Language of document : ECLI:EU:T:2024:305

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

8 mai 2024 (*)

« Fonction publique – Agents contractuels – Sécurité sociale – Article 72 du statut – Dispositions générales d’exécution relatives au remboursement des frais médicaux – Refus de reconnaissance du statut de maladie grave – Critères – Avis du médecin-conseil – Examen concret et circonstancié – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑755/22,

TG, représentée par Me A. Tymen, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. T. Bohr et L. Hohenecker, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme R. Frendo et M. M. Sampol Pucurull (rapporteur), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 15 novembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, TG, demande, d’une part, l’annulation de la décision de la Commission européenne du 11 mars 2022 refusant de reconnaître le statut de maladie grave à sa pathologie (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, la réparation du préjudice moral qu’elle aurait subi de ce fait.

 Antécédents du litige

2        La requérante est agent contractuel de la Commission depuis 2003. Elle souffre de douleurs et d’une diminution de la force de son poignet gauche depuis juin 2020, en raison d’une pathologie orthopédique dite du cubitus long. La requérante est en incapacité de travail ininterrompue depuis le 4 juin 2020.

3        Le 26 janvier 2022, le docteur A, chirurgien orthopédiste spécialiste de la main, qui suit la requérante depuis le mois de juin 2020, après de nombreux examens et résultats d’imagerie médicale, a indiqué que, si les images obtenues dans une nouvelle imagerie par résonance magnétique permettaient de diagnostiquer un conflit cubito-carpien, une opération chirurgicale de raccourcissement du cubitus serait envisagée.

4        Le 23 février 2022, le docteur A a finalement proposé ladite opération à la requérante, en raison de la persistance des douleurs malgré les traitements déjà entrepris, à savoir de la kinésithérapie, une immobilisation par attelle et la prise d’antidouleurs.

5        Le 23 février 2022, la requérante a introduit une demande tendant à faire reconnaître sa pathologie comme une maladie grave, au sens de l’article 72, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), afin qu’elle puisse bénéficier d’un remboursement au taux de 100 % des frais médicaux liés à sa maladie.

6        Par la décision attaquée, le bureau liquidateur du régime commun d’assurance maladie d’Ispra (Italie, ci-après le « bureau liquidateur »), dont dépend la requérante, a refusé de reconnaître sa pathologie comme étant une maladie grave, sur la base de l’avis initial du médecin-conseil, après examen des quatre critères nécessaires à la reconnaissance du statut de maladie grave prévus par la décision C(2007) 3195 final de la Commission, du 2 juillet 2007, portant fixation des dispositions générales d’exécution relatives au remboursement des frais médicaux, telle que modifiée par la décision C(2020) 3002 final de la Commission, du 12 mai 2020 (ci-après les « DGE »). Le médecin-conseil a considéré que, pour cette pathologie orthopédique qui peut être prise en charge chirurgicalement, l’examen, d’une part, des quatre critères que sont l’existence d’un pronostic vital défavorable, l’évolution chronique de la maladie, la nécessité de mesures diagnostiques ou thérapeutiques lourdes et la présence ou le risque de handicap grave, et, d’autre part, de leurs interrelations ne permettait pas de donner un avis favorable à la reconnaissance du statut de maladie grave.

7        Le même jour, la requérante a communiqué au bureau liquidateur deux documents complémentaires, à savoir un rapport de consultation qu’elle a effectuée à cette même date, auprès du docteur A, et une feuille de liaison chirurgicale remplie par ce dernier indiquant notamment qu’une opération chirurgicale, consistant en un raccourcissement du cubitus gauche, était prévue à la date du 2 mai 2022. Elle a également demandé que la décision attaquée soit réexaminée.

8        Par lettre du 29 avril 2022, la requérante a introduit une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la décision attaquée.

9        Le 2 mai 2022, la requérante a été opérée du poignet gauche.

10      Le 23 mai 2022, un second avis médical a été rendu par le médecin-conseil (ci-après l’« avis circonstancié »), selon lequel la requérante ne remplissait pas les critères exigés pour la reconnaissance du statut de maladie grave, tels que prévus par les DGE. Il a estimé, d’une part, que le critère du pronostic vital défavorable faisait défaut et, d’autre part, que, même en considérant son interdépendance avec les trois autres critères, ledit critère n’était toujours pas rempli. En effet, selon lui, d’une part, après l’opération chirurgicale, la chronicité disparaîtrait et le handicap serait fortement réduit, voire aboli, et, d’autre part, ni les séances de kinésithérapie ni la chirurgie ne pouvaient être considérées comme des traitements lourds.

11      Le 28 juillet 2022, le comité de gestion du régime commun d’assurance maladie, saisi par la Commission agissant en tant qu’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), en application de l’article 35, paragraphe 2, de la réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes, a rendu l’avis no 034/2022 confirmant la décision attaquée. Ledit comité s’est prononcé en faveur du refus de la demande de la requérante, en se fondant sur l’avis circonstancié établissant que l’état de santé de celle-ci ne correspondait pas aux critères de reconnaissance du statut de maladie grave, prévus par les DGE.

12      Par décision du 25 août 2022, sur la base de l’avis circonstancié, l’AHCC a rejeté la réclamation de la requérante (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission à la réparation de son préjudice moral évalué à 5 000 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

 Sur l’objet du recours

15      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision de rejet de la réclamation.

16      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome. En effet, la décision qui rejette une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2023, SE/Commission, T‑223/21, EU:T:2023:375, points 23 et 24 et jurisprudence citée).

17      En revanche, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, la motivation incluse dans la décision de rejet de la réclamation devra être prise en considération pour l’examen de la légalité de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 55 et 56).

18      En l’espèce, étant donné que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée, les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome. Par conséquent, le présent recours doit être considéré comme étant dirigé contre la décision attaquée, dont la légalité doit être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation.

 Sur le fond

19      Au soutien de ses conclusions en annulation, la requérante invoque un moyen unique tiré d’une violation de l’article 72, paragraphe 1, du statut et des DGE.

20      La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée est entachée d’une méconnaissance de l’article 72, paragraphe 1, du statut et des DGE, en raison de la prise en compte de l’avis circonstancié.

21      La requérante reproche en effet au médecin-conseil de ne pas avoir réalisé un examen concret et circonstancié de son état de santé, aux motifs, premièrement, qu’il aurait ignoré son état de santé au moment de sa demande et n’aurait pris en compte que de probables résultats postopératoires, tels qu’il les aurait anticipés après l’opération chirurgicale. La requérante fait valoir que, ce faisant, le médecin-conseil, dans son avis circonstancié, n’a pas correctement appliqué les conditions de reconnaissance d’une maladie grave telles que prévues par les DGE. À ce titre, elle relève que, ainsi qu’il ressort des points 1 à 3 du chapitre 5 du titre III des DGE, les quatre critères de reconnaissance d’une maladie grave doivent être appréciés au vu de l’état de santé du demandeur, à la date du rapport médical joint à la demande de reconnaissance, et éventuellement de son état de santé passé, si celui-ci fait une demande de reconnaissance rétroactive.

22      Deuxièmement, la requérante reproche au médecin-conseil de ne pas avoir, dans son avis circonstancié, correctement réalisé l’appréciation globale des quatre critères de reconnaissance d’une maladie grave mentionnés par les DGE. Elle fait état d’une contradiction dans l’appréciation du médecin-conseil lorsque celui-ci a examiné le critère du pronostic vital défavorable avant l’intervention, puisqu’il aurait, pour cela, considéré l’interdépendance avec les trois autres critères, tels qu’ils existeront après l’opération, et non avant celle-ci.

23      La Commission conteste les arguments de la requérante.

24      D’une part, le cadre juridique applicable à la reconnaissance du statut de maladie grave est constitué de l’article 72, paragraphe 1, du statut, qui dispose que, dans la limite de 80 % des frais exposés, le fonctionnaire est couvert contre les risques de maladie et que ce taux est porté à 100 % en cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladie mentale et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’autorité investie du pouvoir de nomination.

25      Cette disposition est applicable par analogie aux agents temporaires et contractuels en vertu des articles 28 et 95 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne.

26      D’autre part, l’article 20, paragraphe 6, de la réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes dispose ce qui suit :

« Conformément à l’article 72, paragraphe 1, du [s]tatut, les frais sont remboursés à 100 % en cas de tuberculose, poliomyélite, cancer, maladies mentales et autres maladies reconnues de gravité comparable par l’autorité investie du pouvoir de nomination après avis du médecin-conseil du [b]ureau liquidateur.

Cet avis est émis sur la base des critères généraux fixés dans les [DGE] après consultation du Conseil médical […] »

27      Le cadre juridique est complété par le point 1 du chapitre 5, intitulé « Reconnaissance du statut de maladie grave », du titre III, intitulé « Procédures », des DGE, qui prévoit ce qui suit :

« 1. Définition

Sont reconnus notamment comme maladies graves, les cas de tuberculose, de poliomyélite, de cancer, de maladie mentale et d’autres maladies reconnues de gravité comparable par l’[autorité investie du pouvoir de nomination]. Ces dernières concernent des affections associant, à des degrés variables, les quatre critères suivants :

–        évolution chronique ;

–        nécessité de mesures diagnostiques et/ou thérapeutiques lourdes ;

–        présence ou risque de handicap grave ;

–        pronostic vital défavorable.

Ces critères cumulatifs doivent faire l’objet d’une appréciation globale sur la gravité des conséquences de la maladie en cause. L’appréciation portée sur l’un des critères est, compte tenu du lien d’interdépendance, de nature à moduler l’appréciation portée sur les autres critères, en particulier en ce qui concerne les situations de handicap grave. L’examen d’un critère à la lumière de l’appréciation portée sur les autres critères peut aboutir à la conclusion que ledit critère, notamment celui relatif au pronostic vital défavorable, est rempli […] »

28      Une telle reconnaissance du statut de maladie grave est obtenue à la suite d’une demande en ce sens, telle que prévue au point 3 du chapitre 5 du titre III des DGE, qui dispose ce qui suit :

« 3. Procédures

La demande de reconnaissance pour maladie grave doit être accompagnée d’un rapport médical détaillé, adressé au médecin-conseil du bureau liquidateur compétent de manière confidentielle. Lors d’une première demande, ce rapport précise :

–        la date du diagnostic ;

–        le diagnostic précis ;

–        le stade d’évolution et les complications éventuelles ;

–        le traitement nécessaire.

La couverture à 100 % des frais occasionnés par la maladie grave est accordée avec une date de début (date du diagnostic indiquée dans le certificat médical) et une date d’échéance prévoyant une couverture à 100 % de cinq ans au maximum […] »

29      Ainsi, la reconnaissance des maladies graves au sens du point 1 du chapitre 5 du titre III des DGE dépend d’un examen concret et circonstancié de l’état de santé de la personne concernée et des conditions de traitement de la pathologie en cause, effectué sur la base d’un rapport du médecin traitant de celle-ci, au vu des critères fixés après avis du conseil médical, lesquels impliquent tous l’analyse précise de la situation de l’intéressé (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2023, IR/Commission, T‑685/21, non publié, EU:T:2023:267, point 42 et jurisprudence citée).

30      Aussi, il importe de préciser que si, dans le cadre de leur examen concret et circonstancié, le médecin-conseil et l’AHCC doivent se prononcer sur la base de la littérature scientifique et, au besoin, après avis de spécialistes, l’examen portant sur la reconnaissance du statut de maladie grave pour une pathologie étant une question médicale, ils ne sauraient faire abstraction de l’état de santé effectif et complet de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêt du 25 mai 2016, GW/Commission, F‑111/15, EU:F:2016:122, point 40).

31      Par ailleurs, il résulte d’une jurisprudence constante que le contrôle du juge ne s’étend pas aux appréciations médicales proprement dites, qui doivent être tenues pour définitives lorsqu’elles sont intervenues dans des conditions régulières (voir arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, point 68 et jurisprudence citée).

32      Toutefois, il revient au Tribunal, dans le cadre du contrôle limité qu’il exerce sur les avis émis par les organes médicaux intervenant au cours de la procédure de reconnaissance de l’existence d’une maladie grave, de s’assurer, au regard des considérations qui précèdent, que l’avis du médecin-conseil a été adopté sur la base d’un examen concret et circonstancié de l’état de santé de l’intéressé, examen prenant en compte de manière globale, comme l’exige le point 1 du chapitre 5 du titre III des DGE , les quatre critères interdépendants prévus par ledit point (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2011, Allen/Commission, F‑23/10, EU:F:2011:162, point 80).

33      En l’espèce, il convient de rappeler, tout d’abord, que, lors d’une consultation qui a eu lieu le 23 février 2022, le docteur A a proposé à la requérante une opération chirurgicale et, ce même jour, cette dernière a introduit sa demande de reconnaissance de maladie grave. Ensuite, le 11 mars 2022, soit le jour de l’adoption de la décision attaquée, la requérante a transmis une feuille de liaison chirurgicale du centre hospitalier, attestant qu’une intervention était prévue le 2 mai 2022. Enfin, dans sa réclamation du 29 avril 2022, la requérante a confirmé que l’opération était programmée le 2 mai 2022.

34      En premier lieu, en ce qui concerne le grief de la requérante selon lequel le médecin‑conseil aurait manqué d’examiner sa situation au jour de sa demande, force est de constater que, d’une part, le médecin-conseil a clairement exposé dans l’avis circonstancié que deux des quatre critères cumulatifs de reconnaissance du statut de maladie grave faisaient défaut avant l’opération, aux motifs que le critère du pronostic vital défavorable n’était pas rempli et que ni les séances de kinésithérapie ni l’opération chirurgicale envisagée visant à procéder au raccourcissement du cubitus, par ostéotomie de ce dernier, ne constituaient des traitements lourds. Le médecin-conseil a également considéré que, après l’opération, la chronicité de la maladie de la requérante disparaîtrait et que son handicap serait fortement réduit, sinon complètement aboli.

35      D’autre part, le médecin-conseil a estimé que l’« absence » du critère du pronostic vital défavorable, qu’il a qualifié de « critère fondamental », permettait de nier la reconnaissance de maladie grave, même en tenant compte de l’interdépendance avec les autres critères. Le médecin-conseil a ainsi souligné que l’« absence de ce critère » avant l’opération a été déterminant dans l’analyse de la situation de la requérante et que cette circonstance suffisait en elle-même à écarter la reconnaissance de maladie grave.

36      C’est ainsi principalement au motif que le critère du pronostic vital défavorable faisait défaut, à la date de la demande, c’est-à-dire avant l’opération, que le médecin-conseil a estimé que la pathologie de la requérante ne pouvait être reconnue comme une maladie grave. Il ressort également de l’avis circonstancié que le critère relatif au besoin de mesures diagnostiques ou thérapeutiques lourdes faisait aussi défaut au jour de la demande.

37      Il apparaît donc que le médecin-conseil a examiné la situation de la requérante telle qu’elle se présentait à la date de la demande et a conclu à l’absence de caractère grave de la pathologie examinée, en particulier en raison de l’absence de pronostic vital défavorable.

38      Dès lors, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel le médecin-conseil aurait ignoré son état de santé à la date de la demande et aurait exclusivement pris en considération un état de santé futur et incertain fondé sur des résultats d’opération supputés. Le fait que le médecin-conseil ait pris en compte cette intervention chirurgicale à venir lorsqu’il a examiné les critères de l’évolution chronique et de la présence ou du risque de handicap grave n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion.

39      Par ailleurs, le fait que le médecin-conseil ait souligné l’importance d’une prise en compte des résultats stabilisés de la pathologie opérée, en cas de pathologie orthopédique opérable, n’implique pas, contrairement à ce que soutient la requérante, que le médecin-conseil ait modifié les conditions de reconnaissance d’une maladie grave, mais qu’il a cherché à prendre en compte l’état de santé effectif et complet de la requérante conformément à la jurisprudence citée aux points 29 et 30 ci-dessus et des circonstances de l’espèce décrites au point 33 ci-dessus. En effet, lorsqu’il a adopté son avis initial, puis l’avis circonstancié, le médecin-conseil ne pouvait ignorer l’état de santé général de la requérante décrit dans le rapport médical et les conditions de traitement de sa pathologie, en particulier l’intervention chirurgicale à venir.

40      En second lieu, la requérante fait grief au médecin-conseil de ne pas avoir correctement procédé à l’appréciation globale des quatre critères du point 1 du chapitre 5 du titre III des DGE en se livrant à un examen contradictoire de l’interdépendance du critère du pronostic vital défavorable avec les trois autres critères. Elle reproche en particulier au médecin-conseil d’avoir considéré que, à la lumière de ces trois critères, le critère du pronostic vital défavorable n’était pas rempli avant l’opération, au motif qu’il aurait examiné les trois critères en cause en tenant compte seulement de résultats d’opération potentiels.

41      À cet égard, il importe de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 1 du chapitre 5 du titre III des DGE, le médecin-conseil est tenu de se livrer à une appréciation globale sur la gravité des conséquences de la maladie du demandeur, à l’aune des quatre critères et selon la méthode prévue par ladite disposition.

42      Selon la jurisprudence, les critères cumulatifs du point 1 du chapitre 5 du titre III des DGE doivent en effet être pris en compte en relation les uns avec les autres par le médecin-conseil dans le but que soit portée une appréciation globale sur la gravité des conséquences de la maladie en cause et en laissant ainsi aux praticiens une grande liberté dans l’appréciation médicale des situations singulières qu’il sont amenés à évaluer (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2011, Allen/Commission, F‑23/10, EU:F:2011:162, point 77). Le médecin-conseil ne saurait donc procéder à l’examen d’une demande de reconnaissance de l’existence d’une maladie grave en se bornant à examiner de façon isolée certaines des conditions prévues au point 1 du chapitre 5 du titre III des DGE, voire en limitant son appréciation aux seules conditions qui ne lui semblent pas être remplies (voir arrêt du 17 mai 2023, IR/Commission, T‑685/21, non publié, EU:T:2023:267, point 63 et jurisprudence citée).

43      Bien que les quatre critères nécessaires à la reconnaissance du statut de maladie grave présentent un caractère cumulatif, dans l’examen auquel se livre le médecin-conseil, l’appréciation portée sur l’un des critères est, compte tenu du lien d’interdépendance que le texte prévoit entre ces quatre critères, de nature à moduler l’appréciation qui est portée sur les autres critères. Ainsi, si l’un des critères peut sembler ne pas être rempli lorsqu’il est examiné de manière isolée, son examen à la lumière de l’appréciation portée sur les autres critères peut aboutir à la conclusion inverse, à savoir que ledit critère est rempli, ce qui interdit au médecin-conseil de se contenter de l’examen d’un seul critère (voir arrêt 17 mai 2023, IR/Commission, T‑685/21, non publié, EU:T:2023:267, point 62 et jurisprudence citée).

44      En l’espèce, il ressort des arguments développés aux points 34 et 35 ci-dessus que le médecin-conseil a d’abord considéré que l’absence du critère du pronostic vital défavorable, qu’il a qualifié de « critère fondamental », permettait de rejeter la demande de reconnaissance de maladie grave.

45      Le médecin-conseil a ensuite analysé ce critère, en considérant son interdépendance avec les trois autres critères prévus au point 1 du chapitre 5 du titre III des DGE, et notamment avec le critère se rattachant à la nécessité de mesures diagnostiques ou thérapeutiques lourdes, qui faisait également défaut au jour de la demande. S’agissant des critères de l’évolution chronique et de la présence ou du risque de handicap grave, le médecin-conseil a tenu compte de l’opération chirurgicale proposée par le docteur A et a considéré qu’ils n’étaient pas non plus remplis.

46      Or, force est de constater que le médecin-conseil a estimé que l’examen du critère du pronostic vital défavorable, à la lumière de ces trois autres critères, ne permettait toujours pas de considérer que ce critère était rempli, et a ainsi tenu compte de l’interdépendance entre les critères.

47      Il convient donc d’écarter l’argument de la requérante selon lequel le médecin-conseil n’aurait pas suivi la méthode d’appréciation globale des critères prévue au point 1 du chapitre 5 du titre III des DGE.

48      Quant à l’argument de la requérante selon lequel les quatre critères prévus par les DGE étaient bien remplis, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au juge de l’Union de remettre en cause les appréciations médicales soutenant un refus de l’AHCC de reconnaître qu’une affection constitue une maladie grave au sens de l’article 72, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens, ordonnance du 21 février 2013, Marcuccio/Commission, T-85/11 P, EU:T:2013:90, point 73 et jurisprudence citée). En effet, il y a lieu de relever que, s’agissant du bien-fondé du refus de reconnaissance comme maladie grave de la maladie de la requérante, le Tribunal n’exerce sur de telles appréciations qu’un contrôle restreint (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2010, Marcuccio/Commission, F‑65/09, EU:F:2010:149, point 74 et jurisprudence citée).

49      De surcroît, la requérante se limite à faire référence aux arguments figurant dans sa réclamation, sans expliquer les raisons pour lesquelles son affection devrait être considérée comme une maladie de gravité comparable à celles expressément visées à l’article 72 du statut. En particulier, elle n’apporte pas d’éléments permettant de remettre en cause le fait que deux des quatre critères cumulatifs n’étaient pas remplis avant l’opération, ainsi qu’il a été constaté au point 34 ci-dessus. De plus, elle n’expose pas en quoi l’appréciation des trois critères visés au point 45, et notamment ceux tenant à l’évolution chronique de la maladie et à la présence ou au risque de handicap grave, démontrerait une gravité de l’affection telle que le critère du pronostic vital défavorable serait à son tour rempli, en raison du lien d’interdépendance.

50      Par conséquent, il convient de conclure que le médecin-conseil a réalisé un examen concret et circonstancié de l’état de santé de la requérante en portant une appréciation globale sur la gravité des conséquences de sa maladie.

51      Il s’ensuit que la décision attaquée n’est pas entachée des illégalités alléguées par la requérante.

52      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le moyen unique comme non fondé et, partant, les conclusions en annulation.

 Sur les conclusions indemnitaires

53      Par ses conclusions indemnitaires, la requérante demande la réparation d’un préjudice moral qu’elle évalue ex æquo et bono à 5 000 euros, qui résulterait de l’absence de motivation de la décision attaquée ainsi que d’une violation par la Commission de son devoir de sollicitude. Elle soutient que, si ce défaut de motivation a par la suite été régularisé, comme l’admet la jurisprudence, elle a reçu, dans un premier temps, une décision l’affectant négativement sans la moindre explication. Son préjudice moral serait d’autant plus grand que les décisions contestées touchent un sujet particulièrement sensible, à savoir son état de santé dégradé.

54      La Commission conclut au rejet de la demande indemnitaire.

55      Il ressort d’une jurisprudence établie que, dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire ou par un agent, l’engagement de la responsabilité de l’institution présuppose la réunion d’un ensemble de trois conditions concernant l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué. Les trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une de celles-ci n’est pas satisfaite, la responsabilité de l’institution ne peut être engagée (arrêt du 10 mars 2021, AM/BEI, T‑134/19, EU:T:2021:119, point 84).

56      D’une part, en ce qui concerne l’illégalité tirée d’une violation de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que l’objectif de la procédure de réclamation est de permettre le réexamen par l’AHCC de l’acte attaqué au regard des griefs avancés par le réclamant, le cas échéant en complétant, voire en modifiant les motifs servant de support à son dispositif (voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, points 32 et 33).

57      En outre, la phase précontentieuse présente un caractère évolutif, selon lequel la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe, l’élaboration de l’acte fixant la position définitive de l’institution ne trouvant son terme qu’à l’occasion de l’adoption de la réponse faite par l’AHCC à la réclamation introduite par l’agent concerné (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2017, LP/Europol, T‑719/15 P, non publié, EU:T:2017:7, point 18).

58      Le complément de motivation, au stade de la décision de rejet de la réclamation, est conforme à la finalité de l’article 90, paragraphe 2, du statut, aux termes duquel la décision sur la réclamation est elle-même motivée. En effet, cette disposition implique nécessairement que l’autorité amenée à statuer sur la réclamation ne soit pas liée par la seule motivation, le cas échéant insuffisante, voire inexistante dans le cas d’une décision implicite de rejet, de la décision faisant l’objet de la réclamation (voir arrêt du 15 septembre 2017, Skareby/SEAE, T‑585/16, EU:T:2017:613, point 19 et jurisprudence citée).

59      Ainsi, l’AHCC pouvait compléter la motivation fondant le refus de reconnaissance de maladie grave dans la décision de rejet de la réclamation.

60      D’autre part, en ce qui concerne le grief tiré d’une violation du devoir de sollicitude, la requérante n’invoque pas d’arguments permettant d’étayer une telle violation, de sorte qu’il y a lieu de rejeter ce grief comme irrecevable sur le fondement de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal.

61      La condition tenant à l’illégalité du comportement reproché à la Commission n’est donc pas remplie en l’espèce.

62      S’agissant, par ailleurs, de la condition relative à la réalité du dommage, il convient de rappeler que la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si la partie requérante a effectivement subi un préjudice réel et certain. Il incombe à la partie requérante d’apporter des éléments de preuve au juge de l’Union afin d’établir l’existence et l’ampleur d’un tel préjudice (voir arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE, T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397, point 101 et jurisprudence citée).

63      Or, la requérante n’a apporté aucun élément de preuve permettant d’établir la réalité du préjudice qu’elle invoque.

64      Ainsi, la condition tenant à la réalité du préjudice invoqué n’est pas non plus remplie.

65      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires, et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TG est condamnée aux dépens.

Truchot

Frendo

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mai 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.