Language of document : ECLI:EU:T:2015:118

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

26 février 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale SAMSARA – Marque communautaire verbale antérieure SAMSARA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 207/2009 »

Dans l’affaire T‑388/13,

Costa Crociere SpA, établie à Gênes (Italie), représentée par Mes A. Vanzetti, S. Bergia et G. Sironi, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Guerlain SA, établie à Levallois-Perret (France), représentée par Mes C. Costa et M. Baccarelli, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 13 mai 2013 (affaire R 2049/2011‑4), relative à une procédure d’opposition entre Guerlain SA et Costa Crociere SpA,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juillet 2013,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 7 novembre 2013,

à la suite de l’audience du 6 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 mars 2010, la requérante, Costa Crociere SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SAMSARA.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent pour cette classe, à la description suivante : « Services de spa, hammam, sauna, thermalisme, tous fournis à bord de bateaux de croisière ».

4        Le 3 septembre 2010, l’intervenante, Guerlain SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale antérieure SAMSARA, désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Savons, produits de parfumerie, huiles éthérées, cosmétiques, lotions capillaires, dentifrices ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

7        Le 12 août 2011, la division d’opposition a accueilli l’opposition dans son intégralité en raison d’un risque de confusion et a condamné la requérante aux dépens.

8        Le 3 octobre 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 13 mai 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré qu’il existait un risque de confusion au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. S’agissant du public pertinent, elle a constaté que celui-ci était composé de consommateurs moyens au sein de l’Union européenne dont le degré d’attention serait moyen. Puis, elle a estimé que le degré de similitude entre les produits relevant de la classe 3 et les services relevant de la classe 44 en cause était moyen et que les signes étaient identiques et, partant, qu’il existait un risque de confusion pour tous les services en cause, y compris ceux dont la requérante sollicite le maintien dans sa demande subsidiaire et limitée aux services de sauna et de hammam. De ce fait, la chambre de recours a considéré inutile d’examiner la question de savoir si la marque antérieure avait acquis un caractère distinctif accru par l’usage. Enfin, la requérante n’ayant produit aucun élément de preuve concernant la coexistence pacifique sur le marché, ce moyen a également été rejeté.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition de l’intervenante et, par conséquent, faire droit à la demande d’enregistrement ;

–        à titre subsidiaire, accueillir à tout le moins la demande limitée aux services de « sauna » et de « hammam » ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris les dépens liés aux procédures antérieures devant la division d’opposition et la chambre de recours.

11      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation dans son intégralité ;

–        condamner la partie requérante aux dépens.

 En droit

12      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle conteste, en substance, la similitude entre les produits et les services en cause.

13      L’OHMI et l’intervenante concluent au rejet du présent moyen.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

15      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

16      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

17      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le moyen unique de la requérante.

18      En l’espèce, il convient de constater que la chambre de recours a défini le public pertinent comme le public composé de consommateurs moyens au sein de l’Union dont le degré d’attention est moyen. Cette définition peut être retenue et n’a d’ailleurs été contestée ni par la requérante ni par l’intervenante.

19      Ensuite, il est incontestable que les signes en cause sont identiques.

20      Partant, seule est débattue la question de savoir si la chambre de recours a considéré à bon droit que les produits et les services en cause étaient suffisamment semblables afin de conclure à un risque de confusion de la part du public pertinent.

21      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits et les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

22      La chambre de recours a conclu, au point 20 de la décision attaquée, que le degré de similitude entre les produits et les services en cause était moyen et que, compte tenu de cette similitude ajoutée à l’identité des signes en conflit, il existait un risque de confusion.

23      Cette conclusion doit être approuvée.

24      Il est certes vrai, ainsi que le fait valoir la requérante, qu’un produit est constitué par un bien tangible alors qu’un service est constitué par une activité. Toutefois, cette différence n’empêche pas qu’une similitude entre des produits et des services puisse exister. En outre, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours a reconnu, au point 16 de la décision attaquée, que les produits protégés par la marque antérieure et les services faisant l’objet de la demande étaient de nature différente. Elle n’a donc pas omis d’examiner la différence de nature entre les produits et les services.

25      À l’instar de la chambre de recours, il convient de constater que les produits et les services en cause partagent le même objectif général, à savoir les soins de beauté et de santé [voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2012, Olive Line International/OHMI – Umbria Olii International (O●LIVE), T‑273/10, EU:T:2012:246, point 35].

26      En effet, les savons, les produits cosmétiques, les parfums et les autres produits de la classe 3 sont destinés à être mis en contact avec le corps humain en vue de le nettoyer, de le parfumer, d’en modifier l’aspect, de le protéger ou de le maintenir en bon état.

27      De même, il ne peut valablement être contesté que les services de spa, de hammam et de sauna ont également pour objectif de laver, de purifier et d’embellir le corps humain.

28      En outre, les services de spa, de hammam, de sauna, de thermalisme comprennent souvent des soins cosmétiques nécessitant l’utilisation de savons, de fragrances, d’huiles et d’autres produits de beauté. Les établissements qui fournissent de tels services peuvent également proposer à la vente les produits de beauté et de santé de leur marque ou, le cas échéant, des produits venant d’un fournisseur extérieur.

29      Partant, la chambre de recours a pu valablement considérer que les canaux de distribution pouvaient se recouper et que le public ciblé était identique.

30      S’agissant de la complémentarité entre les produits et les services en cause, il y a lieu de relever, comme l’a fait la chambre de recours, qu’il existe un certain rapport de complémentarité entre lesdits produits et services. Les traitements dans les spas, les hammams et les services de thermalisme sont normalement suivis de l’application de lotions corporelles et de crèmes hydratantes, et le public peut s’attendre à un traitement au moyen de ces produits lorsqu’il se rend dans un centre de spa, de hammam ou de thermalisme.

31      Au demeurant, sauf peut-être pour les pays nordiques, pour la plupart du public de l’Union, il n’y a pas une grande différence entre un sauna, un centre de spa, un hammam ou des thermes, étant donné que, dans un espace moderne, il est souvent proposé une combinaison ou un ensemble de ces services.

32      Par ailleurs, le fait que la requérante procure ses services de spa, de hammam, de sauna ou de thermalisme à bord d’un bateau de croisière ne change rien à leur objectif général, qui est d’offrir des soins de beauté, de santé et de bien-être. En outre, il ressort du dossier devant l’OHMI que la requérante vend elle aussi des produits de soins de beauté dans le cadre des services proposés sous la marque SAMSARA à bord des bateaux de croisière en question et qu’elle décrit le spa SAMSARA comme « un centre de beauté avec vue sur la mer » en indiquant que le traitement proposé comprend des « soins du corps […] soins du visage […] et salon de beauté ».

33      Pour autant que la requérante prétende que ses services visent une finalité essentiellement curative, se fondant à cet égard sur les définitions données dans divers dictionnaires et encyclopédies et selon lesquelles un spa désigne un endroit où des services d’hydrothérapie, ou plus généralement, des services de bien-être et des soins du corps sont assurés, il y a lieu de constater que rien dans le dossier n’indique que les services de la requérante visent exclusivement un tel but. Or, le fait que les services soient fournis à bord de bateaux de croisière confirme que le public n’est pas uniquement composé de personnes ayant besoin d’un traitement médical. En outre, la requérante n’explique pas dans quelle mesure les installations et équipements à bord des navires de Costa Crociere diffèrent de ceux d’autres centres de spa ou de ceux d’un spa « sur la terre ferme ».

34      Partant, le grief portant sur la dissimilitude des produits et des services en cause doit être rejeté.

35      S’agissant des jugements du Tribunale di Milano (tribunal de première instance de Milan, Italie) et de la Corte d’appello di Milano (cour d’appel de Milan) selon lesquels l’utilisation du mot « samsara » par la requérante pour des services de spa ne portait pas atteinte à la marque SAMSARA de l’intervenante, il y a lieu de rappeler que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. L’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre ou d’un pays tiers niant la similitude des produits et des services concernés [voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec, EU:T:2000:283, point 47, et du 21 janvier 2009, giropay/OHMI (GIROPAY), T‑399/06, EU:T:2009:11, point 46]. Par ailleurs, l’intervenante a indiqué lors de l’audience qu’elle avait introduit un recours auprès de la Corte Suprema di Cassazione (Cour de cassation), de sorte que l’issue du litige entre la requérante et l’intervenante n’est pas encore connue.

36      S’agissant, en outre, de l’argument de la requérante tiré de ce que la chambre n’aurait pas pris en compte les circonstances réelles de l’usage de la marque antérieure, il suffit de relever que, au point 14 de sa décision, la chambre de recours a constaté que la requérante n’avait pas demandé de preuve de l’usage de la marque antérieure et qu’elle en a, à bon droit, conclu qu’elle devait prendre en compte les produits pour lesquels la marque antérieure était enregistrée.

37      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’intervenante ne pourrait pas revendiquer de droits sur le mot « samsara » pour les services visés par sa demande de marque du fait, d’une part, de l’absence ou du faible niveau du caractère distinctif de ce mot pour différencier les services de spas, les bains thermaux et les centres de bien-être et, d’autre part, de son caractère descriptif au regard desdits services, celui-ci ne saurait non plus être retenu.

38      Le mot « samsara » vient du sanskrit et signifie « cycle éternel de la vie ». Or, en premier lieu, il convient de relever que le sanskrit peut difficilement être considéré comme une langue connue du consommateur ciblé. Partant, la grande majorité des consommateurs n’associera aucune signification au mot « samsara ». Pour eux, il s’agit plutôt un mot fantaisiste. En second lieu, même si une partie des consommateurs connaît la signification de ce mot, il y a lieu de constater que la chambre de recours a pu considérer que la signification susmentionnée n’était pas descriptive, ni pour les produits pour lesquels la marque antérieure est protégée, ni pour les services faisant l’objet de la demande. Par ailleurs, les documents présentés par la requérante afin de mettre en évidence un certain usage du mot « samsara » par des tiers ainsi que dans le secteur des spas ne sont pas de nature à infirmer le constat susmentionné. En effet, une grande partie de ces documents font référence à des pays extérieurs à l’Union ou à des secteurs différents des produits de la classe 3 et des services de la classe 44.

39      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que, étant donné le degré moyen de similitude des produits et des services en cause ainsi que l’identité des signes, il existait un risque de confusion pour tous les services visés, y compris ceux dont la requérante sollicite le maintien dans sa demande subsidiaire. Il s’ensuit que, pour cette raison, le troisième chef de conclusions ne saurait non plus prospérer.

40      Il y a donc lieu de rejeter le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 et, partant, le recours.

 Sur les dépens

41      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

42      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Costa Crociere SpA est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.