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CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME LAILA MEDINA

présentées le 23 mars 2023 (1)

Affaire C83/22

RTG

contre

Tuk Tuk Travel SL

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de Primera Instancia no 5 de Cartagena (tribunal de première instance no 5 de Carthagène, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Directive (UE) 2015/2302 – Voyages à forfait et prestations de voyage liées – Article 5, paragraphe 1 – Obligations relatives aux informations précontractuelles – Annexe I, parties A et B – Formulaire d’information standard – Article 12, paragraphe 2 – Résiliation d’un contrat de voyage à forfait – Circonstances exceptionnelles et inévitables ayant des conséquences importantes sur l’exécution du forfait – COVID-19 – Droit au remboursement intégral des paiements effectués au titre du forfait – Demande par le voyageur d’un remboursement partiel – Juge national – Examen d’office par le juge – Principes du droit procédural national »






1.        Le secteur des voyages et du tourisme a compté parmi les secteurs les plus gravement et directement affectés par la pandémie de COVID-19 (2). L’incertitude provoquée par cette pandémie et sa propagation rapide à travers les différents continents a conduit de nombreux voyageurs à résilier leurs contrats de voyage à forfait avant que les mesures d’urgence ne soient adoptées par les gouvernements et que les frontières ne soient fermées. Ce climat d’incertitude a soulevé des doutes quant à la portée exacte des droits et des obligations des parties à un contrat de voyage à forfait et a, plus particulièrement, rendu difficile pour les voyageurs l’exercice de leur droit de résilier le contrat sans payer de frais de résiliation, en vertu de l’article 12, paragraphe 2, de la directive (UE) 2015/2302 (3).

2.        Dans ce contexte, la présente demande de décision préjudicielle soulève une pure question de droit procédural. Elle porte sur les pouvoirs du juge pour reconnaître d’office les droits que les consommateurs tirent de la directive 2015/2302 et, plus particulièrement, le droit du voyageur de résilier un contrat de voyage à forfait sans payer de frais de résiliation en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables, selon les conditions prévues à l’article 12, paragraphe 2, de cette directive. Elle soulève en outre la question de savoir si le juge devrait pouvoir accorder d’office à un consommateur plus que ce que celui-ci a réclamé, afin d’assurer l’exercice effectif des droits qu’il tire de sa qualité de voyageur au titre de ladite directive.

3.        Il existe une jurisprudence constante et abondante concernant le pouvoir du juge national d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle. Cette ligne jurisprudentielle, qui repose sur des considérations de protection de la partie la plus faible, comprend une partie des arrêts de principe relatifs au droit de la consommation de l’Union (4), tels que les arrêts Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (5), Cofidis (6) ou Aziz (7). L’arrêt Océano Grupo a été considéré comme « un puissant instrument permettant d’éliminer les abus et de rétablir la justice sociale en droit des contrats » (8), alors que l’arrêt Cofidis a même inspiré le domaine des arts (9). Après plus de deux décennies de développement et de consolidation de cette ligne jurisprudentielle, les arrêts les plus récents se concentrent sur la clarification d’aspects de la doctrine du relevé d’office, en établissant un équilibre parfois délicat entre une protection efficace des consommateurs et certains principes fondamentaux du droit procédural (10). De ce point de vue, la doctrine du relevé d’office semble atteindre un stade de « maturité » dans son développement ou, comme un auteur le qualifie judicieusement, l’« âge de raison » (11). La présente affaire s’inscrit dans cette phase du développement.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 2015/2302

4.        Le chapitre II de la directive 2015/2302 est intitulé « Obligations d’information et contenu du contrat de voyage à forfait ». Sous ce chapitre, l’article 5, intitulé « Informations précontractuelles », dispose :

« 1.      Les États membres veillent à ce que l’organisateur, ainsi que le détaillant lorsque les forfaits sont vendus par l’intermédiaire d’un détaillant, communique au voyageur, avant qu’il ne soit lié par un contrat de voyage à forfait ou toute offre correspondante, les informations standard au moyen du formulaire pertinent figurant à l’annexe I, partie A ou B, et, dans le cas où elles s’appliquent au forfait, les informations mentionnées ci-après :

a)      les caractéristiques principales des services de voyage :

[...]

g)      une mention indiquant que le voyageur peut résilier le contrat à tout moment avant le début du forfait, moyennant le paiement de frais de résiliation appropriés ou, le cas échéant, de frais de résiliation standard réclamés par l’organisateur, conformément à l’article 12, paragraphe 1 ;

[...]

3.      Les informations visées aux paragraphes 1 et 2 sont présentées d’une manière claire, compréhensible et apparente. Lorsque ces informations sont présentées par écrit, elles doivent être lisibles. »

5.        L’article 12, paragraphes 1 et 2, de la directive 2015/2302 énonce :

« 1.      Les États membres veillent à ce que le voyageur puisse résilier le contrat de voyage à forfait à tout moment avant le début du forfait. Lorsque le voyageur résilie le contrat de voyage à forfait en vertu du présent paragraphe, il peut lui être demandé de payer à l’organisateur des frais de résiliation appropriés et justifiables. [...]

2.      Nonobstant le paragraphe 1, le voyageur a le droit de résilier le contrat de voyage à forfait avant le début du forfait sans payer de frais de résiliation si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination. En cas de résiliation du contrat de voyage à forfait en vertu du présent paragraphe, le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués au titre du forfait mais pas à un dédommagement supplémentaire. »

6.        L’article 23 de la directive 2015/2302, intitulé « Caractère impératif de la directive », dispose, à ses paragraphes 2 et 3 :

« 2.      Les voyageurs ne peuvent pas renoncer aux droits qui leur sont conférés par les mesures nationales de transposition de la présente directive.

3.      Les dispositions contractuelles ou les déclarations faites par le voyageur qui, directement ou indirectement, constituent une renonciation aux droits conférés aux voyageurs par la présente directive, ou une restriction de ces droits, ou qui visent à éviter l’application de la présente directive ne sont pas opposables au voyageur. »

7.        Aux termes de l’article 24 de cette directive :

« Les États membres veillent à ce qu’il existe des moyens adéquats et efficaces permettant de faire respecter la présente directive. »

8.        La partie A de l’annexe I de la directive 2015/2302, intitulée « Formulaire d’information standard pour les contrats de voyage à forfait lorsque l’utilisation d’hyperliens est possible », présente, dans un encadré, le contenu de ce formulaire et indique que, en cliquant sur l’hyperlien, le voyageur recevra les informations suivantes :

« Droits essentiels au titre de la directive (UE) 2015/2302.

[...]

–        Les voyageurs peuvent résilier le contrat sans payer de frais de résiliation avant le début du forfait en cas de circonstances exceptionnelles, par exemple s’il existe des problèmes graves pour la sécurité au lieu de destination qui sont susceptibles d’affecter le forfait.

[...] »

9.        La partie B de l’annexe I de la directive 2015/2302, intitulée « Formulaire d’information standard pour des contrats de voyage à forfait dans des situations autres que celles couvertes par la partie A », précise, dans un encadré, le contenu de ce formulaire, suivi des mêmes droits essentiels en vertu de cette directive que ceux énoncés à l’annexe I, partie A, de ladite directive.

 Le droit espagnol

 La loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers

10.      Les articles 5 et 12 de la directive 2015/2302 sont transposés en droit espagnol par les articles 153 et 160, respectivement, du Real Decreto Legislativo 1/2007 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias (décret royal législatif 1/2007 portant refonte de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires), du 16 novembre 2007 (BOE no 287, du 30 novembre 2007, p. 49181, ci-après la « loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers »).

 La loi relative à la procédure civile

11.      La Ley 1/2000 de Enjuiciamiento Civil (loi 1/2000 portant code de procédure civile), du 7 janvier 2000 (BOE no 7, du 8 janvier 2000, p. 575, ci-après la « LEC »), prévoit, à son article 216 :

« Les tribunaux civils tranchent les affaires dont ils sont saisis au regard des faits, des preuves et des conclusions des parties, sauf lorsque la loi en dispose autrement dans des cas particuliers. »

12.      Conformément à l’article 218, paragraphe 1, de la LEC :

« Les décisions de justice doivent être claires et précises et correspondre aux demandes et autres prétentions des parties, présentées en temps voulu au cours de la procédure. Elles contiennent les déclarations requises, condamnent ou acquittent le défendeur et tranchent tous les points litigieux qui ont fait l’objet du débat.

Le tribunal, sans s’écarter de la cause de l’action en accueillant des éléments de fait ou de droit distincts de ceux que les parties ont voulu faire valoir, statue conformément aux normes applicables à l’affaire, même si celles-ci n’ont pas été correctement citées ou invoquées par les parties au litige. »

13.      Aux termes de l’article 412, paragraphe 1, de la LEC :

« Une fois établi l’objet de la procédure dans la demande, dans le mémoire en défense et, le cas échéant, dans la demande reconventionnelle, les parties ne peuvent le modifier postérieurement. »

 Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

14.      Le 10 octobre 2019, le requérant a acheté à la défenderesse, Tuk Tuk Travel SL, un voyage à forfait pour deux personnes à destination du Viêt Nam et du Cambodge, avec un départ de Madrid (Espagne) le 8 mars 2020 et un retour le 24 mars 2020.

15.      Le requérant a payé 2 402 euros au moment de la signature du contrat, le montant total du voyage s’élevant à 5 208 euros. Les conditions générales du contrat fournissaient des informations sur la possibilité « d’annuler le voyage avant la date de départ moyennant le paiement de frais de résiliation ». Il n’y avait aucune information contractuelle ou précontractuelle concernant la possibilité de procéder à l’annulation du voyage en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci qui auraient des conséquences importantes sur l’exécution du forfait.

16.      Le 12 février 2020, le requérant a informé la défenderesse de sa décision de ne pas effectuer le voyage, compte tenu de la propagation de la COVID-19 en Asie, et il a demandé le remboursement des sommes qui lui étaient dues en raison de cette décision.

17.      La défenderesse a répondu au requérant le 14 février 2020 et l’a informé que, après déduction des frais d’annulation, elle lui rembourserait la somme de 81 euros. Le requérant a contesté le calcul des frais d’annulation. En définitive, la défenderesse lui a fait savoir qu’elle lui rembourserait le montant de 302 euros.

18.      Le requérant a décidé d’introduire un recours devant la juridiction de renvoi et de plaider sa cause sans se faire représenter par un avocat, dans la mesure où le droit procédural national le lui permettait. Il a fait valoir que sa décision d’annuler le voyage était due à un cas de force majeure, à savoir l’évolution préoccupante de la situation sanitaire résultant de la COVID-19. Il a demandé un remboursement supplémentaire de 1 500 euros, autorisant l’agence de voyages à retenir 601 euros à titre de frais de gestion.

19.      La défenderesse a fait valoir quant à elle que, à la date de la résiliation du contrat, la décision du requérant d’annuler le voyage n’était pas justifiée. En février 2020, les voyages vers les pays de destination se déroulaient encore normalement. Dès lors, selon la défenderesse, le requérant n’était pas en droit de se prévaloir d’un cas de force majeure pour résilier le contrat. En outre, elle a fait valoir que le requérant avait accepté les conditions générales du contrat concernant les frais de gestion en cas de résiliation anticipée du forfait (15 % du coût total du voyage) et que les frais d’annulation étaient ceux appliqués par chacun de ses prestataires. En outre, en ne souscrivant pas d’assurance, le requérant aurait assumé les risques liés à l’annulation.

20.      Les parties n’ayant pas sollicité la tenue d’une audience, l’affaire a été mise en délibéré le 22 juin 2021. Toutefois, le 15 septembre 2021, la juridiction de renvoi a rendu une ordonnance (ci-après l’« ordonnance du 15 septembre 2021 ») invitant les parties à présenter leurs observations dans un délai de dix jours sur les questions suivantes : premièrement, la question de savoir si la situation sanitaire alléguée par le consommateur peut être considérée comme un risque exceptionnel et inévitable au sens de l’article 160, paragraphe 2, de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers ; deuxièmement, les effets juridiques du défaut de l’organisateur de voyages d’informer le consommateur de son droit de résilier le contrat sans frais de résiliation et, plus précisément, la question de savoir si l’absence (selon la juridiction de renvoi) d’une obligation de fournir de telles informations en vertu de la directive 2015/2302 est contraire à l’article 169, paragraphes 1 et 2, sous a), TFUE ; troisièmement, la question de savoir si le juge peut, d’office, informer le consommateur de l’étendue de ses droits, lorsqu’il ressort de la requête que ce dernier ne les connaissait pas, et, quatrièmement, la question de savoir si la protection des consommateurs exige que le juge condamne le défendeur à rembourser au consommateur l’intégralité du montant payé, en méconnaissance du principe dispositif et du principe ne ultra petita, dans des circonstances où le consommateur n’a pas été informé de l’étendue de ses droits. Enfin, la juridiction de renvoi a demandé aux parties de présenter des arguments quant à la nécessité d’introduire une demande de décision préjudicielle.

21.      Le requérant n’a pas présenté d’observations. La défenderesse a réaffirmé sa position quant à l’absence de circonstances exceptionnelles et inévitables qui justifieraient la résiliation du contrat. Pour le surplus, elle a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’introduire une demande de décision préjudicielle, le requérant n’ayant pas présenté d’observations sur les questions soulevées par la juridiction de renvoi dans l’ordonnance du 15 septembre 2021.

22.      La juridiction de renvoi s’interroge, d’une part, sur la validité de l’article 5 de la directive 2015/2302. En particulier, elle fait valoir que ni cette directive ni la législation espagnole la transposant n’incluent comme information que les organisateurs doivent obligatoirement fournir aux voyageurs celle relative au droit de résilier le contrat de voyage à forfait en cas de survenance de circonstances exceptionnelles et inévitables sans payer de frais de résiliation. En l’absence d’une telle exigence, le requérant ignorait l’existence de son droit d’obtenir le remboursement intégral des paiements effectués. Eu égard à ces considérations, la juridiction de renvoi se demande si les informations minimales qui ont été fournies au requérant au titre de la directive 2015/2302 ne sont pas insuffisantes au regard de l’article 169 TFUE, lu en combinaison avec l’article 114 TFUE.

23.      D’autre part, la juridiction de renvoi s’interroge sur la possibilité, en vertu du droit de l’Union, d’accorder dans une décision de justice, et ce d’office, le remboursement de l’intégralité des sommes versées par un consommateur, dépassant le montant de ses prétentions. La juridiction de renvoi explique qu’un tel octroi d’office serait contraire à un principe fondamental du droit procédural espagnol, à savoir celui voulant que le dispositif d’une décision de justice corresponde au petitum (article 218, paragraphe 1, de la LEC).

24.      Dans ces conditions, le Juzgado de Primera Instancia no 5 de Cartagena (tribunal de première instance no 5 de Carthagène, Espagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 169, paragraphes 1 et 2, sous a), et l’article 114, paragraphe 3, TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’article 5 de la [directive 2015/2302], dès lors que cet article n’inclut pas, parmi les informations précontractuelles devant être obligatoirement fournies au voyageur, le droit que reconnaît à ce dernier l’article 12 de ladite directive de résilier le contrat avant le début du forfait et d’obtenir le remboursement intégral des paiements effectués, lorsqu’il existe des circonstances exceptionnelles et inévitables ayant des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ?

2)      Les articles 114 et 169 TFUE ainsi que l’article 15 de la directive 2015/2302 s’opposent-ils à l’application du principe dispositif et du principe de congruence énoncés à l’article 216 et à l’article 218, paragraphe 1, de la [LEC], lorsque ces principes procéduraux sont susceptibles de faire obstacle à la pleine protection du consommateur requérant ? »

25.      Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements espagnol, tchèque et finlandais, le Conseil de l’Union européenne, le Parlement européen et la Commission européenne. Les gouvernements espagnol et finlandais, le Parlement et la Commission étaient représentés lors de l’audience qui s’est tenue le 12 janvier 2022.

 Appréciation

 Observations préliminaires

26.      Le gouvernement tchèque fait valoir à titre liminaire que la demande de décision préjudicielle repose implicitement sur l’hypothèse selon laquelle, dans les circonstances de l’espèce, le requérant avait le droit de résilier le contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables survenant au lieu de destination, conformément à l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302. Or, selon le gouvernement tchèque, cette hypothèse est erronée. Il estime que l’existence de circonstances exceptionnelles et inévitables doit être appréciée au moment de la résiliation du forfait. Le simple risque que de telles circonstances se produisent dans le futur ne saurait conférer au voyageur un droit de résilier le forfait.

27.      Toutefois, les questions posées par la juridiction de renvoi ne portent pas sur le point de savoir si, dans les circonstances de l’espèce, le requérant avait le droit de résilier le contrat sans payer de frais de résiliation conformément à l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302. Dès lors, cette question ne sera pas examinée dans le cadre de la présente affaire. Il incombe à la Cour de se prononcer au vu des considérations de fait et de droit exposées dans la décision de renvoi (12).

 Sur la première question

28.      Par sa première question, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur la validité de l’article 5 de la directive 2015/2302, au regard de l’article 169, paragraphes 1 et 2, sous a), TFUE, lu en combinaison avec l’article 114, paragraphe 3, TFUE. Il ressort de la demande de décision préjudicielle que les doutes de la juridiction de renvoi quant à la validité de cette disposition découlent de la prémisse selon laquelle cette disposition ne mentionne pas, parmi les informations précontractuelles obligatoires devant être fournies aux voyageurs, le droit énoncé à l’article 12, paragraphe 2, de cette directive.

29.      À cet égard, il convient de relever, comme l’ont fait les gouvernements tchèque et finlandais, le Conseil, le Parlement et la Commission dans leurs observations écrites, que la prémisse qui sous‑tend les doutes de la juridiction de renvoi quant à la validité de l’article 5 de la directive 2015/2302 est erronée.

30.      En effet, l’article 5 de la directive 2015/2302, régissant l’obligation de fournir les informations précontractuelles, doit être lu à la lumière du contenu du formulaire d’information standard figurant à l’annexe I, parties A et B. Plus particulièrement, aux termes de l’article 5, paragraphe 1, première phrase, de la directive 2015/2302, l’organisateur doit communiquer au voyageur les informations standard au moyen du formulaire pertinent figurant à l’annexe I, partie A ou B, et, dans le cas où elles s’appliquent au forfait, les informations que cette disposition prévoit.

31.      Le formulaire d’information standard, figurant à l’annexe I, parties A et B, de la directive 2015/2302, indique les droits essentiels dont les voyageurs doivent être informés. Parmi ces droits figure, conformément au septième tiret des parties A et B de cette annexe, le droit des voyageurs de « résilier le contrat sans payer de frais de résiliation avant le début du forfait en cas de circonstances exceptionnelles, par exemple s’il existe des problèmes graves pour la sécurité au lieu de destination qui sont susceptibles d’affecter le forfait ». Bien que la disposition précise de cette directive qui confère ce droit, à savoir l’article 12, paragraphe 2, ne soit pas explicitement citée dans le texte du formulaire d’information standard, il est clair que ce formulaire doit exposer le contenu dudit droit.

32.      De plus, la Commission a souligné que l’article 5, paragraphe 1, et l’annexe I de la directive 2015/2302 ont été correctement transposés en droit espagnol et plus particulièrement dans la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers.

33.      Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 5 de la directive 2015/2302 inclut, parmi les informations précontractuelles obligatoires à fournir aux voyageurs, le droit, conféré aux voyageurs par l’article 12, paragraphe 2, de cette directive, de résilier le contrat avant le début du forfait et d’obtenir le remboursement intégral des paiements effectués en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables qui ont des conséquences importantes sur l’exécution du forfait. La prémisse contraire, qui sous-tend les doutes de la juridiction de renvoi quant à la validité de l’article 5 de ladite directive, est donc de fait erronée.

34.      Dans ces conditions, l’examen de la première question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 5 de la directive 2015/2302.

 Sur la seconde question

35.      À titre préliminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi et, dans cette optique, il lui incombe de reformuler les questions. Afin de fournir une telle réponse utile, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes du droit de l’Union auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question (13).

36.      Au regard de cette jurisprudence, il y a lieu de relever, comme l’ont indiqué, en substance, les gouvernements espagnol et finlandais ainsi que la Commission dans leurs observations écrites, qu’il ressort du contexte de la seconde question que la juridiction de renvoi sollicite l’interprétation de l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302 et que la référence, dans cette question, à l’article 15 de cette directive peut être attribuée à une erreur de plume.

37.      Eu égard à ces considérations, il y a lieu de reformuler la seconde question posée en ce sens que, par celle-ci, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302, lu à la lumière des articles 114 et 169 TFUE, doit être interprété ainsi qu’il s’oppose à l’application de principes de procédure juridictionnelle nationale en vertu desquels le juge national saisi d’un litige ne peut pas accorder d’office au consommateur le remboursement intégral auquel il a droit, lorsque le consommateur a réclamé un montant inférieur.

38.      Afin de répondre à cette question, il convient de formuler quelques observations quant à sa portée. Ainsi que je l’ai déjà mentionné (14), par l’ordonnance du 15 septembre 2021, la juridiction de renvoi a invité les parties à présenter leurs observations sur certains points. Il s’agissait notamment de la question de savoir si cette juridiction avait le pouvoir, d’une part, d’informer d’office le consommateur de l’étendue de ses droits et, d’autre part, de lui accorder un montant supérieur au petitum. Le consommateur n’a pas présenté d’observations sur ces points. Lors de l’audience, le gouvernement espagnol a indiqué qu’il comprenait cette ordonnance et que la juridiction de renvoi avait informé le consommateur de ses droits. Toutefois, le consommateur est resté passif. À mon avis, ni l’ordonnance du 15 septembre 2021, telle que présentée par la juridiction de renvoi, ni le dossier dont la Cour dispose ne permettent de déduire que la première juridiction a effectivement informé le consommateur de ses droits.

39.      Compte tenu de ces considérations, je structurerai mon analyse de la manière suivante. D’abord, à titre d’introduction, je présenterai les éléments les plus importants de l’obligation du juge national d’appliquer d’office les dispositions du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs. Ensuite, j’analyserai la question de savoir si le juge national a l’obligation d’appliquer d’office l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302. Enfin, j’examinerai la question de savoir si le juge national devrait pouvoir accorder un montant supérieur à celui réclamé par le consommateur dans son recours.

 a)      Sur l’obligation du juge national d’appliquer d’office les dispositions du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs

40.      La Cour a déjà précisé, et ce à plusieurs reprises, la manière dont les juridictions nationales doivent assurer la protection des droits que les consommateurs tirent du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs ainsi que l’incidence de cette réglementation sur les pouvoirs du juge d’appliquer d’office ces dispositions.

41.      La plus importante ligne de jurisprudence à cet égard concerne la directive 93/13/CEE (15). Le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de cette directive et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, dès lors qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (16).

42.      Le principe du contrôle d’office des clauses contractuelles abusives repose sur une combinaison d’éléments qui sont essentiellement tirés du système de protection mis en place par la directive 93/13, du caractère impératif des dispositions concernées, de la nature et de l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs ainsi que de considérations d’effectivité.

43.      Plus précisément, dans sa jurisprudence, la Cour a mis l’accent sur la nature et l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, qui se trouvent dans une situation d’infériorité à l’égard des professionnels en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information (17). Elle a également souligné que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 est une disposition impérative qui tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et les obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (18). Cette disposition est considérée comme équivalente aux règles nationales qui occupent, au sein de l’ordre juridique interne, le rang de normes d’ordre public (19).

44.      En outre, et ainsi que cela ressort de son article 7, paragraphe 1, lu en combinaison avec son vingt-quatrième considérant, la directive 93/13 impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel (20).

45.      Les considérations justifiant une intervention positive du juge national afin de suppléer au déséquilibre entre le consommateur et le professionnel ne se limitent pas à la directive 93/13. La Cour a exigé, sur la base du principe d’effectivité et nonobstant des règles de droit interne contraires, que le juge national applique d’office certaines dispositions contenues dans des directives de l’Union en matière de protection des consommateurs. Cette exigence est justifiée par la considération que le système de protection mis en œuvre par ces directives repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information et qu’il existe un risque non négligeable que, notamment par ignorance, le consommateur n’invoque pas la règle de droit destinée à le protéger (21).

46.      Plus particulièrement, la Cour a eu l’occasion de se prononcer sur l’application d’office, par le juge, de certaines dispositions de la directive 1999/44/CE (22) (arrêts Duarte Hueros (23) et Faber (24)) et de la directive 87/102/CEE (25) (arrêt Rampion et Godard (26)). En outre, elle a rappelé à maintes reprises l’obligation pour le juge national d’examiner d’office les violations de certaines dispositions du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs, notamment en ce qui concerne la directive 85/577/CEE (27) (arrêt Martín Martín (28)) et la directive 2008/48/CE (29) (arrêts Radlinger et Radlingerová (30) et OPR‑Finance (31)).

47.      La mise en œuvre de cette obligation d’intervention positive par le juge est subordonnée à la disponibilité de tous les éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (32).

48.      En outre, lorsque le juge national a constaté d’office la violation de certaines obligations énoncées dans le droit de l’Union en matière de protection des consommateurs, il est tenu, sans attendre que le consommateur présente une demande à cet effet, de tirer toutes les conséquences qui découlent selon le droit national d’une telle violation, sous réserve du respect du principe du contradictoire et que les sanctions instituées par celui-ci soient effectives, proportionnées ainsi que dissuasives (33).

49.      L’application d’office, par le juge national, du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs est susceptible d’avoir des implications pour le droit procédural national. En vertu du principe de l’autonomie procédurale nationale, en l’absence de réglementation par le droit de l’Union, les modalités des procédures destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union relèvent de l’ordre juridique interne des États membres, sous réserve du principe d’équivalence et du principe d’effectivité (34). En ce qui concerne le principe d’effectivité, la Cour a, toutefois, estimé que le respect de ce principe ne saurait aller jusqu’à suppléer intégralement à la passivité totale du consommateur concerné (35).

50.      En outre, l’obligation pour les États membres d’assurer l’effectivité des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs implique une exigence de protection juridictionnelle effective, consacrée à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui s’applique, entre autres, à la définition des modalités procédurales relatives aux actions en justice fondées sur de tels droits (36).

51.      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’exigence d’une intervention positive du juge national dans les litiges impliquant des consommateurs s’est développée de sorte à former, ainsi que la doctrine l’observe avec justesse, un « véritable régime européen du relevé d’office » (37) qui introduit dans le droit de l’Union en matière de protection des consommateurs une « voie de recours procédurale complète » (38).

 b)      Sur les pouvoirs d’office du juge dans le cadre de la directive 2015/2302

52.      L’exhaustivité de la doctrine du relevé d’office m’amène à considérer que les raisons qui sous-tendent l’obligation du juge national d’appliquer d’office le droit de l’Union en matière de protection des consommateurs valent également en ce qui concerne la directive 2015/2302. Comme la Commission l’a souligné lors de l’audience, une interprétation différente conduirait à une absence de cohérence dans la protection des consommateurs.

53.      Toutes les parties intéressées ayant participé à l’audience ont considéré que le juge national est tenu d’appliquer d’office l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302 et de reconnaître au consommateur, lorsqu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, le droit de résilier le contrat sans payer de frais de résiliation. À cet égard, il y a lieu de considérer qu’il incombe, en principe, au juge national, aux fins d’identifier les règles de droit applicables à un litige dont il est saisi, de qualifier juridiquement les faits et actes invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions (39). Dans l’affaire au principal, il appartiendrait donc à la juridiction de renvoi d’examiner si les circonstances invoquées par le requérant au soutien de son recours peuvent être qualifiées de « circonstances exceptionnelles et inévitables » lui conférant le droit prévu à l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302.

54.      En outre, l’annexe I, parties A et B, de cette directive qualifie le droit du voyageur de résilier le contrat à tout moment avant le début du forfait sans payer de frais de résiliation de « droit essentiel ». Compte tenu de son importance, ce droit fait partie des informations précontractuelles que l’organisateur doit fournir au voyageur conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 (40). Il découle du considérant 26 de cette directive que ces informations précontractuelles constituent des « informations essentielles » qui devraient « engager l’organisateur ». Dès lors, le droit de résilier le contrat sans payer de frais de résiliation en cas de circonstances exceptionnelles et inévitables a une place significative dans l’économie de la directive 2015/2302. Il contribue également à la réalisation de l’objectif de cette directive, qui consiste, ainsi qu’il ressort de l’article 1er de celle-ci, lu à la lumière de ses considérants 3 (41) et 5, à assurer un niveau de protection élevé des consommateurs le plus uniforme possible en ce qui concerne les contrats entre voyageurs et professionnels relatifs aux voyages à forfait.

55.      Cet objectif ne pourrait pas être atteint de manière effective si le consommateur devait se trouver dans l’obligation d’invoquer lui-même les droits dont il bénéficie à l’encontre de l’organisateur, notamment en raison du risque non négligeable qu’il soit dans l’ignorance de ses droits ou rencontre des difficultés pour les exercer (42). En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre d’une affaire en matière de droit de la consommation, il existe un risque non négligeable que, notamment par ignorance, le consommateur n’invoque pas la règle de droit destinée à le protéger (43). Ce risque est d’autant plus élevé dans des situations dans lesquelles il est possible de se représenter soi-même comme en l’espèce.

56.      En outre, il découle de l’article 23 de la directive 2015/2302, lu à la lumière du considérant 46 de celle-ci, que les droits des voyageurs qui y sont énoncés revêtent un caractère impératif. À cet égard, il importe de rappeler que, dans sa jurisprudence, la Cour a tiré du caractère contraignant des dispositions des directives de l’Union relatives à la protection des consommateurs l’exigence qu’elles soient appliquées d’office par le juge. Elle est parvenue à cette conclusion en se fondant sur l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 (44), mais également sur d’autres dispositions du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs. Dans l’arrêt Faber (45), la Cour a indiqué que la règle de la répartition de la charge de la preuve prévue à l’article 5, paragraphe 3, de la directive 1999/44 présente, conformément, à l’article 7 de cette directive, un caractère contraignant tant pour les parties, qui ne peuvent y déroger par une convention, que pour les États membres, qui doivent veiller à son respect. La Cour a considéré qu’une telle règle doit recevoir une application d’office par le juge alors même qu’elle n’a pas été expressément invoquée par le consommateur susceptible d’en bénéficier.

57.      Dès lors, il convient d’admettre, par analogie, que le caractère contraignant du droit du voyageur consacré à l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302, lu à la lumière de l’article 23 de cette directive, exige que le juge national reconnaisse d’office ce droit et en informe dûment le consommateur, alors même que celui-ci, qui est susceptible d’en bénéficier, ne l’a pas expressément invoqué.

58.      Qui plus est, dans l’affaire au principal, l’organisateur avait manqué à son obligation d’informer le consommateur de son droit de résilier le contrat. La reconnaissance d’office par le juge national du droit conféré au consommateur constituerait donc un moyen adéquat et efficace permettant de faire respecter la directive 2015/2302, comme l’exige l’article 24 de cette directive.

59.      Je rejoins le gouvernement finlandais, qui a souligné, lors de l’audience, que le juge national doit informer le consommateur de ses droits dès qu’il a des raisons de croire que c’est par ignorance que ce dernier n’invoque pas pleinement ses droits. La « moindre indication » (46) en ce sens devrait suffire. Une telle indication doit être considérée comme manifeste dans des circonstances, telles que celles de l’affaire au principal, où l’organisateur a manqué à son obligation d’information précontractuelle ou si les informations fournies ne sont pas présentées « d’une manière claire, compréhensible et apparente », comme l’exige l’article 5, paragraphe 3, de la directive 2015/2302.

60.      Le gouvernement finlandais a également souligné à juste titre lors de l’audience que le fait pour le juge national d’informer le consommateur de ses droits constitue une mesure d’organisation de la procédure. Il s’agit d’une phase procédurale distincte, adressée aux deux parties et réalisée selon les formes prévues à cet égard par les règles nationales de procédure (47). Ainsi que je l’ai déjà indiqué (48), lorsque le juge national soulève d’office un moyen, il doit agir conformément au principe du contradictoire et inviter les deux parties à présenter leurs observations sur son appréciation.

61.      Il résulte de ce qui précède qu’une protection effective du consommateur ne saurait être réalisée que si le juge national est tenu, lorsqu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, d’appliquer d’office l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302 et d’informer dûment le consommateur de son droit de résilier le contrat sans payer de frais de résiliation, tel que prévu par cette disposition, sous réserve en tout état de cause du respect du principe du contradictoire.

 c)      Les limitations aux pouvoirs d’office du juge : le principe ne ultra petita

62.      La question suivante qui se pose est celle de savoir si l’obligation pour le juge national d’appliquer d’office l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302 et d’informer dûment le consommateur des droits qu’il en tire implique également pour lui l’obligation d’accorder d’office un remboursement intégral excédant le montant réclamé par le consommateur. La juridiction de renvoi demande, en substance, si l’application, dans de telles circonstances, du principe dispositif selon lequel l’objet d’un recours est circonscrit par les parties et du principe ne ultra petita serait contraire à une protection effective des consommateurs.

63.      À cet égard, il convient de préciser que le juge applique d’office la loi dans le cadre de ses compétences et dans les limites de l’objet du litige dont il est saisi. Il importe donc de distinguer deux aspects différents des compétences judiciaires. C’est une chose de reconnaître le pouvoir du juge d’appliquer d’office les dispositions destinées à protéger le consommateur et d’informer dûment ce dernier des droits qu’il en tire. Reconnaître au juge, après que le consommateur a été dûment informé de ses droits, le pouvoir de dépasser les limites de l’objet du litige et d’accorder d’office davantage que ce que le consommateur a réclamé en est une autre.

64.      Toutes les parties intéressées ont souligné l’importance du principe dispositif (49). Il importe de souligner que la doctrine du relevé d’office en droit de la consommation implique uniquement les adaptations nécessaires à ce principe afin de suppléer au déséquilibre entre le consommateur et le professionnel. Elle ne vise pas à méconnaître les principes fondamentaux du contentieux civil ou à établir une juridiction « paternaliste » (50). Ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt Lintner (51), l’effectivité de la protection que le juge national concerné est réputé accorder au consommateur par une intervention d’office « ne saurait aller jusqu’à ignorer ou excéder les limites de l’objet du litige tel que les parties l’ont défini par leurs prétentions, lues à la lumière des moyens qu’elles ont invoqués, de telle sorte que ledit juge national n’est pas tenu d’étendre ce litige au-delà des conclusions et des moyens présentés devant ce juge ». Le contraire méconnaîtrait le principe ne ultra petita, car cela permettrait au juge d’ignorer ou d’excéder les limites de l’objet du litige fixées par les conclusions et les moyens des parties (52).

65.      Il convient également de souligner que la Cour a accordé une importance particulière à la volonté exprimée par le consommateur dans le cadre de la procédure. La Cour a précisé, en rapport avec l’obligation incombant au juge national d’écarter, au besoin d’office, les clauses abusives conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, que ce juge n’est pas tenu d’écarter l’application de la clause en cause si le consommateur, après avoir été avisé par ledit juge, entend ne pas en faire valoir le caractère abusif et non contraignant, donnant ainsi un consentement libre et éclairé à la clause en question (53).

66.      Ainsi, le système de protection mis en place par le droit de l’Union en matière de protection des consommateurs et instauré au bénéfice desdits consommateurs ne saurait aller jusqu’à leur être imposé. Par conséquent, lorsque le consommateur préfère ne pas se prévaloir de ce système de protection, celui-ci n’est pas appliqué (54). Le consommateur peut s’opposer à l’application d’office de la loi dans sa propre affaire (55).

67.      Les mêmes considérations devraient s’appliquer dans le cadre du système de protection prévu par la directive 2015/2302. Dès lors, si le consommateur, après avoir été dûment informé par le juge de ses droits et des modalités procédurales permettant leur exercice, n’a pas l’intention de se prévaloir de cette protection, le principe d’effectivité ne saurait aller jusqu’à obliger le juge national à étendre le recours et à violer le principe ne ultra petita.

68.      Lors de l’audience, la formation de jugement a posé des questions et fait part d’observations en ce qui concerne les motifs pouvant valablement justifier le choix du consommateur de réclamer moins que ce qui lui est dû. En effet, en fonction du système juridique en cause, cette décision peut être attribuée à des considérations liées à la procédure applicable (56). Il ne peut pas non plus être exclu qu’il s’agisse de considérations personnelles (57). Dans de telles circonstances, si le consommateur reste passif après avoir été informé par le juge national de ses droits et des moyens de faire valoir ces droits, il est raisonnable d’en déduire qu’il fait le choix libre et éclairé de maintenir la prétention initiale.

69.      Toutefois, dans l’affaire au principal, et ainsi que la Commission l’a souligné lors de l’audience, il n’est pas possible de considérer que le consommateur, qui n’a pas présenté d’observations sur les questions soulevées par la juridiction de renvoi, a exprimé un choix libre et éclairé de maintenir sa prétention initiale. Comme je l’ai indiqué plus haut (58), il n’est pas clair au regard du dossier si la juridiction de renvoi a expliqué au consommateur ses droits et les modalités procédurales disponibles pour les faire valoir.

70.      Il importe également de relever qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que les juridictions nationales n’ont pas d’obligation générale d’aller au-delà des limites du litige et d’accorder un montant supérieur ou autre chose que ce qui était demandé. Il en va, plus particulièrement, du droit du consommateur d’obtenir le remboursement des sommes indûment versées en application d’une clause contractuelle abusive. Il doit y avoir des circonstances particulières et exceptionnelles qui révèlent que le consommateur est privé des modalités procédurales lui permettant de faire valoir ses droits en vertu du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs (59).

71.      En outre, dans le même ordre d’idées, la Cour a jugé que le juge national n’était pas tenu, en principe, d’effectuer une compensation d’office entre les paiements indûment effectués sur le fondement d’une clause abusive et le montant restant dû sur la base du contrat, sans préjudice du respect des principes d’équivalence et d’effectivité (60).

72.      Dès lors, il ressort de la jurisprudence que les principes d’effectivité et de protection juridictionnelle effective n’imposent pas au juge national d’ignorer ou d’excéder les limites de l’objet du litige établies par les conclusions des parties. Ces principes exigent toutefois que soient prévus des moyens efficaces qui permettent au consommateur de faire valoir ses droits et de réclamer ce qui lui est dû.

73.      Cela nous amène à la question de savoir si de telles modalités procédurales effectives étaient disponibles dans l’affaire au principal. La demande de décision préjudicielle n’indique que la disposition de droit national qui consacre le principe d’immutabilité du litige (article 412, paragraphe 1, de la LEC). Toutefois, la juridiction de renvoi ne s’est pas prononcée davantage sur l’application concrète de ce principe dans l’ordre juridique espagnol (61). Elle n’a pas non plus précisé si une éventuelle ampliation de la créance nécessitait un changement de la juridiction compétente ou un changement de la procédure applicable. La détermination des modalités procédurales selon lesquelles le consommateur peut exercer le droit de réclamer la totalité des paiements effectués relève donc du droit procédural national, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité. Il pourrait s’agir, par exemple, d’introduire un nouveau recours ou d’étendre l’objet du litige dont la juridiction de renvoi est saisie, sur invitation de cette juridiction (62). À cet égard, il convient de rappeler que le fait qu’une procédure particulière comporte certaines exigences procédurales que le consommateur doit respecter afin de faire valoir ses droits ne signifie pas pour autant qu’il ne bénéficie pas d’une protection juridictionnelle effective (63). Toutefois, comme je l’ai déjà souligné, les modalités procédurales disponibles pour faire valoir ces droits devraient offrir une protection juridictionnelle effective.

74.      Eu égard à ce qui précède, je conclus que l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302, lu à la lumière des articles 114 et 169 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application des principes de procédure juridictionnelle nationale en vertu desquels le juge national saisi d’un litige ne peut pas accorder d’office au consommateur le remboursement intégral des sommes auxquelles il a droit, lorsque le consommateur a réclamé un montant inférieur. Toutefois, le juge national est tenu d’appliquer d’office l’article 12, paragraphe 2, de cette directive lorsqu’il dispose de tous les éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et sous réserve du respect du principe du contradictoire. Plus précisément, le juge national est tenu d’informer dûment le consommateur des droits qu’il tire de cette disposition et des modalités procédurales à sa disposition pour faire valoir ces droits, pour autant que ces modalités assurent une protection juridictionnelle effective.

 Conclusion

75.      Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Juzgado de Primera Instancia no 5 de Cartagena (tribunal de première instance no 5 de Carthagène, Espagne) :

1)      L’examen de la première question n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de l’article 5 de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil.

2)      L’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302, lu à la lumière des articles 114 et 169 TFUE, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application des principes de procédure juridictionnelle nationale en vertu desquels le juge national saisi d’un litige ne peut pas accorder d’office au consommateur le remboursement intégral des sommes auxquelles il a droit, lorsque le consommateur a réclamé un montant inférieur. Toutefois, le juge national est tenu d’appliquer d’office l’article 12, paragraphe 2, de cette directive lorsqu’il dispose de tous les éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et sous réserve du respect du principe du contradictoire. Plus précisément, le juge national est tenu d’informer dûment le consommateur des droits qu’il tire de cette disposition et des modalités procédurales à sa disposition pour faire valoir ces droits, pour autant que ces modalités assurent une protection juridictionnelle effective.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Voir Organisation mondiale du tourisme (UNWTO), Note de synthèse du Secrétaire général : Tourisme et COVID-19 (consultable à l’adresse suivante : https://www.unwto.org/fr/tourism-and-covid-19-unprecedented-economic-impacts).


3      Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil (JO 2015, L 326, p. 1).


4      Voir Terryn, E., Straetmans, G., et Colaert, V. (éd.), Landmark Cases of EU Consumer Law : In Honour of Jules Stuyck, Intersentia, Cambridge, Anvers, Portland, 2013.


5      Arrêt du 27 juin 2000 (C‑240/98 à C‑244/98, ci-après l’« arrêt Océano Grupo », EU:C:2000:346).


6      Arrêt du 21 novembre 2002 (C‑473/00, EU:C:2002:705).


7      Arrêt du 14 mars 2013 (C‑415/11, EU:C:2013:164). Pour une analyse détaillée de cette affaire dans le cadre d’une procédure de saisie hypothécaire, voir Fernández Seijo, J. M., La Tutela de los consumidores en los procedimientos judiciales, Especial Referencia a las ejecuciones hipotecarias, Wolters Kluwer, Barcelone, 2013.


8      Nicola, F., et Tichadou, E., « Océano Grupo : A Transatlantic Victory for the Consumer and a Missed Opportunity for European Law », dans Nicola, F., et Davies, B. (éd.), EU Law Stories, Contextual and Critical Histories of European Jurisprudence, Cambridge University Press, Cambridge, 2017, p. 390.


9      Le livre d’Emmanuel Carrère, D’autres vies que la mienne (Folio, 2010), retrace l’histoire personnelle du juge français Étienne Rigal, qui est à l’origine de la demande de décision préjudicielle dans l’arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis (C‑473/00, EU:C:2002:705). Ce livre a inspiré, à son tour, le film Toutes nos envies (2010) (réalisé par Philippe Lioret), avec Vincent Lindon dans le rôle du juge.


10      Voir Werbrouck, J., et Dauw, E., « The national courts’ obligation to gather and establish the necessary information for the application of consumer law – the endgame? », European Law Review, 46(3), 2021, p. 331 et 337.


11      Poillot, E., « Cour de justice, 3e ch., 11 mars 2020, Györgyné Lintner c/ UniCredit Bank Hungary Zrt., aff. C‑511/17, ECLI:EU:C:2020:188 », dans Picod, F. (éd.), Jurisprudence de la CJUE 2020 : décisions et commentaires, Bruylant, Bruxelles, 2021, p. 966.


12      Voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Statoil Fuel & Retail (C‑553/13, EU:C:2015:149, point 33).


13      Arrêt du 9 septembre 2021, LatRailNet et Latvijas dzelzceļš (C‑144/20, EU:C:2021:717, point 29 et jurisprudence citée).


14      Point 20 des présentes conclusions.


15      Directive du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29). Pour une présentation systématique de cette ligne de jurisprudence, voir Communication de la Commission — Orientations relatives à l'interprétation et à l'application de la directive 93/13/CEE du Conseil concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 2019, C 323, p. 4), section 5.


16      Arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco (C‑600/19, EU:C:2022:394, point 37 et jurisprudence citée).


17      Arrêt du 4 juin 2020, Kancelaria Medius (C‑495/19, EU:C:2020:431, point 30 et jurisprudence citée). Voir conclusions de l’avocat général Saggio dans les affaires jointes Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C‑240/98 à C‑244/98, EU:C:1999:620, point 26), lequel souligne que la directive 93/13 tend à sauvegarder les intérêts qui font partie de l’« ordre public économique » et, partant, qui « dépassent les intérêts spécifiques des parties ». Comme la doctrine le fait observer, le déséquilibre considérable dans la relation contractuelle qui résulte de l’utilisation de clauses contractuelles abusives non seulement affecte la sphère privée du consommateur, mais également « porte atteinte [...] à l’ordre juridique et économique dans son ensemble » ; voir Podimata, E., « Standard Contract Terms and Rules on Procedure », dans Essays in Honour of Konstantinos D. Kerameus, Ant. N. Sakkoulas, Bruylant, Athènes, Bruxelles, 2009, p. 1079 à 1093.


18      Arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco (C‑600/19, EU:C:2022:394, point 36 et jurisprudence citée).


19      Arrêt du 17 mai 2022, Unicaja Banco (C‑869/19, ci-après l’« arrêt Unicaja Banco », EU:C:2022:397, point 24). Voir Fekete, B., et Mancaleoni, A.M., « Application of Primary and Secondary EU Law on the National Courts’ Own Motion », dans Hartkamp, A., Sieburgh, C., et Devroe, W. (éd.), Cases, Materials and Text on European Law and Private Law, Hart Publishing, Oxford et Portland, Oregon, 2017, p. 440, qui soulignent que « la question du statut des règles en matière de contrats conclus par les consommateurs – que ce soit uniquement impératives ou d’ordre public – a été une question importante, notamment en droit néerlandais, qui ne permet traditionnellement l’application d’office qu’en ce qui concerne les règles d’ordre public, et non les règles impératives (qu’elles aient ou non un but “uniquement” protecteur) ».


20      Arrêt du 17 mai 2022, Ibercaja Banco (C‑600/19, EU:C:2022:394, point 36 et jurisprudence citée).


21      Arrêt du 4 juin 2015, Faber (C‑497/13, EU:C:2015:357, point 42 et jurisprudence citée).


22      Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (JO 1999, L 171, p. 12).


23      Arrêt du 3 octobre 2013 (C‑32/12, EU:C:2013:637, point 39).


24      Arrêt du 4 juin 2015 (C‑497/13, EU:C:2015:357, point 56).


25      Directive du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48).


26      Arrêt du 4 octobre 2007 (C‑429/05, EU:C:2007:575, point 65).


27      Directive du Conseil du 20 décembre 1985 concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO 1985, L 372, p. 31).


28      Arrêt du 17 décembre 2009 (C‑227/08, EU:C:2009:792, point 29).


29      Directive du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66, et rectificatifs JO 2009, L 207, p. 14 ; JO 2010, L 199, p. 40 ; et JO 2011, L 234, p. 46).


30      Arrêt du 21 avril 2016 (C‑377/14, EU:C:2016:283, point 67).


31      Arrêt du 5 mars 2020 (C‑679/18, EU:C:2020:167, point 23).


32      Voir, à cet égard, arrêt du 5 mars 2020, OPR-Finance (C‑679/18, EU:C:2020:167, point 23 et jurisprudence citée). En ce qui concerne les circonstances dans lesquelles le juge national peut être tenu d’adopter d’office des mesures d’instruction afin de compléter le dossier, voir arrêt du 11 mars 2020, Lintner (C‑511/17, EU:C:2020:188, points 35 à 38).


33      Voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, OPR-Finance (C‑679/18, EU:C:2020:167, point 24 et jurisprudence citée).


34      Arrêt Unicaja Banco (point 22 et jurisprudence citée).


35      Voir, en ce sens, arrêt Unicaja Banco (point 28 et jurisprudence citée).


36      Voir arrêt Unicaja Banco (point 29 et jurisprudence citée).


37      Poillot, E., « L’encadrement procédural de l’action des consommateurs », dans Sauphanor‑Brouillaud, N., et al., Les contrats de consommation. Règles communes, LGDJ, Paris, 2013, p. 971.


38      Micklitz, H., « Theme VIII. Unfair Contract Terms – Public Interest Litigation Before European Courts », dans Terryn, E., Straetmans, G., et Colaert, V. (éd.), op. cit., note de bas de page 4, p. 641.


39      Arrêt du 4 juin 2015, Faber (C‑497/13, EU:C:2015:357, point 38).


40      Voir, à ce sujet, ma réponse à la première question.


41      Ce considérant fait référence aux dispositions du traité FUE mentionnées dans la seconde question, à savoir l’article 169, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), TFUE, dont il ressort que l’Union européenne contribue à la réalisation d’un niveau élevé de protection des consommateurs par des mesures qu’elle adopte en application de l’article 114 TFUE.


42      Voir, à cet égard, arrêt du 4 octobre 2007, Rampion et Godard (C‑429/05, EU:C:2007:575, point 65).


43      Arrêt du 5 mars 2020, OPR-Finance (C‑679/18, EU:C:2020:167, point 22 et jurisprudence citée).


44      Voir point 43 des présentes conclusions.


45      Arrêt du 4 juin 2015 (C‑497/13, EU:C:2015:357, point 55).


46      À cet égard, Werbrouck, J., et Dauw, E., op. cit., note de bas de page 10, p. 330.


47      Voir, à cet égard, arrêt du 21 février 2013, Banif Plus Bank (C‑472/11, EU:C:2013:88, point 31).


48      Point 48 des présentes conclusions.


49      Pour une analyse comparative détaillée des principes directeurs de la procédure civile et de l’impact du droit de l’Union en matière de protection des consommateurs, voir Hess, B., et Law, S. (éd.), Implementing EU Consumer Rights by National Procedural Law : Luxembourg Report on European Procedural Law, vol. II, Beck, Hart, Nomos, 2019.


50      Voir Beka, A., The Active Role of Courts in Consumer Litigation. Applying EU Law of the National Courts’ Own Motion, Intersentia, Cambridge, Antwerp, Chicago, 2018, p. 354, qui observe qu’une juridiction jouant un rôle actif dans les affaires en matière de protection des consommateurs « n’est pas une juridiction paternaliste » et qu’« elle opère dans les limites de la justice civile, bien qu’adaptée aux spécificités des litiges impliquant des consommateurs ».


51      Arrêt du 11 mars 2020 (C‑511/17, EU:C:2020:188, point 30).


52      Arrêt du 11 mars 2020, Lintner (C‑511/17, EU:C:2020:188, point 31).


53      Arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak (C‑260/18, EU:C:2019:819, point 53).


54      Arrêt du 3 octobre 2019, Dziubak (C‑260/18, EU:C:2019:819, point 54).


55      Voir Biardeaud, G., et Flores, P., Crédit à la consommation. Protection du consommateur, Delmas Express, Paris, 2012, p. 300.


56      Les gouvernements espagnol et finlandais ont indiqué qu’une des raisons pouvant amener une partie requérante à réclamer un montant inférieur à celui auquel elle a droit pouvait être éventuellement la possibilité de s’autoreprésenter lorsque le montant du litige se trouvait en deçà d’un certain seuil. Une autre considération pourrait être, en fonction de ce que le droit national prévoit, que le jugement rendu dans le cadre d’une procédure relative aux petits litiges n’est pas susceptible d’appel. Le gouvernement finlandais a observé que, si une partie requérante doit supporter ses propres dépens en cas d’accueil partiel du recours et si elle n’est pas certaine de l’issue, elle pouvait choisir de réclamer un montant inférieur.


57      Par exemple, compte tenu de la pandémie, un consommateur peut considérer qu’il devrait y avoir une répartition équitable du risque de résiliation du contrat.


58      Point 38 des présentes conclusions.


59      On peut citer deux exemples à cet égard. Le premier est l’arrêt Unicaja Banco. Le contexte dans lequel cet arrêt s’inscrit est très spécial. Cet arrêt doit être lu à la lumière de celui du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a. (C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, ci-après l’« arrêt Gutiérrez Naranjo », EU:C:2016:980 ), dans lequel la Cour a considéré qu’était incompatible avec l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) qui limitait dans le temps les effets restitutoires, liés à la déclaration judiciaire du caractère abusif d’un type spécifique de clause (« clause ‟plancher” ») aux seules sommes indûment versées en application d’une telle clause postérieurement au prononcé de la décision ayant judiciairement constaté ce caractère abusif. Dans son arrêt Unicaja Banco, la Cour a jugé, en substance, que le principe ne ultra petita ne devrait pas s’opposer à ce qu’une juridiction saisie d’un appel contre un jugement limitant dans le temps la restitution des sommes indûment payées par le consommateur en vertu d’une clause déclarée abusive soulève d’office un moyen tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 et ordonne la restitution totale desdites sommes, lorsque l’absence de contestation de ce jugement par le consommateur concerné ne saurait être imputée à une passivité totale de celui-ci. Dans les circonstances de cette affaire, le fait qu’un consommateur n’a pas formé de recours dans le délai approprié pouvait être imputé au fait que, lorsque la Cour avait prononcé l’arrêt Gutiérrez Naranjo, le délai dans lequel il était possible d’interjeter appel ou de former un appel incident en vertu du droit national avait déjà expiré. Le second exemple est l’arrêt du 3 octobre 2013, Duarte Hueros (C‑32/12, EU:C:2013:637). Dans cette affaire, le consommateur avait demandé uniquement la résolution d’un contrat de vente en raison d’une défectuosité du bien qu’il avait acheté. La juridiction nationale avait considéré que, dès lors que la défectuosité était mineure, le consommateur n’avait pas droit à la résolution du contrat, mais qu’il pouvait plutôt demander une réduction du prix. Or, le mode de dédommagement sous forme de réduction du prix ne pouvait plus être octroyé au requérant. La Cour a considéré que, dans cette affaire précise, le principe de congruence entre les demandes des parties et les décisions de justice était de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection des consommateurs dans la mesure où le droit procédural espagnol ne permettait pas au juge national de reconnaître d’office le droit du consommateur à obtenir une réduction adéquate du prix de vente du bien, alors que ce dernier n’était habilité ni à préciser sa demande initiale ni à introduire un nouveau recours à cet effet.


60      Arrêt du 30 juin 2022, Profi Credit Bulgaria (Compensation d’office en cas de clause abusive) (C‑170/21, EU:C:2022:518, point 44).


61      Les règles régissant les évolutions possibles de l’objet du litige peuvent varier selon le système juridique. Par exemple, en vertu du droit procédural civil français, les conclusions des parties ne peuvent, en principe, pas être modifiées, sauf en ce qui concerne les demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions initiales par un lien suffisant (article 4 du code de procédure civile). Voir Cadiet, L., Normand, J., et Amrani-Mekki, S., Théorie Générale du Procès, 3e édition, Thémis droit, PUF, Paris, 2020, p. 741, qui expliquent que « principe directeur du procès, l’immutabilité du litige s’est muée, au fil du temps, en principe de mutabilité contrôlée du litige ». Dans le cadre de la procédure civile allemande, conformément à l’article 263 de la Zivilprozessordnung (code de procédure civile, ci-après la « ZPO »), dès lors que le litige est pendant, la prétention peut être modifiée généralement si l’autre partie y consent ou si le tribunal le juge opportun. Toutefois, l’article 264 de la ZPO exclut certains cas de l’application des règles relatives à la modification de l’action prévues à l’article 263 de ce code et, dans un souci d’économie de la procédure, permet au requérant d’apporter des modifications (Bacher, K., dans Vorwerk, V., et Wolf, C., BeckOK ZPO, 47e édition, Verlag Beck, Munich, 2022, § 264, point 1). L’objectif est d’éviter de nouveaux litiges juridiques et de dispenser les parties, mais aussi le juge, de devoir traiter de manière répétée le même sujet (voir Foerste, U., dans Musielak, H.-J., et Voit, W., ZPO – Zivilprozessordnung, 19e édition, Verlag Franz Vahlen, Munich, 2022, § 264, point 1).


62      Voir, à cet égard, arrêt du 11 mars 2020, Lintner (C‑511/17, EU:C:2020:188, point 39).


63      Arrêt du 31 mai 2018, Sziber (C‑483/16, EU:C:2018:367, point 50).