Language of document : ECLI:EU:T:2009:370

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

30 septembre 2009 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – Dépenses exclues du financement communautaire – Lin textile – Efficacité des contrôles »

Dans l’affaire T‑183/06,

République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent, assisté de Mes C. Botelho Moniz et E. Maia Cadete, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Afonso, MM. L. Parpala et F. Jimeno Fernández, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2006/334/CE de la Commission, du 28 avril 2006, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie » (JO L 124, p. 21),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, D. Šváby (rapporteur) et E. Moavero Milanesi, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 mai 2009,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Réglementation relative au financement de la politique agricole commune

1        En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), et de l’article 2, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance, dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles, les interventions destinées à la régularisation de ces marchés, entreprises selon les règles communautaires.

2        Conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 1258/1999, la Commission des Communautés européennes décide des dépenses à écarter du financement communautaire lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires. En outre, l’État membre concerné peut demander l’ouverture d’une procédure de conciliation, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement. Enfin, la Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée, en tenant compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté européenne.

3        Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, du règlement nº 1258/1999, les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, prévenir et poursuivre les irrégularités et récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences. En application du paragraphe 2 de cet article « [à] défaut de récupération totale, les conséquences financières des irrégularités ou des négligences sont supportées par la Communauté, sauf celles résultant d’irrégularités ou négligences imputables aux administrations ou autres organismes des États membres ».

4        Les orientations pour l’application des corrections à taux forfaitaires ont été définies dans le document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document n° VI/5330/97 »). Lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas d’évaluer les pertes subies par la Communauté européenne, une correction financière calculée sur une base forfaitaire peut être envisagée.

5        Aux fins du calcul des dépenses inéligibles, le document nº VI/5330/97 prévoit quatre catégories de corrections à taux forfaitaire :

–        25 % des dépenses lorsque la mise en œuvre du système de contrôle est complètement absente ou gravement déficiente, qu’il existe des indices d’irrégularités très fréquentes et de négligence dans la lutte contre les pratiques irrégulières ou frauduleuses et que, par conséquent, il existe un risque de pertes particulièrement élevées pour le FEOGA ;

–        10 % des dépenses lorsqu’un ou plusieurs contrôles clés ne sont pas effectués ou sont si mal ou si rarement réalisés qu’ils sont inefficaces pour déterminer l’éligibilité d’une demande ou prévenir les irrégularités et qu’il est donc raisonnablement permis de penser qu’il existe un risque élevé de pertes importantes pour le FEOGA ;

–        5 % des dépenses lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements et qu’il peut donc raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA est significatif ;

–        2 % des dépenses lorsqu’un État membre a effectué correctement les contrôles clés, mais a complètement omis d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires et que, par conséquent, le risque de pertes pour le FEOGA est plus faible et la gravité de l’infraction moindre.

6        Le document nº VI/5330/97 prévoit toutefois la possibilité d’appliquer un taux de correction supérieur à 25 % ou d’exclure l’intégralité des dépenses lorsque les carences sont suffisamment graves pour constituer un manquement complet au respect des règles communautaires et ainsi rendre tous les paiements irréguliers.

 Réglementation des aides à la production de lin textile

7        Le règlement (CE) nº 1308/70 du Conseil, du 29 juin 1970, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lin et du chanvre (JO L 146, p. 1), applicable aux campagnes de commercialisation visées dans la présente affaire, institue un régime d’aide pour le lin destiné principalement à la production de fibres dans la Communauté.

8        Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 619/71 du Conseil, du 22 mars 1971, fixant les règles générales d’octroi de l’aide pour le lin et le chanvre (JO L 72, p. 2), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1420/98 du Conseil, du 26 juin 1998 (JO L 190, p. 7), les États membres instaurent un régime de contrôle administratif garantissant que le produit pour lequel l’aide est demandée répond aux conditions requises pour l’octroi de celle-ci.

9        Aux fins du contrôle, l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 619/71, tel que modifié par le règlement (CE) n° 154/97 du Conseil, du 20 janvier 1997 (JO L 27, p. 1), prévoit que les États membres instaurent un régime de déclarations des superficies ensemencées et récoltées ainsi qu’un système d’agrément des premiers transformateurs et, le cas échéant, des producteurs qui effectuent la transformation.

10      En vertu de l’article 5, paragraphe 1, du règlement nº 619/71, tel que modifié par le règlement n° 154/97, les États membres procèdent au contrôle par sondage sur place de l’exactitude des déclarations des superficies ensemencées et récoltées, des demandes d’aide présentées par les producteurs ainsi que de l’exécution des contrats et du respect des engagements de transformation et des conditions d’agrément.

11      Les règles détaillées pour la mise en œuvre du régime d’aide susmentionné sont contenues, en ce qui concerne la présente procédure, dans le règlement (CEE) nº 1164/89 de la Commission, du 28 avril 1989, relatif aux modalités concernant l’aide pour le lin textile et le chanvre (JO L 121, p. 4), tel que modifié, en dernier lieu, par le règlement (CE) nº 2814/98 de la Commission, du 22 décembre 1998 (JO L 349, p. 50) (ci-après le « règlement nº 1164/89).

12      En vertu de l’article 4, sous c), du règlement nº 1164/89, l’aide n’est octroyée que pour les superficies qui ont fait l’objet d’un contrat et/ou d’un engagement de transformation.

13      Aux termes de l’article 5 bis, paragraphe 4, du règlement nº 1164/89 :

« Les premiers transformateurs et producteurs agréés doivent tenir une comptabilité matières retraçant :

a)       les quantités de toutes les matières premières achetées, ventilées par fournisseur (ou entrées dans les locaux de transformation dans le cas d’un producteur qui s’engage à transformer lui-même), ainsi que les stocks ;

b)       les quantités de matières premières transformées ainsi que les quantités et les types de produits finis obtenus, par référence à la liste des produits contenue dans la demande d’agrément, les quantités et les types de coproduits et sous-produits, ainsi que les stocks ;

c)       les pertes dues à la transformation ;

d)       les quantités détruites ainsi que la justification d’une telle action ;

e)       les quantités et les types de produits vendus ou cédés par le transformateur, ventilés par acheteur/transformateur ultérieur ;

f)       le nom et l’adresse des acheteurs/transformateurs ultérieurs. »

14      Il ressort de l’article 6, paragraphe 1 bis, du règlement nº 1164/89 que le contrôle de l’exécution des contrats et du respect des engagements de transformation et des conditions d’agrément, visé à l’article 5, paragraphe 1, du règlement nº 619/71 comprend des vérifications physiques et l’examen des comptabilités matières et financières et de tout document commercial utile au contrôle.

15      En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1164/89 :

« Si le contrôle prévu à l’article 5, paragraphe 1, du règlement […] nº 619/71 fait apparaître que les conditions d’agrément visées à l’article 5 bis du présent règlement ne sont plus respectées, l’agrément est retiré à compter du début de la campagne commençant après la date du contrôle […] »

 Antécédents du litige

16      Du 2 au 5 avril et du 10 au 14 septembre 2001, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a effectué des visites de contrôle au Portugal au sujet de l’aide accordée pour la production de lin textile.

17      Sur la base du rapport de l’OLAF du 13 mai 2002, la Commission a entamé, le 3 juillet 2002, la procédure d’apurement des comptes visée à l’article 7, paragraphe 4, du règlement nº 1258/1999 s’agissant de l’aide accordée pour la production de lin textile lors des campagnes 1999/2000 et 2000/2001.

18      À la suite d’échanges de courriers, d’une réunion bilatérale le 27 mai 2004 et d’une tentative de conciliation, la Commission a adopté un rapport de synthèse le 25 novembre 2005.

19      Au point 8.1.1 du rapport de synthèse, la Commission a constaté que le système de contrôle mis en place par les autorités portugaises n’avait pas permis de prévenir la situation de fraude dans le secteur de lin textile et d’éviter que des dépenses ne soient indûment imputées au FEOGA. À cet égard, elle a précisé que les évolutions des différents indicateurs économiques n’avaient pas alerté les autorités portugaises, alors que ces évolutions étaient difficiles à expliquer par un développement économique normal et qu’elles laissaient présager une situation de fraude. Elle a également relevé que, face à cette situation, les autorités portugaises n’avaient pas orienté leurs contrôles vers la détection d’irrégularités et lorsque ces contrôles montraient des incohérences, les informations obtenues n’avaient pas été correctement exploitées. D’une part, disposant de résultats d’essais de transformation semblables à ceux obtenus par l’OLAF, les autorités portugaises n’avaient pris aucune mesure particulière avant les visites de contrôle de l’OLAF. D’autre part, la réalité de la commercialisation de la fibre n’avait jamais été vérifiée. Or, la comptabilité matières des entreprises de transformation aurait dû faire l’objet de contrôle en vertu des dispositions combinées de l’article 5 bis et de l’article 6, paragraphe 1 bis, du règlement nº 1164/89.

20      Au point 8.1.3 du rapport de synthèse, il est proposé une correction financière de 100 % dans la mesure où le système de contrôle mis en œuvre par les autorités portugaises n’avait pas permis de lutter efficacement contre les cas d’abus, car les contrôles, bien qu’ils aient été effectués, n’avaient pas été orientés vers la détection des irrégularités et n’avaient pas non plus donné lieu à des actions adéquates. Les visites de contrôle de l’OLAF auraient clairement mis en évidence l’existence de pratiques irrégulières et un non‑respect total des règles communautaires par tous les acteurs concernés.

21      Il ressort du point 8.1.4 du rapport de synthèse que, d’une part, l’organe de conciliation a considéré que les conditions fixées pour justifier l’exclusion de l’intégralité des dépenses n’étaient pas réunies et, d’autre part, la Commission, après avoir examiné les arguments de la République portugaise lors de la conciliation, a maintenu la correction financière envisagée qui avait été communiquée.

22      Le 28 avril 2006, la Commission a adopté la décision 2006/334/CE, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie » (JO L 124, p. 21, ci‑après la « décision attaquée »), et, notamment, concernant la République portugaise, la somme de 3 135 348,71 euros, correspondant à 100 % des dépenses déclarées par les autorités portugaises en ce qui concerne le secteur du lin textile pour les campagnes 1999/2000 et 2000/2001, en raison de leur non‑conformité aux règles communautaires, au motif que « [l]e système de contrôle mis en œuvre n’a pas permis de lutter efficacement contre les pratiques irrégulières perpétrées par tous les acteurs concernés dans le secteur du lin ».

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 juillet 2006, la République portugaise a introduit le présent recours.

24      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 mai 2009.

26      La République portugaise conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce que celle-ci prévoit l’application d’une correction financière de 100 % aux dépenses qu’elle a déclarées dans le secteur du lin textile ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République portugaise aux dépens.

 En droit

28      La République portugaise soulève six moyens tirés, premièrement, du caractère erroné des constatations effectuées par la Commission, deuxièmement, du non-respect des orientations pour l’application des corrections à taux forfaitaires définies dans le document nº VI/5330/97, troisièmement, d’une erreur d’appréciation quant aux mesures adoptées par les autorités portugaises, quatrièmement, d’une erreur d’appréciation quant aux quantités de lin transformées, cinquièmement, d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée et de la violation du principe de proportionnalité et, sixièmement, de la violation du délai de 24 mois pour l’application rétroactive d’une correction financière.

29      Dans la réplique, la République portugaise a toutefois indiqué qu’elle renonçait au sixième moyen eu égard aux éclaircissements fournis par la Commission, selon lesquels, s’agissant de la décision attaquée, le délai de 24 mois pour l’application rétroactive d’une correction financière a été respecté.

 Remarques préliminaires

30      Il convient de rappeler que le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (arrêts de la Cour du 6 mars 2001, Pays‑Bas/Commission, C‑278/98, Rec. p. I‑1501, point 38 ; du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, Rec. p. I‑3851, point 45, et du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, Rec. p. I‑1341, point 32).

31      À cet égard, selon une jurisprudence constante, il résulte des règles communautaires relatives au FEOGA que les États membres sont tenus d’organiser un ensemble de contrôles administratifs et de contrôles sur place permettant d’assurer que les conditions matérielles et formelles d’octroi des aides sont correctement observées. Si l’organisation d’un tel ensemble de contrôles fait défaut ou si celle mise en place par un État membre est défaillante au point de laisser subsister des doutes quant à l’observation de ces conditions, c’est à juste titre que la Commission ne reconnaît pas certaines dépenses effectuées par l’État membre (arrêts de la Cour du 12 juin 1990, Allemagne/Commission, C‑8/88, Rec. p. I‑2321, points 20 et 21, et du 14 avril 2005, Espagne/Commission, C‑468/02, non publié au Recueil, point 36 ; arrêt du Tribunal du 25 juillet 2006, Belgique/Commission, T‑221/04, non publié au Recueil, point 53).

32      De même, selon une jurisprudence également constante, en vertu des règles communautaires relatives au FEOGA, il incombe aux États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance, et ce même si la réglementation en vigueur à l’époque des faits n’imposait pas expressément aux États membres de recourir aux méthodes de contrôles prescrits par la Commission dans son rapport de synthèse pour remédier aux anomalies (voir, en ce sens, arrêts Allemagne/Commission, précité, point 16 ; du 14 avril 2005, Espagne/Commission, précité, point 35, et Belgique/Commission, précité, point 52).

33      Quant aux règles concernant la charge de la preuve en matière de financement de la politique agricole, il convient de rappeler qu’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles. Par conséquent, la Commission est obligée de justifier sa décision constatant l’absence ou les défaillances des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné (voir arrêt du Tribunal du 14 février 2008, Espagne/Commission, T‑266/04, non publié au Recueil, point 98, et la jurisprudence citée).

34      En particulier, il appartient à la Commission, non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par ces dernières, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du Tribunal 26 novembre 2008, Grèce/Commission, T‑263/06, non encore publié au Recueil, point 96, et la jurisprudence citée).

35      Enfin, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles communautaires, une fois cette violation a été établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêts de la Cour du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑5/03, Rec. p. I‑5925, point 38, et du 24 avril 2008, Belgique/Commission, C‑418/06 P, Rec. p. I‑3047, point 135).

36      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation invoquée par la République portugaise à l’encontre des motifs sur lesquels la Commission a fondé la décision attaquée.

 Sur le premier moyen, tiré du caractère erroné des constatations effectuées par la Commission

 Arguments des parties

37      En premier lieu, la République portugaise conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle le système de contrôle mis en place n’a pas permis de lutter de manière efficace contre les cas de fraude.

38      La République portugaise soutient, d’abord, que, ainsi qu’il ressort du rapport de l’OLAF, les autorités nationales ont procédé, lors des deux campagnes litigieuses, à tous les contrôles exigés par la législation communautaire, à savoir le contrôle de superficies, le contrôle d’agrément du premier transformateur et le contrôle du processus de transformation, de sorte que toutes les conditions d’éligibilité de l’aide prévues par la législation communautaire ont été vérifiées.

39      La République portugaise allègue, ensuite, que ces contrôles n’ont pas été inefficaces, eu égard au grand nombre de demandes de paiement qui ont été rejetées et aux mesures administratives et judiciaires adoptées afin de récupérer les sommes indûment versées, notamment après les vérifications de l’OLAF. Ainsi, seuls 58 producteurs sur un total de 79 candidats auraient reçu des aides lors de la campagne 1999/2000 et seuls 19 producteurs ayant présenté des garanties bancaires sur un total de 75 candidats en auraient reçu lors de la campagne 2000/2001. De surcroît, la République portugaise fait observer qu’aucun organe juridictionnel national n’a conclu à l’existence de fraude. De même, l’Inspecção-Geral Finanças (Inspection générale des finances) aurait constaté la régularité des aides octroyées par l’Instituto nacional de garantia agrícola (Institut national de garantie agricole, ci-après l’« INGA »).

40      En ce qui concerne spécifiquement les contrôles effectués auprès des entreprises de transformation, la République portugaise ajoute que les capacités de transformation relevées par l’OLAF diffèrent substantiellement de celles relevées par l’INGA. Par ailleurs, l’OLAF aurait utilisé des critères ad hoc, tels que le nombre de travailleurs de l’entreprise de transformation et les heures effectives de travail, qui ne résultent pas de la législation applicable et qui n’ont pas fait non plus l’objet d’une recommandation des contrôleurs de la Commission.

41      Quant aux contrôles relatifs à la commercialisation du lin, la République portugaise précise que l’INGA a effectué des contrôles sur place auprès des acheteurs de la fibre de lin, pourtant non prévus lors des campagnes litigieuses. Par ailleurs, la Commission ne contesterait pas l’existence de la culture du lin.

42      En outre, la République portugaise fait observer que les autorités portugaises n’ont pas été averties de l’existence d’indices solides de fraude en Espagne pouvant avoir des répercussions au Portugal et que l’enquête menée par la Commission n’a pas non plus donné lieu à des recommandations visant à améliorer les contrôles.

43      En deuxième lieu, la République portugaise conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle les évolutions de certains indicateurs économiques dans le secteur du lin au Portugal laisseraient présager une situation de fraude.

44      S’agissant de l’augmentation de la surface déclarée entre les campagnes 1997/1998 et 2000/2001 ainsi que l’arrêt complet des dépenses après cette dernière campagne, la République portugaise fait valoir que ces indicateurs ne permettaient pas de conclure au caractère frauduleux de la production de lin lors des campagnes litigieuses. Selon elle, il est de notoriété publique que ce qui a conduit les producteurs à produire plus de lin c’était l’importance de l’aide pour ce dernier par rapport à celle accordée à d’autres cultures. Après les modifications introduites dans la législation communautaire en 2000 et en 2001, les producteurs auraient apparemment considéré que la culture du lin n’était plus rentable.

45      Dans ce contexte, la République portugaise soutient que la Commission ne saurait lui imputer la responsabilité des insuffisances et des omissions qui, pour les campagnes litigieuses, résultaient de la législation applicable au secteur du lin.

46      S’agissant de l’augmentation des rendements déclarés à mesure que de nouveaux seuils minimaux étaient introduits par la législation communautaire, la République portugaise fait valoir que les producteurs se sont limités de manière intelligente et légitime à adopter les mesures nécessaires pour respecter les conditions fixées par la législation communautaire en ce qui concerne la densité de l’ensemencement afin d’obtenir le rendement minimal prévu.

47      La Commission rétorque que les autorités portugaises se sont limitées à effectuer formellement certains des contrôles prévus par la réglementation communautaire sans s’assurer de leur efficacité.

48      Selon la Commission, le moyen de détecter et de mettre fin à ce type de fraude ne résidait pas nécessairement dans la réalisation sur place de contrôles supplémentaires ou différents de ceux qui étaient prévus par la réglementation communautaire en vigueur, mais principalement dans la comparaison des résultats obtenus au cours de divers contrôles et dans l’interprétation et l’exploitation soigneuses des données obtenues.

49      S’agissant, en particulier, de la transformation de la paille de lin en fibre, la Commission soutient que l’INGA disposait des éléments nécessaires pour mettre en doute la régularité des déclarations des entreprises de transformation quant aux quantités de lin transformé, les résultats des essais de transformation effectués par l’OLAF étant assez semblables aux résultats obtenus par l’INGA.

50      Quant à la commercialisation de la fibre de lin, la Commission relève que l’OLAF a pu constater, par de simples entretiens et par des vérifications physiques auprès des présumés acheteurs finaux de fibre de lin textile, que, en réalité, plusieurs de ces opérateurs se sont limités à acheter de la paille de lin pour l’utiliser comme alimentation pour le bétail. Elle ajoute que, s’il est vrai que la réglementation communautaire n’imposait pas une obligation de commercialisation de la fibre de lin en tant que telle, l’obligation imposée aux autorités nationales de contrôler l’exactitude de la comptabilité matières des entreprises de transformation comprenait notamment l’obligation de vérifier l’authenticité des factures indiquant que le produit transformé avait été vendu à des tiers.

51      En outre, la Commission soutient que les irrégularités qui ont conduit l’INGA à exclure du bénéfice des aides un pourcentage significatif des producteurs ayant présenté une demande pour les campagnes litigieuses semblent être d’une nature différente et qu’il s’agissait apparemment d’irrégularités se rapportant aux producteurs détectés à la suite des contrôles clés effectués par l’INGA.

52      S’agissant de la prétendue absence d’informations des autorités portugaises sur la situation de fraude en Espagne, la Commission affirme ne pas comprendre dans quelle mesure cela pourrait remettre en cause la légalité de la décision attaquée. Selon elle, les autorités compétentes de tous les États membres, et, en particulier, de ceux dans lesquels une augmentation inexplicable de la production de lin textile avait été observée, étaient, en tout état de cause, parfaitement au courant des efforts considérables qu’elle consacrait à la détection et à la lutte contre les irrégularités et la fraude dans ce secteur.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur les irrégularités dans la comptabilité matières des entreprises de transformation

53      Il convient de relever, tout d’abord, que, en l’espèce, la Commission fonde la correction financière de 100 % appliquée aux dépenses déclarées par les autorités portugaises en ce qui concerne le secteur du lin textile lors de campagnes 1999/2000 et 2000/2001 sur les carences constatées par l’OLAF dans son rapport du 13 mai 2002.

54      À cet égard, la Commission a constaté que, lors des contrôles des autorités portugaises, il n’avait pas été détecté d’irrégularités dans la comptabilité matières des entreprises de transformation (voir point 19 ci-dessus).

55      S’agissant de l’invraisemblance des quantités de lin transformé qui ont été déclarées, la Commission a constaté que les quantités de paille de lin inscrites par les entreprises de transformation dans leur comptabilité matières dépassaient leur capacité maximale de transformation acceptée par les autorités portugaises et que ces quantités étaient très largement supérieures à la quantité maximale de lin qui aurait pu être transformé compte tenu des résultats des essais de transformation obtenus par l’OLAF en avril 2001.

56      À l’encontre de ces considérations, la République portugaise soutient que les capacités de transformation relevées par les autorités portugaises étaient différentes de celles relevées par l’OLAF.

57      Cette argumentation ne saurait prospérer.

58      Premièrement, en l’absence d’éléments concrets apportés par la République portugaise et, conformément à la jurisprudence citée au point 34, la simple affirmation selon laquelle les capacités de transformation relevées par les autorités portugaises étaient différentes de celles relevées par l’OLAF ne suffit pas à infirmer les constatations de la Commission.

59      En effet, il ressort notamment du point 4.1 du rapport de l’OLAF que, lors de la campagne 1999/2000, la quantité maximale de lin qui aurait pu être transformé en appliquant le résultat obtenu lors du test effectué par l’OLAF correspondait à 10 % de la quantité de lin transformé qui a été déclarée par une entreprise de transformation et à 44 et 42 % des quantités de lin transformé qui ont été déclarées par deux autres entreprises de transformation. S’agissant de la campagne 2000/2001, l’OLAF a constaté que la quantité maximale de lin qui aurait pu être transformé en appliquant le résultat obtenu lors du test effectué par l’OLAF auprès de la seule entreprise de transformation prise en considération correspondait à 66 % de la quantité de lin transformé qui a été déclarée par cette entreprise de transformation. En revanche, la République portugaise ne précise pas les chiffres auxquels elle se réfère.

60      De plus, la République portugaise ne saurait se prévaloir du fait que l’OLAF aurait utilisé des critères tels que le nombre de travailleurs des entreprises de transformation, ainsi que les heures effectives de travail, lesquels apparaissent essentiels pour vérifier la capacité réelle de transformation de ces entreprises. En l’occurrence, elle n’a pas avancé ni établi d’éléments permettant de considérer que l’OLAF ne pouvait pas se fonder sur ces critères ou que ces critères étaient inappropriés pour contrôler le processus de transformation.

61      Deuxièmement, la République portugaise ne conteste pas les incohérences constatées entre la comptabilité matières des entreprises de transformation et leur capacité de transformation.

62      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du point 4.1 du rapport de l’OLAF que, lors de la campagne 1999/2000, la quantité maximale qui aurait pu être transformée par deux de trois entreprises de transformation selon leur capacité de transformation acceptée par les autorités portugaises correspondait à 25 et à 83 % des quantités de lin transformé qui ont été déclarées par ces entreprises de transformation.

63      La République portugaise n’a pas été en mesure de démontrer une erreur dans l’appréciation de la Commission selon laquelle les incohérences constatées montraient l’invraisemblance des quantités de lin transformé qui ont été déclarées. Des lors, force est de constater, à l’instar de la Commission, que les contrôles effectués par les autorités portugaises n’étaient pas suffisants à cet égard.

64      Pour ce qui est de la commercialisation de la fibre de lin, la République portugaise fait valoir que les contrôles sur place auprès des acheteurs, bien qu’ils aient été effectués, n’étaient pas prévus lors des campagnes litigieuses.

65      À cet égard, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que si la réglementation communautaire n’imposait pas spécifiquement l’obligation de commercialisation de la fibre de lin, l’obligation de contrôler l’exactitude de la comptabilité matières des entreprises de transformation découlant des dispositions combinées de l’article 5 bis et l’article 6, paragraphe 1 bis, du règlement nº 1164/89 comprenait l’obligation de vérifier l’authenticité des factures indiquant que le produit transformé avait été vendu.

66      De surcroît, il importe de relever que la production de lin sans finalité commerciale est contraire aux objectifs essentiels de l’organisation commune des marchés dans le secteur du lin et du chanvre. Partant, c’est à juste titre que la Commission a estimé que la commercialisation de la fibre de lin constituait une condition d’éligibilité de l’aide.

67      Dès lors, c’est à bon droit que la Commission a constaté des carences dans les contrôles effectués par les autorités portugaises n’ayant pas permis de détecter les irrégularités constatées par l’OLAF dans la comptabilité matières des entreprises de transformation.

–       Sur l’état du contrôle dans le secteur du lin

68      La Commission a constaté que les évolutions des différents indicateurs économiques laissaient présager une situation de fraude dans le secteur du lin (voir point 19 ci‑dessus). Elle en a conclu que le système de contrôle mis en œuvre par les autorités portugaises n’avait pas permis de lutter efficacement contre les cas d’abus, car les contrôles, bien qu’ils aient été effectués, n’avaient pas été orientés vers la détection des irrégularités et n’avaient pas non plus donné lieu à des actions adéquates (voir point 20 ci‑dessus).

69      La République portugaise conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle la croissance rapide de la culture du lin et l’augmentation du rendement moyen en paille de lin déclaré par les entreprises de transformation n’avaient pas alerté les autorités portugaises, alors que ces évolutions étaient difficiles à expliquer par un développement économique normal et qu’elles laissaient présager une situation de fraude.

70      À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission n’a nullement affirmé, ainsi que tend à lui reprocher la République portugaise, que la production de lin était effectuée à des fins frauduleuses du fait que les évolutions de celle-ci étaient difficiles à expliquer d’un point de vue économique, mais a seulement considéré que de telles circonstances appelaient une intensification des contrôles.

71      Il convient ensuite de relever, à l’instar de la République portugaise, que la circonstance que les agriculteurs aient opté pour la culture de lin par rapport à d’autres cultures et que les rendements déclarés aient continuellement augmenté depuis la campagne 1997/1998 en fonction du rendement minimal exigé par la réglementation communautaire lors des campagnes successives, ne saurait être en elle-même critiquable.

72      Cependant, il ressort du rapport de l’OLAF, sans qu’il soit contesté par la République portugaise, que, d’une part, les coûts liés à la culture de lin avaient augmenté sensiblement depuis la campagne 1997/1998 et, d’autre part, les producteurs de lin portugais ont rencontré des difficultés pour atteindre les rendements fixés par la réglementation communautaire.

73      Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission a considéré que l’évolution du secteur du lin au Portugal ne pouvait pas s’expliquer par un développement économique normal et que les différents indicateurs économiques laissant présager une situation de fraude, appelaient des contrôles plus intensifs.

74      Plus particulièrement, la République portugaise ne saurait justifier l’absence de mise en place d’un système de contrôle efficace au motif que les autorités portugaises n’auraient pas été informées de la situation de fraude détectée en Espagne. En effet, même si celles-ci n’avaient pas été informées de cette situation, comme le soutient la République portugaise, les circonstances économiques décrites ci-dessus auraient dû les alerter quant au risque de fraude au Portugal, notamment dans la commercialisation de la fibre de lin. Ces circonstances auraient dû en fin de compte amener les autorités portugaises à agir de manière plus efficace.

–       Sur l’efficacité des contrôles effectués par les autorités portugaises

75      La République portugaise conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle les autorités portugaises n’avaient pas orienté leurs contrôles vers la détection d’irrégularités et, lorsque leurs contrôles montraient des incohérences, les informations n’avaient pas été correctement exploitées, puisque, d’une part, avec des résultats d’essais de transformation semblables à ceux obtenus par l’OLAF, les autorités portugaises n’avaient pris aucune mesure particulière avant les visites de contrôle de l’OLAF et, d’autre part, la réalité de la commercialisation de la fibre de lin indiqué dans la comptabilité matières des entreprises de transformation n’avait jamais été vérifiée.

76      La République portugaise ne saurait toutefois se prévaloir pour contester cette appréciation de ce que les contrôles mis en place par les autorités portugaises ont été effectués.

77      En effet, eu égard à la jurisprudence citée au points 31 et 32 ci-dessus, il ne suffit pas d’effectuer les contrôles prévus par la réglementation communautaire, dès lors que la mise en place de tels contrôles est défaillante au point de laisser subsister des doutes quant au respect des conditions d’octroi des aides. Une interprétation contraire aurait pour résultat de priver de tout effet utile l’obligation des États membres d’organiser un système efficace de contrôle et de surveillance.

–       Sur les actions entreprises par les autorités portugaises

78      La République portugaise fait valoir que les contrôles n’ont pas été inefficaces, eu égard aux actions entreprises par les autorités portugaises, notamment, à la suite de l’enquête de l’OLAF.

79      À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission pouvait raisonnablement conclure, à la lumière des irrégularités constatées par l’OLAF dans la comptabilité matières des entreprises de transformation, que le système de contrôle mis en place par les autorités portugaises avant les visites de contrôle de l’OLAF n’avait pas permis d’assurer que l’une des conditions d’octroi de l’aide, à savoir la transformation du lin, avait été correctement observée.

80      Cependant, il importe de relever, à l’instar de la République portugaise, que les autorités portugaises ont renforcé leurs contrôles dès la fin des visites de contrôle de l’OLAF, ce que la Commission ne conteste pas.

81      En outre, il ressort d’un tableau produit par la République portugaise, que le nombre de demandes d’aide rejetées par les autorités portugaises lors de la campagne 2000/2001 était nettement supérieur au nombre de demandes d’aide rejetées lors des campagnes précédentes. Ainsi, lors de la campagne 2000/2001, les autorités portugaises avaient exclu 75 % des producteurs ayant demandé l’aide, ainsi que 64 % de la surface déclarée.

82      Dans ces circonstances, le Tribunal estime que le renforcement des contrôles par les autorités portugaises après les visites de contrôle de l’OLAF a permis d’éviter que des dépenses ne soient indûment imputées au FEOGA.

83      La Commission ne saurait se prévaloir pour contester cette conclusion du fait que les irrégularités ayant conduit les autorités portugaises à rejeter certaines demandes d’aide ne se rapportaient pas aux irrégularités qui ont été constatées par l’OLAF.

84      En effet, il y a lieu de relever que les constats de la Commission dans le rapport de synthèse portent uniquement sur la situation examinée dans le rapport de l’OLAF.

85      Or, il y a lieu de constater que le rapport de l’OLAF ne comporte que des données partielles s’agissant de la campagne 2000/2001, la transformation de la paille de lin récoltée au cours de cette campagne n’étant pas terminée. En outre, il ressort d’un document produit par la Commission en annexe à la défense qu’une partie des dépenses exclues, notamment celles correspondant à la campagne 2000/2001, ont été effectuées après les visites de contrôle de l’OLAF.

86      Il s’ensuit que les constats effectués par la Commission dans le rapport de synthèse ne sauraient justifier l’absence ou la défaillance des contrôles mis en œuvre par les autorités portugaises après l’enquête de l’OLAF.

87      Dès lors, la Commission ne pouvait pas écarter les actions entreprises par les autorités portugaises après les visites de contrôle de l’OLAF.

88      Il y a toutefois lieu d’examiner, dans le cadre du deuxième moyen, si l’erreur ainsi commise par la Commission peut avoir une incidence sur la correction financière appliquée par la Commission.

 Sur le deuxième moyen, tiré du non-respect des orientations pour l’application des corrections à taux forfaitaires définies dans le document nº VI/5330/97

 Arguments des parties

89      La République portugaise fait grief à la Commission d’avoir appliqué une correction financière de 100 %, alors que les conditions pour l’application de corrections financières de 25, de 10, de 5 ou de 2 % ne sont même pas réunies.

90      Selon la République portugaise, le système de contrôle mis en place serait réel et fiable. Tous les contrôles clés et secondaires auraient été effectués conformément aux exigences de la réglementation applicable. En outre, les autorités portugaises auraient pris les mesures adéquates contre les fraudes et les irrégularités, ainsi que cela découle notamment du fait qu’une grande partie des demandes d’aide ait été rejetée. Or, une correction financière de 100 % ne saurait être justifiée que dans les cas où il est presque certain que tous les paiements ont été irréguliers.

91      Dans ces circonstances, la République portugaise fait valoir que la Commission ne saurait, eu égard à la cohérence et à l’uniformité du système, à l’égalité et à la sécurité juridique, appliquer au Portugal une correction financière de 100 %.

92      La Commission rétorque que les orientations pour l’application des corrections à taux forfaitaires définies dans le document nº VI/5330/97 permettent de refuser la totalité de la dépense lorsque les carences du système de contrôle sont d’une gravité telle qu’elles constituent un manquement complet aux règles communautaires, rendant ainsi tous les paiements effectués irréguliers. Or, en raison de l’inefficacité des contrôles effectués par les autorités portugaises sur les entreprises de transformation, ceux-ci ont pu continuer à émettre, en toute impunité, des certificats de transformation irréguliers, lesquels ont rendu également irrégulières toutes les demandes d’aide présentées par les producteurs de lin portugais sur la base de ces certificats.

93      La circonstance selon laquelle les autorités portugaises ont rejeté une grande partie des demandes d’aide qui leur ont été présentées par les producteurs de lin portugais n’empêcherait pas la Commission d’écarter du financement communautaire la totalité des dépenses effectuées. D’une part, le fait que des mesures de correction aient été prises immédiatement après que les carences ont été signalées à l’État membre ne pourrait pas influencer le taux de correction à appliquer. D’autre part, les mesures adoptées pour mettre fin aux comportements frauduleux, essentiellement imputables aux entreprises de transformation, auraient dû être différentes.

 Appréciation du Tribunal

94      Il convient de rappeler que, dans le document nº VI/5330/97, la Commission a établi une évaluation de la perte financière pour le FEOGA fondée, lorsque le niveau réel des dépenses irrégulières ne peut être déterminé, sur des corrections forfaitaires.

95      Aux termes du document nº VI/5330/97, le taux de correction peut être fixé à un niveau plus élevé que 25 % et la dépense peut même être entièrement rejetée si les carences sont suffisamment graves pour constituer un manquement complet au respect des règles communautaires et rendre tous les paiements irréguliers.

96      En l’occurrence, la Commission a reproché aux autorités portugaises que le système de contrôle mis en place avant l’enquête de l’OLAF était défaillant au point de laisser subsister des doutes quant au respect de l’une des conditions posées à l’octroi des aides, à savoir la transformation du lin.

97      Néanmoins, il y a lieu de rappeler que les données relatives à la campagne 2000/2001 relevées par l’OLAF sont des données partielles (voir point 85 ci‑dessus) et que, dès lors, les constats effectués par la Commission dans le rapport de synthèse ne sauraient justifier l’absence ou la défaillance des contrôles mis en œuvre par les autorités portugaises après l’enquête de l’OLAF.

98      Dans ces conditions, il ne peut être considéré que toutes les dépenses imputées au FEOGA par les autorités portugaises n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires.

99      En outre, il ressort du document nº VI/5330/97 que le taux de correction doit être clairement lié à la perte probable. Or, les éléments relevés par l’OLAF ne permettent pas d’affirmer que, en l’occurrence, la perte probable pour le FEOGA en raison des carences dans les contrôles effectués auprès des entreprises de transformation était totale.

100    Par ailleurs, l’exclusion de l’intégralité des dépenses déclarées par les autorités portugaises en ce qui concerne la production de lin textile pour les campagnes 1999/2000 et 2000/2001 ne saurait non plus découler du fait que les constatations des campagnes précédentes auraient dû conduire au retrait des agréments des entreprises de transformation pour la campagne 2000/2001 en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1164/89.

101    En effet, il y a lieu de rappeler que la Commission ne fonde pas la correction financière pour la production de lin textile sur l’irrégularité des dépenses en raison de la violation de cette disposition communautaire, mais sur une évaluation du risque financier encouru par le FEOGA en raison des carences des contrôles effectués par les autorités portugaises. De surcroît, l’obligation de retirer l’agrément à compter du début de la campagne commençant après la date du contrôle ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle rend rétroactivement inéligibles toutes les dépenses effectuées après la date, hypothétique, à laquelle les contrôles auraient dû constater que les conditions de l’agrément n’étaient plus respectées.

102    Enfin, il y lieu de relever l’absence de défaillances en ce qui concerne les contrôles effectués par les autorités portugaises auprès des producteurs.

103    Les carences dans le système de contrôle constatées par la Commission n’ont, dès lors, pas, eu égard à leur consistance, signifié un manquement complet au respect des règles communautaires, au point de rendre tous les paiements irréguliers.

104    Dans ces conditions, l’application d’une correction financière de 100 %, eu égard notamment à la possibilité prévue dans le document nº VI/5330/97 de fixer une correction entre 25 et 100 % en fonction de la gravité des carences constatées, n’est pas justifiée.

105    Il s’ensuit que, pour ce motif, la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens d’annulation soulevés par la République portugaise.

 Sur les dépens

106    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la République portugaise.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision 2006/334/CE de la Commission, du 28 avril 2006, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », est annulée dans la mesure où elle exclut la totalité des dépenses effectuées par la République portugaise dans le secteur du lin.

2)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

Forwood

Šváby

Moavero Milanesi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2009.

Signatures


* Langue de procédure : le portugais.