque d’expérience et de savoir-faire (significatif) en matière de management. Si vous pouviez me dire en quoi consistent ladite expérience et ledit savoir-faire (en tant que votre subordonné, je suppose que je suis en droit de le savoir, n’est-ce pas ?), ou ne serait-ce que me citer une référence en matière de gestion, comme une norme privée ou un universitaire reconnu, alors je serais davantage en mesure de savoir si votre approche repose sur une connaissance solide en matière de gestion ou non – dans ce dernier cas, j’essaierai d’être plus proactif et de vous faire savoir, parmi vos instructions, celles qui pourraient poser de graves difficultés pratiques pour le travail de notre service et nos relations avec d’autres services (même si je resterai, bien sûr, à votre disposition pour exécuter vos instructions si vous les confirmez) […]ˮ

202      Quatrièmement, toujours le 20 décembre 2011, le requérant a adressé un autre courriel à Mme B, à 11 h 58, dans lequel figurait ce passage : ‟[J]e me demande simplement si vous disposez d’une expérience (significative) ou d’une formation officielle en tant que manager et expert en protection des données et je continue de me demander pourquoi vous refusez de me répondre.”

203      De tels courriels envoyés par le requérant à son supérieur hiérarchique direct démontrent à eux seuls que le directeur [de l’ECDC] n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en considérant, dans la décision litigieuse, que le requérant avait ‟d’importantes difficultés à accepter les décisions de la hiérarchieˮ et s’était ‟comporté de manière […] provocatrice”, avec pour conséquence la rupture irrémédiable du lien de confiance.

204       Il y a donc lieu de rejeter les neuvième, onzième et douzième moyens, sans qu’il soit nécessaire d’examiner un par un tous les échanges de courriels entre le requérant et Mme B, ni d’ordonner les mesures d’organisation de la procédure demandées par le requérant dans sa requête. »

32      S’agissant du treizième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité, le Tribunal de la fonction publique a relevé ce qui suit aux points 207 à 209 de l’arrêt attaqué :

« 207 Le Tribunal [de la fonction publique] constate que, dans le cadre du présent moyen, le requérant se limite à indiquer des mesures que l’ECDC aurait pu adopter au lieu de résilier son contrat, à savoir la modification des conditions de travail au sein de l’ECDC, une tentative de médiation, une mutation vers un autre service, la mutation de Mme B vers un autre service ou la prolongation du stage de celle-ci, ou enfin l’imposition d’une sanction disciplinaire moins grave.

208      Toutefois, pour démontrer une violation du principe de proportionnalité, il aurait appartenu au requérant d’avancer des éléments ou des arguments démontrant qu’il aurait été réellement possible que l’ECDC mette en œuvre les mesures proposées, en tenant compte de ce que la décision litigieuse se fonde sur une rupture irrémédiable du lien de confiance avec l’ECDC, ce qu’il a manqué de faire. En effet, les différentes mesures proposées par le requérant présupposent toutes, comme l’ECDC l’a fait remarquer, sinon l’existence d’un rapport de confiance entre l’ECDC et le requérant, à tout le moins la possibilité de rétablir un rapport de confiance qui a été rompu.

209      Dans ces circonstances, le treizième moyen doit être écarté. »

33      En ce qui concerne le quatorzième moyen, tiré de l’incompétence du signataire de la décision portant rejet de la réclamation, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit aux points 211 à 213 de l’arrêt attaqué :

« 211 En l’espèce, le Tribunal [de la fonction publique] a déjà constaté que la décision portant rejet de la réclamation est dépourvue de contenu autonome […] Par suite, l’annulation éventuelle de la décision portant rejet de la réclamation n’est pas susceptible d’affecter la légalité de la décision litigieuse […]

212      Il y a lieu d’ajouter que, à supposer même que le Tribunal considère que la décision portant rejet de la réclamation soit entachée d’incompétence et doive, dès lors, être annulée, une telle annulation laisserait subsister la décision attaquée et ne donnerait au requérant aucun avantage […]

213      Il s’ensuit que le quatorzième moyen est inopérant et doit être rejeté. »

34      S’agissant du quinzième moyen, tiré de l’incompétence de l’ECDC et du Tribunal de la fonction publique pour statuer sur des accusations concernant un comportement pénalement répréhensible, le Tribunal de la fonction publique a considéré ce qui suit aux points 215 à 217 de l’arrêt attaqué :

« 215 Le Tribunal [de la fonction publique] rappelle que, dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge, par la présentation de moyens et arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement […] Or, le présent moyen ne figure pas dans la réclamation et ne se rattache étroitement à aucun moyen exposé dans la réclamation, de sorte qu’il doit être déclaré irrecevable.

216      En tout état de cause, le Tribunal [de la fonction publique] estime que, pour écarter sur le fond ce moyen, il suffit de rappeler que la décision litigieuse est motivée par la rupture du lien de confiance entre le requérant et sa hiérarchie due à un ensemble d’agissements du requérant. Or, premièrement, en appréciant l’existence du lien de confiance avec le requérant, l’ECDC ne s’est prononcé sur aucune question de droit pénal. Deuxièmement, le Tribunal est saisi de la demande du requérant portant sur la légalité de la décision litigieuse et il lui appartient exclusivement de vérifier si cette décision souffre d’un des vices de légalité soulevés par le requérant. Le Tribunal ne doit donc trancher aucune question de droit pénal en se prononçant sur une accusation pénale.

217       Il s’ensuit que le quinzième moyen est voué au rejet. »

35      En conséquence, le Tribunal de la fonction publique a considéré au point 218 de l’arrêt attaqué qu’il résultait de « l’ensemble de ce qui préc[édait] qu’il y a[avait] lieu d’accueillir le moyen tiré de ce que l’AHCC n’a[vait] pas entendu le requérant sur les conséquences qu’elle entendait tirer du comportement de celui-ci avant d’adopter la décision litigieuse, d’annuler ladite décision pour ce motif et de rejeter les autres moyens soulevés au soutien des conclusions en annulation ».

 Sur les conclusions visant la réintégration dans le service, la réparation du préjudice matériel et la réparation du préjudice moral

36      Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique a rejeté comme irrecevables, aux points 220 et 221 de l’arrêt attaqué, les conclusions visant la réintégration dans le service et la réparation du préjudice matériel allégué.

37      Le Tribunal de la fonction publique a également rejeté dans leur ensemble, aux points 233 à 248 de l’arrêt attaqué, les conclusions visant la réparation du préjudice moral.

 Sur la condamnation de CJ à rembourser une partie des frais évitables que le Tribunal de la fonction publique a dû exposer

38      En dernier lieu, dans l’affaire F‑159/12, aux points 252 à 256 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a condamné CJ à lui payer un montant de 2 000 euros afin de rembourser une partie des frais évitables que ce dernier a dû exposer :

« 252 [E]n vertu de l’article 108, sous a), [de son] règlement de procédure, si le Tribunal [de la fonction publique] a exposé des frais qui auraient pu être évités, il peut condamner la partie qui les a provoqués à les rembourser.

253      En l’espèce, dans l’affaire F‑159/12, le requérant a déposé deux fois des mémoires en réplique qui n’étaient pas conformes aux instructions données par le Tribunal [de la fonction publique] quant au nombre de pages et aux questions à examiner. En outre, malgré les demandes du Tribunal [de la fonction publique] en ce sens, le requérant a refusé à deux reprises de régulariser son mémoire en réplique.

254      Par ailleurs, par lettre du 16 octobre 2013, le Tribunal [de la fonction publique] a attiré l’attention du requérant sur la possibilité pour le Tribunal [de la fonction publique] de condamner une partie qui aurait causé des frais évitables à les rembourser en application de l’article 94, sous a), [de son] règlement de procédure alors en vigueur, dont le contenu ne diffère pas substantiellement, en ce qui concerne les conditions pour condamner une partie à rembourser ces frais, de celui de l’article 108, sous a), [de son] règlement de procédure. Par cette même lettre, le Tribunal [de la fonction publique] a rappelé au requérant la jurisprudence du Tribunal de l’Union européenne sur les dispositions analogues de son règlement de procédure, notamment l’arrêt Strack/Commission (EU:T:2012:691). Enfin, le requérant a été entendu lors de l’audience sur la possibilité que le Tribunal décide de le condamner, au titre de l’article 94, sous a), [de son] règlement de procédure alors en vigueur, à rembourser au Tribunal [de la fonction publique] des frais que celui-ci aurait inutilement dû supporter du fait de son comportement.

255      Or, il ne fait pas de doute que la gestion administrative et l’analyse des deux mémoires en réplique non conformes aux instructions du Tribunal [de la fonction publique] ont occasionné des frais qui auraient pu être évités […]

256      Il convient donc, eu égard à l’importance des frais que le Tribunal [de la fonction publique] a dû exposer et qui auraient pu être évités, de condamner le requérant à rembourser audit Tribunal une partie de ces frais pour un montant de 2 000 euros. »

 Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

39      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 14 juillet 2015, l’ECDC a formé le présent pourvoi. Après le dépôt par CJ du mémoire en réponse, en date du 29 octobre 2015, l’ECDC a été autorisé à présenter un mémoire en réplique, ce qu’il a fait le 15 janvier 2016. CJ a déposé un mémoire en duplique le 22 février 2016.

40      En vertu de l’article 207, paragraphe 2, de son règlement de procédure, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal peut, s’il s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, décider de statuer sur le pourvoi sans phase orale de la procédure. En l’espèce, sur proposition du juge rapporteur, nonobstant la demande de fixation d’une audience présentée par l’ECDC dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, et au vu notamment des observations de CJ du 1er avril 2016 sur cette demande, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire et décide de statuer sur le pourvoi sans poursuivre la procédure.

41      L’ECDC conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué en ce qui concerne le moyen contesté dans le présent recours ;

–        condamner CJ aux dépens.

42      CJ conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner l’ECDC aux dépens.

 En droit

43      À l’appui de son pourvoi, l’ECDC invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit qui aurait été commise par le Tribunal de la fonction publique en ce qui concerne la portée du droit d’être entendu. Le second moyen est pris d’une erreur de droit qui aurait été commise par le Tribunal de la fonction publique dans la conclusion formulée par celui-ci à la suite de l’examen de la question de savoir si, en l’absence de la prétendue irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

 Observations liminaires

44      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté tous les moyens invoqués par CJ, à l’exception du premier moyen soulevé au soutien des conclusions en annulation de la décision litigieuse, tiré de la violation du droit d’être entendu (voir, plus particulièrement le troisième grief du premier moyen, aux points 122 à 131 de l’arrêt attaqué, reproduits au point 23 ci-dessus, ainsi que les points 235 et 249 de l’arrêt attaqué).

45      Pour conclure à l’annulation de la décision litigieuse, le Tribunal de la fonction publique a considéré en premier lieu, aux points 122 et 123 de l’arrêt attaqué, que CJ n’avait pas eu la possibilité de présenter des observations sur les conséquences que l’AHCC envisageait de tirer de son comportement et, notamment, sur le fait qu’elle avait l’intention de résilier son contrat sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA. En second lieu, aux points 124 à 130 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a examiné si, en l’absence de cette violation du droit d’être entendu, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. En l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a conclu qu’il n’était pas en mesure d’exclure que, s’il avait été entendu avant que l’AHCC ne décidât de résilier son contrat, CJ aurait pu convaincre l’AHCC d’adopter une décision différente.

46      Les deux étapes du raisonnement qui précède sont les seules contestées par l’ECDC au titre du pourvoi, lequel ne porte pas sur toutes les autres conclusions auxquelles le Tribunal de la fonction publique est parvenu dans l’arrêt attaqué.

 Sur le premier moyen, tiré de l’erreur de droit qui aurait été commise en ce qui concerne la portée du droit d’être entendu

47      En premier lieu, l’ECDC fait valoir que le droit d’être entendu est limité aux allégations formulées par l’AHCC à l’encontre de la personne concernée ainsi qu’aux éléments pris en compte pour étayer ces allégations. Ce droit ne comporterait toutefois pas l’obligation d’entendre cette personne sur les conséquences que l’AHCC entend tirer des faits après qu’elle a été entendue. En l’espèce, le Tribunal de la fonction publique aurait conféré une portée trop large au droit d’être entendu, pour y inclure non seulement les allégations formulées à l’encontre de CJ, mais également les conséquences qui pouvaient en être tirées.

48      L’ECDC fait également observer que l’approche retenue par le Tribunal de la fonction publique a pour effet de restreindre le pouvoir d’appréciation dont il dispose en l’empêchant d’agir. En effet, en cas de faute et en dehors de l’hypothèse où l’AHCC entendrait licencier un agent sans préavis, rien ne l’obligerait à engager une procédure disciplinaire plutôt que de recourir à la faculté de résiliation unilatérale du contrat prévue à l’article 47, sous b), ii), du RAA. La mise en œuvre du droit d’être entendu n’aurait pas vocation à protéger les intérêts de la personne concernée au regard de l’éventuelle mesure à adopter.

49      En deuxième lieu, l’ECDC soutient que l’approche adoptée par le Tribunal de la fonction publique à propos de la portée du droit d’être entendu est contredite par certaines conclusions effectuées dans l’arrêt attaqué, à propos du contenu du rapport final sur l’insubordination ou de la décision litigieuse, d’où il ressort que CJ ne pouvait pas ignorer que l’ECDC pouvait envisager de mettre fin à son contrat lorsqu’il a été invité à faire part de ses observations sur les faits qui lui étaient reprochés. Ainsi dans le rapport final sur l’insubordination, l’enquêteur avait « émis l’avis que le requérant avait manqué à ses obligations envers l’ECDC et que cela justifiait l’ouverture d’une procédure disciplinaire » (point 116 de l’arrêt attaqué). Cela indiquerait clairement que le comportement ayant fait l’objet de l’enquête en cause présentait un certain degré de gravité qui pouvait, à son tour, entraîner une décision de résiliation du contrat. Compte tenu des fonctions d’« assistant juridique » exercées par CJ au sein de l’ECDC, celui-ci aurait été en mesure de comprendre que l’AHCC pouvait envisager de mettre fin à son contrat sur la base des dispositions pertinentes du statut et du RAA. Le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit en présumant que CJ n’était pas en mesure de comprendre cela.

50      CJ conteste l’argumentation de l’ECDC.

51      En premier lieu, l’ECDC méconnaîtrait le contenu des arrêts du 25 septembre 2012, Bermejo Garde/CESE (F‑41/10, EU:F:2012:135, points 114 à 118), et du 15 avril 2015, Pipiliagkas/Commission (F‑96/13, EU:F:2015:29, point 57), où la personne concernée a eu l’occasion d’être entendue sur la mesure envisagée, en l’occurrence une décision de réaffectation, c’est-à-dire une mesure bien plus clémente que celle prise à l’encontre de CJ. Les constatations du Tribunal de la fonction publique traduiraient également la pratique habituelle de l’administration. Par ailleurs, rien ne permettrait de comprendre à quel titre l’approche suivie par le Tribunal de la fonction publique empêcherait l’ECDC d’agir en cas de faute d’un agent. Il serait également difficile de comprendre en quoi le fait d’avoir la possibilité de faire part de ses observations sur la mesure envisagée serait sans pertinence comme cela est suggéré par l’ECDC.

52      En second lieu, CJ rappelle en substance que, à aucun moment, l’ECDC n’a mentionné l’article 47, sous b), ii), du RAA. En outre, même s’il avait su que l’ECDC pouvait envisager de résilier son contrat, cela ne lui aurait toujours pas permis de savoir qu’il s’agissait de la solution envisagée en l’espèce. D’autres mesures étaient envisageables.

 Appréciation du Tribunal

53      À l’instar du Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union dont le droit d’être entendu fait partie intégrante (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 28 et jurisprudence citée).

54      Le droit d’être entendu est aujourd’hui consacré non seulement par les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui garantissent le respect des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable dans le cadre de toute procédure juridictionnelle, mais également par l’article 41 de celle-ci, qui assure le droit à une bonne administration. Le paragraphe 2, dudit article 41 prévoit que ce droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 29 et jurisprudence citée).

55      En vertu de ce principe, qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 30 et jurisprudence citée). Le droit d’être entendu s’impose même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, points 31 et 39 et jurisprudence citée).

56      En l’espèce, il n’est pas contesté que la décision de résilier le contrat de CJ avant son échéance sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA est une mesure individuelle qui affecte défavorablement son destinataire. Celui-ci avait donc le droit d’être entendu avant l’adoption de la décision litigieuse, même si cette disposition ne prévoit pas spécifiquement un tel droit.

57      Dès lors, une telle décision ne peut être prise qu’après que l’intéressé a été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet du projet de décision, dans le cadre d’un échange écrit ou oral entamé par l’AHCC et dont la preuve incombe à celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 6 décembre 2007, Marcuccio/Commission, C‑59/06 P, EU:C:2007:756, point 47, et du 3 juin 2015, BP/FRA, T‑658/13 P, EU:T:2015:356, points 54 et 56).

58      À cet égard, l’ECDC fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit en considérant que le droit d’être entendu englobait l’obligation d’entendre CJ sur les conséquences que l’AHCC envisageait de tirer du comportement de ce dernier s’il était établi. En substance, pour l’ECDC, le droit d’être entendu ne devrait porter que sur les éléments invoqués par l’AHCC à l’encontre de CJ afin d’établir qu’il a manqué à ses obligations et non sur les conséquences susceptibles d’être tirées par l’AHCC d’un tel manquement en ce qui concerne CJ.

59      Une telle limitation du droit d’être entendu ne saurait être retenue. En effet, il ressort de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, que toute personne a le droit d’être entendue par l’administration avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

60      Le destinataire d’une décision qui lui fait grief doit ainsi avoir été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder cette décision. Pour satisfaire au droit d’être entendu, l’administration doit donc porter à la connaissance de l’intéressé non seulement les divers éléments en cause, mais aussi lui faire savoir avec une précision suffisante quelles conséquences sont susceptibles d’être tirées de ces éléments au stade où il est demandé à l’intéressé de faire part de ses observations (voir points 55 et 57 ci-dessus et la jurisprudence citée).

61      En l’espèce, il était tout aussi important pour l’intéressé de savoir, au titre de son droit d’être entendu, d’une part, que pour les raisons qui étaient portées à sa connaissance, l’AHCC considérait qu’il avait manqué à ses obligations envers l’ECDC et, d’autre part, que, en considération de ce manquement, l’AHCC envisageait de résilier son contrat avant son échéance à l’issue d’un préavis et avec une indemnité égale au tiers de son traitement de base pour la période comprise entre la date de cessation de ses fonctions et la date à laquelle expirait son contrat. De telle manière, l’intéressé pouvait aussi bien faire valoir ses observations sur ce qui lui était reproché que sur les conséquences envisagées si l’AHCC considérait ces reproches comme étant avérés.

62      En effet, le droit d’être entendu répond à une double préoccupation. En premier lieu, il permet à l’intéressé de contester et de réfuter les allégations formulées à son égard avant que l’administration ne décide d’adopter un acte qui pourrait lui faire grief. En second lieu, le droit d’être entendu a également pour objet de permettre à l’intéressé de préciser certains éléments ou d’en faire valoir d’autres, par exemple relatifs à sa situation personnelle, qui pourraient militer dans le sens que la décision envisagée ne soit pas prise ou qu’elle ait un contenu différent (conclusions de l’avocat général Bot, dans l’affaire M., C‑277/11, EU:C:2012:253, points 35 et 36, et arrêt du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, point 49).

63      En relevant au point 122 de l’arrêt attaqué qu’il ressort du dossier que, avant l’adoption de la décision litigieuse, l’AHCC n’avait jamais évoqué la possibilité d’adopter à l’égard de CJ une décision de résiliation de son contrat sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA, le Tribunal de la fonction publique a ainsi conclu sans commettre d’erreur de droit que l’ECDC avait violé le droit de l’intéressé d’être entendu, dès lors que ce dernier n’avait pas la possibilité de présenter des observations sur les conséquences que l’AHCC envisageait de tirer de son comportement et, notamment, sur le fait qu’elle avait l’intention de résilier son contrat en faisant application de la disposition susmentionnée.

64      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments avancés par l’ECDC au titre de ce moyen.

65      En effet, l’approche retenue par le Tribunal de la fonction publique ne porte pas atteinte au pouvoir d’appréciation reconnu par la jurisprudence à l’AHCC de décider, en cas de faute, de résilier le contrat d’un agent contractuel sans procéder à l’ouverture d’une procédure disciplinaire (voir points 81 et 82 de l’arrêt attaqué, reproduits au point 21 ci-dessus, qui cite cette jurisprudence pour écarter le premier moyen préliminaire et le dixième moyen soulevés au soutien des conclusions en annulation de la décision litigieuse). Dans le cadre du droit d’être entendu, il importe seulement de mettre l’intéressé en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet de la décision envisagée par l’AHCC à son égard.

66      De même, contrairement à ce que fait valoir l’ECDC, il ne peut être considéré que l’approche retenue par le Tribunal de la fonction publique soit dénuée de pertinence pour CJ, dès lors que l’AHCC ne peut présumer du contenu des observations de l’intéressé sur la décision envisagée faute de lui en avoir communiqué tous les éléments pour qu’il puisse utilement être entendu à cet égard. C’est d’ailleurs au vu de ces observations qu’il sera éventuellement possible d’apprécier la proportionnalité de la mesure décidée par l’AHCC à l’issue de la procédure.

67      En outre, pour la même raison, à défaut d’avoir mis l’intéressé en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet de la décision envisagée par l’AHCC à son égard, l’ECDC ne peut alléguer que, pour compenser la violation de ce principe fondamental du droit de l’Union, il serait possible de considérer que, de lui-même, CJ ait été à même de déterminer quelle allait être la mesure décidée par l’AHCC à l’issue de la procédure. En effet, il n’est pas contesté que, avant l’adoption de la décision litigieuse, l’AHCC n’a jamais évoqué la possibilité d’adopter à l’égard de CJ une décision de résiliation de son contrat sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA. À cet égard, outre le fait qu’elles ne proviennent pas de l’AHCC, force est de relever que les différentes indications mentionnées par l’ECDC au soutien de son argumentation ne faisaient pas référence à une telle décision de résiliation, mais évoquaient plutôt l’éventuelle ouverture d’une procédure disciplinaire, laquelle aurait offert à l’intéressé les garanties d’une procédure contradictoire, ou restaient vagues. À supposer même que l’intéressé ait été à même de déterminer les différentes options disponibles pour l’AHCC, rien ne lui permettait donc de savoir que la mesure envisagée était celle prévue par l’article 47, sous b), ii), du RAA.

68      Il ressort de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de l’erreur de droit qui aurait été commise dans la conclusion formulée à la suite de l’examen de la question de savoir si, en l’absence de la violation du droit d’être entendu, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent

 Arguments des parties

69      L’ECDC fait valoir que l’appréciation du Tribunal de la fonction publique est contradictoire quand il examine la question de savoir si, en l’absence de la violation du droit d’être entendu, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. En effet, dès lors que le Tribunal de la fonction publique reconnaît que le lien de confiance est rompu du fait d’agissements sur lesquels l’intéressé a eu la possibilité d’être entendu, l’ECDC soutient que, même si l’intéressé avait été entendu sur les conséquences que l’AHCC envisageait de tirer de ces agissements, cela n’aurait pas abouti à un résultat différent. Le Tribunal de la fonction publique aurait commis une erreur de droit en considérant que, en l’absence de la prétendue irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

70      CJ conteste l’argumentation de l’ECDC.

71      En substance, il fait valoir que le manquement d’un agent aux obligations qui lui incombent n’impose pas, mais permet à l’AHCC de prendre des mesures à son égard. Ainsi, l’ECDC aurait pu réaffecter l’intéressé ou son supérieur dans un autre service. L’ECDC aurait également pu décider d’adopter une mesure plus clémente que la résiliation du contrat, ce qui aurait incité l’intéressé à revoir son comportement. Il ne pourrait donc être exclu que, au moment où la résiliation était envisagée, l’intéressé ait pu convaincre l’AHCC de prendre une autre mesure s’il avait pu se douter des conséquences que l’ECDC entendait donner à son comportement. Par ailleurs, même si l’AHCC avait estimé que, en tout état de cause, l’intéressé ne pouvait rester au service de l’ECDC, elle aurait pu lui permettre de démissionner. Enfin, si l’intéressé avait été informé de l’éventualité de la résiliation de son contrat, il aurait pu faire de plus grands efforts pour s’adapter aux délais très brefs dont il disposait pour présenter ses observations.

 Appréciation du Tribunal

72      À l’instar du Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué, il y a lieu de rappeler que, pour que la violation du droit d’être entendu puisse aboutir, en l’espèce, à l’annulation de la décision litigieuse, il était nécessaire d’examiner si, en l’absence de cette irrégularité, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 79 et jurisprudence citée).

73      En effet, ainsi qu’il est également relevé par le Tribunal de la fonction publique dans l’arrêt attaqué, la règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci ne soit prise a pour but de permettre à l’autorité concernée de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents. Afin d’assurer une protection effective dudit destinataire, elle a notamment pour objet que celui-ci puisse corriger une erreur ou faire valoir tels éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (voir arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 65 et jurisprudence citée).

74      En l’espèce, pour étayer la conclusion formulée au point 130 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le Tribunal de la fonction publique n’était pas en mesure d’exclure que, si l’intéressé avait été entendu avant que l’AHCC ne décide de résilier son contrat d’engagement sur le fondement de l’article 47, sous b), ii), du RAA, il aurait pu la convaincre d’adopter une décision différente, plusieurs éléments ont été pris en considération.

75      En premier lieu, le Tribunal de la fonction publique a constaté que la décision litigieuse se fondait sur « une rupture irrémédiable du lien de confiance avec le requérant due à une série d’agissements inappropriés de celui-ci et que le requérant [avait] eu la possibilité de s’exprimer, à plusieurs reprises, sur le comportement qui lui était reproché » (point 127 de l’arrêt attaqué).

76      En deuxième lieu, le Tribunal de la fonction publique a relevé que, « [t]outefois, il ressort[ait] du dossier, et notamment des faits tels qu’établis dans le rapport final sur l’insubordination, que le comportement reproché au requérant n’a[vait] commencé qu’à partir de la nomination de Mme B comme chef du service juridique et, partant, depuis que celle-ci était devenue son supérieur hiérarchique ». De même, le Tribunal de la fonction publique a constaté que, « [s]i l’ECDC a affirmé, lors de l’audience, que la mutation du requérant sur un autre poste n’était pas possible en l’occurrence, il s’est borné à l’affirmer sans apporter d’élément de preuve de ce prétendu état de fait qui, par ailleurs, ne ressort nullement du dossier, ce qui démontre que l’AHCC n’a pas envisagé d’autre solution à l’insubordination avérée du requérant que de mettre fin à son contrat » (point 128 de l’arrêt attaqué).

77      En troisième lieu, le Tribunal de la fonction publique a rappelé, par ailleurs, que « la décision de mettre fin avant son terme au contrat d’un agent contractuel, aussi justifiée qu’elle [ait pu] l’être, constitu[ait] un acte d’une extrême gravité ». Dans ce contexte, le Tribunal de la fonction publique a précisé que, « [o]utre le fait qu’il s’agi[ssait] d’un droit fondamental de l’agent concerné, l’exercice par ce dernier du droit de s’exprimer utilement sur la décision de licenciement envisagée rel[evait] de la responsabilité de l’AHCC, responsabilité qu’elle [devait] assurer de manière scrupuleuse » (point 129 de l’arrêt attaqué).

78      Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce qu’affirme l’ECDC, le raisonnement du Tribunal de la fonction publique n’est pas contradictoire, mais prend à juste titre en considération les différents éléments qui sont pertinents pour examiner si, en l’absence de la violation du droit de l’intéressé d’être entendu sur les conséquences que l’AHCC envisageait de tirer de son comportement, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

79      En effet, le raisonnement précité envisage aussi bien les éléments propres à la situation de l’intéressé, notamment le comportement qui lui est reproché et qui se caractérise par le fait que, à compter de la nomination d’un nouveau chef de service, il a eu plusieurs agissements inappropriés sur lesquels il lui a été donné la possibilité de s’exprimer, que les éléments relatifs à la mesure envisagée, dont il s’avère qu’elle n’a pas été communiquée à l’intéressé qui n’a donc pu faire valoir à cet égard des observations susceptibles d’influencer sa nature ou ses effets.

80      À cet égard, comme cela est justement relevé par le Tribunal de la fonction publique au point 129 de l’arrêt attaqué, retenir que l’AHCC aurait adopté une décision identique, même après avoir entendu l’intéressé, reviendrait à vider de sa substance le droit fondamental d’être entendu consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, dès lors que le contenu même de ce droit implique que l’intéressé ait la possibilité d’influencer le processus décisionnel en cause (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2011, Marcuccio/Commission, T‑236/02, EU:T:2011:465, point 115).

81      Il ressort de ce qui précède que le second moyen doit être rejeté comme non fondé dès lors que le Tribunal de la fonction publique a procédé à une exacte qualification juridique des faits de l’espèce et n’a dès lors pas commis d’erreur de droit.

82      Dans la mesure où tous les moyens invoqués par l’ECDC ont été rejetés, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

83      Conformément à l’article 211, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

84      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 211, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

85      L’ECDC ayant succombé, il convient de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de CJ.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) est condamné aux dépens.

Jaeger

Papasavvas

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2016.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Procédure devant le Tribunal de la fonction publique

Arrêt attaqué

Sur les conclusions en annulation de la décision litigieuse

Sur les conclusions visant la réintégration dans le service, la réparation du préjudice matériel et la réparation du préjudice moral

Sur la condamnation de CJ à rembourser une partie des frais évitables que le Tribunal de la fonction publique a dû exposer

Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

En droit

Observations liminaires

Sur le premier moyen, tiré de l’erreur de droit qui aurait été commise en ce qui concerne la portée du droit d’être entendu

Appréciation du Tribunal

Sur le second moyen, tiré de l’erreur de droit qui aurait été commise dans la conclusion formulée à la suite de l’examen de la question de savoir si, en l’absence de la violation du droit d’être entendu, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.