Language of document : ECLI:EU:T:2011:671

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 novembre 2011(*)

« Concurrence – Ententes – Marché des sacs industriels en plastique – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Imputabilité du comportement infractionnel – Amendes – Limite maximale de 10 % du chiffre d’affaires – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑72/06,

Groupe Gascogne SA, établie à Saint-Paul-lès-Dax (France), représentée initialement par Me C. Lazarus, puis par Mes P. Hubert et E. Durand, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. F. Castillo de la Torre et F. Arbault, puis par MM. Castillo de la Torre et N. von Lingen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle et une demande de réformation de la décision C (2005) 4634 final de la Commission, du 30 novembre 2005, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE (Affaire COMP/38354 – Sacs industriels), concernant une entente sur le marché des sacs industriels en plastique et une demande de réformation de ladite décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 février 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Groupe Gascogne SA, est une société anonyme de droit français qui, depuis 1994, contrôle Gascogne Sack Deutschland GmbH, anciennement dénommée Sachsa Verpackung GmbH (ci-après « Sachsa »). Elle détient directement 10 % des parts sociales de Sachsa et sa filiale, Gascogne Deutschland GmbH, détient les 90 % restants des parts sociales de Sachsa.

2        En novembre 2001, British Polythene Industries plc a informé la Commission des Communautés européennes de l’existence d’une entente dans le secteur des sacs industriels et a exprimé le souhait de coopérer avec la Commission dans le cadre des dispositions de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4).

3        Les 26 et 27 juin 2002, la Commission a procédé à des vérifications auprès de treize entreprises en application de l’article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

4        Le 29 avril 2004, la Commission a engagé la procédure administrative et a adopté une communication des griefs, sur laquelle les sociétés destinataires ont été mises en mesure de faire connaître leurs observations, conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17, à l’article 27, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), au règlement (CE) n° 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81 CE] et [82] [CE] (JO L 354, p. 18), et à l’article 10 du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 CE (JO L 123, p. 18). Une audition s’est tenue du 26 au 28 juillet 2004.

5        Le 30 novembre 2005, la Commission a adopté la décision C(2005) 4634 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE (Affaire COMP/F/38.354 – Sacs industriels) (ci-après la « décision attaquée »).

6        L’article 1er, paragraphe 1, sous k), de la décision attaquée dispose que la requérante a, du 1er janvier 1994 au 26 juin 2002, enfreint l’article 81 CE en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur des sacs industriels en matière plastique en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, ayant porté sur la fixation des prix et la mise en place de modèles communs de calcul de prix, le partage des marchés et l’attribution de quotas de vente, l’allocation de clients, d’affaires et de commandes, la soumission concertée à certains appels d’offres ainsi que l’échange d’informations individualisées.

7        L’article 2, premier alinéa, sous i), de la décision attaquée dispose que la requérante est tenue pour solidairement responsable, à hauteur d’un montant de 9,9 millions d’euros, du paiement de l’amende d’un montant de 13,2 millions d’euros qui a été infligée à Sachsa.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 février 2006, la requérante a introduit le présent recours.

9        La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, paragraphe 1, sous k), l’article 2, premier alinéa, sous i), et l’article 4, premier alinéa, point 12, de la décision attaquée ;

–        réformer l’article 2, premier alinéa, sous i), de la décision attaquée en ce qu’il inflige à Sachsa une sanction pécuniaire supérieure à 10 % de son chiffre d’affaires ;

–        à titre subsidiaire, réformer l’article 2, premier alinéa, sous i), de la décision attaquée en réduisant le montant de l’amende infligée conjointement et solidairement à Sachsa et à elle.

10      Dans la réplique, la requérante conclut également à ce qu’il plaise au Tribunal de condamner la Commission aux dépens.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      Par lettre du 19 octobre 2010, la requérante a demandé la réouverture de la procédure écrite en raison de l’intervention d’un nouvel élément de droit en cours d’instance, à savoir l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et plus particulièrement de l’article 6 du traité sur l’Union européenne, qui élève la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1, ci-après la « charte ») au rang de droit primaire. Lors de l’audience, la requérante a exposé les arguments qu’elle entendait faire valoir à l’occasion de la réouverture de la procédure écrite et a précisé que ces arguments constituaient une ampliation des moyens avancés dans la requête.

13      Ayant pris une connaissance suffisante de ces arguments lors de l’audience, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu de rouvrir la procédure écrite. La demande en ce sens de la requérante est dès lors rejetée.

 En droit

14      Au soutien de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen, présenté à titre principal, est tiré d’une violation de l’article 81 CE en ce que la Commission a erronément imputé des pratiques de Sachsa à la requérante à partir du 1er janvier 1994 et, partant, a retenu à tort la responsabilité conjointe et solidaire de la requérante s’agissant du paiement d’une partie de l’amende infligée à Sachsa. Sur le fondement de ce premier moyen, la requérante demande au Tribunal d’annuler l’article 1er, paragraphe 1, sous k), l’article 2, premier alinéa, sous i), et l’article 4, premier alinéa, point 12, de la décision attaquée et de réformer l’article 2, premier alinéa, sous i), de la décision attaquée en ce qu’il inflige à Sachsa une sanction pécuniaire supérieure à 10 % de son chiffre d’affaires.

15      Le deuxième moyen, présenté à titre subsidiaire, est tiré d’une violation de l’article 81 CE en ce que la Commission a erronément interprété la notion d’entreprise au sens de cette disposition et, partant, a violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, du fait de la prise en compte du chiffre d’affaires consolidé du groupe de la requérante, ainsi que d’une violation de l’obligation de motivation à cet égard. Sur le fondement de ce deuxième moyen, la requérante demande au Tribunal d’annuler l’article 2, premier alinéa, sous i), de la décision attaquée.

16      Le troisième moyen, présenté à titre encore plus subsidiaire, est tiré d’une violation du principe de proportionnalité en ce que la Commission a infligé une amende excessive. Sur le fondement de ce troisième moyen, la requérante demande au Tribunal de réformer l’article 2, premier alinéa, sous i), de la décision attaquée et de réduire le montant de l’amende infligée conjointement et solidairement à Sachsa et à la requérante.

1.     Sur la recevabilité des chefs de conclusion de la requérante visant à la réduction de l’amende infligée à Sachsa, d’une part, et des arguments fondés sur la charte exposés par elle lors de l’audience, d’autre part

 Sur les chefs de conclusion de la requérante visant à la réduction de l’amende infligée à Sachsa

 Arguments des parties

17      La Commission fait observer que les chefs de conclusion de la requérante tendant à la réduction de l’amende infligée à Sachsa sont irrecevables, dans la mesure où celle-ci a introduit le présent recours en son nom propre et non au nom de Sachsa, laquelle a introduit un autre recours en son nom propre. Le Tribunal serait, par conséquent, uniquement saisi des éléments de la décision attaquée concernant la requérante.

18      La requérante conteste le bien-fondé des arguments de la Commission.

 Appréciation du Tribunal

19      Il convient de constater, à titre liminaire, que les conclusions de la requérante visent, notamment, à la réformation de l’article 2, premier alinéa, sous i), de la décision attaquée en ce que celui-ci prévoit une amende d’un montant de 13,20 millions d’euros à Sachsa et en ce qu’il prévoit la responsabilité solidaire de la requérante et de Sachsa s’agissant du paiement d’une partie de cette amende.

20      S’agissant de la recevabilité des conclusions de la requérante tendant à la réduction de l’amende infligée à Sachsa, il y a lieu de rappeler, tout d’abord que, selon une jurisprudence constante, les décisions en matière d’ententes, telles que la décision attaquée, s’analysent comme des faisceaux de décisions individuelles et qu’une telle décision ne saurait être annulée qu’en ce qui concerne les destinataires ayant obtenu gain de cause dans leurs recours devant le juge de l’Union européenne et demeurerait contraignante à l’égard des destinataires n’ayant pas introduit de recours en annulation (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 100 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, Rec. p. I‑5363, points 49 et suivants).

21      Il s’ensuit que, dans la mesure où elles tendent à demander la réduction de l’amende infligée à Sachsa, les conclusions de la requérante ne sont pas recevables, celles-ci mettant en cause une sanction infligée à une personne morale tierce.

22      Cette circonstance ne s’oppose toutefois pas à ce que la requérante remette en cause, dans le cadre de ses moyens, le bien-fondé de la détermination par la Commission du montant de l’amende infligée à Sachsa, cette dernière et la responsabilité solidaire pesant sur la requérante s’agissant du paiement d’une partie de ladite amende étant indissociablement liées. En effet, la sanction infligée à la requérante a été déterminée en fonction de la sanction infligée à Sachsa, dès lors que le montant de départ de la sanction infligée à la requérante a été déterminé par référence à la part de marché de Sachsa. Aux fins d’obtenir la réduction du montant dont elle est tenue pour solidairement responsable du paiement, la requérante doit donc pouvoir contester la détermination de ce montant de départ. À cela s’ajoute le fait qu’il ressort de l’article 2, premier alinéa, sous i), de la décision attaquée que le montant de 9,9 millions d’euros dont la requérante est tenue pour solidairement responsable du paiement est une partie du montant de 13,2 millions d’euros correspondant à la sanction infligée à Sachsa. Ainsi, tout moyen susceptible d’aboutir à la considération selon laquelle le montant de l’amende infligée à Sachsa devait être inférieur à 9,9 millions d’euros serait, par voie de conséquence, susceptible de conduire à une réduction du montant de la partie de l’amende infligée à Sachsa dont la requérante est tenue pour solidairement responsable du paiement.

 Sur les arguments fondés sur la charte avancés au cours de l’audience

23      Il convient de rappeler qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal que la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, doit être déclaré recevable. Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du Tribunal du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T‑231/99, Rec. p. II‑2085, point 156).

24      En l’espèce, lors de l’audience, la requérante a exposé trois griefs et une demande, tous spécifiquement fondés sur la charte.

25      Les griefs sont tirés, premièrement, d’une violation de l’article 48 de la charte et de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, aux termes desquels tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie, deuxièmement, d’une infraction à l’article 41 de la charte, qui prescrit l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions, et, troisièmement, d’une violation consécutive de l’article 48 de la charte, qui garantit les droits de la défense.

26      La requérante demande également au Tribunal, sur le fondement de l’article 47 de la charte, de fixer le montant de l’amende en exerçant son pouvoir de pleine juridiction, sans faire application d’un contrôle limité à la motivation et à l’erreur manifeste d’appréciation et en respectant l’article 49 de la charte, qui prescrit l’imposition de sanctions proportionnées.

27      S’agissant des griefs de la requérante tirés d’une violation du principe de présomption d’innocence et des droits de la défense, garantis par l’article 48 de la charte, il convient de constater que ceux-ci s’ajoutent aux arguments développés dans le cadre des moyens invoqués au stade de la requête et ne présentent pas avec les arguments initialement développés un lien suffisamment étroit pour qu’ils puissent être considérés comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse. Ces griefs doivent donc être considérés comme étant nouveaux.

28      Il convient dès lors de déterminer si l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du traité sur l’Union européenne, et notamment de son article 6, qui confère à la charte la même valeur juridique que les traités, constitue un fait nouveau justifiant l’introduction de nouveaux griefs. À cet égard, il convient d’observer que les principes invoqués par la requérante relevaient de l’ordre juridique de l’Union et étaient protégés par celui-ci à la date d’adoption de la décision attaquée, en leur qualité de principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 9, et du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, points 149 et 150).

29      En outre, ainsi que la Commission le fait observer, il était loisible à la requérante d’invoquer la charte au stade de l’introduction de la requête, le juge de l’Union ayant fait référence à celle-ci à plusieurs reprises dans l’application des principes reconnus au sein de l’ordre juridique de l’Union, qu’elle consacrait.

30      Il y a ainsi lieu de considérer que la requérante ne saurait invoquer les modifications apportées dans l’ordre juridique de l’Union par l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne pour invoquer au stade de l’audience la violation de l’article 48 de la charte. Ces griefs étant tardifs, ceux-ci doivent en conséquence être rejetés comme irrecevables.

31      S’agissant du grief de la requérante tiré d’une violation de l’article 41 de la charte, qui prescrit l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d’une décision faisant grief doit permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle sur sa légalité et de fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est bien fondée. Par conséquent, un défaut ou une insuffisance de motivation, qui entravent ce contrôle juridictionnel, constituent des moyens d’ordre public qui peuvent, et même doivent, être soulevés d’office par le juge communautaire. L’examen de tels moyens pouvant donc avoir lieu à tout stade de la procédure, le requérant ne saurait être forclos à s’en prévaloir au seul motif qu’il ne les a pas soulevés à un stade antérieur (voir arrêt de la Cour du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, Rec. p. I‑983, points 23 à 25, et la jurisprudence citée).

32      S’agissant de la demande de la requérante tendant à ce que le Tribunal exerce son pouvoir de pleine juridiction conformément au droit à un recours effectif, garanti par l’article 47 de la charte, celle-ci ne présente aucun caractère substantiellement nouveau par rapport aux demandes introduites au stade de la requête.

33      Il résulte de tout ce qui précède que seuls les griefs tirés d’une violation du principe de présomption d’innocence et des droits de la défense, garantis par l’article 48 de la charte, sont irrecevables.

2.     Sur le fond

 Sur le premier moyen, présenté à titre principal, tiré d’une violation de l’article 81 CE en ce que la Commission a erronément imputé des pratiques de Sachsa à la requérante et, partant, a retenu à tort la responsabilité conjointe et solidaire de la requérante s’agissant du paiement d’une partie de l’amende infligée à Sachsa

 Arguments de la requérante

–       Sur les principes applicables et sur la charge de la preuve

34      La requérante fait valoir que la mise en cause d’une société mère dans le cadre d’une entente exige la participation directe ou indirecte de celle-ci à l’entente. Or, en l’espèce, le dossier ne contiendrait aucun élément permettant de supposer qu’elle ait participé directement à la prétendue entente. Elle fait observer, à cet égard, que la Commission n’a pas effectué de vérifications dans ses locaux et que celle-ci n’invoque pas sa participation directe à la prétendue infraction. Elle soutient avoir pris connaissance des pratiques illicites qui lui sont reprochées uniquement à la suite des vérifications effectuées par la Commission en juin 2002 dans les locaux de Sachsa.

35      Selon la requérante, la participation indirecte d’une société mère à une entente est reconnue dans l’hypothèse où, d’une part, les pratiques illicites sont toutes commises par la filiale et où, d’autre part, la filiale ne détermine pas de manière autonome son comportement sur le marché. La responsabilité de l’entente ne pourrait donc être imputée à la société mère que si les deux sociétés, mère et filiale, peuvent être considérées comme une seule et même entité économique. En revanche, tel ne serait pas le cas lorsque la filiale constitue une entité économique autonome en déterminant seule son comportement sur le marché.

36      La requérante fait valoir que l’absence d’autonomie dans la détermination du comportement sur le marché s’apprécie au cas par cas, sur la base d’un faisceau d’indices relatifs, notamment, à la détention du capital de la filiale et au contrôle sur les activités de vente et de marketing ainsi que sur le niveau des prix et des marges réalisées. Ainsi, la détention par une société mère de l’intégralité du capital de sa filiale ne saurait à elle seule démontrer l’absence d’autonomie de ladite filiale dans la détermination du comportement de cette filiale sur le marché. En effet, le principe de personnalité des délits et des peines exigerait la détermination effective du comportement de la filiale sur le marché, la seule possibilité pour la société mère d’exercer un tel pouvoir étant insuffisante.

37      La requérante fait également observer que la Commission exige une preuve positive et absolue d’un fait négatif, à savoir l’absence de contrôle effectif, et tend ainsi à défendre l’existence d’une présomption irréfragable de contrôle par la société mère de la filiale en cas de détention par la première de 100 % du capital de la seconde. En effet, quels que soient les éléments ayant été portés à la connaissance de la Commission lors de la procédure administrative, celle-ci aurait considéré que le contrôle de Sachsa pouvait être exercé par d’autres moyens. La requérante soutient avoir produit de nombreux éléments de nature à « ébranler » la présomption d’absence d’autonomie de Sachsa. La Commission aurait toutefois rejeté ces éléments comme insuffisants pour renverser ladite présomption, et ce sans justification et sans avoir demandé d’explications ou de compléments d’information au cours de la procédure administrative. Or, la circonstance que la charge de renverser la présomption incombe à la société mère n’autoriserait pas la Commission à ne prêter aucune attention aux éléments produits par cette société. En effet, cette dernière ne saurait se contenter d’une totale passivité au cours de la procédure administrative et d’un rejet non motivé des éléments avancés par la société mère aux fins de renverser ladite présomption.

38      La requérante estime que, bien qu’elle détenait théoriquement la possibilité d’influencer le comportement de Sachsa sur le marché, elle n’a jamais exercé cette faculté. Elle fait valoir qu’elle n’avait aucun intérêt à s’immiscer dans la politique commerciale de Sachsa, dès lors que celle-ci a toujours fait preuve d’une rentabilité satisfaisante et que le gérant de cette filiale, qui avait une forte personnalité, entendait conserver toute latitude pour diriger l’entreprise. De plus, la Commission n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles Sachsa, qui aurait agi de manière indépendante jusqu’au 1er janvier 1994, aurait soudainement participé à l’infraction alléguée sur ses instructions.

39      La requérante conteste que les éléments avancés par la Commission pour retenir l’absence d’autonomie de Sachsa permettent d’établir qu’elle déterminait le comportement de sa filiale sur le marché. Elle fait observer, à cet égard, que lesdits éléments sont de deux ordres, à savoir, d’une part, ceux qui sont susceptibles d’établir sa faculté de déterminer le comportement de la filiale sur le marché et, d’autre part, ceux qui sont susceptibles d’établir l’exercice effectif d’un tel pouvoir.

–       Sur les éléments tendant à établir la faculté de la requérante de déterminer le comportement de Sachsa sur le marché

40      La requérante fait observer, tout d’abord, que la Commission ne saurait se fonder sur son rapport annuel pour l’année 2001 pour considérer qu’elle avait davantage qu’un intérêt financier dans Sachsa. Elle soutient que, dans ce document, elle se félicitait uniquement des bonnes performances commerciales de sa filiale. Ce rapport annuel ne démontrerait donc pas qu’elle donnait des instructions à Sachsa. Au contraire, dès lors qu’elle n’avait aucune connaissance ni du marché allemand ni du secteur des sacs industriels, les résultats financiers satisfaisants de Sachsa ne donneraient pas lieu à immixtion dans la politique commerciale de cette filiale.

41      Ensuite, la requérante fait valoir que la Commission s’est principalement fondée sur des éléments tendant à établir la faculté de la société mère de déterminer le comportement de sa filiale sur le marché. À cet égard, elle fait observer que la détention de l’intégralité du capital de Sachsa lui confère indéniablement la faculté de déterminer le comportement de sa filiale. Partant, les arguments relatifs à la présence de ses dirigeants au sein de l’organe de surveillance de la gérance de Sachsa (ci-après le « Beirat »), qui ne dispose que d’un rôle consultatif, ne présentent qu’un intérêt limité, dès lors qu’ils ne font que confirmer sa faculté de déterminer le comportement de Sachsa sur le marché.

–       Sur les éléments tendant à établir l’exercice effectif par la requérante de son pouvoir de déterminer le comportement de Sachsa sur le marché

42      S’agissant des éléments tendant à établir l’exercice effectif par elle de son pouvoir de déterminer le comportement de Sachsa sur le marché, la requérante estime que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant que les pratiques de sa filiale lui étaient imputables sur le fondement de deux éléments, à savoir, d’une part, les rapports mensuels qui lui ont été adressés par le gérant de Sachsa et, d’autre part, le document intitulé « Charte Gascogne », qui prévoirait la création de « comités de branche » visant à permettre la supervision, le dialogue, le conseil, la coordination, le contrôle et le suivi des filiales du groupe de la requérante.

43      Selon la requérante, les rapports mensuels qui lui ont été adressés par le gérant de Sachsa ne contenaient que des tableaux présentant des données relatives aux résultats de la filiale durant le mois écoulé, accompagnées d’une comparaison avec le même mois de l’année précédente, ainsi que de brefs commentaires explicitant ces données. Ces documents ne contiendraient donc que de simples informations a posteriori que lui aurait transmises Sachsa et qui ne sauraient être assimilées à des instructions prescrivant un comportement à adopter sur le marché.

44      En ce qui concerne le document intitulé « Charte Gascogne », la requérante fait valoir que la Commission a opéré une lecture sélective dudit document, en omettant de mentionner les passages indiquant notamment que son groupe privilégiait l’autonomie de gestion à tous les niveaux, en contrepartie d’un contrôle a posteriori, et que les filiales jouissaient d’une grande autonomie en matière de politique commerciale. Ce document, qui démontrerait au mieux qu’elle disposait d’un contrôle a posteriori, ne permettrait pas d’établir qu’elle avait effectivement donné à Sachsa des instructions quant au comportement à adopter sur le marché.

45      À cet égard, s’agissant de l’argument de la Commission relatif aux limites prévues par le document intitulé « Charte Gascogne » à l’autonomie des sociétés composant son groupe, la requérante indique que la notion de « filière » et celle d’« approvisionnement en interne » ne concernent que le secteur des sacs en papier et non celui des sacs en matière plastique, son groupe n’étant pas actif en amont de ce marché. Elle ajoute que la volonté de favoriser les approvisionnements internes n’a été respectée par Sachsa qu’approximativement et ne saurait suffire pour considérer que cette dernière ne bénéficiait pas d’une autonomie dans la détermination de son comportement sur le marché des sacs en matière plastique.

46      La requérante fait observer que le « comité de branche », responsable des emballages souples dont relevaient les sacs industriels en matière plastique, ne se réunissait qu’une fois par an et n’abordait que des questions générales relatives à la stratégie de la branche concernant les investissements globaux et la croissance interne et externe. Ledit « comité de branche » n’aurait compris aucun représentant de ses filiales et n’aurait pas constitué un lieu d’échange entre elle et Sachsa. Par ailleurs, dans la mesure où il n’aurait compris aucun responsable opérationnel, ce « comité de branche » n’aurait pas davantage pu donner lieu à une discussion précise sur les différents marchés de la branche ou sur la stratégie commerciale. En effet, la branche « Emballages souples » aurait regroupé à l’époque des faits l’intégralité des activités du groupe dans le domaine des sacs ainsi que les activités dites complexes, à savoir l’ « adhésivage », le « siliconage », le « complexage » et le « gommage ». Treize sociétés ou sites aux activités diverses auraient ainsi fait partie de ladite branche. Selon la requérante, il ne saurait dès lors être considéré que, à raison d’une réunion annuelle d’environ une demi-journée, le « comité de branche » en cause donnait lieu à des discussions relatives à chaque filiale ou à d’éventuelles instructions relatives à leurs politiques commerciales. Elle ajoute que, en raison de sa taille, cette branche était devenue ingérable, de sorte que celle-ci a été scindée à l’occasion d’un changement de sa direction.

47      Par ailleurs, les procès-verbaux des réunions du Beirat ne laisseraient apparaître aucune instruction adressée à Sachsa quant au comportement que celle-ci devait adopter sur le marché. Il ressortirait de ces documents que le Beirat se serait uniquement livré à un contrôle a posteriori des comptes de Sachsa et qu’il n’aurait exercé qu’un rôle consultatif au sujet des grands investissements et du budget prévisionnel. En outre, sans même contester ce fait, la requérante soutient que la Commission s’est contentée de mettre en avant des éléments démontrant tout au plus qu’elle pouvait théoriquement influencer le comportement commercial de sa filiale, ce qui était d’ores et déjà établi par la circonstance qu’elle détenait l’intégralité du capital de sa filiale. La Commission ne disposerait d’aucun élément établissant que le Beirat a effectivement été utilisé pour donner au gérant de Sachsa des instructions prescrivant le comportement à adopter sur le marché.

48      S’agissant des procès-verbaux du Beirat qui, selon la Commission, laisseraient apparaître qu’elle exerçait un contrôle effectif sur Sachsa, la requérante fait observer, tout d’abord, que ceux-ci ne sont pas mentionnés dans la décision attaquée, de sorte que le fait qu’ils sont invoqués devant le Tribunal ne saurait pallier une insuffisance de motivation. Ensuite, mis à part l’autorisation pour l’achat d’une extrudeuse, une machine destinée à la fabrication de sacs en matière plastique, les éléments invoqués par la Commission ne concerneraient pas le marché des sacs en matière plastique, mais la filière des sacs en papier. Or, seule importerait la question de savoir si elle a déterminé le comportement de Sachsa sur le marché des sacs en matière plastique. La requérante ajoute que, outre le fait que le Beirat ne jouerait, en vertu du droit allemand, qu’un rôle consultatif, la seule émission d’un avis favorable pour l’achat d’une machine sur une période de huit ans et demi est impropre à démontrer l’existence d’un contrôle effectif du comportement de Sachsa sur le marché des sacs en matière plastique.

49      La requérante fait, par ailleurs, observer que le Beirat existait au moment du rachat de Sachsa, de sorte que son existence ne saurait témoigner d’une volonté de sa part d’exercer un contrôle effectif sur le comportement de sa filiale. De plus, un tel contrôle effectif par le biais du Beirat aurait été matériellement impossible, celui-ci se réunissant environ une fois par an.

50      En outre, la requérante conteste que son rapport annuel pour l’année 2001 constitue un indice de l’absence d’autonomie de Sachsa, ce rapport comprenant uniquement une description des performances des diverses sociétés de son groupe.

–       Sur les éléments tendant à établir que Sachsa déterminait de manière autonome son comportement sur le marché

51      La requérante prétend qu’un faisceau d’indices convergents caractériserait l’autonomie de Sachsa dans la détermination de son comportement sur le marché.

52      La requérante fait valoir, tout d’abord, qu’elle a une gestion très décentralisée de ses filiales. Elle affirme être une société holding non opérationnelle intervenant très peu dans la gestion de ses différentes filiales. Ses interventions se limiteraient aux décisions les plus importantes ayant un impact à l’échelle du groupe, telles que les décisions de croissance externe ou d’investissements substantiels. Elle prétend ne constituer qu’une direction financière, dont le faible chiffre d’affaires interne correspondrait à la refacturation de services de gestion administrative aux filiales. Par ailleurs, son effectif réduit, comprenant moins de 20 personnes, dont certaines exerceraient des fonctions de support, rendrait matériellement impossible toute immixtion de sa part dans la gestion de ses multiples filiales, et ce d’autant plus lorsque lesdites filiales sont actives à l’étranger, sur des marchés distincts de celui sur lequel sont exercées les activités traditionnelles de son groupe, marchés qu’elle ne connaît pas. À cet égard, elle précise que la branche « Emballages souples » comptait à elle seule treize sociétés ou sites de production et que le chiffre d’affaires réalisé par Sachsa sur le marché des sacs en matière plastique représentait moins de 0,75 % du chiffre d’affaires total de son groupe.

53      En réaction aux arguments présentés par la Commission, la requérante précise qu’elle a fait l’acquisition de Sachsa en raison de son activité de sacs en papier, qui constituait un débouché pour la production de papier d’une autre société du groupe, mais que l’activité relative aux sacs en matière plastique, seule en cause dans la décision attaquée, ne présentait pour elle qu’un intérêt marginal en raison de son absence totale de synergie avec les autres activités du groupe. La requérante aurait d’ailleurs songé à vendre cette activité, mais l’aurait conservée à la demande du gérant de Sachsa.

54      La requérante soutient également que Sachsa ne recevait pas d’instruction relative à sa ligne d’action sur le marché. À cet égard, elle souligne, tout d’abord, que Gascogne Deutschland et elle-même n’ont jamais remplacé le gérant de Sachsa, qui était déjà en place lors de l’entrée de cette filiale dans le groupe et qui constitue en droit allemand le véritable organe décisionnel. Or, si elle avait entendu déterminer le comportement commercial de Sachsa sur le marché, elle aurait nommé à ce poste un homme de confiance issu de ses rangs. Elle fait, ensuite, observer que les procès-verbaux des assemblées générales ordinaires de Sachsa, produits en réponse à la communication des griefs, ne laissent apparaître aucune instruction de sa part à la filiale. Ces documents témoigneraient uniquement de la transmission d’informations générales fournies a posteriori, relatives au niveau d’activité et aux grandes tendances du marché. Elle fait enfin valoir qu’elle n’était informée a posteriori que des résultats obtenus et que les décisions importantes relatives à la politique commerciale de Sachsa auraient été prises par la filiale elle-même.

55      Ainsi, Sachsa aurait librement déterminé ses prix de revient, ses marges et ses prix de vente grâce à un logiciel spécifique, qui n’était disponible dans aucune autre société du groupe. Par ailleurs, les discussions relatives à la détermination des prévisions de chiffre d’affaires, à l’établissement des objectifs de vente et au développement ou à l’amélioration technique des produits auraient eu lieu au sein d’un comité des ventes exclusivement composé d’employés de Sachsa, au sein duquel la politique commerciale de cette entreprise était effectivement déterminée. La requérante fait observer, à cet égard, que le processus d’élaboration du budget et du business plan de Sachsa reflète la très grande autonomie de cette filiale. Selon elle, le projet de budget présenté au Beirat constituait un projet fini, de telle sorte que le Beirat ne disposait ni de la connaissance du marché ni des données chiffrées prises en compte dans l’élaboration du document et n’était dès lors pas en mesure d’évaluer la pertinence de l’analyse effectuée par Sachsa. Le Beirat n’aurait donc effectué qu’un examen de pure forme sur le projet de budget, celui-ci ayant toujours donné un avis favorable.

56      De même, Sachsa aurait répondu de sa seule initiative et sous sa seule responsabilité aux appels d’offres des clients et aurait élaboré de manière autonome les offres permettant d’y répondre. La requérante souligne également que, lorsqu’elle avait envisagé de céder ou d’arrêter l’activité relative aux sacs en matière plastique de Sachsa lors de son rachat, le gérant de cette filiale avait imposé sa volonté de poursuivre cette activité de production. Ce faisant, sans l’en informer, il aurait envoyé à tous les partenaires de Sachsa un communiqué affirmant que la production de sacs industriels serait maintenue. Elle fait également valoir que Sachsa était aussi autonome dans le développement de produits nouveaux.

57      En matière de politique d’approvisionnement, Sachsa serait restée entièrement libre, alors même que, dans le document intitulé « Charte Gascogne », il était préconisé de tendre vers un taux d’approvisionnement entre sociétés du groupe de 100 % et que la raison principale du rachat de Sachsa par le groupe était de trouver de nouveaux débouchés pour ses activités « Papier » par le biais de l’activité « Sacs en papier » de Sachsa. Les achats par cette dernière de papier écru auprès des papeteries du groupe auraient connu un déclin important entre 1994 et 2003 et auraient représenté moins de 50 % des besoins de sa filiale. De même, Sachsa se serait approvisionnée en papier polyéthylène auprès de l’une des sociétés du groupe à hauteur de 2 % seulement des besoins que celle-ci avait entre 1995 et 2005.

58      La requérante fait observer qu’elle n’a jamais sanctionné ce comportement autonome par un changement de gérant ou par l’émission d’un rappel à l’ordre clair visant à imposer l’approvisionnement au sein du groupe. Par ailleurs, l’autonomie dans la politique d’approvisionnement aurait à plus forte raison été applicable aux achats de produits pour lesquels un approvisionnement interne n’était pas possible.

59      Sur le plan organisationnel, Sachsa aurait également disposé d’une très large autonomie. Selon la requérante, dès son rachat de Sachsa, le gérant de celle-ci s’est opposé à certains projets favorisant l’intégration de celle-ci dans le groupe. Elle soutient s’être inclinée devant ces refus, malgré la détention de l’intégralité du capital de cette filiale.

60      Cette autonomie sur le plan organisationnel se serait manifestée par le fait que le gérant de Sachsa s’était opposé à ce que la police d’assurance du groupe soit appliquée à celle-ci, qui a eu recours à une police d’assurance spécifique, souscrite auprès de courtiers locaux. De même, ledit gérant aurait refusé l’installation au sein de celle-ci du système informatique du groupe. Ainsi, la requérante affirme que, en dépit des recommandations du directeur informatique de la branche « Emballages souples », Sachsa a développé une infrastructure informatique spécifique qui empêchait le partage de fichiers avec elle. En conséquence, elle prétend n’avoir disposé que des informations que sa filiale voulait bien lui envoyer et ne pas avoir eu accès aux informations susceptibles de lui permettre de déterminer le comportement de celle-ci sur le marché. Enfin, sur le plan financier, Sachsa aurait toujours fait appel aux banques locales et non à celles du groupe, alors que la grande majorité des groupes de sociétés constituent des pools afin de gérer leur trésorerie de manière centralisée. Ainsi, tandis que son endettement augmentait, Sachsa générait et gardait des liquidités. Par ailleurs, Sachsa n’aurait jamais demandé ou bénéficié de prêts au sein du groupe.

61      S’agissant de la référence faite par la Commission aux procès-verbaux des assemblées générales ordinaires de Sachsa, dont il ressortirait que l’ensemble des bénéfices de cette filiale lui était distribué, la requérante soutient que la Commission confond la notion de « bénéfices » et celle de « liquidités ». Selon elle, la Commission tend à considérer que la distribution intégrale des bénéfices aux actionnaires démontre que ceux-ci déterminent le comportement de la société sur le marché, ce qui n’a jamais été affirmé par la jurisprudence.

62      Par ailleurs, Sachsa aurait librement conduit la politique de ressources humaines pour l’ensemble du personnel de cette filiale, en ce compris pour les postes stratégiques tels que celui de directeur des ventes, de directeur du personnel et de directeur de la zone commerciale « Ouest ».

63      Enfin, la requérante conteste l’allégation de la Commission selon laquelle certains des arguments soulevés dans la requête étaient tardifs.

64      En conclusion, la requérante fait observer que la preuve positive de l’absence d’instruction communiquée à la filiale constitue une probatio diabolica et que la Commission ne disposait d’aucun document faisant état de la communication par elle d’une quelconque instruction quant au comportement que Sachsa devait adopter sur le marché. Par ailleurs, les documents produits dans la présente procédure démontreraient que Sachsa n’appliquait pas, pour l’essentiel, les instructions qui lui avaient été imparties par la société mère et qu’elle jouissait d’une autonomie réelle dans la détermination de sa ligne d’action sur le marché.

65      La Commission conteste le bien-fondé du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

66      Il convient de relever à titre liminaire que la notion d’entreprise visée par l’article 81 CE comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement, cette notion désignant ainsi une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir arrêt de la Cour du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, points 54 et 55, et la jurisprudence citée).

67      Lorsqu’une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe de répondre de cette infraction, qui doit être imputée sans équivoque à une personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et la communication des griefs doit être adressée à cette dernière et lui indiquer en quelle qualité elle se voit reprocher les faits allégués (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 66 supra, points 56 et 57, et la jurisprudence citée).

68      À cet égard, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard, en particulier, aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 66 supra, point 58, et la jurisprudence citée, et point 59).

69      Lorsqu’une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale, et, d’autre part, il existe une présomption simple selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 66 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

70      Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 66 supra, point 61).

71      Afin de déterminer si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il ne convient pas seulement de tenir compte du fait que la société mère influence la politique des prix, les activités de production et de distribution, les objectifs de vente, les marges brutes, les frais de vente, le « cash flow » ou encore les stocks et le marketing. Il convient également de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 66 supra, point 65, et arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑112/05, Rec. p. II‑5049, points 64 et 65).

72      En l’espèce, il est constant que la requérante détenait directement et indirectement 100 % du capital social de Sachsa et qu’elle avait donc la possibilité d’exercer un contrôle sur le comportement de Sachsa sur le marché. La requérante conteste toutefois qu’elle ait effectivement exercé cette possibilité de contrôle. Elle avance à cet effet une série d’arguments qui démontreraient que Sachsa déterminait sa propre ligne d’action et qu’elle était donc autonome.

73      Ces arguments visent, en substance, à soutenir la thèse selon laquelle la requérante n’est pas intervenue dans le fonctionnement de Sachsa, lorsqu’elle a acquis cette société en 1994. L’intérêt commercial de cette acquisition aurait essentiellement résidé dans l’ouverture d’un débouché pour le papier produit par le groupe de la requérante, mais n’aurait pas eu pour objet d’intervenir dans le comportement commercial de Sachsa, ni, notamment, dans le secteur des sacs industriels en matière plastique, dans lequel la requérante n’était pas présente et qui avait en tout état de cause une faible importance économique.

74      S’il est vrai que certains des facteurs soulevés par la requérante indiquent que Sachsa jouissait d’une grande autonomie, il n’en demeure pas moins que la requérante est bel et bien intervenue dans le fonctionnement de sa filiale, qu’elle lui imposait des limites importantes dans l’orientation de son comportement sur le marché et qu’elle a donc exercé un contrôle effectif sur sa filiale. Avant d’aborder les différents éléments qui démontrent ce contrôle, il convient de préciser que l’influence déterminante que doit exercer une société mère afin de se voir imputer la responsabilité de l’infraction commise par sa filiale ne requiert pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale et ne doit pas concerner les activités qui relèvent de la politique commerciale stricto sensu de celle-ci.

75      En premier lieu, il y a lieu de constater que la requérante est intervenue activement dans la composition des organes statutaires de Sachsa, et notamment du Beirat.

76      En outre, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que le Beirat était un organe consultatif régi par la loi allemande, qui lui conférait un pouvoir étendu d’accès aux livres et documents de la société et un droit d’information s’imposant aux organes de direction, et qui lui imposait l’obligation d’établir un rapport écrit annuel à l’attention de l’assemblée des associés sur les résultats et le déroulement du contrôle, ce qui n’a pas été contesté par la requérante. De même, la Commission a également souligné que les dispositions de la loi relatives au Beirat étaient supplétives et ne s’appliquaient ainsi qu’en l’absence de dispositions contraires dans les statuts de la société et que, en l’espèce, les statuts de Sachsa prévoyaient l’existence du Beirat et n’excluaient pas lesdites dispositions. La Commission a notamment relevé que l’article 9 de ces statuts stipulait que le Beirat avait pour fonction de surveiller la gérance et de participer à certaines mesures de gestion lorsque cela était prévu par le règlement de gérance (voir considérants 658 et 659 de la décision attaquée).

77      Or, après l’acquisition de Sachsa en 1994, la requérante a non seulement décidé de maintenir le Beirat, mais a également décidé de nommer au sein de cet organe deux de ses dirigeants, dont le directeur de la branche « Emballages souples », dont dépendait Sachsa. Ces dirigeants, investis de l’autorité du seul et unique actionnaire, jouissaient ainsi des droits conférés au Beirat par la législation allemande et notamment du droit d’accès à l’information. Il ressort, par ailleurs, du considérant 655 de la décision attaquée, que le Beirat était présidé par le directeur de ladite branche et que le gérant de Sachsa, M. R., assistait aux réunions biannuelles du Beirat en qualité d’« invité », ce qui n’a pas été contesté par la requérante.

78      Les procès-verbaux du Beirat, communiqués à la Commission par la requérante en réponse à la communication des griefs, font apparaître que le Beirat donnait des autorisations ou était à tout le moins informé en détail des décisions en matière d’investissements, notamment en matière d’achats de machines, qu’il approuvait ou suivait de près le budget prévisionnel de l’année suivante et qu’il se tenait informé des décisions en matière de prix. Il convient ainsi de considérer, d’une part, que les autorisations et les approbations données par le Beirat, ainsi que les informations détaillées que ce conseil recevait, qui portaient sur des aspects importants de la gestion de la filiale, étaient de nature à caractériser un contrôle effectif de la société mère sur ladite filiale et, d’autre part, que ce contrôle se faisait dans le cadre d’une bonne communication avec le gérant de cette filiale.

79      La requérante n’est pas davantage fondée à faire valoir que les autorisations pour les investissements, l’approbation des budgets prévisionnels et les décisions en matière de prix ne concernaient que le secteur des sacs en papier. En effet, ces autorisations concernaient également le secteur des sacs industriels en matière plastique, ainsi que cela est illustré par l’autorisation donnée concernant les investissements dans une extrudeuse. Il ressort en outre des procès-verbaux du Beirat que le conseil de surveillance était également attentif à l’évolution du secteur des sacs industriels en matière plastique. En effet, il ressort du procès-verbal de la réunion du 5 novembre 2002 que « le secteur du sac plastique se tient bien avec le FFS (« Form, Fill and Seal », c’est-à-dire thermoformage, remplissage et fermeture hermétique) qui se développe et avec un prix très lié au prix du PE (polyethylène) basse densité » et que « [l]’objectif est d’atteindre 21 millions de sacs plastiques vendus dans l’exercice ».

80      Il convient également de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’autorisation donnée pour l’acquisition d’un bien de production constitue un indice pertinent de l’exercice effectif par la requérante d’un contrôle sur Sachsa, dès lors que ladite autorisation démontre que la société mère jouait un rôle prépondérant dans les décisions importantes de sa filiale. Le fait que de telles autorisations interviennent à intervalles espacés dans le temps n’influe pas sur cette considération, dès lors qu’elles ne sont appelées à intervenir qu’en cas de chaque renouvellement des biens de production.

81      En tout état de cause, quand bien même les autorisations pour les investissements, l’approbation des budgets prévisionnels et les décisions en matière de prix n’auraient concerné que le secteur des sacs en papier, cette circonstance n’influerait pas, par hypothèse, sur la considération que la requérante exerçait un contrôle effectif sur Sachsa. Il convient de souligner, à cet égard, que la démonstration que la société mère exerçait un contrôle sur le comportement de cette dernière ne doit pas porter sur l’ensemble des aspects de la vie d’entreprise de cette filiale, ni sur la totalité des secteurs dans lesquels celle-ci est active. Par ailleurs, une telle démonstration ne doit pas nécessairement concerner le secteur qui a été le théâtre de l’infraction aux règles de concurrence.

82      Enfin, l’allégation de la requérante selon laquelle elle n’était pas impliquée dans le détail de l’élaboration du projet de budget présenté au Beirat ne remet pas en cause la circonstance que celui-ci était régulièrement amené à l’approuver et qu’il avait, en tout état de cause, accès à tous les éléments d’information utiles aux fins d’en apprécier la justesse.

83      En deuxième lieu, il convient de faire état du fait que la requérante suivait les activités de sa filiale non seulement dans le cadre des réunions biannuelles du Beirat, mais également par le biais des rapports d’activité mensuels, qui lui permettaient un suivi attentif et constant des activités de sa filiale et de l’évolution de sa position concurrentielle sur le marché. En effet, ces rapports d’activité contenaient des données précises sur les ventes et les variations de parts de marché par produits de la filiale, ainsi que sur les prix pratiqués. Ainsi, s’agissant spécifiquement des prix, le rapport d’activité mensuel pour le mois de décembre 2001 comporte l’indication « LDPE reduced to 0,57 €/Kg » et celui pour le mois de décembre 1996 comporte l’indication « LDPE price december was DM 1,47/Kg, PE-coated paper DM 1 840,00/t ». Il convient de rappeler que l’entente en cause, pour laquelle la requérante est tenue pour solidairement responsable du paiement d’une partie de l’amende infligée à Sachsa, avait pour objet de maintenir les marges des producteurs concernés sur les activités de transformation du polyéthylène en sacs industriels. La communication mensuelle de ces informations précises fait ainsi apparaître que la requérante exerçait un contrôle effectif sur sa filiale.

84      Il importe peu à cet égard que le contrôle effectif exercé par la requérante sur Sachsa non seulement dans le cadre des réunions biannuelles du Beirat, mais également par le biais des rapports d’activité mensuels, ait été exercé a priori ou a posteriori. Dans les deux cas, la filiale doit tenir compte de la réaction de son actionnaire unique et la société mère peut corriger les mesures qu’elle estime inappropriées. Dans de nombreux cas, une société mère n’a besoin d’intervenir activement dans la gestion ou la politique commerciale d’une filiale que lorsque cette gestion ou cette politique commerciale présentent des difficultés. Lorsque la santé économique et commerciale de la filiale est bonne, il peut suffire à la société mère de se tenir informée de l’évolution de sa filiale. Or, c’est précisément l’information détaillée de la société mère qui lui permet d’intervenir à tout moment dans la gestion et la politique commerciale de sa filiale dans la circonstance où le besoin devait s’en faire sentir.

85      Ainsi, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’absence de contrôle de sa part sur Sachsa était attestée par le fait que le gérant de cette dernière, M. R., n’avait jamais été remplacé. En effet, il ressort des procès-verbaux du Beirat que les performances financières de Sachsa sous la gestion de M. R. ont fait à plusieurs reprises l’objet d’éloges, nonobstant les conditions difficiles que présentait le marché. Il était ainsi de l’intérêt bien compris de la requérante, confirmé au cours du temps, de maintenir M. R. à la tête de la filiale.

86      En outre, dans la mesure où les activités de Sachsa sur le marché des sacs industriels en matière plastique s’avéraient être rentables, la requérante a finalement décidé de les maintenir au sein du groupe, en dépit de leur taille modeste par rapport au chiffre d’affaires total du groupe et contrairement à ses projets initiaux. Le fait que la requérante a songé à vendre lesdites activités et qu’elle se soit finalement résolue à conserver ces activités au sein de son groupe démontre qu’elle exerçait un plein contrôle sur les activités de sa filiale.

87      De plus, ainsi que la Commission le fait observer, il ressort du rapport annuel de la requérante pour l’année 2001 que cette dernière poursuivait une stratégie visant à renforcer sa présence dans différents pays européens et qu’elle attachait de l’importance aux performances commerciales de Sachsa sur le marché allemand (voir considérant 657 de la décision attaquée). Si ce document ne permet pas, à lui seul, d’établir un contrôle effectif de la requérante sur Sachsa, il corrobore la considération selon laquelle cette dernière s’insérait dans la logique industrielle et commerciale du groupe.

88      En troisième lieu, plusieurs éléments avancés par la requérante en vue de démontrer l’autonomie du comportement de Sachsa sur le marché tendent à prouver l’inverse. S’il est vrai que, dans le document intitulé « Charte Gascogne », est formulé le principe selon lequel les filiales du groupe de la requérante bénéficient d’une grande autonomie, il n’en demeure pas moins qu’elle reconnaît explicitement la possibilité d’une intervention de la part de la société holding. En matière de politique commerciale, une coordination est ainsi prévue lorsque les filiales risquent d’entrer en conflit ou lorsqu’elles risquent de s’approvisionner auprès de fournisseurs n’appartenant pas au groupe. Dans ledit document, il est également explicitement précisé que chaque société du groupe doit avoir le souci de favoriser le développement commercial des autres sociétés. Or, ainsi qu’il ressort de la réponse de la requérante à la communication des griefs, c’est précisément cet objectif qui a amené la requérante à acquérir Sachsa en 1994 (voir point 73 ci-dessus). Il s’ensuit que la requérante entendait bien et avait vocation à exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, tout au moins en ce qui concerne le secteur du papier.

89      Ainsi, le fait que Sachsa posait des difficultés pour son approvisionnement au sein du groupe et ne s’approvisionnait chez celui-ci que pour une partie très limitée de ses besoins, ce qui était susceptible de créer des tensions au sein du groupe, démontre certes une tolérance de la part de la requérante quant au comportement de sa filiale, mais ne démontre pas pour autant que la requérante s’abstenait d’exerçer un contrôle effectif sur Sachsa. Le fait que le comportement de Sachsa a fait l’objet de courriers adressés à la requérante démontre que cette dernière avait bien conscience du comportement de sa filiale et que, ne l’ayant pas modifié sur ce point alors qu’elle en avait la possibilité, elle l’avait toléré.

90      Enfin, dans le document intitulé « Charte Gascogne », il est expressément prévu un suivi des filiales du groupe de la requérante non seulement par un « comité de branche », mais également par divers mécanismes d’information de la société mère, dont relèvent notamment les rapports mensuels d’activité, par une série de prescriptions en matière de comptes sociaux, de règles comptables, de présentation des programmes d’investissements, ainsi que par un contrôle des prix et des conditions « de transfert intergroupe et interbranche ».

91      Les arguments avancés par la requérante afin de démontrer l’absence de contrôle effectif de sa part sur Sachsa ne sauraient remettre en cause la pertinence des éléments de preuve démontrant l’existence d’un tel contrôle. En effet, tout d’abord, l’exercice d’un contrôle par la requérante n’est pas incompatible avec le fait que Sachsa jouissait d’une autonomie sur le plan organisationnel, qui se manifestait par la souscription de la filiale à une police d’assurance spécifique, distincte de celle du groupe, ou par l’utilisation d’un système informatique spécifique empêchant le partage de fichiers avec la requérante, et ce en dépit des recommandations du directeur informatique de la branche « Emballages souples ». Il en va également ainsi de l’autonomie de la filiale quant à la gestion des ressources humaines, notamment en ce qui concerne les postes de directeur des ventes, de directeur du personnel ou de directeur d’une zone commerciale déterminée. Un tel contrôle effectif est également compatible avec le fait que Sachsa pourvoyait à ses besoins de financement auprès d’institutions de crédit locales et non auprès du groupe. À cet égard, la circonstance que l’endettement de la requérante augmentait tandis que Sachsa générait et conservait des liquidités ne permet pas davantage de considérer que la requérante n’exerçait pas de contrôle effectif.

92      Le fait que les interventions de la requérante se limitaient aux décisions les plus importantes, telles que les décisions de croissance externe ou d’investissements substantiels, ne remet pas davantage en cause le constat de contrôle effectif exercé par elle sur Sachsa. En effet, il n’est pas requis que la société mère détermine le comportement sur le marché de sa filiale ou qu’elle assure la gestion quotidienne de l’entreprise pour qu’elle soit considérée comme exerçant effectivement un contrôle sur celle-ci. C’est ainsi en vain que la requérante fait valoir que Sachsa déterminait librement ses prix de revient, ses marges et ses prix de vente en raison du logiciel spécifique dont elle disposait, que les prévisions du chiffre d’affaires, l’établissement des objectifs de vente, le développement et l’amélioration technique des produits avaient lieu au sein d’un comité de vente exclusivement composé d’employés de la filiale, ou encore que Sachsa répondait de sa seule initiative aux appels d’offres des clients.

93      Il résulte ainsi de l’examen de l’ensemble des éléments de preuve et des arguments avancés par la requérante et la Commission que cette dernière n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant que la requérante exerçait une surveillance régulière sur la gestion de sa filiale et en imputant à la requérante la responsabilité pour l’infraction commise par sa filiale. En effet, sans même que la Commission ait besoin de s’appuyer sur la présomption de contrôle effectif à laquelle la détention par la requérante de 100 % du capital de Sachsa donne lieu, l’ensemble des éléments de preuve dont la Commission dispose lui permet en l’espèce de conclure au contrôle effectif par la société mère de sa filiale.

94      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur la contestation par la Commission de la recevabilité de certains des éléments de preuves et des arguments avancés par la requérante aux fins de renverser ladite présomption au motif que ceux-ci n’auraient pas, selon la Commission, été avancés au cours de la procédure administrative.

95      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, présenté à titre subsidiaire, tiré d’une violation de l’article 81 CE, en ce que la Commission a interprété erronément la notion d’entreprise et, partant, a violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

 Arguments des parties

96      La requérante soutient que la Commission a violé l’article 81 CE en ayant retenu une interprétation erronée de la notion d’entreprise et, partant, qu’elle a violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 en leur infligeant, à Sachsa et à elle, une amende excédant 10 % de leur chiffre d’affaires cumulé.

97      La requérante fait valoir que, en 2004, le chiffre d’affaires de Sachsa était de 20,784 millions d’euros et que le sien était de 6,256 millions d’euros, soit un total de 27,04 millions d’euros. Partant, elle estime que, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, sa filiale et elle n’auraient pas pu se voir infliger une amende supérieure à 2,704 millions d’euros. Or, la Commission aurait apprécié le plafond de 10 % par rapport au chiffre d’affaires consolidé du groupe, de sorte qu’une amende d’un montant de 13,2 millions d’euros aurait été infligée.

98      La requérante précise que le plafond de 10 % du chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée s’apprécie par rapport au chiffre d’affaires cumulé de toutes les composantes de celle-ci. À cet égard, elle fait valoir que, dans son arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 121), la Cour a fait référence au chiffre d’affaires global de l’entreprise au sens de l’article 81 CE, c’est-à-dire au chiffre d’affaires réalisé sur l’ensemble des marchés sur lesquels elle était active. Toutefois, la Cour n’aurait pas tranché la question de savoir si le chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée correspondait au chiffre d’affaires cumulé des personnes morales constituant le groupe ou s’il correspond automatiquement au chiffre d’affaires consolidé du groupe.

99      La requérante fait également observer que, lorsque la responsabilité pour les pratiques illicites d’une filiale peut être imputée à la société mère en raison de l’absence d’autonomie de ladite filiale dans la détermination du comportement de cette filiale sur le marché, l’amende ne saurait dépasser le plafond de 10 % du chiffre d’affaires cumulé de la filiale en question et de la société mère. Selon elle, il ne saurait être considéré que le chiffre d’affaires consolidé de l’ensemble du groupe doive être pris en considération aux fins de l’appréciation du plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée, les autres filiales du groupe n’appartenant pas à l’entité économique responsable de l’infraction sanctionnée.

100     La requérante estime, par ailleurs, que l’ensemble des filiales d’un groupe ne peuvent être inclues dans la notion d’entreprise et, partant, le chiffre d’affaires consolidé dudit groupe ne peut être pris en considération aux fins de l’appréciation du plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée que si les filiales sont toutes effectivement contrôlées et dirigées par la société mère, si elles ne déterminent pas de manière autonome leur comportement sur le marché et s’il existe un lien suffisant entre ces filiales et l’infraction en cause, ce qui suppose que ces filiales soient actives sur le même marché ou sur des marchés voisins de celui sur lequel ont été commises les pratiques anticoncurrentielles. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce, dans la mesure où elle n’aurait pas déterminé les comportements de ses filiales et où les autres filiales du groupe auraient été actives dans le secteur des sacs en papier. À cet égard, elle fait valoir que la notion d’entreprise a trait à une « unité économique du point de vue de l’objet de l’accord en cause » et à une « unité de comportement sur le marché de la société mère et de ses filiales » aux fins de l’application des règles de concurrence.

101    La requérante fait observer que la décision attaquée n’est pas motivée en ce qui concerne l’inclusion des autres filiales du groupe dans l’« entreprise » responsable de l’infraction alléguée et que la Commission n’affirme et ne démontre pas qu’elle déterminait le comportement des autres filiales du groupe. La Commission ne saurait ainsi justifier la prise en compte du chiffre d’affaires consolidé du groupe pour la première fois au stade de la procédure contentieuse devant le Tribunal. À l’audience, la requérante a précisé que ce vice de motivation violait l’article 41 de la charte.

102    En outre, la Commission ne saurait se fonder sur le document intitulé « Charte Gascogne » aux fins de démontrer que l’ensemble des sociétés comprises dans le groupe peuvent être considérées comme faisant partie de l’entreprise au sens de l’article 81 CE. La requérante fait valoir que la circonstance que les comptes du groupe sont consolidés et le fait que le holding peut vendre des activités ou des filiales sont communs à la vie des groupes de sociétés et ne sont pas de nature à démontrer que l’ensemble des sociétés composant son groupe constituent une « entreprise » au sens de la disposition précitée.

103    La requérante conteste que le chiffre d’affaires total de son groupe soit le meilleur indicateur du poids économique de l’entreprise sur le marché des sacs en matière plastique, dès lors que Sachsa est la seule société du groupe active sur ledit marché, qu’elle n’a jamais demandé ni bénéficié de prêt au sein du groupe et que la Commission n’a ni démontré ni même affirmé qu’elle contrôlait le comportement des autres sociétés de son groupe sur le marché.

104    Selon la requérante, les seules sociétés formant l’entreprise en l’espèce étant elle et Sachsa, la Commission devait constater que le chiffre d’affaires de l’entreprise en cause était de 27 millions d’euros et que le montant de l’amende ne pouvait, dès lors, excéder 2,7 millions d’euros.

105    La Commission conteste le bien-fondé du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

106    L’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 dispose que la Commission peut imposer des amendes n’excédant pas 10 % du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

107    La limite supérieure du montant de l’amende visée à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 vise à éviter que soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter. Il s’agit donc d’une limite, uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’elles, visant à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 280 et 281).

108    Ainsi, l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 interdit uniquement à la Commission d’infliger une amende excédant le plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée, ce plafond étant déterminé par rapport à l’exercice social qui précède la date de la décision (arrêts de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, point 85, et Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 20 supra, point 593). Par ailleurs, ce plafond de 10 % doit être calculé sur la base du chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés constituant le groupe à la tête duquel se place la société faîtière, seul le chiffre d’affaires cumulé des sociétés composant ledit groupe pouvant constituer une indication de la taille et de la puissance économique de l’entreprise en question (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 71 supra, point 90).

109    En l’espèce, il ressort de l’examen du premier moyen que la Commission a retenu à bon droit que la requérante contrôlait Sachsa et que le comportement infractionnel de cette dernière lui était, en conséquence, imputable.

110    Ainsi, la limite supérieure du montant de l’amende visée à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 doit être calculée sur la base du chiffre d’affaires de l’entreprise au sens des règles de concurrence, c’est-à-dire du chiffre d’affaires cumulé de toutes les sociétés appartenant au groupe dont le holding est la requérante.

111    À cet égard, ainsi que le relève à juste titre la Commission, la prise en considération du chiffre d’affaires consolidé de la société mère aux fins de l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée n’est pas conditionnée par la démonstration que chaque filiale composant le groupe ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché.

112    La prise en considération du chiffre d’affaires consolidé de la société faîtière aux fins du calcul du plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée n’équivaut pas à imputer la responsabilité de l’infraction constatée aux filiales composant le groupe à la tête duquel se trouve cette société faîtière. En effet, le plafond visé par cette disposition a uniquement pour objet d’empêcher l’imposition d’une amende excessive au regard de la taille globale de l’entité économique au jour de l’adoption de la décision, cette taille globale étant appréciée sur la base du chiffre d’affaires cumulé des sociétés constituant le groupe de sociétés, dès lors que celui-ci est seul à même de donner une indication de la taille et de la puissance économique de l’entreprise en question (voir point 108 supra). Ainsi, l’imputation d’une infraction commise par une filiale à la société mère et l’interdiction d’imposer une amende excédant 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée constituent deux questions distinctes. C’est donc en vain que la requérante invoque le principe de personnalité des peines et des délits.

113    Pour ce motif, la prise en considération du chiffre d’affaires consolidé de la société faîtière aux fins du calcul du plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée ne requiert pas que les filiales composant le groupe soient toutes actives sur le même marché, ni qu’un lien entre ces filiales et l’infraction existe.

114    L’arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission (C‑196/99 P, Rec. p. I‑11005), et l’arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission (T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 391), invoqués par la requérante, n’infirment pas cette considération. En effet, l’arrêt Arisrain/Commission, précité, a notamment trait à l’imputation d’agissements infractionnels entre des sociétés dont le capital appartient à une même personne ou à une même famille. Il ressort de cet arrêt que cette circonstance ne permet pas, à elle seule, d’imputer les agissements d’une société à l’autre.

115    S’agissant de l’arrêt du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, point 114 supra, il ressort des points 390 et 391 de celui-ci que, lorsque plusieurs destinataires constituent l’entité économique responsable de l’infraction sanctionnée lors de l’imposition de l’amende, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée peut être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de cette entreprise, c’est-à-dire de toutes ses composantes cumulées. Ce n’est que lorsque l’unité économique entre les destinataires de la décision a été rompue que le plafond de 10 % est appliqué individuellement sur chaque destinataire. Or, en l’espèce, il est constant que, au jour de l’adoption de la décision attaquée, la requérante détenait, directement et indirectement, le capital de Sachsa, de sorte que le plafond de 10 % devait être calculé sur la base du chiffre d’affaires global du groupe de sociétés, c’est-à-dire de toutes ses composantes cumulées.

116    Il résulte également du point 112 ci-dessus que le grief de la requérante pris d’un défaut de motivation de la décision attaquée à cet égard n’est pas fondé, la Commission n’ayant pas été tenue de démontrer ni de motiver que chaque filiale composant le groupe ne déterminait pas de façon autonome son comportement sur le marché.

117    Il s’ensuit que la Commission a pu, sans violer l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, tenir la requérante pour solidairement responsable du paiement d’une partie de l’amende infligée à Sachsa.

118    Il y a lieu, dès lors, de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, présenté à titre encore plus subsidiaire, relatif à une violation du principe de proportionnalité

 Arguments des parties

119    La requérante fait valoir que l’amende infligée conjointement et solidairement à Sachsa et à elle enfreint le principe de proportionnalité.

120    La requérante rappelle que, si la Commission peut choisir de fixer l’amende en fonction du chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée plutôt qu’en fonction de celui provenant des ventes des produits faisant l’objet de l’infraction en cause, il ne faut attribuer ni à l’un ni à l’autre une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation (arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission, T‑77/92, Rec. p. II‑549, point 94). Ainsi, il y aurait lieu de réduire l’amende lorsque le chiffre d’affaires réalisé avec les produits concernés par l’infraction était relativement faible par rapport à celui résultant de l’ensemble des ventes réalisées par l’entreprise concernée.

121    Par ailleurs, la Commission ne devrait pas prendre en considération un chiffre d’affaires déraisonnable compte tenu des circonstances de l’espèce. À cet égard, il conviendrait de tenir dûment compte du fait que les autres filiales du groupe exerçaient des activités bien distinctes de celle concernée par l’infraction.

122    Bien que la Commission ait, en l’espèce, déterminé le montant de base de l’amende en fonction du poids relatif sur le marché des sacs en matière plastique de chaque entreprise ayant participé à l’infraction alléguée, elle aurait dû corriger le montant ainsi obtenu conformément au principe de proportionnalité, afin de veiller à l’existence d’un rapport raisonnable entre la sanction infligée et le chiffre d’affaires effectivement réalisé par le groupe dans le secteur des sacs en matière plastique.

123    La requérante fait observer que, en 2004, le chiffre d’affaires consolidé du groupe était de 626,797 millions d’euros. Or, la même année, le chiffre d’affaires réalisé par Sachsa dans le secteur des sacs industriels en matière plastique aurait été de 4,664 millions d’euros et cette filiale aurait été la seule entreprise du groupe active dans ce secteur. Ainsi, en infligeant une amende d’un montant de 13,2 millions d’euros, la Commission aurait manifestement méconnu le fait que le chiffre d’affaires réalisé avec les produits concernés par l’infraction ne représente que 0,75 % du chiffre d’affaires consolidé du groupe. La requérante fait également observer que le montant de l’amende représente près de trois ans de chiffre d’affaires réalisé avec les sacs industriels et représente plus de 50 % du chiffre d’affaires annuel de Sachsa. En outre, ce montant équivaudrait à 10 % de la capitalisation boursière de la requérante.

124    La requérante ajoute que la participation de Sachsa à l’entente alléguée a, en tout état de cause, commencé avant qu’elle n’acquière cette dernière en 1994. Par ailleurs, aucune pièce du dossier ne démontrerait qu’elle avait connaissance de l’existence de l’entente ni qu’elle avait effectivement déterminé le comportement de Sachsa sur le marché des sacs en matière plastique. Elle estime donc que le montant de l’amende qui a été infligée est disproportionné compte tenu de la circonstance, premièrement, que la filiale était la première du groupe à exercer une activité en dehors de la France, deuxièmement, que l’entente alléguée concernait une activité marginale de son groupe représentant moins de 0,75 % du chiffre d’affaires consolidé dudit groupe et, troisièmement, qu’un holding n’a pas vocation à s’immiscer dans la politique commerciale de ses filiales.

125    La requérante conteste, en outre, l’affirmation de la Commission selon laquelle elle dispose d’une capacité économique à porter préjudice à la concurrence. Elle fait observer, à cet égard, qu’aucune autre filiale du groupe n’est active sur le marché des sacs en matière plastique. Ainsi, il ne saurait être considéré que la capacité économique de Sachsa de créer un dommage sur le marché des sacs en matière plastique serait renforcée par d’autres sociétés du groupe. De plus, elle prétend être une société holding non opérationnelle et ne pas pouvoir à elle seule renforcer la capacité économique de Sachsa de créer un dommage. Enfin, il ne saurait pas davantage être considéré que la capacité économique de Sachsa aurait été renforcée par le chiffre d’affaires des autres sociétés du groupe, cette filiale n’ayant jamais demandé ni bénéficié de prêts au sein du groupe.

126    La requérante demande, par ailleurs, au Tribunal de réformer, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, l’article 2, premier alinéa, sous i), de la décision attaquée et de ramener le montant de l’amende à un niveau qui soit en rapport raisonnable avec le chiffre d’affaires du groupe résultant de son activité de production de sacs industriels en matière plastique et avec le chiffre d’affaires de Sachsa. Lors de l’audience, la requérante a précisé que le Tribunal devait s’acquitter de sa tâche dans le respect de l’article 47 de la charte. À cette fin, la requérante demande au Tribunal de substituer son appréciation à celle de la Commission et de réformer la décision attaquée en tous points, en fait comme en droit, sans se limiter au seul contrôle de légalité.

127    La Commission conteste le bien-fondé du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

128    Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Le calcul des amendes doit être opéré en fonction de nombreux éléments et il ne faut attribuer à aucun de ces éléments une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation. Le principe de proportionnalité implique dans ce contexte que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (voir arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, points 226 à 228, et la jurisprudence citée, et du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, non encore publié au Recueil, point 264).

129    En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission a pris en considération, premièrement, la gravité de l’infraction, qu’elle a qualifié de très grave à la lumière de sa nature, de l’impact qu’elle a nécessairement eu sur le marché eu égard à sa mise en œuvre par les membres de l’entente et de la taille de la zone géographique concernée (voir considérants 755 à 765 de la décision attaquée), deuxièmement, la capacité économique effective de Sachsa à créer un dommage à la concurrence (voir considérants 766, 767, 775 et 777 de la décision attaquée) et, troisièmement, la durée de l’infraction, qui s’est étendue, en ce qui concerne la requérante, sur une période de 8 ans et 5 mois (voir considérants 782 et 783 de la décision attaquée).

130    Aux fins de la détermination du niveau de l’amende, la Commission n’a ainsi tenu compte ni du chiffre d’affaires total de la requérante ni du chiffre d’affaires de Sachsa. Ainsi, l’arrêt Parker Pen/Commission, point 120 supra (point 95), dont il ressort que la Commission ne doit pas, aux fins de fixer l’amende, attacher au chiffre d’affaires une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation, ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce (arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T‑31/99, Rec. p. II‑1881, point 156, et du 29 novembre 2005, Heubach/Commission, T‑64/02, Rec. p. II‑5137, point 155).

131    Par ailleurs, les circonstances, invoquées par la requérante, que le chiffre d’affaires réalisé avec les produits concernés par l’infraction ne représente que 0,75 % du chiffre d’affaires consolidé du groupe, que le montant de l’amende représente près de trois ans de chiffre d’affaires réalisé avec les sacs industriels et plus de 50 % du chiffre annuel de Sachsa, ou encore 10 % de la capitalisation boursière de la requérante ne permettent pas d’identifier une violation du principe de proportionnalité en l’espèce. Il convient de rappeler, à cet égard, qu’il résulte du point 1 A, troisième tiret, de la communication de la Commission sur les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 (JO 1998, C 9, p. 3), qu’une infraction qualifiée de très grave, telle que celle en cause en l’espèce, peut se voir attribuer un montant de départ s’élevant jusqu’à 20 millions d’euros. Dans ces conditions, un montant de départ de 5,5 millions d’euros n’apparaît pas disproportionnée compte tenu du traitement différencié opéré par la Commission sur la base des parts de marché en 1996 des participants à l’entente.

132    Par ailleurs, la requérante ne saurait tirer parti du fait que Sachsa a été la première filiale du groupe exerçant une activité en dehors de la France ou du fait qu’elle n’a pas eu vocation à s’immiscer dans la politique commerciale de ses filiales. En effet, il a été établi que la requérante détenait un entier contrôle sur Sachsa et que le comportement de cette dernière lui était, en conséquence, imputable. Le fait que le comportement infractionnel de Sachsa ne résultait pas d’instructions en ce sens provenant de sa société mère ne rend pas disproportionné le montant de 9,9 millions d’euros dont celle-ci est tenue pour solidairement responsable du paiement.

133    Pour l’ensemble de ces motifs, il n’y a pas lieu de considérer que la Commission a violé le principe de proportionnalité en fixant le montant de l’amende.

134    Il en résulte également qu’il n’y a pas lieu pour le Tribunal de réformer la décision attaquée sur ce point, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction

135    Il convient, dès lors, de rejeter le troisième moyen.

136    Le présent recours n’étant accueilli en aucun de ses moyens, celui-ci doit être rejeté.

 Sur les dépens

137    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

138    La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Groupe Gascogne SA est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2011.

Signatures


Table des matières

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité des chefs de conclusion de la requérante visant à la réduction de l’amende infligée à Sachsa, d’une part, et des arguments fondés sur la charte exposés par elle lors de l’audience, d’autre part

Sur les chefs de conclusion de la requérante visant à la réduction de l’amende infligée à Sachsa

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les arguments fondés sur la charte avancés au cours de l’audience

2.  Sur le fond

Sur le premier moyen, présenté à titre principal, tiré d’une violation de l’article 81 CE en ce que la Commission a erronément imputé des pratiques de Sachsa à la requérante et, partant, a retenu à tort la responsabilité conjointe et solidaire de la requérante s’agissant du paiement d’une partie de l’amende infligée à Sachsa

Arguments de la requérante

–  Sur les principes applicables et sur la charge de la preuve

–  Sur les éléments tendant à établir la faculté de la requérante de déterminer le comportement de Sachsa sur le marché

–  Sur les éléments tendant à établir l’exercice effectif par la requérante de son pouvoir de déterminer le comportement de Sachsa sur le marché

–  Sur les éléments tendant à établir que Sachsa déterminait de manière autonome son comportement sur le marché

Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, présenté à titre subsidiaire, tiré d’une violation de l’article 81 CE, en ce que la Commission a interprété erronément la notion d’entreprise et, partant, a violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, présenté à titre encore plus subsidiaire, relatif à une violation du principe de proportionnalité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.