Language of document : ECLI:EU:C:2023:632

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

7 septembre 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive 2006/112/CE – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Exonérations – Opérations de transport routier directement liées à l’importation de biens – Régime de preuve – Articles 56 et 57 TFUE – Libre prestation des services – Recouvrement de la TVA effectué par un non-résident – Imposition de la contrepartie versée au titre de l’impôt sur les revenus des personnes non-résidentes – Retenue à la source auprès du résident »

Dans l’affaire C‑461/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Prahova (tribunal de grande instance de Prahova, Roumanie), par décision du 17 juin 2021, parvenue à la Cour le 27 juillet 2021, dans la procédure

SC Cartrans Preda SRL

contre

Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Ploieşti - Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Prahova,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme K. Jürimäe, présidente de chambre, MM. M. Safjan, N. Piçarra, N. Jääskinen (rapporteur) et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : Mme A. Lamote, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 novembre 2022,

considérant les observations présentées :

–        pour SC Cartrans Preda SRL, par MM. R. Popescu et C. Preda,

–        pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane et A. Rotăreanu, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes A. Armenia, T. Isacu de Groot et E. A. Stamate, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’article 144 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »), lu à la lumière de l’article 86, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, de cette directive, ainsi que, d’autre part, des articles 56 et 57 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SC Cartrans Preda SRL (ci-après « Cartrans ») à la Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Ploiești – Administrația Județeană a Finanțelor Publice Prahova (direction générale régionale des finances publiques de Ploieşti – administration départementale des finances publiques de Prahova, Roumanie) (ci-après l’« autorité fiscale ») au sujet de l’obligation faite à Cartrans d’acquitter, d’une part, un montant supplémentaire de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) relative à des services de transport de biens destinés à être importés en Roumanie et, d’autre part, un impôt retenu à la source sur les revenus versés par Cartrans à une société non-résidente cocontractante pour des services de récupération de TVA à l’étranger.

 Le cadre juridique

 Le droit international

 La CMR

3        La Roumanie a adhéré à la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route, signée à Genève le 19 mai 1956, telle que modifiée par le protocole signé à Genève le 5 juillet 1978 (ci-après la « CMR »), par le Decretul nr. 451/1972 privind aderarea României la Convenția referitoare la contractul de transport internațional de mărfuri pe șosele (CMR) [arrêté no 451/1972 portant adhésion de la Roumanie à la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR)], du 20 novembre 1972.

4        L’article 4 de la CMR stipule :

« Le contrat de transport est constaté par une lettre de voiture. L’absence, l’irrégularité ou la perte de la lettre de voiture n’affecte ni l’existence ni la validité du contrat de transport qui reste soumis aux dispositions de la présente convention. »

5        L’article 6, paragraphe 1, de la CMR prévoit :

« La lettre de voiture doit contenir les indications suivantes :

a)      le lieu et la date de son établissement ;

b)      le nom et l’adresse de l’expéditeur ;

c)      le nom et l’adresse du transporteur ;

d)      le lieu et la date de la prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison ;

e)      le nom et l’adresse du destinataire ;

f)      la dénomination courante de la nature de la marchandise et le mode d’emballage, et, pour les marchandises dangereuses, leur dénomination généralement reconnue ;

g)      le nombre des colis, leurs marques particulières et leurs numéros ;

h)      le poids brut ou la quantité autrement exprimée de la marchandise ;

i)      les frais afférents au transport (prix de transport, frais accessoires, droits de douane et autres frais survenant à partir de la conclusion du contrat jusqu’à la livraison) ;

j)      les instructions requises pour les formalités de douane et autres ;

k)      l’indication que le transport est soumis, nonobstant toute clause contraire, au régime établi par la présente convention. »

 La convention tendant à éviter la double imposition

6        L’article 7, paragraphe 1, de la convention tendant à éviter la double imposition entre la Roumanie et le Danemark, signée à Copenhague le 13 décembre 1976 (ci-après la « convention tendant à éviter la double imposition »), dispose :

« Les bénéfices réalisés par une entreprise d’un État contractant sont imposables uniquement dans cet État, sauf si cette entreprise exerce son activité dans l’autre État contractant à travers un établissement stable qui y est situé. [...] »

7        L’article 12, paragraphes 1 à 3, de cette convention stipule :

« 1.      Les commissions provenant d’un État contractant et payées à un résident d’un autre État contractant peuvent être imposés dans cet autre État.

2.      De telles commissions peuvent toutefois être imposées dans l’État contractant d’où elles proviennent, conformément à la législation de cet État, l’impôt ainsi établi ne pouvant cependant excéder 4 % du montant des commissions.

3.       Le terme “commission” utilisé dans le présent article se réfère aux paiements effectués à un intermédiaire (courtier), à un représentant commissionnaire général ou à toute autre personne assimilée à un tel intermédiaire ou représentant par la législation fiscale de l’État contractant d’où un tel paiement provient. »

 Le droit de l’Union

8        Aux termes de l’article 85 de la directive TVA :

« Pour les importations de biens, la base d’imposition est constituée par la valeur définie comme la valeur en douane par les dispositions communautaires en vigueur. »

9        Aux termes de l’article 86 de cette directive :

« 1.      Sont à comprendre dans la base d’imposition, dans la mesure où ils n’y sont pas déjà compris, les éléments suivants :

a)      les impôts, droits, prélèvements et autres taxes qui sont dus en dehors de l’État membre d’importation, ainsi que ceux qui sont dus en raison de l’importation, à l’exception de la TVA à percevoir ;

b)      les frais accessoires, tels que les frais de commission, d’emballage, de transport et d’assurance intervenant jusqu’au premier lieu de destination des biens sur le territoire de l’État membre d’importation, ainsi que ceux découlant du transport vers un autre lieu de destination se trouvant dans la Communauté, si ce dernier lieu est connu au moment où intervient le fait générateur de la taxe.

2.      Aux fins du paragraphe 1, point b), est considéré comme “premier lieu de destination” le lieu figurant sur la lettre de voiture ou tout autre document sous couvert duquel les biens entrent dans l’État membre d’importation. À défaut d’une telle indication, le premier lieu de destination est censé se trouver au lieu de la première rupture de charge dans l’État membre d’importation. »

10      Le titre IX de ladite directive est intitulé « Exonérations » et comprend dix chapitres couvrant les articles 131 à 166. L’article 131 de la même directive est libellé de la manière suivante :

« Les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels. »

11      L’article 144 de la directive TVA prévoit :

« Les États membres exonèrent les prestations de services se rapportant à l’importation de biens et dont la valeur est incluse dans la base d’imposition conformément à l’article 86, paragraphe 1, point b). »

 Le droit roumain

12      Aux termes de l’article 7 de la Legea nr. 571/2003 privind Codul fiscal (loi no 571/2003 portant code des impôts), du 22 décembre 2003 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 927 du 23 décembre 2003), en vigueur jusqu’au 31 mars 2010 (ci–après la « loi no 571/2003 »), intitulé « Définitions des notions communes » :

« (1) Aux fins du présent code, [...], on entend par :

[...]

9.      commission – tout paiement en espèces ou en nature versé à un courtier, à un commissionnaire général ou à toute personne assimilée à un courtier ou à un commissionnaire général pour les services d’intermédiaires effectués en lien avec une opération commerciale ;

[...] »

13      Le libellé de cette disposition a été repris à l’article 7, paragraphe 1, point 9, de la Legea nr. 227/2015 privind Codul fiscal (loi no 227/2015 portant code des impôts), du 8 septembre 2015 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 688 du 10 septembre 2015, ci-après la « loi no 227/2015 »), en vigueur depuis le 1er janvier 2016.

14      Aux termes de l’article 113 de la loi no 571/2003 et de l’article 221 de la loi no 227/2015, intitulés « Contribuables » et rédigés en des termes identiques :

« Les non–résidents percevant des revenus imposables provenant de Roumanie sont tenus de payer l’impôt conformément au présent chapitre et sont dénommés ci–après contribuables. »

15      Aux termes de l’article 115 de la loi no 571/2003 et de l’article 223 de la loi no 227/2015, intitulés « Revenus imposables provenant de Roumanie », et rédigés en des termes identiques :

« (1)      Les revenus imposables provenant de Roumanie, qu’ils soient perçus en Roumanie ou à l’étranger, sont les suivants :

[...]

f)      les commissions versées par un résident ;

[...] »

16      Aux termes de l’article 116 de la loi no 571/2003, intitulé « Retenue d’impôt sur les revenus imposables provenant de Roumanie obtenus par des non–résidents », repris en substance à l’article 224 de la loi no 227/2015 :

« (1)      L’impôt dû par les non–résidents sur les revenus imposables provenant de Roumanie est calculé, retenu et versé au budget de l’État par la personne versant le revenu.

(2)      L’impôt dû est calculé en appliquant les taux suivants sur les revenus bruts :

[...]

d)      16 % pour tous les autres revenus imposables provenant de Roumanie, tels qu’énumérés à l’article 115.

[...] »

17      L’article 118 de la loi no 571/2003, intitulé « Application combinée des dispositions du code des impôts et de celles des conventions tendant à éviter la double imposition ainsi que du droit de l’Union », repris en substance à l’article 230 de la loi no 227/2015, dispose :

« (1)      Au sens de l’article 116, lorsqu’un contribuable est résident d’un pays avec lequel la Roumanie a conclu une convention tendant à éviter la double imposition, le taux d’imposition appliqué au revenu imposable provenant de Roumanie obtenu par ce contribuable ne peut excéder le taux d’imposition prévu par la convention applicable à ce revenu. Lorsque la législation nationale ou les conventions visant à éviter la double imposition prévoient des taux d’imposition différents, les taux d’imposition qui s’appliquent sont les plus favorables. Si un contribuable est résident d’un pays de l’Union européenne, le taux d’imposition applicable au revenu imposable provenant de Roumanie obtenu par ce contribuable est le taux le plus favorable prévu par la législation nationale, le droit de l’Union ou les conventions tendant à éviter la double imposition. [...]

(2)      Aux fins de l’application des dispositions de la convention tendant à éviter la double imposition et du droit de l’Union, le non–résident est tenu de présenter à la personne versant le revenu, au moment de la réalisation de celui–ci, le certificat de résidence fiscale délivré par l’autorité compétente de son État de résidence [...] Au moment de la présentation du certificat de résidence fiscale [...], les dispositions de la convention tendant à éviter la double imposition ou du droit de l’Union s’appliquent et il est procédé à la régularisation de l’impôt dans le délai légal de prescription. [...]

(3)      En cas de retenues d’impôt excédant les taux prévus par les conventions tendant à éviter la double imposition ou par le droit de l’Union, le montant de l’impôt excédentaire retenu est restitué conformément aux dispositions de l’Ordonanță Guvernului nr. 92/2003 privind Codul de procedură fiscală (ordonnance du gouvernement no 92/2003 portant code de procédure fiscale). […] »

18      L’article 5 de l’annexe à l’Ordinul ministrului finanțelor publice nr. 103/2016 privind aprobarea instrucțiunilor de aplicare a scutirii de TVA pentru operațiunile prevăzute la articolul 294 alineatul (1) literele a)-i), articolul 294 alineatul (2) și articolul 296 din Legea nr. 227/2015 [arrêté du ministre des Finances Publiques no 103/2016 portant approbation des mesures d’application de l’exonération de TVA pour les opérations visées à l’article 294, paragraphe 1, sous a) à i), à l’article 294, paragraphe 2, et à l’article 296 de la loi no 227/2015], du 22 janvier 2016, dispose :

« (1)      Sont exonérées de la taxe, conformément à l’article 294, paragraphe 1, sous d), du code des impôts, les prestations de services, y compris le transport et les services accessoires aux transports, qui sont directement liées à l’importation de biens, si leur valeur est incluse dans la base d’imposition des biens importés conformément à l’article 289 du code des impôts.

(2)      L’exonération de taxe visée à l’article 294, paragraphe 1, sous d), du code des impôts pour les services de transport de biens directement liés à l’importation de biens est justifiée par le prestataire si le lieu de la prestation de services est considéré comme étant en Roumanie, conformément à l’article 278 du code des impôts, et si ledit prestataire est la personne tenue de payer la taxe, conformément à l’article 307, paragraphe 1, du code des impôts, en cas d’absence d’application d’une exonération de taxe. 

Les documents permettant de justifier l’exonération de taxe sont les suivants :

a)      la facture ou, le cas échéant, pour les personnes effectuant effectivement la prestation de services de transport, le document de transport spécifique, s’il contient au moins les informations visées à l’article 319, paragraphe 20, du code des impôts ;

b)      le contrat conclu avec le bénéficiaire ;

c)      les documents de transport spécifiques en fonction du type de transport ou, le cas échéant, des copies de ces documents ;

d)      les documents dont il ressort que les biens transportés ont été importés dans l’Union européenne et que la valeur des services est incluse dans la base d’imposition des biens importés.

[...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

19      Cartrans, une société établie en Roumanie, fournit des services de transport routier de marchandises.

20      Cette société a fait l’objet, du 18 novembre 2019 au 7 février 2020, d’un contrôle fiscal à la suite duquel l’autorité fiscale a émis, le 10 février 2020, un avis d’imposition mettant à la charge de celle-ci un supplément de TVA, d’un montant de 1 529 lei roumains (RON) (environ 311 euros), correspondant à une facture émise le 23 mars 2016 portant sur des services de transport routier qu’elle a fournis à une autre société. Le transport concernait un parcours effectué entre le port de Rotterdam (Pays-Bas), lieu où les biens transportés étaient entrés dans l’Union, et Cluj-Napoca (Roumanie) (ci-après les « services de transport litigieux »). Par le même avis d’imposition, l’autorité fiscale a mis en recouvrement un montant s’élevant à 79 478 RON (environ 16 170 euros), au titre de l’impôt sur les revenus des personnes non-résidentes, pour des sommes versées par Cartrans à FDE Holding A/S, une société danoise non-résidente, en contrepartie des services que cette dernière lui avait fournis entre 2012 et 2018.

21      S’agissant, en premier lieu, du supplément de TVA, l’autorité fiscale a constaté que Cartrans n’avait pas présenté les documents attestant que les services de transport litigieux étaient directement liés à l’importation des biens concernés et que la valeur des services était incluse dans la base d’imposition des biens importés. Elle a donc estimé que l’exonération de TVA dont ces services avaient bénéficié n’était pas justifiée.

22      S’agissant, en second lieu, de l’impôt sur les revenus des personnes non-résidentes, l’autorité fiscale a considéré que les sommes versées par Cartrans à FDE Holding, en exécution d’un contrat conclu le 3 novembre 2005 ayant pour objet la récupération auprès d’États membres de l’Union de la TVA afférente au combustible acheté par Cartrans, constituaient des « commissions », au sens du droit roumain. Elle a estimé que la requérante était redevable, à raison de ces sommes versées à une personne non-résidente, d’un impôt sur le revenu retenu à la source et que le taux de cet impôt s’élevait à 4 % des commissions versées, conformément aux stipulations de la convention tendant à éviter la double imposition.

23      Cartrans a introduit un recours devant le Tribunalul Prahova (tribunal de grande instance de Prahova, Roumanie), la juridiction de renvoi, tendant à l’annulation de l’avis d’imposition du 10 février 2020.

24      D’une part, s’agissant du supplément de TVA, Cartrans fait valoir que c’est à tort que l’autorité fiscale ne lui a pas accordé l’exonération de TVA pour les services de transport litigieux. Elle indique que les frais de transport jusqu’au lieu de destination ont été obligatoirement inclus par les autorités douanières dans la valeur en douane des marchandises lors de leur entrée sur le territoire de l’Union et dans la base d’imposition à la TVA des biens importés, conformément à l’article 86, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA, puisque la lettre de voiture « Cargo Movement Requirement » (ci-après la « lettre de voiture CMR ») et la déclaration sommaire de transit, pour laquelle un numéro dit « numéro d’identification maître » (ci-après le « MRN ») lui avait été attribué, mentionnaient le destinataire, à Cluj-Napoca, de ces marchandises.

25      Cartrans soutient, par conséquent, que les services de transport litigieux qu’elle a fournis en l’espèce satisfont aux conditions de l’exonération prévue à l’article 144 de la directive TVA pour les prestations de services se rapportant à l’importation de biens.

26      D’autre part, Cartrans fait valoir, s’agissant de l’impôt sur les revenus des personnes non-résidentes, retenu à la source, que la rémunération payée à FDE Holding ne constitue pas une commission au sens du droit roumain mais la contrepartie de prestations de services qui ne pouvait être imposée qu’au Danemark, en application de l’article 7, paragraphe 1, de la convention tendant à éviter la double imposition. Cartrans précise, à cet égard, que FDE Holding a présenté des certificats fiscaux attestant que celle-ci avait acquitté l’impôt légal au Danemark à raison des sommes qu’elle a perçues.

27      Cartrans observe, également, que de tels services de récupération de la TVA payée à l’étranger ne créent d’obligation, pour le résident roumain, de payer l’impôt sur le revenu retenu à la source que lorsque le contrat de prestations de services est conclu avec un non-résident et non lorsque ce contrat est conclu avec un résident. Ainsi, selon Cartrans, la législation roumaine, qui soumet une opération transfrontalière à un traitement moins favorable que celui applicable à une opération ayant le même objet, réalisée avec un contractant résident, crée une différence de traitement qui constitue un obstacle à la libre prestation des services, au sens de l’article 56 TFUE.

28      Dans ces conditions, le Tribunalul Prahova (tribunal de grande instance de Prahova) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Aux fins d’accorder, conformément à la [directive TVA], une exonération de TVA pour des opérations et des services de transport liés à l’importation de biens, l’article 86, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, de cette directive doit-il être interprété en ce sens que l’enregistrement d’une opération d’importation (par exemple l’établissement par l’autorité douanière de la déclaration sommaire d’entrée au moyen de l’attribution d’un [MRN]) implique toujours l’inclusion, dans la base de calcul de la valeur en douane, du tarif du transport jusqu’au premier lieu de destination sur le territoire de l’État membre d’importation ? L’existence d’un MRN sur lequel ne pèse aucun indice sérieux de fraude démontre-t-elle implicitement que l’ensemble des frais visés à l’article 86, paragraphe 1, sous a) et b), [de ladite directive] ont été inclus dans la base d’imposition en douane ?

2)      L’article 144 et l’article 86, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, de la [directive TVA] s’opposent-ils à une pratique fiscale de l’État membre consistant à refuser l’exonération de TVA pour les services de transport liés à l’importation de biens dans [l’Union] au motif de la non–présentation de la preuve strictement formelle de l’inclusion des tarifs du transport dans la valeur en douane, malgré, d’une part, la présentation d’autres documents d’accompagnement de l’importation pertinents – la déclaration sommaire et la lettre de voiture CMR indiquant la remise au destinataire [–] et, d’autre part, l’absence d’un quelconque indice permettant de douter de l’authenticité ou de la fiabilité de la déclaration sommaire et de la lettre de voiture CMR ?

3)      Au regard de l’article 57 TFUE, la récupération de la TVA et des droits d’accise auprès des administrations financières de plusieurs États membres constitue-t-elle une prestation de services intracommunautaire ou l’activité d’un commissionnaire général servant d’intermédiaire dans le cadre d’une opération commerciale ?

4)      L’article 56 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu’il existe une restriction à la libre circulation des services lorsque le destinataire d’un service fourni par un prestataire établi dans un autre État membre est tenu, en vertu de la législation de l’État membre dans lequel ce destinataire est établi, de procéder à la retenue de l’impôt sur la rémunération due pour ladite prestation de services, alors qu’une telle obligation n’existe pas lorsque le même service est convenu avec un prestataire établi dans le même État membre que celui dans lequel le destinataire des services est établi ?

5)      Le traitement fiscal de l’État de résidence de la personne versant le revenu constitue-t-il un élément rendant la libre prestation des services moins attrayante et plus difficile, en ce que, afin d’éviter l’application de l’impôt avec retenue à la source de 4 %, le résident doit se limiter à des collaborations, en matière de récupération de la TVA et des droits d’accise, avec des entités également résidentes, et non avec d’autres entités établies dans d’autres pays membres ?

6)      Le fait que le revenu obtenu dans un État membre par un non–résident soit frappé d’un impôt de 4 % (ou, le cas échéant, de 16 %) appliqué au montant brut, alors que l’impôt sur les sociétés frappant le prestataire de services résidant dans ce même État membre (pour autant qu’il réalise des bénéfices) est un impôt de 16 % appliqué au montant net, peut-il également être considéré comme une violation de l’article 56 TFUE, en ce qu’il constitue un autre élément rendant la libre prestation desdits services par des non–résidents moins attrayante et plus difficile ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

29      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela découle des explications de la juridiction de renvoi mentionnées au point 20 du présent arrêt, le transport des biens importés en cause au principal concernait un trajet effectué entre les Pays-Bas et la Roumanie.

30      Dans ces conditions, il convient de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’article 86, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, ainsi que l’article 144 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que, aux fins de bénéficier de l’exonération de la TVA prévue pour les services de transport liés à l’importation de biens, lorsque le transport d’une marchandise importée dans l’Union est effectué par un assujetti entre l’État membre sur le territoire duquel se situe le lieu d’introduction de ce bien dans l’Union et un lieu de destination situé dans un autre État membre, l’enregistrement de l’opération d’importation implique, de ce fait même et systématiquement, l’inclusion des frais de ce transport dans la base d’imposition à la TVA de la marchandise importée.

31      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 144 de la directive TVA, les États membres sont tenus d’exonérer les prestations de services de transport se rapportant à l’importation de biens et dont la valeur est incluse dans la base d’imposition conformément à l’article 86, paragraphe 1, sous b), de cette directive. Ainsi, deux conditions sont explicitement prévues pour qu’une telle prestation de services de transport soit exonérée de TVA. D’une part, cette prestation doit être liée à l’importation du bien concerné et, d’autre part, la valeur de cette prestation doit être incluse dans la base d’imposition à la TVA du bien importé (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2017, Federal Express Europe, C‑273/16, EU:C:2017:733, points 39 et 40).

32      S’agissant de la base d’imposition relative aux importations de biens, il résulte de l’article 85 de la directive TVA que celle-ci est constituée par la valeur définie comme la valeur en douane de ces biens par les dispositions de l’Union en vigueur. L’article 86, paragraphe 1, sous b), de cette directive précise que cette base d’imposition doit, pour autant qu’ils n’y soient pas déjà compris, prendre en compte les frais accessoires, au nombre desquels figurent les frais de transport jusqu’au premier lieu de destination des biens sur le territoire de l’État membre d’importation ainsi que les frais de transport vers un autre lieu de destination se trouvant dans l’Union, à condition que ce dernier lieu soit connu au moment où intervient le fait générateur de la taxe.

33      Compte tenu de la lecture combinée des articles 85 et 86 de la directive TVA dont il ressort que ces frais de transport ne sont pas nécessairement compris dans la valeur en douane des biens importés, et sous peine de priver l’article 86 de son effet utile, il ne saurait être considéré que l’enregistrement d’une opération d’importation implique, de ce fait même et systématiquement, l’inclusion, dans la base d’imposition à la TVA des biens importés dans l’Union, des frais du transport effectué par un assujetti entre l’État membre sur le territoire duquel se situe leur lieu d’introduction dans l’Union et leur lieu de destination situé dans un autre État membre. S’ils ne sont pas déjà inclus dans la valeur en douane, ce qu’il convient au préalable de vérifier, ces frais doivent alors être intégrés dans la base d’imposition à la TVA des biens importés, conformément aux prescriptions de l’article 86, paragraphe 1, sous b), de la directive TVA.

34      Par conséquent, l’enregistrement d’une opération d’importation n’implique pas de ce fait même et systématiquement l’inclusion, dans la base de calcul de la valeur en douane, du tarif du transport visé au point 30 du présent arrêt. De même, l’existence d’un MRN sur lequel ne pèse aucun indice sérieux de fraude ne démontre pas, même implicitement, que l’ensemble des frais visés à l’article 86, paragraphe 1, sous a) et b), ont été inclus dans la base d’imposition des biens importés.

35      En revanche, s’agissant de documents, tels que la lettre de voiture CMR et le document d’accompagnement transit en cause au principal, établi pour le second sur la base de la déclaration de transit vérifiée par l’autorité douanière, mais également la facture et le contrat de transport, ceux-ci constituent des éléments dont il incombe, en principe, aux autorités fiscales de tenir compte pour apprécier l’existence d’un droit à exonération de TVA pour des services de transport liés à l’importation de biens, à moins que ces autorités n’aient des raisons précises de douter de leur authenticité ou de leur fiabilité (voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2018, Cartrans Spedition, C‑495/17, EU:C:2018:887, point 67).

36      Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 86, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, ainsi que l’article 144 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que, aux fins de bénéficier de l’exonération de la TVA prévue pour les services de transport liés à l’importation de biens, lorsque le transport d’une marchandise importée dans l’Union est effectué par un assujetti entre l’État membre sur le territoire duquel se situe le lieu d’introduction de ce bien dans l’Union et un lieu de destination situé dans un autre État membre, l’enregistrement de l’opération d’importation n’implique pas, de ce fait même et systématiquement, l’inclusion des frais de ce transport dans la base d’imposition à la TVA de la marchandise importée.

 Sur la deuxième question

37      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 86, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, ainsi que l’article 144 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la pratique fiscale d’un État membre consistant à refuser automatiquement l’exonération de la TVA prévue pour les services de transport liés à l’importation de biens, au motif que le redevable n’a pas produit les documents spécifiques prescrits par la réglementation nationale, alors qu’il produit d’autres documents, dont rien ne permet de douter de l’authenticité et de la fiabilité, susceptibles de démontrer que les conditions auxquelles ces dispositions subordonnent le droit à l’exonération de la TVA sont remplies.

38      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que, en l’absence de disposition dans la directive TVA quant aux preuves que les assujettis sont tenus de fournir afin de bénéficier de l’exonération de la TVA, il appartient aux États membres de fixer, conformément à l’article 131 de cette directive applicable à l’article 144 de celle-ci en tant que disposition faisant partie du chapitre 5 du titre IX de ladite directive, les conditions dans lesquelles ils exonèrent les opérations à l’importation en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels. Toutefois, dans l’exercice de leurs pouvoirs, les États membres doivent respecter les principes généraux du droit qui font partie de l’ordre juridique de l’Union, au nombre desquels figurent notamment les principes de sécurité juridique et de proportionnalité (voir, par analogie, arrêt du 9 octobre 2014, Traum, C‑492/13, EU:C:2014:2267, point 27 et jurisprudence citée).

39      S’agissant du principe de proportionnalité, une mesure nationale va au–delà de ce qui est nécessaire afin d’assurer l’exacte perception de la taxe si elle subordonne, pour l’essentiel, le droit à l’exonération de la TVA au respect d’obligations formelles, sans que soient prises en compte les conditions de fond et, notamment, sans qu’il faille s’interroger sur le point de savoir si celles-ci étaient satisfaites. En effet, les opérations doivent être taxées en prenant en considération leurs caractéristiques objectives (arrêt du 9 février 2017, Euro Tyre, C‑21/16, EU:C:2017:106, point 34 et jurisprudence citée).

40      Lorsque lesdites conditions de fond sont satisfaites, le principe de neutralité fiscale exige en outre que l’exonération de la TVA soit accordée même si certaines exigences formelles ont été omises par les assujettis (voir, en ce sens, arrêt du 9 février 2017, Euro Tyre, C‑21/16, EU:C:2017:106, point 36 et jurisprudence citée).

41      Il n’existe que deux cas de figure dans lesquels le non-respect d’une exigence formelle peut entraîner la perte du droit à l’exonération de la TVA (arrêt du 9 février 2017, Euro Tyre, C‑21/16, EU:C:2017:106, point 38 et jurisprudence citée).

42      D’une part, le principe de neutralité fiscale ne saurait être invoqué, aux fins de l’exonération de la TVA, par un assujetti qui a intentionnellement participé à une fraude fiscale ayant mis en péril le fonctionnement du système commun de la TVA (arrêt du 9 février 2017, Euro Tyre, C‑21/16, EU:C:2017:106, point 39 et jurisprudence citée).

43      D’autre part, la violation d’une exigence formelle peut conduire au refus de l’exonération de la TVA si cette violation a pour effet d’empêcher d’apporter la preuve certaine que les exigences de fond ont été satisfaites (arrêt du 9 février 2017, Euro Tyre, C‑21/16, EU:C:2017:106, point 42 et jurisprudence citée).

44      À cet égard, et ainsi qu’il a été rappelé au point 31 du présent arrêt, les prestations de services de transport sont exonérées, en application de l’article 144 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 86, paragraphe 1, sous b), de cette directive, lorsque, d’une part, elles se rapportent à des importations de biens, et, d’autre part, que la valeur de ce transport est incluse dans la base d’imposition à la TVA des biens importés. Pour bénéficier de l’exonération, il appartient donc au prestataire d’apporter aux autorités fiscales compétentes la preuve que l’opération de transport en cause satisfait à ces deux conditions de fond du bénéfice de l’exonération de TVA.

45      En revanche, au regard de la jurisprudence exposée aux points 38 à 40 du présent arrêt, le bénéfice de cette exonération ne saurait être soumis à la condition impérative que le prestataire produise, aux fins d’établir que les conditions visées au point précédent sont remplies, des documents spécifiques prescrits par la réglementation nationale, à l’exclusion de tout autre élément de preuve permettant d’asseoir la conviction de l’autorité fiscale compétente (voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2018, Cartrans Spedition, C‑495/17, EU:C:2018:887, point 49).

46      En effet, imposer un tel mode de preuve exclusif de tout autre équivaudrait à subordonner le droit à l’exonération au respect d’obligations formelles, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 39 et 40 du présent arrêt, sans examiner si les exigences de fond posées par le droit de l’Union ont été ou non effectivement satisfaites.

47      Par suite, les autorités fiscales compétentes doivent, aux fins de vérifier si, en ce qui concerne une prestation de services de transport, les conditions de fond auxquelles est subordonnée l’exonération prévue à l’article 144 de la directive TVA, lu en combinaison avec l’article 86, paragraphe 1, sous b), de celle-ci, sont remplies, examiner l’ensemble des éléments dont elles sont à même de disposer. En revanche, lesdites autorités ne sauraient déduire que tel n’a pas été le cas de la seule circonstance que le redevable n’est pas à même de produire l’un ou plusieurs des documents spécifiques prescrits par la réglementation nationale, telle que celle en cause au principal (voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2018, Cartrans Spedition, C‑495/17, EU:C:2018:887, point 52).

48      Dans ce contexte, les autorités fiscales peuvent exiger de l’assujetti lui-même les preuves qu’elles jugent nécessaires pour apprécier si celui-ci satisfait aux conditions de cette exonération (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2021, Kemwater ProChemie, C‑154/20, EU:C:2021:989, point 33 et jurisprudence citée).

49      En l’occurrence, le dossier dont dispose la Cour ne contient aucune indication quant à ce que Cartrans aurait intentionnellement participé à une fraude fiscale ou de ce que, à défaut pour cet assujetti de satisfaire à l’exigence formelle que constituerait la production de certains documents spécifiques prescrits par la réglementation nationale, les autorités compétentes se trouveraient empêchées de déterminer si les conditions de fond de l’exonération sont remplies.

50      Dans ces conditions, il appartient aux autorités fiscales et aux juridictions nationales compétentes de vérifier, sur la base de l’ensemble des documents produits, y compris des documents qui se trouvaient en la possession de l’importateur et produits par le prestataire, si les conditions de fond du bénéfice de l’exonération des services de transport étaient réunies.

51      Ce n’est que dans l’hypothèse où, compte tenu des circonstances factuelles et malgré les éléments fournis par ce dernier, les données nécessaires pour vérifier que la valeur des services a été incluse dans la base d’imposition à la TVA des biens importés font défaut, que le bénéfice de l’exonération de la TVA doit être refusé à l’assujetti.

52      Par conséquent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 86, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, ainsi que l’article 144 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la pratique fiscale d’un État membre consistant à refuser automatiquement l’exonération de la TVA pour les services de transport liés à l’importation de biens au motif que le redevable n’a pas produit les documents spécifiques prescrits par la réglementation nationale, alors qu’il produit d’autres documents, dont rien ne permet de douter de l’authenticité et de la fiabilité, susceptibles de démontrer que les conditions auxquelles ces dispositions subordonnent le droit à l’exonération de la TVA sont remplies.

 Sur les troisième à cinquième questions

53      Par ses troisième à cinquième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 56 et 57 TFUE doivent être interprétés en ce sens que, d’une part, constitue une prestation de services une prestation consistant à récupérer la TVA et les droits d’accise pour le compte d’une entreprise auprès des administrations financières de plusieurs États membres et que, d’autre part, ces dispositions s’opposent à une réglementation d’un État membre imposant au destinataire, établi dans cet État membre, d’un service fourni par un prestataire établi dans un autre État membre de procéder à la retenue à la source de l’impôt sur les revenus perçus pour ladite prestation de services, alors qu’une telle obligation n’existe pas lorsque ce service est fourni par un prestataire établi dans le même État membre que ledit destinataire de la prestation.

54      En premier lieu, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 57 TFUE, sont qualifiées de « services » les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes [voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, RL (Directive lutte contre le retard de paiement), C‑199/19, EU:C:2020:548, point 31].

55      Il en résulte que le traité FUE donne à la notion de « service » une définition large, de manière à ce qu’elle couvre toute prestation qui ne relève pas des autres libertés fondamentales, dans le but de ne pas voir une activité économique échapper au champ d’application des libertés fondamentales [voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, RL (Directive lutte contre le retard de paiement), C‑199/19, EU:C:2020:548, point 32 et jurisprudence citée].

56      En l’occurrence, en l’absence de tout élément rattachant les circonstances du litige au principal à l’une des trois autres libertés de circulation, il apparaît que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 22 de ses conclusions, la conclusion d’un contrat à titre onéreux dans lequel la prestation principale consiste en la récupération de la TVA et des droits d’accise auprès des administrations financières de plusieurs États membres, tel que celui conclu entre Cartrans et FDE Holding, implique la prestation d’un « service », au sens de l’article 57 TFUE.

57      Cette qualification ne saurait être remise en cause par la circonstance que, en l’espèce, les sommes versées par Cartrans à FDE Holding au titre dudit contrat ont été qualifiées par les autorités fiscales roumaines de « commissions » en application du droit roumain et de la convention tendant à éviter la double imposition.

58      En effet, dès lors que les sommes versées par Cartrans constituent la contrepartie économique de la prestation de services effectuée par FDE Holding, celles-ci doivent être considérées comme la rémunération d’une telle prestation de services au sens de la jurisprudence citée au point 54 du présent arrêt, et ce indépendamment de leur qualification en vertu du droit roumain ou de la convention tendant à éviter la double imposition.

59      Cette conclusion est d’ailleurs conforme, comme M. l’avocat général le relève au point 27 de ses conclusions, à la jurisprudence de la Cour selon laquelle, en l’absence de mesure d’unification ou d’harmonisation visant à éliminer la double imposition à l’échelle de l’Union, les États membres, dans le cadre de leur compétence pour déterminer les critères d’imposition des revenus et de la fortune en vue d’éliminer, le cas échéant par voie conventionnelle, les doubles impositions, restent libres de qualifier comme ils l’entendent les contreparties économiques versées pour la prestation de services, dans le respect, toutefois, des libertés de circulation garanties par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Sauvage et Lejeune, C‑602/17, EU:C:2018:856, points 22 et 24 ainsi que jurisprudence citée).

60      En second lieu, il convient de déterminer si la réglementation d’un État membre, qui oblige le destinataire d’une prestation de services à retenir à la source l’impôt sur les revenus perçus par un prestataire de services établi dans un autre État membre pour des services effectués dans différents États membres, alors qu’une telle obligation n’existe pas en ce qui concerne les rémunérations versées à un prestataire de services établi dans le même État membre que ce destinataire et fournissant des services équivalents, constitue une restriction à la libre prestation des services au sens de l’article 56 TFUE.

61      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les États membres doivent exercer leur compétence en matière de fiscalité directe dans le respect du droit de l’Union et, notamment, des libertés fondamentales garanties par le traité FUE (arrêts du 25 juillet 2018, TTL, C‑553/16, EU:C:2018:604, point 44, et du 27 avril 2023, L Fund, C‑537/20, EU:C:2023:339, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

62      L’article 56 TFUE s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre les États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre. En effet, conformément à la jurisprudence de la Cour, l’article 56 TFUE exige la suppression de toute restriction à la libre prestation des services imposée au motif que le prestataire est établi dans un État membre différent de celui dans lequel la prestation est fournie (arrêt du 25 juillet 2018, TTL, C‑553/16, EU:C:2018:604, point 45 et jurisprudence citée).

63      Constituent des restrictions à la libre prestation des services les mesures nationales qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté (arrêt du 25 juillet 2018, TTL, C‑553/16, EU:C:2018:604, point 46 et jurisprudence citée).

64      En l’occurrence, il ressort, en substance, des explications fournies par la juridiction de renvoi que, lorsqu’une prestation de services est fournie à un résident roumain par un prestataire non-résident, la législation roumaine impose au destinataire de ladite prestation de procéder, au titre de l’impôt sur les revenus des non-résidents, à une retenue à la source égale à 16 % des revenus bruts versés à cet opérateur. Lorsque ledit opérateur est un résident danois, le taux de cette retenue est toutefois ramené à 4 % en vertu des stipulations de la convention tendant à éviter la double imposition. En revanche, en cas de prestation des mêmes services par un prestataire résident, aucune retenue ne s’applique.

65      Ainsi, dans l’affaire au principal, Cartrans a dû procéder à une retenue à la source sur les rémunérations versées à un prestataire de services non-résident, alors qu’une telle obligation n’aurait pas pesé sur elle si elle avait choisi de recourir à un prestataire de services résident.

66      Certes, ainsi que le gouvernement roumain l’a fait valoir en substance dans ses observations écrites en référence à l’arrêt du 22 décembre 2008, Truck Center (C‑282/07, EU:C:2008:762), la Cour a déjà admis l’application aux bénéficiaires de revenus de capitaux de techniques d’imposition différentes selon que ceux-ci sont résidents ou non-résidents, cette différence de traitement concernant des situations qui ne sont pas objectivement comparables. Ladite différence de traitement ne procurant de surcroît pas nécessairement un avantage aux bénéficiaires résidents, la Cour a jugé qu’elle ne constituait pas une restriction à la liberté d’établissement (arrêt du 18 octobre 2012, X, C‑498/10, EU:C:2012:635, point 26 et jurisprudence citée).

67      Cependant, la Cour a jugé que le prestataire et le destinataire des services sont deux sujets de droit distincts, dotés d’un intérêt propre et pouvant chacun réclamer le bénéfice de la libre prestation des services, dès que leurs droits sont lésés (arrêt du 18 octobre 2012, X, C‑498/10, EU:C:2012:635, point 27).

68      Il en résulte que, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 37 de ses conclusions, l’obligation de procéder à une retenue à la source telle que celle décrite au point 64 du présent arrêt, en ce qu’elle implique à la fois une charge administrative supplémentaire mais également des risques en matière de responsabilité, est susceptible de rendre les services transfrontaliers moins attrayants pour des destinataires de services résidents que les services fournis par des prestataires de services eux aussi résidents. Par conséquent, une telle obligation est susceptible de dissuader lesdits destinataires de faire appel à des prestataires de services non–résidents (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2012, X, C‑498/10, EU:C:2012:635, points 28 et 32), et elle doit être qualifiée de restriction à la libre prestation des services au sens de la jurisprudence mentionnée au point 63 du présent arrêt.

69      Une telle restriction à la libre prestation des services ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité FUE et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général, pour autant, en pareil cas, qu’elle soit propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt du 27 octobre 2022, Instituto do Cinema e do Audiovisual, C‑411/21, EU:C:2022:836, point 24 et jurisprudence citée).

70      En l’occurrence, le gouvernement roumain soutient, en substance, que la nécessité de garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une éventuelle restriction. Ainsi, la réglementation nationale en cause au principal, qui fait obligation à des résidents roumains de retenir à la source l’impôt sur les revenus dû par des non-résidents, poursuivrait un objectif d’intérêt général consistant à assurer la perception de cet impôt, dès lors que ces résidents sont soumis au contrôle des autorités fiscales roumaines et que, en l’absence d’une telle réglementation, le recouvrement dudit impôt auprès des non-résidents ne pourrait être assuré qu’avec l’assistance des autorités compétentes des autres États membres dans lesquels sont établis ces non-résidents.

71      À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence de la Cour, la nécessité de garantir l’efficacité du recouvrement de l’impôt constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à la libre prestation des services (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2006, FKP Scorpio Konzertproduktionen, C‑290/04, EU:C:2006:630, point 36, ainsi que du 13 juillet 2016, Brisal et KBC Finance Ireland, C‑18/15, EU:C:2016:549, point 39).

72      Ainsi, la Cour a jugé que la procédure de retenue à la source et le régime de responsabilité lui servant de garantie constituent un moyen légitime et approprié d’assurer le traitement fiscal des revenus d’une personne établie en dehors de l’État d’imposition et d’éviter que les revenus concernés échappent à l’impôt dans l’État de résidence ainsi que dans l’État où les services sont fournis (arrêts du 3 octobre 2006, FKP Scorpio Konzertproduktionen, C‑290/04, EU:C:2006:630, point 36, et du 18 octobre 2012, X, C‑498/10, EU:C:2012:635, point 39).

73      En effet, le traitement fiscal des revenus d’un prestataire de services établi hors de l’État d’imposition par l’intermédiaire d’une procédure de retenue à la source et du régime de responsabilité lui servant de garantie peut notamment s’avérer légitime et approprié dans le cas où ledit prestataire ne fournit que des services occasionnels dans cet État et où il n’y reste que peu de temps (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2012, X, C‑498/10, EU:C:2012:635, point 42).

74      Enfin, la Cour a également jugé que la perception directe d’un impôt auprès d’un prestataire de services non-résident ne constitue pas nécessairement une mesure moins contraignante que la retenue à la source d’un tel impôt. Elle a estimé que la retenue à la source pouvait être considérée comme justifiée par la nécessité d’assurer le recouvrement efficace de l’impôt (voir, notamment, arrêt du 18 octobre 2012, X, C‑498/10, EU:C:2012:635, points 52 et 53).

75      Il s’ensuit également que l’imposition, au destinataire de la prestation de services, d’une charge administrative et d’une responsabilité du fait de l’obligation de procéder à la retenue à la source sur les rémunérations versées au prestataire de services non-résident apparaît propre et nécessaire pour assurer le recouvrement efficace de l’impôt.

76      S’agissant des débats, lors de l’audience, sur l’éventuelle existence d’un risque de double imposition, il convient d’ajouter, à l’instar de M. l’avocat général au point 53 de ses conclusions, qu’il ressort de la jurisprudence que, dès lors que le droit de l’Union, dans son état actuel, ne prescrit pas de critères généraux pour la répartition des compétences entre les États membres s’agissant de l’élimination de la double imposition à l’intérieur de l’Union, cette double imposition n’est pas nécessairement exclue en toutes circonstances (voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, Société Générale, C‑403/19, EU:C:2021:136, point 29 et jurisprudence citée).

77      Il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner, à la lumière de ces éléments, si une réglementation telle que celle en cause au principal est à même de répondre à une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à la libre prestation des services, si elle est appropriée pour réaliser un tel objectif, et si elle s’avère proportionnée au regard dudit objectif.

78      Par conséquent, il convient de répondre aux troisième à cinquième questions que les articles 56 et 57 TFUE doivent être interprétés en ce sens, d’une part, que constitue une prestation de services, au sens de ces articles, une prestation consistant à récupérer la TVA et les droits d’accise auprès des administrations financières de plusieurs États membres et, d’autre part, que l’application d’une retenue à la source sur les revenus perçus pour une prestation de services réalisée par un prestataire non-résident, tandis qu’une prestation équivalente réalisée par un prestataire de services résident n’en ferait pas l’objet, constitue une restriction à la libre prestation des services. Cette restriction est susceptible d’être justifiée par la nécessité de garantir le recouvrement efficace de l’impôt, dans la mesure où elle est apte à atteindre cet objectif et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

 Sur la sixième question

79      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 15 juillet 2021, Ministrstvo za obrambo, C‑742/19, EU:C:2021:597, point 31).

80      Ainsi, il y a lieu de considérer que, par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle, en règle générale, les prestataires de services non–résidents sont imposés à la source sur les revenus perçus pour la rémunération des services fournis, sans que leur soit accordée la possibilité de déduire les frais professionnels directement liés à ces activités, alors qu’une telle possibilité est reconnue aux prestataires de services résidents.

81      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 56 TFUE, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. Ainsi qu’il a été rappelé au point 63 du présent arrêt, constituent de telles restrictions à la libre prestation des services les mesures nationales qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté.

82      De plus, il résulte d’une jurisprudence bien établie de la Cour qu’un État membre qui accorde aux résidents la faculté de déduire des frais professionnels du calcul d’un revenu imposable ne peut pas, en principe, exclure la prise en compte de ces mêmes frais pour les non-résidents (arrêts du 12 juin 2003, Gerritse, C‑234/01, EU:C:2003:340, point 29, ainsi que du 13 juillet 2016, Brisal et KBC Finance Ireland, C‑18/15, EU:C:2016:549, point 44).

83      En l’occurrence, il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi que, selon le droit roumain, la retenue à la source qui s’applique sur les revenus imposables provenant de Roumanie et perçus par des non-résidents est calculée en appliquant le taux de 16 % sur les revenus bruts. En vertu de la convention tendant à éviter la double imposition, ce taux de 16 % est néanmoins ramené à 4 % lorsque le prestataire est établi au Danemark. En revanche, l’impôt sur les sociétés à la charge des prestataires de services résidents correspond à 16 % du montant net de leurs revenus, ces prestataires étant autorisés à déduire leurs frais professionnels du montant imposable.

84      Ainsi, il apparaît que la retenue à la source de 16 %, ramenée le cas échéant à 4 %, appliquée sur les revenus bruts des prestataires de services non-résidents, est susceptible de désavantager ces derniers, au sens de la jurisprudence citée au point 63 du présent arrêt, par rapport aux prestataires résidents. En effet, contrairement à ceux-ci, les prestataires de services non-résidents ne sont pas autorisés à déduire les frais professionnels liés à la prestation imposable du montant de celle-ci.

85      Or, conformément à la jurisprudence citée au point 63 du présent arrêt, une réglementation nationale, en vertu de laquelle les prestataires de services résidents d’un État membre peuvent déduire du montant imposable des revenus bruts perçus en contrepartie d’une prestation les frais professionnels liés à cette dernière, tandis que les prestataires de services non-résidents ne bénéficient pas d’une telle possibilité, constitue une restriction à la libre prestation des services, au sens de l’article 56 TFUE.

86      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait qu’un prestataire des services danois peut, du fait que la retenue à la source sur les revenus bruts n’est que de 4 % et malgré l’impossibilité de déduire les frais professionnels, payer un impôt sur le revenu moins important que celui payé par un prestataire de services résident qui, tout en ayant la possibilité de déduire les frais professionnels, se fait imposer à hauteur de 16 % sur ses revenus nets. En effet, la Cour a itérativement jugé qu’un traitement fiscal défavorable contraire à une liberté fondamentale ne saurait être considéré comme compatible avec le droit de l’Union en raison de l’existence éventuelle d’autres avantages (arrêt du 13 juillet 2016, Brisal et KBC Finance Ireland, C‑18/15, EU:C:2016:549, point 32 et jurisprudence citée).

87      Il revient à la juridiction de renvoi de vérifier, conformément à la jurisprudence citée au point 69 du présent arrêt, si une telle restriction à la libre prestation des services poursuit un objectif légitime compatible avec le traité FUE et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général.

88      À cet égard, le gouvernement roumain allègue, en substance, dans ses observations que c’est en raison de ce que les prestataires de services résidents sont soumis à des règles de procédure fiscale contraignantes, qui ne pèsent pas sur les prestataires de services non-résidents, qu’il serait justifié de permettre aux prestataires de services résidents de déduire les frais professionnels, liés à une prestation de services, de leurs revenus imposables, tandis que les prestataires de services non‑résidents ne bénéficient pas d’une telle possibilité.

89      Ce faisant, le gouvernement roumain n’explique cependant pas en quoi de telles considérations seraient susceptibles de constituer un objectif légitime compatible avec le traité FUE et répondant à des raisons impérieuses d’intérêt général, à même de justifier une restriction telle que celle en cause en l’espèce.

90      Or, à cet égard, il convient de rappeler qu’il incombe à l’État membre qui invoque un motif justifiant une restriction à l’une des libertés fondamentales garanties par ce traité de démontrer concrètement l’existence d’une raison d’intérêt général (arrêt du 16 décembre 2021, Prefettura di Massa Carrara, C‑274/20, EU:C:2021:1022, point 38 et jurisprudence citée).

91      Par conséquent, il convient de répondre à la sixième question que l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle, en règle générale, les prestataires de services non–résidents sont imposés à la source sur les revenus perçus pour la rémunération des services fournis, sans que leur soit accordée la possibilité de déduire les frais professionnels directement liés à ces activités, alors qu’une telle possibilité est reconnue aux prestataires de services résidents, à moins que la restriction à la libre prestation des services que comporte cette législation ne réponde à un objectif légitime compatible avec le traité FUE et ne se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général.

 Sur les dépens

92      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.


Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 86, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, ainsi que l’article 144 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que, aux fins de bénéficier de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) prévue pour les services de transport liés à l’importation de biens, lorsque le transport d’une marchandise importée dans l’Union européenne est effectué par un assujetti entre l’État membre sur le territoire duquel se situe le lieu d’introduction de ce bien dans l’Union et un lieu de destination situé dans un autre État membre, l’enregistrement de l’opération d’importation n’implique pas, de ce fait même et systématiquement, l’inclusion des frais de ce transport dans la base d’imposition à la TVA de la marchandise importée.

2)      L’article 86, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, ainsi que l’article 144 de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la pratique fiscale d’un État membre consistant à refuser automatiquement l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les services de transport liés à l’importation de biens au motif que le redevable n’a pas produit les documents spécifiques prescrits par la réglementation nationale, alors qu’il produit d’autres documents, dont rien ne permet de douter de l’authenticité et de la fiabilité, susceptibles de démontrer que les conditions auxquelles ces dispositions subordonnent le droit à l’exonération de la TVA sont remplies.

3)      Les articles 56 et 57 TFUE doivent être interprétés en ce sens, d’une part, que constitue une prestation de services, au sens de ces articles, une prestation consistant à récupérer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les droits d’accise auprès des administrations financières de plusieurs États membres et, d’autre part, que l’application d’une retenue à la source sur les revenus perçus pour une prestation de services réalisée par un prestataire non-résident, tandis qu’une prestation équivalente réalisée par un prestataire de services résident n’en ferait pas l’objet, constitue une restriction à la libre prestation des services. Cette restriction est susceptible d’être justifiée par la nécessité de garantir le recouvrement efficace de l’impôt, dans la mesure où elle est apte à atteindre cet objectif et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

4)      L’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle, en règle générale, les prestataires de services non–résidents sont imposés à la source sur les revenus perçus pour la rémunération des services fournis, sans que leur soit accordée la possibilité de déduire les frais professionnels directement liés à ces activités, alors qu’une telle possibilité est reconnue aux prestataires de services résidents, à moins que la restriction à la libre prestation des services que comporte cette législation ne réponde à un objectif légitime compatible avec le traité FUE et ne se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.