Language of document : ECLI:EU:T:2013:691

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

9 décembre 2013 (*)

« Marque communautaire – Requête signée par un ‘juris kandidat’ – Absence de représentation par un avocat – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑389/13,

Brown Brothers Harriman & Co., établie à New York, New York (États-Unis),

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI),

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 25 avril 2013 (affaire R 1740/2012-1), concernant l’enregistrement international désignant l’Union européenne de la marque verbale TRUST IN PARTNERSHIP,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, A. Popescu, et I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juillet 2013, la requérante, Brown Brothers Harriman & Co., a introduit un recours contre la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) du 25 avril 2013 (affaire R 1740/2012-1).

2        La requête indique que la requérante est représentée par MM. T. Kronhöffer et A. Zamorodian, exerçant auprès d’un même cabinet d’avocats établi à Stockholm (Suède).

3        La requête est signée uniquement par l’un des deux représentants, à savoir M. Zamorodian.

4        Le 8 août 2013, le Tribunal a, en application de l’article 44, paragraphe 6, de son règlement de procédure, invité la requérante à régulariser le recours en lui demandant, notamment, de produire les documents de légitimation de ses avocats, ainsi que le prévoient l’article 44, paragraphe 3, dudit règlement et le point 62, sous a), des Instructions pratiques aux parties.

5        Le 15 août 2013, en réponse à cette invitation, MM. Kronhöffer et Zamorodian ont fait valoir qu’ils étaient habilités à exercer en tant que « lawyers » et ont produit, à cet effet, deux attestations émanant du Sveriges Advokatsamfund (l’Association du barreau suédois) les concernant respectivement.

6        Enfin, un membre de la chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure, un autre juge pour compléter la chambre. 

 En droit

7        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est saisi d’un recours manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, il peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

8        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

9        En premier lieu, il convient d’abord de constater que, conformément à l’article 19, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53 du même statut, les parties autres que les États membres et les institutions de l’Union doivent être représentées devant les juridictions de l’Union par un avocat, dénommé « advokat » en Suède. Selon la législation suédoise, le titre d’« advokat » est réservé aux personnes possédant une maîtrise en droit et qui ont été admises au barreau.

10      En outre, il ressort clairement de l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour, que deux conditions cumulatives doivent être remplies pour qu’une personne puisse valablement représenter devant les juridictions de l’Union les parties autres que les États membres et les institutions de l’Union, à savoir qu’elle soit avocat (advokat, selon la version suédoise) et qu’elle soit habilitée à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un État partie à l’accord sur l’EEE. Ces exigences constituent des règles substantielles de forme dont l’inobservation entraîne l’irrecevabilité du recours.

11      L’exigence imposée par l’article 19 du statut de la Cour correspond à la conception du rôle de l’avocat selon laquelle celui-ci est considéré comme collaborateur de la justice et est appelé à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de celle-ci, l’assistance légale donc le client a besoin. Cette protection a pour contrepartie la discipline professionnelle, imposée et contrôlée dans l’intérêt général par les institutions habilitées à cette fin. Une telle conception répond aux traditions juridiques communes aux États membres et se retrouve également dans l’ordre juridique de l’Union, ainsi qu’il résulte, précisément de l’article 19 du statut de la Cour [voir, par analogie, arrêt de la Cour du 18 mai 1982, AM & S Europe/Commission, 155/79, Rec. p. 1575, point 24, et ordonnance du Tribunal du 8 décembre 1999, Euro-Lex/OHMI (EU-LEX), T‑79/99, Rec. p. II‑3555, point 28].

12      À cet égard, il ressort d’une des attestations émanant du Sveriges Advokatsamfund, mentionnée au point 5 ci-dessus, que M. Zamorodian est un « juris kandidat » et que, tout en n’étant pas membre du barreau suédois, il est habilité, selon la loi suédoise, à exercer devant les juridictions suédoises.

13      Il y est également précisé que seuls les membres du barreau suédois sont en mesure d’utiliser le titre d’« advokat ». Le titre de « juris kandidat » est obtenu à la suite de la réalisation de quatre années et demie d’études. Ce n’est qu’après trois années de pratique du droit et à la suite de la réussite de l’examen du barreau suédois qu’il est possible de demander à en être un membre, afin de se voir octroyer le droit d’exercer sous le titre d’« advokat ».

14      Il en résulte que M. Zamorodian, n’étant pas inscrit au barreau suédois, n’est pas un avocat (advokat) au sens de l’article 19 du statut de la Cour. Dès lors, même s’il peut, selon la législation suédoise, représenter des parties dans le cadre de recours devant les juridictions suédoises, il ne remplit pas la première des deux conditions cumulatives de l’article 19, quatrième alinéa, du statut de la Cour, et il n’est donc pas habilité à représenter la requérante devant le Tribunal [voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 28 février 2005, ET/OHMI – Aparellaje eléctrico (UNEX), T‑445/04, Rec. p. II‑677, point 9, et du 26 juin 2006, Vonage Holdings/OHMI (REDEFINING COMMUNICATIONS), T‑453/05, Rec. p. II‑1877, point 13].

15      En second lieu, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure, l’original de tout acte de procédure doit être signé par l’agent ou l’avocat de la partie.

16      Cette disposition doit être interprétée comme exigeant que la signature manuscrite de l’avocat mandaté par la partie requérante figure sur l’original de la requête introductive d’instance. C’est cette interprétation qu’adoptent les instructions au greffier du Tribunal, qui enjoignent, en leur article 7, paragraphe 3, au greffier de n’accepter que les pièces qui portent « l’original de la signature de l’avocat » (voir arrêt du Tribunal du 23 mai 2007, Parlement/Eistrup, T‑223/06 P, Rec. p. II‑1581, point 40, et la jurisprudence citée).

17      À l’exception du cas visé à l’article 3 de la décision du Tribunal du 14 septembre 2011, relative au dépôt et à la signification des actes de procédure par la voie de l’application e-Curia (JO C 289, p. 9), non applicable en l’espèce, la signature manuscrite de l’avocat ou de l’agent représentant une partie, sur l’original de tout acte de procédure, est le seul moyen permettant de s’assurer que la responsabilité d’un tel acte est assumée par une personne habilitée à représenter la partie devant les juridictions de l’Union, conformément à l’article 19 du statut de la Cour (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du Tribunal du 24 février 2000, FTA e.a./Conseil, T‑37/98, Rec. p. II‑373, point 26). 

18      En l’espèce, il y a lieu de constater que la requête introductive d’instance n’a été signée que par M. Zamorodian. Par conséquent, la production de la certification, mentionnée au point 5 ci-dessus, établissant que Me Kronhöffer est membre du barreau suédois depuis le 26 août 2011 et qu’il est, dès lors, habilité à exercer en qualité d’« advokat » en Suède est sans incidence sur la recevabilité du recours, étant donné que celui-ci n’a pas signé l’acte de procédure en question.

19      Il résulte de tout ce qui précède que, la requête introductive d’instance ayant été signée uniquement par M. Zamorodian, le présent recours n’a pas été introduit conformément à l’article 19, troisième et quatrième alinéas et à l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure.

20      Par conséquent, le recours doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

21      La présente ordonnance ayant été adoptée avant la notification de la requête à la partie défenderesse et avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      Brown Brothers Harriman & Co. supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 9 décembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       G. Berardis


* Langue de procédure : l’anglais.