Language of document : ECLI:EU:T:2015:211

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 avril 2015 (*)

« Dumping – Importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de Chine – Droit antidumping provisoire »

Dans l’affaire T‑393/13,

SolarWorld AG, établie à Bonn (Allemagne),

Solsonica SpA, établie à Cittaducale (Italie),

représentées par Me L. Ruessmann, avocat, et M. J. Beck, solicitor,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J.-F. Brakeland et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, en premier lieu, une demande d’annulation du règlement (UE) n° 513/2013 de la Commission, du 4 juin 2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine et modifiant le règlement (UE) n° 182/2013 soumettant à enregistrement ces importations originaires ou en provenance de la République populaire de Chine  (JO L 152, p. 5, dans la mesure où le taux desdits droits provisoires serait fixé, pour la période allant du 6 juin au 5 août 2013, à un niveau qui n’élimine ni le dumping ni le préjudice, en deuxième lieu, une demande d’injonction aux autorités douanières des États membres d’appliquer les taux pleins des droits antidumping dès le 6 juin 2013 et, en troisième lieu, une demande en responsabilité non contractuelle de la Commission pour le préjudice que les requérantes auraient subies en raison de l’application, pendant la période allant du 6 juin au 5 août 2013 des droits antidumping provisoires au taux institué par le règlement n° 513/2013,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre factuel et juridique

1        Les requérantes, SolarWorld AG et Solsonica SpA, sont des producteurs européens de modules photovoltaïques en silicium cristallin et de leurs composants essentiels qui soutiennent EU ProSun, une association de producteurs européens des produits concernés. Cette dernière a introduit, le 25 juillet 2012, une plainte antidumping auprès de la Commission européenne dirigée contre les importations de ces produits en provenance de Chine.

2        Le 6 septembre 2012, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires de la République populaire de Chine (JO C 269, p. 5).

3        Les requérantes ont coopéré dans cette procédure.

4        Le 8 novembre 2012, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis d’ouverture d’une procédure antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires de la République populaire de Chine (JO C 340, p. 13).

5        Le 4 juin 2013, la Commission a adopté le règlement (UE) n° 513/2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine et modifiant le règlement (UE) n° 182/2013 soumettant à enregistrement ces importations originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 152, p. 5, ci-après le « règlement provisoire » ou le « règlement attaqué »).

6        L’article 1er, paragraphe 2, sous i), du règlement attaqué impose un droit antidumping provisoire de 11,8 % applicable aux importations des produits concernés dans l’Union européenne à l’ensemble des producteurs-exportateurs chinois, pour une période de deux mois, jusqu’au 5 août 2013.

7        L’article 1er, paragraphe 2, sous ii), dudit règlement impose aux importations des mêmes produits un droit antidumping provisoire spécifique aux producteurs‑exportateurs concernés de 37,3 à 67,9 % applicable pour la période allant du 6 août au 5 décembre 2013.

8        En vertu du paragraphe 3 de ce même article, la mise en libre pratique, dans l’Union, des produits concernés, a été subordonnée au dépôt d’une garantie équivalente au montant du droit provisoire.

9        À la suite de l’introduction du présent recours, la Commission a adopté la décision 2013/423/UE, du 2 août 2013, portant acceptation d’un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 209, p. 26) par un groupe de producteurs-exportateurs chinois ayant coopéré et qui sont énumérés en annexe à cette décision, en concertation avec la Chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de machines et de produits électroniques (ci-après la « CCCME »).

10      Le 2 août 2013, la Commission a adopté le règlement (UE) n° 748/2013, portant modification du règlement n° 513/2013 (JO L 209, p. 1), pour tenir compte de la décision 2013/423. En substance, pour autant que certaines conditions soient remplies, l’article 6 de ce règlement, tel que modifié, prévoit que les importations de produits relevant actuellement du code NC ex 3818 00 10 (codes TARIC 3818 00 10 11 et 3818 00 10 19) et du code NC ex 8541 40 90 (codes TARIC 8541 40 90 21, 8541 40 90 29, 8541 40 90 31 et 8541 40 90 39), déclarées pour la mise en libre pratique et facturées par des sociétés dont les engagements ont été acceptés par la Commission et qui sont énumérées à l’annexe de la décision 2013/423, sont exonérées du droit antidumping provisoire institué par l’article 1er du même règlement.

11      Il découle du considérant 4 de la décision d’exécution 2013/707/UE de la Commission, du 4 décembre 2013, confirmant l’acceptation d’un engagement offert dans le cadre des procédures antidumping et antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine pour la période d’application des mesures définitives (JO L 325, p. 214), que, à la suite de l’adoption des mesures antidumping provisoires, la Commission a poursuivi l’enquête sur le dumping, le préjudice et l’intérêt de l’Union, ainsi que la procédure antisubventions menée parallèlement. Les wafers ont été exclus du champ des deux enquêtes et, par conséquent, du champ d’application des mesures définitives.

12      Il ressort des considérants 7 à 10 et de l’article 1er de la décision 2013/707 que, à la suite de la notification des conclusions finales des procédures antidumping et antisubventions, les producteurs-exportateurs, en concertation avec la CCCME, ont présenté une notification en vue de modifier leur offre d’engagement initiale. La Commission a accepté les termes de l’engagement en vue d’éliminer également les effets préjudiciables des importations faisant l’objet de subventions. En outre, un certain nombre de producteurs-exportateurs additionnel a demandé à participer à cet engagement. La CCCME et les producteurs-exportateurs ont demandé par ailleurs une révision de l’engagement de façon à tenir compte de l’exclusion des wafers du champ de l’enquête.

13      Selon le considérant 5 de la décision 2013/707, l’enquête antidumping a confirmé les conclusions provisoires concernant l’existence d’un dumping préjudiciable.

14      Les conclusions définitives de l’enquête sont exposées dans le règlement d’exécution (UE) n° 1238/2013 du Conseil, du 2 décembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 325, p. 1, ci-après le « règlement définitif »).

15      Son article 1er institue un droit antidumping spécifique s’appliquant aux producteurs‑exportateurs allant de 27,3 à 64,9 %.

16      En vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement définitif :

« Les montants déposés au titre du droit antidumping provisoire institué par le règlement […] n° 513/2013 sur les importations de wafers (les wafers ont une épaisseur n’excédant pas 400 micromètres) et de modules ou panneaux dont la tension de sortie ne dépasse pas 50 V en courant continu et dont la puissance ne dépasse pas 50 W uniquement pour usage direct en tant que chargeurs de batterie dans des systèmes présentant les mêmes caractéristiques de tension et de puissance, originaires ou en provenance de [Chine] sont libérés. »

17      En vertu du paragraphe 2 de ce même article :

« Les montants déposés au titre du droit antidumping provisoire institué par le règlement n° 513/2013 sur les importations de modules ou panneaux photovoltaïques en silicium cristallin et de cellules du type utilisé dans les modules ou panneaux photovoltaïques en silicium cristallin (les cellules ont une épaisseur n’excédant pas 400 micromètres), relevant actuellement des codes NC ex 8501 31 00, ex 8501 32 00, ex 8501 33 00, ex 8501 34 00, ex 8501 61 20, ex 8501 61 80, ex 8501 62 00, ex 8501 63 00, ex 8501 64 00 et ex 8541 40 90 (codes TARIC 8501 31 00 81, 8501 31 00 89, 8501 32 00 41, 8501 32 00 49, 8501 33 00 61, 8501 33 00 69, 8501 34 00 41, 8501 34 00 49, 8501 61 20 41, 8501 61 20 49, 8501 61 80 41, 8501 61 80 49, 8501 62 00 61, 8501 62 00 69, 8501 63 00 41, 8501 63 00 49, 8501 64 00 41, 8501 64 00 49, 8541 40 90 21, 8541 40 90 29, 8541 40 90 31 et 8541 40 90 39) et originaires ou en provenance de la République populaire de Chine, sauf si ces produits sont en transit au sens de l’article V du GATT, sont définitivement perçus. Les montants déposés au-delà du taux de droit antidumping définitif sont libérés. »

18      Le 2 décembre 2013, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1239/2013, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO L 325, p. 66).

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er août 2013, les requérantes ont introduit le présent recours.

20      Par acte séparé du même jour, ces dernières ont demandé à ce qu’il soit statué selon la procédure accélérée.

21      Par lettre du 14 août 2013, la Commission s’est opposée à ce qu’il soit statué selon cette procédure.

22      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a donc été attribuée.

23      Par décision du 24 octobre 2013, le Tribunal (cinquième chambre) a rejeté la demande à ce qu’il soit statué selon la procédure accélérée.

24      Le 10 octobre 2014, les parties ont été invitées à présenter leurs observations quant à une éventuelle décision, fondée sur l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal, de non-lieu à statuer sur le présent recours à la suite de l’adoption du règlement définitif. Elles étaient également invitées à présenter des informations supplémentaires quant à la détermination du préjudice prétendument subi par les requérantes. Les parties ont répondu dans les délais impartis.

25      Les requérantes concluent en substance à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphe 2, du règlement attaqué, dans la mesure où il reporte jusqu’au 6 août 2013 l’application du droit antidumping provisoire à taux plein sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin, de cellules et de wafers originaires ou en provenance de Chine ;

–        enjoindre aux autorités douanières des États membres d’appliquer les taux du droit antidumping indiqués à l’article 1er, paragraphe 2, sous ii), du règlement attaqué, et ce à partir du 6 juin 2013 ;

–        condamner la Commission à leur payer des dommages et intérêts, dans la mesure où les taux du droit antidumping indiqués à l’article 1er, paragraphe 2, sous ii), du règlement attaqué n’ont pas été appliqués à partir du 6 juin 2013 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non-fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

27      Dans leur réponse aux mesures d’organisation de la procédure, les requérantes demandent à ce qu’il plaise au Tribunal de ne pas déclarer qu’il n’y a plus lieu à statuer dans la présente affaire et de la juger au fond.

28      Quant à la Commission, elle demande dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure à ce qu’il plaise au Tribunal de prononcer un non-lieu à statuer en vertu de l’article 113 du règlement de procédure.

 En droit

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions des requérantes, tendant à ce qu’il soit enjoint aux autorités douanières des États membres d’appliquer les taux du droit antidumping indiqués à l’article 1er, paragraphe 2, sous ii), du règlement attaqué, et ce à partir du 6 juin 2013

29      En vertu de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée (ordonnance du 14 octobre 1999, Infrisa/Commission, C‑437/98 P, Rec, EU:C:1999:503, point 16).

30      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal est incompétent pour adresser des injonctions tant aux institutions et organes de l’Union qu’aux États membres (ordonnance du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T‑56/92, Rec, EU:T:1993:105, point 18).

31      Partant, le présent chef de conclusions est manifestement irrecevable.

 Sur le non-lieu à statuer sur le premier et le troisième chef de conclusions des requérantes, tendant respectivement à l’annulation de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement attaqué, dans la mesure où il reporte jusqu’au 6 août 2013 l’application du droit antidumping provisoire à taux plein sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin, de cellules et de wafers originaires ou en provenance de Chine et à la condamnation la Commission aux dommages et intérêts ainsi causés

32      En vertu de l’article 113 de son règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public ou constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

33      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

34      Selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, Rec, EU:C:2013:331, point 61 et jurisprudence citée).

35      Si l’intérêt à agir du requérant disparaît au cours de la procédure, une décision du Tribunal sur le fond ne saurait lui procurer un quelconque bénéfice (arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec, EU:C:2007:322, point 44).

36      Dans diverses circonstances, la Cour a reconnu que l’intérêt à agir d’un requérant ne disparaissait pas nécessairement du fait que l’acte attaqué par ce dernier aurait cessé de produire des effets en cours d’instance. Notamment, elle a ainsi jugé qu’un requérant peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’une décision soit pour obtenir une remise en état de sa situation (arrêt du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec, EU:C:1979:53, point 32), soit pour amener l’auteur de l’acte attaqué à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées et ainsi éviter le risque de répétition de l’illégalité dont l’acte attaqué est prétendument entaché. Dans une affaire opposant une entreprise irrégulièrement écartée d’une procédure d’adjudication à la Commission, la Cour a jugé que, même dans les cas où, en raison des circonstances, il s’avère impossible de mettre en œuvre l’obligation, pour l’institution dont émane l’acte annulé, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt ayant prononcé cette annulation, le recours en annulation peut conserver un intérêt en tant que fondement d’un recours éventuel en responsabilité (voir arrêt Abdulrahim/Conseil et Commission, point 34 supra, EU:C:2013:331, points 62 à 64 et jurisprudence citée).

37      Il ressort de cette jurisprudence que la persistance de l’intérêt à agir d’un requérant doit être appréciée in concreto, en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi (arrêt Abdulrahim/Conseil et Commission, point 34 supra, EU:C:2013:331, point 65).

38      Les requérantes font, tout d’abord, valoir que la présente affaire expose un problème quant à la légalité de l’article 1er, paragraphe 2, sous i), du règlement attaqué, qui a institué les droits antidumping provisoires, pour la période allant du 6 juin au 5 août 2013, à 11,8 % pour tous les producteurs-exportateurs chinois, tandis que l’article 1er, paragraphe 2, sous ii), dudit règlement avait institué des droits antidumping spécifiques allant de 37,3 à 67,9 % pour la période allant du 6 août au 5 décembre 2013. Un tel échelonnement des droits antidumping provisoires irait à l’encontre de la pratique habituelle de la Commission et violerait l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 202, ci‑après le « règlement de base »). La présente affaire aurait donc une importance considérable pour l’interprétation de l’article 7 du règlement de base.

39      Ensuite, le règlement définitif ne concernerait pas les questions soulevées dans la présente affaire, c’est pourquoi son adoption ne serait pas de nature à priver la présente affaire de son objet. De même, une décision dans l’affaire T-141/14, SolarWorld e.a./Conseil ne pourrait pas résoudre les problèmes posés dans la présente affaire, puisque les moyens avancés dans les deux affaires sont différents.

40      Enfin, le recours en indemnité des requérantes dépendrait d’une décision au fond dans la présente affaire, puisque l’article 1er, paragraphe 2, sous i), du règlement provisoire aurait créé des dommages qui sont uniques au règlement provisoire et n’auraient pas été éliminés par le règlement définitif.

41      Quant à la Commission, celle-ci estime, en substance, que, en ordonnant la perception définitive de droits antidumping provisoires en ce qui concerne les modules ou les panneaux et les cellules de même niveau que celui prévu par le règlement provisoire et en libérant tant l’excédent des garanties pour les modules que l’ensemble des garanties constituées pour les wafers, tout effet juridique qui aurait pu naître de manière provisoire du règlement attaqué a été remplacé par les effets juridiques découlant du règlement définitif. Par exemple, si les requérantes s’étaient plaintes d’un niveau insuffisant des droits antidumping provisoires en ce qui concerne les wafers, le litige à cet égard serait devenu théorique, parce que le règlement définitif a libéré toutes les garanties de paiement des droits antidumping provisoires pour l’importation de ces derniers produits.

42      Plus important encore, la base légale pour les déterminations du niveau des droits antidumping pour les importations de modules ou de panneaux et de cellules ne serait plus le règlement provisoire, mais bien le règlement définitif.

43      En renvoyant aux points 12 à 14 de l’arrêt du 5 octobre 1988, Technointorg/Commission et Conseil (294/86 et 77/87, Rec, EU:C:1988:470), la Commission conclut en substance qu’il n’y a plus lieu de statuer non seulement sur le recours en annulation, mais également sur le recours en indemnité.

44      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que l’adoption d’un règlement définitif qui ordonne la perception des droits antidumping institués dans le règlement provisoire et libère les droits antidumping provisoires déposés ou garantis au-delà du taux définitivement institué, ou ceux qui ont été déposés pour des produits exclus ultérieurement de l’enquête, a pour conséquence qu’aucun effet juridique découlant du règlement provisoire ne peut plus normalement être invoqué par les requérantes, qui étaient, en l’occurrence, soit des importateurs ou des producteurs-exportateurs du produit importé (arrêts du 5 octobre 1988, Brother/Commission, 56/85, Rec, EU:C:1988:463, point 6 ; Technointorg/Commission et Conseil , point 43 supra, EU:C:1988:470, point 12 ; du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C‑305/86 et C‑160/87, Rec, EU:C:1990:295, point 13, et du 22 mars 2012, GLS, C‑338/10, Rec, EU:C:2012:158, point 18 ; ordonnances du 10 juillet 1996, Miwon/Commission, T‑208/95, Rec, EU:T:1996:98, point 20 ; du 30 juin 1998, BSC Footwear Supplies e.a. /Commission, T‑73/97, Rec, EU:T:1998:147, point 13, et du 11 janvier 2013, Charron Inox et Almet/Commission et Conseil, T‑445/11 et T‑88/12, EU:T:2013:4, point 30).

45      En confirmant et en reprenant les effets du règlement provisoire dans la mesure décidée par le règlement définitif, ce dernier s’est substitué au règlement provisoire (voir, en ce sens, arrêt Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, point 44 supra, EU:C:1990:295, point 14, et ordonnance Charron Inox et Almet/Commission et Conseil, point 44 supra, EU:T:2013:4, point 31).

46      Ainsi, les requérantes n’avaient en principe plus d’intérêt à poursuivre leur recours en annulation du règlement provisoire, si bien qu’il n’y avait plus d’intérêt à statuer sur leurs recours (arrêts Brother/Commission, point 44 supra, EU:C:1988:463, point 7; Technointorg/Commission et Conseil, point 43 supra, EU:C:1988:470, point 14 ; Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, point 44 supra, EU:C:1990:295 point 16 ; ordonnances Miwon/Commission, point 44 supra, EU:T:1996:98, point 37 ; BSC Footwear Supplies e.a./Commission, point 44 supra, EU:T:1998:147, points 13 et 16, et Charron Inox et Almet/Commission et Conseil, point 44 supra, EU:T:2013:4, point 31).

47      Les irrégularités du règlement provisoire pouvant être invoquées comme cause d’illégalité du règlement définitif, dans la mesure où elles sont reprises par ce dernier, les éléments, voire les effets juridiques prétendument préjudiciables du règlement provisoire qui ont été repris par le règlement définitif peuvent donc être contestés dans un recours dirigé contre le règlement définitif (arrêt Technointorg/Commission et Conseil, point 43 supra, EU:C:1988:470, point 13 ; conclusions de l’avocat général Gordon Slynn dans les affaires Technointorg/Commission et Conseil, 294/86 et 77/87, Rec, EU:C:1988:368, et arrêt Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, point 44 supra, EU:C:1990:295, points 12 et 14).

48      Dans ses conclusions dans l’affaire Brother/Commission (56/85, Rec, EU:C:1988:113), l’avocat général Sir Gordon Slynn a expliqué en substance, que, s’il était probable que le règlement définitif reprenne en partie le règlement instituant un droit provisoire, il était faux d’affirmer que l’effet critiqué, qui était temporellement né sous l’empire du règlement provisoire, avait été créé par ce dernier règlement.

49      En ce qui concerne les éléments et les effets du règlement provisoire qui ont été confirmés et repris, et donc pour lesquels le règlement définitif s’est substitué au règlement provisoire, il ressort du point 14, dernière phrase, de l’arrêt Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, point 44 supra (EU:C:1990:295), que la légalité du règlement provisoire n’est pas susceptible d’avoir une incidence sur le fondement d’une demande en indemnisation. Ainsi, en ce qui concerne les éléments et les effets du règlement provisoire, qui ont été confirmés et repris dans le règlement définitif, il n’est pas possible de fonder un recours en indemnité sur le règlement provisoire.

50      En revanche, la légalité du règlement définitif portant perception du droit antidumping provisoire ne peut être affectée par une illégalité éventuelle du règlement provisoire que dans la mesure où celle-ci s’est répercutée sur le règlement définitif (arrêts Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, point 44 supra, EU:C:1990:295, point 69, et du 3 mai 2001, Ajinomoto et NutraSweet/Conseil et Commission, C‑76/98 P et C‑77/98 P, Rec, EU:C:2001:234, point 65).

51      Partant, des effets autonomes ou indépendants, susceptibles d’être imputés uniquement au règlement instituant le droit antidumping provisoire à la suite de l’entrée en vigueur du règlement instituant un droit antidumping définitif, et donc non-repris par ce dernier, doivent pouvoir être contestés dans le cadre d’un recours dirigé à l’encontre du règlement provisoire (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Gordon Slynn dans les affaires Brother/Commission, point 48 supra, EU :C :1988 :113, et Technointorg/Commission et Conseil, point 47 supra, EU:C:1988:368). En ce sens, un recours en indemnisation d’un prétendu préjudice distinct de celui causé par le règlement définitif peut être fondé sur le règlement provisoire (voir, en ce sens, ordonnance Charron Inox et Almet/Commission et Conseil, point 44 supra, EU:T:2013:4, point 32).

52      Cette hypothèse a été concrètement évoquée, notamment dans l’arrêt Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, point 44 supra (EU:C: 1990:295, point 15), dans les conclusions de l’avocat général Sir Gordon Slynn dans les affaires jointes Technointorg/Commission et Conseil, point 47 supra (EU:C:1988:368), ainsi que dans l’ordonnance BSC Footwear Supplies e.a./Commission, point 44 supra (EU:T:1998:147, point 15), en ce qui concerne une éventuelle perte d’intérêts sur les montants garantis au titre du droit antidumping provisoire, qui ont été ultérieurement remboursés en vertu du règlement définitif. En effet, dans ces cas de figure spécifiques, le règlement provisoire aurait pu créer un préjudice non repris par le règlement définitif. Un recours en indemnité basé sur l’illégalité du règlement définitif n’aurait été d’aucune utilité pour les requérantes en question, car l’illégalité alléguée du règlement provisoire, n’ayant pas été reprise dans le règlement définitif, elle ne s’est pas répercutée sur celui-ci, si bien que le règlement définitif n’en était ni affecté ni vicié.

53      Il découle de cette jurisprudence qu’il est nécessaire d’examiner, si le règlement définitif confirme et reprend tous les éléments, voire tous les effets contestés du règlement provisoire, de sorte qu’il s’y substitue, et qu’il ne subsiste à l’égard des requérants, à la suite de l’entrée en vigueur du règlement définitif, aucun effet juridique indépendant du règlement provisoire, si bien que des recours sur le fondement du règlement définitif seraient susceptibles de mener à un redressement de la situation des requérantes.

54      Cette conclusion est corroborée par la circonstance que, si la persistance de l’intérêt à agir à l’encontre d’un règlement provisoire antidumping dépendait de la question de savoir sous l’empire de quelle norme a été créée, du point de vue temporel, le prétendu préjudice, la Cour aurait déjà admis, dans les situations ayant donné lieu aux arrêts Technointorg/Commission et Conseil, point 43 supra (EU:C:1988:470, point 13), ou Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, point 44 supra (EU:C:1990:295, point 14), que les requérantes, importateurs dans l’Union, pouvaient attaquer les règlements provisoires respectifs, car c’était effectivement sous l’empire de ces derniers que les préjudices en question étaient nés. Or, ainsi qu’il vient d’être rappelé, la Cour n’a pas jugé ce critère temporel comme déterminant.

55      En l’espèce, ainsi que le fait valoir la Commission, en ordonnant la perception définitive des droits antidumping provisoires en ce qui concerne les produits indiqués dans son article 2, paragraphe 2, dans la limite du taux définitivement fixé, et en ordonnant la libération des montants déposés au titre du droit antidumping provisoire pour les importations des produits indiqués dans son article 2, paragraphe 1, le règlement définitif a confirmé et repris les éléments et les effets critiqués du règlement provisoire.

56      À l’égard des requérantes, qui sont des producteurs européens de tous ces produits, le règlement définitif a donc confirmé et repris le prétendu manque de leur protection provisoire pour tous les produits concernés et, en ce qui concerne en particulier les produits indiqués dans son article 2, paragraphe 1, il l’a même réduit, voire éliminé.

57      Le règlement définitif s’est donc complètement substitué au règlement provisoire.

58      Il est vrai que l’article 10, paragraphe 3, du règlement de base empêche que le taux du droit antidumping provisoire institué par l’article 1er, paragraphe 2, sous i), du règlement attaqué, à savoir 11,8 %, soit augmenté rétrospectivement par le règlement définitif. Toutefois, cette circonstance ne suffit pas, au regard des critères dégagés par la jurisprudence, pour pouvoir admettre que les requérantes maintiennent un intérêt à agir en annulation du règlement provisoire et en indemnité sur le fondement de ce dernier.

59      En effet, s’il n’est pas possible de reprocher au Conseil de ne pas avoir, dans le cadre du règlement définitif, augmenté rétrospectivement les droits antidumping provisoires, il aurait été possible de fonder sur la base du règlement définitif un recours en annulation et en responsabilité non contractuelle.

60      D’une part, les éléments et les effets critiqués du règlement provisoire ont été repris, sans être atténués, dans le règlement définitif. Ainsi, bien que le droit antidumping institué par le règlement provisoire ne puisse plus être augmenté, l’éventuelle illégalité commise dans le cadre de ce règlement s’est forcément répercutée sur le règlement définitif, car la somme des droits antidumping qui pouvait être perçue sur le fondement du règlement définitif, au titre de la période allant du 6 juin au 5 août 2013, était limitée par les dispositions du règlement provisoire, et notamment par son article 1er, paragraphe 2, sous i). Le règlement provisoire est donc une source potentielle de l’illégalité du règlement définitif.

61      D’autre part, ainsi que le soutient, en substance, la Commission, le droit à une protection provisoire existe en fin de comptes en vertu du règlement définitif. En effet, l’article 10, paragraphe 2, du règlement de base prévoit que c’est le Conseil qui décide, lorsque les faits définitivement constatés indiquent l’existence d’un dumping et d’un préjudice, dans quelle mesure le droit antidumping provisoire doit être perçu.

62      Le prétendu préjudice consistant en un dommage causé par l’absence de protection suffisante créé, du point de vue temporel, sous l’empire du règlement provisoire, continue à exister à la suite de l’adoption du règlement définitif, mais seulement en vertu et dans l’étendue définie par ce dernier règlement. Ainsi qu’il est indiqué dans les conclusions de l’avocat général Gordon Slynn dans l’affaire Brother/Commission, point 48 supra (EU:C:1988:113), il serait faux d’affirmer que l’effet critiqué en l’espèce a été créée par le règlement provisoire. Ce dernier ne crée donc pas de préjudice autre que celui créé par le règlement définitif.

63      Si le règlement définitif concluait à l’absence de dumping et de préjudice subi par l’industrie de l’Union, les requérantes n’auraient rétrospectivement aucun droit à une protection antidumping provisoire. Ainsi que le souligne la Commission, la question du préjudice prétendument occasionné aux requérantes par le règlement provisoire ne se poserait même pas. C’est donc le règlement définitif qui aurait pu servir de fondement à leur demande en indemnité.

64      En revanche, dans l’hypothèse envisagée au point 15 de l’arrêt Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, point 44 supra (EU:C:1990:295), le préjudice causé aux importateurs a bien été créé par le règlement provisoire, car il a fixé un taux de droit antidumping plus élevé que celui ultérieurement fixé par le règlement définitif. Dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, l’illégalité du règlement provisoire ne s’est pas répercutée sur le règlement définitif. La solution retenue dans l’arrêt Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, point 44 supra (EU:C:1990:29, point 15), et qui n’a d’ailleurs pas été évoquée par les requérantes, n’est donc pas susceptible d’être appliquée par analogie en l’espèce.

65      Pour les raisons indiquées, les requérantes ont perdu l’intérêt à agir tant en annulation du règlement provisoire qu’en indemnité sur la base de ce dernier.

66      Cette solution est en outre corroborée par des considérations de bonne administration de la justice.

67      Premièrement, s’il avait été jugé qu’il persistait, pour les membres de l’industrie de l’Union, un intérêt à agir à l’encontre du règlement provisoire, ces derniers seraient, en réalité, obligés de demander, dans le futur, l’annulation des règlements provisoires ou l’indemnisation sur la base de ceux-ci avant même que les produits concernés par les règlements définitifs soient définis exactement et que le taux de droit antidumping appliqué d’une manière rétrospective et définitive à la période couverte par le règlement provisoire soit établi. Comme c’est le cas en l’espèce, les demandes indemnitaires fondées sur les règlements provisoires pourraient ainsi être insuffisantes au regard des éventuels effets négatifs définitivement créés postérieurement au règlement provisoire. Concrètement, le présent recours n’appréhende même pas la circonstance, qui s’est révélée à la suite de l’adoption du règlement définitif, que les institutions de l’Union n’ont institué aucune protection au moyen des mesures antidumping provisoires en ce qui concerne les produits énumérés à l’article 2, paragraphe 1, du règlement définitif.

68      Deuxièmement, afin d’apprécier le bien-fondé des recours dirigés à l’encontre ou sur la base du règlement provisoire, il y aurait forcément lieu de tenir compte des déterminations finales indiquées dans le règlement définitif. Il ne serait pas envisageable de juger que les droits antidumping provisoires auraient dû être fixés à un certain taux, si ce dernier s’avère ultérieurement supérieur à celui définitivement fixé par le Conseil pour la période d’application du règlement provisoire. Ainsi, les requérantes ne sauraient être indemnisées pour le manque de protection relatif aux produits énumérés à l’article 2, paragraphe 1, du règlement définitif, car pour ces derniers, les montants déposés au titre du droit antidumping provisoire ont été libérés.

69      Uniquement un recours basé sur le règlement définitif serait en mesure d’appréhender la situation dans son ensemble.

70      Il résulte de tout ce qui précède qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les premier et troisième chefs de conclusions.

 Sur les dépens

71      En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

72      En cas de non-lieu à statuer, conformément à l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, le Tribunal règle librement les dépens.

73      En l’espèce, puisque le deuxième chef de conclusions des requérantes est manifestement irrecevable, et qu’il n’y a plus lieu de statuer sur leurs premier et troisième chefs de conclusions, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des faits de la cause en décidant que les requérantes supporteront leurs propres dépens ainsi qu’un tiers des dépens de la Commission et que cette dernière supportera le reste de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le deuxième chef de conclusions de SolarWorld AG et Solsonica SpA, tendant à ce qu’il soit enjoint aux autorités douanières des États membres d’appliquer les taux du droit antidumping indiqués à l’article 1er, paragraphe 2, sous ii), du règlement (UE) n° 513/2013 de la Commission, du 4 juin 2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République de Chine et modifiant le règlement (UE) n° 182/2013 soumettant à enregistrement ces importations originaires ou en provenance de la République de Chine, et ce à partir du 6 juin 2013, est manifestement irrecevable.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en annulation du règlement n° 513/2013 et sur le recours en indemnité.

3)      SolarWorld et Solsonica supporteront leurs propres dépens, ainsi qu’un tiers des dépens de la Commission européenne. Cette dernière supportera le reste de ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 14 avril 2015.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’anglais.