Language of document : ECLI:EU:T:2008:545

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

2 décembre 2008(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale BRILLO’S – Marques nationales figuratives antérieures comportant l’élément verbal « brillante » –  Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑275/07,

Ebro Puleva, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me P. Casamitjana Lleonart, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. O. Montalto, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Luis Berenguel, SL, établie à El Barranquete-Níjar (Espagne), représentée par Me  C. Hernández Hernández, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 21 mai 2007 (affaire R  493/2006-2), relative à une procédure d’opposition entre Ebro Puleva, SA et Luis Berenguel, SL,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2007,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 28 septembre 2007,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 31 octobre 2007,

à la suite de l’audience du 8 juillet 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 décembre 2002, la partie intervenante a demandé à l’OHMI l’enregistrement en tant que marque communautaire de la marque verbale BRILLO’S (ci‑après la « marque demandée »), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 30 et 31 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levures, poudres pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir » ;

–        classe 31 : « Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, non compris dans d’autres classes ; animaux vivants ; fruits et légumes frais ; semences, plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux, malt ».

3        La demande de la marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 13/2004, du 29 mars 2004.

4        Le 30 juin 2004, la requérante a formé une opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés par celle‑ci, en invoquant les motifs relatifs prévus à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. L’opposition était fondée sur :

–        la marque figurative espagnole n° 922 772 comportant l’élément verbal « brillante », enregistrée dans la classe 30 de l’arrangement de Nice pour le produit « riz » et reproduite ci‑après

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–        la marque figurative espagnole n° 2 413 459 comportant l’élément verbal « brillante », enregistrée dans la classe 29 de l’arrangement de Nice pour les produits « viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes en conserve, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; oeufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » et reproduite ci‑après (les deux marques sur lesquelles était fondée l’opposition, ci-après les « marques antérieures »)

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5        Par décision du 15 février 2006, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. Cette décision a fait l’objet d’un recours de la requérante, formé le 10 avril 2006.

6        Par décision du 21 mai 2007 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré que les produits visés par la marque demandée, appartenant à la classe 29 de l’arrangement de Nice et les produits « riz, tapioca, sagou » appartenant à la classe 30 du même arrangement, d’une part, et les produits visés par les marques antérieures, d’autre part, étaient identiques ou, à tout le moins, similaires. Toutefois, en se ralliant à l’argumentation développée par la division d’opposition, la chambre de recours a estimé que les différences existant entre les signes en cause et le faible caractère distinctif de leur élément commun « brill » écartaient tout risque de confusion dans l’esprit du consommateur concerné, qui serait le consommateur espagnol moyen. De même, selon la chambre de recours, le défaut de similitude entre les signes en cause rendait sans pertinence la circonstance selon laquelle les marques antérieures disposeraient éventuellement d’une renommée.

 Conclusions des parties

7        Dans la requête, la requérante a conclu à ce qu’il plût au Tribunal d’annuler et de réformer la décision attaquée. Lors de l’audience, elle a précisé que sa demande en réformation visait à ce que le Tribunal refuse l’enregistrement de la marque demandée pour les produits appartenant à la classe 29 de l’arrangement de Nice et les produits « riz, tapioca, sagou » appartenant à la classe 30 du même arrangement. En outre, elle a conclu à ce que l’OHMI et l’intervenante soient condamnés aux dépens.

8        L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande en réformation de la décision attaquée

9        Aux termes de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la partie requérante a l’obligation de définir l’objet du litige et de présenter ses conclusions dans l’acte introductif d’instance. Partant, en principe, elle ne peut plus saisir le Tribunal, à un stade ultérieur de la procédure, de conclusions nouvelles modifiant l’objet du litige (arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Asia Motor France e.a./Commission, T‑28/90, Rec. p. II‑2285, point 43), sauf si celles‑ci se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure écrite (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1965, Krawczynski/Commission, 83/63, Rec. p. 773, 785). En revanche, des conclusions précisant la portée des conclusions précédentes ne présentent pas le caractère d’une modification substantielle et sont, partant, recevables (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 avril 1965, Müller/Conseils, 28/64, Rec. p. 307).

10      En l’espèce, il convient d’observer que, telle que présentée dans la requête, la conclusion visant à la réformation de la décision attaquée ne spécifiait aucunement la modification du dispositif de cette dernière souhaitée par la requérante. Partant, cette conclusion n’était pas suffisamment précise pour satisfaire aux exigences posées par l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, et était donc irrecevable.

11      Dans ces circonstances, les explications offertes par la requérante lors de l’audience, selon lesquelles la demande en réformation vise à ce que le Tribunal refuse l’enregistrement de la marque demandée pour certains produits, ne peuvent pas être considérées comme précisant la conclusion présentée dans la requête. Elles constituent donc une conclusion nouvelle susceptible de modifier l’objet du litige. Or, la requérante n’ayant même pas invoqué l’existence d’éléments qui se seraient révélés pendant la procédure écrite, la conclusion en cause est également irrecevable.

12      Au vu de ce qui précède, la demande en réformation de la décision attaquée présentée par la requérante doit être déclarée irrecevable.

 Sur la demande en annulation de la décision attaquée

13      À l’appui de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante invoque un moyen unique, tiré de ce que l’OHMI aurait violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 lors de son examen de la similitude des signes en cause.

 Arguments des parties

14      La requérante soutient, premièrement, que, pour le public espagnol, du point de vue auditif, les mots « brillo’s » et « brillante » sont très semblables, dès lors que le mot « brillos » est identique au pluriel du mot « brillo ». La circonstance selon laquelle la marque demandée pourrait avoir l’apparence d’un mot étranger, du fait de la présence d’une apostrophe, serait sans pertinence à cet égard, l’apostrophe saxonne étant inconnue en langue espagnole.

15      Deuxièmement, le fait que les marques antérieures comportent un élément figuratif alors que la marque demandée est une marque verbale aurait une importance relative dès lors que, dans le commerce, les produits seraient demandés par leur nom, et non en décrivant leur étiquette ou leurs éléments figuratifs.

16      Troisièmement, enfin, le mot espagnol « brillante » signifierait, notamment, « ce qui brille », alors que le singulier du terme « brillos », c’est‑à‑dire « brillo », signifierait notamment « la qualité du brillant dans toutes ses acceptions ». Partant, les signes en cause seraient extrêmement liés sur le plan conceptuel dans la langue espagnole, nonobstant leurs autres significations éventuelles.

17      L’OHMI relève, à titre liminaire, que la requérante ne remet en cause ni la définition du public concerné, ni l’appréciation de la similitude des produits, ni même le constat relatif à l’inapplicabilité au cas d’espèce de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Il soutient ensuite que le recours n’est pas fondé, dès lors que, premièrement, l’impression globale produite par les signes en cause sur le plan phonétique est différente, deuxièmement, l’élément figuratif des marques antérieures joue un rôle déterminant dans l’examen de la similitude des signes sur le plan visuel et, troisièmement, l’importance de la similitude des éléments verbaux est réduite du fait du caractère élogieux de l’élément commun « brill » .

18      La partie intervenante se rallie aux arguments présentés par l’OHMI. Elle ajoute que, à la différence des marques antérieures, la marque demandée ne permet pas de créer de lien direct avec les produits concernés sur le plan conceptuel. En outre, la notoriété éventuelle des marques antérieures serait compensée par le caractère distinctif faible de leur élément verbal et affecterait également, en tout état de cause, leur élément figuratif.

 Appréciation du Tribunal

19      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Ce risque doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec. p. II‑1739, points 49 et 50, et la jurisprudence citée].

20      L’appréciation globale du risque de confusion, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée]. Dans ce contexte, un élément d’une marque peut être considéré comme dominant lorsqu’il est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle‑ci [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 33].

21      Il convient d’apprécier le cas d’espèce à la lumière de cette jurisprudence.

22      Tout d’abord, il convient de relever que la requérante ne conteste pas les appréciations opérées dans la décision attaquée relatives à la définition du public pertinent et à l’analyse de la similitude existant entre les produits visés par les marques en cause. Dans la mesure où ces appréciations sont par ailleurs conformes à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 tel qu’interprété par le juge communautaire, il y a lieu de se fonder sur celles‑ci lors de l’examen du bien‑fondé du recours.

23      Il convient d’observer ensuite que la chambre de recours n’a pas conclu, à bon droit, à l’existence d’un élément dominant dans les marques antérieures. En effet, ni les éléments figuratifs ni l’élément verbal ne sont négligeables dans l’impression globale créée par ces dernières, même si le poids respectif des deux types d’éléments n’est pas le même, en raison des modalités de commercialisation des produits en cause.

24      En fait, les produits que la chambre de recours a considérés comme identiques ou similaires sont normalement achetés dans des supermarchés ou des établissements similaires et sont donc choisis directement par le consommateur dans un rayon, plutôt que demandés oralement. De même, dans de tels établissements, le consommateur perd peu de temps entre ses achats successifs et souvent ne procède pas à une lecture de toutes les indications portées sur les différents produits, mais se laisse guider davantage par l’impact visuel global produit par leurs étiquettes ou emballages. Dans ces circonstances, pour l’appréciation de l’existence d’un éventuel risque de confusion, le résultat de l’analyse de la similitude visuelle entre les signes en cause devient plus important que le résultat de l’analyse de la similitude phonétique et conceptuelle. En outre, contrairement à ce que prétend la requérante, dans le cadre de cette appréciation, les éléments figuratifs d’une marque jouent un rôle plus important que ses éléments verbaux dans la perception du consommateur concerné [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Koipe/OHMI – Aceites del Sur (La Española), T‑363/04, Rec. p. II‑3355, point 109].

25      Ces constatations impliquent que, en l’espèce, en ce qui concerne, tout d’abord, l’analyse de la similitude visuelle, les marques antérieures, d’une part, et la marque demandée, d’autre part, créent des impressions d’ensemble différentes du fait de la présence des éléments figuratifs marquants dans les premières marques et de l’absence de tels éléments dans la seconde marque.

26      En ce qui concerne, ensuite, l’analyse de la similitude phonétique, les signes en cause sont similaires du fait qu’ils commencent par l’élément « brill », d’autant plus que le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots [arrêts du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec. p. II‑965, point 81, et du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié au Recueil, point 54]. Toutefois, ainsi que la chambre de recours l’a évoqué dans la décision attaquée, cette similitude est compensée par les différences existant entre les mots « brillo’s » et « brillante » au niveau des terminaisons, du nombre de syllabes et de l’accent tonique.

27      Enfin, en ce qui concerne l’analyse conceptuelle, une certaine similitude existe entre les signes en cause dès lors que leur élément commun « brill » peut être perçu par le consommateur concerné comme se référant soit à la lumière, soit à une qualité exceptionnelle. Toutefois, l’existence de plusieurs interprétations possibles tend à affaiblir cette similitude, d’autant plus que, ainsi que la chambre de recours l’a évoqué dans la décision attaquée, le terme « brillo’s » fait allusion à une langue étrangère du fait de la présence de l’apostrophe et que le mot « brillante » peut être utilisé pour désigner un diamant.

28      Il ressort de ce qui précède, d’une part, que les signes en cause sont clairement différents sous l’aspect visuel, qui joue un rôle prépondérant dans les circonstances de l’espèce, et d’autre part, que s’ils présentent une faible similitude phonétique et conceptuelle, véhiculée par leur élément commun « brill », la pertinence d’une telle constatation est réduite en raison du rôle prépondérant de l’élément visuel. Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que les signes en cause, appréciés par rapport à l’impression d’ensemble qu’ils produisent, ne sont pas similaires et que, par conséquent, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur concerné peut être exclue, nonobstant l’identité ou la similitude entre certains produits visés. Partant, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante sur lesquels la demande en annulation de la décision attaquée est fondée et, de ce fait, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante en ce sens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ebro Puleva, SA, est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 décembre 2008.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.