Language of document : ECLI:EU:T:2010:88

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

15 mars 2010 (*)

« Référé – Programmes communautaires de recherche et de développement technologiques – Clause compromissoire – Ordre de recouvrement – Note de débit – Demande de sursis à exécution – Préjudice financier – Absence de circonstances exceptionnelles – Défaut d’urgence »

Dans l'affaire T-435/09 R,

GL2006 Europe Ltd, établie à Birmingham (Royaume-Uni), représentée par Mes M. Gardenal et E. Belinguier-Raiz, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme S. Delaude et M. N. Bambara, en qualité d’agents, assistés de MR. Van der Hout, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision contenue dans la lettre de la Commission du 10 juillet 2009 par laquelle elle a mis fin à la participation de la requérante à deux projets communautaires et des notes de débit émises le 7 août 2009 par lesquelles elle a demandé le remboursement des sommes versées dans le cadre des projets communautaires auxquels la requérante avait participé,

LE PRESIDENT DU TRIBUNAL,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre factuel et juridique

1        La requérante, GL2006 Europe Ltd, est une société établie au Royaume-Uni dont l’activité consiste à fournir des conseils dans les domaines de la gestion et des affaires.

2        Entre 2000 et 2006, la direction générale (DG) « Société de l’information et médias » de la Commission a conclu douze contrats avec la requérante au titre des cinquième et sixième programmes-cadres de recherche et développement technologique (projets I-Way, J-WeB, Care-Paths, Cocoon, SecurE-Justice, Qualeg, Lensis, E-Pharm Up, Liric, Grace, Clinic et E2SP).

3        Tous ces contrats contiennent une clause compromissoire attribuant compétence au Tribunal pour le règlement du contentieux, entre la Communauté européenne et la requérante, lié à la validité, à l’exécution et à l’interprétation desdits contrats.

4        Le 28 août 2006, la Commission a adressé une lettre à la requérante, l’informant de ce qu’un audit serait réalisé par une entreprise d’audit externe. L’audit a été effectué au mois de janvier 2007 et a porté sur trois des douze projets, à savoir les projets n° 507126 (Cocoon), n° 507767 (Qualeg) et n° 507188 (SecurE-Justice).

5        En novembre 2007, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a demandé la tenue d’une réunion avec la DG « Société de l’information et médias », à la suite d’allégations relatives à d’éventuelles irrégularités commises par la requérante dans l’exécution des contrats en cause. Sur la base d’une note de dossier de l’OLAF du 3 décembre 2007 relative à cette réunion, la Commission a décidé de suspendre l’évaluation du projet de rapport d’audit pour effectuer des vérifications complémentaires.

6        Du 8 au 12 décembre 2008, l’OLAF a effectué une inspection dans les locaux de la requérante. Après avoir recueilli les commentaires de cette dernière, l’OLAF a établi un rapport d’audit final, en date du 25 mars 2009 (ci‑après le « rapport final »), concluant au rejet de toutes les sommes réclamées à la Commission par la requérante pour les douze projets audités en rapport avec les programmes-cadres de recherche concernés.

7        Le 15 mai 2009, un échange de correspondance entre les parties s’est engagé à propos de l’intention de la Commission de résilier les deux projets toujours en cours avec la requérante et de récupérer les montants correspondant à l’ensemble des douze projets conclus avec elle. Par lettre datée du 22 juin 2009, la Commission a demandé le remboursement d’une somme totale de 2 258 456,31 euros en conséquence des irrégularités constatées dans le rapport final. En outre, par courrier du 10 juillet 2009, la Commission a informé la requérante de la résiliation des deux projets en cours. Enfin, le 7 août 2009, la Commission a communiqué à la requérante les notes de débit correspondant à tous les contrats conclus avec elle. Un rappel des sommes à payer a été envoyé par la Commission à la requérante le 22 octobre 2009.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 octobre 2009, la requérante a formé un recours, enregistré sous la référence T-435/09, fondé sur l’existence d’une clause compromissoire, visant à faire déclarer l’illégalité de l’enquête de l’OLAF du 11 décembre 2008, effectuée au sein de ses locaux sis à Birmingham, du rapport d’audit du 19 décembre 2008 et du rapport final, de la décision contenue dans la lettre de la Commission du 10 juillet 2009 et des douze notes de débit émises le 7 août 2009. Par ce recours, la requérante demande également de déclarer les contrats concernés comme étant valides.

9        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 3 novembre 2009, la requérante a introduit une demande visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision contenue dans la lettre de la Commission du 10 juillet 2009 et des douze notes de débit émises le 7 août 2009. Elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision contenue dans la lettre de la Commission du 10 juillet 2009 et des douze notes de débit émises le 7 août 2009 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 20 novembre 2009, la Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé comme non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      Par lettre reçue au greffe du Tribunal le 1er décembre 2009, la requérante a contesté l’occultation d’un paragraphe contenu dans la note de l’OLAF du 3 décembre 2007, produite par la Commission en annexe de ses observations sur la demande en référé. Le 9 décembre 2009, en réponse à la communication par le greffe du Tribunal de cette objection, la Commission a produit la version complète dudit document.

 En droit

12      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Observation liminaire

13      Il convient d’observer que, dans sa demande de sursis à exécution, la requérante a désigné comme parties défenderesses tant la Commission européenne que l’OLAF.

14      Sur le fondement de l’article 162 du traité instituant la Communauté européenne, dont le paragraphe 2 précise que la Commission fixe son règlement intérieur en vue d’assurer son fonctionnement et celui de ses services, la Commission a adopté la décision 1999/352/CE, CECA, Euratom, du 28 avril 1999, instituant en son sein l’OLAF, ledit service étant chargé d’effectuer des enquêtes administratives antifraudes (JO L 136, p. 20, ci-après la « décision instituant l’OLAF »).

15      L’article 2 de la décision instituant l’OLAF définit les limites dans lesquelles cet organisme exerce les compétences de la Commission en matière d’enquêtes. L’article 3 de cette décision dote l’OLAF d’une entière indépendance pour l’exercice de sa fonction d’enquête.

16      Au vu de ce qui précède, il convient de noter que l’OLAF est un service interne de la Commission, dont l’indépendance est purement fonctionnelle et confinée à ses activités d’enquête. À ce titre, et en l’absence de toute disposition contraire, l’OLAF ne jouit pas de la personnalité juridique et sa représentation en justice est assurée par la Commission. Dès lors, un recours mettant en cause la légalité d’actes de l’OLAF, adoptés dans le cadre de fonctions telles que celles définies par l’article 2 de la décision instituant l’OLAF, doit être considéré comme étant dirigé contre la seule Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 66).

17      Aux termes de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la partie requérante doit désigner la partie contre laquelle la requête est formée. Cependant, le juge des référés peut, le cas échéant, clarifier à cet égard la formulation de la demande de sursis à exécution (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 mars 1977, Milch-, Fett- und Eier-Kontor/Conseil et Commission, 44/76, Rec. p. 393, point 1 ; ordonnance de la Cour du 3 juillet 1986, Commission/BEI, 85/86, Rec. p. 2215, point 6 ; ordonnance du Tribunal du 16 octobre 2006, Aisne et Nature/Commission, T‑173/06, non publiée au Recueil, point 17). En l’espèce, il convient donc, au vu des considérations rappelées au point 16 ci-dessus, de regarder la Commission comme seule partie défenderesse.

 Sur le fond

 Arguments des parties

18      Premièrement, s’agissant de l’existence d’un fumus boni juris, la requérante fait valoir, d’une part, que la Commission a violé certaines formalités procédurales, tout d’abord, lors de la réalisation du contrôle sur place, ensuite, lors de l’établissement des conclusions tirées des rapports d’audit et, enfin, lors de la notification de la décision. D’autre part, la requérante soutient que les conclusions des rapports d’audit et de la décision de la Commission ne sont pas suffisamment motivées, qu’elles contiennent des contradictions et qu’elles seraient le résultat de l’avis préconçu et biaisé de l’équipe de contrôle.

19      La Commission conteste l’ensemble des arguments de la requérante et conclut à l’absence de fumus boni juris.

20      Deuxièmement, s’agissant de la condition relative à l’urgence, prenant appui sur la note d’accompagnement des notes de débit ainsi que des courriers de rappel des sommes à payer, la requérante fait valoir que la Commission semble très désireuse d’exécuter sa décision de recouvrement. Or, elle souligne que la somme réclamée, désormais augmentée des intérêts de retard, est considérable et hautement dommageable pour une petite société de consulting spécialisée comme elle.

21      En outre, la requérante précise qu’elle se trouve dans une situation financière très difficile, comme l’attesteraient le rapport de son directeur et les déclarations financières non auditées pour l’année comptable s’étant achevée le 30 juin 2008. La requérante précise que son chiffre d’affaires est passé de 5 023 014 euros en 2007 à 1 108 133 euros en 2008, alors que les pertes après imposition ont augmenté, passant de 76 889 euros en 2007 à 761 298 euros en 2008.

22      Dès lors, la requérante affirme qu’elle pourrait ne pas survivre aux dangereuses implications de la demande de remboursement formulée par la Commission. Selon elle, la menace de l’exécution de cette demande serait réelle et importante et les conséquences extrêmement graves, la plus vraisemblable étant la faillite. Elle précise en effet que le recouvrement des sommes en cause la conduirait probablement au dépôt de bilan.

23      La Commission fait valoir, en premier lieu, que la requérante n’a pas démontré le caractère urgent de sa demande en raison, d’une part, de la nature des mesures prises par la Commission et, d’autre part, de l’absence de pertinence de l’argument relatif aux difficultés financières de la requérante.

24      Ainsi, en ce qui concerne la nature des mesures attaquées, la Commission rappelle que le recours de la requérante est en réalité dirigé contre une série de notes de débit, une lettre d’accompagnement et une lettre de résiliation de deux contrats en cours. Aucun de ces actes ne présenterait le caractère d’une décision. La Commission cite, au soutien de sa position, l’ordonnance du président du Tribunal du 14 novembre 2008, Artisjus/Commission (T‑411/08 R, non publiée au Recueil), dans laquelle il est indiqué, au point 36, que, en ce qui concerne l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, « [i]l n’est pas suffisant pour satisfaire aux exigences de cette disposition d’alléguer seulement que l’exécution de l’acte dont le sursis à l’exécution est sollicité est imminente, mais il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice [grave et irréparable] ». Par ailleurs, elle ajoute qu’elle n’aurait encore émis aucun acte qui serait directement exécutoire à l’égard du débiteur puisque, dans les arrêts du 1er décembre 2005, Royaume‑Uni/Commission (C‑46/03, Rec. p. I‑10167, point 25), du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission (C‑131/03 P, Rec. p. I‑7795, point 54), et du 6 décembre 2007, Commission/Ferriere Nord (C‑516/06 P, Rec. p. I‑10685, point 29), la Cour aurait déclaré qu’une note de débit ne constituait pas un acte attaquable, mais un simple acte préparatoire.

25      En ce qui concerne l’absence de pertinence de l’argument tiré des difficultés financières de la requérante, la Commission souligne que, dans l’ordonnance du président du Tribunal du 2 juillet 2009, Insula/Commission (T‑246/09 R, non publiée au Recueil), il a été souligné que « l’insolvabilité éventuelle d’une entreprise n’implique pas nécessairement que la condition relative à l’urgence soit remplie ». En l’espèce, la Commission fait observer que la requérante a elle-même indiqué que les budgets des projets communautaires avaient une incidence minimale sur son chiffre d’affaires.

26      En second lieu, la Commission souligne que la requérante n’a pas apporté la preuve de l’existence d’un préjudice grave et irréparable. En effet, la Commission estime que la requérante se limite pour l’essentiel à faire allusion à sa ruine financière pour invoquer l’urgence alors qu’il a été rappelé, dans l’ordonnance du président du Tribunal du 7 juin 2007, IMS/Commission (T‑346/06 R, Rec. p. II‑1781), qu’un degré suffisant de probabilité d’un préjudice grave et irréparable devait exister. En outre, selon la Commission, la probabilité de la prétendue insolvabilité doit être appréciée à la lumière de plusieurs facteurs, dont la taille de la société et son chiffre d’affaires. Or, la requérante se serait limitée à des déclarations très vagues et hypothétiques, le seul élément d’information fourni étant un état des comptes non vérifié datant du mois de juin 2008.

 Appréciation du juge des référés

27      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

28      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

29      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

30      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition de l’urgence est remplie.

31      Premièrement, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires (ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 1991, Abertal e.a./Commission, C‑213/91 R, Rec. p. I‑5109, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 95, et du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 82). Cependant, il n’est pas suffisant d’alléguer que l’exécution de l’acte dont le sursis est sollicité est imminente, mais il appartient à cette partie d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 85). Si l’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins, en particulier lorsqu’elle dépend de plusieurs facteurs, être prévisible avec un degré de probabilité suffisant. La partie requérante demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67, et ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, précitée, point 83].

32      Un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut, en règle générale, faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnances du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94]. Toutefois, une mesure provisoire se justifie s’il apparaît que, en l’absence de cette mesure, la requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure au principal (ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, précitée, point 84).

33      Enfin, pour pouvoir apprécier si le préjudice qu’appréhende la partie requérante présente un caractère grave et irréparable et justifie donc de suspendre, à titre exceptionnel, l’exécution de la décision attaquée, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation financière de la requérante et permettent d’apprécier les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 22 janvier 1988, Top Hit Holzvertrieb/Commission, 378/87 R, Rec. p. 161, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 3 juillet 2000, Carotti/Cour des comptes, T‑163/00 R, RecFP p. I‑A‑133 et II‑607, point 8 ; du 18 octobre 2001, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01 R, Rec. p. II‑3107, point 32, et du 13 octobre 2006, Vischim/Commission, T‑420/05 R II, Rec. p. II‑4085, points 83 et 84 ; ordonnances du président de la quatrième chambre élargie du Tribunal du 2 avril 1998, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, T‑86/96 R, Rec. p. II‑641, points 64, 65 et 67, et du président de la deuxième chambre du Tribunal du 16 juillet 1999, Hortiplant/Commission, T‑143/99 R, Rec. p. II‑2451, point 18).

34      En l’espèce, en ce qui concerne la preuve du caractère dommageable qu’aurait, sur sa situation, le remboursement de la somme réclamée, la requérante s’est contentée de produire des données pour l’année comptable s’étant achevée le 30 juin 2008, sans fournir d’explication relative à l’absence de données plus récentes. Les données produites représentent donc la situation comptable de la requérante telle qu’elle était plus d’un an avant l’introduction de la présente demande. Or, dans le cadre d’une telle procédure, les données financières requises doivent, en principe, refléter non seulement la situation actuelle de la requérante, mais également éclairer le juge des référés sur l’impact qui serait celui de la décision en cause à défaut d’octroi du sursis à exécution ou des autres mesures provisoires demandées. Certes, il ne peut être exclu que des chiffres ayant une certaine ancienneté puissent s’avérer pertinents, notamment en vue de disposer d’une image financière vérifiée par un cabinet d’audit indépendant. Toutefois, en l’espèce, les chiffres fournis n’ont pas fait l’objet d’une telle vérification. Les données financières produites ont donc le triple inconvénient d’être anciennes, au regard de l’examen que le juge des référés est amené à faire, incomplètes et non validées par une entité extérieure à la requérante.

35      Deuxièmement, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’examen de la viabilité financière du requérant, l’appréciation de sa situation matérielle peut être effectuée en prenant notamment en considération les caractéristiques du groupe auquel il se rattache par son actionnariat (voir ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C‑12/95 P, Rec. p. I‑467, point 12, et du président du Tribunal du 7 décembre 2001, Lior/Commission, T‑192/01 R, Rec. p. II‑3657, point 54, et la jurisprudence citée).

36      Cette approche repose sur l’idée que les intérêts objectifs de l’entreprise concernée ne présentent pas, en principe, un caractère autonome par rapport à ceux des personnes qui la contrôlent. Le caractère grave et irréparable du dommage allégué peut donc être apprécié également par rapport à la situation financière des personnes qui contrôlent l’entreprise. Cette coïncidence des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de l’entreprise concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité (ordonnance HFB e.a./Commission, précitée, point 62 ; ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 40, et Lior/Commission, précitée, point 55).

37      La jurisprudence précitée ne s’applique pas seulement aux personnes morales, mais également aux personnes physiques qui contrôlent l’entreprise. À cet égard, le président de la Cour a souligné que, au regard de la question de la coïncidence des intérêts, le fait que la personne exerçant en tant que principal propriétaire de l’entreprise un contrôle sur celle-ci soit une personne physique qui ne constitue pas elle-même une entreprise apparaît dénué de pertinence (ordonnance HFB e.a./Commission, précitée, point 64 ; voir, également, ordonnance Le Canne/Commission, précitée, point 42).

38      En l’espèce, la requérante mentionne le fait qu’elle est actuellement détenue par M. R. D. Or, il convient d’observer que la requérante ne précise pas si cette personne est son unique actionnaire ou si d’autres actionnaires détiennent des intérêts dans son capital. En outre, quand bien même cette personne serait l’unique propriétaire de la requérante, il convient de noter que cette dernière n’a fourni aucune information sur la situation financière dudit détenteur de la société. L’examen, par le juge des référés, du point de savoir si ce propriétaire dispose ou non de suffisamment de moyens susceptibles de servir de garanties, dans le cadre, par exemple, d’un emprunt bancaire, afin de préserver les intérêts de la requérante, est donc rendu irréalisable en l’espèce (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 11 octobre 2007, MB Immobilien et MB System/Commission, T‑120/07 R, non publiée au Recueil, point 41).

39      Dès lors, il convient de constater que la requérante est restée en défaut de mettre à disposition du juge des référés les éléments déterminants permettant la composition d’une image fidèle et globale de la situation de l’entreprise. En effet, l’absence, d’une part, de données financières pertinentes permettant l’analyse de la situation comptable récente voire actuelle dans laquelle se trouve la requérante et, d’autre part, d’explications relatives aux éléments structurels essentiels à la détermination des possibilités offertes à la requérante de recourir à des instruments financiers alternatifs au paiement des sommes réclamées sur la base de sa trésorerie rendent l’argumentation de la requérante à ce point lacunaire que cela conduit le juge des référés à considérer que la requérante n’a pas établi que les circonstances de l’espèce sont au nombre de celles pouvant être qualifiées d’exceptionnelles, de sorte que le préjudice d’ordre financier qu’allègue la requérante ne peut être regardé, au vu des éléments du dossier, comme grave et irréparable.

40      Par conséquent, la condition relative à l’urgence n’est pas, en l’espèce, satisfaite.

41      Il ressort de ce qui précède que la présente demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin de vérifier si les autres conditions d’octroi des mesures provisoires sollicitées, notamment celle de l’existence d’un fumus boni juris, sont remplies.

Par ces motifs,

LE PRESIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La Commission européenne est considérée comme seule partie défenderesse.

2)      La demande en référé est rejetée.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 15 mars 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.