Language of document : ECLI:EU:C:2022:219

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN RICHARD DE LA TOUR

présentées le 24 mars 2022 (1)

Affaire C720/20

RO légalement représentée

contre

Bundesrepublik Deutschland

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Cottbus (tribunal administratif de Cottbus, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire – Directive 2013/32/UE – Article 33, paragraphe 2, sous a) – Rejet d’une demande de protection internationale introduite par un enfant comme étant irrecevable en raison de l’octroi préalable d’une protection internationale aux membres de sa famille – Règlement (UE) no 604/2013 – Critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen de cette demande de protection internationale – Intérêt supérieur de l’enfant »






I.      Introduction

1.        La présente affaire illustre les difficultés auxquelles sont confrontés les États membres dans la mise en œuvre des critères énoncés par le règlement (UE) no 604/2013 (2) lorsqu’à la technicité de ces règles s’ajoute la complexité des réalités sociales et, en particulier, la réalité de la vie de famille des réfugiés. Ainsi que le démontrent de nombreux contentieux portés actuellement devant la Cour, cette vie de famille ne se fige ni dans le temps ni dans l’espace (3). Les familles se déplacent d’un État membre vers un autre, alors que le statut de bénéficiaires d’une protection internationale conféré à leurs membres ne leur permet pas de s’établir, à leur gré, sur le territoire de l’Union (4). Concomitamment, les familles s’agrandissent, ce qui pose alors la question du statut juridique de l’enfant et, en particulier, de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale de l’enfant né sur le territoire d’un État membre autre que celui qui accorde cette protection internationale aux membres de sa famille (ci-après l’« État d’accueil »).

2.        La présente affaire illustre un tel enchaînement de circonstances. En l’occurrence, les membres d’une famille de nationalité russe ont obtenu le statut de réfugiés en Pologne en 2012, avant de se déplacer et d’établir leur résidence en Allemagne, sans qu’une autorisation de séjour soit délivrée à cet effet. C’est dans ce dernier État membre, dans lequel cette famille séjourne de manière irrégulière, qu’est né, en 2015, un autre enfant (ci-après la « requérante »). Cet enfant a introduit une demande de protection internationale auprès des autorités allemandes, laquelle a été jugée irrecevable sur le fondement de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32/UE (5).

3.        La demande de décision préjudicielle a pour but de déterminer les règles procédurales applicables à l’examen d’une demande de protection internationale, introduite par ledit enfant dans l’État membre sur le territoire duquel il est né et où il vit avec les membres de sa famille, alors que ces derniers ont obtenu le statut de réfugiés dans un autre État membre, qu’ils ont choisi de quitter et vers lequel ils ne souhaitent pas revenir.

4.        Il est constant qu’il convient de maintenir l’unité familiale tant des demandeurs que des bénéficiaires d’une protection internationale et d’accorder aux intérêts de l’enfant toute la considération qui s’impose, en application de l’article 7 et de l’article 24, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Il est également essentiel de garantir l’effectivité du droit d’asile, consacré à l’article 18 de la Charte, en ce qui concerne tant l’accès de l’enfant à une procédure d’examen de sa demande de protection internationale que le bénéfice par les membres de sa famille des droits attachés à leur statut de réfugiés. Or, si le règlement no 604/2013 encadre le transfert des responsabilités relatives à l’examen de cette demande de protection internationale, les dispositions qu’il prévoit ne permettent pas d’appréhender tous les enchaînements des circonstances liées, notamment, aux déplacements des familles sur le territoire de l’Union. En outre, ce règlement n’a pas pour objet de régir le transfert des responsabilités relatives à la protection internationale, tout aussi essentiel dans des cas de figure tels que celui en cause, et qui relève, à l’heure actuelle, de la convention relative au statut des réfugiés (6) et de l’accord européen sur le transfert de la responsabilité à l’égard des réfugiés (7).

5.        Dans les présentes conclusions, j’exposerai mes réserves à l’égard des voies procédurales qui ont été envisagées tant dans la demande de décision préjudicielle qu’au cours des débats, à savoir une application par analogie soit de l’article 9 du règlement no 604/2013, soit de l’article 20, paragraphe 3, de ce règlement, soit de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32. J’inviterai, par conséquent, la Cour à suivre une autre voie, fondée sur l’intérêt supérieur de l’enfant, et lui proposerai de dire pour droit que, dans une situation telle que celle en cause, où l’enfant a introduit sa demande de protection internationale dans l’État membre sur le territoire duquel il est né et où il dispose, ensemble avec les membres de sa famille, de sa résidence habituelle à la date d’introduction de cette demande, l’article 3, paragraphe 2, et l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 604/2013 doivent être interprétés en ce sens que l’intérêt supérieur de cet enfant commande que cet État membre soit responsable de l’examen de ladite demande.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

6.        Dans le cadre des présentes conclusions, je ferai référence aux articles 7, 18 et 24 de la Charte ainsi qu’aux articles 3, 6, 9, 20 et 21 du règlement no 604/2013. Je viserai également l’article 33 de la directive 2013/32 et l’article 24 de la directive 2011/95.

B.      Le droit allemand

7.        L’article 29 de l’Asylgesetz (loi relative au droit d’asile), dans sa version publiée le 2 septembre 2008 (8), telle que modifiée par l’Integrationsgesetz (loi sur l’intégration) du 31 juillet 2016 (9), entrée en vigueur le 6 août 2016, est intitulé « Demandes irrecevables » et prévoit :

« (1)      Une demande d’asile est irrecevable lorsque :

1.      un autre État est responsable de l’examen de la demande d’asile

a)      en application du règlement [no 604/2013], ou

b)      en vertu d’autres règles de l’Union européenne ou d’un accord international

[...] »

III. Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

8.        La requérante et les membres de sa famille sont des ressortissants russes, d’origine tchétchène. Le 19 mars 2012, alors que la requérante n’était pas encore née, les membres de sa famille ont obtenu le statut de réfugiés en Pologne. Ils ont ensuite quitté cet État membre en décembre 2012 pour se rendre en Allemagne, où ils ont présenté de nouvelles demandes de protection internationale. Les autorités allemandes compétentes ont alors adressé des requêtes aux fins de reprise en charge des intéressés aux autorités polonaises, auxquelles ces dernières n’ont pas donné suite au motif que les membres de la famille bénéficiaient déjà d’une protection internationale en Pologne (10).

9.        Le 2 octobre 2013, les autorités allemandes compétentes ont alors considéré ces demandes de protection internationale comme étant irrecevables. Elles ont alors ordonné aux membres de la famille de quitter le territoire, sous peine d’éloignement, ces derniers relevant des dispositions de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98) (11).

10.      Le 21 décembre 2015, la requérante est née en Allemagne. Elle a la nationalité russe, comme les membres de sa famille. Elle a introduit une demande de protection internationale en 2016. Selon la juridiction de renvoi, aucune procédure de détermination de l’État membre responsable n’a été entamée en relation avec cette demande.

11.      Par décision des autorités allemandes du 14 février 2019, actualisée le 19 mars 2019, les membres de la famille de la requérante ont fait l’objet d’un nouvel ordre de quitter le territoire sous peine d’éloignement.

12.      Par décision du 20 mars 2019, le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral de la migration et des réfugiés, Allemagne) a rejeté la demande de protection internationale de la requérante comme étant irrecevable. La requérante a dès lors introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi. Celle-ci a des doutes quant à la question de savoir si la République fédérale d’Allemagne est, en vertu du règlement no 604/2013, l’État membre responsable de l’examen de cette demande de protection internationale et si, à défaut, elle est néanmoins en droit de la rejeter comme étant irrecevable sur le fondement de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32.

13.      C’est dans ces conditions que le Verwaltungsgericht Cottbus (tribunal administratif de Cottbus, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Compte tenu de l’objectif du droit de l’Union d’éviter les mouvements secondaires, mais aussi du principe général de l’unité de la famille qui s’exprime dans le [règlement no 604/2013], faut-il procéder à une application par analogie de l’article 20, paragraphe 3, de ce règlement lorsqu’un enfant mineur et ses parents introduisent des demandes de protection internationale dans le même État membre, mais que les parents bénéficient déjà d’une protection internationale dans un autre État membre tandis que l’enfant est né dans l’État membre dans lequel il a introduit sa demande de protection internationale ?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, faut-il s’abstenir d’examiner la demande d’asile de l’enfant mineur conformément au [règlement no 604/2013] et prendre une décision de transfert au titre de l’article 26 de ce règlement, au motif, par exemple, qu’est responsable de l’examen de la demande de protection internationale de l’enfant mineur l’État membre dans lequel ses parents bénéficient d’une protection internationale ?

3)      En cas de réponse affirmative à la deuxième question, l’article 20, paragraphe 3, du [règlement no 604/2013] appelle-t-il également une application par analogie en ce que, aux termes de sa seconde phrase, il est inutile d’entamer une nouvelle procédure de prise en charge pour l’enfant né postérieurement, bien que l’État membre d’accueil risque alors de ne pas avoir connaissance de l’éventuelle nécessité de prendre en charge l’enfant mineur ou qu’il risque de rejeter, conformément à sa pratique administrative, une application par analogie de l’article 20, paragraphe 3, dudit règlement, faisant ainsi courir à l’enfant mineur le risque de devenir un “réfugié en orbite” ?

4)      En cas de réponse négative aux deuxième et troisième questions, un enfant mineur ayant introduit une demande de protection internationale dans un État membre peut-il se voir opposer une décision d’irrecevabilité en vertu d’une application par analogie de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la [directive 2013/32], même si ce n’est pas cet enfant lui-même, mais ses parents, qui bénéficient d’une protection internationale dans un autre État membre ? »

14.      La requérante, les gouvernements belge, allemand, italien, néerlandais et polonais ainsi que la Commission ont présenté leurs observations écrites et/ou orales lors de l’audience qui s’est tenue le 14 décembre 2021.

IV.    Analyse

A.      Considérations liminaires

15.      À titre liminaire, il me semble nécessaire de formuler quelques remarques relatives à la portée de la demande de décision préjudicielle en lien avec la teneur des observations déposées par les parties intéressées ainsi que des débats oraux.

16.      La juridiction de renvoi adresse à la Cour quatre questions préjudicielles dont l’articulation reprend celle de l’article 33, paragraphe 1, de la directive 2013/32. Cet article distingue, d’une part, les cas dans lesquels une demande de protection internationale n’est pas examinée en application du règlement no 604/2013, l’État membre saisi procédant alors à un transfert de responsabilité de l’examen de cette demande à l’État membre qu’il estime responsable, et, d’autre part, ceux dans lesquels une telle demande peut être rejetée comme étant irrecevable (12).

17.      Les première, deuxième et troisième questions préjudicielles concernent donc la mesure dans laquelle la responsabilité relative à l’examen de la demande de protection internationale d’un enfant né sur le territoire d’un État membre peut être transférée à un autre État membre qui a préalablement octroyé le statut de réfugiés aux membres de sa famille. En particulier, la juridiction de renvoi demande à la Cour s’il est possible d’appliquer par analogie l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 604/2013 et, dans l’affirmative, s’il est alors possible de procéder, sur le fondement de l’article 26 de ce règlement, au transfert de cet enfant vers l’État membre dans lequel ses parents bénéficient d’une protection internationale, et ce aux fins de l’examen de sa demande.

18.      Dans l’hypothèse où une telle application par analogie ne serait pas envisageable, cette juridiction demande alors à la Cour, par sa quatrième question, s’il est possible de déclarer cette demande de protection internationale comme étant irrecevable sur le fondement d’une application par analogie de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32.

19.      Dans un premier temps, j’exposerai les raisons pour lesquelles aucune des voies procédurales envisagées dans la demande de décision préjudicielle ne semble convenir, chacune des parties semblant d’ailleurs éprouver des difficultés à procéder à une application par analogie acceptable pour l’une ou l’autre de ces voies. Cette application par analogie requiert sinon une identité, du moins une ressemblance entre la situation faisant l’objet d’un vide juridique et celle expressément réglementée. Or, les situations visées à l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 604/2013 et à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 se distinguent très nettement de celle en cause au principal, tant par leurs termes que par leur raison d’être.

20.      Dans un second temps, j’examinerai d’autres voies procédurales. D’une part, j’analyserai celle suggérée par la Commission dans ses observations, à savoir l’application par analogie du critère énoncé à l’article 9 du règlement no 604/2013, intitulé « Membres de la famille bénéficiaires d’une protection internationale ». Les parties ont pu exprimer leur opinion sur le recours à une telle disposition, tant dans leurs réponses écrites aux questions adressées par la Cour que lors de l’audience. D’autre part, compte tenu des limites que présente une telle application par analogie, je proposerai à la Cour une alternative à cette voie procédurale, dont le principe directeur est l’intérêt supérieur de l’enfant.

21.      Ainsi qu’en ont convenu les parties à l’audience, la Cour est invitée à dégager une solution pour l’avenir puisque, dans l’affaire au principal, la République fédérale d’Allemagne reconnaît être devenue responsable de l’examen de la demande de l’enfant, en raison de l’expiration des délais fixés par le règlement no 604/2013 pour la présentation d’une requête aux fins de prise en charge. Cet avenir n’est pas si loin puisque la Cour est saisie d’une problématique similaire dans l’affaire C-153/21, Ministre de l’immigration et de l’asile (13), suspendue le 11 novembre 2021.

B.      L’examen de la demande de décision préjudicielle

1.      Sur lapplication par analogie de larticle 20, paragraphe 3, du règlement no 604/2013, relatif à la prise en compte de la situation du mineur dans le cadre du processus de détermination de lÉtat membre responsable (première à troisième questions préjudicielles)

22.      Par sa première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si, dans le but de limiter les mouvements secondaires et de préserver le droit fondamental au respect de la vie familiale, consacré à l’article 7 de la Charte, l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 604/2013 peut être appliqué par analogie à la situation dans laquelle un enfant introduit sa demande de protection internationale dans l’État membre dans lequel il est né, alors que les membres de sa famille bénéficient d’une protection internationale dans un autre État membre.

23.      Pour les raisons que je vais à présent exposer, admettre une telle analogie reviendrait à méconnaître les termes et la ratio legis de l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 604/2013.

24.      L’article 20 de ce règlement définit les règles applicables au commencement, ou au « début », pour reprendre les termes de son intitulé, du processus de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale.

25.      À l’article 20, paragraphes 1 et 2, dudit règlement, le législateur de l’Union précise, en premier lieu, que le processus de détermination de l’État membre responsable commence « dès qu’une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d’un État membre » (14) (paragraphe 1) et qu’une telle demande est réputée introduite à partir du moment où l’autorité compétente a communication soit du formulaire présenté à cet effet par le demandeur soit du procès-verbal dressé par les autorités nationales compétentes (paragraphe 2).

26.      En second lieu, à l’article 20, paragraphe 3, du même règlement, ce législateur détermine les conditions dans lesquelles l’autorité nationale compétente doit tenir compte de la « situation du mineur » dans le cadre de ce processus. Ce paragraphe est rédigé comme suit :

« Aux fins du présent règlement, la situation du mineur qui accompagne le demandeur et répond à la définition de membre de la famille est indissociable de celle du membre de sa famille et relève de la responsabilité de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale dudit membre de la famille, même si le mineur n’est pas à titre individuel un demandeur, à condition que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur. Le même traitement est appliqué aux enfants nés après l’arrivée du demandeur sur le territoire des États membres, sans qu’il soit nécessaire d’entamer pour eux une nouvelle procédure de prise en charge. » (15)

27.      Premièrement, le législateur de l’Union vise la situation d’un mineur dont les membres de la famille ont introduit pour la première fois dans un État membre une demande de protection internationale, au sens de l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement no 604/2013, les autorités nationales compétentes étant dès lors engagées dans un processus de détermination de l’État membre responsable de l’examen de ces demandes (16).

28.      Or, il n’y a pas d’analogie possible entre la situation d’un mineur dont les membres de la famille sont demandeurs de protection internationale et celle d’un mineur dont les membres de la famille sont d’ores et déjà bénéficiaires d’une telle protection. Les notions de « demandeur de protection internationale » et de « bénéficiaire de la protection internationale » sont définies de manière différente à l’article 2, sous b), c) et f), du règlement no 604/2013 et recouvrent des statuts juridiques distincts dont la reconnaissance et le contenu sont réglementés par des dispositions spécifiques. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le législateur de l’Union distingue, à l’article 9 de ce règlement, la situation du mineur dont les membres de la famille sont bénéficiaires d’une protection internationale et, à l’article 10 et à l’article 20, paragraphe 3, dudit règlement, la situation du mineur dont les membres de la famille sont demandeurs d’une protection internationale. Admettre une telle analogie entre la situation visée par ce législateur à l’article 20, paragraphe 3, du même règlement et celle visée par la juridiction de renvoi serait donc de nature à compromettre la distinction qu’opère ledit législateur entre ces deux notions. Cela conduirait, en substance, à l’établissement d’un critère de responsabilité autre que ceux énumérés de manière exhaustive au chapitre III du règlement no 604/2013, distinct de celui expressément énoncé à son article 9.

29.      Deuxièmement, procéder à une telle analogie reviendrait à nier la ratio legis de l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 604/2013.

30.      Celle-ci est exposée dans les travaux préparatoires du règlement (CE) no 343/2003 (17), dont l’article 4, paragraphe 2, a été repris, en substance, à l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 604/2013. Il ressort de l’exposé des motifs de la proposition de la Commission (18) ayant conduit à l’adoption du règlement no 343/2003 que cette règle est destinée à préserver l’unité de la cellule familiale, tout en procédant au transfert du mineur et des membres de sa famille vers l’État membre responsable de l’examen des demandes de protection internationale introduites par ces derniers, et ce indépendamment du point de savoir si ce mineur est formellement un demandeur au sens de la réglementation de l’État membre auprès duquel ces demandes ont été introduites. Cette règle doit permettre d’éviter que les États membres appliquent de manière différente les dispositions relatives à la détermination de l’État membre responsable, compte tenu du fait qu’ils réglementent différemment les formalités qu’un mineur doit accomplir pour être considéré comme demandeur lorsqu’il accompagne un adulte.

31.      Sous réserve que ce soit dans l’intérêt supérieur de l’enfant, le législateur de l’Union entend ainsi dresser un parallèle entre la situation de cet enfant et celle des membres de sa famille, qu’il estime « indissociables » au stade de la détermination de l’État membre responsable, leurs demandes s’associant dans le temps et dans l’espace.

32.      Or, une situation telle que celle en cause se distingue fondamentalement de celle visée par le législateur de l’Union à l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 604/2013. En effet, contrairement au cas de figure visé à cet article, le mineur a introduit formellement et personnellement une demande de protection internationale, de sorte qu’il doit être considéré comme étant le demandeur. En outre, en l’absence de demandes de protection internationale introduites par les membres de sa famille, l’autorité nationale compétente n’a pas de raison d’entamer de processus de détermination de l’État membre responsable de l’examen de ces demandes. En raison de la date et du lieu de naissance de l’enfant, la demande de protection internationale introduite par ce dernier, et le processus de détermination de l’État membre responsable qui en résulte, se dissocient donc dans le temps et dans l’espace des demandes de protection internationale qui ont été introduites antérieurement par les membres de sa famille dans un autre État membre (19). De ce point de vue, la situation de cet enfant est de facto dissociable de celle de ces membres de sa famille.

33.      Troisièmement, je ne pense pas qu’une application par analogie de l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 604/2013 puisse se fonder sur l’objectif de lutte contre les « mouvements secondaires » que poursuit le droit de l’Union. En effet, ainsi que l’a relevé la Cour, les dispositions prévues par ce règlement visent à prévenir les déplacements des demandeurs de protection internationale. L’objectif est ainsi d’éviter que les demandeurs, une fois leur demande introduite dans un premier État membre, quittent cet État avant qu’il soit statué sur cette demande, pour se rendre dans un second État membre auprès duquel ils introduiront une nouvelle demande de protection internationale.

34.      Or, dans la situation en cause au principal, les membres de la famille de la demanderesse n’ont pas introduit de demandes de protection internationale concomitantes auprès de plusieurs États membres puisqu’ils bénéficient déjà du statut de réfugiés dans l’un de ces États (20). Cette situation relève davantage d’une violation des dispositions énoncées à l’article 33 de la directive 2011/95, lequel limite la liberté de circulation des bénéficiaires d’une protection internationale au territoire de l’État membre d’octroi, les membres de la famille s’étant déplacés et ayant établi leur résidence dans un autre État membre, en l’occurrence l’Allemagne, sans qu’une autorisation de séjour leur ait été délivrée à cet effet.

35.      Au vu de l’ensemble de ces éléments, je pense donc qu’il n’est pas possible d’appliquer, par analogie, l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 604/2013 à un cas de figure tel que celui visé par la juridiction de renvoi, eu égard aux différences substantielles qui existent entre les deux situations.

36.      Par conséquent, je propose à la Cour de dire pour droit que l’article 20, paragraphe 3, du règlement no 604/2013 ne peut être appliqué par analogie à la situation dans laquelle un enfant introduit sa demande de protection internationale dans l’État membre sur le territoire duquel il est né et où il réside avec les membres de sa famille alors que ceux-ci bénéficient d’une protection internationale dans un autre État membre.

37.      Compte tenu de la réponse que je propose d’apporter à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions préjudicielles.

2.      Sur une application par analogie du motif dirrecevabilité de la demande, visé à larticle 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 (quatrième question préjudicielle)

38.      Par sa quatrième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si, sur le fondement d’une application par analogie de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, un État membre peut considérer la demande de protection internationale introduite par un enfant comme étant irrecevable au motif qu’une telle protection a été accordée aux membres de sa famille par un autre État membre.

39.      Pour les raisons que je vais à présent exposer, je pense également que la Cour ne peut pas procéder à une telle application par analogie.

40.      Premièrement, il ressort de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 que les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme étant irrecevable lorsqu’« une protection internationale a été accordée par un autre État membre ». La portée de cette règle est précisée au considérant 43 de cette directive dans les termes suivants :

« (43)      Les États membres devraient examiner toutes les demandes au fond, c’est-à-dire évaluer si le demandeur concerné peut prétendre à une protection internationale conformément à la directive 2011/95/UE [...] Notamment, les États membres ne devraient pas être tenus d’examiner une demande de protection internationale au fond lorsqu’un premier pays d’asile a octroyé au demandeur le statut de réfugié [...] » (21)

41.      Ces termes démontrent sans ambiguïté que les dispositions énoncées à l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 ont vocation à s’appliquer à la situation dans laquelle le demandeur de protection internationale est déjà le bénéficiaire d’une telle protection dans un autre État membre. C’est en considération de cette identité entre le demandeur et le bénéficiaire de cette protection internationale que, dans le cadre du régime d’asile européen commun, cet article constitue une expression du principe de confiance mutuelle (22). Un tel cas de figure ne peut, à l’évidence, pas être assimilé à une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle le demandeur et le bénéficiaire de la protection internationale sont des personnes distinctes.

42.      Deuxièmement, l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32 énumère les motifs d’irrecevabilité d’une demande de protection internationale. La Cour a maintes fois jugé que cette énumération doit être considérée comme étant exhaustive tant au regard du libellé de cet article et de l’emploi du terme « uniquement » précédant l’énumération de ces motifs qu’au regard de sa finalité, ledit article visant précisément « à assouplir l’obligation de l’État membre responsable d’examiner une demande de protection internationale en définissant des cas dans lesquels une telle demande est considérée comme étant irrecevable » (23). Dans ces circonstances, l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32 ne peut être appliqué par analogie à une situation qui n’a rien de comparable, dans la mesure où cela reviendrait à ajouter un motif d’irrecevabilité autre que ceux expressément énumérés par le législateur de l’Union à cet article, ce qui irait à l’encontre de la volonté qu’il a clairement exprimée.

43.      En outre, cela aboutirait à priver un enfant, tel que la requérante, d’un accès effectif aux procédures d’octroi d’une protection internationale, ce qui serait manifestement contraire à ses droits fondamentaux, et en particulier à l’article 18 et à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte (24), sur lesquels repose la directive 2013/32. Le droit d’asile est un droit individuel. En déclarant irrecevable la demande de protection internationale introduite par cet enfant au motif que les membres de sa famille se sont vus accorder une protection internationale dans un autre État membre, les autorités nationales compétentes s’exposent à ce que la demande introduite par ledit enfant ne soit jamais examinée. Une décision d’irrecevabilité entraîne de lourdes conséquences dont il convient de limiter strictement la portée. Je signale ainsi que, dans l’affaire Bundesrepublik Deutschland(C‑504/21), encore pendante devant la Cour, les autorités allemandes ont rejeté la requête aux fins de prise en charge des membres de la famille d’un bénéficiaire de protection internationale, formulée par les autorités grecques en application de l’article 9 et de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 604/2013, au motif que leurs demandes de protection internationale avaient été déclarées irrecevables sur le fondement de l’article 33, paragraphe 2, de la directive 2013/32.

44.      Troisièmement, je ne peux pas me rallier à l’idée, exprimée par l’une des parties à l’audience, selon laquelle, en cas d’irrecevabilité de sa demande et de transfert vers l’État d’accueil, l’enfant pourrait néanmoins bénéficier des droits et des avantages économiques et sociaux visés aux articles 23 à 35 de la directive 2011/95, en tant que membre de la famille de bénéficiaires d’une protection internationale.

45.      D’une part, le bénéfice de ces droits et de ces avantages n’équivaut pas à la reconnaissance du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire, auquel a droit toute personne qui satisfait individuellement aux conditions d’octroi énoncées aux chapitres II et III de la directive 2011/95, notamment parce qu’elle est ou risque d’être exposée à des menaces de persécution ou d’atteintes graves dans son pays d’origine. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, à l’article 23, paragraphe 2, de cette directive, le législateur de l’Union réserve expressément l’octroi desdits droits et desdits avantages aux seuls membres de la famille qui ne remplissent pas, individuellement, les conditions nécessaires pour bénéficier d’une protection internationale (25). Or, il est raisonnable de penser que dans l’affaire au principal l’enfant pourrait bénéficier de cette protection, à l’image de celle octroyée aux membres de sa famille (26). Il n’y a donc aucune raison pour que cet enfant, s’il était transféré vers l’État d’accueil, se contente des seuls avantages visés aux articles 24 à 35 de ladite directive.

46.      D’autre part, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt du 9 novembre 2021, Bundesrepublik Deutschland (Maintien de l’unité familiale) (27), « il résulte d’une lecture combinée de l’article 2, sous j), de la directive 2011/95, qui définit la notion de “membres de la famille” pour les besoins de cette directive, et de l’article 23, paragraphe 2, de celle-ci que l’obligation pour les États membres de prévoir l’accès à ces avantages ne s’étend pas aux enfants d’un bénéficiaire d’une protection internationale qui sont nés sur le territoire de l’État membre d’accueil d’une famille qui a été fondée dans celui-ci » (28). Dans une situation telle que celle en cause, où l’enfant ne relève pas de la notion de « membres de la famille », au sens de l’article 2, sous j), de cette directive, il n’existe donc aucune obligation pour l’État d’accueil de lui accorder les droits et les avantages visés aux articles 24 à 35 de ladite directive.

47.      Compte tenu de ces éléments, je suis donc d’avis qu’un État membre ne peut, sur le fondement d’une application par analogie de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32, considérer la demande de protection internationale introduite par un enfant comme étant irrecevable au motif qu’une protection internationale a été accordée aux membres de sa famille par un autre État membre.

C.      L’examen des autres voies procédurales envisageables

48.      Afin d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, je propose à la Cour d’examiner d’autres voies procédurales : premièrement, celle suggérée par la Commission dans ses observations, à savoir l’application par analogie de l’article 9 du règlement no 604/2013, puis, deuxièmement, celle qui me semble la plus simple et la plus respectueuse des intérêts de l’enfant, fondée sur une application des principes généraux sur lesquels repose ce règlement, c’est-à-dire l’article 3, paragraphe 2, et l’article 6, paragraphe 1, de ce dernier.

1.      Sur une application par analogie du critère de responsabilité énoncé à larticle 9 du règlement no 604/2013

49.      L’article 9 du règlement no 604/2013 établit un critère de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale, ainsi qu’en témoigne le chapitre III dans lequel il s’inscrit. Ce critère s’intitule « Membres de la famille bénéficiaires d’une protection internationale ». Il repose sur des considérations familiales dont relèvent également les critères énoncés à l’article 8 (« Mineurs »), à l’article 10 (« Membres de la famille demandeurs d’une protection internationale »), à l’article 11 (« Procédure familiale ») ainsi qu’à l’article 17, paragraphe 2 (« Clauses discrétionnaires »), de ce règlement.

50.      L’article 9 dudit règlement prévoit que lorsqu’un État membre a admis un membre de la famille du demandeur à résider en tant que bénéficiaire d’une protection internationale, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection des autres membres de la famille, à condition toutefois que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit (29).

51.      L’examen des travaux préparatoires du règlement no 343/2003 indique que ce critère poursuit plusieurs objectifs. Il vise, d’une part, à garantir le regroupement familial en procédant au rapprochement du demandeur autour des membres de sa famille dans l’État membre dans lequel ces derniers ont été autorisés à résider en tant que bénéficiaires de la protection internationale. Il tend, d’autre part, à assurer la célérité de la procédure d’examen de la demande, étant entendu que l’État membre dans lequel au moins un membre de la famille a déjà obtenu le statut de réfugié et est admis à résider est le mieux placé pour évaluer le bien-fondé des craintes de persécution du demandeur dans son pays d’origine.

52.      L’application du critère énoncé à l’article 9 du règlement no 604/2013 requiert la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, cet État membre n’est responsable de l’examen de la demande de protection qu’à la condition préalable qu’au moins l’un des membres de la famille du demandeur ait été admis à résider sur le territoire de l’État considéré comme étant responsable de l’examen de la demande de protection en tant que bénéficiaire d’une protection internationale. Deuxièmement, ledit État membre n’est responsable de l’examen de la demande de protection qu’à la condition que le demandeur et le membre de sa famille admis à résider sur le territoire du même État membre expriment leur consentement par écrit quant à leur rapprochement.

53.      En application de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 1560/2003 (30), la requête aux fins de prise en charge adressée à l’État requis sur le fondement du critère de responsabilité énoncé à l’article 9 du règlement no 604/2013 doit donc non seulement comporter la confirmation écrite de la « résidence légale » des membres de la famille sur le territoire de cet État, les titres de séjour qui leur ont été délivrés et l’extrait de registres, mais également contenir les documents prouvant le lien de parenté, s’ils sont disponibles, et attester le consentement des intéressés.

54.      Ces deux conditions s’opposent, à mon sens, à ce que l’on applique par analogie l’article 9 du règlement no 604/2013 à une situation telle que celle en cause au principal.

55.      S’agissant de la condition selon laquelle le membre de la famille doit être « admis à résider en tant que bénéficiaire d’une protection internationale » sur le territoire de l’État requis, je constate que celle-ci se distingue de celle énoncée à l’article 8, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, en vertu de laquelle ce membre de la famille doit « se trouve[r] légalement » sur ce territoire (31). Toutefois, il me semble que, compte tenu du but que le législateur de l’Union poursuit, à savoir le regroupement familial, cette condition implique que ledit membre de la famille du demandeur non seulement bénéficie sur ledit territoire du titre de séjour que lui confère son statut de bénéficiaire d’une protection internationale (32), mais également réside effectivement sur le même territoire. En effet, on ne saurait organiser le rapprochement d’un demandeur avec un membre de sa famille, en particulier lorsque ce demandeur est un enfant, si ce membre ne réside pas, en fait, sur le territoire de l’État requis ou s’il n’est pas autorisé à y séjourner en raison soit de la menace qu’il représente pour la sécurité nationale ou l’ordre public, soit de la révocation ou de la fin de son titre de séjour (33). Dans de telles hypothèses, ce regroupement familial serait empêché et la procédure de prise en charge et de transfert dudit demandeur serait susceptible de déboucher sur l’enclenchement d’une nouvelle procédure de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande.

56.      Je souligne, en outre, que dans une situation telle que celle en cause au principal, où les membres de la famille ne résident plus sur le territoire de l’État d’accueil et s’opposent à leur retour vers cet État, le respect de cette condition implique que l’État requérant entreprenne des démarches préalables à la présentation de sa requête aux fins de prise en charge et, en particulier, qu’il s’assure de la validité du titre de séjour de ces membres de la famille dans l’État d’accueil (34) et qu’il procède à leur éloignement vers cet État. Or, ces démarches sont de nature à entraîner des délais qui me semblent bien largement supérieurs à ceux prescrits à l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 604/2013 pour la présentation d’une requête aux fins de prise en charge.

57.      Conformément à cette disposition, l’État membre auprès duquel la demande a été introduite doit présenter sa requête aux fins de prise en charge du demandeur « dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’introduction de la demande » (35). Or, dans une situation dans laquelle les membres de la famille s’opposent à leur retour vers le territoire de l’État d’accueil, la présentation de cette requête aux fins de prise en charge ainsi que la communication des preuves y afférentes nécessiteraient de mettre préalablement en œuvre une procédure de retour en application de la directive 2008/115, peut-être même de nature coercitive, à l’encontre de cette famille. Or, l’exécution d’une telle procédure – qui doit être respectueuse des droits des intéressés – me semble difficilement réalisable dans les délais fixés par le règlement no 604/2013, et ce quelle que soit la diligence dont font preuve les autorités nationales compétentes. Compte tenu des délais liés à l’introduction d’un recours juridictionnel contre une décision de retour et des aléas que comporte la mise à exécution d’une telle décision, l’État requérant, auprès duquel l’enfant a introduit sa demande de protection internationale, devrait attendre l’issue définitive de ce recours (éventuellement) introduit contre les décisions d’éloignement ordonnées à l’encontre des membres de sa famille, avant de formuler une requête aux fins de prise en charge de l’enfant par l’État requis. Il en résulterait non seulement une situation d’insécurité juridique, mais également un délai inévitable de latence pendant lequel le sort de la demande de protection internationale introduite par cet enfant serait indéfini.

58.      Une telle solution méconnaîtrait l’intérêt supérieur de l’enfant, à la lumière duquel toutes les procédures prévues par le règlement no 604/2013 doivent être interprétées et appliquées (36). Le considérant 13 de ce règlement souligne expressément que « [c]onformément à la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant de 1989 et à la [Charte], l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale des États membres lorsqu’ils appliquent le présent règlement ».

59.      En outre, une telle solution ne permettrait pas la détermination rapide de l’État membre responsable et risquerait ainsi de ne garantir ni un accès effectif à la procédure d’octroi d’une protection internationale ni la célérité dans le traitement des demandes de cette protection internationale, et ce contrairement aux objectifs visés par le règlement no 604/2013 à son considérant 5.

60.      S’agissant, à présent, de la condition relative au consentement par écrit des intéressés, celle-ci renvoie à un acte positif clair de la part du demandeur et des membres de sa famille par lequel ils manifestent leur volonté d’être réunis. Cette condition a pour but d’éviter des situations dans lesquelles ces intéressés ne souhaitent pas être réunis pour des raisons qui leur sont propres. Ladite condition figure également à l’article 10, à l’article 16, paragraphe 1, et à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 604/2013. Il est évident que cette condition n’a pas été prévue pour s’appliquer à une situation telle que celle visée par la juridiction de renvoi, dans laquelle le demandeur et les membres de sa famille sont réunis et vivent ensemble sous le même toit, dans le même État membre. Encore une fois, cette condition n’aurait de sens que dans la mesure où il serait procédé à l’éloignement des membres de la famille vers l’État d’octroi. Toutefois, dans une telle circonstance, cette condition serait employée à une fin autre que celle prévue par le législateur de l’Union puisqu’elle ne viserait pas à assurer le regroupement familial des membres de la famille, dispersés sur le territoire de l’Union, mais plutôt à maintenir l’unité familiale.

61.      Si, au cours de la procédure, certaines parties ont proposé à la Cour d’écarter l’application de cette condition, une telle solution ne me semble pas souhaitable puisque l’exigence d’un consentement écrit est une condition expressément prévue par le législateur de l’Union à l’article 9 du règlement no 604/2013.

62.      Je pense, en réalité, que le nombre important des contentieux concernant l’application de ce règlement à des situations dans lesquelles les intérêts de l’enfant sont en cause impose une grande vigilance dans l’interprétation des dispositions de ce dernier. Le règlement no 604/2013 est un instrument de nature principalement procédurale mis à la disposition des États membres afin qu’ils puissent déterminer, sur la base de critères énumérés de manière exhaustive et dans le respect des droits fondamentaux des intéressés, lequel d’entre eux est responsable de l’examen d’une demande de protection internationale.

63.      Or, à l’image des autres critères énumérés au chapitre III du règlement no 604/2013, le critère énoncé à l’article 9 de ce règlement ne me semble pas applicable à une situation telle que celle en cause où les membres de la famille du demandeur, qui sont bénéficiaires d’une protection internationale, ne résident plus sur le territoire de l’État d’octroi et s’opposent à leur retour vers cet État.

64.      Je vais donc proposer à la Cour d’adopter une autre approche, fondée sur les principes généraux sur lesquels repose le règlement no 604/2013 et, en particulier, sur l’intérêt supérieur de l’enfant.

2.      Sur la mise en œuvre des garanties énoncées en faveur des mineurs à larticle 6, paragraphe 1, du règlement no 604/2013

65.      D’emblée, il convient de relever que, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 604/2013, « [l]orsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés [au chapitre III du] présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l’examen ». Dans une situation telle que celle en cause, aucun des critères énoncés au chapitre III de ce règlement n’est applicable, de sorte que c’est bien le premier État membre auprès duquel l’enfant a introduit sa demande qui est responsable de l’examen de celle-ci. Conformément au considérant 5 dudit règlement, cela permet de garantir à cet enfant un accès effectif aux procédures d’octroi d’une protection internationale, en ne compromettant pas l’objectif de célérité dans le traitement de sa demande.

66.      L’application de ce principe permet ici d’accorder à l’intérêt supérieur de l’enfant la considération primordiale qu’exige l’article 24, paragraphe 2, de la Charte (37), dans la mesure où cet État membre est également l’État sur le territoire duquel cet enfant est né et où il réside, ensemble avec les membres de sa famille.

67.      Conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 604/2013, « [l]’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement ». Dans ce contexte, le législateur de l’Union exige, en application de l’article 6, paragraphe 3, de ce règlement, que les États membres coopèrent entre eux lorsqu’ils évaluent l’intérêt supérieur de l’enfant et tiennent dûment compte, « en particulier », des possibilités de regroupement familial, du bien-être et du développement social du mineur, des considérations tenant à la sûreté et à la sécurité, notamment lorsque le mineur est susceptible d’être une victime de la traite des êtres humains, et, enfin, de l’avis du mineur en fonction de son âge et de sa maturité, y compris de son passé (38).

68.      L’intérêt supérieur de l’enfant exige donc de déterminer l’État membre le mieux placé pour statuer sur sa demande de protection internationale, et ce en considération de l’ensemble des circonstances de fait particulières à chaque cas d’espèce (39). La présence physique de cet enfant sur le territoire de l’État membre où il est né et a introduit sa demande, la durée, la régularité, les conditions et les raisons de son séjour ensemble avec sa famille sur le territoire de cet État sont des facteurs dont les autorités nationales compétentes doivent tenir compte afin d’évaluer l’intérêt de l’enfant.

69.      Dans ce contexte, je pense qu’il est nécessaire de prendre en considération les raisons ayant justifié le départ des membres de la famille de l’État d’accueil. Certes, le cas de figure dont la Cour est saisie se distingue des situations qu’elle a envisagées dans l’arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a. (40), dans lesquelles il existait un risque sérieux que le demandeur de protection internationale soit traité, dans l’État d’accueil, d’une manière incompatible avec ses droits fondamentaux en raison de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes. Toutefois, ce serait ignorer les garanties que le législateur de l’Union accorde aux mineurs et les dispositions qu’il consacre expressément à l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant, que de ne pas tenir compte des motifs pour lesquels les membres de la famille ont quitté l’État d’accueil. En exigeant à l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 604/2013 que les États membres « coopèrent étroitement » et tiennent dûment compte du bien-être et du développement social de l’enfant, ce législateur de l’Union exige des autorités nationales compétentes qu’elles procèdent à une mise en balance de tous les éléments de fait relatifs aux conditions de vie de l’enfant dans les États membres concernés.

70.      À cet égard, je ne pense pas que l’on puisse inférer du choix opéré par les parents de quitter l’État d’accueil une simple volonté de contourner les règles du régime d’asile européen commun ou d’en abuser. Prendre la décision de quitter cet État, dans lequel tous les membres de la famille, y inclus des enfants en bas âge, bénéficient d’une protection internationale, et ce après avoir été forcé de quitter le pays d’origine, et prendre ainsi le risque de renoncer à la sécurité et aux avantages que confère ce statut à l’ensemble de la famille, relève soit de l’inconscience soit de la nécessité et d’un choix mûrement réfléchi que font des parents en considération de l’intérêt supérieur de leurs enfants. Ainsi, dans l’affaire au principal, les membres de la famille de la requérante semblent avoir quitté la Pologne pour se rendre en Allemagne en raison des actes d’intimidation dont ces derniers souffraient en considération de leur origine dans l’État d’accueil. Dans l’affaire Ministre de l’immigration et de l’asile (C‑153/21), actuellement suspendue, les parents ont également fait le choix de quitter la Grèce en raison, notamment, des conditions de vie, d’accueil et de prise en charge de leurs enfants qu’ils jugeaient déplorables. Je ne pense donc pas que l’on puisse réduire ou résumer ces déplacements à un « tourisme » de parents – pour reprendre des termes employés dans certaines pièces de procédures.

71.      Dans des circonstances telles que celles en cause, où l’enfant a introduit sa demande de protection internationale dans l’État membre sur le territoire duquel il est né et où il dispose, ensemble avec les membres de sa famille, de sa résidence habituelle à la date d’introduction de cette demande – ce qu’il appartient aux autorités nationales compétentes de vérifier –, je pense que l’intérêt de cet enfant commande que l’examen de sa demande relève de la responsabilité de cet État. Toute solution qui consisterait à éloigner cet enfant et les membres de sa famille de l’environnement social dans lequel ils se sont intégrés, au motif que ces derniers bénéficient d’une protection internationale dans un autre État membre, serait totalement contraire à l’intérêt de l’enfant.

72.      Ce critère me semble être le plus simple et le plus respectueux de l’intérêt de l’enfant, dans la mesure où il est de nature à garantir l’effectivité des droits que celui-ci tire de l’article 18 de la Charte, en lui garantissant un accès effectif à la procédure d’examen de sa demande ainsi qu’un traitement rapide de celle-ci.

73.      Toutefois, j’ai conscience que ce critère devrait également impliquer un transfert de responsabilité de la protection internationale accordée aux membres de la famille de l’enfant, et ce afin de garantir l’effectivité du droit d’asile dont bénéficient ces derniers en vertu de ce même article.

74.      En effet, l’effectivité de ce droit implique de garantir non seulement à l’enfant l’accès à une procédure d’examen de sa demande de protection internationale, mais également aux membres de sa famille la jouissance des droits que leur statut de réfugiés leur confère tant que ce dernier n’est pas révoqué ou tant qu’il n’y est pas mis fin. Or, en l’état actuel, l’État d’octroi est dans l’incapacité matérielle de satisfaire aux obligations qui lui incombent en raison du départ des membres de la famille, ces derniers ayant quitté le territoire de cet État sans qu’une autorisation ait été délivrée à cet effet. De la même façon, la République fédérale d’Allemagne est dans l’incapacité juridique de substituer sa propre protection à celle du pays d’origine, les membres de la famille se trouvant par ailleurs en situation irrégulière sur son territoire.

75.      En outre, pour les mêmes raisons que celles évoquées aux points 44 à 46 des présentes conclusions, les membres de la famille ne sont pas éligibles aux droits et aux avantages économiques et sociaux visés aux articles 23 à 35 de la directive 2011/95, dans la mesure où ils remplissent individuellement les critères d’octroi d’une protection internationale, ce dont témoigne le statut de réfugiés dont ils bénéficient déjà.

76.      Dans ces circonstances, il conviendrait donc de procéder à un transfert de responsabilité de la protection internationale accordée aux membres de la famille de l’enfant, en application de l’Accord européen sur le transfert de responsabilité à l’égard des réfugiés. Dans la présente affaire, si les autorités polonaises semblent avoir consenti à ce transfert, en application de l’article 4, paragraphe 1, de cet accord, il semble qu’aucune suite n’ait été donnée à cet égard par les autorités allemandes (41). Je rappelle toutefois que, en application de l’article 2 dudit accord, le transfert de responsabilité à l’égard des réfugiés est considéré comme ayant eu lieu à l’expiration d’une période de deux ans de séjour effectif et ininterrompu dans le second État, avec l’accord des autorités de celui-ci ou auparavant, si le second État a admis le réfugié à demeurer sur son territoire soit d’une manière permanente, soit pour une durée excédant la validité du titre de voyage.

77.      Au regard de l’ensemble de ces considérations, je propose, par conséquent, à la Cour de dire pour droit que, dans la situation dans laquelle un État membre est saisi d’une demande de protection internationale d’un enfant dont les membres de la famille bénéficient du statut de réfugiés dans un autre État membre, l’article 3, paragraphe 2, ainsi que l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 604/2013 doivent être interprétés en ce sens que l’intérêt supérieur de l’enfant commande que l’État membre saisi de la demande soit responsable de l’examen de celle-ci lorsque cet enfant est né et dispose, ensemble avec les membres de sa famille, de sa résidence habituelle sur le territoire de cet État, à la date d’introduction de sa demande.

V.      Conclusion

78.      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Verwaltungsgericht Cottbus (tribunal administratif de Cottbus, Allemagne) de la manière suivante :

1)      L’article 20, paragraphe 3, du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride doit être interprété en ce sens qu’il ne peut être appliqué par analogie à la situation dans laquelle un enfant introduit sa demande de protection internationale dans l’État membre sur le territoire duquel il est né et où il réside avec les membres de sa famille, alors que ceux-ci bénéficient d’une protection internationale dans un autre État membre.

2)      Un État membre ne peut, sur le fondement d’une application par analogie de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, considérer la demande de protection internationale introduite par un enfant comme étant irrecevable au motif qu’une protection internationale a été accordée aux membres de sa famille par un autre État membre.

3)      Dans la situation dans laquelle un État membre est saisi d’une demande de protection internationale d’un enfant dont les membres de la famille bénéficient du statut de réfugiés dans un autre État membre, l’article 3, paragraphe 2, ainsi que l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 604/2013 doivent être interprétés en ce sens que l’intérêt supérieur de l’enfant commande que l’État membre saisi de la demande soit responsable de l’examen de celle-ci lorsque cet enfant est né et dispose, ensemble avec les membres de sa famille, de sa résidence habituelle sur le territoire de cet État, à la date d’introduction de sa demande.


1      Langue originale : le français.


2      Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31).


3      Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Pikamäe dans l’affaire Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Unité familiale – Protection déjà accordée) (C‑483/20, EU:C:2021:780) et arrêt du 22 février 2022, Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Unité familiale – Protection déjà accordée) (C‑483/20, EU:C:2022:103). Voir, également, affaire Ministre de l’immigration et de l’asile (C-153/21), encore pendante devant le Cour et qui pose une question similaire à la présente affaire, et affaire C‑745/21, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, qui concerne les droits de l’enfant à naître, la mère de l’enfant faisant l’objet d’une décision de transfert vers la Lituanie, en application du règlement no 604/2013, alors que le père de cet enfant bénéficie d’une protection internationale aux Pays-Bas.


4      Voir, en ce sens, article 33 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (JO 2011, L 337, p. 9), qui permet uniquement aux bénéficiaires d’une protection internationale de pouvoir se déplacer librement sur le territoire de l’État membre ayant octroyé cette protection et de pouvoir choisir le lieu de leur résidence sur ce territoire, ainsi que arrêt du 1er mars 2016, Alo et Osso (C‑443/14 et C‑444/14, EU:C:2016:127, point 37).


5      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60).


6      Signée à Genève le 28 juillet 1951 et entrée en vigueur le 22 avril 1954 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)]. Elle a été complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, entré en vigueur le 4 octobre 1967. Voir, en particulier, article 28 de cette convention.


7      Signé à Strasbourg le 16 octobre 1980 (STE no 107). La Commission européenne a envisagé le recours à ce mécanisme dans le Livre vert sur le futur régime d’asile européen commun, du 6 juin 2007 [COM(2007) 301 final, non publié au JO, point 2.3, p. 7], auquel elle se réfère dans la directive 2003/109/CE du Conseil, du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (JO 2004, L 16, p. 44), telle qu’adaptée par la directive 2011/51/UE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2011 (JO 2011, L 132, p. 1).  Voir, également sur ce thème, Ippolito, F., « Reconnaissance et confiance mutuelles en matière d’immigration et d’asile : de l’in(é)volution d’un principe ? », dans Fartunova-Michel, M., et Marzo, C., Les dimensions de la reconnaissance mutuelle en droit de l’Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2018, p. 218 à 243, en particulier p. 220.


8      BGBl. 2008 I, p. 1798.


9      BGBl. 2016 I, p. 1939.


10      Voir, à cet égard, arrêt du 19 mars 2019, Ibrahim e.a. (C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219), dans lequel la Cour a jugé que « un État membre ne peut valablement requérir un autre État membre aux fins de prendre ou de reprendre en charge, dans le cadre des procédures définies par [le règlement no 604/2013], un ressortissant d’un pays tiers qui a introduit une demande de protection internationale dans le premier de ces États membres après s’être vu octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire par le second de ceux-ci » (point 78).


11      En outre, compte tenu de la durée brève de leur séjour en Pologne, ils ne relèvent pas du champ d’application de la directive 2003/109.


12      Voir, en ce sens, ordonnance du 5 avril 2017, Ahmed (C‑36/17, EU:C:2017:273, point 38).


13      Dans cette affaire, les membres d’une famille syrienne ont quitté la Grèce, alors qu’ils bénéficiaient dans cet État membre du statut de réfugiés, afin de se rendre au Luxembourg où le dernier membre d’une fratrie est né. C’est auprès de ce dernier État membre que l’enfant a introduit une demande de protection internationale, laquelle a été jugée irrecevable sur le fondement également de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32.


14      Italique ajouté par mes soins.


15      Italique ajouté par mes soins.


16      À cet égard, j’observe, à l’instar de la Commission, que la circonstance que les membres de la famille de la requérante ont déposé des demandes de protection internationale en Allemagne paraît sans incidence. En effet, ces demandes ont été déclarées irrecevables, en application de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32.


17      Règlement du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 50, p 1).


18      Voir, en ce sens, exposé des motifs de la Commission relatif à sa proposition de règlement du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers [COM(2001) 447 final].


19      En l’occurrence, si les membres de la famille de la requérante ont introduit leur demande de protection internationale en 2012 en Pologne, en revanche, l’enfant a introduit la demande en cause en 2016, en Allemagne.


20      Voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2020, Minister for Justice and Equality (Demande de protection internationale en Irlande) (C‑616/19, EU:C:2020:1010, points 51, 52 et jurisprudence citée). Tel est également l’objectif de la directive 2013/32, tel que cela ressort de son considérant 13 qui énonce que « [l]e rapprochement des règles relatives aux procédures d’octroi et de retrait de la protection internationale devrait contribuer à limiter les mouvements secondaires des demandeurs d’une protection internationale entre les États membres dans les cas où ces mouvements seraient dus aux différences qui existent entre les cadres juridiques des États membres, et à créer des conditions équivalentes pour l’application de la directive 2011/95/UE dans les États membres », ainsi que de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 96), conformément à son considérant 12.


21      Italique ajouté par mes soins. Voir, également, arrêt du 22 février 2022, Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Unité familiale – Protection déjà accordée) (C‑483/20, EU:C:2022:103), dans lequel la Cour a jugé qu’« [i]l ressort ainsi du libellé même de l’article 33, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32 que les États membres ne sont pas dans l’obligation de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la directive 2011/95 lorsqu’une telle protection est déjà assurée dans un autre État membre » (point 24).


22      Voir, à cet égard, arrêt du 22 février 2022, Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides (Unité familiale – Protection déjà accordée) (C‑483/20, EU:C:2022:103, points 29 et 37 ainsi que jurisprudence citée).


23      Voir, en ce sens, arrêts du 19 mars 2020, Bevándorlási és Menekültügyi Hivatal (Tompa) (C‑564/18, EU:C:2020:218, points 29 et 30 ainsi que jurisprudence citée) et du 14 mai 2020, Országos Idegenrendészeti Főigazgatóság Dél-alföldi Regionális Igazgatóság (C‑924/19 PPU et C‑925/19 PPU, EU:C:2020:367, points 149 et 182 ainsi que jurisprudence citée).


24      L’article 24, paragraphe 2, de la Charte dispose que « [d]ans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».


25      Voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2021, Bundesrepublik Deutschland (Maintien de l’unité familiale) (C‑91/20, EU:C:2021:898, point 51).


26      Il pourrait s’agir d’une reconnaissance à titre principal ou à titre dérivé, en application des principes dégagés par la Cour dans l’arrêt du 4 octobre 2018, Ahmedbekova (C‑652/16, EU:C:2018:801, point 72) et confirmés par celle-ci dans l’arrêt du 9 novembre 2021, Bundesrepublik Deutschland (Maintien de l’unité familiale) (C‑91/20, EU:C:2021:898, point 41).


27      C‑91/20, EU:C:2021:898.


28      Point 37 de cet arrêt.


29      Le législateur de l’Union précise que cette disposition s’applique à la famille qui a été ou non préalablement formée dans le pays d’origine, se distinguant alors de la définition de « membres de la famille », énoncée à l’article 2, sous g), du même règlement.


30      Règlement de la Commission, du 2 septembre 2003, portant modalités d'application du règlement no 343/2003 (JO 2003, L 222, p. 3), modifié en dernier lieu par le règlement d’exécution (UE) no 118/2014 (JO 2014, L 39, p. 1). Ce règlement a été adopté en application de l’article 17, paragraphe 3, du règlement no 343/2003, devenu l’article 21, paragraphe 3, du règlement no 604/2013.


31      Cette différence de formulation est commune à l’ensemble des versions linguistiques.


32      Voir article 24 de la directive 2011/95.


33      Voir article 21, paragraphe 3, et article 24, paragraphe 1, de la directive 2011/95.


34      Conformément à l’article 24 de la directive 2011/95, le titre de séjour accordé aux bénéficiaires du statut de réfugiés est valable pendant une période de trois ans, renouvelable, et celui accordé aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire est valable pendant une période d’au moins un an et renouvelable pour une période d’au moins deux ans. Dans l’affaire au principal, les titres de séjour des membres de la famille de la requérante ont expiré le 4 mai 2015, selon les renseignements communiqués par la Pologne.


35      À défaut, conformément à l’article 21, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 604/2013, la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale incombe à l’État membre auprès duquel la demande a été introduite.


36      Voir article 6, paragraphe 1, de ce règlement.


37      Cet article dispose que dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. Voir, également, arrêt du 9 novembre 2021, Bundesrepublik Deutschland (Maintien de l’unité familiale) (C‑91/20, EU:C:2021:898, point 55 et jurisprudence citée).


38      Voir, également, considérant 13 du règlement no 604/2013.


39      Voir, dans ce contexte, arrêt du 8 juin 2017, OL (C‑111/17 PPU, EU:C:2017:436, points 42 et suiv. ainsi que jurisprudence citée), relatif à la mise en œuvre du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (JO 2003, L 338, p. 1).


40      C‑297/17, C‑318/17, C‑319/17 et C‑438/17, EU:C:2019:219.


41      La République fédérale d’Allemagne et la République de Pologne ont ratifié cet Accord.