Language of document : ECLI:EU:T:2007:320

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

25 octobre 2007 (*)

« Ententes – Producteurs de ronds à béton – Décision constatant une infraction à l’article 65 CA – Décision fondée sur le traité CECA après l’expiration dudit traité – Incompétence de la Commission »

Dans l’affaire T‑94/03,

Ferriere Nord SpA, établie à Osoppo (Italie), représentée par Mes W. Viscardini, G. Donà et E. Perricone, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République italienne, représentée par M. I. Braguglia, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme L. Pignataro-Nolin et M. A. Whelan, en qualité d’agents, assistés de Me M. Moretto, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2002) 5087 final de la Commission, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (COMP/37.956 – Ronds à béton),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

composé de M. M. Vilaras, président, Mme M. E. Martins Ribeiro, MM. F. Dehousse, D. Šváby et Mme K. Jürimäe, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Dispositions du traité CECA

1        L’article 36 CA dispose :

« La Commission, avant de prendre une des sanctions pécuniaires ou de fixer une des astreintes prévues au présent traité, doit mettre l’intéressé en mesure de présenter ses observations.

[…] »

2        L’article 47 CA énonce :

« La Commission peut recueillir les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Elle peut faire procéder aux vérifications nécessaires.

[…] »

3        L’article 65 CA prévoit :

« 1. Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence, et en particulier :

a)      à fixer ou à déterminer les prix ;

b)      à restreindre ou à contrôler la production, le développement technique ou les investissements ;

c)      à répartir les marchés, produits, clients ou sources d’approvisionnement.

2. Toutefois, la Commission autorise, pour des produits déterminés, des accords de spécialisation ou des accords d’achat ou de vente en commun, si [certaines conditions sont remplies] […]

3. La Commission peut obtenir, conformément aux dispositions de l’article 47, toutes informations nécessaires à l’application du présent article, soit par demande spéciale adressée aux intéressés, soit par un règlement définissant la nature des accords, décisions ou pratiques qui ont à lui être communiqués.

4. Les accords ou décisions interdits en vertu du paragraphe 1 du présent article sont nuls de plein droit et ne peuvent être invoqués devant aucune juridiction des États membres.

La Commission a compétence exclusive, sous réserve des recours devant la Cour, pour se prononcer sur la conformité avec les dispositions du présent article desdits accords ou décisions.

5. La Commission peut prononcer contre les entreprises qui auraient conclu un accord nul de plein droit, appliqué ou tenté d’appliquer, par voie d’arbitrage, dédit, boycott ou tout autre moyen, un accord ou une décision nuls de plein droit ou un accord dont l’approbation a été refusée ou révoquée, ou qui obtiendraient le bénéfice d’une autorisation au moyen d’informations sciemment fausses ou déformées, ou qui se livreraient à des pratiques contraires aux dispositions du paragraphe 1, des amendes et astreintes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’accord, de la décision ou de la pratique contraires aux dispositions du présent article, sans préjudice, si cet objet est de restreindre la production, le développement technique ou les investissements, d’un relèvement du maximum ainsi déterminé à concurrence de 10 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises en cause, en ce qui concerne l’amende, et de 20 % du chiffre d’affaires journalier, en ce qui concerne les astreintes. »

4        Conformément à l’article 97 CA, le traité CECA a expiré le 23 juillet 2002.

 Communication de la Commission sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA

5        Le 18 juin 2002, la Commission a adopté une communication sur certains aspects du traitement des affaires de concurrence résultant de l’expiration du traité CECA (JO C 152, p. 5, ci-après la « communication du 18 juin 2002 »).

6        Au point 2 de la communication du 18 juin 2002, il est précisé que l’objet de celle-ci est :

« −      de récapituler, à l’intention des opérateurs économiques et des États membres dans la mesure où ils sont concernés par le traité CECA et son droit dérivé, les modifications les plus importantes du droit matériel et procédural découlant de la transition vers le régime du traité CE […]

−      d’expliquer comment la Commission entend régler les problèmes spécifiques posés par la transition du régime CECA au régime CE dans le domaine des ententes et des abus de position dominante […], du contrôle des concentrations […] et du contrôle des aides d’État ».

7        Le point 31 de la communication du 18 juin 2002, qui figure dans la section consacrée aux problèmes spécifiques posés par la transition du régime CECA au régime CE, est libellé comme suit :

« Si, dans l’application des règles communautaires de la concurrence à des accords, la Commission constate une infraction dans un domaine relevant du traité CECA, le droit matériel applicable est, quelle que soit la date d’application, celui en vigueur au moment où les faits constitutifs de l’infraction se sont produits. En tout état de cause, sur le plan procédural, le droit applicable après l’expiration du traité CECA sera le droit CE […] »

 Procédure administrative

8        D’octobre à décembre 2000, la Commission a effectué, conformément à l’article 47 CA, des vérifications auprès des entreprises italiennes productrices de ronds à béton et auprès d’une association d’entreprises sidérurgiques italiennes. Elle leur a également adressé des demandes de renseignements, en vertu de l’article 47 CA.

9        Le 26 mars 2002, la Commission a engagé la procédure administrative et a arrêté les griefs au titre de l’article 36 CA. La requérante était un des destinataires de la communication des griefs.

10      Le 31 mai 2002, la requérante a déposé des observations écrites relatives à la communication des griefs. L’audition de la requérante a eu lieu le 13 juin 2002.

11      Le 12 août 2002, la Commission a arrêté des griefs supplémentaires adressés aux destinataires de la communication des griefs initiale. Dans cette communication des griefs supplémentaire, fondée sur l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), la Commission expliquait sa position concernant la poursuite de la procédure après l’expiration du traité CECA.

12      Le 20 septembre 2002, la requérante a déposé des observations écrites relatives à la communication des griefs supplémentaire. Une seconde audition de la requérante, en présence des représentants des États membres, a eu lieu le 30 septembre 2002.

 Décision attaquée

13      Le 17 décembre 2002, la Commission a adopté la décision C (2002) 5087 final, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (COMP/37.956 – Ronds à béton, ci-après la « décision attaquée »).

14      Le préambule de la décision attaquée se lit comme suit :

« Vu le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, et notamment son article 65,

vu les informations qui ont été communiquées à la Commission et les vérifications effectuées au titre de l’article 47 CA par des agents de la Commission,

vu les observations écrites et orales présentées en vertu de l’article 36 CA au nom et pour le compte des parties,

après consultation du comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes,

[…] »

15      Quant aux conséquences juridiques de l’expiration du traité CECA, la Commission s’est d’abord référée, au considérant 331 de la décision attaquée, au point 31 de la communication du 18 juin 2002.

16      Ensuite, la Commission a examiné aux considérants 333 à 344 de la décision attaquée si l’application de l’article 65 CA aux comportements reprochés ne pouvait pas être contestée sur la base du principe de la lex mitior.

17      Elle a rappelé à cet effet, au considérant 335 de la décision attaquée, que « les deux dispositions du traité CECA qui, en théorie, pourraient être qualifiées de moins favorables [étaient, d’une part,] l’article 65, paragraphe 1, CA, dans la mesure où il n’exige[ait] pas (à la différence de l’article 81, paragraphe 1, CE), pour qu’il y ait infraction, que l’entente restreignant la concurrence soit susceptible d’affecter le commerce entre États membres […] et[, d’autre part,] l’article 65, paragraphe 5, CA, dans la mesure où il prévo[ya]it la possibilité d’infliger des amendes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’entente (cette possibilité n’[étant] en revanche pas prévue, dans le droit CE, par l’article 15 du règlement n° 17) […] »

18      Après avoir constaté, aux considérants 337 à 341 de la décision attaquée, que l’entente visée par la décision attaquée était susceptible d’affecter le commerce entre États membres, la Commission a indiqué, au considérant 343 de ladite décision, qu’elle « a[vait] fait officiellement savoir aux parties que […] elle n’entendait infliger à aucune entreprise une amende supérieure à 10 % du chiffre d’affaires annuel réalisé […] avec les produits CECA sur le territoire de l’Union européenne » et que « ce plafond (de toute façon prévu par l’article 65, paragraphe 5, CA pour les accords qui, comme en l’espèce, ont également pour objet de restreindre la production) [était] en outre plus favorable aux entreprises que celui prévu à l’article 15 du règlement n° 17, du 6 février 1962, qui fixe le plafond à 10 % du volume d’affaires annuel réalisé avec tous les produits au niveau mondial ».

19      Elle a conclu, au considérant 344 de la décision attaquée, que, « in concreto, l’application du traité CE ne serait pas plus favorable […], et que, par conséquent, même si l’on estimait possible d’appliquer le principe de la lex mitior, ce principe ne pourrait de toute façon pas être invoqué pour contester l’application du droit matériel CECA aux comportements imputés aux destinataires de la présente décision ».

20      Quant à sa compétence pour appliquer les règles de concurrence du traité CECA après l’expiration de celui-ci, la Commission a expliqué aux considérants 348 à 352 de la décision attaquée :

« 348  […] le traité CE et le traité CECA appartiennent au même ordre juridique, l’ordre juridique communautaire, à l’intérieur duquel ce dernier traité a constitué, jusqu’au 23 juillet 2002, une lex specialis. Cela signifie que, en principe, à partir du 24 juillet 2002, les secteurs qui relevaient précédemment du traité CECA, de ses dispositions de procédure et de la législation dérivée sont soumis aux normes correspondantes qui dérivent du traité CE, qui constitue en effet le régime général.

349      Il convient de rappeler que le 8 avril 1965, les États membres ont conclu un traité qui établit un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes. Il faut également rappeler que l’article 3 [UE] dispose que ‘l’Union dispose d’un cadre institutionnel unique qui assure la cohérence et la continuité des actions menées en vue d’atteindre ses objectifs, tout en respectant et en développant l’acquis communautaire.’ Il est rappelé, enfin, que l’article 305, paragraphe 1, CE dispose que ‘[l]es dispositions du présent traité ne modifient pas celles du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier, notamment en ce qui concerne les droits et obligations des États membres, les pouvoirs des institutions de cette Communauté et les règles posées par ce traité pour le fonctionnement du marché commun du charbon et de l’acier’.

350      Les conséquences de la fin de la lex specialis doivent être toutefois précisées en ce qui concerne les dispositions qui autorisent la Commission à infliger des sanctions. Dans ce cas, l’application de la loi matérielle en vigueur au moment du déroulement des faits apparaît justifiée, l’application des règles de procédure adoptées depuis lors devant être maintenue.

351      Avec la communication du 18 juin 2002, la Commission n’a pas voulu, et n’aurait jamais pu, établir des règles transitoires. Elle s’est simplement limitée à expliquer ex ante, dans un souci de transparence, de quelle façon, sur la base des principes généraux du droit, aurait lieu la transition entre les deux traités.

352      Dans cette perspective, l’application du règlement n° 17 à la suite de la procédure est conforme au principe selon lequel les règles de procédure applicables sont celles en vigueur au moment où la mesure en question est adoptée. Dans la même perspective, il n’a pas été jugé nécessaire de renouveler la première audition à laquelle les représentants des États membres n’avaient pas participé, car les règles de procédure CECA en vigueur à ce moment ne prévoyaient pas une telle participation. En outre, comme il est souligné au point 26 de la communication [du 18 juin 2002], on doit considérer que les mesures procédurales qui ont été adoptées d’une façon valide sur la base des dispositions CECA satisfaisaient, à l’échéance du traité CECA, aux conditions prévues par les mesures procédurales correspondantes mises en place par le traité CE. Il est important de souligner aussi qu’aucun lien formel n’existe entre les dispositions qui concernent la participation des États membres à une audition [article 11 du règlement (CE) nº 2842/98 relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81 CE] et [82 CE]] et celles relatives à la consultation du comité consultatif (article 10 du règlement n° 17). »

21      Après avoir examiné, aux considérants 358 à 513 de la décision attaquée, l’applicabilité de l’article 65, paragraphe 1, CA aux comportements des entreprises et de l’association d’entreprises y mentionnées, la Commission a affirmé au considérant 514 :

« Conformément à l’article 65, paragraphe 2, CA, la Commission autorise des accords de spécialisation ou des accords d’achat ou de vente en commun ou des accords qui sont strictement analogues, quant à leur nature et à leurs effets, s’ils satisfont à des conditions déterminées. L’entente restrictive décrite dans la présente décision ne peut bénéficier d’une autorisation, parce qu’elle ne correspond pas aux types d’accord pour lesquels cette autorisation peut être accordée. Il s’agit en effet d’une entente portant sur la fixation ou la détermination des prix, la limitation ou le contrôle de la production et la répartition des marchés. De plus, aucune demande n’a été présentée pour obtenir l’autorisation prévue par cet article du traité CECA. »

22      S’agissant de l’applicabilité de l’article 65, paragraphe 5, CA, la Commission a considéré aux considérants 515 à 518 de la décision attaquée :

« 515  Conformément à l’article 65, paragraphe 5, CA, la Commission peut infliger des amendes aux entreprises qui auraient conclu un accord nul de plein droit, appliqué ou tenté d’appliquer un accord ou une décision d’association d’entreprises nuls de plein droit, ou qui se livreraient à des pratiques contraires aux dispositions du paragraphe 1. La Commission peut infliger des amendes au maximum égales au double du chiffre d’affaires réalisé sur les produits ayant fait l’objet de l’accord, de la décision ou de la pratique concertée contraires aux dispositions de l’article 65, paragraphe 1, CA, sans préjudice, si cet objet est de restreindre la production, le développement technique ou les investissements, d’un relèvement du maximum ainsi déterminé à concurrence de 10 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises en cause.

516      La question de la participation d’une association d’entreprises à une procédure d’infraction aux règles de concurrence du traité CECA est une question sur laquelle la jurisprudence s’est déjà prononcée dans l’affaire ‘Eurofer’ : “l’article 65, paragraphe 1, CA interdit ‘tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence’. Selon l’article 65, paragraphe 4, CA, ‘les accords ou décisions interdits en vertu du paragraphe 1 du présent article sont nuls de plein droit et ne peuvent être invoqués devant aucune juridiction des États membres. La Commission a compétence exclusive, sous réserve des recours devant la Cour, pour se prononcer sur la conformité avec les dispositions du présent article desdits accords ou décisions.’ Aux termes de l’article 65, paragraphe 5, CA, ‘la Commission peut prononcer contre les entreprises qui auraient conclu un accord nul de plein droit, appliqué ou tenté d’appliquer [...] un accord ou une décision nuls de plein droit [...] ou qui se livreraient à des pratiques contraires aux dispositions du paragraphe 1, des amendes et astreintes [...]’ S’il découle effectivement de l’article 65, paragraphe 5, CA qu’une association d’entreprises ne peut pas se voir infliger d’amende ou d’astreinte, rien dans le libellé de l’article 65, paragraphe 1, CA ne permet de considérer qu’une association qui a adopté une décision tendant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence n’est pas elle-même visée par l’interdiction consacrée par cette disposition. Cette interprétation est confirmée tant par la disposition de l’article 65, paragraphe 4, CA, qui fait également référence à de telles décisions, que par l’arrêt Sorema/Haute Autorité, dans lequel la Cour a jugé que l’article 65, paragraphe 1, CA s’appliqu[ait] également aux associations dans la mesure où leurs activités propres ou celles des entreprises qui y adhèrent tendent à produire les effets qu’il vise (Rec. p. 317). Cette constatation est également confirmée, selon la Cour, par l’article 48 CA, qui permet aux associations d’exercer toute activité qui n’est pas contraire aux dispositions dudit traité. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort également de l’arrêt Sorema/Haute Autorité, précité, qu’une association d’entreprises au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA peut être la destinataire d’une décision autorisant un accord au titre de l’article 65, paragraphe 2, CA (Rec. p. 317 à 322). Il y a donc lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel une association d’entreprises, au sens de l’article 65, paragraphe 1, CA, ne peut pas enfreindre l’interdiction prévue par cette disposition.”

517      Il faut en déduire qu’une association d’entreprises ne peut pas se voir infliger des amendes, mais peut en tout cas être destinataire d’une décision si sa participation à l’infraction est certaine […]

518      En ce qui concerne les entreprises, les éléments qui doivent être pris en considération pour le calcul sont notamment la gravité de l’infraction, sa durée ainsi que les circonstances aggravantes et atténuantes. »

23      L’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée dispose ce qui suit :

« [Les onze entreprises et l’association d’entreprises parmi lesquelles figure la requérante] ont mis en œuvre une entente unique, complexe et continue sur le marché italien des ronds à béton en barres ou en rouleaux, qui avait pour objet ou pour effet la fixation des prix et qui a également donné lieu à une limitation ou à un contrôle concertés de la production ou des ventes.

Cette entente, parce qu’elle avait pour objet de limiter ou de fausser le jeu normal de la concurrence sur le marché commun, est contraire à l’article 65, paragraphe 1, CA. »

24      Selon l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la participation de la requérante à l’entente a duré du 1er avril 1993 au 4 juillet 2000.

25      L’article 2 de la décision attaquée inflige à la requérante une amende de 3,57 millions d’euros pour l’infraction constatée à l’article 1er.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal, le 10 mars 2003, la requérante a introduit le présent recours.

27      Par acte déposé au greffe du Tribunal, le 16 juin 2004, la République italienne a demandé à intervenir à l’appui des conclusions de la requérante.

28      Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 27 juillet 2004, la République italienne a été admise à intervenir à l’appui des conclusions de la requérante. Elle a présenté ses observations lors de la procédure orale sur la base du rapport d’audience, conformément à l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal.

29      En application de l’article 14, paragraphe 1, du règlement de procédure et sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, les parties entendues conformément à l’article 51, paragraphe 1, dudit règlement, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

30      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’entendre les parties, dans un premier temps, sur le moyen tiré de l’incompétence de la Commission pour adopter la décision attaquée. Il a posé, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, une question écrite à la Commission, qui y a répondu dans le délai imparti.

31      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 19 septembre 2006.

32      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler, conformément à l’article 230 CE, la décision attaquée, qui lui a été notifiée le 30 décembre 2002 ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée et diminuer l’amende qui lui a été infligée en ce que la Commission :

–        a considéré que la requérante avait également participé à l’entente sur les prix, et qu’en conséquence la participation de la requérante à l’entente a commencé à partir du 1er avril 1993 ;

–        a appliqué à la requérante les circonstances aggravantes pour récidive ou, en tout cas, a retenu à cause de cette circonstance aggravante, une majoration de 50 % du montant de base de l’amende ;

–        n’a pas reconnu à la requérante des circonstances atténuantes autres que celles prévues pour coopération au titre de la « Communication de la Commission du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes » ;

–        a classé la coopération fournie par la requérante en vertu de la « Communication de la Commission du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes » sous D) au lieu de C) ;

–        en tout état de cause, a déterminé le montant de base de l’amende de manière disproportionnée eu égard à la gravité et à la durée de l’infraction et a, en tout cas, accordé une réduction de l’amende non conforme à la coopération effective de la requérante durant la phase administrative ;

–        dans tous les cas, condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter intégralement le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’instance.

 En droit

34      Au soutien de ses conclusions, la requérante invoque un moyen tiré de l’incompétence de la Commission pour constater une infraction à l’article 65 CA au moment de l’adoption de la décision attaquée.

35      Ce moyen comporte deux branches. La première est prise du défaut de compétence de la Commission pour appliquer les règles de concurrence du traité CECA après l’expiration dudit traité. La seconde est tirée de l’inapplicabilité du principe de la lex mitior. Il convient d’examiner d’abord la première branche du présent moyen.

 Arguments des parties

36      La requérante rappelle que, conformément à la volonté des États signataires exprimée à l’article 97 CA, l’ordre juridique institué par le traité CECA a automatiquement et entièrement cessé d’exister le 23 juillet 2002. Les normes attributives de ses compétences étant éteintes, la Commission n’aurait donc eu, au moment de l’adoption de la décision attaquée, le 17 décembre 2002, aucune compétence pour appliquer l’article 65 CA.

37      Elle explique que les Communautés sont fondées sur le principe des compétences d’attribution. Chacune des institutions devrait ainsi agir dans les limites des compétences qui lui ont été reconnues par chacun des traités. Or, aucune disposition du traité CE n’attribuerait à la Commission le pouvoir de poursuivre et de sanctionner des infractions aux dispositions du traité CECA après l’expiration dudit traité.

38      Elle relève que, même s’il existe des liens entre les différentes Communautés, les traités CECA, CE et CEEA ont institué des ordres juridiques distincts et autonomes. Le caractère autonome des ordres juridiques respectifs serait d’ailleurs confirmé par l’article 305 CE. Le cadre institutionnel unique auquel la Commission se réfère au considérant 349 de la décision attaquée ne changerait rien à cet égard. En effet, le traité du 8 avril 1965 instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes (ci‑après le « traité de fusion ») aurait conduit à l’unification des institutions, mais non à l’unification des trois Communautés, qui sont dotées chacune de leur propre personnalité juridique. Même le traité UE aurait maintenu l’autonomie des différents ordres juridiques communautaires.

39      Pour que la Commission puisse encore appliquer l’article 65 CA après l’expiration du traité CECA, les États membres auraient dû adopter une décision spécifique à cet effet. Quant à la référence dans la décision attaquée (considérant 331) à la communication du 18 juin 2002, la requérante soutient que, à défaut de toute décision des États signataires du traité CECA visant à régler le passage du régime relevant du traité CECA au régime relevant du traité CE pour ce qui concerne le droit de la concurrence, la communication en question était dépourvue de tout fondement juridique et illégale dès lors que la Commission se serait approprié des compétences que seuls les États signataires auraient pu exercer.

40      Au soutien de son argumentation selon laquelle le transfert à la Communauté européenne des compétences antérieurement exercées par la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) aurait exigé un acte des États membres, la requérante se réfère à la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant l’expiration du traité CECA (JO C 247, p. 5), à la décision 2002/234/CECA des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 27 février 2002, relative aux conséquences financières de l’expiration du traité CECA et au Fonds de recherche du charbon et de l’acier (JO L 79, p. 42) et à la décision 2002/595/CE des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 19 juillet 2002, relative aux conséquences de l’expiration du traité CECA sur les accords internationaux conclus par la CECA (JO L 194, p. 35).

41      La Commission soutient que le traité CE et le traité CECA font partie d’un seul et même ordre juridique qui est l’ordre juridique communautaire (avis de la Cour 1/91, du 14 décembre 1991, Rec. p. I‑6079, point 21). Elle explique que, en raison du caractère unique de cet ordre juridique, le juge communautaire a interprété des dispositions des traités CECA et CEEA en référence à des dispositions du traité CE, sur la base des principes communs auxquels se conforment tous les traités communautaires (arrêt de la Cour du 22 février 1990, Busseni, C‑221/88, Rec. p. I‑495, points 16 et 21). Ainsi, l’article 65 CA aurait été interprété en cohérence avec l’article 81 CE (arrêt de la Cour du 18 mai 1962, Geitling Ruhrkohlen-Verkaufsgesellschaft e.a./Haute Autorité, 13/60, Rec. p. 165 ; arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, points 262, 266 et 277).

42      Le caractère unique de l’ordre communautaire serait en outre corroboré par l’unicité prévalant au niveau institutionnel. La Commission se réfère à cet effet au traité de fusion, ainsi qu’à l’article 1er, troisième alinéa, UE, à l’article 3, paragraphe 1, UE et aux articles 48 UE et 49 UE.

43      La Commission fait observer que, à l’intérieur de l’ordre juridique communautaire, le traité CECA constituait une lex specialis qui dérogeait à la lex generalis du traité CE. Elle se réfère à cet effet à l’article 305, paragraphe 1, CE ainsi qu’à la jurisprudence (arrêt de la Cour du 24 octobre 1985, Gerlach, 239/84, Rec. p. 3507, points 9 à 11 ; avis de la Cour 1/94, du 15 novembre 1994, Rec. p. I‑5267, points 25 à 27 ; conclusions de l’avocat général M. Van Gerven sous l’arrêt de la Cour du 13 avril 1994, Banks, C‑128/92, Rec. p. I‑1209, I‑1212, point 8 ; arrêts du Tribunal du 5 juin 2001, ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, T‑6/99, Rec. p. II‑1523, point 102, et du 8 juillet 2003, Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, T‑374/00, Rec. p. II‑2275, point 68). La Commission soutient que, à l’expiration de la lex specialis, le 23 juillet 2002, la lex generalis constituée par le traité CE a retrouvé pleinement sa vis expansiva que l’article 305 CE avait limitée pendant toute la période de validité du traité CECA, de sorte que les secteurs qui relevaient précédemment du traité CECA auraient été soumis, depuis l’expiration du traité CECA, aux normes correspondantes du traité CE. À cet égard, la Commission se réfère au considérant 348 de la décision attaquée.

44      La requérante méconnaîtrait la nature sui generis de l’ordre juridique communautaire (arrêts de la Cour du 15 juillet 1964, Costa, 6/64, Rec. p. 1141, et du 13 novembre 1964, Commission/Luxembourg et Belgique, 90/63 et 91/63, Rec. p. 1217). En raison de l’unicité de l’ordre juridique communautaire et du rapport de lex specialis à lex generalis existant entre les traités CECA et CE, les conséquences de l’expiration du traité CECA ne seraient pas régies par des règles de droit international, mais devraient être appréciées à la lumière des dispositions existant au sein de l’ordre juridique communautaire.

45      À l’expiration du traité CECA, la transition entre le régime relevant du traité CECA et le régime relevant du traité CE en matière de concurrence se serait donc faite automatiquement sur la base du principe de la succession des règles dans le temps à l’intérieur du même ordre juridique. À cet égard, la Commission rappelle que les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à tous les litiges pendants au moment où elles entrent en vigueur, à la différence des règles de fond, qui sont habituellement interprétées comme ne visant pas des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur [arrêts de la Cour du 12 novembre 1981, Salumi, 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 9 ; du 6 juillet 1993, CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission, C‑121/91 et C‑122/91, Rec. p. I‑3873, point 22, et du 7 septembre 1999, De Haan, C‑61/98, Rec. p. I‑5003, point 13].

46      Conformément à ces principes, la Commission aurait appliqué, après l’expiration du traité CECA, les règles de procédure du règlement n° 17. Quant aux dispositions matérielles, la décision attaquée concernerait une entente mise en œuvre jusqu’en 2000. La seule disposition violée par les destinataires de la décision attaquée aurait dès lors été l’article 65, paragraphe 1, CA. En d’autres termes, l’article 81 CE ne serait pas mentionné dans la décision attaquée en raison du fait que l’article 65 CA constituait la disposition matérielle en vigueur à l’époque où les comportements anticoncurrentiels ont été mis en œuvre. La Commission soutient encore que le fait qu’une procédure administrative visant à appliquer l’article 65 CA à des faits survenus alors que le traité CECA était en vigueur a nécessité des délais excédant la durée du traité CECA ne peut pas avoir pour conséquence de priver l’article 65 CA de son effet utile bien avant la date d’expiration dudit traité et de rendre inefficace l’obligation de ne pas fausser la dynamique concurrentielle que ledit article imposait directement à tout opérateur économique.

47      L’application de l’article 65 CA à des infractions commises avant l’expiration du traité CECA serait donc la conséquence logique et cohérente des principes concernant la succession des règles dans le temps au sein d’un même ordre juridique. Elle insiste sur le fait qu’elle a pu légalement adopter la décision attaquée, puisqu’elle est restée, après l’expiration du traité CECA, l’organe compétent aux termes du traité CE pour appliquer les règles de concurrence. Elle souligne aussi qu’elle s’est limitée à appliquer des dispositions du traité CECA qui possèdent un équivalent évident dans le traité CE.

48      Ensuite, la Commission affirme que la communication du 18 juin 2002 ne constitue pas la base juridique de la décision attaquée. En effet, dans cette communication, la Commission aurait expliqué, dans un esprit de transparence, de quelle façon, sur la base des principes généraux du droit aurait lieu la transition entre le traité CECA et le traité CE. Elle renvoie sur ce point au considérant 351 de la décision attaquée. La communication du 18 juin 2002 serait ainsi de nature purement déclaratoire. Elle ne prorogerait pas l’application des dispositions du traité CECA au-delà de la date d’expiration de celui-ci.

49      Selon la Commission, il ne ressort nullement de la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant l’expiration du traité CECA que les États membres auraient dû adopter une décision spécifique pour que la Commission puisse appliquer l’article 65 CA à des comportements qui ont eu lieu avant l’expiration du traité CA.

50      En ce qui concerne la décision 2002/234, la Commission soutient que le transfert du patrimoine de la CECA à la Communauté européenne ne pouvait pas se produire automatiquement dans la mesure où le traité CE ne comporte aucune disposition de nature à subroger automatiquement la Communauté européenne aux droits et aux obligations patrimoniales de la CECA. À défaut de décision spécifique, les fonds de la CECA seraient retournés aux États membres à la date de l’expiration du traité CECA [voir premier considérant de la décision 2002/234 et communication COM (2000) 518 final de la Commission, du 6 septembre 2000]. L’adoption d’un acte ad hoc par les États membres, lequel s’est ensuite concrétisé par le protocole C du traité de Nice, aurait donc été nécessaire pour réaliser le transfert des fonds de la CECA à la Communauté européenne. En revanche, la protection de la concurrence dans les secteurs du charbon et de l’acier serait passée automatiquement sous le régime de la Communauté européenne à l’échéance du traité CECA, par l’effet de la fin de la limite posée par l’article 305 CE à la vis expansiva de la lex generalis.

51      Quant à la décision 2002/595, la Commission explique que la nécessité de régler les conséquences de l’expiration du traité CECA sur les accords internationaux par une décision spécifique des États membres est née, premièrement, de la volonté politique de maintenir le régime « spécifique » prévu par lesdits accords pour les produits relevant de la CECA même après l’expiration du traité CECA et, deuxièmement, de l’impossibilité pour la Communauté européenne de se proclamer automatiquement successeur de la CECA dans les rapports avec les pays tiers sur la base de dispositions du traité CE, ces derniers ne pouvant être liés par une règle « interne » de l’ordre communautaire telle que l’article 305 CE. La décision 2002/595 aurait ainsi transféré explicitement à la Communauté européenne les droits et obligations de la CECA dans les rapports avec les pays tiers. L’article 1er de la décision 2002/596/CE du Conseil, du 19 juillet 2002, relative aux conséquences de l’expiration du traité CECA sur les accords internationaux conclus par la CECA (JO L 194, p. 36), aurait entériné ce transfert. La Commission ajoute que, conformément à l’article 2 de cette dernière décision, elle était tenue d’informer les pays tiers dudit transfert et de négocier, si nécessaire, les modifications à apporter aux accords.

 Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

52      Il y a lieu de rappeler d’abord que les traités communautaires ont instauré un nouvel ordre juridique au profit duquel les États ont limité, dans des domaines de plus en plus étendus, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants (avis de la Cour 1/91, point 41 supra, point 21).

53      Au sein de cet ordre juridique communautaire, les institutions ne disposent que des compétences d’attribution (avis de la Cour 2/00, du 6 décembre 2001, Rec. p. I‑9713, point 5 ; arrêt de la Cour du 13 décembre 2001, Parlement/Conseil, C‑93/00, Rec. p. I‑10119, point 39). Pour cette raison, les actes communautaires mentionnent dans leur préambule la base juridique qui habilite l’institution concernée à agir dans le domaine en cause. Le choix de la base juridique appropriée revêt en effet une importance de nature constitutionnelle (avis de la Cour 2/00, précité, point 5).

54      En l’espèce, la décision attaquée, qui a été adoptée à un moment où le traité CECA avait déjà expiré, constate une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et impose aux entreprises ayant prétendument violé cette disposition, une amende pécuniaire. Au vu des arguments invoqués dans le cadre du présent moyen, il y a lieu d’identifier, dans un premier temps, la base juridique sur laquelle est fondée la décision attaquée. Dans un deuxième temps, il sera examiné si la base juridique utilisée conférait compétence à la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, au moment de l’adoption de la décision attaquée.

 Sur la base juridique sur laquelle la décision attaquée est fondée

55      Il doit être constaté que le préambule de la décision attaquée ne comporte que des références à des dispositions du traité CECA, à savoir, respectivement, les articles 65 CA, 47 CA et 36 CA.

56      Il importe de rappeler, d’une part, que l’article 47 CA habilite la Commission à recueillir les informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission et à procéder à des vérifications et, d’autre part, que l’article 36 CA oblige la Commission à entendre les parties concernées avant d’imposer des sanctions pécuniaires ou de fixer des astreintes. Les références à ces dispositions dans le préambule de la décision attaquée se rapportent ainsi aux actes de procédure pris avant l’adoption de la décision attaquée.

57      Quant à l’article 65 CA, il doit être relevé que non seulement il comporte une disposition matérielle s’adressant aux entreprises et aux associations d’entreprises en interdisant certains comportements anticoncurrentiels (paragraphe 1), mais que, également, il fournit une base juridique à l’action de la Commission. En effet, l’article 65, paragraphe 4, CA habilite la Commission à constater des infractions à l’article 65, paragraphe 1, CA. En outre, l’article 65, paragraphe 5, CA, autorise la Commission à imposer des amendes aux entreprises qui ont violé l’article 65, paragraphe 1, CA.

58      Au vu des dispositions mentionnées dans le préambule, il y a lieu de considérer que la décision attaquée, qui constate une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et qui inflige des amendes aux entreprises ayant prétendument violé cette disposition, trouve sa base juridique dans l’article 65, paragraphe 4, CA pour la constatation de l’infraction et dans l’article 65, paragraphe 5, CA pour l’imposition de l’amende. La Commission a d’ailleurs reconnu à l’audience que la référence à l’article 65 CA dans le préambule de la décision attaquée se rapportait aux paragraphes 4 et 5 de cette disposition.

59      Toutefois, à l’audience, la Commission a soutenu que la décision attaquée trouvait également sa base juridique dans le règlement n° 17.

60      À cet égard, il doit être rappelé que le règlement n° 17, qui a entre‑temps été abrogé par l’article 43 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), confère, en son article 3, compétence à la Commission pour constater des infractions aux articles 81 CE et 82 CE et, en son article 15, paragraphe 2, compétence à cette même institution pour imposer des amendes aux entreprises et associations d’entreprises ayant participé à de telles infractions.

61      Force est de constater que ni le préambule ni les motifs de la décision attaquée ne contiennent une référence à une base juridique constituée par l’article 3 ou par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Les seules références à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, contenues aux considérants 335 et 343 de la décision attaquée, concernent la discussion sur la lex mitior afin de justifier, dans la présente espèce, l’application de l’article 65, paragraphe 5, CA et non de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

62      À l’audience, la Commission a d’abord qualifié l’omission d’une référence au règlement n° 17 dans le préambule de la décision attaquée d’erreur matérielle, puis d’erreur formelle ou encore d’erreur de plume. Ensuite, elle a expliqué que la décision attaquée devait être lue à la lumière de la deuxième communication des griefs, du 12 août 2002, qui, elle, aurait été fondée sur le règlement n° 17. Enfin, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a identifié les passages de la décision attaquée qui, selon elle, démontreraient que la décision attaquée est fondée sur l’article 3 et sur l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Il s’agirait, d’une part, de la mention du comité consultatif dans le préambule et, d’autre part, des considérants 335, 342, 343, 345, 346, 348 à 350, 352 et 353 de la décision attaquée.

63      Il y a donc lieu d’examiner si les éléments identifiés au point précédent démontrent à suffisance de droit que la Commission a également fondé la décision attaquée sur l’article 3 et sur l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, malgré l’omission de références expresses en ce sens dans la décision attaquée.

64      En premier lieu, il importe de rappeler que, après avoir été interrogée sur ce point à l’audience, la Commission a reconnu que les affirmations contenues dans différents considérants des motifs mentionnés au point 62 ci-dessus se rapportaient au droit matériel (considérants 335, 342 et 343) ou procédural (considérants 352 et 353) applicables et ne concernaient pas spécifiquement sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA après l’expiration du traité CECA. Ensuite, elle a reconnu que les considérants 345 et 346 ne faisaient que reproduire l’argumentation développée par la requérante et les autres parties à la prétendue entente au cours de la procédure administrative.

65      En deuxième lieu, quant aux considérants 348 et 349 de la décision attaquée, force est de constater que ceux-ci contiennent des références générales à la lex specialis, au traité de fusion et à l’article 305 CE, mais ne contiennent aucune indication de ce que la décision attaquée serait fondée sur l’article 3 et sur l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

66      En troisième lieu, la référence au comité consultatif dans le préambule concerne une référence à une étape procédurale prévue par l’article 10, paragraphe 3, du règlement n° 17 et confirme donc que la Commission a appliqué les règles de procédure du règlement n° 17 après l’expiration du traité CECA alors que les références aux articles 36 CA et 47 CA dans le même préambule confirment que, avant l’expiration du traité CECA, ce sont les règles de procédure du traité CECA qui ont été appliquées.

67      Toutefois, la référence au comité consultatif n’indique nullement que la Commission a également fondé, dans la présente espèce, sa compétence sur l’article 3 et sur l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. En effet, la seule indication dans le préambule relative à la base juridique utilisée par la Commission pour constater et sanctionner l’infraction concernée est constituée par l’article 65 CA. Il importe de rappeler à cet effet que la Commission a reconnu à l’audience que la référence à l’article 65 CA du préambule se rapportait à son paragraphe 4, pour la constatation de l’infraction, et à son paragraphe 5, pour l’imposition de l’amende.

68      En quatrième lieu, à l’audience, la Commission a, en particulier, insisté sur la première phrase du considérant 350, qui démontrerait d’une manière implicite, mais certaine, que la décision attaquée est fondée sur l’article 3 et sur l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

69      Il importe de rappeler à cet effet que le considérant 350 de la décision attaquée est formulé comme suit :

« Les conséquences de la fin de la lex specialis doivent être toutefois précisées en ce qui concerne les dispositions qui autorisent la Commission à infliger des sanctions. Dans ce cas, l’application de la loi matérielle en vigueur au moment du déroulement des faits apparaît justifiée, l’application des règles de procédure adoptées depuis lors devant être maintenue. »

70      Force est de constater d’abord que le considérant 350 de la décision attaquée ne concerne que la compétence de la Commission pour infliger des amendes. En effet, la première phrase du considérant 350 ne se réfère qu’aux « dispositions qui autorisent la Commission à infliger des sanctions ». La seconde phrase dudit point qui devrait expliquer davantage la compétence de la Commission à la lumière de l’expiration de la lex specialis ne précise pas quelles sont « les dispositions qui autorisent la Commission à infliger des sanctions ». Elle mentionne uniquement la loi matérielle et les règles de procédure applicables et n’adresse nullement la question de la compétence de la Commission pour « infliger des sanctions ».

71      La décision attaquée ne précise donc pas au considérant 350 quelles sont « les dispositions qui autorisent la Commission à infliger des sanctions ». Lue isolément, la première phrase du point 350 pourrait se référer à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ou à l’article 65, paragraphe 5, CA.

72      Toutefois, lorsque le point 350 de la décision attaquée est lu conjointement avec la section 8 de la décision attaquée, qui concerne l’imposition de l’amende et qui est intitulée « Applicabilité de l’article 65, paragraphe 5, CA », il apparaît clairement que la Commission a fondé sa compétence pour imposer des amendes dans la présente espèce sur l’article 65, paragraphe 5, CA. Ainsi, le considérant 515 rappelle que, « [c]onformément à l’article 65, paragraphe 5, CA, la Commission peut infliger des amendes aux entreprises [concernées] ».

73      Il ressort en outre tout aussi clairement des considérants 515 à 518 que la décision attaquée est fondée exclusivement sur l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA. En effet, le paragraphe 4 est cité littéralement au considérant 516 pour expliquer que la Commission a compétence pour constater qu’une infraction a été commise par Federacciai, une association d’entreprises, mais qu’elle n’a pas compétence, conformément à l’article 65, paragraphe 5, CA, pour lui imposer une amende. En effet, l’article 65, paragraphe 5, CA donne uniquement compétence à la Commission pour imposer des amendes à des entreprises et non à des associations d’entreprises. Si, comme le prétend la Commission, la décision attaquée était fondée sur le règlement n° 17, une telle appréciation juridique aurait été dépourvue de pertinence. En effet, l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ne fait aucune distinction entre entreprises et associations d’entreprises pour ce qui concerne la compétence de la Commission pour imposer des amendes.

74      De même, la section 7 de la décision attaquée, intitulée « Inapplicabilité de l’article 65, paragraphe 2, CA » contient une autre indication de ce que la Commission a fondé la décision attaquée sur l’article 65 CA, et non sur les dispositions du règlement n° 17. Ainsi, au considérant 514 de la décision attaquée, la Commission a examiné le point de savoir si elle pouvait autoriser l’entente visée par la décision attaquée, conformément à l’article 65, paragraphe 2, CA. Or, la Commission ne s’est nullement référée à l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 17, qui lui confère la compétence d’accorder des exemptions, mais a fondé sa compétence uniquement sur l’article 65, paragraphe 2, CA.

75      En cinquième lieu, quant à la lecture de la décision attaquée à la lumière de la deuxième communication des griefs du 12 août 2002, il doit être constaté que la Commission y affirme avoir ouvert une nouvelle procédure sur la base du règlement n° 17 et se réfère en outre explicitement à l’article 3 dudit règlement (communication des griefs supplémentaire, point 2).

76      Toutefois, cet élément ne suffit pas en tant que tel pour constater que la base juridique de la décision attaquée est constituée par l’article 3 et par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Au contraire, il y a lieu de considérer que l’omission de toute référence à l’article 3 et à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 dans le préambule de la décision attaquée ainsi que l’omission de toute référence auxdites dispositions dans les motifs de celle-ci résultent plutôt d’un choix délibéré opéré par la Commission. En effet, il ne saurait être admis, dans les circonstances de l’espèce, que la Commission, après avoir entamé un débat avec la requérante et les autres parties à la prétendue entente sur le recours controversé au règlement n° 17 en tant que base juridique par le biais d’une communication des griefs supplémentaire, aurait simplement oublié de mentionner cette base juridique dans la décision attaquée.

77      En sixième lieu, cette lecture de la décision attaquée apparaît corroborée par le fait que, au cours de la procédure écrite, la Commission elle-même a clairement affirmé que « le pouvoir de sanction exercé en l’espèce ne découle pas du règlement n° 17, qui ne contient que des dispositions de procédure, mais directement de l’article 65, paragraphe 5, CA » (mémoire en défense, point 54).

78      Ce n’est donc que lors de l’audience que la Commission a pour la première fois clairement indiqué que, selon elle, la décision attaquée était également fondée sur l’article 3 et sur l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

79      Dans ces conditions, eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent ainsi qu’aux différentes références explicites à la base juridique constituée par l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA dans la décision attaquée (préambule de la décision attaquée et considérants 515 à 518 de celle-ci) et à l’absence totale de référence à l’article 3 et à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 en tant que base juridique, il doit être constaté que la décision attaquée a été fondée uniquement sur l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA.

 Sur la compétence de la Commission pour constater et pour sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA après l’expiration du traité CECA

–       Sur les rapports entre les traités CECA et CE

80      Il y a lieu de rappeler que le champ d’application du traité CECA était matériellement circonscrit. En effet, le traité CECA ne concernait que deux produits, à savoir le charbon et l’acier, tels que définis à l’article 81 CA et à l’annexe I du traité CECA. Dès lors que le traité CEE (devenu traité CE) est rédigé en des termes généraux s’appliquant à tout secteur économique, et donc en principe également aux produits relevant du traité ECA (voir, en ce sens, avis 1/94, point 43 supra, point 27), les auteurs du traité E ont inclus dans ce traité une disposition visant à éviter la primauté des dispositions du traité CE par rapport aux dispositions du traité CECA.

81      C’est ainsi que l’article 305, paragraphe 1, CE précise :

« Les dispositions du […] traité [CE] ne modifient pas celles du traité [CECA], notamment en ce qui concerne les droits et obligations des États membres, les pouvoirs des institutions de [la CECA] et les règles posées par ce traité pour le fonctionnement du marché commun du charbon et de l’acier. »

82      Il en résulte que, en ce qui concerne le fonctionnement du marché commun, les règles du traité CECA et l’ensemble des dispositions prises pour son application sont demeurées en vigueur, nonobstant l’intervention du traité CE (arrêts de la Cour Gerlach, point 43 supra, point 9, et du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 100).

83      Toutefois, dans la mesure où des questions ne faisaient pas l’objet de dispositions du traité CECA ou de réglementations adoptées sur la base de ce dernier, le traité CE et les dispositions prises pour son application pouvaient, même avant l’expiration du traité CECA, s’appliquer à des produits relevant du traité CECA (arrêts de la Cour du 15 décembre 1987, Deutsche Babcock, 328/85, Rec. p. 5119, point 10, et Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, point 82 supra, point 100 ; avis 1/94, point 43 supra, point 27).

84      Il importe de rappeler, également, que, conformément à l’article 97 CA, le traité CECA a expiré le 23 juillet 2002. Dès lors que le traité CE a un champ d’application général, les secteurs qui relevaient précédemment du traité CECA, entrent, à partir du 24 juillet 2002, dans le champ d’application du traité CE.

–       Sur le point de savoir si l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA conférait compétence à la Commission pour adopter la décision attaquée

85      La décision attaquée a été adoptée, le 17 décembre 2002, sur le fondement de l’article 65, paragraphe 4, CA, pour ce qui concerne la constatation de l’infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA, et sur le fondement de l’article 65, paragraphe 5, CA, pour ce qui concerne l’imposition des amendes aux entreprises ayant prétendument participé à l’infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA.

86      S’agissant de la compétence de la Commission pour adopter la décision attaquée sur le fondement de l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, après l’expiration du traité CECA, la Commission explique, au considérant 348 de la décision attaquée, que « le traité CE et le traité CECA appartiennent au même ordre juridique, l’ordre juridique communautaire, à l’intérieur duquel ce dernier traité a constitué, jusqu’au 23 juillet 2002, une lex specialis ». Elle se réfère, au point 349 de la décision attaquée, à l’article 305, paragraphe 1, CE et au cadre institutionnel unique (traité de fusion et article 3 UE). Pour souligner l’unicité de l’ordre juridique communautaire, la Commission rappelle, dans ses mémoires, que le juge communautaire a interprété des dispositions des traités CECA et CEEA en référence à des dispositions du traité CE, sur la base des principes communs auxquels se conforment tous les traités communautaires (arrêt Busseni, point 41 supra, points 16 et 21).

87      À l’expiration du traité CECA, la transition entre le régime relevant du traité CECA et le régime relevant du traité CE en matière de concurrence se serait faite automatiquement sur la base du principe de la succession des règles dans le temps à l’intérieur du même ordre juridique [arrêts Salumi, point 45 supra, point 9 ; CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission, point 45 supra, point 22, et De Haan, point 45 supra, point 13]. Au considérant 331 de la décision attaquée, qui comporte une référence au point 31 de la communication du 18 juin 2002, la Commission explique que « le droit matériel applicable » est « celui en vigueur au moment où les faits constitutifs de l’infraction se sont produits » et que, « sur le plan procédural, le droit applicable après l’expiration du traité CECA [est] le droit CE ». Au point 350 de la décision attaquée, la Commission ajoute que « l’application de la loi matérielle en vigueur au moment des faits apparaît justifiée » et elle affirme, au point 352 de la décision attaquée, que « les règles de procédure applicables sont celles en vigueur au moment où la mesure en question est adoptée ».

88      Il y a donc lieu d’examiner si les éléments précités permettent de conclure que l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA conférait, au moment de l’adoption de la décision attaquée, compétence à la Commission pour adopter ladite décision.

89      À cet égard, il doit être rappelé que le traité CECA constituait, en vertu de l’article 305, paragraphe 1, CE, une lex specialis dérogeant à la lex generalis qu’est le traité CE (conclusions de l’avocat général M. Van Gerven sous l’arrêt Banks, point 43 supra, point 8 ; arrêts ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, point 43 supra, point 102, et Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, point 43 supra, point 68).

90      Le fait que le traité CECA constituait une lex specialis a eu pour conséquence que, à l’expiration dudit traité, la lex generalis est devenue automatiquement applicable. Ainsi, au considérant 348 de la décision attaquée, la Commission a constaté, à juste titre, que « à partir du 24 juillet 2002, les secteurs qui relevaient précédemment du traité CECA, de ses dispositions de procédure et de la législation dérivée sont soumis aux normes qui dérivent du traité CE ». Dans le domaine de la concurrence, cette constatation implique que les comportements des entreprises et associations d’entreprises relevant précédemment du traité CECA sont susceptibles de tomber dans le champ d’application des articles 81 CE et 82 CE à partir du 24 juillet 2002.

91      Toutefois, le présent moyen ne concerne nullement l’application de l’article 81 CE à une entente dans le secteur sidérurgique après l’expiration du traité CECA. Il concerne la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA sur la base de l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA.

92       La nature de lex specialis du traité CECA par rapport au traité CE ne donne aucun appui à la thèse de la Commission selon laquelle elle serait encore compétente pour fonder une décision sur la lex specialis après l’expiration de celle-ci. Il doit être rappelé à cet effet que l’article 305, paragraphe 1, CE, dont le juge communautaire a déduit la nature de lex specialis du traité CECA par rapport au traité CE, confirme purement et simplement l’expiration du traité CECA au 23 juillet 2002 dans la mesure où il prévoit que les dispositions du traité CE ne modifient pas celles du traité CECA et que l’article 97 CA prévoit explicitement l’expiration dudit traité à cette date.

93      De même, le caractère unique de l’ordre juridique communautaire auquel se réfère la Commission au point 349 de la décision attaquée et qu’elle tire de l’unicité au niveau institutionnel et de la nécessité d’une interprétation cohérente des dispositions contenues dans les différents traités communautaires n’est pas de nature à conférer une compétence à la Commission pour constater une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et imposer une amende aux entreprises concernées sur le fondement de l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA après l’expiration du traité CECA. Il doit être souligné à cet égard que, malgré le cadre institutionnel unique résultant du traité de fusion, la fusion des Communautés n’a jamais été réalisée. En outre, l’interprétation cohérente des dispositions de droit matériel des différents traités n’a aucune incidence sur les compétences attribuées aux différentes institutions par les différents traités. En effet, dans le cadre de chaque traité, les institutions sont compétentes pour exercer les seuls pouvoirs qui leur ont été attribués par ce traité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 septembre 2005, Commission/Conseil, C‑176/03, Rec. p. I‑7879, points 38 à 53).

94      Quant à l’argument tiré des principes régissant la succession des règles dans le temps, il ressort de la jurisprudence que les règles communautaires de droit matériel doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, comme ne visant pas, en principe, des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur alors que les règles de procédure sont d’application directe [arrêts Salumi, point 45 supra, point 9 ; CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission, point 45 supra, point 22, et De Haan, point 45 supra, point 13 ; arrêts du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 55, et du 28 janvier 2004, Euroagri/Commission, T‑180/01, Rec. p. II‑374, point 36].

95      Il convient néanmoins de relever que la question de la compétence d’une institution est préalable à la question de savoir quelles règles matérielles et procédurales sont d’application. En effet, après avoir déterminé, dans un premier temps, qu’une institution a compétence pour adopter un acte sur la base d’une disposition spécifique du traité ou du droit dérivé, il y a lieu de déterminer, dans un deuxième temps, les règles matérielles et procédurales applicables, conformément aux principes régissant la succession des règles dans le temps.

96      Il importe de souligner à cet égard que la disposition constituant la base juridique d’un acte et habilitant l’institution communautaire à adopter l’acte en cause doit être en vigueur au moment de l’adoption de celui-ci (arrêt de la Cour du 4 avril 2000, Commission/Conseil, C‑269/97, Rec. p. I‑2257, point 45 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, points 78 à 114). En revanche, les principes régissant la succession des règles dans le temps peuvent conduire à l’application de dispositions matérielles qui ne sont plus en vigueur au moment de l’adoption d’un acte par une institution communautaire.

97      En se référant aux considérants 331 et 350 à 352 de la décision attaquée aux principes régissant la succession des règles dans le temps afin de justifier sa compétence pour adopter la décision attaquée, la Commission a opéré une confusion entre la disposition matérielle s’adressant aux entreprises, à savoir l’article 65, paragraphe 1, CA, et la base juridique pour l’action de la Commission, à savoir l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA. Elle a déduit automatiquement de la disposition matérielle applicable sa compétence pour fonder une décision sur la base d’une disposition entre-temps éteinte.

98      Toutefois, dès lors que, d’une part, il ressort de la jurisprudence, point 96 supra, que la disposition constituant la base juridique d’un acte doit être en vigueur au moment de l’adoption de celui-ci et que, d’autre part, conformément à l’article 97 CA, l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA avait expiré le 23 juillet 2002, la Commission ne pouvait plus tirer de compétence desdites dispositions éteintes au moment de l’adoption de la décision attaquée pour constater une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA et pour imposer des amendes aux entreprises qui auraient participé à ladite infraction.

99      Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être accueillie et que la décision attaquée est illégale.

100    Partant, la décision attaquée doit être annulée à l’égard de la requérante.

 Sur les dépens

101    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

102    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. La République italienne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2002) 5087 final de la Commission, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (COMP/37.956 – Ronds à béton), est annulée à l’égard de Ferriere Nord SpA.

2)      La Commission est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Ferriere Nord.

3)      La République italienne supportera ses propres dépens.

Vilaras

Martins Ribeiro

Dehousse

Šváby

 

       Jürimäe

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : l’italien.