Language of document : ECLI:EU:T:2007:306

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 octobre 2007 (*)

« Concurrence – Ententes – Peroxydes organiques – Décision rejetant une demande d’omettre certains passages de la version finale publiée d’une décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Divulgation d’informations concernant la requérante par la publication d’une décision non adressée à celle-ci – Article 21 du règlement n° 17 – Secret professionnel – Article 287 CE – Présomption d’innocence – Annulation »

Dans l’affaire T‑474/04,

Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse GmbH, établie à Bocholt (Allemagne), représentée par Mes M. Klusmann et F. Wiemer, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. A. Bouquet, en qualité d’agent, assisté de MA. Böhlke, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision (2004) D/204343 de la Commission, du 1er octobre 2004, en ce qu’elle rejette la demande de la requérante tendant à obtenir la suppression de toute référence à celle-ci dans la version finale publiée de la décision 2005/349/CE de la Commission, du 10 décembre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-2/37.857 – Peroxydes organiques) (JO 2005, L 110, p. 44),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 juin 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Selon l’article 287 CE, « [l]es membres des institutions de la Communauté […] ainsi que les fonctionnaires et agents de la Communauté sont tenus […] de ne pas divulguer les informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient ».

2        L’article 20 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), applicable au cas d’espèce et intitulé « Secret professionnel », précise, au paragraphe 2, que, « [s]ans préjudice des dispositions des articles 19 et 21, la Commission […] ainsi que [ses] fonctionnaires et autres agents sont tenus de ne pas divulguer les informations qu’ils ont recueillies en application du présent règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel ».

3        L’article 21 du règlement n° 17, intitulé « Publication des décisions », énonce ce qui suit :

« 1. La Commission publie les décisions qu’elle prend en application des articles 2, 3, 6, 7 et 8.

2. La publication mentionne les parties intéressées et l’essentiel de la décision ; elle doit tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. »

4        L’article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81 CE] et [82 CE] (JO L 354, p. 18), applicable au cas d’espèce, dispose :

« Les informations recueillies, y compris les documents, ne peuvent être communiquées ou rendues accessibles lorsqu’elles contiennent des secrets d’affaires de l’une quelconque des parties, y compris des parties contre lesquelles la Commission a retenu des griefs, des demandeurs et des plaignants et de tout autre tiers, ou d’autres informations confidentielles […] La Commission prend toutes les dispositions appropriées en matière d’accès au dossier, en veillant à ce que les secrets d’affaires […] et les autres informations confidentielles ne soient pas divulgués. »

5        L’article 9 de la décision 2001/462CE, CECA de la Commission, du 23 mai 2001, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence (JO L 162, p. 21), prévoit :

« Lorsqu’il est envisagé de divulguer une information susceptible de constituer un secret d’affaires d’une entreprise, l’entreprise concernée est informée par écrit des intentions et motifs de cette divulgation. Un délai est imparti à l’entreprise concernée pour lui permettre de présenter par écrit ses observations éventuelles.

Lorsque l’entreprise concernée s’oppose à la divulgation de l’information et que l’information est considérée comme non protégée et peut donc être divulguée, cette constatation est exposée dans une décision motivée, qui est notifiée à l’entreprise concernée. La décision précise le délai à l’expiration duquel l’information sera divulguée. Ce délai ne peut être inférieur à une semaine à compter de la date de la notification.

Les premier et deuxième alinéas s’appliquent mutatis mutandis à la divulgation d’informations du fait de leur publication au Journal officiel des Communautés européennes. »

6        En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1), le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes ou sanctions pour infractions aux dispositions du droit communautaire de la concurrence est soumis à un délai de prescription de cinq ans en ce qui concerne les infractions autres que celles aux dispositions relatives aux demandes ou notifications des entreprises ou associations d’entreprises, à la recherche de renseignements ou à l’exécution de vérifications.

 Faits, procédure et conclusions des parties

7        En 2002, la Commission a entamé une instruction, sur le fondement du règlement n° 17, à l’encontre des producteurs européens de peroxydes organiques, en ce compris le groupe AKZO, Atofina SA, successeur d’Atochem (ci-après « Atochem/Atofina »), et Peroxid Chemie GmbH & Co. KG, une société contrôlée par Laporte plc, devenue Degussa UK Holdings Ltd, Peróxidos Orgánicos SA, FMC Foret SA, AC Treuhand AG et la requérante, au titre d’une participation à des ententes, dont une entente principale et plusieurs ententes régionales, au sens de l’article 81 CE, sur certains marchés des peroxydes organiques.

8        Le 27 mars 2003, la Commission a engagé la procédure formelle et a adopté une communication des griefs, laquelle a été notifiée ensuite notamment à la requérante. Dans ses observations du 13 juin 2003, la requérante a essentiellement contesté la portée ainsi que la durée de sa participation à l’entente principale et a précisé n’avoir eu que des contacts sporadiques avec Peroxid Chemie et Atochem/Atofina entre 1994 et 1996. Elle a cependant affirmé ne pas en avoir eu avec les autres entreprises en cause. Dès lors, la poursuite d’une éventuelle infraction de la requérante serait, en tout état de cause, prescrite.

9        Par lettre du 10 décembre 2003, la Commission a informé la requérante de sa décision de clore la procédure à son égard.

10      En outre, par la décision 2005/349/CE, du 10 décembre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-2/37.857 – Peroxydes organiques) (JO 2005, L 110, p. 44, ci-après la « décision peroxydes »), la Commission a infligé des amendes à Atochem/Atofina, à Peroxid Chemie, à AC Treuhand, à Peróxidos Orgánicos et à Degussa UK pour infraction à l’article 81 CE. Cette décision a été adressée aux sociétés précitées, mais non à la requérante.

11      Dans son dispositif, la décision peroxydes ne contient pas de référence à la participation de la requérante à l’infraction constatée. Néanmoins, concernant la requérante, cette décision précise, tout d’abord, notamment au considérant 78 :

« Après avoir donné l’occasion aux entreprises concernées de présenter leurs observations sur les griefs, la Commission a décidé de clore la procédure à l’égard de [la requérante] et de [FMC Foret]. S’agissant de [la requérante], la Commission constate que ne peut être démontrée la participation de cette entreprise à l’infraction unique et continue au-delà du 31 janvier 1997, la date pertinente donnant lieu à la prescription […] »

12      Ensuite, notamment aux considérants 156 à 177, la décision peroxydes contient une description détaillée de la participation de la requérante à l’entente principale entre, en particulier, le groupe AKZO, Atochem/Atofina et Peroxid Chemie qui a duré pendant une période allant de 1971 jusqu’en 1999. En substance, la Commission constate que la requérante n’a pas directement et formellement participé à l’entente principale, mais qu’elle est uniquement intervenue sur une période allant de 1993 jusqu’en 1996, par le biais de réunions et de contacts, à but anticoncurrentiel, avec Atochem/Atofina et Peroxid Chemie ainsi que par le biais d’un échange de données commerciales sensibles avec ces dernières.

13      Enfin, au considérant 319, la décision peroxydes énonce :

« [La requérante] était destinataire de la communication des griefs. Toutefois, la présente décision n’est pas adressée à [la requérante] (voir au considérant 78), dès lors qu’une participation de [la requérante] au-delà du 31 janvier 1997 ne pouvait pas être démontrée. »

14      Par lettre du 18 février 2004, notifiée le 19 février 2004, la Commission a transmis à la requérante une copie de la décision peroxydes ainsi qu’un résumé de cette décision. Dans cette lettre, la Commission a informé la requérante qu’elle avait l’intention de publier une version non confidentielle de la décision peroxydes ainsi que de son résumé, en application de l’article 21 du règlement n° 17, et l’a invitée à identifier les éventuels passages dont elle considérait qu’ils contenaient des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles.

15      Par lettre du 4 mars 2004, la requérante a demandé à la Commission que soient supprimées de la version de la décision peroxydes destinée à la publication toutes les références à la requérante et à son prétendu comportement infractionnel, notamment celles figurant aux considérants 15, 81, 106 (tableau 4), et aux considérants 120 à 123, 156 à 177, 184, 185, 188, 189, 202, et 270, au motif que la requérante n’était pas destinataire de ladite décision et que la procédure ouverte à son égard avait été close (considérant 78 de la décision peroxydes). En effet, certains passages de la décision peroxydes, relatifs à l’implication de la requérante dans l’infraction constatée, notamment les considérants 169 et 176, qui avaient été contestés par la requérante dans le cadre de la procédure administrative, seraient inexacts. En tout état de cause, les secrets d’affaires contenus au considérant 45 (part de marché de la requérante), au considérant 106 (tableau 4), aux considérants 168 et 175 (nom de M. S.) ainsi qu’aux considérants 173 à 177 et 510 [évaluation détaillée de la requérante dans le cadre de négociations d’acquisition avec un tiers] devraient être supprimés.

16      Par lettre du 6 avril 2004, la Commission a informé la requérante qu’elle occulterait toute référence à cette dernière dans la version provisoire de la décision peroxydes destinée à la publication en joignant la version non confidentielle correspondante. La Commission a toutefois réservé sa position quant à la demande de traitement confidentiel de la requérante concernant la version définitive de la décision peroxydes destinée à la publication.

17      Par lettre du 13 avril 2004, la requérante a demandé que soit également supprimé son nom au considérant 15 et au tableau 4 de la décision peroxydes et, sous réserve de ces modifications, a accepté la publication provisoire de ladite décision.

18      Par lettre du 22 juin 2004, la Commission a communiqué à la requérante la version provisoire non confidentielle de la décision peroxydes ne comportant aucune référence à la requérante, telle qu’elle était prévue pour la publication sur le site Internet de la Commission devant intervenir dans les meilleurs délais.

19      Par lettre du 28 juin 2004, la Commission a informé la requérante de son intention de rejeter la demande de traitement confidentiel concernant la mention de cette dernière dans la version définitive de la décision peroxydes destinée à la publication. En effet, dans cette décision, la Commission aurait conclu à l’existence d’une infraction à l’article 81 CE commise par la requérante, sans qu’il soit néanmoins possible, pour cause de prescription, de lui infliger une amende. La Commission a toutefois accepté d’occulter, dans la version définitive non confidentielle de la décision peroxydes, le nom du gérant de la requérante, M. S., ainsi que les références faites à l’évaluation détaillée de celle-ci dans le cadre de négociations d’acquisition avec un tiers, et de remplacer les indications précises relatives aux parts de marché de la requérante par des fourchettes de parts de marché. Enfin, la Commission a informé la requérante de la possibilité de s’adresser au conseiller-auditeur, en vertu de l’article 9 de la décision 2001/462, au cas où elle aurait l’intention de maintenir sa demande de traitement confidentiel.

20      Par lettre du 12 juillet 2004, la requérante a demandé au conseiller-auditeur de supprimer de la décision peroxydes, dans sa version définitive destinée à la publication, toutes les références faites à la requérante, conformément à la version provisoire publiée sur le site Internet de la Commission. Dans cette lettre, la requérante a réitéré les arguments qu’elle avait avancés dans son courrier du 4 mars 2004 et a précisé que la mention erronée de sa prétendue participation à l’infraction constatée, faite aux considérants 15, 45, 61, 66, 71, 78, 81, 106 (tableau 4), aux considérants 108, 120 à 123, 156 à 177, 184, 185, 188, 189, 202, 270, 271, 319, 328, 366, 399, 423 et 510 ainsi qu’au point 1.3.1 de la table des matières devait être supprimée. À l’appui de sa demande, la requérante a soutenu que ces indications pouvaient fournir des éléments de preuves à des tiers aux fins d’actions en réparation contre la requérante et porter préjudice à sa réputation sur le marché. En outre, la Commission ne serait plus compétente, après la clôture de la procédure d’instruction à l’égard de la requérante, pour lui reprocher une infraction à l’article 81 CE ni pour adopter, à cet effet, une décision lui faisant grief. Par ailleurs, le fait que la décision peroxydes ne soit pas adressée à la requérante la priverait, de manière inadmissible, de la possibilité de former un recours direct contre ladite décision. Enfin, l’approche de la Commission serait incompatible avec l’objectif des règles de prescription ainsi qu’avec les principes de sécurité juridique et de la présomption d’innocence.

21      Par lettre du 13 septembre 2004, le conseiller-auditeur a adopté une première décision au titre de l’article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462. Dans cette décision, il a refusé de supprimer dans la version définitive de la décision peroxydes destinée à la publication les références faites à la requérante – à l’exception du nom de M. S., des indications relatives à l’évaluation détaillée de la requérante et de la référence faite aux parts de marché de la requérante, laquelle devant être remplacée par une fourchette de parts de marché – au motif qu’il ne s’agissait pas de secrets d’affaires, la notion de secret d’affaires présupposant que la divulgation de l’information en cause porte gravement atteinte aux intérêts de la personne concernée. D’une part, s’agissant du risque d’actions en réparation en droit national, le conseiller-auditeur a conclu que ce risque ne constituait pas en tant que tel une atteinte grave et injuste aux intérêts de la requérante pouvant justifier la protection des indications contestées. Dans l’hypothèse de leur bien-fondé, des actions en réparation devant des juridictions nationales seraient, en effet, la conséquence acceptable de la commission d’une infraction aux droits communautaire et national de la concurrence. Le conseiller-auditeur a précisé que la requérante n’était pas destinataire de la décision peroxydes et que cette décision, en l’absence de constatation d’une infraction à l’article 81 CE commise par la requérante, n’était donc pas juridiquement contraignante pour les juridictions nationales. D’autre part, le conseiller-auditeur a fait observer que l’éventuelle atteinte à la réputation de la requérante était la conséquence adéquate de la publication de la décision peroxydes dans l’hypothèse de la participation de la requérante aux ententes constatées. Enfin, le conseiller-auditeur a affirmé que, à supposer même que les constatations dans la décision peroxydes ne soient pas vérifiées dans les faits, question que le conseiller-auditeur n’était pas habilité à vérifier, il n’en résulterait aucun préjudice grave et durable pour la requérante de nature à conférer aux informations contestées le caractère de secrets d’affaires.

22      Dans la même lettre, le conseiller-auditeur a, en outre, considéré, sous une rubrique séparée, intitulée « Le respect des droits de la défense », que, dans le but de sauvegarder les droits de la défense de la requérante, les indications relatives à une prétendue participation de celle-ci à une entente régionale en Espagne, figurant aux considérants 176, 262 et 328 de la décision peroxydes, devaient être masquées, en ce que, compte tenu de l’absence de mention de ces éléments dans la communication des griefs, la requérante n’avait pas eu l’occasion de présenter des observations à cet égard.

23      Par lettre du 27 septembre 2004, la requérante a indiqué son intention d’intenter un recours devant le Tribunal contre la décision de rejet de sa demande de traitement confidentiel, telle que contenue dans la lettre du conseiller-auditeur du 13 septembre 2004, et a demandé le report de la publication de la version définitive de la décision peroxydes contenant les références la concernant jusqu’à la clôture de la procédure contentieuse.

24      Par lettre du 1er octobre 2004, comportant la décision (2004) D/204343 (ci-après la « décision attaquée »), le conseiller-auditeur a réitéré les motifs exposés dans sa lettre du 13 septembre 2004. Le conseiller-auditeur a, en outre, indiqué que la Commission reporterait la publication de la décision peroxydes, sous la forme décrite dans la décision attaquée, jusqu’à ce que la requérante ait eu l’occasion de saisir le Tribunal d’une demande en référé introduite au titre de l’article 242 CE.

25      Par lettre du 15 octobre 2004, la requérante a fait savoir au conseiller-auditeur qu’elle n’introduirait pas de demande en référé, étant donné les conditions strictes établies par la jurisprudence concernant le bien-fondé d’une telle demande.

26      Par lettre du 18 octobre 2004, le conseiller-auditeur a répondu que, eu égard à la renonciation de la requérante à engager une procédure en référé devant le Tribunal, il n’y avait plus d’obstacle à la publication prévue de la version définitive de la décision peroxydes.

27      Par la suite, la Commission a publié, sur le site Internet de sa direction générale (DG) de la concurrence, la décision peroxydes, dans sa version non confidentielle, laquelle contient les références faites à la requérante et les autres indications contestées par celle-ci.

28      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 décembre 2004, la requérante a introduit le présent recours.

29      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 juin 2006.

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle rejette sa demande tendant à obtenir la suppression de toute référence à celle-ci dans la version finale publiée de la décision peroxydes ;

–        condamner la Commission aux dépens.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

A –  Sur la recevabilité de la demande d’annulation

1.     Arguments des parties

32      La Commission conteste l’intérêt à agir de la requérante et, partant, la recevabilité du présent recours.

33      Elle estime que, dès lors que la requérante a renoncé à saisir le Tribunal d’une demande en référé et que la décision peroxydes a, entre-temps, été publiée avec les indications contestées, la requérante n’a plus d’intérêt à agir contre cette décision. La requérante aurait elle-même reconnu cette absence d’intérêt à agir dans sa lettre du 27 septembre 2004, en indiquant qu’une publication rendrait caduc son recours.

34      Selon la Commission, la requérante n’indique aucunement en quoi les indications contestées et publiées constituent des secrets d’affaires. En tout état de cause, l’éventuelle annulation de la décision attaquée n’effacerait pas le fait que des tiers ont pris connaissance desdites indications et la probabilité qu’une situation comparable se reproduise à l’avenir serait minime. Il serait, dès lors, douteux que ladite annulation puisse entraîner des effets juridiques (arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T‑480/93 et T‑483/93, Rec. p. II‑2305, points 59 et 60).

35      De l’avis de la Commission, le recours est fondé sur la prémisse erronée selon laquelle les indications contestées revêtent un caractère contraignant. Cependant, les constatations relatives aux infractions, telles que celles concernant la requérante, qui ne figurent que dans les motifs de la décision peroxydes sans trouver une quelconque expression formelle dans le dispositif de celle-ci, seraient non contraignantes (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 315 ; arrêts du Tribunal du 28 avril 1994, AWS Benelux/Commission, T‑38/92, Rec. p. II‑211, point 34 ; du 6 avril 1995, Baustahlgewebe/Commission, T‑145/89, Rec. p. II‑987, points 35, 55 et suivants, et du 11 mars 1999, Aristrain/Commission, T‑156/94, Rec. p. II‑645, publication par extraits, point 699). S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel son intérêt à agir résulterait du fait que l’annulation éventuelle de la décision attaquée pourrait constituer le fondement d’un recours en responsabilité contre la Commission dans l’hypothèse où la requérante serait condamnée au paiement de dommages et intérêts dans le cadre d’un litige national, la Commission considère qu’il est purement hypothétique et rappelle que la requérante n’est pas destinataire d’une décision constatant de manière contraignante pour les juridictions nationales une violation de l’article 81 CE.

36      La requérante soutient en substance que son recours contre la décision attaquée est recevable.

2.     Appréciation du Tribunal

37      À titre liminaire, il convient de relever que le présent recours est dirigé contre la décision attaquée, qui a été adoptée sur le fondement de l’article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462 et par laquelle la Commission a partiellement rejeté la demande de traitement confidentiel formulée par la requérante, au motif que cette demande visait certains passages de la version non confidentielle de la décision peroxydes destinée à la publication. Le présent recours n’a donc pas pour objet de remettre en cause la légalité de la décision peroxydes en tant que telle. En outre, il n’est pas contesté par les parties que le délai du recours pouvant être exercé à l’encontre de la décision peroxydes, dont une copie avait été transmise à la requérante le 19 février 2004, a expiré et que, partant, cette décision a acquis l’autorité de la chose décidée vis-à-vis de la requérante dans la mesure où elle est susceptible de produire des effets juridiques contraignants définitifs à son égard.

38      Même si la requérante a eu la possibilité d’agir, en temps utile, contre la décision peroxydes mais qu’elle ne l’a pas fait, il n’en résulte pas pour autant qu’elle n’a pas un intérêt à agir contre la décision attaquée. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’un tel intérêt présuppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (voir arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, point 34 supra, point 59, et la jurisprudence qui y est citée ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, point 21), que le recours soit ainsi apte, par son résultat, à procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 21), et que celle-ci justifie d’un intérêt né et actuel à l’annulation dudit acte (ordonnance du Tribunal du 17 octobre 2005, First Data e.a./Commission, T‑28/02, Rec. p. II‑4119, point 42).

39      À cet égard, il y a lieu de constater, en premier lieu, que la question de savoir si l’annulation de la décision attaquée est susceptible de présenter un bénéfice pour la requérante et, partant, de fonder son intérêt à agir, dépend de l’examen d’une question de fond, à savoir celle de la portée de la notion de « secret d’affaires » au sens de l’article 9, premier alinéa, de la décision 2001/462, lu en combinaison avec l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17. En effet, à supposer que la demande de traitement confidentiel formulée par la requérante concerne, à tout le moins partiellement, des secrets d’affaires visés par les dispositions précitées – question devant être tranchée dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé du présent recours – la décision attaquée rejetant cette demande serait illégale dans la mesure où elle procéderait d’une application erronée de cette notion. Dès lors, l’annulation de la décision attaquée serait susceptible d’apporter un avantage à la requérante en ce que la Commission devrait, en vertu de l’article 233 CE, en tirer les conséquences nécessaires pour la publication de la décision peroxydes, laquelle doit, en application de l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17, tenir compte de l’intérêt légitime de la requérante à ce que ses secrets d’affaires ne soient pas divulgués.

40      En deuxième lieu, contrairement à la thèse de la Commission, la seule circonstance que la publication des indications contestées a déjà eu lieu et que certains tiers ont déjà pu en prendre connaissance ne saurait priver la requérante d’un intérêt à agir contre la décision attaquée. Au contraire, la divulgation continue de ces indications ne cesse de porter atteinte aux intérêts, et notamment à la réputation, de la requérante, ce qui est constitutif d’un intérêt né et actuel au sens de la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus. Par ailleurs, toute autre interprétation, qui ferait dépendre la recevabilité du recours de la divulgation ou non par la Commission des indications contestées – et donc de la création par celle-ci d’un fait accompli – permettrait à celle-ci de se soustraire au contrôle juridictionnel en procédant à une telle divulgation alors même qu’elle serait illégale.

41      D’une manière plus générale, l’appréciation retenue aux points 39 et 40 ci-dessus est confirmée par la jurisprudence selon laquelle l’annulation d’une décision est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, notamment en obligeant la Commission à prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du Tribunal en conformité avec l’article 233 CE et en évitant le renouvellement d’une telle pratique de la part de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 novembre 1994, Scottish Football/Commission, T‑46/92, Rec. p. II‑1039, point 14, et la jurisprudence qui y est citée). Or, en l’espèce, la décision attaquée aboutit précisément à la reproduction constante, sur le site Internet de la DG « Concurrence », de la version non confidentielle de la décision peroxydes, non purgée des passages concernant la requérante. Dès lors, une éventuelle annulation, à tout le moins partielle, de la décision attaquée obligerait la Commission, en vertu de l’article 233 CE, à cesser la publication de certains passages contestés.

42      Au vu de ce qui précède, la fin de non-recevoir opposée par la Commission doit être rejetée, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments avancés par les parties dans ce contexte.

B –  Sur le fond

1.     Observation liminaire

43      Au soutien de son recours, la requérante invoque trois moyens tirés, premièrement, de la violation de l’article 21 du règlement n° 17, deuxièmement, de l’absence de pouvoir de la Commission, au regard des articles 3 et 15 du règlement n° 17, d’adopter et de publier une décision constatant une infraction qui lui est imputable, et, troisièmement, de la violation de son droit à une protection juridictionnelle effective.

2.     Sur le moyen tiré de la violation de l’article 21 du règlement n° 17

a)     Arguments des parties

44      La requérante soutient que le seul fait qu’elle n’est pas le destinataire de la décision peroxydes interdit à la Commission d’en publier les constatations qui lui sont relatives.

45      Selon la requérante, la publication prévue à l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17 ne concerne que les parties intéressées. Or, la notion de « parties intéressées » aux termes de cette disposition ne viserait que les destinataires d’une décision infligeant une amende et non les entreprises impliquées qui ne sont pas les destinataires d’une telle décision. En effet, la publication d’une telle décision contenant des constatations faisant grief à des entreprises non destinataires constituerait pour ces dernières une sanction en raison des répercussions négatives qu’engendrerait une telle publication sur leur réputation et du risque accru pour celles-ci d’être exposées, sur le fondement de preuves ressortant de ladite décision, à des actions en réparation intentées par des tiers devant les juridictions nationales. De l’avis de la requérante, contrairement aux destinataires d’une décision, de telles entreprises ne peuvent pas, en outre, contester en justice le bien-fondé de ces constatations afin d’éviter les effets négatifs et les risques susvisés, ce qui constitue une restriction inacceptable de leur droit à une protection juridictionnelle effective.

46      À l’audience, la requérante a précisé, en substance, en se référant à l’argumentation qu’elle a développée dans le cadre de son deuxième moyen et à l’arrêt du Tribunal du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission (T‑198/03, Rec. p. II‑1429), que le pouvoir de la Commission de publier une décision, en vertu de l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17, était limité, d’une part, par la protection du secret professionnel, au sens de l’article 287 CE, qui couvre également la divulgation d’éléments, tels que ceux visés à l’article 4 du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), ainsi que, d’autre part, par le principe de la présomption d’innocence, tel que prévu à l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1) et à la lumière duquel l’étendue du pouvoir de publication de la Commission devait être appréciée. En effet, le principe de la présomption d’innocence interdirait à la Commission de divulguer des éléments à charge que l’entreprise concernée n’aurait pas eu l’occasion de contester en justice.

47      Par conséquent, la publication de la décision peroxydes comprenant des constatations relatives à un prétendu comportement infractionnel de la requérante constituerait une violation de l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17.

48      Selon la Commission, le fait que la décision peroxydes n’a pas été adressée à la requérante en tant que destinataire n’affecte pas son pouvoir de publier ladite décision dans une version comprenant des références à celle-ci. Ce serait d’autant plus vrai que la requérante aurait été partie à la procédure administrative jusqu’à ce qu’elle soit clôturée à son égard.

49      De l’avis de la Commission, la seule limite à son pouvoir de publication, telle que prévu dans le second membre de phrase de l’article 21, paragraphe 2, du règlement nº 17, est son obligation de tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. En revanche, le premier membre de phrase de cette disposition ne ferait référence qu’aux exigences minimales auxquelles doivent satisfaire les publications, à savoir la mention des parties intéressées et de l’essentiel de la décision.

50      La jurisprudence confirmerait cette interprétation en reconnaissant que les publications allant au-delà de ces exigences minimales seraient admissibles. Ainsi, la publication du texte intégral d’une décision infligeant des amendes serait licite, et ce alors même que les décisions prises en application de l’article 15 du règlement n° 17 ne feraient pas partie de celles mentionnées à l’article 21, paragraphe 1, dudit règlement (arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 101 à 103, et du 14 juillet 1972, Francolor/Commission, 54/69, Rec. p. 851, points 30 et 31). Par conséquent, dans la décision attaquée, la Commission aurait constaté à juste titre, sur le fondement de cette jurisprudence, qu’elle pouvait également publier les décisions, ou des parties de celles-ci, pour lesquelles le droit dérivé ne prévoyait pas d’obligation de publication, à condition qu’il n’en résulte pas une divulgation des secrets d’affaires.

51      La Commission soutient, en outre, que, à supposer même que l’expression « parties intéressées » figurant dans le premier membre de phrase de l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17 ne désigne que les destinataires de la décision, il n’en résulterait pas moins de la notion plus large d’« entreprise » – et non de « partie intéressée » – utilisée dans le second membre de cette phrase, que d’autres personnes que les parties intéressées pourraient être mentionnées dans la décision publiée.

52      La Commission estime également que les indications non contraignantes concernant la requérante figurant dans la décision peroxydes, qui ne trouvent pas une expression formelle dans le dispositif de ladite décision, ne font pas, au sens de la jurisprudence (arrêt de la Cour du 14 décembre 2000, Masterfoods et HB, C‑344/98, Rec. p. I‑11369, point 52), l’objet d’une décision de la Commission dont les juridictions nationales doivent tenir compte dans le cadre d’une éventuelle action en réparation (arrêt du Tribunal du 22 mars 2000, Coca-Cola/Commission, T‑125/97 et T‑127/97, Rec. p. II‑1733, point 86). En l’espèce, les appréciations de la Commission figurant dans les motifs de la décision peroxydes ne seraient donc susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que dans la mesure où, en tant que motifs d’un acte faisant grief, elles constitueraient le support nécessaire de son dispositif (arrêts du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T‑138/89, Rec. p. II‑2181, point 31 ; du 8 octobre 1996, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, T‑24/93 à T‑26/93 et T‑28/93, Rec. p. II‑1201, point 150, et du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T‑228/97, Rec. p. II‑2969, point 178). En revanche, les indications relatives à des infractions figurant dans les motifs mais ne constituant pas un tel support ne feraient grief ni aux parties intéressées ni aux tiers. Il en résulterait que la Commission aurait établi correctement, dans la décision attaquée, que la décision peroxydes ne constituait pas une décision constatant, de manière contraignante pour les juridictions nationales, une infraction à l’article 81 CE commise par la requérante.

53      En effet, la décision peroxydes ne contiendrait concernant la requérante aucune constatation contraignante susceptible de préjuger l’appréciation autonome du juge national, mais uniquement une description du comportement de celle-ci afin de contribuer à la compréhension de l’origine et du contexte de l’infraction commise par les destinataires de ladite décision. Il serait, dès lors, exclu que la requérante se voie exposer, sans pouvoir se défendre, à d’éventuelles actions en réparation devant les juridictions nationales. En particulier, contrairement à l’affirmation de la requérante, la décision peroxydes publiée ne saurait être utilisée en tant que preuve décisive invoquée contre elle, ni faciliter, de manière significative, l’administration des preuves par des tiers dans le cadre d’un tel litige.

54      En outre, la Commission estime que l’article 30 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) – disposition ayant remplacé l’article 21 du règlement n° 17 et ayant élargi les conditions de publication pour couvrir désormais explicitement les décisions infligeant des sanctions et des astreintes – conforte son approche et ne s’oppose absolument pas à sa pratique antérieure de publication. La publication servirait, d’une part, à assurer la transparence de l’administration, et, d’autre part, s’agissant notamment des décisions infligeant des sanctions, à revêtir un caractère dissuasif, conformément à l’objectif de prévention générale reconnu par la Cour dans l’arrêt Chemiefarma/Commission, point 50 supra. Selon la Commission, la prétendue sanction de la requérante que constituerait la publication des indications contestées ne saurait ni remettre en cause l’objectif de prévention générale ni modifier la portée des règles de prescription en étendant leur domaine d’application de telle façon que le pouvoir de publication de la Commission serait restreint. À cet égard, la Commission souligne que, au sujet de la prescription en matière d’imposition des sanctions, l’article 25 du règlement n° 1/2003 prévoit désormais expressément « le pouvoir conféré à la Commission en vertu des articles 23 et 24 » et, partant, ne se réfère pas à la publication des décisions au titre de l’article 30 dudit règlement.

55      Enfin, à l’audience, la Commission s’est prévalue de la solution retenue dans l’arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 46 supra (point 89), selon laquelle l’inclusion, dans une décision infligeant des amendes, de constatations factuelles ayant trait à une entente ne pouvait être subordonnée à la condition que la Commission soit compétente pour constater une infraction qui y était relative ou à celle qu’elle ait effectivement constaté une telle infraction et selon laquelle il était légitime, pour la Commission, de décrire, dans une décision constatant une infraction et infligeant une sanction, le contexte factuel et historique dans lequel s’insérait le comportement incriminé. La Commission a également souligné que, selon cet arrêt, il en allait de même de la publication de cette description, étant donné qu’elle pouvait être utile pour permettre au public intéressé de comprendre pleinement les motifs d’une telle décision et il appartenait à la Commission de juger de l’opportunité de l’inclusion de pareils éléments.

56      Par conséquent, le moyen tiré de la violation de l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17 devrait être rejeté.

b)     Appréciation du Tribunal

 Observation liminaire

57      Dans son premier moyen, la requérante conteste essentiellement la portée du pouvoir de la Commission de publier, en vertu de l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17, une décision, adoptée sur le fondement du règlement n° 17, qui ne lui a pas été adressée et dans laquelle la Commission a constaté, dans les motifs et non dans le dispositif, une infraction commise par la requérante. Au soutien de ce moyen, la requérante fait valoir, en substance, d’une part, qu’elle ne constitue pas une « partie intéressée », au sens du premier membre de phrase de l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17, pouvant faire l’objet d’une telle publication, et, d’autre part, que la publication de la décision peroxydes lui porte préjudice dans la mesure où elle divulgue des éléments couverts par le secret professionnel au sens de l’article 287 CE.

58      Le Tribunal estime opportun de commencer par examiner le bien-fondé de la seconde branche du premier moyen relative à l’étendue du pouvoir de publication de la Commission au regard de l’article 287 CE.

 Sur la portée du pouvoir de publication de la Commission en vertu de l’article 21 du règlement n° 17

59      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, le contenu de l’article 21 du règlement n° 17 qui régit la portée du pouvoir de publication de la Commission.

60      D’une part, l’article 21, paragraphe 1, du règlement n° 17 énumère les types de décisions que la Commission est habilitée à publier, liste à laquelle il convient d’ajouter, selon la jurisprudence, les décisions infligeant des amendes au titre de l’article 15 dudit règlement (voir, en ce sens, arrêts Chemiefarma/Commission, point 50 supra, points 101 à 104, et Francolor/Commission, point 50 supra, points 30 et 31). D’autre part, l’article 21, paragraphe 2, dudit règlement prévoit, dans le premier membre de phrase, que « [l]a publication mentionne les parties intéressées et l’essentiel de la décision ». En outre, en vertu du second membre de phrase de l’article 21, paragraphe 2, dudit règlement, la Commission doit « tenir compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués ».

61      D’une manière plus générale, il convient, tout d’abord, de relever que, même si la publication d’un acte n’est pas explicitement prévue par les traités ou par un acte de portée générale de droit communautaire, il ressort du système établi par les traités, notamment de l’article 1er UE, des articles 254 CE et 255 CE, ainsi que du principe d’ouverture et de l’impératif de transparence dans l’action des institutions communautaires qui y sont consacrés, que, en l’absence de dispositions ordonnant ou interdisant explicitement une publication, la faculté des institutions de rendre publics les actes qu’elles adoptent est la règle. Il existe toutefois des exceptions à cette règle dans la mesure où le droit communautaire, notamment par le biais des dispositions garantissant le respect du secret professionnel, s’oppose à une divulgation de ces actes ou de certaines informations qu’ils contiennent. Partant, l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17 ne vise pas à restreindre la liberté de la Commission de publier volontairement une version de sa décision plus complète que le minimum nécessaire et d’y inclure également des informations dont la publication n’est pas requise, dans la mesure où la divulgation de celles-ci n’est pas incompatible avec la protection du secret professionnel (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 46 supra, points 69 et 79).

62      En outre, il y a lieu de rappeler que le second membre de phrase de l’article 21, paragraphe 2, du règlement n° 17 ne constitue, à l’instar de l’article 20 dudit règlement, que la concrétisation, en droit communautaire dérivé, de la protection du secret professionnel consacrée à l’article 287 CE et que la procédure prévue à l’article 9 de la décision 2001/462 ne vise qu’à mettre en œuvre les exigences procédurales que la Cour a reconnues, à ce titre, dans l’arrêt AKZO Chemie/Commission, point 38 supra (en particulier points 29 et 30 ; voir également, en ce sens, arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 46 supra, point 28). Ainsi, cette procédure s’applique dès lors que la Commission envisage, dans le cadre d’une procédure en matière de concurrence, de divulguer des informations susceptibles de porter atteinte à la protection du secret professionnel au sens de l’article 287 CE (premier et deuxième alinéas), et ce sous quelque forme que ce soit, y compris par la publication d’une décision au Journal officiel des Communautés européennes (troisième alinéa) ou sur Internet.

63      Le Tribunal constate, ensuite, que ni l’article 287 CE ni le règlement n° 17 n’indiquent explicitement quelles informations, en dehors des secrets d’affaires, sont couvertes par le secret professionnel. Il ressort toutefois de la formulation ouverte de l’article 287 CE (celui-ci interdisant la divulgation des « informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient »), de l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 2842/98 et de la jurisprudence que la notion d’« informations couvertes par le secret professionnel » englobe également des informations confidentielles autres que des secrets d’affaires (arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, Rec. p. 3539, point 34 ; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Postbank/Commission, T‑353/94, Rec. p. II‑921, point 86).

64      Il découle de cette acception large de la notion d’« informations couvertes par le secret professionnel » que l’article 21 du règlement n° 17 et l’article 9 de la décision 2001/462 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’appliquent, à l’instar de l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 2842/98, tant aux secrets d’affaires qu’aux autres informations confidentielles. En outre, il y a lieu de relever que le caractère confidentiel d’informations, dont le secret professionnel exige la protection au titre de l’article 287 CE, peut également résulter d’autres dispositions de droit communautaire primaire ou dérivé, telles que l’article 4 du règlement n° 1049/2001 (cité au point 46 ci-dessus) ou encore celles de l’article 286 CE et du règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1) (voir également, en ce sens, arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 46 supra, points 34 et 35).

65      S’agissant, d’une manière générale, de la nature des secrets d’affaires ou des autres informations couvertes par le secret professionnel, il est nécessaire, tout d’abord, que ces secrets d’affaires ou informations confidentielles ne soient connus que par un nombre restreint de personnes. Ensuite, il doit s’agir d’informations dont la divulgation est susceptible de causer un préjudice sérieux à la personne qui les a fournies ou à des tiers [arrêt Postbank/Commission, point 63 supra, point 87, et voir également la communication 2005/C 325/07 de la Commission, du 22 décembre 2005, relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles 81 [CE] et 82 [CE], des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil (JO C 325, p. 7), points 3.2.1 et 3.2.2]. Enfin, il faut que les intérêts susceptibles d’être lésés par la divulgation de l’information soient dignes de protection. L’appréciation du caractère confidentiel d’une information nécessite, à cet égard, une mise en balance des intérêts individuels légitimes qui s’opposent à sa divulgation et de l’intérêt général qui veut que les activités des institutions communautaires se déroulent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 46 supra, point 71).

66      Il s’ensuit, d’une part, que, lorsque le conseiller-auditeur prend une décision au titre de l’article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462, il est tenu non seulement d’examiner si la version d’une décision, adoptée sur le fondement du règlement n° 17 et destinée à être publiée, contient des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles jouissant d’une protection similaire, mais encore de vérifier si cette version contient d’autres informations qui ne peuvent être divulguées au public soit en raison de règles de droit communautaire les protégeant spécifiquement, soit du fait qu’elles relèvent de celles qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 46 supra, point 34). D’autre part, dans le cadre de ce contrôle de légalité, le Tribunal doit veiller à ce que le conseiller-auditeur respecte les limites de son mandat, tel qu’il vient d’être défini, et doit, dès lors, vérifier si celui-ci a correctement appliqué la protection du secret professionnel dans le cas d’espèce. En revanche, le Tribunal ne saurait reprocher au conseiller-auditeur de ne pas avoir corrigé d’éventuelles irrégularités commises par la Commission lors de l’adoption de la décision faisant l’objet de la publication, étant donné que le contrôle de telles irrégularités ne relève pas de sa compétence. Ainsi, le Tribunal ne saurait remettre en cause ni la légalité formelle ni le bien-fondé de la décision destinée à être publiée, même si cette dernière devait comporter des erreurs graves.

67      C’est au regard des principes énoncés aux points 59 à 66 ci-dessus qu’il convient d’apprécier la question de savoir si et dans quelle mesure les indications contestées par la requérante sont protégées par le secret professionnel au titre de l’article 287 CE.

 Sur la protection par le secret professionnel des indications contestées

–       Observation générale

68      Au regard de ce qui précède, il y a lieu d’examiner si les indications contestées constituent des informations couvertes par le secret professionnel au titre de l’article 287 CE, telles que cette notion a été interprétée aux points 63 et 65 ci-dessus, et notamment de vérifier si leur publication est susceptible de causer un préjudice sérieux à la requérante.

–       Sur les aspects de la protection du secret professionnel pris en compte par le conseiller-auditeur

69      Le Tribunal rappelle, tout d’abord, que, à la suite de la contestation par la requérante de la publication de certains passages la concernant dans la décision peroxydes et de sa demande de traitement confidentiel de ces indications, le conseiller-auditeur s’est borné, dans la décision attaquée, à apprécier la question de savoir si les indications contestées par la requérante constituaient des secrets d’affaires dont la divulgation était susceptible de porter atteinte à ses intérêts légitimes.

70      Il convient de relever ensuite que, même si le conseiller-auditeur a ainsi formellement limité l’objet de son examen, il a néanmoins pris position, dans le cadre de son appréciation, sur le caractère préjudiciable de la divulgation des indications contestées et, partant, sur leur caractère confidentiel. Ainsi, le conseiller-auditeur a examiné, d’une part, si la publication des indications contestées était susceptible de fournir à des tiers des éléments de preuve leur permettant d’intenter des actions en réparation contre la requérante devant les juridictions nationales, et, d’autre part, si une telle publication pouvait porter gravement atteinte à la réputation de la requérante sur le marché.

71      Il ressort de ce qui précède, comme du point 21 ci-dessus, que, en substance, le conseiller-auditeur a également apprécié, en réponse à la demande de traitement confidentiel formulée par la requérante, la question de savoir si les indications contestées constituaient des informations confidentielles autres que des secrets d’affaires. À cet égard, le conseiller-auditeur est arrivé à la conclusion que l’intérêt de la requérante à voir supprimer les indications contestées dans la version définitive de la décision peroxydes destinée à la publication n’était pas suffisant.

–       Sur le bien-fondé de la décision attaquée quant au respect de la protection du secret professionnel

72      Le Tribunal rappelle que l’intérêt d’une entreprise, à laquelle la Commission a infligé une amende pour violation du droit de la concurrence, à ce que les détails du comportement infractionnel qui lui est reproché ne soient pas divulgués au public ne mérite aucune protection particulière, compte tenu de l’intérêt du public de connaître le plus amplement possible les motifs de toute action de la Commission, de l’intérêt des opérateurs économiques de savoir quels sont les comportements susceptibles de les exposer à des sanctions et de l’intérêt des personnes lésées par l’infraction d’en connaître les détails afin de pouvoir faire valoir, le cas échéant, leurs droits à l’encontre des entreprises sanctionnées et vue la possibilité dont dispose cette entreprise de soumettre une telle décision à un contrôle juridictionnel (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 46 supra, point 78). Le Tribunal considère que cette appréciation s’applique mutatis mutandis aux décisions constatant une infraction d’une entreprise dont la poursuite est atteinte par la prescription en vertu de l’article 1er du règlement nº 2988/74, décision que la Commission est implicitement habilitée à prendre, sur le fondement du régime instauré par le règlement n° 17, lorsqu’elle justifie d’un intérêt légitime à cet effet (arrêt du Tribunal du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, Rec. p. II‑4065, points 60 à 63).

73      Cependant, il convient de relever que l’application de la jurisprudence citée au point 72 ci-dessus présuppose que l’infraction constatée figure au moins dans le dispositif de la décision et que celle-ci soit adressée à l’entreprise concernée pour qu’elle puisse la contester en justice. En effet, il convient de rappeler à cet égard, que, ainsi que la Commission le fait valoir elle-même, quels que soient les motifs sur lesquels repose une décision, seul le dispositif de celle-ci est susceptible de produire des effets juridiques et, par voie de conséquence, de faire grief. En revanche, les appréciations formulées dans les motifs d’une décision ne sont pas susceptibles de faire, en tant que telles, l’objet d’un recours en annulation. Elles ne peuvent être soumises au contrôle de légalité du juge communautaire que dans la mesure où, en tant que motifs d’un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire du dispositif de cet acte (ordonnance de la Cour du 28 janvier 2004, Pays-Bas/Commission, C‑164/02, Rec. p. I‑1177, point 21 ; arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 186), et si, plus particulièrement, ces motifs sont susceptibles de changer la substance de ce qui a été décidé dans le dispositif de l’acte en question (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Lagardère et Canal+/Commission, T‑251/00, Rec. p. II‑4825, points 67 et 68).

74      Or, en l’espèce, il résulte de ce qui précède que, indépendamment de la question de savoir si la Commission était fondée ou non à constater, dans les motifs de la décision peroxydes, une infraction imputable à la requérante, celle-ci n’avait pas, en l’absence d’une telle constatation dans le dispositif, qualité pour agir contre ladite décision. Dès lors, un recours introduit par la requérante contre la décision peroxydes visant à faire contrôler par le Tribunal le bien-fondé des indications contestées aurait été, en tout état de cause, irrecevable, même à le supposer formé dans le délai prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE (voir, en ce sens, arrêt Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, point 52 supra, point 150).

75      De plus, ainsi que le fait valoir la requérante, la portée du pouvoir de la Commission d’adopter et de publier des décisions, sur le fondement du règlement n° 17, et l’étendue de la protection du secret professionnel doivent être interprétées à la lumière des principes généraux et des droits fondamentaux, qui font partie intégrante de l’ordre juridique communautaire, et, notamment, du principe de la présomption d’innocence – tel que réaffirmé par l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – qui s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises et susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 150 ; arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 178 ; Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, point 72 supra, points 104 et 105).

76      Il y a lieu d’observer, en outre, que la présomption d’innocence implique que toute personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Elle s’oppose ainsi à tout constat formel et même à toute allusion ayant pour objet la responsabilité d’une personne accusée d’une infraction donnée dans une décision mettant fin à l’action, sans que cette personne ait pu bénéficier de toutes les garanties inhérentes à l’exercice des droits de la défense dans le cadre d’une procédure suivant son cours normal et aboutissant à une décision sur le bien-fondé de la contestation (arrêt Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, point 72 supra, point 106). Par ailleurs, la culpabilité d’une personne accusée d’une infraction n’est définitivement établie que lorsque la décision constatant cette infraction a acquis l’autorité de la chose décidée, ce qui implique soit l’absence de recours de la personne concernée contre ladite décision dans les délais prévus à l’article 230, cinquième alinéa, CE, soit, à la suite d’un tel recours, la clôture définitive de la procédure contentieuse, en particulier, par une décision judiciaire confirmant la légalité de ladite décision.

77      Par conséquent, ne sauraient être considérées comme étant légalement établies des constatations que la personne incriminée n’a pas eu l’occasion de contester devant les juridictions communautaires, alors même qu’elle en conteste le bien-fondé. En effet, le fait de soustraire de telles constatations à tout contrôle juridictionnel et donc, en cas d’illégalité de celles-ci, à une éventuelle correction par le juge communautaire, est manifestement contraire au principe de la présomption d’innocence. Toute autre interprétation conduirait à enfreindre le système de répartition des fonctions et l’équilibre institutionnel entre les pouvoirs administratif et judiciaire, dès lors que, en cas de contestation, il revient à ce dernier seulement de trancher définitivement l’existence d’éléments suffisants permettant de conclure à la responsabilité d’une entreprise pour la commission d’une infraction aux règles de concurrence.

78      Le Tribunal estime, en outre, que, dans la mesure où les constatations de la Commission relatives à une infraction commise par une entreprise sont susceptibles de se heurter à l’application du principe de la présomption d’innocence, celles-ci doivent, en principe, être considérées comme étant confidentielles vis-à-vis du public et, partant, comme étant couvertes, par nature, par le secret professionnel. Ce principe découle, notamment, de la nécessité de respecter la réputation et la dignité de la personne concernée tant que celle-ci n’a pas été condamnée définitivement (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 604). Le caractère confidentiel de tels éléments est confirmé par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 1049/2001, selon lequel sont protégées les informations dont la divulgation porterait atteinte à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu. Enfin, le caractère confidentiel de ces informations ne saurait dépendre de la question de savoir si, et dans quelle mesure, celles-ci revêtent un caractère probant dans le cadre d’un litige national.

79      À cet égard, la défenderesse ne saurait invoquer le point 89 de l’arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 46 supra, étant donné que l’appréciation du Tribunal qui y est retenue ne se porte pas sur une situation comparable à celle qui est à l’origine du présent cas d’espèce, dans lequel la requérante est dépourvue de toute possibilité de contester le bien-fondé des affirmations la concernant dans la décision peroxydes (arrêt Bank Austria Creditanstalt/Commission, point 46 supra, point 78 in fine). Or, il ressort de la jurisprudence citée aux points 72 et 73 ci-dessus que la Commission ne saurait adopter une décision constatant une infraction après l’écoulement du délai de prescription, lorsqu’elle ne justifie pas de l’existence d’un intérêt légitime à procéder à une telle constatation et lorsque l’entreprise concernée ne dispose d’aucune possibilité de soumettre cette constatation au contrôle des juridictions communautaires (voir, également en ce sens, arrêt Coca-Cola/Commission, point 52 supra, point 86).

80      En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 74 ci-dessus, la requérante n’avait pas qualité pour agir contre la décision peroxydes, étant donné, en particulier, l’absence de mention de sa participation à l’infraction dans le dispositif, alors même qu’elle contestait le bien-fondé des motifs de cette décision en ce qu’ils faisaient état de sa participation à l’infraction. Une telle situation est contraire au principe de la présomption d’innocence et viole la protection du secret professionnel, tels qu’interprétés aux points 75 à 78 ci-dessus, lesquels exigent que soit garanti le respect de la réputation et de la dignité de la requérante. Il y a, dès lors, lieu de considérer que les indications contestées revêtent la qualification d’informations couvertes, par nature, par le secret professionnel au sens de l’article 287 CE. À cet égard, il convient de relever, enfin, que la Commission a admis elle-même, à l’audience, qu’elle aurait pu publier la décision peroxydes en se limitant à constater la participation de la requérante à la procédure administrative et clore l’instruction à son égard pour cause de prescription. Force est de constater que, dans ces conditions, un intérêt général à publier les indications contestées susceptible de primer l’intérêt légitime de la requérante à les voir protéger fait donc défaut.

81      Il découle de ce qui précède que le conseiller-auditeur, en constatant que les indications contestées n’étaient pas dignes de protection et que leur publication ne constituait pas une atteinte grave et injuste aux intérêts de la requérante, a fait, en l’espèce, une application erronée de la protection du secret professionnel. Par conséquent, la décision attaquée doit être annulée pour autant qu’elle rejette la demande de traitement confidentiel de la requérante, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens et griefs avancés par celle-ci.

 Sur les dépens

82      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision (2004) D/204343 de la Commission, du 1er octobre 2004, est annulée.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 octobre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger

Table des matières

Cadre juridique

Faits, procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur la recevabilité de la demande d’annulation

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

B –  Sur le fond

1.  Observation liminaire

2.  Sur le moyen tiré de la violation de l’article 21 du règlement n° 17

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Observation liminaire

Sur la portée du pouvoir de publication de la Commission en vertu de l’article 21 du règlement n° 17

Sur la protection par le secret professionnel des indications contestées

–  Observation générale

–  Sur les aspects de la protection du secret professionnel pris en compte par le conseiller-auditeur

–  Sur le bien-fondé de la décision attaquée quant au respect de la protection du secret professionnel

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.