Language of document : ECLI:EU:T:2008:454

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

21 octobre 2008 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire figurative – Forme d’un sac – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑73/06,

Jean Cassegrain SAS, établie à Paris (France), représentée par Mes Y. Coursin et T. van Innis, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard‑Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 8 décembre 2005 (affaire R 687/2005‑2), concernant l’enregistrement du signe figuratif Forme d’un sac comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe et M. S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 février 2006,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 20 avril 2006,

vu les observations sur le rapport d’audience déposées au greffe du Tribunal le 4 mars 2008,

à la suite de l’audience du 11 mars 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 décembre 2003, la requérante, Jean Cassegrain SAS, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé consiste en la marque figurative reproduite ci‑après :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 18 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Sacs ».

4        Par décision du 18 avril 2005, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, la marque demandée, qui consiste exclusivement en la représentation d’un sac, étant considérée comme dépourvue de caractère distinctif. La demande d’enregistrement en application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 40/94 a également été rejetée, au motif que les preuves fournies n’étaient pas suffisantes pour démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage.

5         Le 13 juin 2005, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur au titre des articles 57 à 62 du règlement nº 40/94.

6        Par décision du 8 décembre 2005 (ci‑après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours, au motif que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 faisait obstacle à l’enregistrement du signe en cause, dès lors que ce dernier était dépourvu de caractère distinctif intrinsèque pour les produits concernés. La chambre de recours, après avoir rappelé l’indépendance du droit des marques à l’égard du droit d’auteur, a constaté que les caractéristiques du signe en cause, prises individuellement ou dans leur ensemble, ne permettaient pas de le distinguer des autres modèles de sacs présents sur le marché. Elle a refusé de prendre en compte la possibilité de l’usage du signe sur une multitude de supports, dès lors que cette demande n’avait pas été présentée lors de l’enregistrement et que, en tout état de cause, elle ne permettrait pas de modifier l’impression d’ensemble créée par le signe concerné. Enfin, elle a constaté que la demanderesse ne se prévalait plus des dispositions de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 40/94.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–      annuler la décision attaquée ;

–      condamner l’OHMI aux dépens ;

–      à titre subsidiaire, nommer un expert chargé d’éclairer le Tribunal sur la question de savoir si, ou à quelles conditions, la forme d’un produit manufacturé ou la représentation des contours de celui‑ci peut, tout autant qu’un vocable l’accompagnant, influer sur la mémoire du public en tant qu’indication de son origine commerciale, et réserver les dépens.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–      rejeter le recours ;

–      condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 4 et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, se décomposant en quatre branches.

10      Lors de l’audience, la requérante a déclaré que l’argument tiré de la méconnaissance de l’article 4 du règlement nº 40/94 ne devait pas être analysé de manière autonome et que, dès lors que cette disposition définissait la notion de caractère distinctif, il lui permettait d’étayer son moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.

 Arguments des parties

11      Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir que le constat selon lequel la marque demandée serait banale n’est pas étayé. Elle conteste la méthode retenue par la chambre de recours, qui a, dans un premier temps, procédé à une appréciation de chaque élément dont le signe en cause est composé. En effet, selon la requérante, le constat de la banalité d’un signe ne peut s’effectuer qu’en considérant tous ses éléments constitutifs pris dans leur ensemble.

12      La requérante considère également que la chambre de recours n’a pas établi la banalité du signe litigieux. Elle reproche en particulier à la chambre de recours d’avoir limité son analyse à l’examen de trois autres sacs, dont l’existence antérieure à la date de sa demande ne serait d’ailleurs pas établie, et ce alors même qu’il existe des centaines de modèles de sacs différents. Elle estime que le dessin litigieux ne correspond pas nécessairement à celui d’un sac, dès lors qu’il existe un nombre très important de modèles différents, et qu’il présente un caractère propre pouvant être très aisément reconnu du public. Elle souligne enfin que les tribunaux belge et français auraient, à de nombreuses reprises, reconnu l’originalité du dessin de ce sac en lui accordant une protection au titre du droit d’auteur et du droit des dessins et modèles.

13      Dans le cadre des deuxième et troisième branches, la requérante conteste la jurisprudence de la Cour et du Tribunal selon laquelle, d’une part, le public a de plus grandes difficultés à percevoir dans la forme ou dans la représentation de produits manufacturés une indication de leur origine commerciale et, d’autre part, un signe constitué de la forme d’un produit manufacturé ou assimilable à celle‑ci devrait être apte à être perçu d’emblée comme une marque pour pouvoir être enregistré. Elle soutient que cette jurisprudence serait révélatrice d’une opposition idéologique à l’égard des marques non traditionnelles.

14      La requérante entend se prévaloir de l’arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, DaimlerChrysler/OHMI (Calandre) (T‑128/01, Rec. p. II‑701), en précisant que la marque demandée serait destinée à être apposée de manière habituelle sur l’ensemble de ses produits. Elle indique, à cet égard, que l’aptitude de la marque demandée à être perçue comme une indication de l’origine commerciale est d’autant plus évidente qu’elle peut, outre son incorporation dans un sac, être apposée sur le produit concerné.

15      Enfin, dans le cadre de la quatrième branche, la requérante considère, en invoquant l’article 6 quinquies, point C, paragraphe 1, de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883, telle que révisée et modifiée (ci‑après la « convention de Paris »), et l’arrêt de la Cour du 6 mai 2003, Libertel (C‑104/01, Rec. p. I‑3793, point 76), que, dans l’appréciation du caractère distinctif du signe effectuée dans le cadre des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, la chambre de recours aurait dû tenir compte de l’usage de la marque demandée, le dessin litigieux ayant été créé en 1993 et incorporé ensuite dans plus de six millions de sacs.

16      L’OHMI conteste les arguments invoqués par la requérante.

 Appréciation du Tribunal

 Sur la méthode d’analyse retenue par la chambre de recours

17      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

18      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de cet article signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 32 ; du 4 octobre 2007, Henkel/OHMI, C‑144/06 P, Rec. p. I‑8109, point 34, et du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec. p. I‑9375, point 79).

19      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (arrêts Procter & Gamble/OHMI, précité, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25).

20      Selon une jurisprudence constante également, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui‑même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. Toutefois, il convient de tenir compte, dans le cadre de l’application de ces critères, du fait que la perception du consommateur moyen n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui‑même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative (arrêts de la Cour du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 30, Storck/OHMI, précité, points 26 et 27, et Develey/OHMI, précité, point 80).

21      Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 (arrêts du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi‑Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 31, et Storck/OHMI, précité, point 28).

22      Cette jurisprudence développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit désigné vaut également lorsque, comme en l’espèce, la marque demandée est une marque figurative constituée par la forme dudit produit (arrêts Storck/OHMI, précité, point 29, et Henkel/OHMI, précité, point 38). En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne.

23      La perception de la marque par le public concerné est influencée par le niveau d’attention du consommateur moyen, qui est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 48 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26]. En l’espèce, la requérante ne remet pas en cause la constatation de la chambre de recours selon laquelle le consommateur de référence est le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de n’importe quel pays de l’Union européenne.

24      Il y a lieu de rappeler que, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y aurait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, Rec. p. I‑5797, points 22 et 23, et la jurisprudence citée, et Henkel/OHMI, précité, point 39).

25      Il convient également de préciser que, afin de procéder à l’appréciation du caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée, la chambre de recours peut fonder son analyse sur des faits résultant de l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de large consommation, lesquels faits sont susceptibles d’être connus de toute personne et sont notamment connus des consommateurs de ces produits, et qu’elle n’est pas tenue de présenter des exemples d’une telle expérience pratique [arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec. p. II‑811, point 19 ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’une papillote), T‑402/02, Rec. p. II‑3849, point 58]. Dès lors, la requérante ne saurait faire grief à la chambre de recours de n’avoir mentionné que trois autres modèles de sacs dans la décision attaquée lors de son appréciation du caractère distinctif de la marque demandée.

26      Dans la mesure où elle se prévaut du caractère distinctif de la marque demandée, c’est à la requérante qu’il appartenait de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée était dotée d’un caractère distinctif, étant donné qu’elle était mieux à même d’y procéder au vu de sa connaissance approfondie du marché [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Unilever/OHMI (Tablette ovoïde), T‑194/01, Rec. p. II‑383, point 48].

 Sur le caractère banal du signe litigieux

27      En l’espèce, il y a lieu de constater que la marque litigieuse consiste en la représentation graphique d’un sac de forme trapézoïdale surmonté de deux anses formant des demi‑cercles et d’une patte de fermeture sur le bas de laquelle figure un petit bouton rond. En premier lieu, il peut être relevé que la forme représentée par le signe dont l’enregistrement est demandé se rapproche des formes communes de sacs. En deuxième lieu, la présence de deux anses est également extrêmement commune. Enfin, de nombreux sacs comportent une patte de fermeture surmontée d’un bouton rond.

28      Il convient également de procéder à une appréciation d’ensemble de ces éléments. Comme l’a constaté la chambre de recours, la configuration d’ensemble du sac est extrêmement simple et ordinaire, aucun élément verbal ou ornemental n’ayant été ajouté, pas plus qu’une quelconque couleur. Ainsi, il apparaît que, même prises dans leur ensemble, les caractéristiques du signe litigieux ne sont pas de nature à conférer un caractère distinctif à la marque demandée.

29      Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, les circonstances de l’espèce diffèrent sensiblement de celles ayant donné lieu à l’arrêt Calandre précité. En effet, dans cette affaire, le Tribunal avait reconnu la spécificité du signe en cause, qui ne consistait qu’en la représentation d’un élément du produit concerné, qui se distinguait de sa représentation habituelle et contemporaine, et qui pouvait dès lors influer sur la mémoire des consommateurs en tant qu’indication de l’origine commerciale (points 44 à 48 de l’arrêt). En revanche, en l’espèce, le signe litigieux constitue un modèle évoquant l’image venant naturellement à l’esprit de la représentation typique d’un sac contemporain et ne peut dès lors être considéré comme distinctif.

 Sur l’impact de la reconnaissance de la spécificité du dessin litigieux par les droits nationaux

30      Il convient d’écarter l’argument de la requérante tiré de la reconnaissance de la spécificité du dessin litigieux par les droits nationaux.

31      En effet, si la jurisprudence reconnaît que les enregistrements d’ores et déjà effectués dans des États membres constituent un élément qui, sans être déterminant, peut être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque communautaire [arrêt du Tribunal du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑122/99, Rec. p. II‑265, point 61], il n’en demeure pas moins que le régime des marques communautaires est un régime autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47]. Par conséquent, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente.

32      De plus, les règles relatives au droit des marques communautaires diffèrent de celles qui s’appliquent au droit d’auteur, ce dernier étant destiné à protéger toutes les œuvres de l’esprit en accordant à leur auteur des droits moraux et patrimoniaux. Alors que le droit d’auteur définit les œuvres de l’esprit en fonction de leur originalité, le droit des marques nécessite une aptitude du signe à être appréhendé immédiatement comme une indication de l’origine commerciale. Dès lors, s’il n’est pas exclu que la protection d’une forme par le droit d’auteur national soit prise en compte dans l’examen de son caractère distinctif, cette circonstance ne suffit cependant pas, à elle seule, à établir le caractère distinctif de la marque demandée.

 Sur la prise en compte des modalités de l’usage du signe en cause

33      S’agissant de l’argument de la requérante exposé au point 14 ci‑dessus et relatif aux modalités de l’usage du signe, il convient de rappeler que, contrairement à ce que soutient la requérante, la jurisprudence considère qu’un signe non distinctif ne peut le devenir du seul fait des modalités de son usage. En effet, l’appréciation du caractère distinctif d’un signe doit s’effectuer indépendamment des concepts de commercialisation que le demandeur du signe en cause met en œuvre ou envisage de mettre en œuvre, qui constituent des facteurs extrinsèques au droit conféré par la marque, qui ne dépendent que du choix de l’entreprise concernée et qui sont susceptibles d’être modifiés postérieurement à l’enregistrement de la marque [arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, DaimlerChrysler/OHMI (TELE AID), T‑355/00, Rec. p. II‑1939, point 42, et du 30 avril 2003, Axions et Belce/OHMI (Forme de cigare de couleur brune), T‑324/01 et T‑110/02, Rec. p. II‑1897, point 36]. En l’espèce, la circonstance que le signe litigieux serait destiné à constituer tant la forme de sacs qu’un élément graphique apposé sur les sacs est dès lors sans influence sur l’appréciation de son caractère distinctif.

 Sur la nécessité de tenir compte de l’usage de la marque demandée dans l’appréciation du caractère distinctif du signe en cause

34      Il convient de rappeler que les dispositions de l’article 6 quinquies de la convention de Paris ne sauraient être invoquées en l’espèce. En effet, la Cour a jugé que, lorsque le législateur communautaire a considéré nécessaire d’attribuer à certaines dispositions de la convention de Paris un effet direct, il a fait expressément référence à celles‑ci dans le règlement nº 40/94 et que tel n’est pas le cas des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement (arrêt Develey/OHMI, précité, point 42).

35      Par ailleurs, aux fins d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, l’OHMI ou, sur recours, le Tribunal prend en considération tous les faits et circonstances pertinents [voir, à propos de l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêt de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 35]. À cet égard, il ne peut être exclu que des éléments de preuve tirés de la perception effective de la marque par les consommateurs puissent, dans certains cas, éclairer l’OHMI.

36      Cependant, pour contribuer à établir le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, ces éléments doivent démontrer que les consommateurs n’ont pas eu besoin de se familiariser avec la marque par voie d’usage et que cette dernière leur a immédiatement permis de distinguer les produits ou les services qui en étaient revêtus des produits ou des services des entreprises concurrentes. En effet, l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 40/94, qui permet à une marque qui n’a pas ab initio un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, de l’acquérir à la suite de son usage, serait privé d’utilité si une marque devait être enregistrée conformément au paragraphe 1, sous b), du même article au motif qu’elle a acquis un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait (arrêt Mag Instrument/OHMI, précité, point 50).

37      C’est donc à bon droit que la chambre de recours n’a pas tenu compte des éléments relatifs au succès commercial du sac représenté par la marque demandée dans son appréciation du caractère distinctif intrinsèque de cette dernière. Le volume des ventes du sac en cause pouvait être tributaire de facteurs multiples étrangers à la forme du produit tels que sa fonctionnalité, sa qualité ou sa conception astucieuse.

38      Enfin, il convient de préciser que la chambre de recours n’a pas procédé à l’analyse de la question de l’acquisition d’un caractère distinctif de la marque demandée par l’usage au regard des dispositions de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 40/94, dès lors que la requérante, comme elle l’a confirmé lors de l’audience, s’y était expressément opposé dans son mémoire du 8 août 2005 exposant les motifs de sa saisine de la chambre de recours.

39      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter l’unique moyen soulevé par la requérante.

40      Le Tribunal ayant pu apprécier l’ensemble des arguments soulevés dans le cadre de la demande principale sur la base des éléments compris dans le dossier, il convient, dès lors, de rejeter les conclusions subsidiaires tendant à la nomination d’un expert. Le recours doit, par conséquent, être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

41       Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Jean Cassegrain SAS est condamnée aux dépens.



Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 octobre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       I. Pelikánová


* Langue de procédure : le français.