Language of document : ECLI:EU:T:2009:317

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

9 septembre 2009 (*)

« Concurrence – Abus de position dominante – Services financiers – Décision constatant une infraction à l’article 82 CE – Refus de fournir des services transfrontaliers de compensation et de règlement – Prix discriminatoires – Marché pertinent – Imputabilité du comportement infractionnel »

Dans l’affaire T‑301/04,

Clearstream Banking AG, établie à Francfort‑sur‑le‑Main (Allemagne),

Clearstream International SA, établie à Luxembourg (Luxembourg),

représentées par Mes H. Satzky et B. Maassen, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. T. Christoforou, A. Nijenhuis et M. Schneider, puis par MM. Nijenhuis et R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2004) 1958 final de la Commission, du 2 juin 2004, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] [affaire COMP/38.096 – Clearstream (compensation et règlement)],

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras, président, M. Prek (rapporteur) et V. M. Ciucă, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 octobre 2008,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La seconde requérante, Clearstream International SA (ci-après « CI »), dont le siège est situé à Luxembourg, est une société holding qui détient la première requérante, Clearstream Banking AG (ci‑après « CBF »), établie à Francfort‑sur‑le‑Main (Allemagne), et Clearstream Banking Luxembourg SA (ci‑après « CBL »). Le groupe Clearstream fournit des services de compensation, de règlement et de conservation des valeurs mobilières. CBL et Euroclear Bank SA (ci‑après « EB »), établie à Bruxelles (Belgique), sont les deux seuls dépositaires centraux internationaux de titres opérant actuellement dans l’Union européenne. CBF est en Allemagne le dépositaire central de titres et actuellement la seule banque à avoir le statut de banque de dépôt de valeurs mobilières (Wertpapiersammelbank).

2        Le 22 mars 2001, la Commission des Communautés européennes a lancé une enquête d’office portant sur les services de compensation et de règlement en adressant une première série de demandes de renseignements à un certain nombre d’institutions, puis des demandes supplémentaires concentrées sur le comportement abusif éventuel de CI et de CBF.

3        Le 28 mars 2003, la Commission a adressé aux requérantes une communication des griefs, à laquelle celles-ci ont répondu le 30 mai 2003. L’audition a eu lieu le 24 juillet 2003. En tant que tiers concerné par la procédure, EB a donné son avis sur la définition du marché durant l’audition et en réponse à une demande de renseignements de la Commission.

4        Les requérantes ont eu accès au dossier de la Commission le 14 avril et le 3 novembre 2003. Par courrier du 17 novembre 2003, la Commission a attiré l’attention des requérantes sur la manière dont elle comptait utiliser certains éléments versés au dossier postérieurement à l’octroi de l’accès à ce dossier le 14 avril 2003, ainsi que les informations relatives aux coûts fournies par les requérantes après l’audition du mois de juillet, et les ont invitées à faire part de leurs commentaires. Les requérantes ont répondu par courrier du 1er décembre 2003.

 Décision attaquée

5        Le 2 juin 2004, la Commission a adopté la décision C (2004) 1958 final, relative à une procédure au titre de l’article 82 [CE] (ci-après la « décision attaquée »). Dans celle-ci, elle reproche aux requérantes d’avoir enfreint l’article 82 CE, d’une part, en refusant de fournir des services de compensation et de règlement primaires à EB et en faisant preuve de discrimination à son égard et, d’autre part, en appliquant à EB des prix discriminatoires.

6        La décision attaquée comporte des informations générales sur la compensation et le règlement des opérations sur valeurs mobilières, dont l’essentiel est reproduit ci-après.

7        La liquidation des opérations d’achat et de vente de valeurs mobilières nécessite une vérification permanente de la propriété des valeurs concernées pour garantir la sécurité juridique en cas de transfert de propriété à la suite de l’opération d’achat ou de vente et pour assurer le service continu de l’instrument. Pour cette raison, la négociation d’une valeur mobilière doit être suivie par un certain nombre d’opérations complémentaires.

8        La compensation (clearing) est l’opération qui s’effectue entre la négociation et le règlement. Elle garantit que le vendeur et l’acheteur ont conclu une transaction identique et que le vendeur est habilité à vendre les valeurs mobilières en cause. Le règlement (settlement) est le transfert définitif des valeurs mobilières et des fonds entre l’acheteur et le vendeur, ainsi que la passation des écritures correspondantes dans les comptes titres.

9        Il existe trois types de prestataires de services de compensation et de règlement :

–        le dépositaire central de titres (ci-après le « DCT ») est une institution qui détient et administre des valeurs mobilières et qui permet d’effectuer des transactions sur valeurs mobilières, comme le transfert de titres entre deux parties, par la passation d’écritures comptables ; dans son pays d’origine, le DCT fournit des services de compensation et de règlement des opérations effectuées sur les valeurs mobilières qu’il a en dépôt (en conservation finale) ; il peut aussi offrir des services en qualité d’intermédiaire dans des opérations transfrontalières de compensation et de règlement lorsque le dépôt primaire des valeurs mobilières se situe dans un autre pays ;

–        le dépositaire central international de titres (ci-après le « DCIT ») est une institution dont l’activité principale est la compensation et le règlement dans un environnement international ; il assure la compensation et le règlement de valeurs mobilières internationales ou de transactions transfrontalières sur valeurs mobilières nationales ;

–        les banques, en tant qu’intermédiaires, offrent à leurs clients des services afférents aux opérations sur valeurs mobilières, ces opérations étant, dans l’Union européenne, généralement nationales.

10      Toutes les valeurs mobilières doivent être physiquement ou électroniquement déposées auprès d’une institution pour y être conservées.

11      En Allemagne, le Depotgesetz (loi allemande sur le dépôt de valeurs mobilières) prévoit deux types de conservation finale de valeurs mobilières : la conservation collective et la conservation individuelle. Dans le cas de la conservation collective, des valeurs mobilières fongibles et techniquement adaptées du même type déposées par une pluralité de déposants et/ou de propriétaires sont conservées sous la forme d’un dépôt collectif unique.

12      Aux fins de la décision attaquée, et en particulier de la définition du marché, la Commission a introduit une distinction entre les services de compensation et de règlement « primaires » et « secondaires ».

13      La compensation et le règlement primaires sont, selon la décision attaquée, effectués par l’institution qui assure elle-même la conservation finale des titres, et ce à chaque modification de la position dans les comptes titres qu’elle détient.

14      La compensation et le règlement secondaires sont, selon la décision attaquée, effectués par des intermédiaires, c’est-à-dire par des acteurs du marché autres que l’institution auprès de laquelle les titres sont conservés (en l’espèce, les banques, les DCIT et les DCT non allemands).

15      La compensation et le règlement secondaires couvrent soit des opérations internalisées, c’est-à-dire lorsqu’une transaction a lieu entre deux clients du même intermédiaire, permettant ainsi d’effectuer les opérations dans les livres de cet intermédiaire sans entrée correspondante au niveau du DCT, soit des opérations miroir par lesquelles les intermédiaires financiers procèdent aux écritures comptables nécessaires pour refléter le résultat de la compensation et du règlement effectués par le DCT dans les comptes de leurs clients. Dans le second cas, les intermédiaires ne peuvent fournir de services de compensation et de règlement à leurs clients que s’il existe un lien avec le système du DCT.

16      En fonction des besoins, l’accès des dépositaires intermédiaires au dépositaire central peut être direct (en tant que membre ou client) ou indirect (en passant par un intermédiaire). Dans le cas d’espèce, le lien entre CBF et ses clients est assuré par le système de règlement de CBF, constitué de Cascade et de Cascade RS. Cascade est un système informatisé qui permet d’entrer et d’apparier des instructions de règlement et constitue également la plateforme de règlement pour ces instructions. Cascade RS (Registered Shares, signifiant actions nominatives) est un sous-système de Cascade qui permet aux clients de CBF d’entrer les informations spécifiques exigées par le processus d’enregistrement et de désenregistrement pour les actions nominatives. Il existe deux types d’accès à Cascade et à Cascade RS : l’accès manuel (appelé aussi « en ligne ») et l’accès entièrement automatisé grâce au transfert de fichiers.

17      Selon la décision attaquée (considérants 196 à 198), le marché géographique en cause est celui de l’Allemagne dans la mesure où les valeurs mobilières émises selon le droit allemand font l’objet d’une conservation finale en Allemagne.

18      La Commission constate que, selon l’article 5 du Depotgesetz, toutes les valeurs conservées collectivement en Allemagne doivent être détenues par une banque de dépôt de valeurs mobilières reconnue et qu’actuellement en Allemagne le seul dépositaire de ce type est CBF. En précisant que la conservation collective est la forme de conservation des titres la plus utilisée en Allemagne, elle note que selon les requérantes elles-mêmes 90 % des valeurs allemandes existantes sont déposées chez CBF (considérants 23 à 25 de la décision attaquée).

19      S’agissant de la délimitation du marché de services en cause, la Commission constate (considérants 199 et 200 de la décision attaquée) que, pour les intermédiaires qui demandent un accès direct à CBF, l’accès indirect à CBF n’est pas une solution de substitution ; la fourniture par CBF de services de compensation et de règlement primaires aux clients ayant adhéré aux conditions générales a lieu sur un marché distinct de la fourniture des mêmes services aux DCT et DCIT ; pour les intermédiaires qui demandent des services de compensation et de règlement primaires afin de pouvoir offrir efficacement des services de compensation et de règlement secondaires, la compensation et le règlement secondaires ne constituent pas une solution de substitution économiquement valable ; pour ces intermédiaires, les services de compensation et le règlement primaires fournis par des entités autres que CBF ne constituent pas une solution de substitution valable. Elle en conclut qu’il n’existe de substituabilité ni du côté de la demande ni du côté de l’offre, puisque les intermédiaires ne peuvent pas aisément opter pour un autre fournisseur ou un accès indirect aux services en cause et qu’aucune autre société ne pourra, dans un proche avenir, fournir ces mêmes services.

20      Par conséquent, la Commission définit le marché en cause comme celui de la fourniture, par CBF aux intermédiaires tels que les DCT et les DCIT, de services de compensation et de règlement primaires pour les valeurs mobilières émises selon le droit allemand (considérant 201 de la décision attaquée).

21      La Commission conclut que CBF détient une position dominante sur le marché en cause, puisque la compensation et le règlement primaires de transactions portant sur des valeurs mobilières émises et conservées collectivement conformément au droit allemand sont effectués par CBF, en tant que seule banque de dépôt de valeurs mobilières en Allemagne. Cette position de CBF sur le marché allemand n’était, à l’époque des faits, selon la Commission, entravée par aucune concurrence effective. En outre, en raison de nombreux obstacles majeurs aux nouvelles entrées sur le marché, la possibilité de nouvelles entrées exerçant une contrainte concurrentielle sur CBF dans un avenir prévisible est, selon elle, exclue (considérants 206, 208 et 215 de la décision attaquée).

22      Selon la décision attaquée (considérants 154, 216, 301 et 335), le comportement abusif des requérantes a consisté :

–        à refuser de fournir des services de compensation et de règlement primaires pour les actions nominatives, en empêchant l’accès direct à Cascade RS, et à exercer une discrimination envers EB concernant la fourniture de ces services ; le refus de fournir un accès direct à Cascade RS et la discrimination injustifiée à cet égard ne sont pas deux infractions séparées, mais plutôt deux manifestations d’un même comportement, puisque la discrimination injustifiée existe parce que, pendant presque deux ans, les requérantes ont refusé de fournir à EB les mêmes services que ceux qu’elles ont fournis rapidement à d’autres clients comparables dans des situations équivalentes ;

–        à appliquer à EB des prix discriminatoires pour les services de compensation et de règlement primaires, en lui facturant, pour des services équivalents, des prix plus élevés qu’à d’autres clients comparables (les DCT et les DCIT, qui effectuent toujours des opérations transfrontalières), et ce sans justification objective.

23      La Commission constate que le refus de fournir à EB un accès direct aux services de compensation et de règlement primaires pour les actions nominatives nuit à l’innovation et à la concurrence dans la fourniture de services transfrontaliers de compensation et de règlement secondaires et en fin de compte aux consommateurs dans le marché unique (considérants 228 à 237 de la décision attaquée).

24      Toujours selon la décision attaquée (considérants 338 et 339), l’Allemagne est une partie substantielle de la Communauté. En outre, le commerce entre les États membres est affecté du fait de la nature transfrontalière de la fourniture par CBF à EB de services de compensation et de règlement primaires pour les titres détenus en dépôt collectif en Allemagne. Le volume important des opérations d’EB sur titres allemands démontre que l’effet sur les échanges entre États membres est substantiel.

25      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

[CBF] et [CI] ont enfreint l’article 82 [CE] de la façon suivante :

a)       en refusant de fournir des services de compensation et de règlement primaires pour les actions nominatives à [EB] et à son prédécesseur, du 3 décembre 1999 au 19 novembre 2001, et ce de manière injustifiée et pendant une durée déraisonnable, et en faisant preuve de discrimination à l’égard d’[EB] et de son prédécesseur, durant la même période, en ce qui concerne la fourniture de services de compensation et de règlement primaires pour les actions nominatives ;

b)       en appliquant des prix discriminatoires à [EB] et à son prédécesseur pour les services de compensation et de règlement primaires qu’elles leur fournissaient, du 1er janvier 1997 au 1er juillet 1999 dans le cas de [CBF], et du 1er juillet 1999 au 1er janvier 2002 pour [CI] et [CBF].

Article 2

[CBF] et [CI] s’abstiennent à l’avenir de toute action ou de tout comportement contraires à l’article 82 [CE] tels que décrits à l’article 1er de la décision.

Article 3

1. [CBF]

2. [CI]

sont destinataires de la présente décision.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 juillet 2004, les requérantes ont introduit le présent recours.

27      Le 26 octobre 2005, les requérantes ont produit une lettre comportant en annexe la brochure Internalisation of Settlement. Le 10 novembre 2005, le Tribunal a décidé de verser cette lettre au dossier. Le 29 novembre 2005, la Commission a déposé ses observations sur cette décision du Tribunal. Le 14 décembre 2005, le Tribunal a décidé de verser ces observations au dossier.

28      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

29      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

30      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 8 octobre 2008.

31      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant qu’elle constate l’existence d’un abus de position dominante et qu’elle les soumet à une obligation d’abstention ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

33      Les requérantes fondent leur recours sur quatre moyens. Premièrement, elles contestent la définition du marché en cause ainsi que l’existence d’une position dominante. Deuxièmement, elles contestent le caractère abusif de leur comportement, en ce qui concerne tant le refus de fournir des services que les prix appliqués à EB. Troisièmement, elles soutiennent que le comportement infractionnel de CBF ne peut pas être imputé à CI. Quatrièmement, elles contestent la légalité de la décision attaquée en raison de son caractère imprécis.

1.     Sur le premier moyen, tiré d’une définition erronée du marché de services en cause et d’une absence de position dominante des requérantes

 Arguments des parties

34      Les requérantes et la Commission s’accordent sur le fait que le territoire de l’Allemagne constitue le marché géographique en cause.

35      Cependant, selon les requérantes, la délimitation du marché en cause découle du fait que les titres déposés – et non les titres émis, comme il ressortirait de la décision attaquée – en vertu du droit allemand sont déposés en Allemagne.

36      En ce qui concerne le marché de services en cause, les requérantes contestent la distinction opérée par la Commission entre services primaires et services secondaires de traitement postmarché des titres. La délimitation du marché devrait se faire uniquement sur la base de la prestation qui est offerte sur le marché, à savoir le transfert du droit de propriété sur les titres vendus. Ce traitement post-transaction n’aurait lieu qu’une seule fois et uniquement pour les parties à la transaction. Même dans le cas où ce traitement est effectué par CBF, celle-ci ne fournirait pas de services « primaires », mais les seuls services de compensation et de règlement existants. La Commission aurait estimé à tort que, dans ce cas, les dépositaires intermédiaires doivent d’abord acquérir un service de CBF pour pouvoir le fournir eux-mêmes à nouveau. En réalité, ils ne feraient que transmettre à CBF les instructions et la rémunération des parties à la transaction et mettre à exécution dans leurs livres le traitement effectué par celle-ci.

37      Selon les requérantes, la décision attaquée est fondée à tort sur le point de vue des dépositaires intermédiaires pour délimiter le marché en cause. En réalité, les demandeurs des services en question seraient les vendeurs et les acheteurs de titres qui, ne détenant pas directement ces titres, deviendraient demandeurs de la prestation de transfert de propriété. Les dépositaires intermédiaires seraient demandeurs de services de traitement postmarché seulement s’ils étaient eux-mêmes parties à une transaction sur titres, mais dans ce cas ils n’opéreraient pas en tant que dépositaires intermédiaires. En outre, l’adoption de la perspective des dépositaires intermédiaires contredirait certaines décisions antérieures de la Commission.

38      Les requérantes contestent la thèse d’un marché comportant une chaîne verticale de création de valeur ajoutée dans le cadre de laquelle le traitement de la transaction auprès de CBF et auprès des fournisseurs de services secondaires se ferait sur deux niveaux différents. Par ailleurs, dans son mémoire en défense, la Commission se serait contredite sur ce point. Les requérantes se fondent sur un marché unique des services de compensation et de règlement pour les valeurs mobilières allemandes, à un seul niveau, sur lequel CBF ferait concurrence à EB et à d’autres entreprises auprès des mêmes clients finals.

39      En effet, selon les requérantes, les offreurs des services de compensation et de règlement sont tous les détenteurs, direct (dépositaire final) ou indirects (dépositaires intermédiaires), des titres concernés, qui peuvent réaliser le transfert de propriété. La nature et le contenu de leurs prestations étant identiques, il serait indifférent pour les demandeurs de s’adresser au dépositaire final ou aux dépositaires intermédiaires. Ils se tourneraient même plus souvent vers les dépositaires intermédiaires que vers le dépositaire final. Par conséquent, CBF ne serait pas l’unique offreur sur le marché de services en cause, mais se trouverait en concurrence avec tous les dépositaires intermédiaires de ces titres, ce que la Commission aurait, du moins en principe, également admis.

40      Dans ce contexte, CBF et les différents dépositaires intermédiaires se feraient concurrence, mais ces derniers seraient aussi clients de CBF. L’accès des dépositaires intermédiaires au dépositaire final, nécessitant l’ouverture d’un compte et la mise en place de voies de communication, serait le fondement d’une relation de concurrence tant verticale qu’horizontale entre les clients. La possibilité que certaines relations entre des entreprises aient pour effet de créer une situation de concurrence entre elles aurait déjà été admise par une décision antérieure de la Commission.

41      Les requérantes font valoir qu’en Allemagne, en vertu du Depotgesetz, seul le dépôt collectif de documents collectifs – et non, comme le soutiendrait la Commission, le dépôt collectif en général – devrait être effectué dans une banque de dépôt de valeurs mobilières, c’est-à-dire auprès de CBF. En outre, la fonction du DCT dans le cadre d’un tel dépôt collectif de documents collectifs serait une fonction de contrôle et concernerait uniquement le lien entre les parts de l’avoir collectif et leurs propriétaires dans le cadre du dépôt. En effet, même pour ce type de titres, et lorsque le dépositaire intermédiaire en remplirait les conditions, les services de compensation et de règlement seraient fournis uniquement par le dépositaire intermédiaire, sans aucune intervention de CBF, laquelle continuerait à être le possesseur direct des titres. Le monopole de dépôt de CBF pour les titres collectifs placés en dépôt collectif n’entraînerait aucun monopole du traitement postmarché des transactions sur titres. Par ailleurs, les requérantes n’auraient jamais allégué, ainsi que l’assurerait la Commission, que les dépositaires intermédiaires dépendaient de l’« aide » du dépositaire final pour le transfert de la propriété de quotes-parts de titres collectifs.

42      La Commission aurait ignoré la possibilité des traitements internes, lors desquels le règlement aurait lieu auprès d’un dépositaire intermédiaire, si nécessaire sur la base de l’ouverture de nouveaux comptes auprès de celui-ci. En raison de l’augmentation de ce type de traitement, le nombre de clients de CBF diminuerait depuis plusieurs années. À cet égard, les requérantes produisent la brochure Internalisation of Settlement exposant le procédé et l’importance de ce type de traitement. Elles ajoutent que la réglementation sur la bourse de Francfort‑sur‑le‑Main, citée par la Commission comme protégeant CBF contre ce type de concurrence, a été modifiée et qu’elle n’est, de toute manière, pas applicable aux transactions sur titres négociées de gré à gré en cause dans la présente affaire.

43      Les requérantes font valoir que, puisqu’il n’existe pas de marché autonome des services primaires de traitement post-transaction, la distinction supplémentaire, opérée par la Commission, entre, d’une part, les clients ayant adhéré à des conditions générales, également dépositaires intermédiaires, et, d’autre part, les DCT et les DCIT, nécessitant un accès direct à CBF, est inopérante. Par ailleurs, une telle distinction ne saurait être tirée de l’arrêt de la Cour du 31 mai 1979, Hugin Kassaregister et Hugin Cash Registers/Commission (22/78, Rec. p. 1869).

44      À cet égard, d’une part, les requérantes soutiennent que CBF ne fournit pas les services de traitement post-transaction aux trois catégories de clients mentionnées ci-dessus. D’autre part, elles font valoir que, en tant que dépositaires intermédiaires, ces trois catégories de clients obtiendraient de CBF en substance les mêmes services, mais lui feraient aussi concurrence en matière de compensation et de règlement. C’est ce que la Commission confirmerait elle-même dans sa communication COM (2004) 312 final au Conseil et au Parlement européen, du 28 avril 2004 – Compensation et règlement-livraison dans l’Union européenne – Un plan pour avancer. En revanche, le déroulement de la prestation de ces services, et par conséquent leurs prix, pourrait différer, et ce selon les différentes exigences des clients. Cela expliquerait pourquoi un accès direct à CBF serait plus important pour certains clients que pour d’autres, mais ne permettrait pas de considérer que ces clients relèvent de marchés différents.

45      Enfin, la Commission n’aurait fait aucune constatation quant aux rapports de concurrence existant réellement entre dépositaires finals et intermédiaires dans le domaine des services de compensation et de règlement, conformément aux suggestions des requérantes, d’EB et des tiers.

46      La Commission conclut au rejet de cette argumentation.

 Appréciation du Tribunal

47      Il importe de relever, à titre liminaire, que la définition du marché de produits, dans la mesure où elle implique des appréciations économiques complexes de la part de la Commission, ne saurait faire l’objet que d’un contrôle restreint de la part du juge communautaire. Cependant, ce dernier ne saurait s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. À cet égard, il lui incombe de vérifier si la Commission a fondé son appréciation sur des éléments de preuve qui sont exacts, fiables et cohérents, qui constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et qui sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 482, et la jurisprudence citée).

48      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aux fins de l’examen de la position, éventuellement dominante, d’une entreprise sur un marché sectoriel déterminé, les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits ou des services qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d’autres produits ou services. En outre, étant donné que la détermination du marché en cause sert à évaluer si l’entreprise concernée a la possibilité de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective et d’avoir un comportement, dans une mesure appréciable, indépendant de celui de ses concurrents et de ses clients, il serait impossible, à cette fin, de se limiter à l’examen des seules caractéristiques objectives des services en cause, mais il convient également de prendre en considération les conditions de la concurrence et la structure de la demande et de l’offre sur le marché (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 37 ; arrêts du Tribunal du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T‑65/96, Rec. p. II‑1885, point 62, et du 17 décembre 2003, British Airways/Commission, T‑219/99, Rec. p. II‑5917, point 91).

49      La notion de marché concerné implique qu’une concurrence effective puisse exister entre les produits ou les services qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d’interchangeabilité en vue du même usage entre tous les produits ou les services faisant partie d’un même marché (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 28).

50      Pour aboutir à la définition contestée du marché de services dans la présente affaire, la Commission a tenu compte de la substituabilité des services du côté de la demande, d’une part, et de l’offre, d’autre part. À cet égard, il ressort de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, paragraphe 7) qu’« [u]n marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés ». En outre, ainsi qu’il est indiqué au paragraphe 20 de la même communication, la substituabilité du côté de l’offre peut également être prise en considération pour définir le marché en cause dans les opérations où cette substituabilité a des effets équivalant à ceux de la substituabilité du côté de la demande en termes d’immédiateté et d’efficacité. Il faut, pour cela, que les fournisseurs puissent réorienter leur production vers les produits en cause et les commercialiser à court terme, sans encourir de coûts ou de risques supplémentaires substantiels, en réaction à des variations légères, mais durables, des prix relatifs.

51      La Commission commence son analyse par la question, qu’elle considère comme déterminante, de l’éventuelle substituabilité des services du côté des demandeurs, à savoir les dépositaires intermédiaires comme les DCT et les DCIT. La Commission a procédé à plusieurs tests de substituabilité en analysant les différents cas de figure possibles sur le marché des services en cause. Dans ce cadre, elle a tenu compte du point de vue des différents opérateurs du marché ainsi que de celui des requérantes.

52      En premier lieu, les requérantes font valoir que les demandeurs des services de traitement postmarché sont les vendeurs et les acheteurs de titres.

53      Cette argumentation n’est pas convaincante. Il ressort de la décision attaquée (considérant 122) que, selon les requérantes elles-mêmes, CBF a trois catégories de clients pour les services de règlement, à savoir les clients ayant adhéré aux conditions générales (ci-après les « clients conditions générales », principalement les banques), les DCT non allemands et les DCIT. Les requérantes affirment, en outre, dans la requête, que CBF n’a pour clients que des établissements de crédit et d’autres intermédiaires financiers. Il s’ensuit que, ainsi que le rappelle la Commission, il n’existe aucune relation contractuelle et donc aucune obligation entre les parties à la transaction et CBF. En effet, le lien contractuel existe uniquement entre CBF et le dépositaire intermédiaire et entre ce dernier et son client, partie à la transaction. Les services de compensation et de règlement fournis par CBF aux dépositaires intermédiaires le sont contre une rémunération distincte et permettent à ces derniers de respecter leurs propres obligations à l’égard de leurs clients.

54      La thèse de l’existence d’un marché général des services de compensation et de règlement défendue par les requérantes, dans le cadre duquel les demandeurs seraient les parties à la transaction (y compris les dépositaires intermédiaires quand ils agissent pour leur propre compte), doit être rejetée. D’une part, comme il a été rappelé au considérant 34 de la décision attaquée, les parties à la transaction sont demandeurs des services auprès des intermédiaires qui conservent les valeurs mobilières en leur nom et pour le compte de leurs clients auprès du dépositaire final. D’autre part, dans le cas de la plupart des valeurs mobilières émises selon le droit allemand et en dehors des possibilités de traitements internalisés, les intermédiaires ne peuvent pas fournir de services de compensation et de règlement complets, puisqu’ils ne sont pas les détenteurs finals de ces valeurs. En revanche, CBF ne peut pas fournir ses services à ces mêmes parties parce que celles-ci n’ont pas de compte titres ouvert chez elle. En agissant pour le compte des parties à la transaction, les dépositaires intermédiaires exercent une activité de prestation de services autonome (voir, en ce sens, arrêt British Airways/Commission, point 48 supra, point 93).

55      Quant à l’allégation des requérantes selon laquelle l’adoption de la perspective des dépositaires intermédiaires contredit certaines décisions antérieures de la Commission, elle est dénuée de pertinence. En effet, la présente affaire se distingue des circonstances factuelles des affaires invoquées par les requérantes. En toute hypothèse, il y a lieu de rappeler que la Commission est tenue de procéder à une analyse individualisée des circonstances propres à chaque affaire, sans être liée par des décisions antérieures qui concernent d’autres opérateurs économiques, d’autres marchés de produits et de services ou d’autres marchés géographiques à des moments différents (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, Rec. p. II‑4251, point 191). Ainsi, les requérantes ne sont pas en droit de remettre en cause les constatations de la Commission au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, Rec. p. II‑5575, point 118 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T‑282/06, Rec. p. II‑2149, point 88).

56      En outre, les requérantes contestent la conclusion de la Commission selon laquelle la fourniture par CBF de services de compensation et de règlement primaires aux clients conditions générales, également dépositaires intermédiaires, constitue un marché séparé de la fourniture de ces services aux DCT et DCIT (considérants 149 et suivants de la décision attaquée). Or, il y a lieu de constater que c’est sur la base d’informations communiquées par les requérantes concernant la nature des services fournis, leurs prix, les accords de base et la demande effective des catégories de clients que la Commission a pu valablement parvenir à cette conclusion. La Commission a ainsi constaté que, si les services fournis à cette catégorie de clients représentaient une solution de substitution valable pour les DCT et les DCIT, ceux-ci auraient normalement recours à ces services, étant donné le prix nettement inférieur facturé aux clients conditions générales. Par ailleurs, à la différence des DCIT et des DCT non allemands, de nombreux clients conditions générales sont des banques situées en Allemagne qui traitent des opérations nationales. Les requérantes ne fournissent aucun élément de nature à infirmer l’appréciation portée par la Commission sur cette question. Il convient également de constater que si, dans la décision attaquée, la Commission fait effectivement référence à l’arrêt Hugin Kassaregister et Hugin Cash Registers/Commission, point 43 supra, ce n’est pas dans le cadre de la distinction entre les clients conditions générales et les DCT et DCIT. Ce dernier argument des requérantes est donc inopérant.

57      C’est donc à bon droit que la Commission a considéré que les dépositaires intermédiaires comme les DCT et les DCIT étaient les demandeurs des services de compensation et de règlement offerts par CBF.

58      En deuxième lieu, les requérantes critiquent l’analyse de la Commission selon laquelle il n’existe pas de substituabilité du côté de l’offre, puisque aucune autre société que CBF ne sera en mesure, dans un proche avenir, de fournir des services de compensation et de règlement primaires du type requis par des intermédiaires comme les DCT et les DCIT, pour des opérations sur valeurs mobilières émises selon le droit allemand et conservées par celle-ci (considérant 200 de la décision attaquée). Elles font valoir que le marché est constitué, du côté de l’offre, par l’ensemble des détenteurs, direct (dépositaire final) ou indirects (dépositaires intermédiaires), des titres concernés, qui peuvent réaliser le transfert de propriété, et avec lesquels CBF se trouve, par conséquent, en concurrence.

59      À cet égard, les requérantes soutiennent que ce n’est pas le dépôt collectif en général qui doit être effectué dans une banque de dépôt de valeurs mobilières, mais uniquement le dépôt collectif de documents collectifs dans lesquels sont incorporés plusieurs droits qui ne sont pas matérialisés mais existent uniquement en tant que parts virtuelles de l’ensemble. Dans ce cadre, le monopole de dépôt de CBF n’entraînerait aucun monopole du traitement postmarché des transactions sur titres.

60      Cette argumentation doit être rejetée. D’une part, la distinction entre documents collectifs et titres individuels ne change rien au fait que CBF est, selon ses propres déclarations, le dépositaire de 90 % de toutes les valeurs allemandes existantes (considérant 170 de la décision attaquée). Par ailleurs, dans la requête, les requérantes confirment que les émetteurs délivrent leurs titres, la plupart du temps, sous forme de documents collectifs. D’autre part, comme la Commission l’a constaté au considérant 137 de la décision attaquée, même si cette dernière ne concerne que les services de compensation et de règlement, ceux-ci ne peuvent pas être complètement séparés de la conservation, puisque la compensation et le règlement ne sont possibles que pour les titres faisant l’objet d’une conservation. Il convient de rappeler, en outre, que les requérantes avaient elles-mêmes confirmé le lien entre le monopole en matière de conservation de CBF et un règlement rapide et sûr. Ainsi, les requérantes ont affirmé que, « [l]orsque des dépositaires intermédiaires – par exemple des intermédiaires financiers, mais également des DCIT, des banques dépositaires, etc. – [n’étaient] pas capables d’effectuer la compensation et le règlement, c’[était] effectivement le dépositaire final [le DCT] qui [devait] le faire » et que « [t]outes les valeurs fongibles allemandes – qui représent[ai]ent plus de 90 % des valeurs allemandes existantes – [étaient] déposées dans les coffres de CBF, ce qui permet[tait] un règlement par écritures comptables rapide et sûr » (considérants 165 et 170 de la décision attaquée).

61      En outre, l’argument des requérantes selon lequel le marché doit être délimité sur la base du fait que les valeurs mobilières déposées, et non celles émises, en vertu du droit allemand sont déposées en Allemagne est contraire à leurs déclarations lors de la procédure administrative. Il ressort, notamment, des considérants 23 et 197 de la décision attaquée que, selon leur réponse du 30 mai 2003 à la communication des griefs, les valeurs mobilières émises selon le droit allemand sont, en pratique, déposées en Allemagne, ce qui n’est pas le cas des valeurs mobilières non allemandes, et que, « dans la pratique, la conservation collective est la forme de conservation la plus utilisée en Allemagne ». C’est, par conséquent, à bon droit que la Commission a constaté que le marché en cause portait sur les valeurs mobilières émises selon le droit allemand.

62      Au vu de ce qui précède, la Commission a pu, à bon droit, considérer que, du côté de l’offre non plus, il n’existait pas de substituabilité pour les services en question. En effet, à l’exception des cas de traitements internalisés, le service de compensation et de règlement complet requiert l’inscription de la transaction auprès du détenteur final des titres, en l’espèce CBF, qu’aucune autre société en Allemagne ne peut actuellement concurrencer pour cette étape spécifique de la prestation de service.

63      Certes, ainsi que le constate la Commission au considérant 312 de la décision attaquée, CBF, lorsqu’elle assume la fonction d’intermédiaire, peut se trouver en concurrence avec d’autres dépositaires intermédiaires dans le cas d’une opération transfrontalière concernant des valeurs mobilières émises conformément à une législation autre que la législation allemande. Cela est, par ailleurs, conforme à la situation de concurrence potentielle existant sur le marché de la prestation de services de règlement transfrontalier, telle que présentée dans la communication COM (2004) 312 final (p. 5 et 6). Toutefois, le marché concerné par la décision attaquée est celui des valeurs mobilières émises conformément au droit allemand, qui sont en grande majorité conservées collectivement auprès de CBF en tant que banque de dépôt de valeurs mobilières. Ainsi, dans leur réponse à la communication des griefs du 30 mai 2003, reprise au considérant 30 de la décision attaquée, les requérantes ont déclaré :

« Seule la [banque de dépôt de valeurs mobilières] peut effectuer ce transfert de propriété. Dans cette mesure, la simple détention pour des tiers n’est pas suffisante, la participation d’une [banque de dépôt de valeurs mobilières] en tant que dépositaire final à la compensation et au règlement par le canal de dépositaires intermédiaires pour les certificats conservés collectivement va plus loin. »

64      Par ailleurs, il convient de rappeler que, si l’existence d’un rapport de concurrence entre deux services ne suppose pas une interchangeabilité parfaite pour un usage déterminé, la constatation d’une position dominante pour un service n’exige pas l’absence totale de concurrence d’autres services partiellement interchangeables, dès lors que cette concurrence ne met pas en cause le pouvoir de l’entreprise d’influencer notablement les conditions dans lesquelles cette concurrence se développera et, en tout cas, de se comporter dans une large mesure sans devoir en tenir compte et sans pour autant que cette attitude lui porte préjudice (arrêt Michelin/Commission, point 48 supra, point 48).

65      En l’espèce, les services fournis par CBF relèvent d’une demande et d’une offre spécifiques. En effet, les dépositaires intermédiaires se trouvent dans l’impossibilité de fournir leurs services s’ils ne disposent pas des services de CBF. Il résulte de la jurisprudence qu’un sous-marché qui a des caractéristiques spécifiques du point de vue de la demande et de l’offre et qui offre des produits occupant une place indispensable et non interchangeable dans le marché plus général duquel il fait partie doit être considéré comme un marché de produits distinct (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II‑1689, points 55 et 56).

66      Dans ce cadre, il suffit qu’un marché potentiel, voire hypothétique, puisse être identifié, ce qui est le cas dès lors que des produits ou des services sont indispensables pour exercer une activité donnée et qu’il existe, pour ceux-ci, une demande effective de la part d’entreprises qui entendent exercer cette activité. Il est donc déterminant que puissent être identifiés deux stades de production différents, liés en ce que le produit en amont est un élément indispensable pour la fourniture du produit en aval (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 avril 2004, IMS Health, C‑418/01, Rec. p. I‑5039, points 43 à 45, et arrêt Microsoft/Commission, point 47 supra, point 335).

67      Il résulte des considérations qui précèdent que les requérantes n’ont pas établi que la conclusion de la Commission selon laquelle il n’existe de substituabilité ni du côté de la demande ni du côté de l’offre (considérant 200 de la décision attaquée) était manifestement erronée.

68      La Commission n’ayant pas commis d’erreur manifeste dans l’identification des demandeurs et des prestataires des services, la distinction opérée entre les services primaires et les services secondaires de compensation et de règlement s’en trouve justifiée. Par ailleurs, les requérantes n’offrent aucune preuve de nature à infirmer l’appréciation portée en l’espèce par la Commission, fondée sur des renseignements recueillis directement auprès des opérateurs sur le marché ainsi qu’auprès des requérantes.

69      Il convient, à cet égard, de rejeter l’argumentation des requérantes fondée sur les traitements internalisés. Un traitement internalisé est un service qui est fourni par les dépositaires intermédiaires. Partant d’un marché divisé en services primaires et secondaires de compensation et de règlement, ce type de traitement fait partie des services secondaires et, en tant que tel, ne fait pas partie du marché en cause et ne fait pas l’objet de la décision attaquée. Il ressort des considérants 35 et 166 de la décision attaquée que les participants au marché considèrent les traitements internalisés comme des cas exceptionnels dus à des circonstances qui échappent à l’intermédiaire et qu’il n’en résulte pas une possibilité pour l’investisseur de choisir entre deux catégories de services. La Commission en conclut, à bon droit, que ces services internalisés ne constituent généralement pas une solution de substitution valable pour les services de compensation et de règlement primaires (considérants 164 à 168 de la décision attaquée).

70      Quant à la brochure Internalisation of Settlement produite par les requérantes, elle n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de leur thèse. Au contraire, elle confirme les constatations contenues dans la décision attaquée concernant les conditions qui doivent être remplies pour les traitements internalisés et contient une annexe regroupant les informations concernant les éventuelles restrictions à ce type de traitement dans différents pays et indiquant qu’en Allemagne la Börsenordnung (réglementation sur la bourse de Francfort‑sur‑le‑Main) impose que les services de compensation et de règlement soient fournis par un DCT et que le traitement internalisé relève d’une exception. En toute hypothèse, comme le rappelle la Commission, cette brochure ne concerne pas spécifiquement la situation en Allemagne et porte sur une période postérieure à celle en cause dans la décision attaquée.

71      En outre, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel l’article 16, paragraphe 2, de la Börsenordnung, cité par la Commission dans la décision attaquée (considérant 27), aurait été modifié et que, en toute hypothèse, il ne serait pas applicable aux transactions sur titres négociées de gré à gré en cause dans la présente affaire. En effet, il est constant entre les parties que cette modification est intervenue postérieurement à la période en cause dans la décision attaquée. De plus, cette référence ne servait dans la décision attaquée que d’exemple des règles boursières qui contribuent à renforcer la position de CBF en ce qui concerne les opérations en bourse en général.

72      En troisième lieu, il y a lieu de rejeter comme non fondé l’argument des requérantes tiré de ce que la Commission n’aurait fait aucune constatation quant aux rapports de concurrence existant réellement entre dépositaires finals et intermédiaires dans le domaine des services de compensation et de règlement. En effet, ces rapports de concurrence sont examinés par la Commission tout au long de son analyse économique et notamment, eu égard aux considérations qui précèdent, dans la partie qui concerne la question de la substituabilité du côté de l’offre et de la demande. En outre, comme elle l’indique elle-même, la Commission a, aux considérants 176 à 189 de la décision attaquée, tenu compte de l’argumentation d’EB et du bref exposé de la Bundesbank lors de l’audition.

73      Sur la base de l’ensemble des éléments qui précèdent, il convient de constater que les requérantes n’ont pas établi que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant que le marché en cause était celui de la fourniture, par CBF, aux intermédiaires comme les DCT et les DCIT, des services de compensation et de règlement primaires pour les valeurs mobilières émises selon le droit allemand, sur lequel CBF détient un monopole de fait et est donc un partenaire commercial incontournable.

74      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

2.     Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence d’abus de position dominante

75      Ce moyen s’articule en deux branches. Premièrement, les requérantes soutiennent qu’elles n’ont pas abusivement refusé à EB l’ouverture de l’accès à Cascade RS et qu’EB n’a subi aucune discrimination abusive. Deuxièmement, elles font valoir que les prix appliqués à EB n’étaient pas discriminatoires.

 Sur la première branche, tirée d’une absence de refus abusif d’accès et de discrimination abusive de la part des requérantes

 Arguments des parties

76      Les requérantes contestent avoir refusé abusivement à EB l’accès à Cascade RS. Elles soutiennent que la préparation et la négociation de l’ouverture de l’accès avaient été particulièrement difficiles pour des raisons relevant d’EB. Tout d’abord, entre août 1999 et janvier 2000, seules des discussions préliminaires auraient eu lieu, EB ayant demandé l’accès le 28 janvier 2000 seulement. Ensuite, entre février et novembre 2000, l’ouverture de l’accès à la date prévue aurait échouée à cause de l’impréparation d’EB. Enfin, entre décembre 2000 et novembre 2001, les négociations relatives à l’ouverture de cet accès auraient été difficiles en raison de la réorganisation des relations commerciales et économiques entre les requérantes et EB.

77      Les requérantes estiment que la Commission s’appuie sur une compréhension erronée du système de traitement des actions nominatives par CBF. Ainsi, la décision attaquée ne ferait pas état de l’une des deux fonctions de règlement de Cascade RS. En outre, la Commission oublierait qu’il existe des accès séparés pour Cascade et pour Cascade RS nécessitant des données différentes, celles relatives au règlement devant être transmises à Cascade et celles relatives à l’actionnaire à Cascade RS. Les requérantes ajoutent que, dans les deux cas, cette transmission peut se faire manuellement ou de manière automatisée et qu’il appartient au dépositaire intermédiaire concerné de choisir les modes d’accès à établir.

78      Il ressortirait clairement des courriels des 3 août et 29 octobre 1999 et du 31 janvier 2000, cités par la Commission, qu’EB voulait transmettre les données relatives au règlement pour les actions nominatives, par l’intermédiaire de l’accès à Cascade (Actions nominatives), de façon entièrement automatisée, et les données relatives à l’actionnaire, par l’intermédiaire de l’accès à Cascade RS, manuellement, et ce même si un accès manuel à Cascade avait aussi été proposé et aurait pu être ouvert immédiatement. La Commission n’aurait fait de distinction ni entre ces deux types d’accès ni entre l’accès manuel à Cascade RS et sa fonction additionnelle « Power of Attorney », qui ne présupposerait aucune transmission de données relatives à l’actionnaire par l’utilisateur, puisqu’il s’agirait d’un enregistrement automatisé par Cascade RS lui-même.

79      Les requérantes font valoir qu’elles avaient déjà invoqué ces arguments dans le cadre de la procédure administrative, notamment par les mémoires du 1er décembre 2003, dont des extraits sont produits en annexe à la réplique, et du 30 mai 2003. Les courriels mentionnés corroboreraient aussi l’argument des requérantes selon lequel il aurait été possible pour EB, déjà avant mars 2002, d’obtenir un accès automatisé à Cascade RS. Elles précisent, en outre, que la fonction « Power of Attorney » et l’enregistrement automatisé ne sont pas synonymes d’accès pour la transmission des données des actionnaires.

80      L’établissement de la combinaison des deux accès demandés par EB serait une des causes de la complexité technique de la préparation de l’ouverture à EB d’un accès au système de traitement de CBF. En effet, un accès entièrement automatisé demanderait des modifications importantes dans les systèmes informatiques, des préparations approfondies et de nombreuses séries de tests. Pour cette raison et afin de permettre aux dépositaires intermédiaires la planification et la préparation, CBF procéderait à l’établissement et aux modifications des accès automatisés uniquement à des dates de lancement précises deux fois par an. EB aurait visé les dates de lancement d’avril ou de septembre 2000.

81      Il ressortirait également des courriels échangés entre EB et CBF que c’est en raison d’un manque de préparation d’EB que l’ouverture de l’accès en question n’a pas été possible aux deux dates de lancement prévues. À cet égard, les requérantes soutiennent que même la Commission reconnaît qu’EB avait constaté que, après avril 2000, la date la plus proche possible pour l’ouverture de l’accès pour CBF était septembre 2000. EB aurait souhaité ainsi repousser non seulement l’automatisation dite « RTS » (règlement en temps réel), mais aussi l’établissement de l’accès entièrement automatisé pour la transmission des données relatives au règlement dans le but qu’ils soient établis ensemble. En septembre 2000, CBF aurait effectué tous les tests et les préparatifs (notamment une formation des collaborateurs d’EB le 11 septembre 2000, dont la documentation est produite en annexe à la réplique) et aurait ouvert et mis à la disposition d’EB pendant cinq jours ouvrables un accès correspondant à sa demande, ce qu’EB aurait également reconnu. Selon les requérantes, cette ouverture d’accès est demeurée sans suite parce qu’EB n’a pas réussi à terminer à temps les préparatifs nécessaires. L’ouverture extraordinaire prévue pour le 30 octobre 2000 aurait échoué pour la même raison et EB l’aurait à reportée au 1er décembre 2000.

82      Selon les requérantes, la Commission ne tient pas non plus compte du fait que la pratique suivie par CBF pendant la période en cause visant à faire inscrire le nom de l’acquéreur de l’action nominative (propriétaire économique) dans le registre des actions de l’émetteur au lieu de celui du fiduciaire à droit absolu ou du fiduciaire à mandat (propriétaire juridique / nominee) posait un sérieux problème à EB. Cela ressortirait des différents courriels cités par la Commission ainsi que du comportement d’EB après l’ouverture de l’accès, qui n’aurait pas fait usage de l’accès manuel à Cascade RS et n’aurait pas transmis les données relatives aux actionnaires.

83      Au soutien des arguments concernant les types des deux accès qu’EB aurait demandés à CBF, son refus de faire inscrire les actions nominatives au nom du propriétaire économique et la responsabilité d’EB pour l’échec de l’ouverture d’accès, les requérantes ont présenté, comme offre de preuve, le témoignage du chef du service « Compensation et règlement » de CBF à l’époque des faits.

84      Ensuite, les requérantes soutiennent que, entre décembre 2000 et novembre 2001, la négociation sur l’ouverture de l’accès était liée à la négociation d’autres questions entre CBF et EB. Notamment, CBF aurait reporté d’octobre à novembre 2001 l’ouverture de l’accès à EB en réponse au rejet de sa demande d’accès à Euroclear France pour tous les titres français. CBF aurait agi sur une base dite « donnant donnant » et non de manière abusive. Dans leur réponse à la demande de renseignements de la Commission, les requérantes n’auraient pas mentionné ce problème, parce que la question posée concernerait les DCT et non les DCIT. Par ailleurs, l’argumentation de la Commission sur ce point serait contradictoire.

85      Contrairement à ce qu’affirmerait la Commission, les questions des rémunérations et de l’élargissement des prestations spéciales seraient en relation étroite avec l’accès d’EB au système de CBF et auraient été perçues ainsi par les deux sociétés. Dans une note interne du 15 mars 2001, invoquée par les requérantes et jointe en annexe par la Commission au mémoire en défense, EB aurait même laissé entendre que l’accès devait être utilisé seulement comme argument en relation avec les négociations sur les prix. La Commission aurait aussi reconnu que, dans les négociations, EB poursuivait plusieurs buts simultanément. Dans ce cadre, EB se serait opposée uniquement à l’inclusion de la question de la modification de l’accord Bridge.

86      Le réaménagement complet des relations économiques complexes et réciproques entre CBF et EB aurait été souhaité par EB. Les requérantes fondent cette thèse sur les documents concernant les réunions entre les deux sociétés du 23 octobre 2000 et du 21 mars 2001. Elles font valoir, à cet égard, que la Commission ne conteste pas le contenu du courrier relatif à la première réunion. En outre, la renégociation s’imposerait d’un point de vue commercial et serait donc objectivement justifiée. Les requérantes font aussi valoir que les discussions sur toutes ces questions avaient été entamées à la même période. Dans ces circonstances, il ne saurait leur être reproché d’avoir voulu faire valoir leurs propres intérêts lors de ces discussions ni d’avoir fait preuve d’atermoiement à l’égard d’EB.

87      Les requérantes soutiennent qu’il n’y a eu d’entrave abusive ni du point de vue de l’intention d’entraver, ni du point de vue de l’effet d’entrave. Premièrement, même si l’on admettait qu’elles avaient retardé l’ouverture de l’accès, cela ne justifierait pas que leur soit reproché un abus au sens de l’article 82 CE, puisqu’elles n’auraient poursuivi aucun but anticoncurrentiel. Ainsi, la Commission n’invoquerait aucun indice qui pourrait justifier sa conclusion selon laquelle les requérantes auraient reporté l’ouverture de l’accès afin d’empêcher un concurrent de CBL de fournir efficacement ses services. En réalité, CBL aurait obtenu l’ouverture du même accès bien plus tard qu’EB, en mars 2002.

88      Deuxièmement, quant à l’effet de l’entrave, les requérantes estiment qu’il y a un abus de position dominante uniquement quand les possibilités concurrentielles de l’entreprise prétendument entravée ont été ou peuvent être considérablement affectées. Un retard dans la conclusion d’un acte ne pourrait équivaloir à un refus de conclure que s’il lui équivalait dans son effet restrictif. Il devrait au moins être susceptible d’empêcher ou d’entraver durablement l’accès des concurrents au marché dominé ou de les éliminer du marché. Par ailleurs, la référence aux décisions antérieures de la Commission dans la décision attaquée ne serait pas pertinente, puisque, contrairement à la présente affaire, celles-ci seraient fondées sur cet effet restrictif qualifié. Au regard de ces critères, les requérantes n’auraient pas agi de façon abusive au sens de l’article 82 CE.

89      Un tel désavantage concurrentiel pour EB ne serait, en effet, pas démontré par la Commission. En réalité, EB et CBL disposeraient en Europe dans la plupart des cas d’accès indirects aux DCT. L’intermédiation se ferait même à de multiples niveaux, ces niveaux se faisant, au moins potentiellement, concurrence. Un accès indirect ne constituerait visiblement pas un désavantage concurrentiel. Même la différence de prix n’aurait pas d’influence sur la décision d’un dépositaire intermédiaire d’opter pour un accès direct ou indirect à CBF.

90      En outre, la Commission se serait erronément fondée sur l’importance des actions nominatives en Allemagne, au lieu de prendre en compte l’importance des actions nominatives allemandes pour EB. Elle n’aurait pas tenu compte du fait qu’EB effectue des compensations et des règlements exclusivement pour des transactions commerciales sur titres négociés de gré à gré et surtout dans le cadre du commerce d’emprunts. Dans ce type de commerce et spécialement dans les activités d’EB, les actions nominatives allemandes seraient pratiquement insignifiantes et ne seraient pas des éléments indispensables dans sa proposition d’un service complet de compensation et de règlement. Certes, la part des transactions d’EB chez CBF aurait augmenté depuis qu’EB a pu faire inscrire des propriétaires juridiques à la fin de 2002. Cependant, la part des actions nominatives d’EB déposées chez CBF, qui aurait été de 1 % en 2002, aurait baissé à 0,24 % en 2004. En outre, le chiffre avancé de 9,2 millions de dollars des États-Unis (USD) d’économie de frais de transaction sur les actions nominatives qu’un passage à l’accès direct aurait pu procurer à EB serait invraisemblable.

91      Enfin, les requérantes font valoir qu’EB n’a subi aucune discrimination de la part de CBF. Elles soutiennent que les dépositaires centraux autrichien et français ont obtenu leur accès plus rapidement parce qu’ils voulaient des accès manuels qui pouvaient être ouverts à tout moment et relativement vite. Quant à CBL, elle aurait, au moment de l’ouverture de son accès, déjà procédé à tous les préparatifs techniques nécessaires. À cet égard, les requérantes ajoutent que, pour comparer le temps écoulé entre la demande et l’ouverture de l’accès, ce n’est pas la comparabilité des services fournis qui doit être prise en compte, mais uniquement le type d’accès, les dates d’établissement qui en découlent et les problèmes techniques éventuellement posés.

92      La Commission conteste ces arguments et maintient les conclusions retenues dans la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

93      Il convient d’observer, à titre liminaire, qu’il résulte d’une jurisprudence constante que, si le juge communautaire exerce, de manière générale, un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d’application des règles de concurrence se trouvent ou non réunies, le contrôle qu’il exerce sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission doit, toutefois, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt Microsoft/Commission, point 47 supra, point 87, et la jurisprudence citée).

94      De même, pour autant que la décision de la Commission soit le résultat d’appréciations techniques complexes, celles-ci font en principe l’objet d’un contrôle juridictionnel limité, qui implique que le juge communautaire ne saurait substituer son appréciation des éléments de fait à celle de la Commission (voir arrêt Microsoft/Commission, point 47 supra, point 88, et la jurisprudence citée).

95      Cependant, si le juge communautaire reconnaît à la Commission une marge d’appréciation en matière économique ou technique, cela n’implique pas qu’il doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de cette nature. En effet, le juge communautaire doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt Microsoft/Commission, point 47 supra, point 89, et la jurisprudence citée).

96      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les différents arguments invoqués par les requérantes.

–       Sur la date de la demande d’accès

97      La décision attaquée fait mention, et les reproduit, de certains passages des courriers échangés entre EB et CBF durant la période en question. Certes, il y a lieu de constater qu’aucun de ces courriers ne fait ressortir une demande formelle d’EB d’accès à CBF. Ainsi, le courriel du 3 août 1999, que la Commission considère comme étant la demande d’accès à Cascade RS effectuée par EB, indique qu’EB a posé des questions techniques et demandé des renseignements concernant les démarches à suivre afin d’établir cet accès. EB y pose, notamment, la question de la manière de mettre cet accès direct en œuvre dans la pratique. Toutefois, il ressort de la lecture de cet extrait de courriel que de nombreuses discussions ont eu lieu entre les deux sociétés quant à l’accès d’EB et que celles-ci pouvaient l’amener à penser qu’il n’était pas nécessaire de faire une demande formelle. Par ailleurs, à la suite de la relance d’EB par courriel du 24 septembre 1999, la réponse de CBF du 19 octobre 1999 va dans ce sens, dès lors que celle-ci y aborde les conditions techniques pour l’ouverture de l’accès concernant le transfert des données relatives aux actionnaires. En outre, dans le courrier du 20 septembre 1999, EB note que plusieurs de ses demandes étaient restées sans réponse, notamment s’agissant de la liaison directe avec Cascade RS.

98      En ce qui concerne l’argumentation des requérantes selon laquelle cette demande d’accès aurait été faite lors de la réunion du 28 janvier 2000, elle n’est pas convaincante. En effet, il ressort du compte rendu de cette réunion que les deux sociétés y avaient plutôt discuté les modalités de l’ouverture de l’accès, ce qui laisse supposer qu’elles considéraient que la demande d’accès avait d’ores et déjà été valablement formée. Cela est confirmé par le courrier du 3 février 2000, qui mentionne qu’EB a estimé que la dernière réunion entre les deux sociétés leur avait permis de « commencer à avancer » sur la question de l’accès à certains services, notamment l’accès à Cascade RS et l’automatisation RTS.

99      Il ressort de ce qui précède que la Commission a pu valablement déduire sur la base de la correspondance entre EB et CBF qu’une demande d’accès avait été effectuée le 3 août 1999.

–       Sur les prétendues erreurs d’interprétation de la Commission quant aux types d’accès demandés par EB

100    Premièrement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’a pas considéré au considérant 48 de la décision attaquée qu’il n’existait qu’un seul accès au système de traitement de CBF pour les actions nominatives. Au contraire, il ressort de la décision attaquée que la Commission a évoqué l’accès au sous-système Cascade RS, qu’elle a bien distingué du système Cascade, et qu’elle a fait la différence entre les deux types d’accès possibles, l’accès manuel (appelé aussi « en ligne ») et l’accès automatisé (considérants 46 et 48 de la décision attaquée).

101    Deuxièmement, les requérantes font valoir que la Commission a procédé à une interprétation erronée des courriels échangés entre les parties. Une interprétation correcte de ceux-ci démontrerait que le problème principal n’était pas la demande d’accès manuel à Cascade RS, mais la demande d’accès automatisé à Cascade ainsi que la combinaison demandée des deux accès. Leur argumentation est fondée principalement sur une interprétation des courriels en cause différente de celle retenue par la Commission.

102    Il ressort de la décision attaquée que la question analysée lors de la procédure administrative avait été celle de l’accès direct à Cascade RS, étant donné qu’EB bénéficiait déjà d’un accès à Cascade pour les actions au porteur et qu’à ce point elle avait demandé un accès direct à CBF pour les actions nominatives. La décision attaquée est ainsi fondée sur la constatation qu’EB avait demandé l’accès direct à Cascade RS, que CBF lui avait répondu qu’un accès manuel pouvait être ouvert assez facilement et que l’accès finalement obtenu le 19 novembre 2001 était manuel. La Commission en a déduit qu’EB a attendu plus de deux ans pour obtenir un accès qui, selon CBF, pouvait être établi facilement.

103    En opérant une telle constatation, la Commission a retenu une interprétation correcte des courriers échangés entre les parties. En effet, si, ainsi que le soutiennent les requérantes, pour accéder aux services de compensation et de règlement primaires pour les actions nominatives, EB devait obtenir, outre son accès automatisé déjà existant à Cascade pour les actions au porteur et un accès manuel à Cascade RS, un autre accès à Cascade pour les actions nominatives et si une telle combinaison représentait un problème pour CBF, il aurait été raisonnable, dans le cadre d’une négociation ouverte entre les deux sociétés, de le signaler à EB, voire de lui proposer éventuellement une solution alternative, et ce d’autant plus qu’EB demandait dans son courriel du 3 août 1999 comment elle pouvait « dans la pratique mettre en oeuvre cet accès direct ».

104    Or, il y lieu d’observer, sur la base de la correspondance échangée entre les deux sociétés, que CBF n’a, à aucun moment, fait part à EB d’un éventuel problème lié à l’ouverture de deux accès séparés, l’un manuel et l’autre automatisé. En effet, l’accès séparé à Cascade n’est jamais mentionné et l’entière négociation entre les requérantes et EB porte sur la question de l’accès à Cascade RS. Quand, dans le courriel du 19 octobre 1999 (considérant 52 de la décision attaquée), CBF mentionne les modifications importantes du système et les analyses nécessaires pour une liaison automatisée, elle répond aux interrogations d’EB concernant l’automatisation RTS. En revanche, dans le même courriel, CBF déclare aussi, concernant l’accès direct à Cascade RS, qu’un accès manuel peut être établi assez facilement. Les requérantes mentionnent les différents types d’accès à Cascade et à Cascade RS uniquement dans leur réponse à la Commission du 1er décembre 2003, c’est-à-dire une fois l’accès à Cascade RS accordé. De plus, les requérantes se limitent à les mentionner (dans le texte et dans un schéma annexé) mais ne font pas valoir qu’un accès en particulier ou la combinaison des deux représentait pour elles un problème.

105    De plus, il ressort du considérant 256 de la décision attaquée que lors de la procédure administrative les requérantes considéraient qu’EB disposait déjà d’un accès en ligne à Cascade en août 1999 et que l’ouverture d’un accès en ligne à Cascade RS aurait suffi à mettre EB en mesure de traiter des actions nominatives directement par CBF. Elles avaient, en outre, déclaré qu’à l’époque de l’ouverture de l’accès à Cascade RS à EB celui-ci « n’était possible que manuellement [...] pour des raisons techniques » (considérant 258, quatrième tiret, de la décision attaquée) et n’ont fait mention d’aucun problème lié à l’accès automatisé à Cascade ou à la combinaison des deux accès. Par ailleurs, la note annexée à la lettre de CBF du 24 mai 2002, intitulée « Processing of registered shares in Germany », que la Commission a jointe au mémoire en défense, décrit le processus de traitement des actions nominatives et se réfère uniquement à Cascade RS.

106    En toute hypothèse, même si l’accès à Cascade RS s’effectue techniquement par deux entrées, cela ne pouvait pas changer l’appréciation des faits établis lors de la procédure administrative. Les explications des requérantes selon lesquelles l’accès automatisé nécessitait des modifications importantes dans les systèmes informatiques, des préparations approfondies et de nombreuses séries de tests et, par conséquent, ne pouvait être ouvert que deux fois par an ne peuvent valablement justifier deux ans d’attente pour un lien qui relève de la pratique courante de CBF et que cette dernière ouvre normalement en l’espace de quelques mois. À titre de comparaison, CBL avait, selon les requérantes, demandé exactement la même combinaison qu’EB et a obtenu l’accès en quatre mois seulement. Les requérantes affirment que cela a été possible parce que CBL avait procédé à tous les préparatifs nécessaires à l’ouverture. Or, cette explication contredit la thèse des requérantes selon laquelle il aurait été difficile de faire droit, dans des délais raisonnables, à la demande d’accès d’EB à cause de sa demande spécifique de combinaison de deux accès séparés. En outre, les requérantes font valoir elles-mêmes que les modes d’accès peuvent être combinés à volonté et que c’est le client qui choisit quel type d’accès à CBF il veut obtenir.

107    Les requérantes font aussi valoir qu’un accès manuel à Cascade avait été proposé et qu’il aurait pu être installé immédiatement. Cependant, comme le fait remarquer la Commission, elles n’apportent aucun élément de preuve à cet égard. Les extraits de la correspondance entre les deux sociétés ne le font aucunement ressortir non plus. Par conséquent, c’est à juste titre que la Commission a estimé que les requérantes ne pouvaient valablement soutenir qu’elles avaient offert un accès manuel à Cascade et qu’EB l’avait refusé en insistant sur un accès automatisé (considérant 258, premier tiret, de la décision attaquée).

108    Quant à l’argument des requérantes concernant la fonction additionnelle de Cascade RS « Power of Attorney », celui-ci n’est pas pertinent. En effet, l’accès qui a été accordé en novembre 2001 à EB était manuel et la fonction « Power of Attorney » n’a été disponible qu’à partir de mars 2002. Par conséquent, celle-ci ne permet pas de remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par la Commission.

109    Enfin, il en va de même de l’argument tiré de la fonction de règlement de Cascade RS. Il s’agit en effet d’une précision technique qui n’avait pas été mentionnée dans la correspondance entre les deux sociétés et qui, partant, même établie, n’est pas susceptible de remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par la Commission.

110    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à juste titre que la Commission a estimé, sur la base de la correspondance entre les deux sociétés ainsi que des informations qui lui avaient été fournies lors de la procédure administrative, qu’EB avait demandé l’accès à Cascade RS et qu’elle n’insistait pas sur un type d’accès spécifique.

111    Dans ces conditions, cette argumentation des requérantes ne peut pas être accueillie.

–       Sur l’argumentation selon laquelle EB n’aurait pas procédé à tous les préparatifs nécessaires à l’ouverture de l’accès

112    Les différents arguments avancés par les requérantes et tendant à justifier l’absence d’ouverture de l’accès à EB à une date antérieure du fait que cette dernière n’aurait pas effectué tous les préparatifs nécessaires ne sont pas convaincants.

113    Premièrement, il en est ainsi de l’argument tiré de la possibilité d’ouverture d’un accès automatisé uniquement aux dates de lancement, c’est-à-dire deux fois par an, au printemps et en automne. D’une part, le principe des dates de lancement est, selon les requérantes elles-mêmes, lié à l’accès automatisé qui, sur la base de considérations précédentes, n’était pas déterminant en l’espèce. D’autre part, ce principe ne ressort pas de la correspondance reproduite dans la décision attaquée. S’il est vrai que, comme le soutiennent les requérantes, le vice-président d’EB a écrit que pour CBF la prochaine date possible après avril 2000 était seulement septembre 2000 (courriel du 31 janvier 2000), il apparaît qu’après septembre 2000 le principe des dates de lancement a été complètement abandonné. Ainsi, les dates suivantes envisagées étaient celles du 30 octobre et du 4 décembre 2000. En outre, par courriels du 30 septembre et du 13 octobre 2000, CBF avait invité EB à lui communiquer la date à laquelle elle considérait pouvoir être prête pour l’ouverture, et ce, respectivement, trois semaines ou quinze jours avant cette date. Aucune limitation en termes de dates de lancement n’y est mentionnée. À titre d’exemple, dans son message à CBF du 4 décembre 2000, qui était la date arrêtée pour l’ouverture d’accès mais qui n’a pas été respectée par CBF, EB écrit qu’il était possible qu’elle soit forcée de reporter ce lancement au début de l’année suivante. Finalement, EB a obtenu l’accès le 19 novembre 2001.

114    Si les expressions « date de lancement » ou « lancement » reviennent souvent dans la correspondance entre les deux sociétés, c’est comme des synonymes de la date d’ouverture de l’accès. Il convient dès lors d’analyser si EB a fait tout ce qui était nécessaire pour l’ouverture de l’accès indépendamment du principe des dates de lancement, telles qu’exposées par les requérantes, à savoir limitées à deux possibilités par an.

115    Deuxièmement, les requérantes soutiennent que le retard est dû à l’opposition d’EB à la pratique de CBF pendant la période en cause consistant à faire inscrire l’acquéreur de l’action nominative dans le registre des actions de l’émetteur au lieu du nom du propriétaire juridique. Dans la décision attaquée (considérant 255), la Commission a considéré que les requérantes n’avaient pas prouvé que les commentaires d’EB concernant ses préférences quant au mécanisme d’inscription étaient de nature à empêcher ou à retarder l’octroi d’un accès direct à Cascade RS. Il convient d’ajouter à cet égard qu’il ne s’agissait pas uniquement des commentaires d’EB, mais également de ceux de CBF. En effet, il est avéré que CBF avait aussi mentionné ce problème, notamment dans son courriel du 19 octobre 1999 où elle précise que, pour avoir directement accès au système, EB devait accepter d’entrer toutes les données personnelles de chaque propriétaire bénéficiaire et/ou investisseur. En outre, il ressort du compte rendu de la réunion du 28 janvier 2000 entre les deux sociétés (courriel du 31 janvier 2000) que cette question y avait été débattue et qu’EB a proposé une solution que CBF ne semble pas avoir refusée. Par ailleurs, les requérantes reconnaissent que, même durant la période qui a suivi l’ouverture de l’accès à EB et jusqu’à la création de la fonction « Power of Attorney » qui a résolu ce problème en 2002, EB n’a pas fait usage de l’accès manuel à Cascade RS pour les données relatives aux actionnaires et n’a pas transmis ces données. Or, comme le fait valoir à juste titre la Commission, ce fait prouve que l’ouverture d’accès était possible sans que la question de l’inscription du propriétaire juridique soit résolue.

116    Troisièmement, quant à l’argument selon lequel EB aurait repoussé les ouvertures d’accès prévues pour avril, septembre et octobre 2000, ces questions sont longuement analysées dans la décision attaquée. Ainsi, en premier lieu, c’est à juste titre que la Commission a estimé qu’il ne ressortait aucunement du courriel du 31 janvier 2000 qu’EB n’était pas prête pour l’ouverture en avril. Cette dernière y indique simplement que, après avril, la prochaine date de lancement possible pour CBF est septembre. Quand, dans son courriel du 31 mars 2000, elle écrit qu’au stade actuel, elle n’est pas en mesure de faire le lancement en avril, elle se réfère uniquement au système RTS et non à l’accès à Cascade RS. Par ailleurs, dans sa réponse du 3 avril 2000, CBF marque son accord pour repousser le lancement de l’automatisation RTS tout en demandant si, en ce qui concerne l’accès direct à Cascade RS, leur engagement concernant le lancement de septembre 2000 tenait toujours (considérants 57, 59 et 60 de la décision attaquée). L’argument des requérantes selon lequel EB avait fait savoir dans le courriel du 31 janvier 2000 qu’elle souhaitait mettre la liaison en œuvre en même temps que l’automatisation RTS et que par conséquent elle voulait repousser les deux ensemble est donc en contradiction avec la compréhension de la situation que CBF avait à l’époque des faits.

117    En deuxième lieu, l’argument des requérantes selon lequel CBF avait effectué les préparatifs (notamment une formation chez EB) et ouvert un accès à Cascade RS le 18 septembre 2000 qu’EB n’aurait pas pu utiliser parce qu’elle n’aurait pas terminé à temps les préparatifs n’apparaît pas convaincant non plus. Certes, il est vrai que, dans son courriel du 12 septembre 2000 à EB, CBF s’est positionnée à « quelques jours avant qu’[EB ne] commence à utiliser Cascade RS ». Toutefois, elle a posé la question de savoir à quelle date EB commencerait à utiliser Cascade RS et à quelle date le compte prévu serait disponible pour les actions nominatives. EB a répondu par courriel du 15 septembre 2000 que le transfert était envisagé pour le 30 octobre, mais qu’il pourrait être repoussé. En outre, un message interne du 19 septembre 2000 d’EB mentionne cet accès non actif qui devrait être fermé jusqu’à la « date du lancement véritable » (considérants 62 à 64 de la décision attaquée). Il en résulte que le raisonnement de la Commission, selon lequel l’accès ouvert le 18 septembre 2000 n’était pas un accès actif, et donc opérationnel en ligne, à Cascade RS, et qu’il a été accordé de façon inattendue, est correct. Les requérantes soutiennent aussi qu’EB avait fait comprendre qu’elle pouvait tenir le délai de septembre. Pourtant, comme le fait observer la Commission, elles ne fournissent aucun élément de preuve en ce sens. À cet égard, la présentation Powerpoint pour la formation du personnel d’EB du 11 septembre 2000 et l’échange des courriels qui a suivi prouvent uniquement que cette formation a eu lieu, fait que la Commission ne conteste pas, mais ils ne permettent pas de déduire qu’EB avait été informée d’une date précise pour l’ouverture de son accès.

118    En outre, à la suite de l’échec de cette ouverture, CBF a fait part à EB de certaines conditions à remplir avant une ouverture d’accès, notamment l’information des clients et l’indication par EB de la date prévue trois semaines ou quinze jours à l’avance (respectivement par courriels du 30 septembre et du 13 octobre 2000, repris aux considérants 65 et 67 de la décision attaquée). Or, ces conditions n’étaient pas remplies avant l’ouverture d’accès de septembre 2000. En toute hypothèse, ainsi que le soutient la Commission et eu égard au point 117 ci-dessus, un tel accès ne pourrait pas être considéré comme opérationnel.

119    En troisième lieu, la Commission reconnaît que, si l’accès n’a pas pu être ouvert à la date du 30 octobre 2000, c’est bien parce qu’EB n’était pas prête, mais soutient avoir pris cet élément en compte dans la décision attaquée. En effet, il ressort de la décision attaquée que, le 16 octobre 2000, EB a informé CBF qu’elle ne serait pas prête pour le lancement du 30 octobre, mais qu’elle le serait probablement pour décembre 2000. Par courriel du 15 novembre 2000, conformément au préavis demandé, elle a confirmé que l’accès pourrait être ouvert le 4 décembre 2000 (considérants 68 et 69 de la décision attaquée). Sur la base de ces informations, la Commission a constaté que ce report d’un mois avait été souhaité par EB. C’est toutefois à juste titre qu’elle considère que cette circonstance n’a pas mis un terme au comportement dilatoire de CBF, qui a d’ailleurs perduré jusqu’au 19 novembre 2001 (considérant 264 de la décision attaquée).

120    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que, tout en tenant compte du report d’un mois souhaité par EB, celle-ci n’avait toujours pas obtenu l’accès à Cascade RS plus d’un an après sa demande, et ce sans que les requérantes aient fourni des éléments de justification concluants. Par conséquent, leur argumentation ne saurait être accueillie.

–       Sur l’argumentation tirée de la renégociation des relations contractuelles entre les requérantes et EB

121    La nouvelle date fixée pour l’ouverture d’accès était le 4 décembre 2000. Le 17 novembre 2000, à la suite d’une conversation téléphonique entre les responsables du projet des deux sociétés lors de laquelle CBF a informé EB que l’accès ne pourrait pas être donné à temps, EB a écrit à CBF lui demandant de plus amples informations sur les raisons de ce refus (considérant 73 de la décision attaquée).

122    C’est à la suite de ce courriel que CI est entrée dans les négociations entre EB et CBF. En effet, le 1er décembre 2000, CI a adressé une télécopie à EB en se référant à leurs discussions et à leurs négociations d’alors concernant la demande de cette dernière d’ajuster les commissions applicables aux services de règlement qui lui étaient fournis par CBF. Dans cette télécopie (considérant 74 de la décision attaquée), il est indiqué ce qui suit :

« Dans ces conditions, j’ai le plaisir de vous informer que nous sommes disposés en principe à signer un accord avec EB qui concerne non seulement la question de notre analyse des processus actuels de règlement, mais qui prend également en considération votre demande de réduction des commissions et de services additionnels. Par conséquent, nous devons négocier un nouvel accord. Nous devrions également saisir cette occasion pour examiner les demandes que nous adressons à [EB] et les nouveaux services que nous en attendons. Les négociations devraient commencer aussitôt que possible pour pouvoir être conclues avec succès pour le milieu de l’année prochaine. »

123    Le message du 4 décembre 2000 d’EB à CBF (considérant 75 de la décision attaquée) se lit comme suit :

« Voici maintenant deux semaines que nous essayons d’être fixés en ce qui concerne notre accès à Cascade RS. Malgré de nombreux [appels téléphoniques] et messages, nous n’avons reçu aucune information sur les raisons du retard ni sur la date à laquelle nous devrions normalement avoir accès à Cascade RS […] Nous avons été surpris par la décision de CBF de reporter notre accès à Cascade RS alors que nous avions donné le préavis de deux semaines comme elle l’avait demandé et qu’elle nous avait donné un premier feu vert. Nous sommes maintenant préoccupés par le fait que nous ne recevons pas d’informations concernant les raisons de ce retard ni sur le temps estimé dont vous aurez besoin pour résoudre les ‘problèmes techniques’ que vous rencontrez. »

124    Par courrier du 22 janvier 2001, EB a écrit à CI qu’elle avait « également été informé[e] en décembre dernier que [CBF] avait changé d’avis et [que,]en fin de compte, elle ne donnerait pas à [EB] accès à son système d’actions nominatives, qui est toutefois ouvert à d’autres clients de [CBF] ». EB estimait, en outre, qu’il s’agissait là d’une forme de discrimination qui affectait sa capacité de fournir des services à ses clients (considérant 78 de la décision attaquée).

125    Dans une télécopie du 24 janvier 2001 à EB (considérant 79 de la décision attaquée), CI a contesté le reproche d’une quelconque discrimination. Elle y mentionne aussi une réunion du 23 octobre 2000 entre les deux sociétés lors de laquelle la question de la comparaison des commissions d’EB avec les commissions payées par les banques allemandes avait été examinée. On y lit aussi ce qui suit :

« En ce qui concerne le système d’actions nominatives de CBF, nous sommes prêts à l’inclure dans nos prochaines négociations. Toutefois, nous faisons observer que le service des actions nominatives est proposé par plusieurs fournisseurs et que, par conséquent, CBF ne détient pas une position exclusive sur le marché allemand. Une fois encore, nous vous prions de noter que [CBL] n’a pas non plus d’accès direct au système des actions nominatives de CBF. Là encore, votre accusation de discrimination est sans fondement […] En ce qui concerne votre demande spécifique visant à résoudre la question de la réduction de la commission et la question du service des actions nominatives, nous pourrions entamer la renégociation globale du contrat (y compris votre demande de réduction de la commission et de services supplémentaires) début mars […] »

126    Dans cette même télécopie, CI a écrit que, « [a]u cours de [la] réunion du 23 octobre 2000, [EB et elle-même s’étaient] engagé[e]s à renégocier ensemble un nouveau contrat de liaison qui résoudra[it] les problèmes qui se pos[aient] dans le présent contrat et à examiner [la] demande [d’EB] de réduction des commissions dans la mesure voulue », que « [l]’engagement [d’EB] d’engager des négociations [avait] été ratifié […] dans [ses] lettres » et que « [c]es deux lettres […avaient] confirmé [qu’EB] compren[ait] que cette question de la réduction des commissions faisait partie de la négociation globale du nouveau contrat et que [ces] deux lettres n’étaient assorties d’aucunes autres conditions ». En ce qui concerne la demande spécifique d’EB de résoudre la question de la réduction des commissions, CI a indiqué qu’elle était disposée à entamer la renégociation globale du contrat au début du mois de mars (considérant 113 de la décision attaquée).

127    Le 10 juillet 2001, CBF a indiqué par téléphone à EB qu’elle n’avait pas de problème en ce qui concerne l’accès direct au règlement des actions nominatives dès lors que, de son côté, Sicovam (alors le DCT français) ouvrait la liaison à CBF pour un nombre plus important d’actions françaises (considérant 82 de la décision attaquée).

128    Une note interne d’EB du 15 mars 2001, jointe en annexe au mémoire en défense, contient la stratégie à suivre par celle-ci lors de la réunion avec CBF du 21 mars 2001. On peut y lire notamment que, pour EB, l’objectif à l’origine des discussions avec CBF était la renégociation des prix et le second objectif était d’obtenir l’accès à Cascade RS. EB espérait, en outre, maintenir le contrat existant tout en essayant d’atteindre les deux autres objectifs. Le gain de la réduction des prix y est estimé à 2 millions d’euros et le gain de l’obtention de l’accès à Cascade RS à 9,2 millions de USD. En revanche, il ressort de la conclusion de la note que, pour EB, l’accès à Cascade RS était plus important que la réduction des prix, qu’avoir un contrat « spécial » avait certains avantages qu’elle voulait maintenir et que la réduction des prix pouvait être discutée à un stade ultérieur.

129    En outre, il ressort du compte rendu de cette réunion du 21 mars 2001, joint en annexe à la duplique, que, selon EB, les prix étaient la question principale à négocier et que toutes les questions devraient être négociées dans le cadre du contrat applicable à l’époque, mais que CBF voulait négocier toutes les questions ensemble et non individuellement.

130    Il y a lieu de constater, sur la base de la correspondance et des documents mentionnés ci-dessus, que même si EB avait soulevé la question de la réduction de la commission et de services supplémentaires, ce sont bien les requérantes qui ont voulu inclure la question de l’accès direct dans la renégociation de leurs relations contractuelles, et non EB. En effet, si cette dernière, comme le reconnaît aussi la Commission, poursuivait plusieurs objectifs dans ses discussions avec CBF, elle estimait que le gain potentiel de l’obtention de l’accès à Cascade RS était beaucoup plus important que celui lié à la réduction des prix. EB ne pouvait avoir aucun intérêt à inclure la question de l’ouverture de l’accès dans la renégociation de ses relations contractuelles avec CBF, mais voulait plutôt obtenir l’accès sur la base du contrat déjà applicable et négocier une éventuelle réduction des prix ultérieurement. Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérantes sur ce point.

131    Les requérantes font aussi valoir que CBF a reporté d’octobre à novembre 2001 l’ouverture de l’accès à EB parce que sa demande d’accès à Euroclear France (anciennement Sicovam) pour tous les titres français avait été rejetée.

132    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante en matière d’application de l’article 82 CE, si la constatation de l’existence d’une position dominante n’implique en soi aucun reproche à l’égard de l’entreprise concernée, il lui incombe, indépendamment des causes d’une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun (arrêt Michelin/Commission, point 48 supra, point 57). De même, si l’existence d’une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux, lorsque ceux-ci sont menacés, et si cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d’accomplir les actes qu’elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts, de tels comportements ne peuvent cependant être admis lorsqu’ils ont pour objet de renforcer cette position dominante et d’en abuser (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 55, et la jurisprudence citée).

133    Il résulte ainsi de la nature des obligations imposées par l’article 82 CE que, dans des circonstances spécifiques, les entreprises en position dominante peuvent être privées du droit d’adopter des comportements, ou d’accomplir des actes, qui ne sont pas en eux-mêmes abusifs et qui seraient même non condamnables s’ils étaient adoptés, ou accomplis, par des entreprises non dominantes (arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, ITT Promedia/Commission, T‑111/96, Rec. p. II‑2937, point 139).

134    Par conséquent, les requérantes ne peuvent pas invoquer le rejet de la demande d’accès de CBF à Euroclear France pour tous les titres français ou la renégociation des relations contractuelles avec EB pour justifier leur comportement. En effet, en tant qu’entreprise en position dominante, CBF avait une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun.

135    Par ailleurs, il convient de préciser que la demande de CBF d’accès au DCT français ne pouvait pas être pertinente pour le présent litige avant janvier 2001 (date à laquelle EB avait acquis Sicovam, qui est devenue ainsi Euroclear France), soit un an et demi après la demande d’accès d’EB.

136    Sur la base de la jurisprudence précitée, il y a lieu de conclure qu’il était abusif, de la part des requérantes, d’inclure la renégociation de leurs relations contractuelles et la demande d’accès au DCT français dans les négociations sur l’octroi d’un accès à Cascade RS alors que celles-ci duraient déjà depuis plus d’un an. En outre, les intérêts de CI, société mère de CBL qui est le seul DCIT dans l’Union européenne à côté d’EB, semblent ressortir assez clairement de la correspondance et des comptes rendus des réunions entre désormais EB, CBF et CI. Finalement, l’accès à Cascade RS a été accordé à EB sans qu’un accord global ait été atteint entre les parties.

137    Quant à l’affirmation des requérantes selon laquelle les discussions avec EB sur l’ouverture de l’accès n’ont été entamées qu’à partir de l’automne 2000, donc à la même période que celles sur la réduction des prix et sur l’élargissement des prestations spéciales, il suffit de constater que celle-ci est en contradiction avec leurs arguments précédents concernant la période allant de février à novembre 2000.

138    Par conséquent, l’argumentation des requérantes sur ce point doit être intégralement rejetée.

–       Sur la prétendue absence d’entrave abusive

139    Les requérantes soutiennent qu’un éventuel retard dans l’ouverture de l’accès ne justifie pas que leur soit reproché un abus au sens de l’article 82 CE, puisqu’elles n’auraient poursuivi aucun but anticoncurrentiel. En outre, elles estiment qu’il y a abus de position dominante uniquement quand les possibilités concurrentielles de l’entreprise prétendument entravée ont été ou peuvent être considérablement affectées.

140    Selon une jurisprudence constante, la notion d’exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d’une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d’un marché où, à la suite précisément de la présence de l’entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou des services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence (arrêt Hoffmann-La Roche/Commission, point 49 supra, point 91 ; voir également arrêt du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, point 132 supra, point 54, et la jurisprudence citée).

141    Dès lors, le comportement d’une entreprise en position dominante peut être considéré comme abusif, au sens de l’article 82 CE, en dehors de toute faute (arrêt du Tribunal du 1er avril 1993, BPB Industries et British Gypsum/Commission, T‑65/89, Rec. p. II‑389, point 70).

142    Par conséquent, l’argument des requérantes, selon lequel elles n’ont poursuivi aucun but anticoncurrentiel, est sans incidence sur la qualification juridique des faits. Dans ce contexte, l’établissement de l’objectif des requérantes de reporter l’ouverture de l’accès afin d’empêcher un client et concurrent du groupe Clearstream de fournir efficacement ses services peut renforcer la conclusion de l’existence d’un abus de position dominante, mais n’en est pas une condition.

143    Il y a lieu de rappeler, par ailleurs, que, dans le cas d’espèce, l’accès a été refusé à EB, qui était, en même temps, client de CBF sur le marché allemand des titres en conservation collective, mais aussi un concurrent direct de CBL, société sœur de CBF et le seul autre DCIT dans l’Union européenne, sur le marché en aval de la compensation et du règlement des opérations transfrontalières sur valeurs mobilières. Si la décision attaquée n’établit pas l’objectif des requérantes de créer un désavantage concurrentiel pour EB, elle apprécie, en revanche, la motivation et les conséquences de ce refus de fournir des services dans le contexte de la position d’EB et de l’ensemble du groupe Clearstream sur le marché en cause. Ainsi, la Commission expose plusieurs indices de nature à considérer que les requérantes avaient pour but d’exclure EB de la fourniture de leurs services, et partant, d’entraver la concurrence dans la fourniture des services secondaires transfrontaliers de compensation et de règlement (considérants 234 et 300 de la décision attaquée). Cependant, étant donné la notion objective de l’abus de position dominante, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur ce point.

144    Concernant l’effet dont fait état la jurisprudence citée au point 140 ci-dessus, celui-ci ne concerne pas nécessairement l’effet concret du comportement abusif dénoncé. Aux fins de l’établissement d’une violation de l’article 82 CE, il suffit de démontrer que le comportement abusif de l’entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d’autres termes, que le comportement est de nature à, ou susceptible de, avoir un tel effet (arrêt du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, point 132 supra, point 239).

145    Il y a donc lieu d’examiner si la Commission a établi en l’espèce que le comportement des requérantes tendait à restreindre la concurrence sur le marché des services secondaires de compensation et de règlement.

146    Comme il a été exposé dans le cadre de l’examen du premier moyen, la décision attaquée fait ressortir l’analyse complète du marché de services effectuée par la Commission. Sur cette base, la Commission a pu ensuite valablement conclure que CBF détenait un monopole de fait et était donc un partenaire commercial incontournable en matière de fourniture de services de compensation et de règlement primaires sur le marché en cause. Elle a, en outre, constaté que les barrières à l’entrée sur ce marché, en termes de réglementation, d’exigences techniques, d’intérêt des participants au marché, de coûts à l’entrée, de coûts pour les clients et de probabilité de pouvoir fournir des produits compétitifs, étaient si élevées qu’il était possible d’exclure l’éventualité de nouvelles entrées exerçant une contrainte concurrentielle sur CBF dans un avenir prévisible (considérants 205 à 215 de la décision attaquée).

147    À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour conclure à l’existence d’un abus au sens de l’article 82 CE, il faut que le refus du service en question soit de nature à éliminer toute concurrence sur le marché de la part du demandeur du service, que ce refus ne puisse être objectivement justifié et que le service en lui‑même soit indispensable à l’exercice de l’activité du demandeur (arrêt de la Cour du 26 novembre 1998, Bronner, C‑7/97, Rec. p. I‑7791, point 41). Selon une jurisprudence constante, un produit ou un service est considéré comme essentiel ou indispensable s’il n’existe aucun substitut réel ou potentiel (voir arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission, T‑374/94, T­‑375/94, T‑384/94 et T‑388/94, Rec. p. II‑3141, point 208, et la jurisprudence citée).

148    Quant au critère de l’élimination de toute concurrence, il n’est pas nécessaire, aux fins de l’établissement d’une violation de l’article 82 CE, de démontrer l’élimination de toute présence concurrentielle sur le marché, mais d’établir que le refus en cause risque de, ou est de nature à, éliminer toute concurrence effective sur celui-ci. Un tel risque d’aboutir à l’élimination de toute concurrence effective doit être établi par la Commission (arrêt Microsoft/Commission, point 47 supra, points 563 et 564).

149    En l’espèce, c’est conformément à ces considérations que la Commission a constaté (considérants 168, 226, 228, 231 et 234 de la décision attaquée), tout d’abord, que les requérantes avaient un monopole de fait en matière de fourniture de services de compensation et de règlement primaires sur le marché en cause et qu’EB ne pouvait pas dupliquer les services qu’elle demandait. Elle a ensuite constaté que, en tant que DCIT, EB offrait à ses clients un point d’accès unique à un grand nombre de marchés de valeurs mobilières et donc un service novateur, à l’échelle de l’Europe, de compensation et de règlement secondaires pour les opérations transfrontalières sur valeurs mobilières au sein du marché intérieur et que les investisseurs qui souhaitaient utiliser les services de « guichet unique » d’un DCIT avaient en substance le choix entre CBL et EB. Selon la Commission, l’accès à CBF était indispensable à EB pour pouvoir fournir ces services transfrontaliers de compensation et de règlement secondaires, et le refus des requérantes de lui fournir des services primaires de compensation et de règlement pour les actions nominatives a entravé la capacité d’EB de fournir des services complets, paneuropéens et innovateurs. Cela a nui à l’innovation et à la concurrence dans la fourniture de services transfrontaliers de compensation et de règlement secondaires sur le marché de la compensation et du règlement transfrontaliers de titres dans l’Union européenne et en fin de compte aux consommateurs dans le marché unique. Enfin, la Commission a constaté que le comportement des requérantes ne pouvait pas être objectivement justifié.

150    La Commission a, en outre, conclu que le refus de fournir un accès direct à Cascade RS et la discrimination injustifiée à cet égard ne sont pas deux infractions séparées, mais plutôt deux manifestations d’un même comportement, puisque la discrimination injustifiée existe parce que CBF a refusé de fournir à EB les mêmes services que ceux qu’elle fournissait à des clients comparables ou des services similaires. Le refus de fournir ainsi établi est selon elle renforcé par la constatation d’un comportement discriminatoire injustifié des clients de CBF.

151    Ces conclusions ne sauraient être infirmées par les différents arguments invoqués par les requérantes à cet égard. Ainsi, contrairement aux affirmations des requérantes, c’est à bon droit que la Commission a considéré que le délai pour l’obtention de l’accès avait largement dépassé ce qui pouvait être considéré comme raisonnable et justifié, l’apparentant ainsi à un refus abusif de fournir le service en question, de nature à causer un désavantage concurrentiel à EB sur le marché en cause. À titre de comparaison, CBL, concurrent direct d’EB, avait obtenu l’accès à Cascade RS en quatre mois seulement. Par ailleurs, concernant l’argument des requérantes selon lequel à l’époque des faits CBL n’avait pas non plus accès à CBF, il y a lieu d’observer que CBL a fait cette demande seulement une fois l’accès à Cascade RS déjà accordé à EB (considérant 236, second tiret, de la décision attaquée).

152    L’argument tiré de ce que la Commission n’aurait pas démontré que l’accès indirect à CBF constituait un désavantage concurrentiel pour EB et qu’EB et CBL disposaient en Europe dans la plupart des cas d’accès indirects aux DCT a déjà été analysé dans le cadre du premier moyen au regard de la question de la substituabilité du côté de l’offre. Il y a lieu de rappeler, sur ce point, que, avant de demander l’accès à Cascade RS, EB disposait d’un accès indirect à CBF par l’intermédiaire de la Deutsche Bank. Cependant, sur la base des informations fournies par les acteurs du marché, c’est à juste titre que la Commission a constaté qu’un tel accès indirect présentait un certain nombre d’inconvénients, à savoir des délais plus longs, un risque plus important, des coûts plus élevés et des conflits d’intérêts potentiels (considérant 139 de la décision attaquée). Par ailleurs, l’argument des éventuels accès indirects aux DCT présents sur d’autres marchés géographiques n’est pas pertinent, puisque l’appréciation des faits concerne uniquement le marché géographique en cause dans la présente affaire, à savoir l’Allemagne.

153    En ce qui concerne l’argument des requérantes sur la non-pertinence de la référence, dans la décision attaquée, aux décisions antérieures de la Commission parce qu’elles se seraient fondées sur un effet restrictif qualifié qui serait absent dans la présente affaire, il suffit de rappeler la jurisprudence mentionnée au point 55 ci-dessus.

154    Quant à l’importance des valeurs nominatives d’EB déposées chez CBF et au gain potentiel pour EB lié à l’obtention de l’accès à Cascade RS, il convient de souligner notamment, à l’instar de la Commission, l’importance de la possibilité de proposer aux clients les services liés aux actions nominatives allemandes, qui, dans le contexte du marché actuel, ne saurait être contestée. En outre, l’importance du service fourni par CBF peut être appréciée uniquement sur la base des volumes de transactions effectuées à l’égard d’EB, qui ne correspondent pas forcément, et même qui ne correspondent pas dans la plupart des cas, au volume des actions déposées chez CBF. En toute hypothèse, si l’argument du faible volume peut intervenir dans le choix entre un accès automatisé et un accès manuel, même un faible volume d’opérations sur actions nominatives, surtout eu égard à leur importance, peut justifier un accès direct au système de traitement de CBF. Par ailleurs, les requérantes n’offrent aucune estimation sur la base de la valeur des transactions effectuées, mais se bornent à avancer des chiffres concernant la part des actions nominatives déposées chez CBF, et ce sans aucun élément de preuve. De la même manière, elles proposent un autre calcul pour la détermination de l’importance de ces actions pour EB, qui n’est étayé par aucun document officiel ni aucune base de calcul définie.

155    Par conséquent, l’argumentation des requérantes sur ce point doit être intégralement rejetée.

–       Sur la prétendue absence de discrimination à l’encontre d’EB

156    Tous les éléments de réponse à cet argument ont déjà été exposés dans les points précédents. Ainsi, il suffit de rappeler, concernant la prétendue demande d’EB d’accès automatisé à Cascade et d’accès manuel à Cascade RS, que CBL a obtenu l’accès à Cascade RS en quatre mois seulement même si elle avait, selon les requérantes elles-mêmes, demandé la même combinaison qu’EB (voir points 106 et 151 ci-dessus). Quant à l’allégation selon laquelle EB n’aurait pas procédé aux préparatifs nécessaires pour l’ouverture d’accès pendant plus d’un an, celle-ci n’a pas été démontrée par les requérantes (voir points 112 à 120 ci-dessus). Enfin, les requérantes ne contestent pas que les DCT autrichien et français aient obtenu un accès à Cascade RS sans délai. Or, il ressort des informations recueillies pendant la procédure administrative et exposées dans la décision attaquée qu’il n’y a pas de services de compensation et de règlement que CBF fournissait aux DCIT qu’elle ne fournissait pas aux DCT nationaux (considérants 133 et 296 de la décision attaquée). Quant au type d’accès, il y a lieu de rappeler que l’accès accordé à EB en novembre 2001 a été manuel, tout comme celui accordé à ces DCT nationaux.

157    Par conséquent, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la Commission à constaté qu’EB a subi une discrimination concernant la fourniture des services de compensation et de règlement primaires pour les actions nominatives.

158    Eu égard à ce qui précède, cette branche du deuxième moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la seconde branche, tirée de l’absence de discrimination en matière de prix

 Arguments des parties

159    Les requérantes soutiennent qu’il n’y a pas eu de discrimination abusive dans la formation des prix à l’égard d’EB. Notamment, il ne serait pas possible de comparer les DCT et les DCIT, puisqu’il s’agirait de deux groupes différents de clients. Tant les combinaisons de services demandées que les coûts qui leurs sont attribuables seraient différents.

160    Premièrement, il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que la structure du marché peut justifier la distinction entre différentes catégories de clients. Or, dans le cas d’espèce, la Commission aurait fait abstraction des différences déterminantes existant dans les fonctions et les modèles d’activité des DCT et des DCIT. En particulier, à la différence des DCT, les DCIT ne seraient pas exempts de risque parce qu’ils ne seraient pas soumis à une surveillance étatique devant assurer la sécurité de la circulation des capitaux et parce qu’ils pourraient effectuer des transactions en différentes devises.

161    Deuxièmement, les volumes de transactions que CBF doit traiter pour les DCIT seraient beaucoup plus importants que ceux effectués pour les DCT et, par conséquent, le degré de standardisation et d’automatisation serait plus élevé pour les premiers, ce qui exigerait l’utilisation de certains programmes spéciaux. En effet, 76 % des coûts globaux se rapporteraient au traitement des transactions pour les DCIT, ce qui engendrerait une augmentation des coûts du traitement des données.

162    Troisièmement, EB bénéficierait de certaines prestations spéciales, mentionnées au considérant 131 de la décision attaquée. C’est à celles-ci que correspondrait le forfait annuel de 125 000 euros. En effet, ces prestations ne seraient pas liées à la compensation et au règlement, mais uniquement à la conservation et à l’émission de titres. À cet égard, les requérantes produisent, en annexe à la réplique, un courrier du 29 août 1996 adressé à EB. Les requérantes insistent sur l’exactitude et la pertinence de la qualification et de la séparation entre les services de règlement et les services spéciaux et font valoir que les seconds sont fournis uniquement à EB. Les modifications de positions consécutives à la remise de titres par leur porteur, à leur restitution aux porteurs et aux augmentations ou réductions du capital des émetteurs seraient liées à la conservation des titres et non à la compensation et au règlement dans le cadre de transactions sur titres.

163    Quatrièmement, un accord signé en 1997 entre les prédécesseurs de CBF et d’EB préciserait certaines activités uniquement à l’égard d’EB, dont la valeur particulière serait reconnue par cette dernière dans sa note interne du 15 mars 2001. La Commission n’aurait toutefois pas pris connaissance de toutes les informations dont elle dispose.

164    Cinquièmement, CBF devrait supporter les coûts du contrat d’assurance responsabilité civile pour les risques particuliers de responsabilité liés aux deux DCIT. À cet égard, les requérantes soutiennent que, contrairement à l’affirmation de la Commission, les coûts indiqués sous le poste « Frais généraux » pour EB sont six fois plus élevés que les coûts indiqués pour l’ensemble des DCT et 1,7 fois plus élevés que les coûts indiqués pour CI. Ces risques spéciaux seraient liés aux gros volumes de transactions des DCIT, comme les requérantes l’auraient déjà exposé dans leurs mémoires du 1er septembre et du 1er décembre 2003, dont les extraits sont joints en annexe à la réplique. En outre, la répartition des frais d’assurance serait justifiée par les sinistres, qui seraient plus fréquents chez les DCIT.

165    Sixièmement, 99,01 % des transactions traitées la nuit pour les dépositaires centraux le seraient pour les DCIT, ce qui générerait des coûts supplémentaires. En effet, contrairement aux DCT, les résultats des DCIT seraient mis à leur disposition y compris pendant la nuit. À cet égard, les requérantes produisent en annexe à la réplique un tableau de rémunération des transactions, calculée sur la base des coûts globaux et du volume de transactions imputables au DCIT ou aux DCT, mais qui ne contiendrait aucune différenciation des coûts de transaction entre traitement de nuit et de jour, puisque les coûts de la surveillance spéciale des exécutions supplémentaires de programmes lancées uniquement pour les DCIT et des services de données résultant des gros volumes de transactions seraient encourus dans le cadre du traitement de nuit et aussi dans le cadre de celui de jour.

166    Les requérantes soutiennent aussi que la Commission a erronément calculé la différence de prix constatée en l’espèce. En effet, le forfait annuel n’étant pas une rémunération des services de règlement et CBF accordant à EB des rabais de quantité, la différence de prix devant être justifiée par la preuve des coûts correspondants serait comprise entre 2 et 5 % et ne s’élèverait pas à 20 %. Par ailleurs, la Commission refuserait de reconnaître les coûts spécifiques encourus par CBF permettant de justifier objectivement cette différence de prix que les requérantes ont évaluée à un montant compris entre 0,10 et 0,25 euros.

167    Enfin, la Commission n’aurait pas analysé et répondu à la question de savoir si la formation des prix demandés à EB par les requérantes a entraîné pour EB un désavantage concurrentiel. Selon les requérantes, la meilleure preuve de ce qu’EB n’a pas subi de désavantage consiste dans le fait qu’EB n’a pas répercuté la baisse de prix sur ses clients.

168    La Commission conclut au rejet de cette argumentation.

 Appréciation du Tribunal

169    La pratique, par une entreprise en position dominante, de prix discriminatoires est interdite par l’article 82, second alinéa, sous c), CE, qui vise les pratiques abusives consistant à « appliquer à l’égard des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence ».

170    Ainsi, selon la jurisprudence, une entreprise ne saurait pratiquer des différences artificielles de prix de nature à entraîner un désavantage pour ses clients et à fausser la concurrence (arrêts du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T‑83/91, Rec. p. II‑755, point 160, et Deutsche Bahn/Commission, point 65 supra, point 78).

171    Il convient donc de vérifier, en l’espèce, l’exactitude matérielle des faits sur lesquels la Commission se fonde pour constater des pratiques de prix discriminatoires par les requérantes et si ces éléments sont de nature à étayer sa conclusion selon laquelle des conditions inégales ont été appliquées à l’égard des partenaires commerciaux pour des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence.

172    Selon la Commission, les DCIT et les DCT forment deux groupes de clients comparables en ce qu’ils fournissent les uns comme les autres des services de compensation et de règlement secondaires pour les opérations transfrontalières portant sur des valeurs mobilières émises conformément au droit allemand, et que le contenu des services primaires de compensation et de règlement pour les opérations transfrontalières que CBF leur fournit est équivalent. En effet, sur la base des informations fournies par les requérantes elles-mêmes, elle a constaté que les DCT et les DCIT bénéficient de services comparables et qu’il n’y a pas de services de compensation et de règlement que CBF fournissait aux DCIT qu’elle ne fournissait pas aux DCT (considérants 128 et 133 de la décision attaquée).

173    Or, il est constant entre les parties que CBF facturait aux DCT nationaux 5 euros par opération tandis que, entre la fin de 1996 et le 1er janvier 2002, elle facturait à EB un prix de base de 6 euros par opération ainsi qu’une redevance annuelle de 125 000 euros.

174    Dans le cadre du premier moyen, les requérantes affirment que les trois catégories de clients de CBF (DCT, DCIT et clients conditions générales) obtiennent de sa part en substance les mêmes services, car tous lui sont liés en tant que dépositaires intermédiaires, mais que la différence des prix correspond au déroulement du processus qui peut différer selon les besoins différents de chacun de ces clients. Force est cependant de constater que cette argumentation est souvent en contradiction avec d’autres déclarations faites lors de la procédure administrative et de la procédure devant le Tribunal.

175    Ainsi, en premier lieu, les requérantes soutiennent que le forfait de 125 000 euros correspond uniquement à la conservation et à l’émission de titres. À l’appui de cet argument, elles produisent en annexe à la réplique une lettre du 29 août 1999 du prédécesseur de CBF au prédécesseur d’EB informant le dernier des prix appliqués par le premier à partir du 1er janvier 1997. Cependant, il ressort de cette lettre que le forfait de 125 000 euros était facturé pour des services spéciaux (voir également considérant 131 de la décision attaquée), alors qu’il est précisé que pour les services de conservation les prix appliqués étaient « réguliers ».

176    En outre, les requérantes énumèrent certaines activités qui concerneraient uniquement EB en application d’un accord signé en 1997 entre les prédécesseurs de CBF et d’EB.

177    Toutefois, les requérantes ne démontrent pas en quoi les différents services spéciaux qu’elles mentionnent se distinguent de ceux fournis aux DCIT et aux DCT en général. À cet égard, premièrement, il y a lieu de constater que, lors de la procédure administrative, elles ont affirmé, concernant les DCT, qu’en plus des services standard certains services de règlement, énumérés, étaient fournis pour répondre aux besoins spécifiques des DCT (pour les opérations transfrontalières) sur la base d’accords individuels. Deuxièmement, quant aux DCIT, elles ont déclaré que « les DCIT reçoivent à la fois des services standard et des services spéciaux comparables à ceux fournis aux DCT » et que, par comparaison avec les DCT, certains services spéciaux, énumérés, ne sont pas demandés par les DCIT (considérants 125 et 128 de la décision attaquée).

178    Il en ressort que, en plus des services standard fournis aux clients conditions générales, certains services additionnels sont fournis aux DCT et aux DCIT en fonction de leur besoin spécifique, à savoir le traitement des opérations transfrontalières.

179    À cet égard, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes concernant les fonctions différentes des DCT et des DCIT, puisque, en ce qui concerne les titres émis conformément au droit allemand, les DCT non allemands et les DCIT opèrent au même niveau et demandent à CBF les mêmes services primaires. La Commission a donc conclu à juste titre que le contenu des services de compensation et de règlement primaires pour les opérations transfrontalières fournis par CBF aux DCT et aux DCIT était équivalent (considérant 307 de la décision attaquée). Par ailleurs, les requérantes ne démontrent pas en quoi le point 120 de l’arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission (C‑62/86, Rec. p. I‑3359), auquel elles font référence, serait pertinent pour la distinction entre les différentes catégories de clients concernés en l’espèce.

180    En deuxième lieu, les requérantes avancent qu’entre 1998 et 2002 le volume des transactions d’EB a été plus de 18 fois plus important que le volume des transactions cumulées de 7 DCT nationaux et que, dès lors, le degré de standardisation et d’automatisation est plus élevé pour les services fournis aux DCIT qu’aux DCT. Toutefois, comme le fait valoir à juste titre la Commission, cet argument va plutôt dans le sens de la conclusion inverse, à savoir que, après avoir supporté un éventuel coût initial d’automatisation, un degré plus élevé d’automatisation aboutit en principe à baisser les prix plutôt qu’à les augmenter. À titre d’exemple, il ressort du considérant 127 de la décision attaquée que trois DCT non allemands ont vu leurs commissions baisser en raison du passage d’un traitement purement manuel à des procédures totalement automatisées.

181    En troisième lieu, les requérantes soutiennent que la différence de prix était justifiée dès lors que CBF devait supporter certains coûts propres aux DCIT, liés au traitement de nuit, aux gros volumes de transactions ainsi qu’à un contrat d’assurance responsabilité civile pour les risques particuliers auxquels sont exposés les deux DCIT.

182    Or, il y a lieu de constater que les éléments de preuve à l’appui de ces arguments que les requérantes produisent dans le cadre du présent moyen ne sont pas concluants. Notamment, sont produits en annexe à la réplique des extraits des mémoires des requérantes du 1er septembre et du 1er décembre 2003 et une annexe du mémoire du 1er septembre 2003, adressés à la Commission en réponse à ses demandes de renseignements.

183    Le document annexé au mémoire du 1er septembre 2003 comporte la ventilation des coûts pour la période allant de janvier à août 2002 et ne concerne donc pas la période pour laquelle a été constatée l’application des prix discriminatoires. En outre, le prix appliqué à EB à partir de 1er janvier 2002 a été ramené à 3 euros. Or, il ressort de la réponse des requérantes à la demande de renseignements de la Commission du 12 septembre 2002, jointe en annexe à la duplique, que la marge bénéficiaire de CBF concernant les DCIT était, même après cette réduction, comparable à celle concernant les DCT. Cette ventilation ne saurait donc en aucun cas justifier la différence de prix reprochée pendant la période en cause.

184    Quant aux extraits des mémoires du 1er septembre et du 1er décembre 2003, ceux-ci représentent donc davantage une argumentation additionnelle des requérantes qu’un document ayant une quelconque valeur probante.

185    Il convient de rappeler, à cet égard, que, si la charge de la preuve quant à l’existence des circonstances constitutives d’une violation de l’article 82 CE repose sur la Commission, c’est toutefois à l’entreprise dominante concernée, et non à la Commission, qu’il incombe, le cas échéant, et avant la fin de la procédure administrative, de faire valoir une éventuelle justification objective et d’avancer, à cet égard, des arguments et des éléments de preuve. Il appartient ensuite à la Commission, si elle entend conclure à l’existence d’un abus de position dominante, de démontrer que les arguments et les éléments de preuve invoqués par ladite entreprise ne sauraient prévaloir et, partant, que la justification présentée ne saurait être accueillie (arrêt Microsoft/Commission, point 47 supra, point 688).

186    Il ressort de la décision attaquée que, lors de la procédure administrative, la Commission avait plusieurs fois demandé aux requérantes de justifier les différences des prix appliquées pendant la période concernée et notamment de lui fournir le détail des coûts dans chaque cas en les ventilant par opération. Il est constant entre les parties que les requérantes ne lui ont jamais transmis une telle ventilation des coûts. En outre, la liste des services produite par les requérantes était, selon la Commission, incohérente et contradictoire (considérants 134 et 313 de la décision attaquée).

187    Par ailleurs, les arguments des requérantes en ce qui concerne le traitement de nuit, les gros volumes de transactions et l’assurance responsabilité civile à l’égard d’EB ont tous été analysés et à bon droit rejetés dans la décision attaquée. Si certains documents à la base de cette analyse sont mentionnés dans la décision attaquée, ceux-ci soit ne sont pas produits aux fins de la présente affaire, soit bien que produits ne sont pas concluants (voir points 183 et 184 ci-dessus). Or, ces affirmations des requérantes qui ne sont fondées sur aucun élément probant chiffré ne sont pas convaincantes, certaines d’entre elles étant illogiques et même contradictoires. Ainsi, les requérantes n’ont pas été en mesure de démontrer comment les gros volumes de transaction, pourtant à l’origine d’un niveau plus élevé d’automatisation, ont engendré l’augmentation des coûts par transaction. De la même manière, elles n’expliquent pas pourquoi elles auraient contracté une assurance responsabilité civile permettant de couvrir les risques concernant les DCIT et ne produisent pas une copie d’un tel contrat d’assurance. Quant au traitement de nuit, si cet argument peut en soi représenter une justification, l’argumentation des requérantes sur ce point doit toutefois être rejetée. Les requérantes affirment que le calcul qu’elles produisent en annexe à la réplique ne contient aucune différenciation des coûts de transaction entre le traitement de nuit et le traitement de jour, puisque les coûts de la surveillance spéciale des exécutions supplémentaires de programmes lancées uniquement pour les DCIT et des services de données résultant des gros volumes de transactions sont encourus dans le cadre du traitement de nuit, mais aussi dans le cadre de celui de jour. D’une part, elles confondent ainsi les coûts supplémentaires induits par les éléments évoqués dans le cadre des arguments précédents et les coûts supplémentaires dus au traitement de nuit. D’autre part, elles ne produisent aucun calcul de ces coûts ventilés selon le volume des transactions traitées de jour et de nuit et selon le bénéficiaire, EB ou les DCT.

188    En conséquence, les arguments des requérantes ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la Commission dans la décision attaquée, selon laquelle les requérantes n’ont pas réussi à démontrer que les prix appliqués à EB étaient fondés sur des coûts réels additionnels qu’elles supportaient uniquement à l’égard de celle-ci.

189    En quatrième lieu, quant à l’argument des requérantes selon lequel la Commission a erronément calculé la différence des prix qu’il leur appartiendrait de justifier, celui-ci doit également être rejeté. En effet, sur la base de la description des services que les requérantes qualifient de spéciaux autres que le règlement (considérant 131 de la décision attaquée), au moins certains de ces services correspondant au forfait de 125 000 euros apparaissent liés au service de règlement. En toute hypothèse, il convient de constater qu’en plus de la commission par transaction régulière, CBF facturait à EB ce forfait additionnel pour des services dont bénéficiaient EB et les DCT, qui pourtant n’était pas facturé à ces derniers, lesquels bénéficiaient cependant d’un nombre plus important de services spéciaux que les DCIT. Ainsi, le prix par transaction pris dans son ensemble et effectivement payé par EB était supérieur au tarif nominal par transaction de 6 euros et la discrimination dont EB a été l’objet dépasse donc la différence de 20 % entre les prix facturés à EB et ceux facturés à certains DCT (considérant 306 de la décision attaquée). Quant au rabais de quantité appliqué à EB, celui-ci aurait dû plutôt ramener les prix pour EB à un niveau inférieur à celui des autres clients comparables.

190    Au vu de ce qui précède il y a lieu de constater que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a conclu que les requérantes ont pratiqué des prix discriminatoires à l’encontre d’EB au sens de l’article 82, second alinéa, sous c), CE.

191    Enfin, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas analysé et répondu à la question de savoir si la formation des prix facturés par les requérantes à EB a entraîné pour celle-ci un désavantage concurrentiel.

192    Comme l’a rappelé la Cour, l’interdiction spécifique de la discrimination visée à l’article 82, second alinéa, sous c), CE fait partie du régime assurant, conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE, que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur. Le comportement commercial de l’entreprise en position dominante ne doit pas fausser la concurrence sur un marché situé en amont ou en aval, c’est-à-dire la concurrence entre fournisseurs ou entre clients de cette entreprise. Les cocontractants de ladite entreprise ne doivent pas être favorisés ou défavorisés sur le terrain de la concurrence qu’ils se livrent entre eux. Par conséquent, il importe, pour que les conditions d’application de l’article 82, second alinéa, sous c), CE soient réunies, de constater que le comportement de l’entreprise en position dominante sur un marché non seulement est discriminatoire, mais encore qu’il tend à fausser ce rapport de concurrence, c’est-à-dire à entraver la position concurrentielle d’une partie des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres (arrêt de la Cour du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C‑95/04 P, Rec. p. I‑2331, points 143 et 144).

193    À cet égard, rien ne s’oppose à ce que la discrimination de partenaires commerciaux qui se trouvent dans un rapport de concurrence puisse être considérée comme abusive dès l’instant où le comportement de l’entreprise en position dominante tend, au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, à conduire à une distorsion de concurrence entre ces partenaires commerciaux. Dans une telle situation, il ne saurait être exigé que soit apportée en outre la preuve d’une détérioration effective quantifiable de la position concurrentielle des partenaires commerciaux pris individuellement (arrêt du 15 mars 2007, British Airways/Commission, point 192 supra, point 145).

194    En l’espèce, l’application à l’égard d’un partenaire commercial des prix différents pour des services équivalents, et ce de manière ininterrompue pendant cinq ans et par une entreprise détenant un monopole de fait sur le marché situé en amont, n’a pu manquer de produire un désavantage concurrentiel pour ce même partenaire.

195    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter cette branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

3.     Sur le troisième moyen, tiré de l’imputation erronée du comportement infractionnel de CBF à CI

 Arguments des parties

196    Les requérantes font valoir que la Commission n’a jamais constaté que la seconde requérante, CI, détenait une position dominante et que, par conséquent, celle-ci n’a pas pu en abuser.

197    La Commission rejette cette argumentation.

 Appréciation du Tribunal

198    Il y a lieu de rappeler que le comportement anticoncurrentiel d’une entreprise peut être imputé à une autre lorsqu’elle n’a pas déterminé son comportement sur le marché de façon autonome, mais a appliqué pour l’essentiel les directives émises par cette dernière, eu égard en particulier aux liens économiques et juridiques qui les unissaient (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Metsä-Serla e.a./Commission, C‑294/98 P, Rec. p. I‑10065, point 27). Ainsi, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère lorsque la filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission, 48/69, Rec. p. 619, points 132 et 133).

199    Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale auteur d’un comportement infractionnel, il existe une présomption simple selon laquelle ladite société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 50), et elles constituent donc une seule entreprise au sens du droit de la concurrence (arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, point 59). Il incombe, dès lors, à la société mère contestant devant le juge communautaire une décision de la Commission de lui infliger une amende pour un comportement commis par sa filiale de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer l’autonomie de cette dernière (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, Rec. p. II‑3085, point 136 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, ci-après l’« arrêt Stora », point 29).

200    À cet égard, il y a lieu de souligner que, s’il est vrai que la Cour a évoqué dans l’arrêt Stora, point 199 supra (points 28 et 29), hormis la détention de 100 % du capital de la filiale, d’autres circonstances, telles que la non-contestation de l’influence exercée par la société mère sur la politique commerciale de sa filiale et la représentation commune des deux sociétés durant la procédure administrative, il n’en demeure pas moins que lesdites circonstances n’ont été relevées par la Cour que dans le but d’exposer l’ensemble des éléments sur lesquels le Tribunal avait fondé son raisonnement pour conclure que celui-ci n’était pas fondé uniquement sur la détention de la totalité du capital de la filiale par sa société mère. La Cour indique expressément, dans l’arrêt Stora, point 199 supra (point 29), que, « en présence d’une détention de la totalité du capital de celle-ci, le Tribunal pouvait légitimement supposer, ainsi que l’a relevé la Commission, que la société mère exerçait effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale » et que, dans ces conditions, il incombait à la requérante de renverser cette « présomption » par des éléments de preuve suffisants.

201    En l’espèce, CI détenant 100 % du capital de CBF, il lui incombait de rapporter la preuve de l’existence d’un comportement autonome de CBF de nature à renverser cette présomption, ce qu’elle n’a pas fait. En effet, dans leurs mémoires, les requérantes ne se prononcent pas sur la question de savoir si la filiale CBF avait déterminé et/ou détermine de façon autonome son comportement sur le marché au lieu d’appliquer les instructions de sa société mère.

202    Les requérantes n’ont non plus contesté l’affirmation de la Commission, dans le mémoire en défense, faisant référence aux considérants 235, 271 et suivants de la décision attaquée, selon laquelle, d’une part, dans ses publications commerciales, Clearstream se présente comme une seule entité et, d’autre part, les éléments de fait rapportés dans la décision attaquée montrent que CI a influencé le comportement de CBF, laquelle n’a donc pas agi de manière autonome, et même que CI a parfois agi pour le compte de sa filiale allemande.

203    En ce qui concerne l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission n’aurait jamais constaté que CI était une entreprise détenant une position dominante sur le marché en cause, il suffit de constater que celle-ci repose sur une prémisse erronée, selon laquelle aucune infraction n’a été constatée à son égard. Or, il ressort des considérants 224 et suivants et de l’article 1er de la décision attaquée que CI a été personnellement condamnée pour une infraction qu’elle est censée avoir commise elle-même en raison des liens économiques et juridiques qui l’unissaient à CBF et qui lui permettaient de déterminer le comportement de cette dernière sur le marché (voir, en ce sens, arrêt Metsä-Serla e.a./Commission, point 198 supra, point 34).

204    Par conséquent, il convient de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

4.     Sur le quatrième moyen, tiré du caractère imprécis de la décision attaquée

 Arguments des parties

205    Les requérantes soutiennent que, en fixant, à l’article 1er de la décision attaquée, le début du refus illégal de fournir les services en cause au 3 décembre 1999, la Commission n’a pas tenu compte de l’intervalle de quatre mois à partir de la demande d’accès pour lequel elle aurait pourtant affirmé, dans les motifs, qu’il n’était pas abusif.

206    Concernant l’article 2 de la décision attaquée, celui-ci serait illégal parce que son libellé serait trop imprécis, notamment en ce qui concerne le comportement concret dont les requérantes devraient s’abstenir. On outre, le libellé de cet article serait peu clair en allemand et en contradiction avec les motifs de la décision attaquée. Ainsi, il pourrait être compris en ce sens que les requérantes doivent s’abstenir uniquement des actes décrits à l’article 1er qui violent l’article 82 CE, sans pourtant préciser lesquels.

207    Les requérantes déduisent des précisions données par la Commission dans le mémoire en défense que le dispositif de la décision attaquée concerne exclusivement le comportement des requérantes envers EB, et non envers d’autres entreprises. La Commission rejetterait une interprétation extensive de l’article 2 de la décision attaquée, qui serait donc sans effet pour les actions au porteur.

208    Selon la Commission, le libellé de l’article 2 de la décision attaquée ne présente pas les imprécisions que les requérantes lui reprochent.

 Appréciation du Tribunal

209    En premier lieu, l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’aurait pas tenu compte d’un délai de quatre mois dans la détermination de la durée de l’infraction n’est pas fondé. En effet, la date de la première demande d’accès d’EB à Cascade RS retenue par la Commission et confirmée aux points 97 à 99 ci-dessus est celle de 3 août 1999, alors que l’article 1er de la décision attaquée fixe le début de l’infraction au 3 décembre 1999. Il s’ensuit que la Commission a bien déduit les quatre mois, c’est-à-dire la durée maximale qu’elle juge raisonnable pour accorder l’accès demandé, de la période totale de l’infraction constatée en l’espèce. Par conséquent, la décision attaquée ne comporte aucune contradiction entre ses motifs et son dispositif.

210    En second lieu, quant à l’article 2 de la décision attaquée, il convient de rappeler que c’est dans le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne ou constate, et, en principe, s’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions, c’est le dispositif, et non les motifs, qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision attaquée (arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission, T‑61/99, Rec. p. II‑5349, point 43) .

211    En l’espèce, le libellé du dispositif de la décision attaquée ne présente aucune ambiguïté. Il en ressort clairement que la Commission a constaté, à l’article 1er, que le refus de fournir des services de compensation et de règlement primaires pour les actions nominatives et le comportement discriminatoire à l’égard d’EB, d’une part, ainsi que l’application des prix discriminatoires à l’égard d’EB, d’autre part, étaient contraires à l’article 82 CE. Cet article précise la nature, la durée et les auteurs des infractions constatées.

212    À l’article 2, la Commission a enjoint aux requérantes de s’abstenir à l’avenir des infractions visées à son article 1er. Son libellé, lu en combinaison avec le libellé de l’article 1er, est donc très précis.

213    Par conséquent, il convient de rejeter le quatrième moyen comme non fondé.

214    Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

5.     Sur la demande d’audition d’un témoin

215    Les requérantes offrent de rapporter, par témoignage du chef du service « Compensation et règlement » de CBF à l’époque des faits, la preuve de certaines de leurs affirmations, à savoir le type d’accès qu’EB aurait demandé, son refus de faire inscrire les actions nominatives au nom du propriétaire économique et la responsabilité d’EB dans l’échec de l’ouverture d’accès.

216    À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 67, et la jurisprudence citée).

217    En effet, même si une demande d’audition de témoins, formulée dans la requête, indique avec précision les faits sur lesquels il y a lieu d’entendre le ou les témoins et les motifs de nature à justifier leur audition, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 70).

218    En l’espèce, le Tribunal a pu utilement se prononcer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés au cours de la procédure tant écrite qu’orale. Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande d’audition d’un témoin, présentée par les requérantes.

 Sur les dépens

219    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Clearstream Banking AG et Clearstream International SA sont condamnées aux dépens.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2009.

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur le premier moyen, tiré d’une définition erronée du marché de services en cause et d’une absence de position dominante des requérantes

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence d’abus de position dominante

Sur la première branche, tirée d’une absence de refus abusif d’accès et de discrimination abusive de la part des requérantes

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur la date de la demande d’accès

–  Sur les prétendues erreurs d’interprétation de la Commission quant aux types d’accès demandés par EB

–  Sur l’argumentation selon laquelle EB n’aurait pas procédé à tous les préparatifs nécessaires à l’ouverture de l’accès

–  Sur l’argumentation tirée de la renégociation des relations contractuelles entre les requérantes et EB

–  Sur la prétendue absence d’entrave abusive

–  Sur la prétendue absence de discrimination à l’encontre d’EB

Sur la seconde branche, tirée de l’absence de discrimination en matière de prix

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

3.  Sur le troisième moyen, tiré de l’imputation erronée du comportement infractionnel de CBF à CI

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

4.  Sur le quatrième moyen, tiré du caractère imprécis de la décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

5.  Sur la demande d’audition d’un témoin

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.