Language of document : ECLI:EU:T:2017:929

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 décembre 2017 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑392/13 DEP,

Leone La Ferla SpA, établie à Melilli (Italie), représentée par MJ.‑M. Occhipinti, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne,

et

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mmes M. Heikkilä, M. W. Broere et C. Bergerat, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à rembourser par la partie requérante à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) à la suite de l’arrêt du 15 septembre 2016, La Ferla/Commission et ECHA (T‑392/13, EU:T:2016:478),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, I. S. Forrester et E. Perillo, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Les 5 et 7 janvier 2011, à la suite d’une procédure engagée par la requérante, Leone La Ferla SpA, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a procédé à l’enregistrement de deux substances au titre du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1).

2        Lors de la procédure d’enregistrement, la requérante a indiqué qu’elle était une « petite entreprise », au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro-, petites et moyennes entreprises (JO 2003, L 124, p. 36). Cette déclaration lui a permis de bénéficier d’une réduction de la redevance due pour toute demande d’enregistrement, telle qu’elle est prévue à l’article 6, paragraphe 4, du règlement n° 1907/2006.

3        Les 5 et 7 janvier 2011, l’ECHA a émis deux factures, d’un montant de 9 300 euros chacune. Ce montant correspondait, selon l’annexe I du règlement n° 340/2008 telle qu’applicable au moment des faits, à la redevance due par une petite entreprise, dans le cadre d’une soumission conjointe, pour une quantité de substances supérieure à 1 000 tonnes.

4        Le 20 février 2012, la requérante a été invitée par l’ECHA à fournir un certain nombre de documents aux fins de vérifier la déclaration par laquelle elle avait indiqué être une petite entreprise.

5        Le 17 mai 2013, l’ECHA a adopté la décision SME(2013) 1328. Dans cette décision, l’ECHA a considéré qu’elle n’avait pas reçu les preuves nécessaires aux fins de conclure que la requérante était une petite entreprise et qu’elle devrait s’acquitter de la redevance applicable à une grande entreprise. Dans ces conditions, l’ECHA a informé la requérante qu’elle allait lui adresser, d’une part, une facture couvrant la différence entre la redevance payée initialement et la redevance finalement due et, d’autre part, une facture de 19 900 euros pour paiement du droit administratif.

6        En exécution de la décision SME(2013) 1328, l’ECHA a adressé à la requérante, le 21 mai 2013, deux factures, d’un montant de 13 950 euros chacune, et une facture d’un montant de 19 900 euros.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 juillet 2013, la requérante a introduit le recours dans l’affaire T‑392/13.

8        Par arrêt du 15 septembre 2016, La Ferla/Commission et ECHA (T‑392/13, EU:T:2016:478), le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable en ce qu’il visait la Commission et comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé en ce qu’il visait l’ECHA. La requérante a également été condamnée au paiement des dépens, conformément à l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

9        Par lettres du 10 et du 17 janvier 2017, l’ECHA a informé la requérante de la nature et du montant des dépens récupérables.

10      Par lettres du 25 janvier et du 8 février 2017, la requérante a contesté le montant des dépens récupérables.

11      Aucun accord n’est intervenu sur le montant des dépens récupérables.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 mars 2017, la requérante a introduit un « recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE ». Dans cet acte, la requérante demandait à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        prononcer l’annulation des lettres de l’ECHA du 10 et du 17 janvier 2017, s’il est jugé que celles-ci permettent de connaître les montants imputés à la requérante au titre des dépens récupérables auprès de la partie qui a succombé dans l’affaire T‑392/13 ;

–        imposer la redéfinition équitable, juste et proportionnée des dépens récupérables auprès de la partie qui a été condamnée à cet effet dans l’affaire T‑392/13 ; et

–        condamner l’ECHA à verser à la requérante les dépens récupérables relatifs au présent « recours en annulation », s’il y est fait droit.

13      Le 6 avril 2017, le Tribunal a invité la requérante à préciser si l’acte déposé le 20 mars 2017 pouvait être interprété comme une demande de taxation des dépens introduite sur la base de l’article 170 du règlement de procédure.

14      Par lettre du 26 avril 2017, la requérante a précisé que l’acte déposé le 20 mars 2017 devait bien être interprété comme une demande de taxation des dépens, laquelle a été enregistrée sous le numéro T‑392/13 DEP.

15      Par lettre du 19 juin 2017, l’ECHA a demandé au Tribunal, en vertu de l’article 66 du règlement de procédure, d’envisager de ne pas communiquer au public les noms des juristes externes qui l’ont assistée dans l’affaire T‑392/13 et leurs honoraires respectifs facturés sur une base horaire. Pour autant qu’elle ne nuise pas à la compréhension de l’appréciation du Tribunal, il sera tenu compte de cette demande dans la présente ordonnance.

16      Le 27 juin 2017, l’ECHA a présenté ses observations sur la demande de taxation des dépens.

 En droit

17      Il résulte de l’article 170 du règlement de procédure que, lorsqu’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations. Aux termes de cette disposition, il ressort clairement que toute partie au litige peut introduire une telle demande en l’absence d’accord, et non seulement la partie en faveur de laquelle la juridiction a conclu. En effet, l’expression « partie intéressée » concerne, de toute évidence, tant le créancier que le débiteur de la dette dans la mesure où chacun a intérêt à obtenir une certitude quant au montant de ladite somme (voir ordonnance du 16 septembre 2013, Marcuccio/Commission, T-157/09 P-DEP, non publiée, EU:T:2013:508, point 22).

18      Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat. Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnance du 7 septembre 2017, Sabores de Navarra/EUIPO, T‑46/13 DEP, non publiée, EU:T:2017:624, point 10 et jurisprudence citée).

19      À défaut de dispositions du droit de l’Union européenne de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (voir ordonnance du 7 septembre 2017, Sabores de Navarra/EUIPO, T‑46/13 DEP, non publiée, EU:T:2017:624, point 12 et jurisprudence citée).

20      En l’espèce, le montant total des dépens récupérables dont l’ECHA demande le paiement est de 33 601,18 euros et correspond, d’une part, à la rémunération de 32 500 euros du cabinet d’avocats qui l’a assistée aux fins de la procédure dans l’affaire T‑392/13, et, d’autre part, à un montant de 1 101,18 euros au titre des frais administratifs liés à la participation de ses agents à l’audience dans cette affaire.

21      En substance, la requérante demande au Tribunal de fixer ce montant total à un montant équitable, juste et proportionné.

 Sur les frais exposés par l’ECHA pour être assistée par un cabinet d’avocats

22      L’ECHA fait valoir que la rémunération de 32 500 euros du cabinet d’avocats qui l’a assistée aux fins de la procédure dans l’affaire T‑392/13 constitue des dépens récupérables auprès de la requérante, ce que celle-ci conteste tant dans son principe que dans son montant.

 Sur le recours à un cabinet d’avocats en sus des agents de l’ECHA

23      En substance, la requérante fait valoir que la rémunération d’un cabinet d’avocats n’était pas indispensable compte tenu du nombre élevé d’agents de l’ECHA impliqués dans l’affaire T‑392/13.

24      En effet, dans le cadre de cette affaire, l’ECHA a indiqué au Tribunal, d’une part, être initialement représentée par cinq agents, puis, par la suite par quatre agents, et, d’autre part, être assistée par un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre. Il s’avère aussi que, dans le mémoire en défense, dans la duplique, et dans l’une des trois réponses écrites aux mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal, l’ECHA a indiqué être représentée par deux ou trois des agents évoqués ci-dessus et être assistée par l’avocat pour lequel un document de légitimation avait été déposé au Tribunal. Un agent de l’ECHA ainsi que cet avocat assistaient également à l’audience pour représenter et assister cette agence comme cela ressort du procès-verbal d’audience communiqué aux parties. La requérante ne peut donc alléguer qu’elle n’aurait jamais eu ou très tardivement connaissance du fait que, pour les besoins de sa représentation dans l’affaire T‑392/13, l’ECHA était assistée d’un avocat et non seulement représentée par ses agents.

25      À cet égard, il ressort de l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour – énonçant que les institutions de l’Union sont représentées devant la Cour par un agent, nommé pour chaque affaire, qui peut être assisté d’un conseil ou d’un avocat –, applicable devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, que, dans le cadre d’un contentieux qui les concerne les institutions de l’Union sont libres de recourir à l’assistance d’un avocat. La rémunération de ce dernier entre donc dans la notion de frais indispensables exposés aux fins de la procédure, sans que l’institution soit tenue de démontrer qu’une telle assistance était objectivement justifiée (voir ordonnance du 28 janvier 2014, Marcuccio/Commission, T‑366/10 P‑DEP, EU:T:2014:63, point 33 et jurisprudence citée).

26      Il y a lieu, aux fins de l’application de ladite disposition du statut, d’assimiler les agences de l’Union, telles que l’ECHA, auxdites institutions (voir, en ce sens, ordonnance du 11 décembre 2014, Longinidis/Cedefop, T-283/08 P-DEP, EU:T:2014:1083, point 24 et jurisprudence citée).

27      Dès lors, toute autre appréciation soumettant le droit d’une institution ou d’une agence de l’Union à réclamer tout ou partie des honoraires versés à un avocat à la démonstration d’une nécessité « objective » de recourir à ses services constituerait en réalité une limitation indirecte de la liberté garantie par l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour et impliquerait pour le Tribunal le devoir de substituer son appréciation à celle des institutions et agences responsables de l’organisation de leurs services. Or, une telle mission n’est compatible ni avec l’article 19, premier alinéa, du statut de la Cour, ni avec le pouvoir d’organisation interne dont jouissent les institutions et agences de l’Union s’agissant de la gestion de leurs affaires devant le Tribunal (voir ordonnance du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, T‑278/07 P‑DEP, EU:T:2013:269, point 15).

28      En revanche, la prise en compte, en termes pécuniaires, de l’intervention d’un ou de plusieurs agents aux côtés de l’avocat auquel l’institution ou l’agence concernée a confié le mandat de l’assister relève, en vertu de l’article 140, sous b), du règlement de procédure, du pouvoir d’appréciation dévolu au Tribunal dans le cadre d’une procédure de taxation des dépens (voir ordonnances du 28 mai 2013, Marcuccio/Commission, T‑278/07 P‑DEP, EU:T:2013:269, point 15, et du 28 janvier 2014, Marcuccio/Commission, T‑366/10 P‑DEP, EU:T:2014:63, point 34).

29      Il résulte de ce qui précède que l’argument de la requérante remettant en cause le principe de la récupération de la rémunération du cabinet d’avocats qui a assisté l’ECHA dans l’affaire T‑392/13 ne saurait prospérer. Cependant, l’appréciation du caractère indispensable des frais exposés tiendra compte de l’intervention, aux côtés de ce cabinet d’avocats, d’un ou de plusieurs agents de l’ECHA pour ce qui concerne la phase écrite et la phase orale de la procédure.

 Sur le montant des frais d’avocats

30      Afin d’apprécier, sur la base des critères énumérés au point 19 ci-dessus, le caractère indispensable des frais effectivement exposés aux fins de la procédure, des indications précises doivent être fournies par le demandeur. Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place toutefois dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur (voir ordonnance du 11 décembre 2014, Longinidis/Cedefop, T-283/08 P-DEP, EU:T:2014:1083, point 28 et jurisprudence citée).

31      Ainsi qu’il ressort des notes d’honoraires détaillées relatives aux prestations fournies pour assister l’ECHA par le cabinet d’avocats qu’elle a engagé (ci-après les « notes d’honoraires »), cette rémunération concerne les deux phases de la procédure dans l’affaire T‑392/13 :

–        la première note d’honoraires, d’un montant final de 23 000 euros, correspond aux prestations effectuées par le cabinet d’avocats lors de la phase écrite de la procédure entre le 2 septembre 2013 et le 15 janvier 2014 ;

–        la seconde note d’honoraires, d’un montant final de 9 500 euros, correspond aux prestations effectuées par ce même cabinet afin de préparer et de participer à la phase orale de la procédure entre le 12 octobre 2015 et le 12 décembre 2015, date de l’audience de plaidoirie.

32      Ces notes d’honoraires font suite à deux contrats conclus entre l’ECHA et le cabinet d’avocats à des fins de prestations de services juridiques dans l’affaire T‑392/13. Ces contrats stipulaient, tout d’abord, que les prestations demandées par l’ECHA seraient facturées par le cabinet d’avocats sur une base horaire en considération du niveau de séniorité de la personne impliquée. Les contrats indiquaient aussi le nom, le niveau de séniorité et le taux horaire des personnes susceptibles de travailler pour l’ECHA sur cette affaire. Trois noms étaient évoqués pour la phase écrite de la procédure, celui d’un avocat associé – qui n’est pas intervenu par la suite –, d’un avocat « of counsel » et d’un « trainee lawyer » (également appelé « stagiaire » dans les notes d’honoraires), et deux noms pour la phase orale de la procédure, ceux de l’avocat « of counsel » et du « trainee lawyer » précédemment évoqués. Par ailleurs, il ressort de ces contrats que le cabinet d’avocats accordait à l’ECHA un rabais sur le montant des sommes facturées et que ce montant ne dépasserait pas la somme maximale de 23 000 euros pour la phase écrite de la procédure et la somme maximale de 9 500 euros pour la phase orale de la procédure.

33      L’examen des deux notes d’honoraires permet d’apprécier la nature et le coût des prestations effectuées par le cabinet d’avocats et de constater ce qui suit.

34      Premièrement, l’avocat « of counsel », à savoir la personne désignée par l’ECHA comme étant celle qui l’assistait dans l’affaire T‑392/13 (voir ci-dessus point 24), a travaillé près de 47 heures au stade de la phase écrite de la procédure et près de 24 heures au stade de la phase orale de la procédure. Pour l’une et l’autre de ces phases, le montant évoqué et détaillé pour ces prestations était supérieur au montant maximal prévu par les contrats.

35      Deuxièmement, au stade de la phase écrite comme de la phase orale, cet avocat « of counsel » a été aidé pour la réalisation de ses prestations par un « stagiaire » (également appelé « trainee lawyer » dans les contrats) qui travaillait au sein du même cabinet. La nature et le coût des prestations effectuées par cette personne sont dûment référencés dans les notes d’honoraires, d’où il ressort que ces prestations ont toujours été effectuées en parallèle et donc en complément de celles de l’avocat « of counsel ». Ainsi qu’il est indiqué dans ces notes d’honoraires, le « stagiaire » a travaillé environ 77 heures au stade la phase écrite et environ 53 heures au stade de la phase orale de la procédure.

36      Troisièmement, le montant final indiqué par chacune des notes d’honoraires ne correspond pas aux montants des prestations effectuées par l’avocat « of counsel » et par le « stagiaire » en considération de leur taux horaire respectif et du nombre d’heures consacrées à l’affaire – soit, au total, 124 heures pour la phase écrite et 77 heures pour la phase orale de la procédure –, mais au montant maximal prévu contractuellement pour chacune de ces phases. Afin de satisfaire à son engagement de ne pas dépasser ces montants maximaux, le cabinet d’avocats a donc diminué ses notes d’honoraires.

37      Dans la demande de taxation des dépens, la requérante fait valoir que, par comparaison à d’autres affaires, le taux horaire pratiqué pour l’avocat « of counsel » est excessif. La requérante soutient également qu’il lui est demandé au titre des dépens récupérables de contribuer à la formation d’un « stagiaire », ce qui ne pourrait pas être considéré comme des dépens indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal.

38      De tels arguments s’avèrent toutefois inopérants au vu de ce qui ressort des notes d’honoraires. En effet, d’une part, le taux horaire annoncé pour l’avocat « of counsel » n’a pas été pris en compte pour calculer le montant dû par l’ECHA. D’autre part, à supposer même que les prestations effectuées par un stagiaire puissent être considérées comme des dépens récupérables au titre des frais d’avocats (voir, en ce sens, ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, points 52 et 53), les diminutions effectuées pour satisfaire aux contrats ont eu pour conséquence que le montant total de 32 500 euros payé par l’ECHA est inférieur aux montants des honoraires calculés en considération des prestations effectuées par le seul avocat « of counsel ». Ni l’ECHA, ni a fortiori la requérante, n’ont donc à assumer le coût des prestations effectuées par une autre personne que l’avocat qui a été désigné par l’ECHA pour l’assister dans l’affaire T‑392/13.

39      Pour autant, il convient de rappeler que le Tribunal est habilité non pas à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. À cet égard, le caractère forfaitaire de la rémunération n’a pas d’incidence sur l’appréciation du montant recouvrable au titre des dépens, le Tribunal se fondant sur des critères prétoriens bien établis (voir au point 19 ci-dessus).

40      De même, en statuant sur la demande de taxation des dépens le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance du 7 septembre 2017, Sabores de Navarra/EUIPO, T‑46/13 DEP, non publiée, EU:T:2017:624, point 11 et jurisprudence citée). Les observations présentées par la requérante sur les analogies susceptibles d’être tirées pour la présente affaire de dispositions applicables en Belgique sont donc sans pertinence à cet égard.

41      En l’espèce, s’agissant, en premier lieu, de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, il convient de relever que la présente demande concerne les dépens exposés dans le cadre d’un recours en annulation qui concernait la mise en œuvre par l’ECHA de la recommandation 2003/361/CE concernant la définition des micro-, petites et moyennes entreprises.

42      Or, ainsi que le souligne la requérante, l’affaire T‑392/13 s’inscrit dans le contexte d’une série d’affaires qui portait sur les redevances dues pour l’enregistrement d’une substance chimique et les décisions de l’ECHA imposant un droit administratif (voir arrêt du 2 octobre 2014, Spraylat/ECHA, T-177/12, EU:T:2014:849 ; ordonnance du 16 septembre 2015, Calestep/ECHA, T‑89/13, EU:T:2015:711 ; et arrêts du 15 septembre 2016, Marchi Industriale/ECHA, T‑620/13, EU:T:2016:479, du 15 septembre 2016, K Chimica/ECHA, T‑675/13, EU:T:2016:480, et du 15 septembre 2016, Crosfield Italia/ECHA, T‑587/14, EU:T:2016:475).

43      L’ECHA indique, à cet égard, que, après avoir vérifié 516 déclarations effectuées par des personnes morales, elle est arrivée à la conclusion que 389 de ces déclarations n’étaient pas justifiées.

44      En substance, ces affaires concernaient la possibilité pour des micro-, petites ou moyennes entreprises d’obtenir des réductions sur les redevances qu’elles doivent payer à l’ECHA pour l’enregistrement d’une substance chimique et le droit pour l’ECHA, si les personnes morales concernées renseignaient mal leur taille, de percevoir la différence entre la redevance qui était due et la redevance perçue, ainsi qu’un droit administratif. Or, pour ces affaires, y compris les recours introduits avant que ne soit déposé le recours dans l’affaire T‑392/13, l’ECHA était assistée par le même cabinet d’avocats, voire par la même personne.

45      S’il est vrai, comme le fait valoir l’ECHA, que l’affaire T‑392/13 se distinguait des autres affaires précitées, notamment par le fait qu’il s’agit de la première affaire dans laquelle le recours était également introduit contre la Commission, il n’en demeure pas moins que ladite affaire T‑392/13 portait sur plusieurs aspects substantiels sur des questions abordées par ailleurs. Il en était ainsi des questions concernant la compétence de l’ECHA pour imposer un droit administratif, la mise en œuvre de la recommandation 2003/361 ou la conformité d’un tel droit administratif au regard du principe de proportionnalité.

46      En conséquence, au stade de la phase écrite comme de la phase orale de la procédure dans l’affaire T‑392/13, tant les agents de l’ECHA que le cabinet d’avocats qui l’assistait dans cette affaire disposaient déjà d’une certaine expérience, laquelle était de nature à faciliter le travail de recherches et de rédaction.

47      Il ressort ainsi de la demande de services adressée par l’ECHA au cabinet d’avocats, par courriel du 6 août 2013, que l’ECHA relevait expressément que la requête présentée dans l’affaire T‑392/13 présentait des arguments analogues à ceux qui étaient évoqués dans d’autres affaires.

48      Il doit être tenu compte de cela pour déterminer le montant à concurrence duquel la rémunération du cabinet d’avocats qui a assisté l’ECHA dans l’affaire T‑392/13 peut être récupérée auprès de la partie condamnée aux dépens.

49      S’agissant, en deuxième lieu, des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties, il y a lieu de relever, comme le fait valoir la requérante, que, rapporté à l’enjeu de l’affaire pour la requérante, soit une somme de 47 800 euros correspondant à deux factures, d’un montant de 13 950 euros chacune, et une facture d’un montant de 19 900 euros (voir points 5 et 6 ci-dessus), les frais d’avocat paraissent élevés.

50      Il doit toutefois également être tenu compte du fait que, pour l’ECHA, comme celle-ci le rappelle, l’affaire n’était pas dénuée d’importance pour ce qui la concerne. En effet, cette affaire, comme d’autres, concernait la procédure de vérification des déclarations faites par les personnes morales pour déterminer le montant des redevances qu’elles doivent payer à l’ECHA pour l’enregistrement d’une substance chimique et le droit pour l’ECHA, si les personnes morales concernées renseignaient mal leur taille, de percevoir la différence entre la redevance qui était due et la redevance perçue, ainsi qu’un droit administratif.

51      S’agissant, en troisième lieu, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au Tribunal de tenir compte principalement du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant lui (voir ordonnance du 17 octobre 2008, Infront WM/Commission, T‑33/01 DEP, non publiée, EU:T:2008:449, point 28 et jurisprudence citée).

52      À cet égard, il a déjà été relevé que, pour ce qui concerne le cabinet d’avocats qui a assisté l’ECHA, le travail a consisté en 124 heures pour la phase écrite et 77 heures pour la phase orale de la procédure. Comme cela a déjà été exposé la rémunération de ce travail a déjà donné lieu à des réductions de sorte qu’il ne pourrait être tenu compte que des 47 et 24 heures respectivement prestées par l’avocat « of counsel » pour la phase écrite et la phase orale de la procédure. Il y a également lieu de tenir compte du fait que, en parallèle au travail effectué par le cabinet d’avocats, un, deux ou trois agents de l’ECHA travaillaient également sur l’affaire T‑392/13 comme sur les autres affaires concernant les redevances et le droit administratif de l’ECHA où ils travaillaient tous ensemble.

53      En l’espèce, compte tenu du travail conjoint des agents de l’ECHA et du cabinet d’avocats engagé pour les assister et dans la mesure où ce travail est intervenu dans le contexte d’une série d’affaires portant sur la même problématique, il y a lieu de considérer que la répartition du travail de préparation des mémoires au stade de la phase écrite de la procédure a nécessairement donné lieu à une certaine synergie au regard des efforts entrepris, de sorte que le Tribunal ne saurait reconnaître la totalité des heures de travail réclamées à cet égard par l’ECHA en considération des notes d’honoraires présentées par le cabinet d’avocats, qu’il s’agisse d’un montant 124 ou même de 47 heures.

54      De même, pour déterminer le montant des dépens indispensables dans la présente affaire en ce qui concerne la phase orale de la procédure, le Tribunal n’estime pas approprié de considérer que celle-ci ait nécessitée 77 ou même 24 heures de préparation pour le cabinet d’avocats qui a assisté l’agent de l’ECHA à cette occasion. À cet égard, il y a lieu de relever que, comme l’indique l’ECHA, les réponses présentées par cette partie aux trois séries de questions posées par le Tribunal en vue de l’audience ont été préparées par les agents de l’ECHA et non le cabinet d’avocats. La présence de l’avocat à l’audience était donc essentiellement liée, comme l’expose également l’ECHA, à la nécessité d’avoir un intervenant ayant une bonne connaissance de l’italien, la langue de procédure.

55      Au vu des considérations qui précèdent, le Tribunal fixe le total du temps de travail du cabinet d’avocats objectivement indispensable aux fins d’assister l’ECHA dans l’affaire T‑392/13 à 40 heures. Le Tribunal tiendra également compte du rabais qui avait été contractuellement accordé par le cabinet d’avocats à l’ECHA au titre de l’affaire T‑392/13.

56      Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation du montant des honoraires du cabinet d’avocats récupérables par l’ECHA auprès de la requérante en fixant ce montant à 15 000 euros.

 Sur les frais administratifs liés à la participation à l’audience

57      La requérante ne conteste pas le montant de 1 101,18 euros au titre des frais administratifs liés à la participation des agents de l’ECHA à l’audience dans l’affaire T‑392/13.

58      Il s’avère toutefois que les seules indications fournies à cet égard par l’ECHA, sont que ce montant correspond « uniquement aux frais de voyage et de séjour d’un agent » à l’occasion de l’audience. La présence de cet agent est attestée par le procès-verbal d’audience dans l’affaire T‑392/13, mais aucune facture n’est transmise à cet égard.

59      Si l’absence de telles informations ne fait pas obstacle à la fixation par le Tribunal, sur la base d’une appréciation équitable, du montant des dépens récupérables, elle le place néanmoins dans une situation d’appréciation nécessairement stricte en ce qui concerne les revendications du demandeur (voir ordonnance du 11 décembre 2014, Longinidis/Cedefop, T-283/08 P-DEP, EU:T:2014:1083, point 28 et jurisprudence citée).

60      Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation du montant des frais administratifs liés aux frais de voyage et de séjour d’un agent récupérables par l’ECHA auprès de la requérante en fixant ce montant à 500 euros.

 Conclusions

61      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des dépens récupérables par l’ECHA auprès de la requérante dans l’affaire T‑392/13 en fixant leur montant à 15 500 euros, soit 15 000 euros au titre de la rémunération d’un cabinet d’avocats pour assister l’ECHA lors de la phase écrite et de la phase orale de la procédure et 500 euros au titre des frais administratifs liés à la participation des agents de l’ECHA à l’audience.

62      L’acte déposé par la requérante au greffe du Tribunal le 20 mars 2017 s’analysant comme une demande de taxation des dépens et non comme un « recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE » (voir ci-dessus points 12 à 14), il n’y a pas lieu de se prononcer sur la demande d’annulation des lettres de l’ECHA du 10 et du 17 janvier 2017, qui communiquent à la requérante le montant des sommes demandées au titre des dépens récupérables dans l’affaire T‑392/13, et sur la demande visant à obtenir la condamnation de l’ECHA aux dépens relatifs à un tel « recours en annulation ».

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par Leone La Ferla SpA à l’agence européenne des produits chimiques (ECHA) est fixé à 15 500 euros.

Fait à Luxembourg, le 14 décembre 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Frimodt Nielsen


*      Langue de procédure : l’italien.