Language of document : ECLI:EU:T:2007:304

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

10 octobre 2007 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire tridimensionnelle – Forme d’un haut-parleur – Motif absolu de refus – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑460/05,

Bang & Olufsen A/S, établie à Struer (Danemark), représentée par MK. Wallberg, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 22 septembre 2005 (affaire R 497/2005-1), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’un haut-parleur comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 décembre 2005,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 7 juin 2006,

à la suite de l’audience du 31 janvier 2007,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et procédure

1        Le 17 septembre 2003, la requérante a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après :

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3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent des classes 9 et 20 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments électriques et électroniques pour la réception analogique, numérique ou optique, le traitement, la reproduction, le réglage ou la distribution de signaux sonores, haut-parleurs » ;

–        classe 20 : « Meubles hi-fi ».

4        Par décision du 1er mars 2005, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, la marque demandée, consistant exclusivement en la représentation d’un haut-parleur, étant considérée comme dépourvue de caractère distinctif. La demande d’enregistrement en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 a également été rejetée, au motif que les preuves fournies n’étaient pas suffisantes pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage.

5        Le 27 avril 2005, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision susvisée au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94.

6        La première chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours par décision du 22 septembre 2005 (ci-après la « décision attaquée »), au motif que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 faisait obstacle à l’enregistrement du signe en cause, ce dernier étant dépourvu de caractère distinctif intrinsèque. La chambre de recours a constaté que, bien que la forme du produit, constituant la marque demandée et s’inspirant essentiellement de considérations esthétiques, ait présenté des caractéristiques inhabituelles, la requérante n’avait pas démontré que cette dernière était distinctive et qu’elle remplissait ainsi la fonction d’une marque dans l’esprit des consommateurs ciblés.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 décembre 2005, la requérante a introduit le présent recours, dans le cadre duquel elle a, notamment, souligné que la chambre de recours avait omis d’examiner la demande d’enregistrement au titre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

8        Le 24 février 2006, la chambre de recours a rectifié la décision attaquée par un corrigendum. Elle a indiqué qu’elle avait commis une erreur manifeste en ce qu’elle avait omis d’examiner la demande d’enregistrement au titre de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94. Elle a considéré qu’une telle erreur relevait du champ d’application de la règle 53 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), et a, en application de cette règle, examiné ladite demande. En conséquence, la chambre de recours a rectifié la décision attaquée en précisant que la demande d’enregistrement en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 était également rejetée, au motif que les preuves fournies par la requérante n’étaient pas suffisantes pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée.

9        La requérante a présenté ses observations sur le contenu du corrigendum par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 3 mai 2006. La requérante a indiqué qu’elle considérait que l’application de la règle 53 du règlement n° 2868/95 était discutable, mais n’a pas demandé que le corrigendum soit considéré comme irrecevable. De plus, elle a précisé qu’elle estimait que l’erreur de la chambre de recours devait avoir un effet sur la répartition des dépens.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

 Arguments des parties

13      La requérante fait observer, à titre liminaire, qu’en vertu de l’article 4 du règlement n° 40/94 la forme du produit relève des signes susceptibles de constituer une marque communautaire.

14      En premier lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir appliqué, en l’espèce, un standard plus strict que celui utilisé pour d’autres types de marques pour apprécier le caractère distinctif de la marque demandée, puisqu’elle n’a pas examiné la demande sur la base de ses propres mérites et en tenant compte des faits spécifiques de l’affaire, mais qu’elle a opposé « un refus standardisé ». Or, le standard utilisé pour les marques tridimensionnelles ne saurait être différent, voire plus strict, que le standard utilisé pour d’autres types de marques.

15      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’apparence du produit en cause, comme, par ailleurs, celle d’un certain nombre de ses autres produits, n’est pas dictée par des fonctions techniques mais par des considérations esthétiques et qu’elle procède de l’intention spécifique d’être distinctive et de capter l’attention. La chambre de recours l’aurait reconnu aux points 12 à 14 de la décision attaquée. Selon la requérante, la seule conséquence raisonnable à tirer de la description du produit en cause dans les points susvisés de la décision attaquée devrait être que la marque demandée a été considérée comme distinctive.

16      Le consommateur percevrait l’apparence générale du haut-parleur faisant l’objet de la demande d’enregistrement comme une indication distinctive de l’origine commerciale des produits visés par cette demande. Contrairement à l’appréciation de la chambre de recours, le produit en cause ne serait donc pas perçu uniquement comme un produit ayant un design inhabituel. De même, la forme ne serait pas perçue par les consommateurs comme ayant un objectif fonctionnel et le public pertinent ne verrait pas non plus ce produit comme une simple variation de l’apparence habituelle des produits concernés.

17      La requérante fait observer que le haut-parleur est élevé, mince et indépendant et dispose d’une forme très caractéristique. Cette « forme en tuyau d’orgue » serait particulièrement distinctive compte tenu de la manière dont, d’une part, la pointe inférieure est formée et, d’autre part, cette pointe est ancrée dans le bloc en fer noir. Il n’y aurait pas d’autres haut-parleurs existants sur le marché qui auraient, même approximativement, une apparence identique ou similaire. Selon la requérante, le fait que la forme du produit en cause diffère significativement des normes et des usages du secteur est un facteur qui doit être pris en compte dans le cadre de l’examen de la demande de marque.

18      En troisième lieu, la requérante allègue que la décision attaquée est, en tout état de cause, erronée en ce que la chambre de recours refuse de reconnaître le caractère distinctif de la marque demandée s’agissant des produits relevant de la classe 20 au sens de l’arrangement de Nice, à savoir les meubles hi-fi. Une marque consistant en la représentation d’un bien donné ne saurait être considérée comme une « reproduction du bien » pour d’autres biens que le bien lui-même. La marque demandée devrait donc être considérée, par définition, comme intrinsèquement distinctive pour tous les biens autres que des haut-parleurs lorsque la forme n’est pas, comme en l’espèce, une forme ordinaire ou commune.

19      Enfin, en ce qui concerne la définition du public pertinent, la requérante souligne que les produits visés sont des produits haut de gamme sur le marché concerné (le prix de vente suggéré pour un exemplaire du haut-parleur visé serait de 1 750 euros) et commercialisés dans le cadre d’un système de distribution sélectif. Le groupe de consommateurs ciblé serait ainsi restreint et composé de consommateurs non seulement bien informés et raisonnablement attentifs et circonspects, mais ayant également à l’esprit la qualité du produit et n’investissant dans celui-ci qu’après un examen prudent.

20      L’OHMI souligne que le raisonnement suivi par la chambre de recours dénote une préoccupation majeure et légitime quant à la nécessité de distinguer la fonction d’une forme essentiellement dictée par des considérations esthétiques et la fonction d’une forme qui, bien qu’agréable sur le plan esthétique, sert à différencier le produit des produits similaires de concurrents.

21      Toutefois, la position adoptée par la chambre de recours serait très stricte en ce qu’elle interdirait l’enregistrement en tant que marques de toutes les formes de produits qui coïncident avec l’apparence des produits eux-mêmes, même si ces formes sont inhabituelles et ne donnent pas une valeur substantielle au produit.

22      L’OHMI indique également que l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement n° 40/94 exclut de l’enregistrement en tant que marques les formes qui donnent une valeur substantielle au produit, ces formes jouant un rôle déterminant dans la décision d’achat du consommateur. Cette exclusion serait dictée par le souci de distinguer les marques des dessins ou des modèles. Ces formes ne seraient donc pas refusées à l’enregistrement en raison de l’absence de caractère distinctif intrinsèque.

23      Cependant, il existerait des cas où les formes des produits, tout en s’inspirant essentiellement de considérations esthétiques, ne donneraient pas de valeur substantielle aux produits. Ces formes auraient un caractère distinctif et pourraient être protégées en tant que marques si elles présentaient des différences significatives avec les formes communément utilisées dans le commerce.

24      L’OHMI considère donc qu’il n’est pas certain que la position adoptée par la chambre de recours soit correcte et demande ainsi au Tribunal de déterminer si une forme essentiellement inspirée par des considérations esthétiques – mais qui ne donne pas une valeur substantielle au produit au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), iii), du règlement n° 40/94 – et qui diffère de manière significative d’une forme communément utilisée dans le commerce, peut remplir une fonction de marque.

25      S’agissant du public pertinent, l’OHMI fait observer qu’on ne saurait tenir compte, pour apprécier le caractère distinctif d’une marque donnée, de la manière dont la requérante utilisera celle-ci ou d’autres circonstances telles que des concepts de commercialisation. Ainsi, l’argument selon lequel les produits concernés sont des produits haut de gamme et ciblent un public restreint ne serait pas pertinent. En effet, la spécification couverte par la demande de marque n’indiquerait pas que les produits sont destinés à une clientèle déterminée et qu’ils sont commercialisés par un système de distribution sélective. Le public pertinent serait donc constitué, en l’espèce, par le consommateur communautaire moyen.

 Appréciation du Tribunal

26      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

27      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34).

28      Selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêts de la Cour Henkel/OHMI, précité, point 35, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25).

29      En l’espèce, les produits visés par la marque demandée sont des appareils et des instruments électriques et électroniques pour la réception analogique, numérique ou optique, le traitement, la reproduction, le réglage ou la distribution de signaux sonores, des haut-parleurs et des meubles hi-fi. Il y a lieu de considérer, dès lors, que le public concerné est constitué par tous les consommateurs communautaires moyens, étant donné que n’importe quel consommateur peut être intéressé par l’achat des produits en question.

30      La requérante estime toutefois que le public concerné est un public restreint avec un niveau d’attention supérieur à celui des consommateurs moyens, étant donné que les produits en question sont des produits haut de gamme et de grande valeur du marché de l’électronique et qu’ils sont commercialisés exclusivement dans le cadre d’un système de distribution sélective.

31      Force est cependant de constater qu’on ne saurait tenir compte, eu égard à la détermination du public concerné, de la manière dont la requérante utilise un système de distribution ou d’autres circonstances extrinsèques au droit conféré par la marque communautaire. En effet, est sans pertinence, aux fins de l’appréciation du caractère distinctif d’un signe, la question de savoir si le demandeur de la marque en cause envisage ou met en oeuvre un certain mode de commercialisation. Un mode de commercialisation, ne dépendant que du choix de l’entreprise concernée, est susceptible de changer postérieurement à l’enregistrement de la marque communautaire et ne saurait donc avoir une incidence quelconque sur l’appréciation de son caractère enregistrable [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, DaimlerChrysler/OHMI (TELE AID), T‑355/00, Rec. p. II‑1939, point 42, et du 31 mai 2006, De Waele/OHMI (Forme d’une saucisse), T‑15/05, Rec. p. II‑1511, points 28 et 29]. Est également, selon la jurisprudence, dénué de pertinence, quant à la définition du public pertinent, le prix de vente du produit concerné, ce dernier ne faisant pas non plus l’objet de l’enregistrement [arrêt du Tribunal du 30 avril 2003, Axions et Belce/OHMI (Forme de cigare de couleur brune et forme de lingot doré), T‑324/01 et T‑110/02, Rec. p. II‑1897, point 36].

32      Toutefois, le niveau d’attention du public pertinent est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêts de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26, et du Tribunal du 3 décembre 2003, Nestlé Waters France/OHMI (Forme d’une bouteille), T‑305/02, Rec. p. II‑5207, point 34].

33      En effet, s’agissant des produits de consommation courante, le degré d’attention du consommateur moyen est moindre que celui consacré à des biens durables ou, simplement, à des biens d’une plus grande valeur ou d’un usage plus exceptionnel.

34      En l’espèce, il convient de tenir compte du fait que, eu égard à la nature des produits concernés et, notamment, à leur caractère durable ainsi qu’à leur caractère technologique, le consommateur moyen fait preuve d’un niveau particulièrement élevé d’attention lors de l’acquisition de tels produits. En effet, les caractéristiques objectives des produits en question impliquent que le consommateur moyen n’en fasse l’acquisition qu’au terme d’un examen particulièrement attentif.

35      Ainsi, le caractère distinctif de la marque doit être apprécié par rapport à la perception d’un consommateur moyen qui déploie un niveau d’attention particulièrement élevé lorsqu’il prépare et exerce son choix entre différents produits de la catégorie concernée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 janvier 2006, Ruiz-Picasso e.a./OHMI, C‑361/04 P, Rec. p. I‑643, points 40 et 41).

36      En ce qui concerne l’examen du caractère distinctif, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, Rec. p. I‑5677, point 24, et la jurisprudence citée).

37      Toutefois, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêts de la Cour du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 30 ; du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 28, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, précité, point 25).

38      Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 (arrêts Mag Instrument/OHMI, précité, point 31, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, précité, point 28).

39      En l’espèce, ainsi que la chambre de recours l’a constaté au point 12 de la décision attaquée, la marque demandée consiste « en une colonne verticale en forme de crayon, à laquelle un long panneau rectangulaire est attaché sur un seul côté. La pointe du ‘crayon’ touche une base plane ».

40      L’examen de l’ensemble des éléments de présentation susvisés, qui constitue la marque demandée, permet de conclure que la forme de la marque est véritablement spécifique et ne saurait être considérée comme tout à fait commune. Ainsi, le corps du haut-parleur est formé par un cône qui rassemble à un crayon ou à un tuyau d’orgue dont la partie pointue touche une base carrée. En outre, un long panneau rectangulaire est fixé sur un seul côté de ce cône et accentue l’impression que le poids de cet ensemble repose seulement sur la pointe qui touche à peine la base carrée. De cette façon, cet ensemble forme un design remarquable et facilement mémorisable.

41      Toutes ces caractéristiques éloignent la marque demandée des formes habituelles des produits relevant de la même catégorie que l’on trouve communément dans le commerce et qui comportent généralement des lignes régulières à angle droit. À cet égard, il est d’ailleurs affirmé au point 14 de la décision attaquée qu’« il ne fait aucun doute que la marque demandée est remarquable par certains aspects ». Il y est ensuite précisé :

« […] par rapport à un haut-parleur normal, elle est excessivement haute et étroite. En outre, le centre du haut-parleur consiste, ce qui est inhabituel, en un tuyau qui rejoint un cône renversé. Le sommet du cône est attaché à une base carrée. »

42      Dès lors, il convient de constater que la marque demandée diverge, de manière significative, des habitudes du secteur. En effet, elle présente des caractéristiques suffisamment spécifiques et arbitraires susceptibles de retenir l’attention du consommateur moyen et de permettre à ce dernier d’être sensibilisé à la forme des produits de la requérante. Ainsi, il ne s’agit pas d’une des formes habituelles des produits du secteur concerné ou encore d’une simple variante de celles-ci, mais d’une forme ayant une apparence particulière, qui, compte tenu également du résultat esthétique d’ensemble, est de nature à retenir l’attention du public concerné et à permettre à ce dernier de distinguer les produits visés par la demande d’enregistrement de ceux ayant une autre origine commerciale [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre), T‑128/01, Rec. p. II‑701, points 46 et 48, et Forme d’une bouteille, précité, point 41].

43      En effet, même si l’existence de caractéristiques particulières ou originales ne constitue pas une condition sine qua non de l’enregistrement, il n’en reste pas moins que leur présence peut, au contraire, conférer le degré requis de distinctivité à une marque qui en serait autrement dépourvue.

44      Quant à l’argumentation de la chambre de recours selon laquelle la forme du produit constituant la marque demandée ne saurait remplir une fonction de marque dans l’esprit des consommateurs concernés, au motif que la marque s’inspire essentiellement de considérations esthétiques (points 14 à 18 de la décision attaquée), il suffit de constater que, dans la mesure où le public pertinent perçoit le signe comme une indication de l’origine commerciale du produit ou du service, le fait que ce signe remplisse ou non simultanément une fonction autre que celle d’indicateur de l’origine commerciale est sans incidence sur son caractère distinctif [arrêts du Tribunal du 9 octobre 2002, KWS Saat/OHMI (Nuance d’orange), T‑173/00, Rec. p. II‑3843, point 30 ; Calandre, précité, point 43, et du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec. p. II‑811, point 56].

45      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, en considérant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, la chambre de recours a méconnu les termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, dont il découle qu’un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif de refus défini dans cet article ne soit pas applicable [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 39 ; Calandre, précité, points 33 et 49, et Forme d’une bouteille, précité, point 42].

46      Par conséquent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée. Il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la recevabilité du corrigendum ni le bien-fondé du second moyen.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 22 septembre 2005 (affaire R 497/2005-1) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Bang & Olufsen A/S.

Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l'anglais.