Language of document : ECLI:EU:T:2008:317

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

9 septembre 2008 (*)

« Directive 91/414/CEE – Produits phytopharmaceutiques – Substance active endosulfan – Retrait des autorisations de mise sur le marché – Procédure d’évaluation – Délais – Droits de la défense – Principe de proportionnalité »

Dans l’affaire T‑75/06,

Bayer CropScience AG, établie à Monheim am Rhein (Allemagne),

Makhteshim-Agan Holding BV, établie à Rotterdam (Pays-Bas),

Alfa Georgika Efodia AEVE, établie à Athènes (Grèce),

Aragonesas Agro, SA, établie à Madrid (Espagne),

représentées par Mes C. Mereu et K. Van Maldegem, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

European Crop Protection Association (ECPA), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes D. Waelbroeck et N. Rampal, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. B. Doherty et L. Parpala, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par M. J. Rodríguez Cárcamo, abogado del Estado,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2005/864/CE de la Commission, du 2 décembre 2005, concernant la non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil et le retrait des autorisations accordées aux produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active (JO L 317, p. 25),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. O. Czúcz (rapporteur), président, J. D. Cooke et Mme I. Labucka, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 février 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Dispositions du traité

1        L’article 95, paragraphe 3, CE dispose que la Commission, dans ses propositions au Conseil pour le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur en matière de santé, de sécurité, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques.

2        L’article 152, paragraphe 1, CE énonce qu’un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté.

 Directive 91/414/CEE

3        La directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), établit le régime communautaire applicable à l’autorisation et au retrait de l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques.

4        L’article 4 de la directive 91/414 prévoit que « [l]es États membres veillent à ce qu’un produit phytopharmaceutique soit autorisé uniquement [...] si ses substances actives sont énumérées à l’annexe I ».

5        Les conditions requises aux fins de l’inscription des substances actives à l’annexe I sont précisées à l’article 5 de la directive 91/414 :

« 1. Compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques, une substance active est inscrite à l’annexe I pour une période initiale ne pouvant excéder dix ans, s’il est permis d’escompter que les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active rempliront les conditions suivantes :

a)      leurs résidus consécutifs à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires n’ont pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale ou sur les eaux souterraines ou d’influence inacceptable sur l’environnement et, dans la mesure où ils sont significatifs du point de vue toxicologique ou environnemental, peuvent être mesurés par des méthodes d’usage courant ;

b)      leur utilisation consécutive à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires n’a pas d’effet nocif sur la santé humaine ou animale ou d’influence inacceptable sur l’environnement, conformément à l’article 4, paragraphe 1, [sous] b), iv) et v).

2. Pour inclure une substance active à l’annexe I, il faut tenir compte tout particulièrement des éléments suivants :

a)      le cas échéant, d’une dose journalière admissible (DJA) pour l’homme ;

b)      d’un niveau acceptable d’exposition de l’utilisateur, si nécessaire ;

c)      le cas échéant, d’une estimation de son sort et de sa dissémination dans l’environnement, ainsi que de son incidence sur les espèces non ciblées.

[…] »

6        L’article 6 de la directive 91/414 dispose :

« 1. L’inscription d’une substance active à l’annexe I est décidée selon la procédure prévue à l’article 19.

[...]

2. Un État membre qui reçoit une demande afin d’obtenir l’inclusion d’une substance active à l’annexe I veille à ce qu’un dossier dont il suppose qu’il satisfait aux exigences de l’annexe II soit transmis sans délai excessif par l’intéressé aux autres États membres et à la Commission accompagné d’un dossier conforme à l’annexe III concernant au moins une préparation contenant cette substance active. La Commission saisit le comité phytosanitaire permanent, visé à l’article 19, de l’examen du dossier.

3. Sans préjudice du paragraphe 4, sur demande d’un État membre, et dans un délai de trois à six mois après la saisine du comité, visé à l’article 19, il est constaté, selon la procédure visée à l’article 20, si le dossier est présenté conformément aux exigences des annexes II et III.

4. S’il ressort de l’évaluation du dossier visé au paragraphe 2 que des informations complémentaires sont nécessaires, la Commission peut demander ces informations au demandeur. L’intéressé, ou son représentant mandaté, peut être invité par la Commission à lui présenter ses observations, notamment lorsqu’une décision défavorable est envisagée.

[...] »

7        Les substances actives qui ne sont pas inscrites à l’annexe I de la directive 91/414 peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’un régime dérogatoire transitoire. L’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 dispose ainsi qu’« un État membre peut, pendant une période de douze ans à compter de la date de notification de la présente directive, autoriser la mise sur le marché, sur son territoire, de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non visées à l’annexe I, qui sont déjà sur le marché deux ans après la date de notification de la présente directive ». Cette période de douze années, qui a expiré le 26 juillet 2003, a été prorogée pour certaines substances par le règlement (CE) n° 2076/2002 de la Commission, du 20 novembre 2002, prolongeant la période visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 et concernant la non-inclusion de certaines substances actives à l’annexe I de cette directive, ainsi que le retrait des autorisations relatives à des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances (JO L 319, p. 3), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1335/2005 de la Commission, du 12 août 2005, lequel modifie également les décisions 2002/298/CE, 2004/129/CE, 2004/140/CE, 2004/247/CE et 2005/303/CE en ce qui concerne la période visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 et le maintien de l’utilisation de certaines substances non énumérées à son annexe I (JO L 211, p. 6). Selon ce règlement, la période de douze ans est prorogée jusqu’au 31 décembre 2006, « à moins qu’une décision d’inclure ou de ne pas inclure la substance active à l’annexe I de la directive 91/414 ait été prise ou soit prise avant la date en question ».

8        Durant cette période transitoire, selon l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414, les substances actives concernées doivent faire l’objet d’un programme d’examen, au terme duquel elles peuvent être inscrites à l’annexe I de la directive 91/414 ou, au contraire, ne pas y être inscrites, si ces substances ne satisfont pas aux exigences de sécurité définies à l’article 5 de la directive 91/414 ou si les informations et les données requises pour l’évaluation n’ont pas été présentées au cours de la période prescrite. Il est encore précisé que l’examen de la substance active se déroule selon la procédure prévue à l’article 19 de la directive 91/414. Cet article, tel que modifié par le règlement (CE) n° 806/2003 du Conseil, du 14 avril 2003, portant adaptation à la décision 1999/468/CE des dispositions relatives aux comités assistant la Commission dans l’exercice de ses compétences d’exécution prévues dans des actes du Conseil adoptés selon la procédure de consultation (majorité qualifiée) (JO L 122, p. 1), prévoit que la Commission est assistée par un comité de réglementation, le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (ci-après le « comité »).

 Règlement (CEE) n° 3600/92

9        Le règlement (CEE) n° 3600/92 de la Commission, du 11 décembre 1992, établissant les modalités de mise en œuvre de la première phase du programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 (JO L 366, p. 10), organise la procédure d’évaluation de plusieurs substances en vue de leur inscription éventuelle à l’annexe I de la directive 91/414. Parmi les substances concernées figure l’endosulfan.

10      La procédure instituée par le règlement n° 3600/92 débute par une notification d’intérêt, prévue à l’article 4, paragraphe l, de ce règlement, selon lequel « [t]out producteur désireux d’obtenir l’inscription d’une substance active mentionnée à l’annexe I du présent règlement, ou de tous sels, esters ou amines de ladite substance, dans l’annexe I de la directive [91/414], le notifie à la Commission dans un délai de six mois à compter de la date d’entrée en vigueur du présent règlement ».

11      Après examen des notifications d’intérêt, il est prévu, à l’article 5, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 3600/92, qu’un État membre rapporteur soit désigné pour l’évaluation de chacune des substances actives concernées.

12      Une fois l’État membre rapporteur désigné, il appartient à chaque auteur d’une notification de lui transmettre, selon l’article 6, paragraphe l, du règlement n° 3600/92, un « dossier sommaire » et un « dossier complet », tels que définis à l’article 6, paragraphes 2 et 3, du même règlement. Le dossier sommaire comprend notamment une copie de la notification, des informations relatives aux conditions d’utilisation recommandées, ainsi que les résumés et les résultats d’essais relatifs à chaque point de l’annexe III de la directive 91/414 présentant un intérêt pour l’évaluation des critères visés à l’article 5 de ladite directive. Ces informations concernent une ou plusieurs préparations représentatives des conditions d’utilisation recommandées dans le cadre de l’inscription de la substance active dans l’annexe I de la directive. Le dossier complet contient les protocoles et les rapports d’études complets relatifs à toutes les informations précitées. Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 3600/92, tel que complété par le règlement (CE) n° 2266/2000, du 12 octobre 2000 (JO L 259, p. 27), « l’auteur de la notification doit apporter la preuve que, sur la base des informations soumises pour une ou plusieurs préparations correspondant à une série limitée d’usages représentatifs, les exigences de la directive [91/414] sont satisfaites au regard des critères visés à l’article 5 ».

13      La transmission, par les auteurs d’une notification, du dossier sommaire et du dossier complet à l’État membre rapporteur s’effectue dans un délai fixé par la Commission. Dans le cas de l’endosulfan, la date limite pour le dépôt de ces dossiers a été fixée au 30 avril 1995 par le règlement (CE) n° 933/94 de la Commission, du 27 avril 1994, établissant la liste de substances actives des produits phytopharmaceutiques et désignant les États membres rapporteurs pour l’application du règlement n° 3600/92 (JO L 107, p. 8), puis prorogée jusqu’au 31 octobre 1995 par le règlement (CE) n° 2230/95 de la Commission, du 21 septembre 1995, modifiant le règlement n° 933/94 (JO L 225, p. 1). Il appartient également aux auteurs d’une notification, en application de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 3600/92, de transmettre le dossier sommaire et le dossier complet à des experts d’autres États membres acceptés par la Commission, en vue d’une éventuelle consultation ultérieure.

14      L’État membre rapporteur examine ensuite le dossier sommaire et le dossier complet et, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 3600/92, doit, « immédiatement après l’examen d’un dossier, veiller à ce que ses auteurs soumettent un dossier sommaire à jour aux autres États membres et à la Commission ». L’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 3600/92, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1199/97 de la Commission, du 27 juin 1997 (JO L 170, p. 19), prévoit que, dès le début de son examen, « l’État membre rapporteur peut inviter les auteurs de la notification à apporter des améliorations ou des compléments à leurs dossiers » et « peut consulter des experts d’autres États membres ou demander des informations scientifiques ou techniques supplémentaires à ces derniers, pour faciliter l’évaluation ».

15      Un rapport d’évaluation des dossiers déposés est alors rédigé et transmis à la Commission par l’État membre rapporteur dans un délai de douze mois à compter de la réception des dossiers, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 3600/92. Ce rapport doit notamment contenir une recommandation sur l’opportunité de l’inscription de la substance active concernée à l’annexe I de la directive 91/414.

16      L’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 3600/92, tel que modifié par le règlement n° 1199/97, prévoit que, après avoir reçu le dossier sommaire et le rapport visé au paragraphe 1, la Commission confie au comité la mission d’examiner le dossier et le rapport en question. Avant de transmettre le dossier et le rapport au comité, la Commission distribue le rapport de l’État membre rapporteur aux autres États membres, pour information. En outre, avant que le dossier et le rapport ne soient transmis au comité, une consultation d’experts des États membres peut être organisée et la Commission peut également consulter certains ou l’ensemble des auteurs des notifications concernées au sujet du rapport ou de certaines parties du rapport concernant la substance active visée.

17      L’article 7, paragraphe 3 bis, du règlement n° 3600/92, tel qu’ajouté par le règlement n° 1199/97, prévoit qu’à la suite de cet examen la Commission saisit le comité soit d’un projet de directive visant à inscrire la substance active à l’annexe I de la directive 91/414, soit d’un projet de décision adressé aux États membres concernant le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active, soit d’un projet de décision adressé aux États membres visant un tel retrait tout en conservant la possibilité de réexaminer l’inscription de la substance active à l’annexe I de ladite directive après la communication d’essais supplémentaires ou d’informations complémentaires, soit enfin d’un projet de décision visant à reporter l’inscription de la substance active à l’annexe I de ladite directive jusqu’à la communication des résultats d’essais supplémentaires ou d’informations complémentaires.

18      Cependant, l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, premier tiret, du règlement n° 3600/92, tel que complété par le règlement n° 2266/2000, prévoit que, dans l’hypothèse où il apparaît, à l’issue de l’examen du comité, que le résultat de certains essais ou des informations supplémentaires sont nécessaires, la Commission fixe le délai dans lequel ces résultats ou informations devront être transmis. Cet article précise :

« Ce délai expire le 25 mai 2002, sauf si une date limite plus rapprochée est fixée par la Commission à l’égard d’une substance active particulière, à l’exception des résultats des études à long terme jugées nécessaires par l’État membre rapporteur et par la Commission lors de l’examen du dossier qui ne seront probablement pas achevées avant l’expiration du délai fixé, à condition que les informations soumises attestent que ces études ont été commanditées et que leurs résultats soient présentés au plus tard le 25 mai 2003. Dans des cas exceptionnels, lorsque l’État membre rapporteur et la Commission n’ont pas pu identifier de telles études avant le 25 mai 2001, une autre date peut être fixée pour l’achèvement de ces études, dès lors que l’auteur de la notification prouve à l’État membre rapporteur que de telles études ont été commanditées dans les trois mois suivant la demande de réalisation des études et qu’il fournit un procès-verbal et un rapport d’avancement sur l’étude avant le 25 mai 2002. »

19      L’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 3600/92, tel que complété par le règlement n° 2266/2000, prévoit également :

« [… L]a présentation de nouvelles études ne sera pas acceptée. L’État membre rapporteur peut demander à l’auteur de la notification, avec l’accord de la Commission, de soumettre des données supplémentaires nécessaires à la clarification du dossier. L’État membre rapporteur informe immédiatement la Commission des cas de substances actives pour lesquelles les résultats ou informations visés au premier tiret n’ont pas été soumis dans le délai fixé. La Commission décide, comme le prévoit l’article 8, paragraphe 2, dernier alinéa, de la directive, de ne pas inscrire ces substances à l’annexe I de la directive [91/414] en en mentionnant les raisons […] »

20      L’article 7, paragraphe 5, du règlement n° 3600/92 dispose que « [l]a Commission saisit le comité d’un projet de décision prévoyant que la substance active en cause ne sera pas inscrite dans l’annexe I conformément à l’article 8, paragraphe 2, dernier alinéa, de la directive [91/414] lorsque […] l’État membre rapporteur a informé la Commission de ce que les résultats visés au premier tiret du paragraphe 4 ne lui ont pas été soumis dans le délai prévu ».

21      Selon l’article 8 du règlement n° 3600/92, tel que modifié par le règlement n° 2266/2000, après avoir reçu les résultats des essais supplémentaires ou les informations complémentaires, l’État membre rapporteur doit les examiner, veiller à ce que ces résultats ou informations soient transmis par l’auteur de la notification aux autres États membres ainsi qu’à la Commission et transmettre, au plus tard dans un délai de six mois à compter de la réception de ces résultats ou informations, son évaluation du dossier sous forme d’addendum au rapport d’évaluation déjà présenté à la Commission accompagné d’une recommandation concernant l’inscription ou non de la substance active à l’annexe I de la directive 91/414.

22      En application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement n° 3600/92, tel que modifié par le règlement n° 2266/2000, une fois que la Commission a reçu le rapport établi par l’État membre rapporteur, elle le transmet au comité afin qu’il l’examine. Cet article prévoit que, « [a]vant de transmettre le dossier et le rapport au comité, la Commission communique le rapport du rapporteur aux États membres pour information et peut procéder à une consultation d’experts d’un ou de plusieurs États membres ». Il est ajouté que « [l]a Commission peut consulter certains ou la totalité des auteurs des notifications de substances actives au sujet du rapport ou de parties du rapport concernant la substance active en cause », en précisant que « [l]’État membre rapporteur fournit l’assistance technique et scientifique nécessaire lors de ces consultations ». À l’issue de l’examen par le comité, la Commission lui soumet un projet de décision concernant l’inscription ou non de la substance à l’annexe I de la directive 91/414.

 Antécédents du litige

 Procédure d’évaluation

23      L’endosulfan est une substance active utilisée notamment pour la fabrication de pesticides. Il agit comme un poison par contact sur une grande variété d’insectes et d’acariens sur de nombreuses cultures, dont le coton et de nombreuses variétés de fruits et de légumes.

24      Bayer CropScience AG, Makhteshim-Agan Holding BV, Alfa Georgika Efodia AEVE et Aragonesas Agro, SA, les requérantes, sont des sociétés ayant, notamment, pour activité la production et la commercialisation d’endosulfan et de produits phytopharmaceutiques à base d’endosulfan.

25      En application du règlement n° 933/94, le Royaume d’Espagne a été désigné comme État membre rapporteur en charge de l’examen de l’endosulfan. Il ressort de son annexe 3 que cet État membre a désigné en qualité d’autorité compétente pour cette mission, conformément à l’article 3 du règlement n° 3600/92, le ministère de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation espagnol (ci-après le « MAPA »). Le MAPA a confié à l’Instituto Nacional de Investigacíon y Tecnologia Agraria y Alimentaria (l’Institut national d’investigation et de technologie agricole et alimentaire, ci-après l’« INIA ») la réalisation de rapports d’évaluation relatifs aux substances actives en vue de leur inscription à l’annexe I de la directive 91/414. En conséquence, l’INIA a été chargé d’élaborer le projet de rapport d’évaluation pour l’endosulfan et a participé aux débats entre experts organisés par la Commission.

26      Avant la date limite du 31 octobre 1995, seuls Makhteshim Agan International Coordination Center et AgrEvo GmbH, désormais dénommée Bayer CropScience, ont déposé auprès du Royaume d’Espagne des dossiers, au sens de l’article 6 du règlement nº 3600/92, concernant l’endosulfan. Makhteshim Agan International Coordination Center et AgrEvo ont regroupé leurs efforts au sein d’un groupe de travail dénommé « groupe de travail endosulfan » (ci-après le « groupe de travail »).

27      Durant le mois de février 2000, le Royaume d’Espagne a adressé à la Commission un projet de rapport d’évaluation concernant l’endosulfan, qui a ensuite été envoyé par la Commission aux États membres et à AgrEvo, en tant que représentant du groupe de travail. Un avant-projet de ce rapport avait été envoyé quelques mois auparavant au groupe de travail. Dans le projet de rapport d’évaluation, le Royaume d’Espagne a conclu que la décision sur l’inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 devrait être reportée dans l’attente de la réception et de l’examen d’informations supplémentaires identifiées dans le projet de rapport d’évaluation.

28      Du mois de janvier au mois de juillet 2001 ont eu lieu plusieurs réunions d’experts de plusieurs États membres afin d’examiner le projet de rapport d’évaluation et les commentaires qu’il suscitait dans le cadre du processus d’évaluation par des experts d’autres États membres tel que prévu à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 3600/92, en vertu duquel la Commission a créé en collaboration avec des autorités compétentes nationales un cadre de discussions pour accomplir ce type d’évaluations, dénommé European Commission Co-ordination (ECCO). Les membres du groupe de travail ont participé à ces discussions.

29      Le 27 juin 2001, le rapport rédigé à la suite de cet examen a été distribué aux États membres et, le 25 août 2001, au groupe de travail en vue d’obtenir des commentaires et des éclaircissements complémentaires.

30      Ayant constaté que certaines informations supplémentaires étaient nécessaires pour l’examen de l’endosulfan, la Commission a adopté, le 21 novembre 2001, la décision 2001/810/CE concernant la décision relative à l’inscription éventuelle de certaines substances actives à l’annexe I de la directive 91/414 (JO L 305, p. 32), prorogeant la date limite pour la présentation de nouvelles données concernant l’endosulfan au 25 mai 2002, et au 31 mai 2003 pour des études déterminées à long terme, échéances analogues à celles fixées à l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 3600/92.

31      En mai 2002, le groupe de travail a produit de nouvelles données, conformément au calendrier prévu par la décision 2001/810. En juillet 2002, il a engagé avec le Royaume d’Espagne des discussions concernant la possibilité de notifier des études portant sur une formulation différente de l’endosulfan. La formulation initialement notifiée était sous forme de poudre mouillable (WP) ou de concentré émulsionnable (EC), tandis que le nouveau produit se présentait sous forme de suspension de capsules (CS). Selon le groupe de travail, cette nouvelle formulation pouvait résoudre certains des doutes que le Royaume d’Espagne avait déjà exprimés. Lors d’une réunion qui s’est tenue le 17 juillet 2002, les représentants du Royaume d’Espagne ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas accepter ce nouveau dossier, tout en suggérant aux requérantes de solliciter l’accord informel de la Commission à ce sujet. Les requérantes n’ont pas obtenu cet accord.

32      En mai 2003, les requérantes ont déposé les études à long terme mentionnées dans la décision 2001/810 en y ajoutant certaines nouvelles données, à savoir un nouveau dossier conforme à l’annexe III de la directive 91/414 (voir point 6 ci-dessus) relatif à la formulation CS (ci-après le « dossier CS »).

33      Le 22 janvier 2004 a eu lieu une réunion entre le groupe de travail et les autorités espagnoles au cours de laquelle un expert dans les domaines de l’environnement et de l’écotoxicologie a fait part de certaines de ses préoccupations concernant l’endosulfan.

34      Le 26 janvier 2004, le groupe de travail a reçu de la part du Royaume d’Espagne le rapport concernant l’évaluation des données présentées par le groupe de travail durant les mois de mai 2002 et de mai 2003 sous forme d’addendum au rapport d’évaluation et une version actualisée des tableaux d’évaluation.

35      Le 17 mai 2004, s’est tenue une réunion tripartite à laquelle ont participé la Commission, le Royaume d’Espagne et le groupe de travail, en application de l’article 6, paragraphe 4, de la directive 91/414. Lors de cette réunion, la Commission a fait part des problèmes soulevés par l’endosulfan et a indiqué qu’elle envisageait de proposer au comité de ne pas inscrire l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414. Elle a par ailleurs invité le groupe de travail à faire part de ses commentaires avant le 21 juin 2004, tout en précisant qu’aucune étude nouvelle à l’appui de son argumentation ne pourrait être acceptée, l’échéance du 31 mai 2003 ayant été d’ores et déjà dépassée.

36      Le 25 juin 2004, les représentants du groupe de travail ont adressé un courrier à la Commission afin de contester la façon dont l’évaluation de l’endosulfan avait été menée et d’obtenir l’autorisation de produire certaines explications techniques complémentaires et ont soumis des arguments supplémentaires, mais aussi de nouvelles études.

37      Par lettre du 12 juillet 2004, la Commission a demandé à l’État membre rapporteur de ne pas prendre en compte les nouvelles études produites par le groupe de travail. Une copie de cette lettre a été transmise au groupe de travail.

38      Le 24 septembre 2004, le groupe de travail a envoyé une lettre à la Commission lui demandant, en substance, de renvoyer l’examen de l’endosulfan à l’État membre rapporteur avec pour instruction d’examiner toutes les données pertinentes et la mettant en demeure de définir sa position dans un délai de 60 jours.

39      Par lettre du 26 novembre 2004, la Commission a répondu qu’elle préparait une proposition de décision de non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 et qu’elle avait l’intention de soumettre ce projet au comité lors de sa première réunion de l’année 2005. La Commission indiquait également que, dans sa lettre du 12 juillet 2004, elle avait rappelé la procédure prévue par le règlement n° 3600/92 ainsi que les échéances prévues pour la finalisation de l’examen des substances visées par ce règlement.

40      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 31 janvier 2005, les requérantes ont introduit un recours en carence (affaire T‑34/05, Bayer CropScience e.a./Commission).

41      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 31 janvier 2005, Makhteshim-Agan Holding, Aragonesas Agro et Alfa Georgika Efodia ont introduit une demande visant à ce que soient ordonnées certaines mesures provisoires concernant l’évaluation de l’endosulfan en vue de son inscription éventuelle à l’annexe I de la directive 91/414.

42      Par ordonnance du 27 avril 2005, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé.

43      Par ordonnance du 6 septembre 2006, la troisième chambre du Tribunal a décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours en carence, eu égard à l’adoption par la Commission de la décision 2005/864/CE, du 2 décembre 2005, concernant la non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 et le retrait des autorisations accordées aux produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active (JO L 317, p. 25, ci-après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

44      Dans la décision attaquée, la Commission conclut que les critères d’inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 ne sont pas remplis. Elle précise dès lors à l’article 1er de ladite décision que l’endosulfan n’est pas inscrit, en tant que substance active, à l’annexe I de la directive 91/414. La Commission résume, au considérant 8 de la décision attaquée, les motifs de cette non-inscription :

« Plusieurs sujets de préoccupation ont été identifiés lors de l’évaluation de cette substance active, notamment en ce qui concerne son devenir et son comportement dans l’environnement étant donné que les voies de dégradation de la substance active ne sont pas claires et que des métabolites inconnus ont été découverts lors des études de la dégradation dans le sol, de la dégradation dans l’eau/les sédiments et du mésocosme. Sur le plan écotoxicologique, de nombreuses préoccupations subsistent étant donné que les informations disponibles ne permettent pas une étude suffisante du risque à long terme résultant notamment de la présence desdits métabolites. En outre, l’étude de l’exposition des opérateurs à l’intérieur à l’aide des informations existantes n’a pas été jugée suffisante. Par ailleurs, l’endosulfan est volatil, son principal métabolite est persistant et il a été découvert dans les résultats de surveillance dans des régions où la substance n’était pas utilisée. En conséquence, ces questions n’étant pas résolues, il ressort des évaluations effectuées que les informations fournies ne sont pas suffisantes pour démontrer que, dans les conditions d’utilisation envisagées, les produits phytopharmaceutiques contenant de l’endosulfan satisfont de manière générale aux exigences fixées à l’article 5, paragraphe 1, [sous] a) et b), de la directive 91/414[…] »

45      En vertu de l’article 2 de la décision attaquée, les États membres doivent faire en sorte que les autorisations des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active endosulfan soient retirées avant le 2 juin 2006, que, à compter du 3 décembre 2005, aucune autorisation de produits phytopharmaceutiques contenant de l’endosulfan ne soit accordée ou reconduite et que soient indiquées les conditions sous lesquelles, pour quelques usages spécifiques, certains États membres peuvent maintenir en vigueur les autorisations pour les produits phytopharmaceutiques contenant de l’endosulfan jusqu’au 30 juin 2007.

46      En vertu de l’article 3 de la décision attaquée, un délai de grâce peut être accordé par un État membre au détenteur d’une autorisation expirant, pour les usages pour lesquels l’autorisation doit être retirée le 2 juin 2006, au plus tard le 2 juin 2007 et, pour les utilisations pour lesquelles les autorisations doivent être retirées à partir du 30 juin 2007, au plus tard le 31 décembre 2007.

47      Au considérant 14 de la décision attaquée, la Commission indique que ladite décision ne porte pas préjudice à la remise d’une demande pour l’endosulfan, conformément aux dispositions de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 91/414, en vue d’une éventuelle inscription à l’annexe I de ladite directive.

48      L’article 4 de la décision attaquée dispose que les États membres en sont les destinataires.

 Procédure et conclusions des parties

49      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 février 2006, les requérantes ont introduit le présent recours.

50      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 mai 2006, le Royaume d’Espagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 30 juin 2006, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

51      Par acte déposé au greffe le 12 juin 2006, l’European Crop Protection Association (ECPA) a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions des requérantes. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 19 octobre 2006 du président de la troisième chambre du Tribunal. L’ECPA a déposé son mémoire et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

52      Le 14 juin 2006, les requérantes ont introduit une demande de mesures d’organisation de la procédure concernant, en substance, la comparution et le témoignage oral de certaines personnes ayant été impliquées dans la procédure d’évaluation pour l’État membre rapporteur et la désignation d’un expert afin de répondre à certaines questions qu’elles avaient formulées. Les autres parties ont déposé leurs observations sur cette demande dans les délais impartis.

53      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les requérantes, la Commission et le Royaume d’Espagne, le 24 octobre 2007, à répondre à des questions écrites, ce qu’ils ont fait dans le délai imparti.

54      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 12 février 2008.

55      Les requérantes, soutenues par l’ECPA, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la requête recevable et fondée ou, subsidiairement, joindre au fond sa décision quant à la recevabilité ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

56      La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 Sur la recevabilité

57      Sans pour autant soulever une exception d’irrecevabilité, la Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, d’une part, émet des doutes quant à l’intérêt à agir des requérantes et, d’autre part, conteste la qualité pour agir de certaines d’entre elles.

 Sur l’intérêt à agir

 Arguments des parties

58      Selon la Commission, l’annulation de la décision attaquée ne placerait pas nécessairement les requérantes dans une position plus favorable. L’autorisation de mise sur le marché de l’endosulfan serait maintenue dans l’attente de son évaluation en vertu des dispositions transitoires de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414. Cette période d’examen expirerait le 31 décembre 2006. Au cas où la décision attaquée serait annulée, l’arrêt serait postérieur à cette date. Dans cette hypothèse, la Commission devrait prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt, conformément à l’article 233 CE, mais l’expiration de la période transitoire ferait qu’il n’y aurait plus de fondement juridique évident pour autoriser le maintien de l’endosulfan sur le marché dans l’attente d’une nouvelle évaluation. Le dossier des requérantes devrait alors faire l’objet d’une évaluation conformément à l’article 6 de la directive 91/414, plutôt que dans le cadre du programme d’examen. Étant donné que les requérantes sont libres de notifier l’endosulfan au titre dudit article 6, alors même que la présente affaire est pendante, la Commission estime que l’annulation de la décision attaquée n’améliorerait pas leur situation, si ce n’est dans la mesure où l’arrêt pourrait donner des indications au sujet des procédures et des critères d’évaluation.

59      Les requérantes contestent les arguments de la Commission.

 Appréciation du Tribunal

60      Il y a lieu de relever que la Commission remet en cause l’intérêt à agir des requérantes. À tout le moins, elle semble faire valoir que celles-ci ont perdu leur intérêt à agir en cours d’instance, notamment à partir du 31 décembre 2006, date de la fin de la période transitoire prévue à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414, tel que modifié. La Commission semble prétendre qu’à partir de cette date, d’une part, les produits des requérantes ne bénéficiaient plus d’une autorisation de mise sur le marché mais que ces dernières pouvaient alors notifier leurs substances actives sur la base de l’article 6 de la directive 91/414, qui décrit la procédure de notification et d’inscription des substances actives en dehors du régime transitoire de l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive prévue pour les substances actives pour lesquelles des produits phytopharmaceutiques étaient déjà sur le marché deux ans après la date de notification de la directive et, d’autre part, il n’y avait plus de base juridique évidente autre que ledit article 6 pour évaluer l’endosulfan, car la période d’évaluation du régime transitoire prévue à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 avait expiré. Les requérantes auraient donc pu obtenir le même résultat final, à savoir l’examen de leurs données supplémentaires, tant sur la base de l’article 6 de la directive 91/414 que par le biais de leur recours en annulation.

61      Le Tribunal constate que la décision attaquée, en prévoyant la non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 et en imposant le retrait des autorisations de produits pharmaceutiques contenant de l’endosulfan par les États membres, est un acte faisant grief dont l’annulation procurerait un bénéfice aux requérantes, aux producteurs et aux vendeurs de produits phytopharmaceutiques à base d’endosulfan. L’intérêt à agir des requérantes au moment de l’introduction du recours était donc né et actuel.

62      Par ailleurs, contrairement à ce que paraît argumenter la Commission, ni l’expiration de la période transitoire d’examen ni l’existence de la procédure de notification prévue à l’article 6 de la directive 91/414 n’affectent l’existence continue dudit intérêt à agir.

63      En ce qui concerne la prétendue impossibilité de la Commission de prendre une nouvelle décision sur la base de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 en exécution d’un éventuel arrêt d’annulation, elle n’affecte pas l’intérêt à agir des requérantes. En effet, conformément à l’article 233, premier alinéa, CE, la Commission est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt d’annulation. La Commission, en présence d’une telle annulation, avec l’effet rétroactif qui s’y attacherait, devrait reprendre une décision sur la base du dossier notifié, concerné par cette annulation, et se prononcer en se plaçant à la date de la notification [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 2 mai 2006, O2 (Germany)/Commission, T‑328/03, Rec. p. II‑1231, point 48]. Le fait qu’il y ait eu un quelconque changement dans la réglementation à la base de la décision attaquée depuis l’adoption de celle-ci n’est donc pas pertinent pour juger de l’opportunité pour les requérantes de faire valoir leurs griefs quant à la procédure menée et au résultat obtenu sous le régime en vigueur à l’époque des faits.

64      Il s’ensuit que l’argument tiré du fait que la Commission devrait, à la suite d’un arrêt d’annulation, évaluer l’endosulfan selon la procédure de l’article 6 de la directive 91/414 est inopérant. En tout état de cause, il ne saurait être nié que la possibilité pour les requérantes de procéder à une nouvelle notification de l’endosulfan sur la base de l’article 6 de la directive 91/414, possibilité à laquelle la décision attaquée fait explicitement référence en son considérant 14, soit pour elles une solution moins avantageuse qu’une éventuelle reprise, après un arrêt d’annulation, de la première procédure d’évaluation là où une éventuelle illégalité est intervenue, de sorte que ladite possibilité pour les requérantes de faire examiner l’endosulfan par le déclenchement d’une nouvelle procédure sur une autre base juridique n’affecte pas leur intérêt à obtenir une décision du Tribunal sur la validité de la première procédure.

65      Les requérantes ont donc intérêt à obtenir une décision du Tribunal sur les moyens avancés contre la décision attaquée.

 Sur la qualité pour agir

 Arguments des parties

66      La Commission admet que Bayer CropScience est individuellement concernée par la décision attaquée, puisqu’elle a participé à la procédure administrative. Elle conteste toutefois que les autres requérantes aient participé à ladite procédure et, par conséquent, qu’elles puissent être considérées comme étant individuellement concernées par la décision attaquée.

67      Selon les requérantes, chacune d’elles est individuellement concernée par la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

68      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’il s’agit d’établir la recevabilité d’un seul et même recours introduit par plusieurs requérants et que le recours est recevable en ce qui concerne l’un d’entre eux, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres requérants (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec. p. I‑1125, point 31 ; arrêts du Tribunal du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, Rec. p. II‑1275, point 52, et du 8 juillet 2003, Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, T‑374/00, Rec. p. II‑2275, point 57).

69      Au vu du fait que la première requérante, Bayer Cropscience, est, comme le reconnaît la Commission elle-même, directement et individuellement concernée par la décision attaquée, il n’est donc pas nécessaire d’examiner la qualité pour agir des autres requérantes pour conclure à la recevabilité du recours.

70      Il résulte de tout ce qui précède que le recours est recevable.

 Sur le fond

71      Au soutien du recours, les requérantes avancent trois moyens. Le premier moyen est tiré de vices de procédure, du caractère inéquitable de la procédure d’évaluation ainsi que d’une violation du principe de protection de la confiance légitime. Le deuxième moyen est tiré de la violation, d’une part, de l’article 95, paragraphe 3, CE (première branche) et, d’autre part, de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 (seconde branche). Le troisième moyen est tiré de la violation de certains principes généraux du droit communautaire. Le Tribunal estime utile d’examiner ensemble le premier moyen et la seconde branche du deuxième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré de vices de procédure, du caractère inéquitable de la procédure d’évaluation et de la violation du principe de protection de la confiance légitime, et sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414

72      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes font valoir plusieurs griefs concernant, notamment, le fait que la décision attaquée est fondée sur des critères autres que ceux spécifiés dans la directive 91/414, le fait que l’appréciation de l’endosulfan est incomplète et fondée sur une utilisation sélective des données soumises par elles, une application rétroactive de nouvelles lignes directrices et de nouveaux critères établis par la Commission après la notification et la soumission des données, le refus de la Commission de les conseiller et de se concerter dans le contexte du changement des critères et de la politique d’évaluation et le refus, opposé à la fin de la procédure d’évaluation, d’examiner de nouvelles données transmises en réponse directe à l’application par la Commission de nouveaux critères et/ou de nouvelles lignes directrices relatives à l’évaluation.

73      Ces griefs se rapportent, en substance, à sept problématiques concernant, premièrement, le métabolite inconnu, deuxièmement, le dossier CS, troisièmement, l’exposition de l’opérateur à l’intérieur, quatrièmement, les bonnes pratiques agricoles (BPA) révisées, cinquièmement, la classification de l’endosulfan comme polluant organique persistant (POP) et substance persistante, bioaccumulable et toxique (PBT), sixièmement, l’utilisation en serre et, septièmement, l’impact du retard causé par l’État membre rapporteur et la Commission dans la procédure d’évaluation. Ces problématiques seront examinées aux points 96 à 206 ci-après.

74      Certaines des sept problématiques susmentionnées, ainsi que les griefs avancés dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414, concernent la question de savoir si la Commission était en droit de refuser d’examiner certaines données ou études prétendument soumises hors délai. Le Tribunal estime utile d’examiner d’abord la question de l’applicabilité des délais procéduraux pour la soumission d’études au vu du fait que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 énonce que la décision d’inscription d’une substance active à l’annexe I de ladite directive doit se faire « compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques », car elle concerne le cadre général d’appréciation du cas d’espèce.

 Sur la question liminaire de l’application des délais procéduraux et l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414

–       Arguments des parties

75      Les requérantes, soutenues par l’ECPA, reprochent, en substance, à la Commission d’avoir pris la décision de non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 en raison de doutes quant à son innocuité fondés sur une insuffisance d’information à une certaine date avant la fin de la période de transition. Or, selon les requérantes, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414, selon lequel lesdites décisions doivent tenir compte de l’état des connaissances scientifiques et techniques, implique que toutes les données fournies par elles avant la fin du processus d’évaluation doivent être prises en compte. La non-prolongation des délais pour la soumission d’études en l’espèce constituerait une erreur manifeste d’appréciation au vu du fait que ce serait le comportement de la Commission et du Royaume d’Espagne qui aurait empêché les requérantes de respecter les délais légaux. Au soutien de leur argumentation, elles invoquent l’arrêt de la Cour du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission (C‑326/05 P, Rec. p. I‑6557, ci-après l’« arrêt IQV »).

76      La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, considère que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 doit être lu à la lumière de l’objectif général de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et du système mis en place à cet effet. L’évaluation des produits phytopharmaceutiques servirait à améliorer la production agricole, mais aussi à protéger la santé et l’environnement. Selon la Commission, les procédures d’évaluation doivent permettre un examen très approfondi tout en garantissant que les décisions soient prises dans un délai raisonnable. Enfin, elles devraient assurer l’égalité de traitement entre les entreprises ayant notifié des substances actives tout en tenant compte des caractéristiques propres aux différentes substances. L’interprétation extensive que feraient les requérantes dudit article conduirait à un scénario qui paralyserait l’ensemble du système de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, ce qui serait contraire aux objectifs de la directive 91/414. Par ailleurs, l’arrêt IQV, point 75 supra, concernerait un cas particulier et ne serait pas pertinent pour la solution du litige en l’espèce.

–       Appréciation du Tribunal

77      Les requérantes allèguent que la Commission avait l’obligation de prendre en compte certaines données et études soumises par elles hors délai, ce qui revient à soutenir, en substance, qu’elles auraient dû bénéficier d’une prorogation des délais procéduraux ou que de nouveaux délais auraient dû leur être accordés.

78      Il y a lieu de rappeler qu’il existe des dispositions réglementaires précises concernant la durée de la procédure générale d’évaluation des substances actives et les délais de présentation d’un dossier complet et des informations complémentaires. Ainsi, le règlement n° 3600/92, tel que modifié par le règlement n° 2266/2000, ainsi que la décision 2001/810 prévoyaient que ces derniers délais expiraient pour l’endosulfan le 25 mai 2002, s’agissant de la présentation des études et des données supplémentaires, et le 31 mai 2003, s’agissant d’études déterminées à long terme. La légalité de ces dispositions n’est pas remise en cause en l’espèce.

79      Il y a également lieu de relever qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 3600/92 (voir point 18 ci-dessus) que la Commission n’a la possibilité de proroger le délai pour les études à long terme que dans des cas exceptionnels, à savoir lorsque l’État membre rapporteur et la Commission n’ont pas pu identifier, avant le 25 mai 2001, les études à long terme jugées nécessaires pour l’examen du dossier. De plus, l’auteur de la notification doit prouver à l’État membre rapporteur que de telles études ont été commanditées dans les trois mois suivant la demande de leur réalisation et doit fournir un procès-verbal ainsi qu’un rapport d’avancement sur l’étude avant le 25 mai 2002. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce, car les données et études litigieuses ne concernaient pas des études à long terme demandées par les évaluateurs.

80      En dépit de ce cadre réglementaire clair, il y a lieu, compte tenu du cas d’espèce, d’examiner les circonstances dans lesquelles il aurait pu exister une obligation pour la Commission d’accorder une prorogation de délais, surtout au vu du fait que la période transitoire pour l’autorisation de mise sur le marché de l’endosulfan devait s’achever en principe en juillet 2003, mais avait été prorogée, en 2002, jusqu’au 31 décembre 2005 et, finalement, en 2005, jusqu’au 31 décembre 2006 (voir point 7 ci-dessus), à moins qu’une décision d’inscrire ou de ne pas inscrire la substance active à l’annexe I de la directive 91/414 n’ait été adoptée avant cette date.

81      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de ses cinquième, sixième et neuvième considérants, la directive 91/414 vise à l’élimination des entraves aux échanges intracommunautaires de produits phytopharmaceutiques, tout en maintenant un niveau élevé de protection de l’environnement ainsi que de la santé humaine et animale (arrêt de la Cour du 14 septembre 2006, Stichting Zuid‑Hollandse Milieufederatie, C‑138/05, Rec. p. I‑8339, point 43).

82      Dans ce cadre, afin de pouvoir poursuivre efficacement l’objectif qui lui est assigné, et en considération des évaluations techniques complexes qu’elle doit opérer, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission (arrêt IQV, point 75 supra, point 75). Le pouvoir d’accorder une prorogation de délais s’apparente à un pouvoir d’appréciation qui dépend des circonstances de l’espèce.

83      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge communautaire doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (arrêts de la Cour du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, point 5, et du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, Rec. p. I‑5163, point 12).

84      En particulier, lorsqu’une partie invoque une erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise l’institution compétente, le juge communautaire doit contrôler si cette institution a examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, éléments qui appuient les conclusions qui en sont tirées (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14).

85      Il doit également être rappelé qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 3600/92, tel que complété par le règlement n° 2266/2000, que c’est l’auteur de la notification qui doit apporter la preuve que, sur la base des informations soumises pour une ou plusieurs préparations correspondant à une série limitée d’usages représentatifs, les exigences de la directive 91/414 sont satisfaites au regard des critères visés à l’article 5 de ladite directive. La charge de la preuve de l’innocuité de la substance active repose donc sur l’auteur de la notification, ce que les requérantes ne contestent d’ailleurs pas.

86      De plus, il est évident qu’une prolongation indéfinie du délai d’évaluation d’une substance active serait contraire à l’objectif poursuivi par la directive 91/414 consistant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale.

87      Quant à l’invocation de l’arrêt IQV, point 75 supra, il y a lieu de préciser que l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait un cadre factuel très particulier, différent de celui de l’espèce, dans la mesure où la décision de refus d’inscription à l’annexe I de la directive 91/414 de la substance active en cause dans cette affaire avait été prise en raison de l’absence totale d’évaluation, faute de soumission d’un dossier initial complet. Le litige concernait donc la question relative au délai applicable pour la soumission d’un dossier de notification complet. Or, dans le cas d’espèce, la décision de non-inscription a été prise à la fin d’un processus d’évaluation reposant, notamment, sur une notification initiale jugée complète, un projet de rapport d’évaluation, une consultation d’experts des États membres et des possibilités pour le groupe de travail de soumettre des arguments et des études supplémentaires afin de répondre aux doutes émis par l’État membre rapporteur dans le projet de rapport d’évaluation et au cours du processus de consultation d’experts des États membres.

88      En dépit du contexte factuel très différent de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt IQV, point 75 supra, par rapport au cas d’espèce, il y a lieu de relever que la Cour, après avoir reconnu l’existence d’un large pouvoir d’appréciation à la Commission dans l’exercice de ses compétences dans le cadre de la directive 91/414, a conclu que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant d’accorder à Industrias Químicas del Vallés SA (ci-après « IQV ») une prorogation du délai imparti pour la soumission d’un dossier initial complet, car, d’une part, l’impossibilité d’IQV de respecter lesdits délais était due, au moins en partie, au comportement contradictoire des autorités compétentes et, d’autre part, une prorogation des délais litigieux était possible sur la base de la réglementation en cause (arrêt IQV, point 75 supra, points 84 à 88).

89      Il peut être déduit de la jurisprudence précitée que, dans le cadre d’une décision concernant l’inscription à l’annexe I de la directive 91/414 d’une substance visée par la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive, le moratoire s’impose si, d’une part, il n’est pas impossible de déroger aux délais procéduraux fixés par la réglementation en cause et, d’autre part, les parties ayant notifié la substance active se sont trouvées dans une situation de force majeure qui les a empêchées de respecter les délais procéduraux, circonstance qui pourrait exister si l’impossibilité de respecter lesdits délais était due, au moins en partie, au comportement contradictoire des autorités compétentes.

90      En ce qui concerne la question de savoir s’il était impossible pour la Commission de déroger aux délais procéduraux en cause en l’espèce, force est de constater que la Commission n’apporte pas d’arguments convaincants à cet égard. Elle invoque des contraintes pratiques et politiques découlant du fait qu’elle s’est engagée en 2001 vis-à-vis du Conseil et du Parlement à prendre un maximum de décisions avant juillet 2003, en soulignant que toute prorogation serait exceptionnelle et limitée. De plus, elle allègue que toutes les entreprises notifiant des substances actives doivent respecter les délais procéduraux et que réserver un traitement spécial aux requérantes soulèverait des problèmes de rupture d’égalité, en particulier à l’égard des entreprises qui se sont retirées de la procédure en raison de l’expiration des délais procéduraux qu’elles pensaient être impératifs. De même, selon la Commission, s’il était permis aux requérantes d’ajouter sans cesse de nouveaux éléments à leur dossier, il faudrait consacrer des ressources supplémentaires à l’endosulfan au détriment d’autres substances dont l’évaluation serait retardée.

91      Force est de constater que des considérations politiques ou pratiques ne constituent pas une raison suffisante pour refuser une prorogation des délais dans un cas particulier, dans l’hypothèse où une telle prorogation serait nécessaire afin de garantir une procédure d’évaluation juste et équitable. Par ailleurs, l’argument de la Commission tiré de la rupture d’égalité ne saurait être accueilli dès lors que la prorogation est rendue nécessaire du fait des circonstances particulières d’une certaine procédure d’évaluation et de ses participants. En effet, il est de jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement ne s’oppose pas à tout traitement différencié, mais interdit de traiter d’une façon différente des situations comparables, entraînant un désavantage pour certains opérateurs par rapport à d’autres, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, Rec. p. II‑1047, point 137, et la jurisprudence citée).

92      En tout état de cause, il y a lieu de constater que la décision 2001/810 prévoit elle-même des délais de soumission de données et d’études différents pour certaines substances. Ainsi, par exemple, le délai pour la soumission d’études, qui est le 25 mai 2002 pour la plupart des substances visées dans cette décision, est néanmoins fixé au 30 novembre 2002 pour le chlorotoluron, au 31 décembre 2002 pour le dinocap et au 31 janvier 2003 pour le bénalaxyl. En ce qui concerne les délais pour la soumission d’études déterminées à long terme, celui pour l’endosulfan est fixé au 31 mai 2003. Pour la plupart des autres substances visées dans ladite décision, il est fixé au 25 mai 2003. Or, celui pour le bénomyl, le chlorotoluron et le dinocap est néanmoins fixé au 31 décembre 2003. La Commission, dans la décision 2001/810, indique que ces substances relèvent de cas exceptionnels. Toutefois, force est de constater que l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 3600/92, tel que complété par le règlement n° 2266/2000, ne prévoit que des extensions de délais dans des « cas exceptionnels » pour les études à long terme. Or, la décision 2001/810 accorde aussi des dérogations au délai général du 25 mai 2002, pour lequel le règlement n° 3600/92 ne prévoit pas de possibilité d’extension (voir point 18 ci-dessus). Il s’ensuit que la Commission n’a pas démontré qu’il aurait été impossible en l’espèce de proroger les délais procéduraux.

93      Il est toutefois encore important de préciser qu’il ne saurait être déduit de la référence dans l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 à « l’état des connaissances scientifiques et techniques » que des entreprises ayant notifié une substance active et qui sont confrontées à la probabilité d’une décision de non-inscription de cette substance à l’annexe I de la directive 91/414 devraient bénéficier de la possibilité de soumettre de nouvelles données aussi longtemps que des doutes concernant l’innocuité de ladite substance active persistent. Une telle interprétation de ladite disposition serait contraire à l’objectif d’un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé humaine et animale qui sous-tend l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 en ce qu’elle équivaudrait à accorder à la partie ayant notifié la substance active, qui a, d’une part, la charge de la preuve de son innocuité et, d’autre part, la meilleure connaissance de la substance en cause, un droit de veto par rapport à une éventuelle décision de non-inscription de la substance en cause à l’annexe I de la directive 91/414.

94      Par ailleurs, un tel droit de veto est d’autant plus inconcevable au vu de l’existence, comme cela est indiqué au considérant 14 de la décision attaquée, de la possibilité de (re)notifier la substance active en vue de son éventuelle inscription à l’annexe I de la directive 91/414 sur la base de l’article 6, paragraphe 2, de cette dernière.

95      C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner les griefs avancés par les requérantes afin de vérifier si, en l’espèce, elles ont été placées, en raison du comportement contradictoire des évaluateurs, dans une situation de force majeure les empêchant de respecter les délais légaux.

 Sur la première problématique concernant le métabolite inconnu

–       Arguments des parties

96      Les requérantes allèguent, en substance, que la conclusion figurant au considérant 8 de la décision attaquée, selon laquelle les voies de dégradation de la substance active ne sont pas claires et que des métabolites inconnus ont été découverts lors des études de la dégradation dans le sol, de la dégradation dans l’eau ou les sédiments et du mésocosme, ainsi que la conclusion selon laquelle, au plan écotoxicologique, de nombreuses préoccupations subsistent étant donné que les informations disponibles ne permettent pas une étude suffisante du risque à long terme résultant notamment de la présence desdits métabolites reposent sur des erreurs manifestes d’appréciation et violent leurs droits de la défense et leur confiance légitime, de sorte que la procédure d’évaluation a été inéquitable.

97      Premièrement, les requérantes affirment avoir été informées tardivement, c’est-à-dire seulement en janvier 2004, de la problématique du métabolite inconnu et notamment de son caractère crucial pour la procédure d’évaluation, de sorte qu’il leur était impossible de répondre à cette préoccupation des évaluateurs dans les délais légaux. Or, elles auraient signalé la présence d’un métabolite inconnu dans le processus de dégradation de l’endosulfan en mai 2002.

98      Deuxièmement, elles auraient été confrontées à des lignes directrices en évolution constante comprenant des critères de pertinence des métabolites changeants qui auraient été appliqués de manière rétroactive. Le critère de pertinence des métabolites qui ne sont présents qu’à un niveau inférieur à 10 % de la substance active initiale qui aurait été utilisé par les évaluateurs aurait notamment été introduit par des lignes directrices de 2002 qui n’étaient censées s’appliquer qu’à des substances actives notifiées au cours de la troisième phase du programme d’examen mais qui auraient été appliquées rétroactivement, l’endosulfan faisant partie de la première phase.

99      Troisièmement, la présence d’un métabolite inconnu aurait été relevée dans une étude concernant la voie de dégradation et non la vitesse de dégradation que les requérantes n’étaient même pas obligées de réaliser, car elle concernait des tests à partir du métabolite sulfate d’endosulfan et non de l’endosulfan lui-même. Les évaluateurs auraient donc pris en compte une étude inappropriée pour soulever ce problème, qui n’en serait pas un.

100    Quatrièmement, la prise en compte du critère du seuil de pertinence de 10 % pour des « métabolites de métabolites » (c’est-à-dire pour des métabolites de l’endosulfan sulfate, lui-même un métabolite d’endosulfan) serait contraire aux lignes directrices, qui ne prévoiraient pas d’analyse à partir de métabolites des substances actives mais seulement des études à partir de la substance active elle-même. Par ailleurs, en évaluant les différents aspects de leur substance active et les produits formulés en résultant, la Commission aurait cherché à atteindre un « risque zéro », ce qui reviendrait, en substance, à demander aux requérantes une probatio diabolica, reconnue comme illégale dans tous les systèmes juridiques des États membres et dans la jurisprudence.

101    Cinquièmement, il y aurait eu un manque d’interaction constant avec l’État membre rapporteur sur la problématique du métabolite inconnu, car il n’y aurait pas eu de retour d’information sur des questions environnementales, problème qui aurait été le plus manifeste durant la période 2001-2004.

102    Sixièmement, les requérantes auraient, en tout état de cause, fourni des preuves scientifiques selon lesquelles même le seuil de pertinence de 10 % pour le métabolite de métabolite n’était pas atteint, de sorte que le métabolite du sulfate d’endosulfan en cause n’était pas significatif et ne pouvait donc pas représenter un risque pour l’environnement. Cela ressortirait notamment d’une extrapolation faite sur la base de l’étude sur les voies de dégradation dans le sol soumise dans les délais en mai 2002. De plus, les requérantes auraient soumis des études démontrant que le métabolite de métabolite trouvé dans le sol n’était pas pertinent pour l’évaluation de l’écotoxicologie et du comportement de l’endosulfan dans l’environnement parce qu’il serait moins toxique que la substance active elle-même.

103    Septièmement, le problème du métabolite inconnu aurait été résolu par les BPA révisées, la formulation CS et l’utilisation en serre, qui concernent toutes des études et des arguments que la Commission a refusé de prendre en compte parce qu’ils auraient été déposés hors délai.

104    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, conteste les arguments des requérantes.

105    Premièrement, la Commission fait valoir qu’il ressortait déjà du projet de rapport d’évaluation que la voie de dégradation de l’endosulfan posait problème et que la question avait aussi été soulevée au cours d’une réunion du 20 janvier 2000.

106    Deuxièmement, les lignes directrices seraient dépourvues de toute valeur juridique de sorte qu’il n’existerait aucune règle de droit positif prescrivant s’il est possible, en deçà d’un certain seuil, de ne pas tenir compte des préoccupations environnementales.

107    Troisièmement, l’État membre rapporteur et la Commission seraient en droit de fonder leurs conclusions sur tout type d’étude soumis par les requérantes, indépendamment de la question de savoir à quel type de question l’étude en cause répondait.

108    Quatrièmement, en ce qui concerne la question du seuil de pertinence des métabolites de métabolites, la Commission s’interroge sur la question de savoir si les arguments des requérantes sont recevables parce qu’ils ne seraient pas suffisamment clairs pour être conformes à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. Par souci d’exhaustivité, la Commission répond néanmoins auxdits arguments en invoquant un avis du comité scientifique des pesticides du 30 novembre 2000 qui corroborerait la conclusion selon laquelle on ne peut exclure le risque d’une contamination des eaux souterraines par les métabolites générés à un taux inférieur au seuil de 10 %. Par ailleurs, il ressortirait de l’annexe II de la directive 91/414 que des données relatives à des métabolites en proportion inférieure à 10 % devaient également être soumises. En tout état de cause, la question du seuil de pertinence des métabolites relèverait du large pouvoir d’appréciation de la Commission.

109    Cinquièmement, quant au prétendu manque d’interaction, la Commission et le Royaume d’Espagne allèguent, en substance, que les requérantes ont bénéficié de nombreuses opportunités durant le processus d’évaluation pour faire connaître leur point de vue et soumettre des données supplémentaires. La réglementation applicable ne contiendrait par ailleurs aucune indication quant au degré d’interaction ou de retour d’information requis.

110    Sixièmement, s’agissant de l’argument selon lequel les requérantes auraient soumis des preuves selon lesquelles le métabolite de métabolite n’atteindrait pas le seuil de pertinence de 10 %, ne serait pas persistant et serait, en tout état de cause, moins toxique que l’endosulfan, il serait irrecevable. Les requérantes auraient seulement remis en cause les conclusions scientifiques du processus d’évaluation au stade de la réplique, la requête se limitant à critiquer la façon dont la procédure a été conduite. En tout état de cause, l’argumentation des requérantes selon laquelle le problème du métabolite inconnu pourrait être ignoré serait erronée. Le Royaume d’Espagne, pour sa part, conteste également les conclusions scientifiques des études soumises par les requérantes à cet égard.

111    Septièmement, en ce qui concerne la question de savoir si le problème du métabolite a été résolu par les solutions proposées par les requérantes à la fin de la procédure concernant, notamment, les BPA révisées, la formulation CS et l’utilisation en serre, la Commission et l’État membre rapporteur auraient été en droit de refuser de prendre en compte les études en cause parce qu’elles étaient soumises hors délai.

–       Appréciation du Tribunal

112    À titre liminaire, il y a lieu de préciser que la problématique du métabolite inconnu concerne essentiellement la question de savoir si la Commission pouvait légitimement fonder le refus d’inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 sur l’absence de données suffisantes concernant certaines substances issues du processus de dégradation de l’endosulfan, notamment des métabolites ou résidus qui apparaissent seulement à un deuxième stade de dégradation, à savoir au stade de la dégradation du métabolite primaire, endosulfan sulfate.

113    En ce qui concerne, premièrement, la question de savoir si les requérantes ont été informées en temps utile de la problématique du métabolite inconnu ainsi que de son caractère essentiel pour les analyses des risques environnementaux de l’endosulfan, et notamment avant la réunion de janvier 2004, au cours de laquelle, selon elles, le problème du métabolite inconnu a été soulevé pour la première fois, il y a lieu d’observer tout d’abord qu’il ressort du dossier que différents commentaires et demandes de données formulées avant 2004 font référence à la préoccupation des évaluateurs de comprendre le chemin de dégradation de l’endosulfan et de ses métabolites, aussi bien que la vitesse de dégradation.

114    En effet, il est affirmé, dans le projet de rapport d’évaluation de décembre 1999, qu’« une investigation plus large des voies de dégradation dans le sol et dans l’eau est nécessaire » et qu’« une cinétique de décomposition correcte (voie et taux) devrait être proposée ». Il y est également indiqué que « la plupart des produits de décomposition d’endosulfan sont des organochlorés qui pourraient être persistants et soulever un problème environnemental ».

115    De plus, les conclusions dudit projet de rapport d’évaluation font référence à « une persistance élevée d’un résidu dans le sol constitué par plusieurs métabolites chlorés, lesquels peuvent individuellement ne pas dépasser le niveau de 10 % de la dose appliquée, mais tous ensemble ils peuvent constituer une grande quantité de résidu ». Il est également précisé ce qui suit :

« Sur la base de leur structure chimique, il est permis de s’attendre à ce que les propriétés physiques chimiques de ces composés soient similaires et généralement persistantes et bioaccumulables. Par conséquent, une étude approfondie du cheminement de la dégradation de ce composé devait être obligatoire et sa réalisation indispensable.  »

116    En outre, le procès-verbal d’une visite à l’INIA en décembre 1999 rédigé par les requérantes indique qu’« il doit être démontré clairement que le noyau chloré se décompose avec identification des produits de dégradation ».

117    Il peut encore être fait référence au procès-verbal d’une réunion du 25 août 2001, qui indique ce qui suit :

« La question de la pertinence d’autres métabolites que l’endosulfan sulfate dans le sol et leur impact écotoxicologique a été soulevée et devient très importante en vue du message clair du Dr T. selon lequel les études écotoxicologiques soumises récemment pour les autres métabolites mènent clairement à la conclusion qu’ils sont pertinents du point de vue de la toxicité. Pour cette raison, leur pertinence doit finalement être basée sur les résultats des études en cours de chimie environnementale dans le sol et les sédiments. S’ils apparaissent seulement dans des quantités mineures, leur pertinence sera exclue. Dans le cas contraire, des conséquences majeures pour le programme de test écotoxicologiques peuvent être attendues. »

118    Il résulte de l’examen des preuves documentaires qui précède que les requérantes ne sauraient nier avoir été informées de la nécessité de clarifier les voies de décomposition de l’endosulfan à un stade précoce de la procédure, car des demandes à cet égard ont été formulées au plus tard au début de l’année 2000. Il en découle également que, à cette même époque et au plus tard en août 2001, elles étaient informées de la préoccupation des évaluateurs à propos de la persistance de certains métabolites et que, si ceux-ci étaient jugés pertinents, l’impact serait considérable pour les analyses toxicologiques. Partant, les requérantes ont eu l’opportunité de clarifier la manière dont l’endosulfan se décomposait, question essentielle pour l’analyse des risques environnementaux. Toutefois, sur la base des études soumises jusqu’en mai 2003, il a ensuite été conclu que le chemin de dégradation n’était pas suffisamment clair, conclusion que les requérantes contestent et sur laquelle elles ont, par ailleurs, pu apporter des arguments supplémentaires. Or, un tel désaccord sur le fond ne saurait être confondu avec la question de savoir si les requérantes ont eu une opportunité réelle, pendant le processus d’évaluation, de clarifier le chemin de dégradation de l’endosulfan, ni avec celle de savoir si les évaluateurs ont révélé l’importance de cette question pour l’analyse des risques.

119    En ce qui concerne, deuxièmement, la question de savoir si les requérantes se sont vu opposer durant le processus d’évaluation des lignes directrices ayant fait l’objet de plusieurs modifications rendant impossible le respect des délais procéduraux de mai 2002 et de mai 2003, il y a lieu de préciser tout d’abord que la Commission est autorisée à s’imposer des orientations pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation par des actes non prévus à l’article 249 CE, dans la mesure où ces actes contiennent des règles indicatives sur l’orientation à suivre et ne s’écartent pas des normes du traité. Le juge communautaire vérifie si l’acte attaqué est conforme à ces orientations. Toutefois, des textes qui ne constituent que des projets ne sauraient entraîner une autolimitation dudit pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal, du 11 septembre 2002, Alpharma/Conseil, T‑70/99, Rec. p. II‑3495, points 140 à 142). En conséquence, la légalité de la décision attaquée doit être appréciée non au regard des lignes directrices précitées, mais des dispositions de la directive 91/414 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Alpharma/Conseil, précité, point 146).

120    En outre, l’examen de ce grief, formulé de manière très large dans la requête, doit être limité aux exemples concrets, avancés par les requérantes dans celle-ci, de cas dans lesquels des règles issues de lignes directrices ayant fait l’objet de plusieurs modifications leur auraient été opposées, car, conformément à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour et du règlement de procédure (arrêt du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68).

121    Le grief tiré du fait que les requérantes se seraient vu opposer des lignes directrices ayant fait l’objet de plusieurs modifications, tel qu’explicité dans la requête, concerne, en premier lieu, un projet de lignes directrices sur la pertinence des métabolites en eau de surface des substances réglementées qui aurait introduit dans sa version de novembre 2001 un critère de pertinence nouveau, notamment une valeur absolue supérieure de 10μg/l en eau de surface pour tous les métabolites, indépendamment de leur toxicité. Ces lignes directrices n’auraient été achevées qu’en février 2003. À cet égard, force est de constater que les requérantes n’expliquent pas pourquoi il aurait été trop tard en novembre 2001 pour présenter encore des études incorporant ce critère. En tout état de cause, il y a lieu de constater qu’elles allèguent avoir soumis des études le prenant en compte dans les délais, en mai 2003. Par ailleurs, ainsi que le soulève la Commission, il existe un avis du comité scientifique des pesticides de novembre 2000, qui était accessible via Internet, indiquant que l’identification des métabolites devait être poussée aussi loin que possible. De plus, il ressort de l’annexe II de la directive 91/414, telle que modifiée en 1995 par la directive 95/36/CE de la Commission, du 14 juillet 1995 (JO L 172, p. 8), que les entreprises qui notifient une substance active en vue de son inscription à l’annexe I de la directive 91/414 doivent « identifier dans la mesure du possible les composés représentant moins de 10 % de la quantité de substance active ». Les requérantes ne sauraient donc alléguer que ledit critère était « nouveau » en 2001 ou qu’il aurait été appliqué rétroactivement.

122    Le grief tiré du fait que les requérantes se seraient vu opposer des lignes directrices ayant fait l’objet de plusieurs modifications concerne, en second lieu, des lignes directrices sur l’écotoxicité aquatique et terrestre adoptées en octobre 2002, qui auraient exigé pour la première fois qu’une distinction soit faite entre les métabolites dans le sol « mineurs » (<10 %) et les métabolites dans le sol « majeurs » (>10 %) afin d’apprécier leur pertinence pour l’évaluation des effets nocifs de la substance active. Or, il découle de ce qui précède que ce critère n’était pas nouveau, puisqu’il figurait déjà à l’annexe II de la directive 91/414 depuis 1995.

123    En tout état de cause, la position des évaluateurs consistant à prendre en compte des métabolites ne franchissant pas individuellement le seuil de 10 % mais le franchissant potentiellement avec d’autres métabolites a été révélée dans les conclusions du projet de rapport d’évaluation (voir point 115 ci-dessus).

124    Enfin, il y a encore lieu de relever que les requérantes contestent, en réalité, la pertinence de ce seuil pour les métabolites de métabolites. Or, le grief tiré de la contestation du seuil et de son application en l’espèce seront examinés ci-après (voir ci-après les points 133 et suivants).

125    En ce qui concerne, troisièmement, la question de savoir si les évaluateurs pouvaient légitimement soulever le problème du métabolite de métabolite et du risque de sa persistance dans le sol en ce que celui-ci ressortait d’une étude réalisée par les requérantes dans un autre but, il y a lieu de relever que, de toute évidence, il n’est pas pertinent de savoir, en vue de l’inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414, dans quelle étude un problème potentiel pour l’environnement a été soulevé pourvu qu’il s’agisse d’un document sur lequel les requérantes ont pu prendre position. En l’espèce, il ressort du dossier que c’est une étude des requérantes elles-mêmes qui a confirmé pour les évaluateurs l’existence du problème du métabolite de métabolite. Force est de constater que les requérantes n’apportent aucun argument valable empêchant la Commission de prendre en compte les résultats d’une telle étude.

126    En ce qui concerne, quatrièmement, la question de savoir si la prise en compte du seuil de pertinence de 10 % pour les métabolites de métabolites serait contraire aux lignes directrices et reposerait donc sur un critère qui ne ressort pas du cadre réglementaire applicable, il y a lieu de constater que la formulation dudit grief, selon laquelle « il n’existe aucune exigence ou ligne directrice communautaire en matière d’évaluation du métabolite lorsque la matière d’origine n’est pas la substance mère », revêt un caractère très abstrait. Ce grief est lié à la contestation par les requérantes d’une affirmation figurant dans le projet de rapport d’évaluation selon laquelle les études concernant la décomposition de l’endosulfan suggéraient « une persistance élevée d’un résidu dans le sol constitué par plusieurs métabolites chlorés, lesquels peuvent individuellement ne pas dépasser le niveau de 10 % de la dose appliquée, mais [qui tous ensemble] peuvent constituer une grande quantité de résidu ». Afin d’y répondre, il y a lieu d’examiner si les concepts utilisés dans la directive 91/414 et ses annexes sont définis de manière suffisamment large pour permettre aux évaluateurs de prendre en compte les effets potentiellement nocifs des métabolites de métabolites.

127    Dans le cadre de cet examen, il convient de relever que l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 91/414 prévoit qu’une substance active est inscrite à l’annexe I s’il est permis d’escompter que les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active rempliront notamment la condition suivante : « leurs résidus […] n’ont pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale ou sur les eaux souterraines ou d’influence inacceptable sur l’environnement et, dans la mesure où ils sont significatifs du point de vue toxicologique ou environnemental, peuvent être mesurés par des méthodes d’usage courant ». L’article 2, paragraphe 2, de ladite directive définit les termes « résidus de produits phytopharmaceutiques » de manière large comme « une ou plusieurs substances présentes dans ou sur des végétaux ou produits d’origine végétale, des produits comestibles d’origine animale, ou ailleurs dans l’environnement, et constituant le reliquat de l’emploi d’un produit phytopharmaceutique, y compris leurs métabolites et produits issus de la dégradation ou de la réaction ». Par ailleurs, les annexes II et III de la directive 91/414 concernant les dossiers d’évaluation contiennent plusieurs références à des demandes de données relatives aux produits de dégradation des substances actives au sens large. Il en découle que c’est la directive 91/414 même qui autorise les évaluateurs à examiner le comportement des produits dérivés. Dans ces circonstances et en l’absence de preuves concrètes démontrant le contraire, il ne saurait être retenu que les évaluateurs ont commis une erreur manifeste d’appréciation en voulant clarifier le chemin de dégradation du métabolite de l’endosulfan sulfate et en appliquant le seuil de pertinence en cause à ses produits dérivés. Le grief tiré du fait qu’un tel examen serait contraire à des lignes directrices est donc non fondé. Il en résulte donc que les requérantes n’ont pas établi que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation ou avait violé leurs droits de la défense en considérant, dans le cas d’espèce, comme pertinents des produits dérivés d’endosulfan représentant individuellement moins de 10 % de la substance active endosulfan mais plus de 10 % du métabolite endosulfan sulfate.

128    Enfin, doit aussi être rejeté l’argument selon lequel les évaluateurs ont voulu atteindre ainsi un « risque zéro » et ont imposé aux requérantes une probatio diabolica en fondant la décision de non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 sur un manque d’information plutôt que sur des risques identifiés, car il ressort de l’analyse faite ci-dessus que la Commission voulait avoir la preuve d’une utilisation sûre mais que cela impliquait, pour elle, de comprendre le comportement du métabolite d’endosulfan sulfate. Or, il n’a pas été démontré que cette position était manifestement erronée. En tout état de cause, les requérantes allèguent avoir établi une utilisation sûre et prouvé un niveau de persistance et de toxicité acceptable pour ledit métabolite de sorte que l’argument selon lequel la Commission leur a imposé d’apporter des preuves scientifiquement impossibles à établir doit être déclaré inopérant.

129    En ce qui concerne, cinquièmement, le grief tiré du prétendu manque d’interaction avec l’État membre rapporteur concernant la problématique du métabolite inconnu, et notamment la prétendue absence de retour d’information sur des questions environnementales durant la période 2001-2004, il y a lieu de rappeler que, comme le relèvent la Commission et le Royaume d’Espagne, la réglementation applicable ne contient pas d’obligations de communication ou de retour d’information au regard desquelles les nombreux contacts et échanges d’informations entre l’État membre rapporteur et les requérantes auraient pu être jugés insuffisants. En ce qui concerne le commentaire dans le rapport ECCO 106, invoqué par les requérantes, selon lequel elles étaient priées de « travailler très étroitement avec le rapporteur espagnol afin de ne pas créer des malentendus concernant les données qui [devaient] être fournies ou les délais devant être observés », force est de constater qu’il est difficile de mesurer, au vu d’une exigence formulée d’une façon aussi générale, si l’interaction avec l’État membre rapporteur était suffisante.

130    Toutefois, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental de droit communautaire qui doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe exige que les destinataires de décisions, qui affectent de manière sensible leurs intérêts, soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 juin 2006, Dokter e.a., C‑28/05, Rec. p. I‑5431, point 74, et la jurisprudence citée).

131    En ce qui concerne la question de savoir si, au vu de cette jurisprudence, quant à la période litigieuse d’août 2001 à janvier 2004, pendant laquelle les requérantes n’auraient pas bénéficié d’un retour d’information concernant le devenir et le comportement dans l’environnement et l’écotoxicologie et auraient souffert d’une insuffisance de retour d’information d’une personne en particulier, M. T., expert contractuel spécialisé dans ces domaines, ces circonstances auraient pu mener à une violation des droits de la défense des requérantes, force est de constater que leur argumentation est contradictoire en ce qu’elles allèguent avoir soumis en mai 2002 des études qui ont, selon elles, résolu la question du métabolite inconnu. Il est donc difficile de comprendre comment un nombre plus élevé de réunions aurait pu mener à un autre résultat final dans la décision attaquée. Or, une irrégularité ne saurait conduire à l’annulation de la décision attaquée que dans la mesure où elle est de nature à affecter concrètement les droits de la défense de la requérante et, de la sorte, le contenu de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, 30/78, Rec. p. 2229, point 26). Le grief est donc inopérant.

132    En tout état de cause, le grief concerne, du moins en partie, la question déjà examinée ci-dessus de savoir si la problématique du métabolite inconnu, et, en particulier, son caractère essentiel pour l’analyse des risques environnementaux de l’endosulfan, n’a été soulevée qu’à la réunion de janvier 2004. Or, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, les requérantes ont été informées bien avant cette réunion de la nécessité d’identifier la voie de dégradation de l’endosulfan et de l’importance de cette question pour l’analyse des risques. Elles ont ainsi eu l’opportunité de soumettre des études clarifiant la voie de dégradation, mais sont en désaccord avec les évaluateurs quant aux conclusions desdites études, notamment en ce qui concerne la pertinence du métabolite de l’endosulfan sulfate, sa persistance et sa toxicité. Or, l’existence d’un désaccord sur le fond quant aux conséquences à tirer d’une certaine étude ne constitue pas une preuve de l’absence d’opportunité de faire connaître son point de vue et ne saurait être qualifié d’atteinte aux droits de la défense des requérantes.

133    En ce qui concerne, sixièmement, le grief des requérantes selon lequel elles ont fourni des preuves scientifiques démontrant, d’une part, que le métabolite de l’endosulfan sulfate n’atteignait pas le critère de pertinence le plus restrictif de 10 % pour le métabolite de métabolite et, d’autre part, que ce métabolite de métabolite trouvé dans le sol n’était pas pertinent pour l’évaluation de l’écotoxicologie et du comportement de l’endosulfan dans l’environnement parce qu’il n’était pas persistant et était moins toxique que la substance active elle-même, il y a lieu de constater que les requérantes allèguent, en substance, que l’endosulfan aurait dû être inscrit à l’annexe I de la directive 91/414, car les conclusions des évaluateurs quant à la pertinence du métabolite de métabolite de l’endosulfan étaient erronées. Le présent grief concerne donc la remise en cause des conclusions scientifiques sur lesquelles est fondée la décision attaquée. Toutefois, force est de constater que ledit grief a été présenté pour la première fois dans la réplique.

134    Or, il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que la requête introductive d’instance doit contenir, notamment, un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable. En revanche, un moyen qui ne saurait être considéré comme fondé sur des éléments de droit ou de fait révélés pendant la procédure doit être déclaré irrecevable. En effet, dans ces circonstances, rien n’empêchait les requérantes de soulever ce moyen au stade de la requête (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 13 novembre 2001, Dürbeck/Commission, C‑430/00 P, Rec. p. I‑8547, points 17 à 19).

135    En réponse à une question écrite du Tribunal les invitant à répondre à l’argument de la Commission selon lequel la remise en cause de l’évaluation scientifique à l’origine de la décision attaquée est un argument nouveau qui ne figure pas dans la requête et devrait à ce titre être déclaré irrecevable, les requérantes allèguent que les motifs juridiques invoqués dans la requête, notamment la violation de l’article 95, paragraphe 3, CE, de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 et du principe de l’excellence et de l’indépendance des conseils scientifiques, laissent clairement entendre qu’elles considéraient que l’évaluation scientifique qui sous-tend la décision attaquée était inexacte, en particulier parce que cette évaluation ne tenait pas compte de toutes les données disponibles qu’elles avaient fournies. Par ailleurs, les requérantes estiment que, en examinant les questions scientifiques en cause plus en détail dans la réplique, elles ne font que contester les arguments factuels présentés par la Commission sans introduire de nouveaux moyens d’annulation.

136    À cet égard, il y a lieu de relever, en ce qui concerne l’invocation de l’article 95, paragraphe 3, CE, de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 et du principe de l’excellence et de l’indépendance des conseils scientifiques dans la requête, qu’il ressort incontestablement de l’argumentation développée dans le cadre des moyens invoqués dans la requête qu’ils concernent la question de savoir si la Commission avait l’obligation de prendre en compte dans son analyse des études soumises par les requérantes après une certaine date butoir, ce qui est une question relative à la façon dont la Commission a conduit la procédure d’évaluation mais ne concernant pas une contestation au fond de ses conclusions, même si la prise en compte des documents refusés aurait hypothétiquement pu mener à une décision finale différente sur le fond. Quant à l’argument selon lequel le grief des requérantes se limite à contester des arguments factuels présentés en cours d’instance, il ne saurait prospérer non plus, car il ressort clairement de la réplique que, par le biais dudit grief, les requérantes considèrent que la conclusion de la Commission selon laquelle les voies de dégradation de la substance active ne sont pas claires et que des métabolites inconnus ont été découverts lors des études de la dégradation dans le sol, de la dégradation dans l’eau ou les sédiments et du mésocosme est fondée sur une prémisse matériellement et scientifiquement erronée. Or, ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, les moyens avancés dans la requête avaient clairement pour but de remettre en cause la façon dont la Commission est arrivée à cette conclusion, notamment son refus de prendre en compte certaines preuves, et non la teneur de cette conclusion.

137    Dans ces circonstances, il ne saurait être retenu que ce grief se limite à une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement. De plus, il n’a pas été démontré qu’il n’aurait pas été possible pour les requérantes de soulever ce moyen au stade de la requête. Le grief tiré du caractère erroné des conclusions de la décision attaquée quant à la pertinence des métabolites de métabolites est donc irrecevable.

138    En tout état de cause, il existe un désaccord manifeste entre les parties sur les conclusions scientifiques des études des requérantes.

139    En ce qui concerne la question de savoir si le métabolite d’endosulfan sulfate atteint le seuil de pertinence, les requérantes allèguent que le métabolite secondaire inconnu représente 17 % du métabolite primaire endosulfan sulfate, qui lui représente 13,4 % du parent endosulfan de sorte que le métabolite secondaire ne représente que 2,3 % du parent endosulfan. La Commission et le Royaume d’Espagne ne contestent pas ces calculs mais s’estiment en droit, ainsi que cela a été expliqué ci-dessus, de considérer comme pertinents des métabolites en dessous du seuil de 10 % par rapport à la substance mère endosulfan.

140    Quant à la persistance du métabolite de l’endosulfan sulfate, celle-ci est mesurée principalement par rapport à sa capacité à se transformer en CO2 (minéralisation) et l’établissement de son taux de décomposition de 50 et de 90 %. Selon les requérantes, il ressort d’une étude présentée en mai 2002 que l’endosulfan sulfate se dégrade de 35 % en un an, ce qui correspond à un taux de décomposition de 9,5 % en 100 jours. Les requérantes font valoir que les lignes directrices pertinentes de la Commission exigent un taux de minéralisation supérieur à 5 % sur une période de 100 jours et que ce critère est donc clairement rempli. Or, le Royaume d’Espagne soutient qu’il ressort de l’étude en cause que la minéralisation de l’endosulfan dans le sol est probablement inférieure à 5 %. La vie moyenne du sulfate d’endosulfan (taux de décomposition de 50 %) se situerait dans une fourchette de 123 à 391 jours et la minéralisation à 120 jours oscillerait entre 1,01 et 13,08 %. La minéralisation moyenne du sulfate d’endosulfan serait conforme à celle de l’endosulfan. Il serait donc permis d’en conclure que l’endosulfan se dégrade en sulfate d’endosulfan et que la minéralisation du sulfate d’endosulfan se situe dans une fourchette de 1,01 à 13,8 % à 120 jours et de 5 à 35 % à 365 jours, selon le type de sol. Aucun des métabolites détectés et identifiés dans les essais précédents n’aurait été constaté dans cette étude. Néanmoins, il existerait un métabolite apparu à des niveaux dépassant 10 % de la radioactivité appliquée. Tous les essais réalisés en vue de l’identification de ce métabolite auraient échoué, mais sa structure serait analogue à celle des métabolites acide dicarboxylique ou dihidrodiol. L’identification de ce métabolite serait indispensable pour l’établissement du cheminement de la dégradation de l’endosulfan et la définition de résidu à utiliser pour les études de dispersion sur le terrain.

141    À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a déjà été relevé ci-dessus, conformément à une jurisprudence constante, les institutions communautaires disposent, en matière de politique agricole commune, d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition des objectifs poursuivis et le choix des instruments d’action appropriés. Dans un tel contexte, le contrôle du juge communautaire quant au fond doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir d’appréciation n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si les institutions communautaires n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. De plus, il est de jurisprudence constante que, lorsqu’une autorité communautaire est appelée, dans le cadre de sa mission, à effectuer des évaluations complexes, le pouvoir d’appréciation dont elle jouit s’applique également, dans une certaine mesure, à la constatation des éléments factuels à la base de son action. Il en résulte, quant au cas d’espèce, dans le cadre duquel il incombait aux institutions communautaires de procéder à une évaluation scientifique des risques et d’apprécier des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes, que le contrôle juridictionnel relatif à l’accomplissement de cette tâche par les institutions communautaires doit être limité. Dans un tel contexte, le juge communautaire ne peut en effet substituer son appréciation des éléments factuels à celle des institutions communautaires, les seules à qui le traité a conféré cette tâche. Il doit, en revanche, se limiter à vérifier si l’exercice par les institutions communautaires de leur pouvoir d’appréciation dans ce cadre n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si les institutions communautaires n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation (voir arrêt Alpharma/Conseil, point 119 supra, points 177 à 180 et la jurisprudence citée).

142    Eu égard à cette jurisprudence, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont pas rapporté la preuve que la Commission, en jugeant le métabolite de métabolite en cause pertinent et en décidant, au vu de sa persistance dans le sol, que la non-connaissance exacte du comportement dudit métabolite ne permettait pas une évaluation adéquate des risques de l’endosulfan pour l’environnement, avait commis une erreur manifeste d’appréciation, avait fait preuve d’un détournement de pouvoir ou avait manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

143    Quant à, septièmement, la question de savoir si la formulation CS, les BPA révisées ou l’utilisation en serre auraient réellement permis de résoudre les doutes émis quant à la présence d’un métabolite inconnu, force est de constater que, outre le fait que les moyens invoqués dans la requête concernaient seulement la question de savoir si la Commission pouvait refuser de prendre en compte lesdites données, en tout état de cause, le Tribunal ne saurait se prononcer sur l’impact de la formulation CS, des BPA révisées et de la solution de l’utilisation en serre dans la mesure où la Commission a refusé de les prendre en considération en raison d’un dépôt tardif et qu’il n’appartient pas au Tribunal de substituer son analyse à cet égard à celle de la Commission. Quant à la question de savoir si la Commission était en droit de refuser de prendre en compte les études concernant ces problématiques, elle sera traitée ci-après.

144    Il résulte de tout ce qui précède que les griefs des requérantes concernant la problématique du métabolite inconnu doivent être rejetés dans leur intégralité.

 Sur la deuxième problématique concernant le dossier CS

–       Arguments des parties

145    Selon les requérantes, l’examen de l’endosulfan a été incomplet en ce que le dossier CS soumis dans les délais n’a pas été pris en compte. Toutefois, même en reconnaissant que le dossier CS a été présenté hors délai, la Commission aurait dû en tenir compte, car les requérantes n’auraient pas pu le présenter avant. Par ailleurs, contrairement à ce qu’allèguent la Commission et le Royaume d’Espagne, le dossier CS complétant le dossier initialement notifié concernant la formulation EC, l’examen du dossier CS n’aurait demandé que très peu de temps (trois mois au maximum), surtout au vu du fait que l’État membre rapporteur était déjà familiarisé avec la formulation CS par le biais de sa notification nationale. La prise en compte du dossier CS aurait permis l’identification d’une utilisation sûre à l’extérieur et, de ce fait, aurait permis l’inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414, parce que les évaluateurs avaient déjà fait croire aux requérantes qu’une utilisation sûre avait été identifiée à l’intérieur avec la formulation EC.

146    Selon la Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, le dossier CS a été déposé hors délai et elle était donc en droit de refuser de le prendre en compte. Par ailleurs, un examen du dossier CS aurait amené l’État membre rapporteur à revoir l’ensemble de l’évaluation de l’endosulfan.

–       Appréciation du Tribunal

147    Il ressort du dossier que les requérantes ont pour la première fois présenté la formulation CS à l’État membre rapporteur lors de la réunion du 17 juillet 2002 après avoir annoncé ce sujet de discussion dans un courriel du 31 mai 2002. Il ressort du procès-verbal de ladite réunion que les requérantes ne voulaient pas remplacer la formulation EC de l’endosulfan initialement notifiée mais ajouter la technologie CS au dossier pour obtenir un usage sûr de l’endosulfan pour l’extérieur. Il ressort également dudit procès-verbal que l’INIA et le MAPA ont fait savoir à la réunion susmentionnée que la soumission d’un nouveau dossier sur la base de l’annexe III de la directive 91/414 ne serait pas raisonnable en raison de la charge de travail et de la difficulté d’obtenir l’accord pour une telle procédure de la part de la Commission. Les requérantes ont néanmoins soumis un dossier CS au titre de l’annexe III de la directive 91/414 en mai 2003.

148    En premier lieu, les requérantes allèguent, en substance, que le dossier CS a été soumis dans les délais. Or, cette allégation n’est pas correcte. Le délai pour la soumission de données fixé par le règlement n° 2266/2000, modifiant l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 3600/92, était le 25 mai 2002, sauf pour les résultats d’études à long terme commanditées et jugées nécessaires par l’État membre rapporteur et par la Commission lors de l’examen du dossier, qui ne seraient pas achevées avant cette date. De telles études devaient être identifiées au plus tard le 25 mai 2001 et pouvaient alors être soumises jusqu’au 25 mai 2003. Dans un cas exceptionnel, comme celui où l’État membre rapporteur et la Commission n’avaient pas pu identifier de telles études avant le 25 mai 2001, une autre date pouvait être fixée pour l’achèvement de ces études, dès lors que l’auteur de la notification prouvait à l’État membre rapporteur que de telles études avaient été commanditées dans les trois mois suivant la demande de réalisation des études et qu’il fournissait un procès-verbal et un rapport d’avancement sur l’étude avant le 25 mai 2002. Les requérantes allèguent qu’elles pouvaient encore soumettre ledit dossier en mai 2003, mais il est clair que la législation applicable prévoyait cette possibilité dans des cas bien définis différents du celui de l’espèce.

149    En deuxième lieu, en réponse à une question écrite du Tribunal, les requérantes ont affirmé qu’elles avaient présenté le dossier CS pour répondre à une préoccupation spécifique de la part des évaluateurs concernant la toxicité aquatique de l’endosulfan, de laquelle elles avaient été informées en octobre 2001.

150    Or, force est de constater que les requérantes n’apportent aucune explication permettant de comprendre pourquoi elles n’ont pas présenté le dossier CS avant la date d’échéance du 25 mai 2002 ou, du moins, entrepris des démarches auprès de la Commission pour faire formellement reconnaître que le dossier CS pouvait être soumis en tant qu’étude à long terme jusqu’à la date du 31 mai 2003 conformément à la décision 2001/810, mais qu’elles se limitent à des affirmations vagues selon lesquelles la préparation d’un tel dossier prend du temps et que les études scientifiques pour traiter du problème de l’écotoxicologie aquatique n’étaient pas disponibles en octobre 2001 en raison de prétendus changements dans les lignes directrices sur l’écotoxicologie aquatique qu’elles n’identifient d’ailleurs pas.

151    En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les requérantes travaillaient sur cette formulation depuis de nombreuses années. Dans ces circonstances, il est donc difficilement compréhensible qu’elles aient attendu la fin de la procédure pour présenter le dossier CS en tant que solution ultime pour prouver une utilisation sûre de l’endosulfan. Ne constitue finalement pas non plus un argument crédible à cet égard le fait que la possibilité de limiter les preuves à une utilisation sûre n’a été introduite qu’en 2000 par le biais du règlement n° 2266/2000, car il restait alors amplement le temps pour préparer un dossier à soumettre dans les délais procéduraux.

152    Il résulte de ce qui précède que le refus de la Commission de prendre en compte le dossier CS n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, car les requérantes n’ont pas apporté la preuve qu’il leur avait été impossible de présenter le dossier CS avant le 25 mai 2002. La réponse à la question de savoir si le réexamen du dossier CS aurait pris quelques mois ou plus n’est donc pas pertinente pour la solution du présent litige et il n’est donc pas non plus nécessaire de faire droit à la demande des requérantes de nommer des experts ou d’interroger l’INIA à cet égard.

153    Par ailleurs, quant au fait que l’État membre rapporteur aurait suggéré pendant la réunion de juillet 2002 de demander des enregistrements nationaux dans certains États membres afin d’y obtenir un soutien pour la formulation CS et que des représentants du MAPA auraient fait croire aux requérantes que ce dernier allait évaluer le dossier CS sur la base du dossier de l’enregistrement national, circonstance dont la seule preuve est constituée d’ailleurs par un courriel interne des requérantes, force est de constater que, même en dépit d’une éventuelle prise de position divergente du MAPA et de l’INIA à cet égard, il ne saurait être déduit de ces circonstances factuelles qu’une confiance légitime ait pu naître chez les requérantes quant à la prise en compte du dossier CS dans la procédure d’évaluation. En effet, il ressort du procès-verbal d’une réunion du 24 septembre 2002 entre les requérantes et le MAPA qu’un dossier « annexe III » pour une seconde formulation devait, selon le MAPA, être soumis au plus tard en mai 2003 mais sous réserve d’un accord de la part de la Commission. Or, les requérantes ne contestent pas qu’elles n’ont pas obtenu cet accord informel. La confiance légitime des requérantes n’a donc pas été violée, car il n’a pas été établi qu’elles disposaient d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes et émanant de sources autorisées et fiables qui ont pu faire naître dans leur esprit des espérances fondées quant à la prise en compte du dossier CS, et, par ce biais, quant à l’inscription de l’endolsufan à l’annexe I de la directive 91/414 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Branco/Commission, T‑162/04, non publié au Recueil, point 119 et la jurisprudence citée).

154    Enfin, quant à la question de fond de savoir si la formulation CS aurait permis l’identification d’une utilisation sûre pour l’endosulfan à l’extérieur, ce que la Commission et le Royaume d’Espagne contestent, force est de constater que, étant donné que le dossier CS n’a pas été pris en compte dans le processus d’évaluation menant à la décision attaquée, la réponse à cette question dépasse les limites du litige tel qu’il a été présenté au Tribunal.

155    Les griefs des requérantes concernant la problématique du dossier CS doivent donc être rejetés dans leur ensemble.

 Sur la troisième problématique concernant l’exposition de l’opérateur à l’intérieur

–       Arguments des parties

156    Les requérantes allèguent, en substance, que la problématique de l’exposition de l’opérateur avait été soulevée dans le projet de rapport d’évaluation mais résolue par la suite. À cet égard, elles font notamment référence à l’addendum au rapport d’évaluation de novembre 2003, dans lequel il est affirmé par l’État membre rapporteur que l’étude présentée par elles au sujet de la protection de l’opérateur était « bien documentée » et que le scénario d’application de l’endosulfan proposé, impliquant l’utilisation d’un équipement protecteur comprenant, en particulier, des gants, des vêtements protecteurs et un masque, était « acceptable ». Elles font également référence à des tableaux d’évaluation ECCO de mars 2004 ainsi qu’au procès-verbal de la réunion tripartite dont il ressortirait que l’État membre rapporteur avait identifié une utilisation sûre pour les opérateurs. La réapparition de la problématique de l’exposition de l’opérateur après la réunion tripartite en 2004 et sa prise en compte comme motif déterminant de la non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 violeraient donc la confiance légitime et les droits de la défense des requérantes. Par ailleurs, les requérantes demandent au Tribunal une mesure d’organisation de la procédure exigeant de la Commission la production des commentaires des États membres qui auraient provoqué ce revirement.

157    En tout état de cause, le problème aurait été résolu par les BPA réduites proposées après l’expiration des délais procéduraux et par de nouvelles études concernant l’utilisation de l’endosulfan en serre, que la Commission n’aurait pas prises en compte.

158    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, allègue que le groupe de travail « Évaluation », qui dépend du comité, a examiné la question de l’exposition de l’opérateur le 11 mars 2004, c’est-à-dire bien avant la réunion tripartite, et que les requérantes ont eu la possibilité de communiquer leurs observations à ce sujet. La réaction initialement positive de l’État membre rapporteur aurait reposé sur une extrapolation réalisée à partir de données récoltées sur le terrain, dans des vergers. Or, après une discussion plus poussée, des doutes seraient apparus quant à la fiabilité de cette extrapolation. C’est la raison pour laquelle le groupe de travail « Évaluation » aurait finalement conclu que le problème de l’exposition de l’opérateur n’était pas résolu.

–       Appréciation du Tribunal

159    À titre liminaire, il y a lieu de préciser que les griefs des requérantes à l’égard de cette problématique concernent la conclusion figurant au considérant 8 de la décision attaquée, selon laquelle « l’étude de l’exposition des opérateurs à l’intérieur à l’aide des informations existantes n’a pas été jugée suffisante ».

160    Il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’il n’est pas contesté par les requérantes que l’insuffisance des données initialement soumises par elles concernant cette problématique a été soulevée au début de l’année 2000 dans le projet de rapport d’évaluation qui indiquait notamment que, les études de toxicité initialement soumises n’ayant pas permis de déterminer une dose sans effet nocif observé (DSENO) correcte pour le calcul du niveau acceptable d’exposition de l’opérateur (NAEO), les études à court terme de toxicité cutanée et par inhalation n’avaient pas été jugées acceptables. Les requérantes ont donc eu l’opportunité de soumettre des études supplémentaires pour démontrer l’innocuité de l’endosulfan sur ce point après les doutes exprimés à cet égard dans le projet de rapport d’évaluation.

161    Il y a lieu de relever ensuite qu’il ressort de la lettre des requérantes à la Commission du 24 septembre 2004 qu’elles étaient conscientes du fait que des données supplémentaires étaient nécessaires concernant la question de l’exposition de l’opérateur après la réunion du groupe de travail « Évaluation » du 11 mars 2004. Quant à la réunion tripartite du 17 mai 2004, il ressort du procès-verbal que, même s’il y est fait état de l’identification d’une utilisation sûre par l’État membre rapporteur, des données supplémentaires devaient encore être soumises, notamment en ce qui concerne les travailleurs en serre et les passants. Les requérantes ont alors soumis de nouveaux calculs mais les informations ainsi soumises ont finalement été jugées insuffisantes par le groupe de travail « Évaluation ».

162    Toutefois, il doit aussi être relevé que la Commission et le Royaume d’Espagne ne contestent pas que ce dernier a, à un certain moment de la procédure d’évaluation, identifié une utilisation sûre en ce qui concerne l’exposition de l’opérateur. Or, selon eux, il s’agissait de l’extrapolation d’une étude à l’extérieur sur la base de laquelle l’État membre rapporteur a accepté le fait que le port de vêtements protecteurs offrirait une protection suffisante à l’opérateur, également à l’intérieur, mais les experts des autres États membres n’auraient pas été du même avis.

163    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’examiner si les requérantes auraient dû être autorisées à présenter de nouvelles études après la réunion tripartite et pas seulement des arguments, ce qu’elles étaient explicitement autorisées à faire, compte tenu du fait que l’État membre rapporteur leur aurait fait croire à un certain stade de la procédure qu’une utilisation sûre avait été identifiée. La question est liée à celle du refus de l’examen des BPA révisées (voir ci-après) qui, selon les requérantes, aurait permis de résoudre le problème de la protection de l’opérateur, mais qui n’a pas été pris en compte parce qu’il était tardif.

164    Il y a lieu de relever tout d’abord qu’il ressort clairement du cadre réglementaire que la position de l’État membre rapporteur dans le processus d’évaluation n’est pas décisive. Il collecte les données et propose une décision mais c’est la Commission qui, en dernier ressort, décide sur la base de l’avis du comité. La seule prise de position de l’État membre rapporteur à un certain stade de la procédure d’évaluation quant à l’identification d’une utilisation sûre pour l’exposition de l’opérateur ne saurait donc être considérée comme suffisante pour faire naître chez les requérantes la certitude que ce problème était réglé dans son entièreté, surtout au vu du fait que, même au stade de la réunion tripartite, la position finale était réservée jusqu’à la réception de données supplémentaires.

165    Il ne saurait pas non plus être retenu que les droits de la défense des requérantes, et, plus spécifiquement, leur droit d’être entendues, ont été violés concernant la question de l’opérateur en général et de sa protection à l’intérieur en particulier, car il ressort du relevé des faits qui précèdent qu’elles ont eu plusieurs occasions pour soumettre des études et qu’elles ont encore pu présenter des arguments après la réunion tripartite de sorte qu’elles ont pu faire connaître utilement leur point de vue (voir, en ce sens, arrêt Dokter e.a., point 130 supra, point 74, et la jurisprudence citée). Toutefois, selon les requérantes, leurs études ont démontré l’absence de risque pour l’opérateur à l’intérieur mais le comité et la Commission étaient d’un autre avis. Or, un désaccord sur le fond à cet égard ne saurait être assimilé à une violation de leur droit d’être entendues. Les requérantes avaient en effet la possibilité de contester les conclusions que la Commission avait tirées, dans la décision attaquée, des études en cause devant le Tribunal, ce qu’elles n’ont pas fait, car elles ont axé leur requête sur l’obligation de la Commission de leur accorder des nouveaux délais et, plus spécifiquement, d’accepter une révision de la question sur la base des BPA réduites. En tout état de cause, il y a encore lieu de préciser que, comme le relèvent la Commission et le Royaume d’Espagne, il ressort clairement du considérant 8 de la décision attaquée que la décision de non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 repose principalement sur les incertitudes liées à la non-identification du chemin de dégradation de l’endosulfan et à la présence d’un métabolite inconnu. Il s’ensuit que, dans ces circonstances, il est inconcevable que la possibilité pour les requérantes de clarifier ultérieurement la question de l’opérateur à l’extérieur aurait pu mener à un résultat final différent dans la décision attaquée de sorte qu’une éventuelle irrégularité à cet égard ne saurait mener à elle seule à l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt Distillers Company/Commission, point 131 supra, point 26).

166    Il découle de ce qui précède que le fait qu’un des motifs de la décision attaquée soit celui de l’insuffisance de l’étude sur l’exposition de l’opérateur à l’intérieur à propos de laquelle les requérantes ont pu être amenées à croire qu’une utilisation sûre avait été identifiée préalablement par l’État membre rapporteur n’est pas une base suffisante pour conclure à une violation de leurs droits de la défense et ne constitue pas non plus une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414.

167    Enfin, en ce qui concerne la demande de production de documents formulée par les requérantes dans la réplique invitant le Tribunal à demander à la Commission de produire les observations des États membres postérieures à la réunion tripartite du 17 mai 2004 au cours desquelles des doutes quant à la question de la protection de l’opérateur à l’intérieur auraient été émis, la Commission a affirmé dans sa duplique et à l’audience ne pas disposer de tels documents écrits. En tout état de cause, il découle de ce qui précède que le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces de procédure de sorte qu’il n’est pas nécessaire de faire droit à ladite demande.

168    Il ressort de tout ce qui précède que les griefs des requérantes relatifs à la problématique de l’exposition de l’opérateur à l’intérieur doivent être rejetés dans leur entièreté.

 Sur la quatrième problématique concernant les BPA révisées

–       Arguments des parties

169    Selon les requérantes, la décision attaquée ne tient pas compte de leurs arguments concernant les BPA révisées, lesquelles concernent la proposition d’examiner l’endosulfan sous une forme plus diluée que celle ayant fait l’objet de l’évaluation et pour une seule application par saison, bien que la Commission ait accepté à la réunion tripartite la présentation de nouvelles BPA.

170    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, allègue que les BPA révisées ont été proposées hors délai et qu’elle n’était donc pas obligée d’en tenir compte, surtout au vu du fait que leur prise en compte aurait impliqué la remise en cause de toute une partie de l’évaluation.

–       Appréciation du Tribunal

171    À titre liminaire, il y a lieu de spécifier que, de manière générale, les BPA constituent les règles à respecter dans l’implantation et la conduite des cultures de façon à optimiser la production agricole, tout en réduisant les risques vis-à-vis de l’homme et de l’environnement. En ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques, de telles règles sont aussi appelées « bonnes pratiques phytosanitaires ». Il ressort du cadre réglementaire et du dossier que, aux fins des procédures d’évaluation au sens de la directive 91/414, une substance active est examinée selon certaines règles d’application en termes, notamment, de dosage et de fréquence d’application des produits phytopharmaceutiques qui la contiennent.

172    En l’espèce, la problématique des BPA réduites concerne la proposition des requérantes d’examiner l’endosulfan sous une forme plus diluée que celle ayant fait l’objet de l’évaluation et pour une seule application par saison, présentée après la réunion tripartite, notamment dans la lettre du 25 juin 2004. La Commission fait valoir que, à ce stade de la procédure, elle a encore accepté de nouveaux arguments, mais que l’introduction de nouvelles BPA aurait signifié la remise en cause de toute une partie de l’évaluation.

173    Il y a lieu de constater d’abord que l’argumentation des requérantes concernant cet aspect de la procédure d’évaluation est peu développée, les requérantes se limitant, dans la requête, à évoquer le fait que la Commission n’a pas examiné lesdites BPA réduites bien qu’elle ait accepté de le faire lors de la réunion tripartite. À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ne ressort pas des procès-verbaux de la réunion tripartite que la Commission a accepté la soumission de nouvelles BPA. En outre, l’affirmation de la Commission selon laquelle la prise en compte des BPA réduites aurait impliqué la remise en cause de toute une partie de l’évaluation n’est pas contredite par les commentaires des requérantes elles-mêmes dans la lettre du 25 juin 2004 par le biais de laquelle elles ont soumis les nouvelles BPA aux évaluateurs, car elles y indiquent que les BPA révisées faciliteraient l’analyse des risques, en particulier en ce qui concerne l’écotoxicologie et l’évaluation du devenir de l’endosulfan, ce qui implique clairement une remise en cause d’aspects importants du processus d’évaluation et ne concerne pas seulement de nouveaux arguments par rapport à l’évaluation existante. Par ailleurs, il convient de relever que les requérantes n’ont pas établi que les BPA révisées n’auraient pas pu être présentées plus tôt dans la procédure, car il ressort des éléments du dossier qu’une révision des BPA avait déjà eu lieu à des stades précoces de la procédure, notamment en 2001 pour répondre à l’exigence de présenter une utilisation sûre telle qu’introduite par le règlement n° 2266/2000.

174    Il y a donc lieu de conclure que les requérantes n’ont pas établi une quelconque situation de force majeure de sorte que la non-prise en compte par les évaluateurs des BPA révisées en juillet 2004 serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

175    Enfin, en ce qui concerne l’allégation des requérantes selon laquelle les BPA révisées auraient été présentées pour pallier le risque d’exposition pour l’opérateur, outre le fait que l’argumentation des requérantes est contradictoire en ce qu’elles prétendent avoir compris à la réunion tripartite que la question de l’exposition de l’opérateur était résolue dans son entièreté, il y a lieu de rappeler que, comme il a été relevé ci-dessus, la question de l’exposition de l’opérateur étant de nature secondaire par rapport aux doutes émis par les évaluateurs concernant l’existence d’un métabolite inconnu, une éventuelle irrégularité sur ce point ne saurait mener à l’annulation de la décision attaquée, car, même si le problème de l’exposition de l’opérateur avait été résolu, celui du métabolite inconnu aurait mené à la même décision de non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414.

176    Il résulte de tout ce qui précède que les griefs des requérantes concernant les BPA révisées doivent être rejetés.

 Sur la cinquième problématique concernant la prétendue classification de l’endosulfan comme POP et PBT

–       Arguments des parties

177    Les requérantes font valoir, en substance, qu’il y a deux critères scientifiques à la base de la décision attaquée et de l’évaluation qui la sous-tend qui ne sont pas spécifiés dans la directive 91/414. Il s’agirait notamment de la classification d’une substance comme POP ou PBT qui serait pertinente dans le cadre de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327, p. 1), mais non dans le cadre de la directive 91/414. Ainsi, la Commission expliquerait, dans le considérant 8 de la décision attaquée, que l’endosulfan suscite des préoccupations en raison de sa persistance et de ses caractéristiques volatiles qui ont été découvertes dans des résultats de surveillance transfrontaliers, conclusion qui résulterait de l’application du critère POP. En outre le terme « POP » figurerait expressément dans le procès-verbal de la réunion tripartite, qui consacrerait tout un chapitre à cette question, et les conclusions d’une réunion du groupe de travail « Évaluation » du 11 mars 2004 indiqueraient très clairement que les préoccupations qui subsistaient à propos de cette molécule résultaient notamment du fait que « la substance pou[v]ait également être un POP ». La décision attaquée violerait donc l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 ainsi que la confiance légitime des requérantes dans le fait que l’évaluation serait fondée uniquement sur des critères scientifiques relevant du cadre de ladite directive.

178    En tout état de cause, le problème serait résolu si la Commission avait pris en compte les données sur l’utilisation en serre.

179    Par ailleurs, contrairement à l’article 5 de la directive 91/414, les critères POP et PBT et la directive 2000/60 seraient fondés sur la notion de danger et non de risque.

180    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, conteste la thèse selon laquelle la décision attaquée serait fondée sur des critères autres que ceux de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414.

–       Appréciation du Tribunal

181    La problématique de la prétendue classification de l’endosulfan comme POP et PBT concerne la conclusion figurant au considérant 8 de la décision attaquée selon laquelle l’endosulfan est volatil, son principal métabolite est persistant et il a été découvert dans des résultats de surveillance dans des régions où la substance n’était pas utilisée.

182    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans le cadre de ce grief, les requérantes allèguent, en substance, que ladite conclusion repose sur une analyse qui ne s’inscrit pas dans le cadre de la directive 91/414 mais qui relève de la directive 2000/60. Cette dernière directive vise à améliorer la qualité de l’eau par l’identification et l’élimination progressive d’une série de substances jugées dangereuses et certains polluants dans les eaux de l’Union européenne. Les définitions des substances dangereuses et des polluants dans la directive 2000/60 incluent une référence aux notions de POP et PBT. Selon les requérantes, la directive 2000/60 repose sur une évaluation du danger pour l’environnement aquatique tandis que la directive 91/414 requiert l’application du critère plus restrictif de risque pour l’environnement.

183    Il convient de constater d’abord que, comme le relèvent les requérantes, les critères POP et PBT ont fait l’objet de discussions durant la période d’évaluation et la classification de l’endosulfan en tant que POP ou PBT a été prise en compte au cours de la procédure d’évaluation. Le procès-verbal, rédigé par la Commission, de la réunion tripartite du 17 mai 2004 y consacre notamment un chapitre dans lequel il est fait état de la présentation des conclusions de l’État membre rapporteur quant à la classification de l’endosulfan comme POP et PBT et quant à la classification de l’endosulfan en tant que substance dangereuse dans le cadre de la directive 2000/60. Il y est également indiqué que, dans le cadre de cette directive, la minéralisation complète de la substance doit être prouvée. Le même procès-verbal fait aussi état des objections des requérantes quant à l’utilisation de critères POP et PBT dans le cadre de la directive 91/414 et de leur argumentation selon laquelle la minéralisation complète d’une substance n’est pas un objectif de la directive 91/414. L’affirmation de la Commission selon laquelle elle a adopté la décision attaquée indépendamment de toute discussion sur le point de savoir si l’endosulfan est un POP ou un PBT ou de toute classification de l’endosulfan au titre de la directive 2000/60 doit donc être rejetée.

184    Toutefois, il ne saurait être déduit de la circonstance que la classification de l’endosulfan en tant que POP ou PBT ou sa classification au titre de la directive 2000/60 a fait l’objet d’un examen au cours de la procédure d’évaluation que la décision attaquée viole l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414. Au contraire, force est de constater que la conclusion en cause de la décision attaquée (voir point 44 ci-dessus) ne paraît pas, à première vue, incompatible avec les critères dudit article 5, paragraphe 1, qui sont formulés de manière large et reposent sur une analyse de risques d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale ou sur les eaux souterraines ou d’influence inacceptable sur l’environnement (voir point 5 ci-dessus).

185    Il doit aussi être rappelé que, indépendamment de la question de savoir si l’endosulfan peut être classifié comme POP ou comme PBT dans le cadre de la directive 2000/60, il appartenait aux requérantes d’établir au cours de la procédure d’évaluation que les conditions de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 étaient remplies. Or, les requérantes n’expliquent pas en quoi la classification d’une substance comme POP ou PBT exclurait qu’elle ait les effets nocifs visés par l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414. Le seul fait que la classification de l’endosulfan en tant que POP ou PBT ou sa classification au titre de la directive 2000/60 a fait l’objet d’un examen au cours de la procédure d’évaluation ne saurait donc être une raison suffisante pour annuler la décision attaquée en l’absence d’arguments convaincants démontrant que les conclusions de ladite décision sont contraires à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414. Le grief est donc non fondé.

186    Par ailleurs, il découle de ce qui précède que les arguments tirés du fait que la directive 2000/60 repose sur une analyse du danger et la directive 91/414 sur une analyse du risque ainsi que celui tiré d’une atteinte à la confiance légitime des requérantes dans l’application exclusive de critères relevant du cadre de la directive 91/414 sont inopérants.

187    Dans ces circonstances, les griefs concernant la problématique de la prétendue classification de l’endosulfan comme POP ou PBT doivent être rejetés dans leur entièreté.

188    Quant à la question de savoir si la solution de l’utilisation en serre proposée par les requérantes à la fin de la procédure d’évaluation aurait, en tout état de cause, levé les doutes liés à une possible classification de l’endosulfan en tant que POP ou PBT, il convient de faire référence à l’analyse de la problématique de l’utilisation en serre développée ci-après.

 Sur la sixième problématique concernant l’utilisation en serre

–       Arguments des parties

189    Les requérantes font valoir que la décision attaquée ne tient pas compte de la solution ultime qu’elles ont proposée consistant à limiter l’endosulfan à l’utilisation en serre avec des BPA réduites, ce qui constitue une violation de l’article 5, paragraphe 1 de la directive 91/414 et de leurs droits de la défense. Or, l’utilisation en serre aurait résolu le problème du métabolite inconnu, car l’endosulfan ne pourrait pénétrer le sol ou l’eau en dehors de la serre.

190    Dans la réplique, les requérantes ajoutent que la non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 pour un usage limité en serre viole les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

191    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, allègue qu’elle était en droit de refuser d’examiner la solution de l’utilisation en serre, car elle a été présentée hors délai. En tout état de cause, elle ne lèverait pas les doutes soulevés par le métabolite inconnu, puisqu’une serre ne serait pas un environnement complètement clos.

–       Appréciation du Tribunal

192    La problématique de l’utilisation en serre concerne une proposition que les requérantes ont présentée à la suite de la réunion tripartite dans une lettre adressée à la Commission du 25 juin 2004 aux termes de laquelle elles indiquaient qu’elles étaient prêtes à supporter en tant que « scénario le plus pessimiste » l’utilisation de l’endosulfan pour des tomates en serre.

193    En réponse à une question écrite du Tribunal les interrogeant sur les raisons de cette présentation tardive, les requérantes ont répondu ne pas avoir pu la présenter avant, car la préoccupation liée à l’exposition de l’opérateur n’aurait été exprimée qu’au cours de la réunion tripartite et elles avaient été amenées à croire auparavant que cette question était réglée. À cet égard, il y a lieu toutefois de constater qu’il ressort de la lettre du 25 juin 2004 ainsi que de l’argumentation des requérantes dans la réplique que la solution de l’utilisation de l’endosulfan en serre pour la culture de tomates a été proposée pour répondre aux préoccupations restantes des évaluateurs, en particulier celle du métabolite inconnu dont il a été constaté ci-dessus que les requérantes avaient pu l’identifier au plus tard en 2000.

194    Les requérantes allèguent également que la Commission ne saurait fonder le refus d’examiner cette solution de dernier ressort sur le prétendu caractère incomplet de l’analyse pour les tomates en serre, car cette utilisation a fait partie de la notification initiale. Elles allèguent encore que, entre 2001 et 2004, elles ont même été amenées à croire que l’application de l’endosulfan sur les tomates en serre justifierait l’inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414. Ce grief doit également être rejeté, car comme le Royaume d’Espagne l’a expliqué lors de l’audience, sans être contredit par les requérantes, l’endosulfan avait été notifié pour dix utilisations en plein champ et une utilisation en serre. L’examen de l’endosulfan a donc, de toute évidence, été focalisé sur les effets environnementaux de l’utilisation potentiellement la plus problématique, c’est-à-dire l’utilisation de l’endosulfan à l’extérieur. Il ne saurait donc être déduit du fait que les conclusions de la procédure d’évaluation concernaient, en substance, le risque d’effets nocifs de l’endosulfan à l’extérieur que l’utilisation en serre devait être considérée comme compatible avec l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414. Les requérantes ont d’ailleurs continué à demander l’autorisation pour toutes les applications notifiées jusqu’à la fin de la procédure d’évaluation.

195    Il découle de ce qui précède que les requérantes n’ont pas apporté d’arguments valables concernant la question de savoir pourquoi elles n’avaient pas pu présenter cette solution plus tôt dans la procédure d’évaluation. Par ailleurs, force est de constater que, en la présentant aussi tardivement et en continuant à vouloir obtenir l’inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 pour une utilisation aussi large que possible, les requérantes ont sciemment couru le risque de ne pas pouvoir prouver, dans les délais procéduraux, que l’endosulfan satisfaisait aux critères de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414. Finalement, en ce qui concerne les arguments tirés de la prétendue violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, ils sont traités ci-après dans le cadre de l’examen du troisième moyen.

196    En tout état de cause, il y a encore lieu de relever qu’il existe un désaccord manifeste entre les parties sur la question de savoir si une serre constitue un environnement fermé. Les requérantes allèguent que la Commission soulève à cet égard des objections non pertinentes quant à la toxicité pour les oiseaux, car il n’y aurait pas d’oiseaux en serre. Il ressort toutefois du dossier de procédure et des commentaires du Royaume d’Espagne à l’audience qu’il s’agit également d’autres préoccupations, concernant, par exemple, une possible pénétration de l’eau dans le sol. La Commission et le Royaume d’Espagne n’acceptent donc clairement pas la thèse des requérantes selon laquelle la solution de l’utilisation en serre permet d’écarter le problème du métabolite inconnu. Outre le fait que, comme il a été relevé ci-dessus, il y a lieu de reconnaître une large marge d’appréciation de la Commission à l’égard de ce type d’évaluations scientifiques complexes, cette discussion démontre aussi que, même si le Tribunal considérait que la non-prise en compte de la solution de l’utilisation en serre présentée hors délai constituait un vice de procédure ayant conduit à la violation des droits de la défense des requérantes, il ne serait pas du tout établi que sa prise en compte aurait pu mener à une décision différente. Dès lors, cette irrégularité ne saurait emporter l’illégalité et, partant, l’annulation de la décision attaquée.

197    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter les griefs concernant la problématique de l’utilisation en serre.

 Sur la septième problématique concernant l’impact du retard causé par l’État membre rapporteur et la Commission dans la procédure d’évaluation

–       Arguments des parties

198    Selon les requérantes, soutenues par l’ECPA, l’État membre rapporteur a présenté son projet de rapport d’évaluation seulement en février 2000 en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 3600/92, qui prévoit un délai de douze mois à compter de la réception du dossier complet. En l’espèce, la version mise à jour du dossier des requérantes avait été déposée à la fin de 1996. Il ne serait donc pas possible d’opposer aux requérantes des délais pour la soumission de données à la fin de la procédure d’évaluation, car l’État membre rapporteur serait au moins coresponsable du retard encouru. Par ailleurs, les requérantes rejettent la thèse de la Commission et du Royaume d’Espagne selon laquelle elles seraient en partie responsables du retard encouru durant la procédure d’évaluation.

199    Selon la Commission, les requérantes ont elles-mêmes contribué à une partie du retard qu’elles critiquent aujourd’hui. Elle admet que les procédures conduites au titre de la directive 91/414, en particulier pour la première phase du programme d’examen, ont pris plus de temps que prévu, mais cela est vrai pour toutes les substances et tous les auteurs de notifications. Il serait injuste toutefois de la part des requérantes d’imputer tous les retards à l’État membre rapporteur et/ou à la Commission. De plus, tous les retards dans les procédures n’auraient pas nécessairement été défavorables aux requérantes, puisque l’endosulfan a pu rester plus longtemps sur le marché. Par ailleurs, si la procédure avait été moins longue, il n’y aurait pas de raison de supposer que le résultat ait été différent.

200    Le Royaume d’Espagne soutient les arguments de la Commission et fait également valoir que la plus grande partie des retards dans la procédure ont été causés par les requérantes elles-mêmes, ce qui est manifestement révélateur d’une intention incontestable de ne pas mettre fin à la procédure.

–       Appréciation du Tribunal

201    À titre liminaire, il y a lieu de préciser que la présente problématique concerne, en substance, la question de l’impact potentiel du retard initial encouru dans la procédure d’évaluation durant la période de préparation du projet de rapport d’évaluation sur la possibilité pour les requérantes de respecter les délais procéduraux de mai 2002 et de mai 2003.

202    Il y a lieu de constater tout d’abord que la présentation du projet de rapport d’évaluation par l’État membre rapporteur s’est faite avec un retard considérable par rapport au calendrier prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 3600/92, tel que modifié, selon lequel ledit rapport est transmis à la Commission dans un délai de douze mois à compter de la réception des dossiers. Or, en l’espèce, le dossier complet avait été déposé en avril 1995, et une version mise à jour avait été déposée une année plus tard, mais le rapport d’évaluation n’a été présenté à la Commission que le 22 février 2000. Or, force est de constater que, dans leurs écritures, ni la Commission ni le Royaume d’Espagne ne fournissent une explication pour ce retard considérable par rapport au calendrier réglementaire mais se limitent à invoquer certains retards dans la suite de la procédure d’examen qui seraient dus aux requérantes, ce que ces dernières contestent. En réponse à une question écrite du Tribunal, le Royaume d’Espagne a attiré l’attention sur les difficultés organisationnelles rencontrées au début de la procédure d’évaluation compte tenu de la nouveauté de la procédure et du nombre de substances pour lesquelles il avait été désigné comme État membre rapporteur. Le Royaume d’Espagne précise qu’il n’existait aucun organisme accrédité avant le 10 mai 1996 pour procéder aux évaluations et que, de 1996 à 1998, l’organisme accrédité a procédé à l’évaluation de la substance active de l’endosulfan en tenant les requérantes informées au fur et à mesure de ses conclusions. Le Royaume d’Espagne indique également que, à partir de juillet 1998, les requérantes ont fourni des documents supplémentaires en modifiant même les BPA, ce qui a retardé encore plus la présentation du projet de rapport d’évaluation.

203    Il est clair que l’argumentation de la Commission et du Royaume d’Espagne n’explique qu’en partie le retard considérable avec lequel le projet de rapport d’évaluation a été présenté. Toutefois, il y a lieu de rappeler qu’une irrégularité de procédure n’entraîne l’annulation en tout ou en partie d’une décision que s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait pu avoir un contenu différent (arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Bernardi/Parlement, 150/84, Rec. p. 1375, point 28 ; arrêts du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, point 283, et du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 416 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 aÌ 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 47).

204    Au vu de cette jurisprudence, il y a lieu de relever que l’argumentation des requérantes est contradictoire. Premièrement, elles ne sauraient de manière crédible invoquer le retard dans la présentation du projet de rapport d’évaluation comme cause de leur impossibilité de soumettre des données dans un certain délai quand toute leur argumentation repose sur le fait que les données non prises en compte répondent à des préoccupations exprimées de manière tardive dans la procédure d’évaluation. En effet, ce n’est que dans le cas où le besoin de présenter une étude supplémentaire serait ressorti du projet de rapport que le caractère tardif de la présentation de celle-ci aurait pu empêcher les requérantes de respecter lesdits délais, et donc, avoir un impact réel sur la décision attaquée. Deuxièmement, les requérantes se plaignent d’un manque d’interaction avec l’État membre rapporteur avant l’année 2000. Or, il est clair que des interactions encore plus intenses que celles ressortant des preuves de la communication entre les requérantes et l’État membre rapporteur, soumises avec les pièces de procédure et relevées dans la réponse de ce dernier à la question écrite du Tribunal, n’auraient pu que retarder la présentation du projet de rapport d’évaluation. De plus, lesdites preuves documentaires indiquent plutôt que les requérantes ont été étroitement impliquées dans la rédaction du projet de rapport d’évaluation, ce qui aurait dû leur permettre d’améliorer l’évaluation. Troisièmement, il ressort des pièces de procédure que les requérantes ont parfois elles-mêmes contribué au retard en soumettant de nouvelles données ou paramètres ou, lors de la deuxième phase d’examen, en ne respectant pas toujours les dates convenues pour la soumission d’études de sorte qu’il serait hasardeux d’établir dans quelle mesure une présentation du projet de rapport d’évaluation à une date plus avancée aurait permis d’identifier plus tôt certains doutes des évaluateurs.

205    Par conséquent, le grief concernant la problématique de l’impact du retard causé par l’État membre rapporteur et la Commission doit être rejeté.

206    Il résulte de tout ce qui précède que l’examen individuel des sept problématiques n’a pas permis d’identifier l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission dans l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 ou d’une violation des droits de la défense ou d’une quelconque confiance légitime des requérantes. Dans ces circonstances, il ne saurait pas davantage être retenu que l’effet combiné des différents aspects de la procédure d’évaluation mis en cause dans le cadre desdites problématiques puisse constituer une base suffisante pour l’annulation de la décision attaquée, car il n’en découle pas que les requérantes se sont trouvées dans une situation de force majeure les ayant empêchées de respecter les délais procéduraux. Il y a donc lieu de rejeter, d’une part, le premier moyen dans son entièreté et, d’autre part, la seconde branche du deuxième moyen.

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 95, paragraphe 3, CE

 Arguments des parties

207    Les requérantes, soutenues par l’ECPA, allèguent que la Commission, en n’examinant pas toutes les données soumises, y compris celles soumises avant les délais de mai 2002 et de mai 2003, et en fondant l’évaluation de l’endosulfan sur une série limitée et incomplète de données, a violé l’article 95, paragraphe 3, CE. En effet, alors que la directive 91/414 serait formellement fondée sur l’article 43 du traité CE (devenu, après modification, article 37 CE), établissant une politique agricole commune, il découlerait de ses considérants qu’elle poursuit des objectifs liés au marché intérieur, et l’article 95 CE serait, dès lors, applicable. Ainsi, l’article 4 de la directive 91/414 garantirait la libre circulation des produits phytopharmaceutiques en interdisant aux États membres d’entraver pour des motifs liés aux questions harmonisées par ladite directive, l’importation, la vente ou l’autorisation de produits phytopharmaceutiques qui respectent les dispositions harmonisées. Par ailleurs, la question de la base légale de la directive 91/414 ne serait pas pertinente.

208    En vertu de l’article 95, paragraphe 3, CE, en adoptant des mesures en matière de santé ou de protection de l’environnement, la Commission serait tenue de tenir compte des données les plus récentes, y compris toute nouvelle évolution fondée sur des faits scientifiques. En outre, l’article 152, paragraphe 1, premier alinéa, CE prévoirait qu’un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté. L’effet combiné de ces dispositions serait que toutes les décisions adoptées en vertu de la directive 91/414 devraient permettre d’atteindre un degré de protection élevé évalué par référence aux données les plus récentes.

209    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, fait valoir que l’article 95, paragraphe 3, CE n’est pas applicable, car il sert uniquement de base juridique aux actes adoptés par le Conseil dans le cadre d’une procédure de codécision, telle que prévue à l’article 251 CE, qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Or, la directive 91/414, qui est le fondement juridique de la décision attaquée et des procédures d’évaluation qui la sous-tendent, aurait été adoptée sur la base de l’article 43 du traité CE, qui ne ferait pas intervenir la codécision.

210    Par ailleurs, une réglementation agricole comme la directive 91/414 pourrait comporter l’harmonisation de dispositions nationales sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’article 100 du traité CE (devenu article 94 CE), dans la mesure où l’article 38, paragraphe 2, du traité CE (devenu, après modification, article 32, paragraphe 2, CE) assure la priorité des dispositions spécifiques du domaine agricole par rapport aux dispositions générales relatives à l’établissement du marché commun. Le fait qu’une mesure agricole tienne également compte de questions environnementales ou de santé n’impliquerait pas qu’elle relève des règles du traité en matière d’environnement. Pour des raisons similaires, l’article 152 CE serait également sans pertinence.

211    Par ailleurs, la Commission rappelle qu’elle a un large pouvoir d’appréciation dans le domaine agricole et que le Tribunal ainsi que la Cour ont explicitement déclaré que cette règle s’appliquait aux procédures prévues par la directive 91/414.

212    Enfin, la Commission indique qu’elle ne comprend pas pourquoi l’obligation de tenir compte des données scientifiques disponibles les plus récentes serait différente pour les règles qui sous-tendent la législation du marché intérieur.

 Appréciation du Tribunal

213    L’article 95, paragraphe 3, CE, dont la Commission conteste l’applicabilité en l’espèce, dispose que la Commission, dans ses propositions au Conseil pour le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur en matière de santé, de sécurité, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques.

214    À cet égard, il y a lieu de constater que les requérantes confirment dans leurs écritures qu’elles ne contestent pas la légalité de la directive 91/414 par rapport à l’article 95, paragraphe 3, CE mais celle des actes adoptés par la Commission sur la base de ladite directive. Elles reconnaissent que la directive 91/414 ne va pas en soi à l’encontre des conditions édictées par l’article 95, paragraphe 3, CE, mais estiment qu’elle renforce ces conditions étant donné que l’article 5 de la directive 91/414 reprend les termes de l’article 95, paragraphe 3, CE en exigeant que les décisions soient adoptées « compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques ». Force est alors de constater que l’argumentation que les requérantes développent dans le cadre de cette branche se confond avec celle développée dans le cadre du premier moyen et de la seconde branche du deuxième moyen dont il a été décidé qu’ils étaient non fondés. Les griefs tirés d’une prétendue violation de l’article 95, paragraphe 3, CE doivent donc également être rejetés sans qu’il y ait besoin que le Tribunal se prononce sur l’applicabilité de ladite disposition.

215    Quant à l’article 152, paragraphe 1, CE, que les requérantes invoquent à titre subsidiaire et selon lequel un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté, force est de constater qu’aucune argumentation autonome n’est développée mais que les requérantes se limitent à répéter la référence à l’obligation pour la Commission de prendre en compte les données les plus récentes. Ce grief doit donc également être rejeté.

216    Il résulte de ce qui précède que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de certains principes généraux de droit communautaire

217    Dans le cadre du troisième moyen, les requérantes avancent, plus particulièrement, la violation du principe de proportionnalité (première branche), des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique (deuxième branche), de l’interdiction d’agir ultra vires (incompétence) (troisième branche), de l’obligation de procéder à une évaluation diligente et impartiale (quatrième branche), de l’interdiction de détournement de pouvoir (cinquième branche), des droits de la défense et du droit d’être entendu (sixième branche), du principe de l’excellence et de l’indépendance des avis scientifiques (septième branche), du principe d’égalité de traitement (huitième branche), du principe de la primauté des dispositions spéciales sur les dispositions générales (neuvième branche) et du principe de l’estoppel (dixième branche). Le Tribunal estime utile d’examiner d’abord séparément la première branche tirée de la violation du principe de proportionnalité et la huitième branche tirée de la violation du principe d’égalité de traitement avant d’examiner ensemble les autres branches du troisième moyen.

 Sur la première branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité

–       Arguments des parties

218    Selon les requérantes, il ressort de la jurisprudence que, afin d’établir si la décision d’une institution communautaire respecte le principe de proportionnalité, il y a lieu de vérifier si les moyens qu’elle emploie sont adéquats pour réaliser l’objectif visé et s’ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour le réaliser. En l’espèce, la décision de ne pas examiner toutes les données soumises par les requérantes irait à l’encontre de l’objectif visé par la directive 91/414, qui serait d’évaluer la sécurité des produits phytopharmaceutiques et de leurs ingrédients actifs au regard des critères spécifiés dans ladite directive et « à la lumière des connaissances scientifiques et techniques les plus récentes », et ne constituerait pas le moyen le moins restrictif pour réaliser un tel objectif, dans la mesure où la décision de non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 aurait pour conséquence le retrait de l’endosulfan du marché au sein de l’Union européenne, avec des conséquences commerciales irréparables pour les requérantes. Un tel résultat serait totalement disproportionné, notamment lorsqu’il découlerait uniquement de la volonté de respecter des délais artificiellement fixés, comme en l’espèce.

219    Les requérantes invoquent les ordonnances du président de la Cour du 21 octobre 2003, Industrias Químicas del Vallés/Commission [C‑365/03 P(R), Rec. p. I‑12389], et du président du Tribunal du 5 août 2003, Industrias Químicas del Vallés/Commission (T‑158/03 R, Rec. p. II‑3041), dont il découlerait que la Commission ne saurait invoquer les délais comme seul motif pour refuser d’examiner les nouvelles données qu’elles ont soumises. Le léger retard que l’examen de ces données aurait impliqué serait, dès lors, bien inférieur au délai supplémentaire accordé à IQV pour la soumission de nouvelles données relatives au métalaxyl et certainement négligeable par rapport à la période totale d’évaluation de l’endosulfan, qui aurait été allongée par l’évaluation tardive de l’État membre rapporteur, et qui était en tout état de cause ouverte jusqu’au 31 décembre 2005 et aurait été encore prolongée jusqu’au 31 décembre 2006.

220    Dans la réplique, les requérantes ajoutent que l’endosulfan aurait au moins dû être inscrit à l’annexe I de la directive 91/414 pour une utilisation en serre et que cette solution aurait été proportionnée aux objectifs de ladite directive et aurait également garanti que l’endosulfan serait traité de la même manière que d’autres substances actives. En effet, la Commission aurait accepté l’inscription de la beta-cyfluthrin à l’annexe I de la directive 91/414 au motif que « les utilisations autres qu’ornementales en serre ou relatives au traitement des semences n[‘étaient] pas suffisamment documentées et ne [s’étaient] pas avérées acceptables au regard des critères visés à l’annexe VI » et que, « [p]our appuyer l’autorisation de ces utilisations, des données et informations prouvant leur acceptabilité à l’égard des consommateurs humains et de l’environnement [devaient] être fournies aux États membres ». Le même raisonnement aurait été tenu concernant la substance active cyfluthrine et aurait pu l’être pour l’endosulfan.

221    L’ECPA soutient les arguments des requérantes et ajoute que le refus de la Commission de tenir compte de toutes les données disponibles est particulièrement disproportionné en l’espèce, puisque l’endosulfan et les produits qui en contiennent ne présentent ni danger ni risque imminents ou identifiés. Enfin, l’ECPA allègue qu’il existe à tout le moins des moyens moins restrictifs pour atteindre le but recherché que de refuser simplement l’inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414. À cet égard, les options disponibles pour lever les doutes qui subsistent seraient la réduction de la période d’inscription à l’annexe I de ladite directive, l’amélioration des facteurs de sécurité, des prescriptions supplémentaires en matière de données ainsi que l’engagement contraignant de la part du notifiant de réaliser des tests complémentaires.

222    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, s’oppose aux arguments des requérantes. De plus, elle conteste la recevabilité du grief tiré du caractère disproportionné de la non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 uniquement pour une utilisation en serre, car, selon elle, la requête ne se réfère au principe de proportionnalité qu’au regard de la question relative aux délais.

–       Appréciation du Tribunal

223    Il convient de rappeler que le principe général de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt de la Cour du 9 mars 2006, Zuid-Hollandse Milieufederatie et Natuur en Milieu, C‑174/05, Rec. p. I‑2443, point 28, et la jurisprudence citée).

224    Il en résulte que, dans le cadre du contrôle juridictionnel de la mise en œuvre d’un tel principe, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission dans le cadre de l’adoption de décisions relatives à l’inscription de substances actives à l’annexe I de la directive 91/414, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure par rapport à l’objectif qu’elle entend poursuivre peut affecter la légalité de cette mesure (voir, en ce sens, arrêt Zuid-Hollandse Milieufederatie et Natuur en Milieu, point 223 supra, point 29).

225    Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé au point 81 ci-dessus, il ressort des considérants de la directive 91/414 que cette dernière a pour objectif, d’une part, l’élimination des entraves aux échanges intracommunautaires de produits phytopharmaceutiques ainsi que l’amélioration de la production végétale et, d’autre part, la protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement.

226    Quant à l’application du principe de proportionnalité à la décision de la Commission de ne pas prendre en compte des données présentées hors des délais procéduraux, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’examen combiné du cadre réglementaire et de l’arrêt IQV, auquel le Tribunal a procédé dans le cadre de l’examen du premier moyen et de la seconde branche du deuxième moyen, que, dans le cadre de la procédure menant à l’adoption d’une décision concernant l’inscription à l’annexe I de la directive 91/414 d’une substance visée par la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 2, de ladite directive, un moratoire s’impose si les parties ayant notifié la substance active se sont trouvées dans une situation de force majeure qui les a empêchées de respecter les délais procéduraux pour la soumission d’informations complémentaires afin de prouver une utilisation sûre pour la substance active en cause.

227    Or, il résulte de l’examen des différentes problématiques effectué ci-dessus que les requérantes n’ont pas prouvé qu’elles se seraient trouvées dans une situation de force majeure les empêchant de soumettre les données que la Commission a refusé de prendre en compte dans les délais procéduraux. Il ne saurait alors être conclu que la décision de la Commission de ne pas prendre en compte les données et études en cause a violé le principe de proportionnalité.

228    Par ailleurs, dans ces circonstances, n’est pas non plus disproportionnée la décision de non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 en ce qu’elle se fonde sur l’absence d’informations suffisantes permettant de conclure à l’absence de risques, tels que ceux définis à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414, au vu du fait que, d’une part, les objectifs de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement poursuivis par la directive 91/414 s’opposent à un report de la décision d’inscription ou non de la substance active en cause à l’annexe I de la directive 91/414 laissé à la discrétion des producteurs de la substance active en cause et, d’autre part, lesdits producteurs ont, en tout état de cause, l’opportunité de faire réexaminer la substance active par le biais de la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 2, de la directive 91/414.

229    Enfin, en ce qui concerne le grief des requérantes tiré du fait que, dans la décision attaquée, la Commission aurait dû prévoir l’inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 pour une utilisation en serre, il y a lieu de préciser que les griefs avancés dans la requête dans le cadre de cette branche concernent la décision de la Commission de ne pas leur accorder une prorogation des délais réglementaires pour la soumission de données. Ces griefs ne concernent donc pas le caractère prétendument disproportionné de la décision attaquée en ce qu’elle a imposé le retrait du marché de l’endosulfan alors qu’une solution moins restrictive aurait dû être retenue. Dans ces circonstances, le grief des requérantes tiré du fait que la Commission aurait pu prévoir l’inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 pour une utilisation en serre, invoqué pour la première fois dans la réplique, doit être déclaré irrecevable sur la base de la jurisprudence évoquée au point 134 ci-dessus. Par ailleurs, le fait que l’ECPA a évoqué ledit grief dans son mémoire en intervention ne remet pas en cause la conclusion selon laquelle il s’agit, en réalité, d’un nouveau moyen que les requérantes auraient pu soulever au stade de la requête (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 avril 2003, BaByliss/Commission, T‑114/02, Rec. p. II‑1279, point 417). En tout état de cause, il ressort de l’examen du premier moyen et de la seconde branche du deuxième moyen effectué ci-dessus que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en refusant de prendre en compte la solution de l’utilisation en serre que les requérantes avaient soumise après l’expiration des délais procéduraux. Dans ces circonstances, il ne saurait être fait grief à la Commission de ne pas avoir autorisé l’inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 pour une utilisation en serre.

230    Il découle de tout ce qui précède que la première branche du troisième moyen est non fondée.

 Sur la huitième branche, tirée de la violation du principe de l’égalité de traitement

–       Arguments des parties

231    Les requérantes, soutenues par l’ECPA, allèguent que l’évaluation de l’endosulfan a fait l’objet d’un traitement moins favorable que celui réservé à d’autres molécules soumises aux mêmes exigences d’examen, par exemple le métalaxyl et le chlorpyrifos, qui ont bénéficié de périodes additionnelles pour la soumission et l’évaluation de nouvelles données pertinentes.

232    En outre, la Commission aurait décidé de reporter le délai pour l’inscription à l’annexe I de la directive 91/414 pour huit substances actives jusqu’au 31 décembre 2006. En raison du report du délai applicable à la fin de 2006, huit substances appartenant à la première phase d’examen, y compris le fénarimol et le vinclozolin, bénéficieraient de périodes de mise sur le marché plus longues et les auteurs de notifications auraient la possibilité de soumettre de nouvelles données. Ainsi, le vinclozolin aurait bénéficié d’une prorogation du délai de 1998 à 2006 et le fénarimol de 1997 à 2006 alors que l’endosulfan n’aurait bénéficié d’une prorogation que de 2001 à 2005. Les requérantes soumettent un tableau illustrant l’effet du retard de l’évaluation initiale par l’État membre rapporteur sur le nombre de réunions pour l’évaluation des données et le retour d’information entre les auteurs de notifications et les autorités d’évaluation. Le fénarimol et le vinclozolin auraient ainsi bénéficié de réunions plus fréquentes et de plusieurs années supplémentaires pour le développement de nouvelles données en réponse à l’évaluation et compte tenu du progrès technique en vertu de la directive 91/414. Il en résulte que la Commission aurait traité, au moins dans quelques cas, des situations similaires d’une manière différente, violant ainsi le principe d’égalité de traitement et l’article 40, paragraphe 3, CE.

233    Par ailleurs, l’inégalité de traitement couvrirait non seulement la période d’évaluation plus longue accordée aux autres substances appartenant à la même liste que l’endosulfan, mais également une différence en ce qui concerne les critères utilisés pour l’évaluation globale et dans le résultat final de l’évaluation de l’endosulfan.

234    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, conteste les arguments des requérantes.

–       Appréciation du Tribunal

235    Il y a lieu de préciser tout d’abord que l’article 40 CE concerne l’étendue des pouvoirs du Conseil en matière de libre circulation des travailleurs et ne présente donc aucun lien avec les griefs avancés dans le cadre de cette branche. Les requérantes n’ont d’ailleurs apporté aucune clarification quant à sa pertinence. Il y a donc lieu de déclarer les griefs tirés de la violation de ladite disposition irrecevables sur la base de la jurisprudence citée au point 120 ci-dessus.

236    Ensuite, il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, SNCZ/Commission, T‑52/02, Rec. p. II‑5005, point 109, et la jurisprudence citée).

237    À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de constater que, comme l’indique la Commission, les arguments des requérantes quant à la solution retenue pour d’autres substances actives se limitent à une énumération des exemples d’autres substances pour lesquelles la solution a été différente sans expliquer pourquoi l’endosulfan aurait dû être traité de la même façon. Il y a donc lieu de déclarer ces griefs irrecevables sur la base de la jurisprudence citée au point 120 ci-dessus. Par ailleurs et en tout état de cause, la question essentielle posée dans le cadre de cette branche est de nouveau celle relative à la non-prise en compte des données présentées tardivement, car la Commission n’aurait pu retenir une autre solution que celle de la non-inscription à l’annexe I de la directive 91/414 de l’endosulfan dans toutes ses applications que dans le cas où elle aurait accepté d’examiner les arguments concernant les BPA réduites, la formulation CS ou l’utilisation en serre.

238    Ensuite, en ce qui concerne leurs arguments tirés de la comparaison du déroulement des procédures d’évaluation de l’endosulfan et d’autres substances, force est de constater que les requérantes avancent des éléments de comparaison concrets uniquement pour le fénarimol et le vinclozolin. Elles soumettent notamment dans la requête un tableau comparatif qui serait issu de la Commission et dont il ressort, selon elles, que ces autres substances actives ont bénéficié de réunions plus fréquentes et d’un processus d’évaluation plus long offrant des opportunités supplémentaires pour soumettre de nouvelles données. Elles allèguent que l’endosulfan a fait l’objet de moins de réunions d’évaluation et de possibilités de discussion ultérieures en raison du retard initial dans la procédure d’évaluation. De plus, pour le fénarimol et le vinclozolin, la Commission n’aurait pas fixé de date butoir pour la soumission de nouvelles données. Par ailleurs, pour ces deux substances, la décision relative à l’inscription à l’annexe I de la directive 91/414 ne serait pas encore intervenue au moment du dépôt de la requête, c’est-à-dire en avril 2006.

239    En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a indiqué que le nombre de discussions était plus élevé dans le cas de substances pour lesquelles les décisions en matière d’évaluation et de gestion des risques étaient difficiles. Par ailleurs, en ce qui concerne le fait que les délais de présentation de données auraient été différents pour lesdites substances, la Commission conteste que les entreprises ayant notifié ces substances aient pu soumettre de nouvelles données jusqu’en décembre 2003 ou jusqu’en avril 2004. Par ailleurs, lesdites entreprises auraient également été confrontées à des délais légaux et n’auraient pas pu continuer à présenter de nouvelles données. De plus, il ne serait pas non plus correct de supposer qu’une présentation plus tardive du projet de rapport d’évaluation aurait un impact négatif sur la substance en question, car, par exemple, le projet de rapport d’évaluation de la substance MCPB n’aurait été présenté qu’en décembre 2001, mais cette dernière aurait été inscrite à l’annexe I de la directive 91/414 par le biais de la directive 2005/57/CE de la Commission, du 21 septembre 2005, modifiant la directive 91/414 en vue d’y inscrire les substances actives MCPA et MCPB (JO L 246, p. 14).

240    En ce qui concerne le fénarimol, la Commission explique qu’il s’agit d’une substance controversée sur laquelle il était difficile de statuer. Le comité n’aurait donné aucun avis sur un projet de directive approuvant la substance et la Commission aurait proposé deux actes distincts en juin et en septembre 2006. Le fénarimol aurait finalement été inscrit à l’annexe I de la directive 91/414 en 2006 sous réserve du respect de conditions strictes, notamment une évaluation après 18 mois, là où l’endosulfan se serait vu octroyer une période de retrait progressif de près de deux ans.

241    En ce qui concerne le vinclozolin, le comité n’aurait pas non plus donné d’avis et la Commission aurait proposé une directive en vue de son inscription à l’annexe I de la directive 91/414 en juin 2006. La Commission indique que le Conseil a rejeté cette proposition et qu’elle n’a pas proposé d’autre texte. Elle précise que, en conséquence, à compter du 1er janvier 2007, cette substance n’était plus couverte par les dispositions transitoires de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 et qu’elle a dû être retirée du marché.

242    Le Tribunal estime qu’il ressort de ces explications, que les requérantes n’ont d’ailleurs pas cherché à contester lors de l’audience, qu’il n’a pas été établi que le fénarimol et le vinclozolin avaient bénéficié d’un traitement plus favorable que l’endosulfan. Il y a donc lieu de conclure que, compte tenu notamment de la spécificité de chaque procédure d’examen, qui rend extrêmement difficile les comparaisons, ainsi que de la marge d’appréciation de la Commission quant à la façon dont elle mène des investigations d’une telle technicité et d’une telle complexité, dont il a été fait état à plusieurs reprises ci-dessus, les requérantes n’ont pas établi que les différences dans le déroulement des procédures d’évaluation soumises à la comparaison n’étaient pas objectivement justifiées.

243    Il résulte de ce qui précède que la huitième branche du troisième moyen est non fondée.

 Sur les autres branches du troisième moyen

244    Ainsi que cela a été relevé ci-dessus, dans le cadre des deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, neuvième et dixième branches, les requérantes invoquent, respectivement, la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, de l’interdiction d’agir ultra vires, de l’obligation de réaliser une évaluation diligente et impartiale, de l’interdiction de détournement de pouvoir, des droits de la défense et du droit d’être entendu, du principe de l’excellence et de l’indépendance des conseils scientifiques, du principe de primauté des dispositions spéciales sur les dispositions générales et du principe de l’estoppel.

–       Arguments des parties

245    Tout d’abord, en ce qui concerne la prétendue violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, les requérantes, soutenues par l’ECPA, allèguent que la décision de la Commission d’évaluer l’endosulfan au regard de critères ne figurant pas dans la directive 91/414, comme les critères PBT et POP, ou de règles qui ont été modifiées au cours de l’évaluation, comme les lignes directrices relatives aux métabolites, viole leur confiance légitime et le principe de sécurité juridique concernant l’appréciation de leur substance active dans le seul cadre de ladite directive. La Cour aurait constamment réaffirmé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, en vertu desquels les effets de la législation communautaire devraient être clairs et prévisibles pour ceux qui y sont soumis (arrêt de la Cour du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 10). Comme la Commission aurait modifié les critères d’évaluation à plusieurs reprises, elle aurait dû, à tout le moins, donner aux requérantes un délai et des occasions suffisants pour adapter leur notification aux nouveaux critères. De plus, il appartiendrait au législateur communautaire d’inclure tout nouveau critère d’évaluation dans la directive, sur proposition de la Commission et conformément aux procédures législatives appropriées, et non à la Commission d’établir de nouvelles réglementations de sa propre initiative. Le fait d’utiliser des critères d’évaluation qui ne sont pas expressément prévus par la directive 91/414 invaliderait les décisions fondées sur ces nouveaux critères, comme dans le cas de l’endosulfan.

246    Ensuite, quant à l’interdiction d’agir ultra vires, les requérantes, soutenues par l’ECPA, allèguent que la Commission n’est pas compétente pour apprécier l’endosulfan au regard des critères PBT et POP ou par rapport aux règles concernant les métabolites qui ne sont pas explicitement mentionnées dans la directive 91/414. Il serait de jurisprudence constante qu’une mesure de mise en œuvre, qui est adoptée conformément aux dispositions d’une directive de base, doit être annulée quand elle a « modifié la portée des obligations imposées [...] par la directive de base, sans respecter la procédure législative prescrite par le traité » (arrêt de la Cour du 18 juin 1996, Parlement/Conseil, C‑303/94, Rec. p. I‑2943). En tout état de cause, l’évaluation des caractéristiques POP et PBT menée par la Commission aurait été superficielle et pratiquée sans compétence technique ou juridique.

247    En outre, s’agissant de la prétendue violation de l’obligation de réaliser une évaluation diligente et impartiale, les requérantes, soutenues par l’ECPA, allèguent que la Commission ne saurait apprécier l’innocuité de l’endosulfan sur la base de résultats issus de données relatives à une autre substance, le sulfate d’endosulfan et/ou d’autres métabolites inconnus, et qui découlent d’une appréciation effectuée uniquement au niveau du groupe de travail au regard du critère PBT, fondée sur le danger et qui n’était pas accompagnée d’une conclusion au titre de la directive 2000/60. La Commission serait tenue d’évaluer l’endosulfan au regard de ses propres propriétés, sur la base d’une appréciation complète des risques, et non au regard de prétendues propriétés dangereuses de substances chimiquement distinctes, comme des métabolites, en utilisant une série de données incomplète. Par ailleurs, selon les requérantes, il découle du procès-verbal de la réunion tripartite du 17 mai 2004 que l’État membre rapporteur et la Commission semblent avoir sélectionné arbitrairement certains résultats issus de données concernant l’endosulfan qui appuient une conclusion particulière, et ont délibérément ignoré d’autres résultats et les réajustements qu’elles avaient effectués pour répondre aux préoccupations restantes des évaluateurs concernant l’usage sûr lié à la formulation CS. Ce faisant, la Commission n’aurait pas réalisé une appréciation diligente et impartiale de l’endosulfan.

248    De plus, en ce qui concerne la prétendue existence d’un détournement de pouvoir, les requérantes, soutenues par l’ECPA, allèguent que la Commission a détourné ses pouvoirs en procédant à la non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 au regard de critères ne figurant pas dans ladite directive et sur la base d’une série de données arbitrairement sélectionnées, qui ne comprennent pas les données les plus récentes soumises par elles. Les conclusions de la Commission en ce qui concerne l’endosulfan seraient fondées sur des résultats incomplets et limites, ou sur des résultats obtenus par l’application d’une méthodologie axée sur le danger en vertu de principes posés par la directive 2000/60, mais non en vertu du processus d’évaluation prévu par la directive 91/414, ce qui donnerait l’impression d’une décision arbitraire dans le seul but de corroborer les conclusions PBT et/ou POP pour appuyer une décision de non-inscription de l’endosufan à l’annexe I de la directive 91/414. En outre, la Commission et le rapporteur auraient exigé la soumission de certaines études qui ne faisaient pas partie du cadre de la directive 91/414 et qui n’étaient pas liées à des conditions d’usage réel. En tout état de cause, l’endosulfan et ses métabolites devraient être évaluées séparément. Les propriétés PBT alléguées ou d’autres préoccupations relatives aux métabolites de l’endosulfan ne sauraient, dès lors, selon les requérantes, affecter négativement l’appréciation de l’endosulfan lui-même au titre de la directive 91/414, mais exigent une évaluation distincte, que l’État membre rapporteur a choisi de ne pas réaliser. En utilisant les résultats des métabolites de l’endosulfan (ou l’absence de résultats) pour la non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414, la Commission aurait détourné les pouvoirs que lui aurait confiés ladite directive.

249    Par ailleurs, quant à la prétendue violation des droits de la défense et du droit d’être entendu, les requérantes, soutenues par l’ECPA, font valoir que, en n’examinant pas leurs nouvelles données et les arguments présentés à leur appui, en modifiant les critères d’évaluation plusieurs fois sans leur donner suffisamment de temps pour s’y adapter et en appliquant des critères qui ne figurent pas dans la directive 91/414, la Commission les a privées de l’occasion de présenter effectivement leur défense. L’État membre rapporteur n’aurait pas évalué l’endosulfan conformément aux critères de la directive 91/414, n’aurait pas communiqué avec les auteurs de la notification, aurait demandé la soumission d’études qui étaient dénuées de pertinence ou qui allaient au-delà du cadre de la directive 91/414 et aurait refusé d’examiner certaines données soumises, qui étaient cependant déterminantes pour effectuer une bonne appréciation de l’endosulfan. Face à de telles erreurs et violations manifestes, la Commission aurait dû intervenir, au titre de son devoir de bonne administration, pour veiller à ce que, premièrement, l’appréciation soit faite d’une manière scientifiquement et juridiquement raisonnable et, deuxièmement, les requérantes disposent de suffisamment de temps et d’occasions pour défendre effectivement leurs positions et s’adapter aux règles qui ont été modifiées à plusieurs reprises.

250    Ensuite, en ce qui concerne la prétendue violation du principe de l’excellence et de l’indépendance des conseils scientifiques, les requérantes, soutenues par l’ECPA, invoquent la communication de la Commission, du 30 avril 1997, sur la santé des consommateurs et la sûreté alimentaire, dans laquelle il serait indiqué que des données scientifiques de haute qualité pour la rédaction et la modification des règles communautaires concernant la protection du consommateur en général, et de la santé du consommateur en particulier, sont de la plus grande importance. En outre, au titre de la décision 97/579/CE de la Commission, du 23 juillet 1997, instituant des comités scientifiques dans le domaine de la santé des consommateurs et de la sûreté alimentaire (JO L 237, p. 18), des avis scientifiques relatifs aux questions ayant trait à la santé du consommateur devraient, dans l’intérêt du consommateur et de l’industrie, être fondés sur des principes d’excellence et d’indépendance. Par ailleurs, le Tribunal aurait déjà jugé que l’accomplissement d’une évaluation scientifique des risques aussi exhaustive que possible sur la base d’avis scientifiques fondés sur les principes d’excellence, de transparence et d’indépendance constitue une garantie procédurale importante en vue d’assurer l’objectivité scientifique des mesures et d’éviter la prise de mesures arbitraires (arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, Rec. p. II‑3305, point 172). Or, dans le cas de l’endosulfan, l’État membre rapporteur aurait recommandé la non-inscription à l’annexe I de la directive 91/414 en grande partie sur le fondement de préoccupations relatives aux métabolites et à des propriétés PBT et POP alléguées non prévues par la directive 91/414 et qui n’auraient pas été utilisées pour évaluer d’autres molécules. En outre, les lignes directrices continuellement modifiées auraient rendu l’évaluation du dossier des requérantes totalement imprévisible. L’évaluation serait, dès lors, totalement subjective et ne fournirait pas les avis objectifs et de haut niveau scientifique requis.

251    En outre, s’agissant de la prétendue violation du principe de primauté des dispositions spéciales sur les dispositions générales, les requérantes, soutenues par l’ECPA, allèguent que la Commission ne pouvait pas parvenir à une décision de non-inscription de l’endosulfan à l’annexe I de la directive 91/414 en utilisant des critères, comme les critères PBT et POP, qui seraient fondés sur le danger et qui seraient prévus dans le cadre de l’évaluation non pas au titre de la directive 91/414 mais au titre de la directive 2000/60. La directive 91/414 serait plus spécifique et serait donc la législation qui prévaudrait. En conséquence, en cas de conflit entre la directive 2000/60 et la directive 91/414, cette dernière primerait la première (lex specialis).

252    Enfin, selon les requérantes, soutenues par l’ECPA, en vertu du principe de l’estoppel, il n’est pas possible d’invoquer un fait ou une irrégularité qui aurait pu être la conséquence de son propre comportement. En l’espèce, les requérantes estiment que l’application de ce principe s’oppose à ce que la Commission refuse d’examiner les nouvelles données qu’elles lui ont soumises au motif que certains délais artificiellement fixés doivent être respectés lorsqu’une telle décision est clairement et uniquement mue par un retard global dans l’évaluation des produits phytopharmaceutiques en général, et de l’endosulfan en particulier, qui est dû au fait que la Commission elle-même n’a pas exprimé promptement ses préoccupations concernant l’endosulfan, qu’elle ne leur a pas donné un délai suffisant pour répondre à ses préoccupations et qu’elle n’a pas examiné leurs mémoires dans les délais. De même, quand un délai ne peut pas être respecté en raison de l’institution de nouveaux critères d’évaluation non prévus au cours du processus d’évaluation, le délai pour la prise de décision ne serait plus valable en vertu du principe de l’estoppel. En l’occurrence, la Commission aurait institué de nouveaux critères et lignes directrices au cours du processus d’évaluation, créant ainsi elle-même un obstacle pour le respect des délais en cause.

253    La Commission, soutenue par le Royaume d’Espagne, conteste les arguments des requérantes.

–       Appréciation du Tribunal

254    Tout d’abord, en ce qui concerne l’existence alléguée d’un détournement de pouvoir, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir a une portée précise en droit communautaire et vise la situation dans laquelle une autorité administrative use de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts de la Cour du 25 juin 1997, Italie/Commission, C‑285/94, Rec. p. I‑3519, point 52 ; arrêts du Tribunal du 28 septembre 1999, Fruchthandelsgesellschaft Chemnitz/Commission, T‑254/97, Rec. p. II‑2743, point 76, et Cordis/Commission, T‑612/97, Rec. p. II‑2771, point 41).

255    Force est de constater que, pour établir l’existence d’un détournement de pouvoir, les requérantes n’apportent pas d’indices objectifs, pertinents et concordants, permettant de conclure que la décision de demander telle ou telle étude au cours de la procédure d’évaluation ou la décision attaquée elle-même ont été prises à des fins autres que celles excipées, notamment la réalisation des objectifs de la directive 91/414, à savoir, d’une part, l’élimination des entraves aux échanges intracommunautaires de produits phytopharmaceutiques ainsi que l’amélioration de la production végétale et, d’autre part, la protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement.

256    Ensuite, quant au principe de l’excellence et de l’indépendance des conseils scientifiques, il ressort des points 170 à 172 de l’arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, point 250 supra, invoqué par les requérantes, ce qui suit :

« [L]e principe de précaution permet aux institutions communautaires d’adopter, dans l’intérêt de la santé humaine, mais sur la base d’une connaissance scientifique encore lacunaire, des mesures de protection susceptibles de porter atteinte, même de façon profonde, à des positions juridiques protégées et donne, à cet égard, aux institutions une marge d’appréciation importante. Or, conformément à une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, dans de telles circonstances, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce […] Il s’ensuit que l’accomplissement d’une évaluation scientifique des risques aussi exhaustive que possible sur la base d’avis scientifiques fondés sur les principes d’excellence, de transparence et d’indépendance constitue une garantie procédurale importante en vue d’assurer l’objectivité scientifique des mesures et d’éviter la prise de mesures arbitraires. »

257    Sur la base de cette jurisprudence et contrairement à l’avis de la Commission, l’invocation par les requérantes de la nécessité de fonder la décision attaquée sur des avis scientifiques excellents et indépendants n’est pas dénuée de pertinence. Il y a lieu toutefois de remarquer que certaines spécificités de la procédure d’évaluation, telles que la consultation d’experts des États membres et la possibilité pour les entreprises auteurs d’une notification de soumettre des données et des études complémentaires sur la base de réunions et de discussions avec les différents acteurs intervenant dans la procédure d’évaluation, répondent clairement au souci du respect des garanties procédurales dont il est fait état dans l’arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, point 250 supra. Or, il a été conclu ci-dessus qu’aucune irrégularité de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée n’avait été commise par la Commission dans le cadre de la procédure. Par ailleurs, il y a lieu de remarquer que les requérantes confondent le respect des garanties de procédure avec la possibilité d’une divergence de vues sur le fond.

258    Pour le surplus, il y a lieu de constater que les requérantes ne développent pas d’argumentation différente de celle avancée dans le cadre du premier et du deuxième moyen, qui ont été tous deux rejetés. Il y a donc lieu d’écarter les arguments avancés à l’appui des autres branches du présent moyen.

259    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’écarter le présent moyen et, partant, de rejeter le recours dans son entièreté.

 Sur les mesures d’organisation de la procédure et d’instruction

260    Outre les demandes rejetées aux points 152 et 167 ci-dessus, les requérantes ont également demandé au Tribunal de faire comparaître certains experts ou de les interroger par écrit en ce qui concerne des questions précises relatives à la pertinence des données qu’elles avaient soumises, mais qui n’avaient pas été prises en compte par la Commission, et au temps nécessaire pour leur examen ainsi qu’en ce qui concerne un rapport d’expertise sur les questions techniques soulevées dans la présente affaire. Le Tribunal estime que ces mesures sont inutiles compte tenu notamment des constatations opérées dans le cadre de l’examen du premier moyen et de la seconde branche du deuxième moyen et que ces demandes doivent donc être rejetées.

 Sur les dépens

261    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions et la Commission ayant conclu à leur condamnation aux dépens, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

262    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

263    En application de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, l’ECPA, partie intervenante, supportera aussi ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bayer CropScience AG, Makhteshim-Agan Holding BV, Alfa Georgika Efodia AEVE et Aragonesas Agro, SA supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

3)      Le Royaume d’Espagne et l’European Crop Protection Association (ECPA) supporteront leurs propres dépens.

Czúcz

Cooke

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz

Table des matières


Cadre juridique

Dispositions du traité

Directive 91/414/CEE

Règlement (CEE) n° 3600/92

Antécédents du litige

Procédure d’évaluation

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

Sur la recevabilité

Sur l’intérêt à agir

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la qualité pour agir

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de vices de procédure, du caractère inéquitable de la procédure d’évaluation et de la violation du principe de protection de la confiance légitime, et sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414

Sur la question liminaire de l’application des délais procéduraux et l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la première problématique concernant le métabolite inconnu

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la deuxième problématique concernant le dossier CS

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la troisième problématique concernant l’exposition de l’opérateur à l’intérieur

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la quatrième problématique concernant les BPA révisées

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la cinquième problématique concernant la prétendue classification de l’endosulfan comme POP et PBT

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la sixième problématique concernant l’utilisation en serre

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la septième problématique concernant l’impact du retard causé par l’État membre rapporteur et la Commission dans la procédure d’évaluation

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation de l’article 95, paragraphe 3, CE

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de certains principes généraux de droit communautaire

Sur la première branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la huitième branche, tirée de la violation du principe de l’égalité de traitement

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur les autres branches du troisième moyen

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur les mesures d’organisation de la procédure et d’instruction

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.