Language of document : ECLI:EU:C:2005:708

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

22 novembre 2005 (*)

«Directive 89/592/CEE – Opérations d’initiés – Communication d’informations privilégiées aux tiers – Interdiction»

Dans l’affaire C-384/02,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Københavns Byret (Danemark), par décision du 14 août 2002, parvenue à la Cour le 25 octobre 2002, dans la procédure pénale contre

Knud Grøngaard,

Allan Bang,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, présidents de chambre, MM. J.-P. Puissochet, R. Schintgen, S. von Bahr (rapporteur), J. N. Cunha Rodrigues et Mme R. Silva de Lapuerta, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 mars 2004,

considérant les observations présentées:

–       pour M. Grøngaard, par Me L. Kjeldsen, advokat,

–       pour M. Bang, par Me J. Juul, advokat,

–       pour le gouvernement danois, par M. J. Bering Liisberg, puis par M. J. Molde, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement suédois, par M. A. Kruse, en qualité d’agent,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par MM. N. B. Rasmussen et G. Zavvos, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 mai 2004,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, sous a), de la directive 89/592/CEE du Conseil, du 13 novembre 1989, concernant la coordination des réglementations relatives aux opérations d’initiés (JO L 334, p. 30).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée à l’encontre de MM. Grøngaard et Bang pour infraction à la loi sur le commerce des valeurs mobilières (værdipapirhandelsloven) transposant en droit danois la directive 89/592.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       La directive 89/592 prévoit à son article 1er:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1)      information privilégiée: une information qui n’a pas été rendue publique, qui a un caractère précis et concerne un ou plusieurs émetteurs de valeurs mobilières, ou une ou plusieurs valeurs mobilières et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours de cette ou de ces valeurs mobilières».

4       L’article 2, paragraphe 1, de la même directive dispose:

«1. Chaque État membre interdit aux personnes qui:

–       en raison de leur qualité de membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de l’émetteur,

–       en raison de leur participation dans le capital de l’émetteur

ou

–       parce qu’elles ont accès à cette information en raison de l’exercice de leur travail, de leur profession ou de leurs fonctions,

disposent d’une information privilégiée, d’acquérir ou de céder pour compte propre ou pour compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les valeurs mobilières de l’émetteur ou des émetteurs concernés par cette information, en exploitant en connaissance de cause cette information privilégiée.»

5       Aux termes de l’article 3 de cette directive:

«Chaque État membre interdit aux personnes soumises à l’interdiction prévue à l’article 2 qui disposent d’une information privilégiée:

a)      de communiquer cette information privilégiée à un tiers, si ce n’est dans le cadre normal de l’exercice de leur travail, de leur profession ou de leurs fonctions;

b)      de recommander à un tiers d’acquérir ou de céder ou de faire acquérir ou céder par un tiers, sur la base de cette information privilégiée, des valeurs mobilières telles que définies à l’article 1er point 2 in fine

6       Selon l’article 4 de la directive 89/592:

«Chaque État membre impose l’interdiction prévue à l’article 2 également à toute personne, autre que celles visées audit article, qui, en connaissance de cause, possède une information privilégiée, dont l’origine directe ou indirecte ne pourrait qu’être une personne visée à l’article 2.»

7       Selon l’article 6 de cette même directive:

«Chaque État membre peut fixer des dispositions plus rigoureuses que celles prévues par la présente directive ou des dispositions supplémentaires, à condition que ces dispositions soient d’application générale. En particulier, il peut étendre la portée de l’interdiction prévue à l’article 2 et imposer aux personnes visées à l’article 4 les interdictions prévues à l’article 3.»

 La réglementation nationale

8       La directive 89/592 a été transposée en droit danois par les articles 34 à 39 et 93 à 96 de la loi sur le commerce des valeurs mobilières.

9       L’article 35, paragraphe 1, de cette loi dispose:

«L’achat, la vente et l’incitation à l’achat ou à la vente d’une valeur mobilière ne peuvent être le fait d’une personne qui détient des informations privilégiées qui peuvent avoir une incidence sur l’opération.»

10     L’article 36, paragraphe 1, de ladite loi est libellé comme suit:

«Il est interdit à quiconque qui dispose d’une information privilégiée de la communiquer à autrui, si ce n’est dans le cadre normal de l’exercice de son travail, de sa profession ou de sa fonction.»

11     L’interdiction de la communication énoncée audit article 36, paragraphe 1, vise toute personne disposant d’une information privilégiée, que cette personne figure ou non au nombre de celles indiquées à l’article 2 de la directive 89/592 ou qu’elle soit entrée en possession d’une telle information d’une autre manière.

12     L’article 94, paragraphe 1, point 1, de la loi sur le commerce des valeurs mobilières dispose que toute infraction à l’article 36, paragraphe 1, de cette même loi est sanctionnée par une peine d’amende ou d’emprisonnement d’un an et six mois au plus.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13     M. Bang est le président de Finansforbundet, le syndicat professionnel des employés du secteur des finances. Finansforbundet compte environ 50 000 membres.

14     M. Grøngaard était membre, désigné par le personnel, du conseil d’administration de la société RealDanmark, un important institut financier coté en bourse et comptant près de 7 000 employés. Il avait également été nommé par Finansforbundet membre du comité de liaison du groupe de RealDanmark (ci‑après le «comité de liaison»). Ce dernier avait été constitué en vertu d’une convention conclue entre Finansforbundet et RealDanmark. M. Grøngaard représentait le syndicat au sein de ce comité. Enfin, M. Grøngaard était président du Kapitalkreds, l’une des 11 sections de Finansforbundet, qui, avec environ 6 500 membres, regroupait plus de 90 % du personnel de RealDanmark.

15     À la suite d’une réunion extraordinaire du conseil d’administration de RealDanmark, M. Grøngaard a, le 23 août 2000, communiqué à M. Bang des informations relatives au plan d’engagement des négociations de fusion avec la Danske Bank, un autre institut financier important au Danemark.

16     Entre le 28 août et le 4 septembre 2000, M. Bang a consulté ses deux vice-présidentes, Mmes Madsen et Nielsen, ainsi que M. Christensen, l’un de ses collaborateurs au secrétariat de Finansforbundet, en leur communiquant les mêmes informations que celles qu’il avait reçues de M. Grøngaard. Le 31 août 2000, M. Christensen a acheté des actions de RealDanmark pour un montant d’environ 48 000 EUR.

17     Le 18 septembre 2000, M. Grøngaard a participé à une réunion du conseil d’administration de RealDanmark au cours de laquelle les détails de la fusion ont été discutés. Le 22 septembre 2000, il a participé à une réunion extraordinaire du comité de liaison au cours de laquelle les détails de la fusion ont également été évoqués. Il s’est à nouveau adressé à M. Bang, le 26 septembre 2000, dans le but d’aider le personnel à faire face aux conséquences de la fusion. Ils ont, notamment, évoqué le calendrier prévu pour la fusion ainsi que la hausse escomptée du cours des actions de RealDanmark, comprise entre 60 et 70 %.

18     Les 27 et 28 septembre 2000, M. Bang a respectivement communiqué des informations à M. Larsen, chef du secrétariat de Finansforbundet et à son collègue M. Christensen, concernant notamment la date prévue de l’annonce de la fusion et le rapport d’échange escompté. Le 29 septembre 2000, M. Christensen a acheté de nouvelles actions de RealDanmark pour un montant d’environ 214 000 EUR.

19     Le 2 octobre 2000, la fusion entre RealDanmark et la Danske Bank a été rendue publique et le cours des actions de RealDanmark a grimpé d’environ 65 %. M. Christensen a vendu ses actions de RealDanmark les 2 et 3 octobre 2000, en réalisant un profit total d’environ 180 000 EUR. Il a été condamné par la suite à six mois d’emprisonnement pour opérations d’initiés en violation de l’article 35, paragraphe 1, de la loi sur le commerce des valeurs mobilières.

20     MM. Grøngaard et Bang sont poursuivis pénalement devant le Københavns Byret pour avoir communiqué des informations privilégiées en violation de l’article 36, paragraphe 1, de cette loi.

21     Saisi de l’affaire, le Københavns Byret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 3, sous a), de la directive 89/592 s’oppose-t-il à ce qu’une personne communique des informations privilégiées lorsqu’elle les a reçues en sa qualité de membre du conseil d’administration, désigné par les salariés, de l’entreprise sur laquelle portent les informations privilégiées et qu’elle les communique au président de l’organisation professionnelle qui regroupe les salariés qui ont désigné cette personne comme administrateur?

2)      L’article 3, sous a), de la directive 89/592 s’oppose-t-il à ce qu’une personne communique des informations privilégiées lorsqu’elle les a reçues en sa qualité de membre du comité de liaison de l’entreprise et qu’elle les communique au président de l’organisation professionnelle qui a désigné cette personne comme membre du comité de liaison?

3)      L’article 3, sous a), de la directive 89/592 s’oppose-t-il à ce que le président d’une organisation professionnelle communique des informations privilégiées lorsqu’il les a reçues dans les circonstances décrites dans la première question et qu’il les communique, respectivement,

a)      à ses deux vice-présidents,

b)      au chef administratif de rang le plus élevé du secrétariat de l’organisation et

c)      à ses collaborateurs au sein du secrétariat de l’organisation?

4)      L’article 3, sous a), de la directive 89/592 s’oppose-t-il à ce que le président d’une organisation professionnelle communique des informations privilégiées lorsqu’il les a reçues dans les circonstances décrites dans la deuxième question et qu’il les communique, respectivement,

a)      à ses deux vice-présidents,

b)      au chef administratif de rang le plus élevé du secrétariat de l’organisation et

c)      à ses collaborateurs au sein du secrétariat de l’organisation?

5)      Quelle est l’incidence pour la réponse aux quatre premières questions du fait que les informations privilégiées qui sont communiquées sont

a)      des informations sur le fait que des négociations de fusion ont été engagées entre deux sociétés cotées en bourse,

b)      des informations relatives à la date d’une fusion entre deux sociétés cotées en bourse ou

c)      des informations relatives à l’importance de la hausse du cours des actions d’une société cotée en bourse à laquelle on s’attend du fait de la fusion de la société avec une autre société cotée en bourse?»

 Sur les questions préjudicielles

 Observations préliminaires

22     La directive 89/592 interdit les opérations d’initiés dans le but de protéger la confiance des investisseurs dans le marché secondaire des valeurs mobilières et, par conséquent, d’assurer le bon fonctionnement de ce marché.

23     Ainsi, l’article 2 de la directive 89/592 interdit aux personnes, qui, en raison notamment de leur qualité de membres des organes d’administration ou en raison de l’exercice de leur travail, de leur profession ou de leurs fonctions, disposent d’une information privilégiée, à savoir une information précise qui n’a pas été rendue publique et qui est susceptible d’influencer de manière sensible le cours d’une ou de plusieurs valeurs mobilières, d’exploiter cette information en acquérant ou en cédant lesdites valeurs mobilières.

24     Afin de limiter le nombre de personnes susceptibles d’exploiter une telle information en cédant ou en acquérant les valeurs mobilières concernées par celle‑ci, l’article 3 de la directive 89/592 prévoit également, pour les personnes mentionnées à l’article 2 de la même directive, une interdiction de communiquer des informations privilégiées aux tiers.

25     Une telle interdiction n’est toutefois pas absolue.

26     Aux termes de l’article 3, sous a), de la directive 89/592, l’interdiction de communiquer une information privilégiée ne s’applique pas à la communication de celle-ci par une personne dans le cadre normal de l’exercice de son travail, de sa profession ou de ses fonctions.

27     Même si cette règle, eu égard aux termes employés, est susceptible de couvrir des situations très diverses, elle doit, en tant qu’exception à une interdiction générale et à la lumière de l’effet utile de la directive 89/592, recevoir une interprétation stricte.

28     La nature pénale de la procédure introduite à l’encontre de MM. Grøngaard et Bang et le principe de légalité des peines applicable dans une telle procédure n’affectent pas l’interprétation stricte à donner à l’article 3, sous a), de la directive 89/592. Ainsi que le fait valoir M. l’avocat général au point 24 de ses conclusions, l’interprétation du champ d’application d’une directive ne saurait dépendre de la nature civile, administrative ou pénale de la procédure dans laquelle elle est invoquée.

29     En outre, il appartient à la juridiction de renvoi d’assurer le respect du principe de la sécurité juridique lors de l’interprétation, à la lumière du texte et de la finalité d’une directive, du droit national adopté en vue d’exécuter celle‑ci (voir arrêt du 12 décembre 1996, X, C‑74/95 et C‑129/95, Rec. p. I‑6609, point 26).

30     Il y a également lieu de rappeler que l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive dans l’interprétation des règles pertinentes de son droit national trouve ses limites, notamment lorsqu’une telle interprétation conduit à déterminer ou à aggraver, sur la base de la directive et indépendamment d’une loi prise pour sa mise en œuvre, la responsabilité pénale de ceux qui agissent en infraction à ses dispositions (voir, notamment, arrêts du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen, 80/86, Rec. p. 3969, point 13, et X, précité, point 24).

31     S’agissant de la portée de l’exception prévue à l’article 3, sous a), de la directive 89/592, il y a lieu de constater que, en exigeant que la communication d’une information privilégiée ait lieu dans le cadre normal de l’exercice du travail, de la profession ou des fonctions d’une personne, ladite exception pose la condition d’un lien étroit entre cette communication et l’exercice de ce travail, de cette profession ou de ces fonctions pour justifier une telle communication.

32     La portée de cette dernière condition doit être appréciée en prenant en considération les objectifs poursuivis par la directive 89/592.

33     Il ressort des deuxième à cinquième considérants de la directive 89/592 que celle‑ci vise à assurer le bon fonctionnement du marché secondaire des valeurs mobilières et à préserver la confiance des investisseurs qui repose, notamment, sur le fait qu’ils seront placés sur un pied d’égalité et protégés contre l’utilisation illicite de l’information privilégiée.

34     À la lumière de ces objectifs et eu égard au fait que l’article 3, sous a), de la directive 89/592 constitue une exception devant recevoir une interprétation stricte, la communication d’une telle information n’est justifiée que si elle est strictement nécessaire à l’exercice d’un travail, d’une profession ou d’une fonction et respectueuse du principe de proportionnalité.

35     Dans le cas de communications successives, chaque communication doit satisfaire à ces conditions pour relever de l’exception prévue à l’article 3, sous a), de la directive 89/592.

36     Lorsqu’il y a lieu d’apprécier la nécessité d’une communication d’informations privilégiées, il convient, en outre, de prendre en considération le fait que chaque communication supplémentaire est susceptible d’augmenter le risque d’exploitation de ces informations dans un but contraire à la directive 89/592.

37     Afin de déterminer si une communication est justifiée, dans un cas particulier, il y a lieu de tenir compte également de la sensibilité de l’information privilégiée en cause.

38     Une prudence particulière s’impose lorsqu’il s’agit de communiquer des informations privilégiées manifestement susceptibles d’affecter, d’une façon sensible, le cours des valeurs mobilières en cause. Dans ce contexte, il y a lieu de relever que des informations privilégiées relatives à une fusion entre deux sociétés cotées en bourse sont généralement d’une nature particulièrement sensible.

39     Il convient également de relever que l’exception prévue à l’article 3, sous a), de la directive 89/592 doit être appréciée en tenant compte des particularités du droit national applicable.

40     En effet, ce qui doit être considéré comme relevant du cadre normal de l’exercice d’un travail, d’une profession ou de fonctions dépend, en l’absence d’une harmonisation en la matière, dans une large mesure, des règles régissant ces questions dans les différents systèmes juridiques nationaux.

41     Enfin, il y a lieu de rappeler que la directive 89/592 fixe des exigences minimales en ce qui concerne l’interdiction d’exploiter et de communiquer des informations privilégiées.

42     En effet, en vertu de l’article 6 de la directive 89/592, chaque État membre peut fixer des dispositions d’application générale encore plus rigoureuses que celles prévues par cette directive.

 Sur les première et deuxième questions

43     Par ses deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, sous a), de la directive 89/592 s’oppose à ce qu’une personne, qui reçoit des informations privilégiées en sa qualité de représentant des travailleurs au sein du conseil d’administration d’une société ou en sa qualité de membre du comité de liaison d’un groupe d’entreprises, communique de telles informations au président de l’organisation professionnelle qui regroupe ces travailleurs et qui a désigné cette personne comme membre du comité de liaison.

44     À cet égard, il convient tout d’abord de relever que le statut et le fonctionnement des organes d’administration, de direction ou de surveillance des sociétés de capitaux, ainsi que le statut et le rôle des représentants des travailleurs au sein de ces organes sont, pour l’essentiel, réglementés dans les ordres juridiques des États membres.

45     Il en va de même en ce qui concerne le statut et le fonctionnement du comité de liaison.

46     Il s’ensuit que, sur la question de savoir si la communication d’informations privilégiées par une telle personne au président de ladite organisation professionnelle relève d’un exercice normal de ses fonctions, la réponse dépend, dans une large mesure, des règles régissant ces fonctions dans le système juridique national en question.

47     Même si une telle communication est autorisée par l’ordre juridique national applicable, elle doit également, pour relever de l’exception prévue à l’article 3, sous a), de la directive 89/592, être effectuée dans les conditions précisées aux points 22 à 42 du présent arrêt.

48     Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions que l’article 3, sous a), de la directive 89/592 s’oppose à ce qu’une personne, qui reçoit des informations privilégiées en sa qualité de représentant des travailleurs au sein du conseil d’administration d’une société ou en sa qualité de membre du comité de liaison d’un groupe d’entreprises, communique de telles informations au président de l’organisation professionnelle qui regroupe ces travailleurs et qui a désigné cette personne comme membre du comité de liaison, sauf:

–       s’il existe un lien étroit entre la communication et l’exercice de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, et

–       si cette communication est strictement nécessaire à l’exercice desdits travail, profession ou fonctions.

Dans le cadre de son examen, la juridiction nationale doit, à la lumière des règles nationales applicables, notamment, tenir compte:

–       du fait que ladite exception à l’interdiction de communiquer des informations privilégiées doit recevoir une interprétation stricte;

–       de la circonstance que chaque communication supplémentaire est susceptible d’augmenter le risque d’une exploitation de ces informations dans un but contraire à la directive 89/592, et

–       de la sensibilité de l’information privilégiée.

 Sur les troisième et quatrième questions

49     Par ses troisième et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si et dans quelles conditions l’article 3, sous a), de la directive 89/592 permet au président d’une organisation professionnelle, qui reçoit des informations privilégiées dans les conditions précisées aux première et deuxième questions, de communiquer de telles informations à ses collaborateurs.

50     À cet égard, il convient d’indiquer que l’activité d’une organisation professionnelle, telle que celle en cause au principal, et le rôle du président de cette organisation relèvent, pour l’essentiel, tout comme les organes d’administration et le comité de liaison qui font l’objet des deux premières questions, du système juridique national en question.

51     Il s’ensuit que la réponse à la question de savoir si le président d’une telle organisation professionnelle peut communiquer des informations privilégiées à des tiers dans le cadre de ses fonctions dépend dans une large mesure du droit national applicable.

52     Il convient de rappeler, ainsi qu’il a été précisé au point 47 du présent arrêt, que même si une telle communication est autorisée par l’ordre juridique national applicable, elle doit également, pour relever de l’exception prévue à l’article 3, sous a), de la directive 89/592, être effectuée dans les conditions précisées aux points 22 à 42 du présent arrêt.

53     Dans ce contexte, il y a lieu également de rappeler que, conformément aux articles 2 et 3, sous a), de la directive 89/592, outre des personnes qui disposent d’informations privilégiées en raison de leur qualité de membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance ou en raison de leur participation dans le capital de la société émettrice, l’interdiction de communiquer des informations privilégiées ne s’applique qu’aux personnes qui disposent de telles informations en raison de l’exercice de leur travail, de leur profession ou de leurs fonctions.

54     Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre aux troisième et quatrième questions que l’article 3, sous a), de la directive 89/592 s’oppose à une communication d’informations privilégiées faite par le président d’une organisation professionnelle à des collaborateurs, tels que ceux visés à ces questions, sauf dans les conditions énoncées dans la réponse donnée aux première et deuxième questions. Dans le cadre de son examen, la juridiction nationale doit, à la lumière des règles nationales applicables, notamment tenir compte des critères également énoncés dans cette réponse.

 Sur la cinquième question

55     Eu égard aux réponses données aux quatre premières questions, il n’y a pas lieu de répondre à la cinquième question.

 Sur les dépens

56     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      L’article 3, sous a), de la directive 89/592/CEE du Conseil, du 13 novembre 1989, concernant la coordination des réglementations relatives aux opérations d’initiés, s’oppose à ce qu’une personne, qui reçoit des informations privilégiées en sa qualité de représentant des travailleurs au sein du conseil d’administration d’une société ou en sa qualité de membre du comité de liaison d’un groupe d’entreprises, communique de telles informations au président de l’organisation professionnelle qui regroupe ces travailleurs et qui a désigné cette personne comme membre du comité de liaison, sauf:

–       s’il existe un lien étroit entre la communication et l’exercice de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, et

–       si cette communication est strictement nécessaire à l’exercice desdits travail, profession ou fonctions.

Dans le cadre de son examen, la juridiction nationale doit, à la lumière des règles nationales applicables, notamment, tenir compte:

–       du fait que ladite exception à l’interdiction de communiquer des informations privilégiées doit recevoir une interprétation stricte;

–       de la circonstance que chaque communication supplémentaire est susceptible d’augmenter le risque d’une exploitation de ces informations dans un but contraire à la directive 89/592, et

–       de la sensibilité de l’information privilégiée.

2)      L’article 3, sous a), de la directive 89/592 s’oppose à une communication d’informations privilégiées faite par le président d’une organisation professionnelle à des collaborateurs, tels que ceux visés aux troisième et quatrième questions, sauf dans les conditions énoncées dans la réponse donnée aux première et deuxième questions.

Dans le cadre de son examen, la juridiction nationale doit, à la lumière des règles nationales applicables, notamment tenir compte des critères également énoncés dans cette réponse.

Signatures


* Langue de procédure: le danois.