Language of document : ECLI:EU:T:2011:740

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 décembre 2011 (*)

« FEOGA – Section ‘Orientation’ – Réduction d’un concours financier – Programme d’initiative communautaire Leader+ – Article 4 du règlement (CE) no 438/2001 – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑106/10,

Royaume d’Espagne, représenté par MM. Muñoz Pérez, abogado del Estado,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. von Rintelen et F. Jimeno Fernández, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 10136 final de la Commission, du 18 décembre 2009, appliquant des corrections financières au concours du FEOGA, section « Orientation », alloué au programme d’initiative communautaire CCI 2000.ES.06.0.PC.003 (Espagne – Leader+ Aragon),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 274 CE (devenu, après modification, article 317 TFUE), la Commission européenne exécute le budget sous sa propre responsabilité et dans la limite des crédits alloués, conformément au principe de la bonne gestion financière, et les États membres coopèrent avec celle-ci pour faire en sorte que les crédits soient utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière.

2        L’article 280, paragraphe 2, CE (devenu, après modification, article 325, paragraphe 2, TFUE) dispose que les États membres prennent les mêmes mesures pour combattre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne que celles qu’ils prennent pour combattre la fraude portant atteinte à leurs propres intérêts financiers. L’article 280, paragraphe 3, CE (devenu, après modification, article 325, paragraphe 3, TFUE) prévoit que, sans préjudice d’autres dispositions du traité, les États membres coordonnent leur action visant à protéger les intérêts financiers de l’Union contre la fraude. À cette fin, ils organisent, avec l’aide de la Commission, une collaboration étroite et régulière entre les services compétents de leurs administrations.

3        Les Fonds structurels étaient régis par le règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les Fonds structurels (JO L 161, p. 1), jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007 par le règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil, du 11 juillet 2006, portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement n° 1260/1999 (JO L 210, p. 25). Cependant, ce dernier dispose dans ses articles 105 et 107 que le règlement no 1260/1999 reste applicable aux programmes antérieurs.

4        Les articles 2, 20, 21, 38, 39 et 53 du règlement n° 1260/1999 disposent :

« Article 2

1.      Au sens du présent règlement, on entend par ‘Fonds structurels’, […] le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section ‘orientation’ […]

Article 20

[...]

1.      Les initiatives communautaires concernent les domaines suivants :

[...]

c)      le développement rural (Leader) ;

[…]

Article 21

[…]

2.      Chaque domaine visé à l’article 20, paragraphe 1, est financé par un seul Fonds, à savoir […] le FEOGA, section ‘orientation’, pour le domaine visé au point c) […]

Article 38

[…]

1.      Sans préjudice de la responsabilité de la Commission dans l’exécution du budget général de l’Union […], les États membres assument en premier ressort la responsabilité du contrôle financier de l’intervention. À cette fin, ils prennent notamment les mesures suivantes :

a)      ils vérifient que des systèmes de gestion et de contrôle ont été mis en place et sont mis en œuvre de manière à assurer une utilisation efficace et régulière des fonds communautaires ;

[…]

c)      ils s’assurent que les interventions sont gérées conformément à l’ensemble de la réglementation communautaire applicable et que les fonds mis à leur disposition sont utilisés conformément aux principes de la bonne gestion financière ;

d)      ils certifient que les déclarations de dépenses présentées à la Commission sont exactes et veillent à ce qu’elles procèdent de systèmes de comptabilité basés sur des pièces justificatives susceptibles d’être vérifiées ;

[…]

g)      ils coopèrent avec la Commission pour assurer une utilisation des fonds communautaires conforme au principe de la bonne gestion financière ;

[…]

2.      La Commission, dans le cadre de sa responsabilité dans l’exécution du budget général de l’Union […], s’assure de l’existence et du bon fonctionnement dans les États membres de systèmes de gestion et de contrôle de manière à ce que les fonds communautaires soient utilisés de manière régulière et efficace.

À cette fin, sans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, des fonctionnaires ou agents de la Commission peuvent, conformément aux arrangements convenus conclus avec les États membres dans le cadre de la coopération visée au paragraphe 3, effectuer des contrôles sur place, notamment par sondage, des opérations financées par les fonds et des systèmes de gestion et de contrôle […]

Article 39

1.      Il incombe en premier lieu aux États membres de poursuivre les irrégularités et d’agir lorsqu’est constatée une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre ou de contrôle d’une intervention, et d’effectuer les corrections financières nécessaires.

Les États membres procèdent aux corrections financières requises en liaison avec l’irrégularité individuelle ou systémique. Les corrections auxquelles procède l’État membre consistent en une suppression totale ou partielle de la participation communautaire […]

2.      Si, après avoir procédé aux vérifications nécessaires, la Commission conclut :

a)      qu’un État membre ne s’est pas conformé aux obligations qui lui incombent en vertu du paragraphe 1

ou

b)      qu’une partie ou la totalité d’une intervention ne justifie ni une partie ni la totalité de la participation des Fonds

ou

c)      qu’il existe des insuffisances graves dans les systèmes de gestion ou de contrôle qui pourraient conduire à des irrégularités de caractère systémique,

la Commission suspend les paiements intermédiaires concernés et demande, en indiquant ses motifs, à l’État membre de présenter ses observations et, le cas échéant, d’effectuer les corrections éventuelles dans un délai déterminé.

Si l’État membre conteste les observations de la Commission, celle-ci l’invite à une audience au cours de laquelle les deux parties s’efforcent, dans un esprit de coopération fondée sur le partenariat, de parvenir à un accord sur les observations et les conclusions à en tirer.

3.      À l’expiration du délai fixé par la Commission, en l’absence d’accord et si l’État membre n’a pas effectué les corrections et compte tenu des observations éventuelles de l’État membre, la Commission peut décider, dans un délai de trois mois :

a)      de réduire l’acompte visé à l’article 32, paragraphe 2

ou

b)      de procéder aux corrections financières requises en supprimant tout ou partie de la participation des Fonds à l’intervention concernée.

Lorsqu’elle établit le montant d’une correction, la Commission tient compte, conformément au principe de proportionnalité, de la nature de l’irrégularité ou de la modification ainsi que de l’étendue et des conséquences financières des défaillances constatées dans les systèmes de gestion ou de contrôle des États membres.

En l’absence de décision d’agir conformément au point a) ou b), la suspension des paiements intermédiaires cesse immédiatement.

[…]

Article 53

[…]

2.      La Commission adopte les modalités d’application des articles 30, 33, 38, 39 et 46 conformément à la procédure prévue à l’article 48, paragraphe 2, [sous] a). En outre, si cela se révèle nécessaire dans des circonstances imprévues, elle adopte selon la même procédure d’autres modalités d’application du présent règlement. »

5        Les articles 4 et 10 du règlement (CE) n° 438/2001 de la Commission, du 2 mars 2001, fixant les modalités d’application du règlement no 1260/1999 en ce qui concerne les systèmes de gestion et de contrôle du concours octroyé au titre des Fonds structurels (JO L 63, p. 21), sont ainsi libellés :

« Article 4

Les systèmes de gestion et de contrôle prévoient des procédures pour vérifier la remise des produits et services cofinancés et la réalité des dépenses déclarées ainsi que pour assurer le respect des conditions établies dans la décision correspondante de la Commission au titre de l’article 28 du règlement […] n° 1260/1999 et avec les règles nationales et communautaires en vigueur concernant, en particulier, l’éligibilité des dépenses pour le concours des Fonds structurels au titre de l’intervention concernée, les marchés publics, les aides d’État (y compris les règles relatives au cumul des aides), la protection de l’environnement et l’égalité des chances.

Les procédures prévoient de garder trace des vérifications d’opérations individuelles sur place. Les dossiers concernés font rapport du travail accompli, des résultats des vérifications et des mesures prises à l’égard des anomalies constatées. Si les vérifications physiques ou administratives ne sont pas exhaustives, mais ont été effectuées sur un échantillon d’opérations, les dossiers identifient les opérations sélectionnées et décrivent la méthode d’échantillonnage.

[…]

Article 10

1.      Les États membres organisent, sur la base d’un échantillon approprié, des contrôles des opérations en vue plus particulièrement :

a)      de vérifier le bon fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle mis en place ;

b)      d’examiner de manière sélective, sur la base d’une analyse des risques, les déclarations de dépenses établies aux différents niveaux concernés.

[…] »

 Orientations

6        Par un document C (2001) 476, du 2 mars 2001, la Commission a élaboré des orientations définissant les principes, les critères et les barèmes indicatifs à appliquer par ses services pour la détermination des corrections financières visées à l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999 (ci-après les « orientations »).

7        Celles-ci prévoient notamment des corrections forfaitaires lorsque des « irrégularités systémiques dont les conséquences financières ne sont pas quantifiables » sont constatées. Le montant de ces corrections est évalué proportionnellement à la gravité de la défaillance du système de gestion ou de contrôle ou de l’infraction déterminée ainsi que des conséquences financières présumées de l’irrégularité [point 1, sous e), des orientations].

8        Afin de parvenir à une telle évaluation, la Commission apprécie la défaillance en distinguant les éléments clés des éléments auxiliaires : « Les éléments clés sont ceux qui sont conçus pour assurer la légalité, la régularité et la substance même des opérations soutenues par les Fonds structurels, et qui sont indispensables à cette fin, tandis que les éléments auxiliaires sont ceux qui contribuent à la qualité du système de gestion et de contrôle et à le faire fonctionner correctement par rapport à ses fonctions principales » (point 2.2 des orientations). L’un des éléments auxiliaires visés par la Commission est un système de contrôle par « check-lists » standard ou par un moyen équivalent afin de garantir notamment que les demandes de paiement n’ont pas été remboursées auparavant, que les transactions, à savoir les contrats, les reçus, les factures et les paiements, sont séparément identifiables et qu’il y a correspondance dans le système de comptabilité entre les dépenses déclarées et celles enregistrées (point 2.2.2 des orientations).

9        Selon le point 2.3 des orientations, lorsqu’« il y a un manque complet d’opérer un ou plusieurs éléments auxiliaires, une correction de 2 % est justifiée eu égard au risque moins important de pertes pour le Fonds et au caractère moins grave du manquement ». Au même point des orientations, il est, par ailleurs, prévu qu’« [u]ne correction de 2 % est également justifiée si la Commission a informé l’État membre concerné, sans imposer de correction, de la nécessité de procéder à des améliorations des éléments auxiliaires du système, qui sont installés, mais qui ne fonctionnent pas de façon satisfaisante, et que l’État membre n’a pas procédé à l’action nécessaire ».

10      Enfin, les orientations disposent que, « [s]i la correction résultant d’une application stricte de ces orientations semble être disproportionnée, un taux inférieur de correction peut être proposé ». Elles précisent que « le groupe consultatif interservice auquel il est fait référence au [point] 1, sous j), portera une attention particulière à la proportionnalité des corrections » (point 2.4 des orientations).

 Faits à l’origine du litige

11      Le 31 juillet 2001, la Commission a adopté la décision C (2001) 2067 allouant un concours du FEOGA, section « Orientation », au programme d’initiative communautaire CCI 2000.ES.06.0.PC.003 (Espagne – Leader+ Aragon).

12      Conformément à l’article 38, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999, la Commission a mené, du 13 au 17 décembre 2004, une mission d’audit portant sur le système de gestion et de contrôle du programme susmentionné.

13      Par lettre du 8 juillet 2005, elle a fait part aux autorités espagnoles des défaillances constatées lors de cet audit. En particulier, elle a reproché aux autorités espagnoles de ne pas avoir mis en place un système de documentation relatif aux contrôles effectués sur place conforme à l’article 4 du règlement n° 438/2001.

14      Les autorités espagnoles ont répondu par deux lettres des 5 septembre et 7 octobre 2005 dans lesquelles elles contestaient les reproches qui leur avaient été adressés.

15      Par une lettre du 16 avril 2008, la Commission a fait suite aux lettres des autorités espagnoles en les invitant à une réunion bilatérale qui s’est tenue le 4 juin 2008.

16      Le compte rendu de la réunion susvisée a été transmis aux autorités espagnoles le 10 septembre 2008. Il ressort de celui-ci, notamment, que les autorités espagnoles ont été priées de communiquer à la Commission le taux d’erreur constaté dans le cadre des contrôles par sondage effectués au titre de l’article 10 du règlement n° 438/2001, aux fins de l’évaluation du risque pour le Fonds des défaillances alléguées constatées par la Commission. Le Royaume d’Espagne a déféré à cette demande par lettre du 7 octobre 2008.

17      La Commission a rendu son rapport final le 10 juillet 2009, confirmant les défaillances qui avaient été, selon elle, constatées lors de la mission d’audit.

18      Le 23 septembre 2009, les autorités espagnoles ont formulé des observations sur ce rapport.

19      Par la décision C (2009) 10136 final de la Commission, du 18 décembre 2009, appliquant des corrections financières au concours du FEOGA, section « Orientation », alloué au programme d’initiative communautaire CCI 2000.ES.06.0.PC.003 (Espagne – Leader+ Aragon) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a effectué une correction financière de 2 % des dépenses déclarées par les autorités espagnoles jusqu’au 4 juin 2008 en raison d’un défaut de la documentation prévue au titre de l’article 4 du règlement n° 438/2001.

20      La décision attaquée a été notifiée au Royaume d’Espagne le 22 décembre 2009.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mars 2010, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 14 septembre 2011.

23      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 Sur le fond

25      À l’appui de son recours, le Royaume d’Espagne invoque deux moyens tirés, respectivement, d’une erreur de droit en ce que la décision attaquée a, à tort, considéré que le système de gestion et de contrôle qu’il avait mis en place n’était pas conforme à l’article 4 du règlement n° 438/2001 et d’une violation, par la Commission, du principe de proportionnalité, expressément énoncé à l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, lors de la détermination de la correction financière imposée par la décision attaquée.

 Sur le premier moyen

26      Par le premier moyen, le Royaume d’Espagne fait valoir que c’est à tort que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que le système de gestion et de contrôle qu’il avait mis en place ne répondait pas aux exigences de l’article 4 du règlement n° 438/2001.

27      Selon la décision attaquée (considérants 6 et 7), après une mission d’audit menée par les services de la Commission, des défaillances ont été constatées dans la documentation des contrôles effectués par le Royaume d’Espagne au titre de l’article 4 du règlement n° 438/2001. D’une part, bien que le responsable administratif et financier, qui doit veiller au respect des conditions imposées au bénéficiaire du régime d’aide, ait effectué les contrôles prévus par l’article 4 du règlement n° 438/2001, il n’en existerait aucune trace documentaire. D’autre part, il ressortirait des rapports de contrôle que les contrôles effectués sur place par les services provinciaux n’étaient pas suffisamment documentés. Aux termes du considérant 21 de cette même décision, « les services de la Commission considèrent que […] il existait pour le Fonds un risque associé à l’absence d’une liste de contrôle globale ». Ledit considérant précise que « l’existence d’une liste de contrôle est considérée comme un outil essentiel pour prouver que les contrôles ont effectivement été exécutés conformément aux normes appropriées » et que « l’article 4 du règlement n° 438/2001 dispose que les rapports de vérification sur place mentionnent le travail accompli ». Il ajoute que « la signature du rapport de contrôle et la certification du responsable administratif et financier ne fournissent pas à elles seules d’informations suffisamment détaillées concernant la nature et la portée des contrôles effectivement exécutés ».

28      Il ressort de la décision attaquée que la Commission ne remet pas en cause le fait que des contrôles sur place ont été effectués par le Royaume d’Espagne. En substance, elle considère qu’eu égard à son caractère lacunaire la documentation établie lors de ces contrôles ne lui permet pas de s’assurer de leur qualité. En effet, selon elle, cette documentation ne précise ni la nature des contrôles ni les résultats obtenus par ceux-ci. Cette circonstance constituerait, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, une insuffisance grave dans le système de gestion ou de contrôle, susceptible de conduire à des irrégularités de caractère systémique au sens de l’article 39, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1260/1999, expressément cité au considérant 2 de la décision sus‑évoquée.

29      Compte tenu de ces éléments, il convient d’examiner, en l’espèce, si, comme il le fait valoir, le Royaume d’Espagne avait mis en place un système de gestion et de contrôle répondant aux exigences de l’article 4 du règlement n° 438/2001.

30      Le Royaume d’Espagne explique, en particulier, que son système de gestion et de contrôle prévoyait l’insertion, dans le dossier pertinent, d’un procès‑verbal signé par trois personnes différentes attestant que les vérifications nécessaires avaient bien été effectuées. Pour connaître le contenu de ces vérifications, il aurait suffi que la Commission consulte les accords conclus entre l’organisme intermédiaire et les groupes d’action locale ou entre les groupes d’action locale et les responsables administratifs et financiers (ci‑après les « accords »).

31      Les groupes d’action locale sont des groupements d’entités chargés de présenter les programmes locaux susceptibles d’être financés par le programme Leader+. L’organisme intermédiaire rassemble des représentants de l’État et de la communauté autonome concernée. Il conclut, avec la Commission, les accords arrêtant les règles d’octroi et d’emploi des subventions globales que la Commission lui confie et, parallèlement, avec les groupes d’action locale, des accords arrêtant les règles d’octroi, d’emploi, de contrôle et de suivi des fonds publics mis à leur disposition. Chaque groupe d’action locale dispose d’un responsable administratif et financier. Sa mission consiste, notamment, à vérifier, pour chaque dossier individuel, le respect des conditions imposées au bénéficiaire du régime d’aides.

32      Selon le Royaume d’Espagne, les contrôles étaient opérés à trois niveaux. En premier lieu, le groupe d’action locale effectuait, par l’intermédiaire de son équipe technique, les vérifications prévues à l’article 4 du règlement n° 438/2001 sur l’ensemble des dossiers qui lui étaient soumis. Ces vérifications s’effectuaient une fois que l’opération cofinancée était terminée et son résultat figurait dans le document intitulé « procès-verbal final d’investissement ». En deuxième lieu, au moyen d’un audit, le responsable administratif et financier analysait et validait toutes les pièces justifiant les paiements effectués au profit du bénéficiaire, sur la base des clauses, d’une part, de l’accord de coopération conclu entre l’organisme intermédiaire et le groupe d’action locale et, d’autre part, de l’accord conclu entre le groupe d’action locale et le responsable administratif et financier. Le résultat de ces vérifications figurait dans un document intitulé « certification », signé par le responsable administratif et financier. Enfin, en troisième lieu, les services provinciaux du département de l’agriculture et de l’alimentation de la députation générale d’Aragon effectuaient également des vérifications. Celles-ci respectaient les instructions pour l’accomplissement des actes de vérification relatifs à l’initiative communautaire Leader+ données aux coordinateurs des représentants de la députation générale d’Aragon dans les groupes d’action locale, étant précisé qu’il existait un coordinateur dans chacune des provinces de la communauté autonome d’Aragon. Chaque année, trois groupes d’action locale par province de la communauté autonome d’Aragon étaient sélectionnés à des fins de contrôle. Le résultat de ce contrôle était consigné dans le rapport de contrôle correspondant. Cette documentation, composée des procès‑verbaux, des accords, des certifications et des rapports de contrôle, aurait donc constitué un moyen de contrôle équivalent à l’établissement des listes normalisées de contrôle (check-lists standards) mentionnées dans la décision attaquée.

33      Il convient de rappeler que, aux termes de la première phrase de l’article 4, second alinéa, du règlement n° 438/2001, l’État membre concerné est tenu de « garder trace des vérifications » effectuées dans le cadre des contrôles sur place. Selon la deuxième phrase du même alinéa, cette trace écrite doit indiquer, premièrement, le travail de contrôle accompli, deuxièmement, les résultats des vérifications effectuées et, troisièmement, les mesures prises à l’égard des anomalies constatées. Le respect de ces exigences permet à la Commission de disposer des informations qui lui sont nécessaires afin de s’assurer du bon fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle nationaux.

34      Il ressort de l’argumentation du Royaume d’Espagne, exposée ci-dessus aux points 30 à 32, que le système de gestion et de contrôle qu’il avait mis en place consistait, en substance, en une liste abstraite de contrôles à effectuer contenue dans les accords, assortie des procès‑verbaux, des certifications et des rapports de contrôle, attestant uniquement du fait que les vérifications prévues avaient bien été effectuées dans chaque cas concret. Toutefois, un tel système ne répond pas aux exigences énoncées à l’article 4, deuxième alinéa, du règlement n° 438/2001 et rappelées au point 33 ci‑dessus, puisqu’il ne laisse aucune trace écrite du travail de contrôle accompli dans chaque cas concret, des résultats détaillés des vérifications et des mesures prises à l’égard des éventuelles anomalies constatées.

35      S’agissant de ce système de gestion et de contrôle, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, que la Commission aurait dû déduire des procès-verbaux, certifications et rapports de contrôle établis par les autorités espagnoles que tous les contrôles prévus dans les accords avaient été effectués et que des anomalies n’avaient pas été constatées, dès lors que, dans le cas contraire, les responsables de ces contrôles n’auraient pas signé les certifications et les autres documents analogues prévus.

36      Toutefois, les exigences énoncées à l’article 4, deuxième alinéa, du règlement n° 438/2001 ne sont pas, à l’évidence, remplies si la Commission doit procéder par des hypothèses ou des déductions. Cette disposition exige, plutôt, une trace écrite concrète et suffisamment circonstanciée, faisant état du travail de contrôle et de vérification accompli ainsi que de ses résultats. Seule une telle trace écrite donne à la Commission des informations précises lui permettant d’évaluer la qualité des contrôles exécutés.

37      C’est donc à tort que le Royaume d’Espagne allègue que la décision attaquée est viciée par une erreur de droit dans l’application de l’article 4, deuxième alinéa, du règlement n° 438/2001.

38      Le Royaume d’Espagne fait également valoir que la décision attaquée est entachée d’une erreur de droit en ce que la Commission a considéré dans celle-ci que l’article 4 du règlement n° 438/2001 imposait aux États membres l’obligation d’inclure une « liste de contrôle » ou une « check-list » dans le dossier constitué par les autorités nationales compétentes dans le cadre de leur mission de contrôle, afin de lui permettre de prendre connaissance du travail accompli. Selon le Royaume d’Espagne, seules les orientations mentionnent cette obligation, laquelle ne découle pas du libellé de l’article 4 du règlement n° 438/2001. Dans sa réplique, le Royaume d’Espagne a, d’ailleurs, soulevé une exception d’illégalité à l’encontre des orientations. Ainsi qu’il a été confirmé par le Royaume d’Espagne lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, cette exception d’illégalité porte sur le point spécifique des orientations qui se réfère à des « listes de contrôle » ou à des « check-lists ».

39      À cet égard, il convient de relever que la mention au considérant 21 de la décision attaquée des listes de contrôle est assortie de la précision suivante, placée entre parenthèses : « absence d’élément de contrôle auxiliaire ». Cela renvoie, à l’évidence, au point 2.2 des orientations (voir point 8 ci-dessus). C’est ce même point des orientations qui mentionne également les « listes de contrôle » ou les « check-lists » dans certaines versions linguistiques des orientations. Or, la référence, dans les orientations, à « un système de contrôle par ‘check-lists’ » est assortie de la précision : « ou par un moyen équivalent ».

40      Il en ressort que les listes de contrôle sont envisagées, dans les orientations, comme un exemple typique d’un moyen de contrôle conforme aux exigences de l’article 4 du règlement n° 438/2001, sans qu’il soit toutefois interdit d’utiliser un moyen de contrôle différent, pour autant que celui-ci soit également conforme aux mêmes exigences et, en ce sens, « équivalent » aux listes de contrôle.

41      S’agissant des références aux listes de contrôle figurant dans la décision attaquée, il doit être conclu, à la lumière des considérations qui précèdent, que, à l’instar des orientations, la décision attaquée mentionne, en son considérant 21, les listes de contrôle en tant qu’exemple typique d’un document conforme aux exigences de l’article 4 du règlement n° 438/2001, document qui, en l’espèce, fait défaut. Il ressort, toutefois, clairement, d’autres considérants de la décision attaquée que ce qui est reproché, par cette décision, au Royaume d’Espagne est le fait que les contrôles effectués « n’étaient pas suffisamment documentés » (considérants 7, 9 et 22 de la décision attaquée) et « qu’il n’en exist[ait] aucune trace documentaire » (considérant 7). En d’autres termes, ce que la décision attaquée reproche au Royaume d’Espagne, à juste titre ainsi qu’il a déjà été relevé, est d’avoir mis en place un système de gestion et de vérification non conforme aux exigences de l’article 4 du règlement n° 438/2001, indépendamment de l’utilisation, ou non, des listes de contrôle.

42      Il s’ensuit que l’argumentation du Royaume d’Espagne résumée au point 38 ci‑dessus est fondée sur une lecture erronée de la décision attaquée et doit être rejetée.

43      Il en va de même de l’exception d’illégalité également mentionnée au point 38 ci‑dessus. À cet égard, il n’est nécessaire de se prononcer ni sur la recevabilité de cette exception, soulevée pour la première fois dans la réplique, ni sur la question de savoir si (eu égard au fait que les orientations ne visent pas à imposer des obligations relatives à la documentation que les États membres doivent établir, mais seulement à définir les principes, les critères et les barèmes indicatifs à appliquer par les services de la Commission pour la détermination des corrections financières) une telle exception serait opérante. En effet, il suffit de relever que ladite exception est, en tout état de cause, fondée sur une lecture erronée des orientations dans la mesure où, ainsi qu’il a été relevé au point 40 ci-dessus, celles-ci n’excluent aucunement l’utilisation d’un moyen de contrôle différent des listes de contrôle, pour autant que ce moyen de contrôle soit équivalent à ces listes.

44      Par voie de conséquence, il convient d’écarter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le second moyen

45      Par le second moyen, le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission a violé le principe de proportionnalité, expressément énoncé à l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999, lors de la détermination de la correction financière imposée par la décision attaquée.

46      L’argumentation avancée par le Royaume d’Espagne dans le cadre de son second moyen s’articule en deux branches relatives, respectivement, au taux de la correction imposée par la décision attaquée et à la durée de la période visée par cette correction.

 Sur le taux de la correction imposée

47      Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union (consacré dorénavant à l’article 5 TUE), exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts de la Cour du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, Rec. p. I‑5689, point 81, et du Tribunal du 6 mai 2010, Comune di Napoli/Commission, T‑388/07, non publié au Recueil, point 143). Ce principe est expressément mentionné à l’article 39, paragraphe 3, du règlement n° 1260/1999 et doit être pris en considération aux fins du calcul des corrections financières imposées par la Commission.

48      Ainsi qu’il ressort des considérants 22 et 23 de la décision attaquée, la Commission a appliqué les barèmes indicatifs des corrections forfaitaires prévus dans les orientations. Elle a ainsi considéré qu’une correction financière forfaitaire nette de 2 % du montant du concours alloué par le FEOGA, section « Orientation », pour les dépenses déclarées par les autorités espagnoles jusqu’au 4 juin 2008 était appropriée.

49      Les autorités espagnoles considèrent que ce taux dépasse de manière disproportionnée le risque subi par le FEOGA qu’elles évaluent, sur demande de la Commission, à seulement 0,07 % des dépenses déclarées.

50      Il y a donc lieu d’examiner si le taux de 2 % de la correction effectuée par la Commission dépasse, en l’espèce, les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but prévu par les articles 4 du règlement n° 438/2001 et 39, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 1260/1999.

51      À cet égard, il convient de relever, à la lumière des orientations (point 2.1), qu’une correction forfaitaire peut être envisagée lorsque l’information résultant de l’enquête ne permet pas d’évaluer de façon précise les conséquences financières d’un ou de plusieurs cas d’irrégularités par des moyens statistiques ou par des références à d’autres données vérifiables, mais néanmoins conduit à la conclusion que l’État membre n’a pas convenablement vérifié l’éligibilité des dépenses faisant l’objet d’une demande de remboursement acceptée (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 18 septembre 2003, Royaume‑Uni/Commission, C‑346/00, Rec. p. I‑9293, point 53).

52      Par ailleurs, il ressort d’une jurisprudence constante que, s’il appartient à la Commission de démontrer l’existence d’une violation des règles applicables en matière de FEOGA, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer. Il lui incombe alors de présenter la preuve la plus détaillée et complète possible de la réalité des chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des calculs de la Commission (voir arrêt de la Cour du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, Rec. p. I‑9009, point 67, et la jurisprudence citée).

53      En l’espèce, afin d’évaluer le risque pour le FEOGA, les autorités espagnoles ont été priées par la Commission, lors de la procédure administrative, de lui communiquer le taux d’erreur constaté dans le cadre des contrôles par sondage qu’elles avaient effectués conformément aux dispositions de l’article 10 du règlement no 438/2001.

54      À la suite de cette demande, le Royaume d’Espagne a communiqué à la Commission, par une lettre du 7 octobre 2008, les résultats issus des contrôles par échantillonnages effectués en application de l’article 10 du règlement no 438/2001 entre 2004 et 2007. À l’occasion de cette communication, le Royaume d’Espagne a expliqué que l’objectif desdits contrôles était de déterminer la part des dépenses certifiées pendant chaque période de contrôle qui était irrégulière. Pour ce faire, les autorités espagnoles auraient choisi de contrôler les activités d’un groupe d’action locale par an. Elles ont présenté leurs conclusions sous forme d’un tableau, communiqué à la Commission.

55      Ce tableau révèle que le groupe d’action locale Asociación Monegros Centro de Desarrollo avait été choisi aux fins du contrôle par échantillon pour l’année 2004. Des dépenses déclarées d’un montant total de 1 938 617,48 euros auraient alors été contrôlées, parmi lesquelles des dépenses d’un montant de 40 492,12 euros se seraient avérées irrégulières. Il en résulterait un taux d’erreur de 2,09 %. Le groupe d’action locale Centro de Desarrollo Sobrarbe y Ribagorza aurait été choisi aux fins d’un contrôle analogue pour l’année 2005. Des dépenses déclarées d’un montant total de 104 861 901,44 euros auraient été contrôlées, parmi lesquelles des dépenses d’un montant de 27 884,08 euros se seraient avérées irrégulières. Il en résulterait un taux d’erreur de 0,03 %. Le groupe d’action locale Asociación para el Desarrollo rural integral de la comarca de Calatayud y del Aranda (ADRI) aurait été choisi aux fins d’un contrôle analogue en 2006. Des dépenses déclarées d’un montant total de 2 896 970 euros auraient été contrôlées, parmi lesquelles des dépenses d’un montant de 7 175 euros se seraient avérées irrégulières. Il en résulterait un taux d’erreur de 0,25 %. Enfin le groupe d’action locale Asociación para el Desarrollo rural e integral de las Sierras de Gúdar y Javalambre y Maestrazgo (AGUJAMA) aurait été choisi aux fins d’un contrôle analogue en 2007. Des dépenses déclarées d’un montant total de 3 611 780 euros auraient été contrôlées, parmi lesquelles des dépenses d’un montant de 555,40 euros se seraient avérées irrégulières. Il en résulterait un taux d’erreur de 0,01 %.

56      D’après la lettre du Royaume d’Espagne du 7 octobre 2008, il ressortirait de ces résultats que le risque encouru par le FEOGA était inférieur à 0,07 %.

57      Il y lieu de constater que les explications du Royaume d’Espagne figurant dans ladite lettre ne permettent pas de conclure que celui-ci a démontré, au sens de la jurisprudence citée au point 52 ci‑dessus, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences à tirer de la violation des règles applicables constatées dans la décision attaquée.

58      En effet, la lettre du Royaume d’Espagne du 7 octobre 2008, qui ne comprend que deux pages et porte également sur une autre question relative au contenu du compte rendu de la réunion bilatérale du 4 juin 2008 entre les autorités espagnoles et les services de la Commission, ne donne aucune précision quant à la nature, l’étendue et la méthodologie des contrôles qu’il a effectués en application de l’article 10 du règlement n° 438/2001. Il ne ressort pas non plus de cette lettre la raison pour laquelle, malgré l’absence d’une documentation établie par les autorités espagnoles qui respecterait les exigences de l’article 4 du même règlement, telles que précisées au points 33 et 36 ci-dessus – absence qui, à l’évidence, constitue un obstacle considérable à la découverte d’éventuelles irrégularités –, les taux d’erreur constatés pour chaque année, lors de contrôles sur échantillon, doivent être considérés comme représentatifs, s’agissant de l’ensemble des opérations réalisées pendant la même année.

59      Il convient, en outre, de préciser que, en tout état de cause, il ne ressort pas du compte rendu de la réunion bilatérale du 4 juin 2008 que la Commission s’était engagée à appliquer automatiquement le taux d’erreur constaté dans le cadre des contrôles effectués en application de l’article 10 du règlement no 438/2001.

60      En effet, selon ce compte rendu, la Commission avait mentionné que le taux précis de correction financière, compris entre 2 et 10 % selon les orientations, dépendrait des résultats des contrôles qui seraient communiqués par le Royaume d’Espagne. La Commission a donc simplement fait part de son intention de tenir compte des résultats de ces contrôles pour choisir la correction la plus appropriée au regard du barème indicatif établi dans les orientations. Il ressort, en effet, de l’article 39, paragraphe 3, du règlement no 1260/1999 que, en plus des conséquences financières des défaillances constatées dans les systèmes de gestion ou de contrôle des États membres, la Commission tient compte, lors de l’évaluation du montant d’une correction, de la nature de l’irrégularité et de son étendue.

61      Force est de constater que, au vu du caractère non quantifiable des conséquences financières des défaillances constatées, de l’étendue du défaut de documentation – irrégularité qui, en raison de sa nature procédurale, affecte la totalité des contrôles visés à l’article 4 du règlement no 438/2001 – et du fait que le Royaume d’Espagne n’a pas été en mesure d’apporter des preuves suffisantes pour remettre en cause l’évaluation du risque pour le Fonds effectuée par la Commission, il y a lieu de considérer que le taux de 2 % de correction forfaitaire n’est pas disproportionné.

62      Dans ces conditions, il convient de conclure que la première branche du second moyen n’est pas fondée et qu’elle doit donc être rejetée.

 Sur la durée de la période visée par la correction financière imposée

63      Le Royaume d’Espagne conteste également la durée pendant laquelle s’applique la correction financière imposée. Celle-ci court jusqu’au 4 juin 2008, date de la réunion bilatérale entre les autorités espagnoles et les services de la Commission. Le Royaume d’Espagne considère que la longueur de cette durée est uniquement due au retard de la Commission. Celle-ci n’aurait répondu que le 16 avril 2008 aux observations des autorités espagnoles, communiquées les 5 septembre et 7 octobre 2005, alors que, en application du principe de coopération loyale entre les États membres et les institutions, la Commission serait tenue de faire preuve de diligence.

64      Le Royaume d’Espagne ajoute que, alors que, dans sa lettre du 16 avril 2008, la Commission lui a communiqué son intention d’appliquer une correction financière de 5 % à 10 % sur toutes les dépenses déclarées avant le mois de décembre 2004, elle a appliqué, dans la décision attaquée, une correction financière sur toutes les dépenses déclarées jusqu’à la date de la réunion bilatérale.

65      À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que le financement par le FEOGA des dépenses effectuées par les autorités nationales est régi par la règle selon laquelle seules les dépenses effectuées en conformité avec les règles de l’Union sont à la charge du budget de l’Union (arrêts de la Cour du 6 octobre 1993, Italie/Commission, C‑55/91, Rec. p. I‑4813, point 67, et du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C‑199/03, Rec. p. I‑8027, point 26).

66      Dans ce contexte, l’application de corrections forfaitaires est, ainsi qu’il est souligné dans les orientations, un moyen légitime pour l’Union de recouvrer les fonds indûment versés auprès des États membres afin que le budget de celle-ci ne subisse pas de pertes à la suite de dépenses irrégulières ou inéligibles effectuées par les États membres. Les taux forfaitaires retenus dans les orientations permettent à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de l’Union ainsi que d’éviter que la Commission n’exerce son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Italie/Commission, T‑181/06, non publié au Recueil, point 234).

67      Ainsi, une correction arrêtée par la Commission conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière tend à éviter la mise à la charge du FEOGA de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue donc pas une sanction (voir arrêt du Tribunal du 31 mars 2011, Grèce/Commission, T‑214/07, non publié au Recueil, point 136, et la jurisprudence citée).

68      En l’espèce, il ressort du dossier que la défaillance constatée par la décision attaquée a persisté tout au long de la période pour laquelle une correction financière a été imposée par ladite décision. À cet égard, le Royaume d’Espagne relève dans sa requête que, « si la Commission s’était montrée sérieusement convaincue du caractère indispensable des listes de contrôle, les autorités espagnoles les auraient introduites expressément ». Il ressort de cette affirmation, implicitement, mais clairement, que jusqu’à la date de la réunion bilatérale en question, le Royaume d’Espagne n’avait pas introduit des normes spécifiques et concrètes visant à pallier l’irrégularité constatée par la décision attaquée. Cette irrégularité était, donc, susceptible de conduire à des pertes subies par le budget de l’Union à la suite de dépenses irrégulières effectuées par le Royaume d’Espagne, jusqu’à la date de la réunion bilatérale susvisée.

69      En deuxième lieu, il y a convient de préciser que l’absence de réaction de la Commission à la suite de la notification des lettres des 5 septembre et 7 octobre 2005 des autorités espagnoles ne saurait être assimilée à une prise de position de l’institution, approuvant l’interprétation de la disposition litigieuse retenue par les autorités nationales. Seule une manifestation expresse et claire de la part de la Commission aurait pu permettre aux autorités espagnoles de conclure que cette institution avait approuvé le système de contrôle en cause (voir, en ce sens, arrêt Italie/Commission, point 66 supra, point 135).

70      En troisième lieu, la lettre du 16 avril 2008, par laquelle la Commission a communiqué au Royaume d’Espagne son intention d’appliquer une correction financière de 5 à 10 % sur toutes les dépenses déclarées avant le mois de décembre 2004, n’empêchait pas la Commission d’imposer dans la décision attaquée une correction différente de celle envisagée initialement, dans la mesure où elle constatait que le budget de l’Union était susceptible de subir des pertes à la suite de dépenses irrégulières effectuées par le Royaume d’Espagne jusqu’à la date de la réunion bilatérale.

71      Cela est d’autant plus le cas que, selon la jurisprudence, les décisions en matière de corrections financières sont prises à l’issue d’une procédure contradictoire, de sorte que les résultats des vérifications de la Commission figurant dans la lettre faisant suite aux observations formulées par l’État membre et invitant celui-ci à une réunion bilatérale ne sont pas définitifs et qu’ils sont susceptibles d’être précisés et revus à la lumière des réponses fournies par l’État membre lors de la procédure administrative ultérieure (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Grèce/Commission, T‑184/09, non publié au Recueil, point 45).

72      En quatrième lieu, le principe du délai raisonnable ne saurait non plus remettre en cause les considérations précédentes.

73      Certes, bien que l’article 39, paragraphe 2, du règlement n° 1260/1999 ne contienne aucune disposition sur le délai dans lequel la Commission est tenue de répondre aux observations de l’État membre et de l’inviter à une audience, il convient de rappeler que, en vertu d’un principe général de droit de l’Union, la Commission est tenue de respecter, dans le cadre de ses procédures administratives, un délai raisonnable (arrêts de la Cour du 7 avril 2011, Grèce/Commission, C‑321/09 P, non publié au Recueil, point 231, et du Tribunal du 30 septembre 2003, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/Commission, T‑196/01, Rec. p. II‑3987, point 229). En l’espèce, force est de constater que la Commission a laissé écouler une longue période, de deux ans et six mois environ, entre la réception des lettres des autorités espagnoles des 5 septembre et 7 octobre 2005 et l’invitation, par lettre du 16 avril 2008, de celles-ci à une réunion bilatérale.

74      Toutefois, le dépassement d’un délai raisonnable, à le supposer établi, ne justifierait pas nécessairement l’annulation de la décision attaquée. En effet, pendant la procédure contradictoire, l’État membre doit disposer de toutes les garanties requises pour présenter son point de vue. Le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation d’une décision de corrections financières que dès lors qu’il a été établi qu’il a porté atteinte auxdites garanties. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l’obligation de prendre une décision dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure contradictoire (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, Grèce/Commission, T‑33/07, non publié au Recueil, point 240).

75      Or, le Royaume d’Espagne n’a pas soutenu qu’il avait été empêché, en raison de la durée de la procédure contradictoire, de faire valoir son point de vue. Il fait plutôt valoir, en substance, qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir modifié son système de gestion et de vérification pour le rendre conforme aux exigences de l’article 4 du règlement no 438/2001 aussi longtemps qu’il n’avait pas été invité à une réunion par la Commission et n’avait, donc, pas eu de réponse définitive de la part de cette dernière au sujet de la conformité de ce système avec l’article en question.

76      S’agissant de cet argument, il suffit de relever que, aux termes de l’article 38, paragraphe 1, du règlement no 1260/1999, les États membres assument en premier ressort la responsabilité du contrôle financier de l’intervention en s’assurant, notamment, que les interventions sont gérées conformément à l’ensemble de la réglementation applicable. Le Royaume d’Espagne ne saurait, par conséquent, échapper aux conséquences de la méconnaissance de cette obligation, y compris l’imposition de la correction financière forfaitaire en cause, du seul fait qu’il attendait la confirmation, de la part de la Commission, du caractère non conforme aux exigences de la réglementation pertinente de son système de gestion et de vérification.

77      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la seconde branche du second moyen n’est pas fondée. Il convient, donc, de rejeter le second moyen et, par conséquent, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume d’Espagne ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.