Language of document : ECLI:EU:C:2015:188

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

19 mars 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale – Règlement (CEE) no 1408/71 – Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes – Ressortissant d’un État membre, dans lequel il réside, employé comme travailleur salarié à bord d’un navire poseur de canalisations battant pavillon d’un autre État tiers – Travailleur initialement occupé par une entreprise établie aux Pays-Bas et, par la suite, par une entreprise établie en Suisse – Travail exécuté successivement sur le plateau continental adjacent à un État tiers, dans les eaux internationales et dans la partie du plateau continental adjacente à certains États membres – Champ d’application personnel dudit règlement – Détermination de la législation applicable»

Dans l’affaire C‑266/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays‑Bas), par décision du 12 avril 2013, parvenue à la Cour le 15 mai 2013, dans la procédure

L. Kik

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Vajda, A. Rosas, E. Juhász et D. Šváby (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2014,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Kik, par M. H. Menger,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes B. Koopman, M. Bulterman, C. Schillemans et M. Gijzen, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et J. Enegren, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 octobre 2014,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 307/1999 du Conseil, du 8 février 1999 (JO L 38, p. 1, ci-après le «règlement no 1408/71»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Kik au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) au sujet de l’affiliation de M. Kik au régime général d’assurance sociale néerlandais pour la période courant du 1er juin au 24 août 2004.

 Le cadre juridique

 Le droit international

3        La convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982, entrée en vigueur le 16 novembre 1994, a été ratifiée par le Royaume des Pays-Bas, le 28 juin 1996, et par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, le 25 juillet 1997, et a été approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 98/392/CE du Conseil, du 23 mars 1998 (JO L 179, p. 1, ci-après la «convention sur le droit de la mer»).

4        Cette convention stipule à son article 60, intitulé «Îles artificielles, installations et ouvrages dans la zone économique exclusive»:

«1.      Dans la zone économique exclusive, l’État côtier a le droit exclusif de procéder à la construction et d’autoriser et réglementer la construction, l’exploitation et l’utilisation:

a)      d’îles artificielles;

b)      d’installations et d’ouvrages affectés aux fins prévues à l’article 56 ou à d’autres fins économiques;

c)      d’installations et d’ouvrages pouvant entraver l’exercice des droits de l’État côtier dans la zone.

2.      L’État côtier a juridiction exclusive sur ces îles artificielles, installations et ouvrages, y compris en matière de lois et règlements douaniers, fiscaux, sanitaires, de sécurité et d’immigration.

[...]»

5        L’article 77 de la convention sur le droit de la mer, intitulé «Droits de l’État côtier sur le plateau continental», prévoit:

«1.      L’État côtier exerce des droits souverains sur le plateau continental aux fins de son exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles.

2.      Les droits visés au paragraphe 1 sont exclusifs en ce sens que si l’État côtier n’explore pas le plateau continental ou n’en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles activités sans son consentement exprès.

3.      Les droits de l’État côtier sur le plateau continental sont indépendants de l’occupation effective ou fictive, aussi bien que de toute proclamation expresse.

[...]»

6        Aux termes de l’article 79 de cette convention, intitulé «Câbles et pipelines sous‑marins sur le plateau continental»:

«1.      Tous les États ont le droit de poser des câbles et des pipelines sous-marins sur le plateau continental conformément au présent article.

2.      Sous réserve de son droit de prendre des mesures raisonnables pour l’exploration du plateau continental, l’exploitation de ses ressources naturelles et la prévention, la réduction et la maîtrise de la pollution par les pipelines, l’État côtier ne peut entraver la pose ou l’entretien de ces câbles ou pipelines.

3.      Le tracé des pipelines posés sur le plateau continental doit être agréé par l’État côtier.

4.      Aucune disposition de la présente partie n’affecte le droit de l’État côtier d’établir des conditions s’appliquant aux câbles ou pipelines qui pénètrent dans son territoire ou dans sa mer territoriale, ou sa juridiction sur les câbles et pipelines installés ou utilisés dans le cadre de l’exploration de son plateau continental ou de l’exploitation de ses ressources, ou de l’exploitation d’îles artificielles, d’installations ou d’ouvrages relevant de sa juridiction.

[...]»

7        L’article 80 de la convention sur le droit de la mer, intitulé «Îles artificielles, installations et ouvrages sur le plateau continental», stipule que l’article 60 de cette convention s’applique, mutatis mutandis, aux îles artificielles, installations et ouvrages situés sur le plateau continental.

 Le droit de l’Union

8        Le règlement no 1408/71 porte visa, notamment, de l’article 51 du traité CEE (devenu article 51 du traité CE, lui-même devenu, après modification, article 42 CE), auquel correspond actuellement l’article 48 TFUE. Ces articles concernent principalement la coordination des régimes de sécurité sociale des États membres et le paiement des prestations dans le cadre de ces régimes ainsi coordonnés. À la suite de ce visa, ce règlement contient, entre autres, les considérants suivants:

«considérant que les règles de coordination des législations nationales de sécurité sociale s’inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes et doivent contribuer à l’amélioration de leur niveau de vie et des conditions de leur emploi;

[...]

considérant que, en raison des importantes différences existant entre les législations nationales quant à leur champ d’application personnel, il est préférable de poser le principe suivant lequel le règlement est applicable à toutes les personnes assurées dans le cadre des régimes de sécurité sociale organisés au bénéfice des travailleurs salariés et non salariés ou en raison de l’exercice d’une activité salariée ou non salariée;

considérant qu’il convient de respecter les caractéristiques propres aux législations nationales de sécurité sociale et d’élaborer uniquement un système de coordination;

[...]

considérant qu’il convient de soumettre les travailleurs salariés et non salariés qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté au régime de la sécurité sociale d’un seul État membre, de sorte que les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évités;

[...]

considérant que, en vue de garantir le mieux l’égalité de traitement de tous les travailleurs occupés sur le territoire d’un État membre, il est approprié de déterminer comme législation applicable, en règle générale, la législation de l’État membre sur le territoire duquel l’intéressé exerce son activité salariée ou non salariée;

considérant qu’il convient de déroger à cette règle générale dans des situations spécifiques justifiant un autre critère de rattachement;

[...]»

9        Aux termes de l’article 1er du règlement no 1408/71:

«Aux fins de l’application du présent règlement:

a)      les termes ‘travailleur salarié’ et ‘travailleur non salarié’ désignent, respectivement, toute personne:

i)      qui est assurée au titre d’une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d’un régime de sécurité sociale s’appliquant aux travailleurs salariés ou non salariés ou par un régime spécial des fonctionnaires;

[...]»

10      Intitulé «Personnes couvertes», l’article 2 de ce règlement dispose à son paragraphe 1:

«Le présent règlement s’applique aux travailleurs salariés ou non salariés et aux étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l’un des États membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d’un des États membres ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants.»

11      Le titre II du règlement no 1408/71 contient les articles 13 à 17 bis de ce dernier, relatifs à la détermination de la législation applicable. Ledit article 13, après avoir posé, à son paragraphe 1, la règle selon laquelle les personnes auxquelles ce règlement est applicable ne sont soumises, en principe, qu’à la législation d’un seul État membre, se poursuit en ces termes:

«2.      Sous réserve des articles 14 à 17:

a)      la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre État membre;

[...]

c)      la personne qui exerce son activité professionnelle à bord d’un navire battant pavillon d’un État membre est soumise à la législation de cet État;

[...]

f)      la personne à laquelle la législation d’un État membre cesse d’être applicable, sans que la législation d’un autre État membre lui devienne applicable en conformité avec l’une des règles énoncées aux alinéas précédents ou avec l’une des exceptions ou règles particulières visées aux articles 14 à 17, est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside, conformément aux dispositions de cette seule législation.»

12      Intitulé «Règles particulières applicables aux personnes autres que les gens de mer, exerçant une activité salariée», l’article 14 du règlement no 1408/71 contient les dispositions suivantes:

«La règle énoncée à l’article 13 paragraphe 2 point a) est appliquée compte tenu des exceptions et particularités suivantes:

[...]

2)      la personne qui exerce normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres est soumise à la législation déterminée comme suit:

a)      la personne qui fait partie du personnel roulant ou navigant d’une entreprise effectuant, pour le compte d’autrui ou pour son propre compte, des transports internationaux de passagers ou de marchandises par voies ferroviaire, routière, aérienne ou batelière et ayant son siège sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de ce dernier État. Toutefois:

i)      la personne occupée par une succursale ou une représentation permanente que ladite entreprise possède sur le territoire d’un État membre autre que celui où elle a son siège est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel cette succursale ou représentation permanente se trouve;

ii)      la personne occupée de manière prépondérante sur le territoire de l’État membre où elle réside est soumise à la législation de cet État, même si l’entreprise qui l’occupe n’a ni siège, ni succursale, ni représentation permanente sur ce territoire;

b)      la personne autre que celle visée au point a) est soumise:

i)      à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside, si elle exerce une partie de son activité sur ce territoire ou si elle relève de plusieurs entreprises ou de plusieurs employeurs ayant leur siège ou leur domicile sur le territoire de différents États membres;

ii)      à la législation de l’État membre sur le territoire duquel l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile, si elle ne réside pas sur le territoire de l’un des États membres où elle exerce son activité;

[...]»

13      L’article 14 ter du règlement no 1408/71, établissant des règles particulières applicables aux gens de mer, dispose:

«La règle énoncée à l’article 13 paragraphe 2 point c) est appliquée compte tenu des exceptions et particularités suivantes:

[...]

4)      la personne qui exerce une activité salariée à bord d’un navire battant pavillon d’un État membre et [est] rémunérée au titre de cette activité par une entreprise ou une personne ayant son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre État membre est soumise à la législation de ce dernier État si elle a sa résidence sur son territoire; l’entreprise ou la personne qui verse la rémunération est considérée comme l’employeur pour l’application de ladite législation.»

14      Aux termes de l’article 15 de ce règlement, intitulé «Règles concernant l’assurance volontaire ou l’assurance facultative continuée»:

«1.      Les articles 13 à 14 quinquies ne sont pas applicables en matière d’assurance volontaire ou facultative continuée sauf si, pour l’une des branches visées à l’article 4, il n’existe dans un État membre qu’un régime d’assurance volontaire.

2.      Au cas où l’application des législations de deux ou plusieurs États membres entraîne le cumul d’affiliation:

–        à un régime d’assurance obligatoire et à un ou plusieurs régimes d’assurance volontaire ou facultative continuée, l’intéressé est soumis exclusivement au régime d’assurance obligatoire,

[...]»

15      L’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999, approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission concernant l’accord de coopération scientifique et technologique, du 4 avril 2002, relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO L 114, p. 1, ci-après l’«accord CE‑Suisse»), dispose à son article 8:

«Les parties contractantes règlent, conformément à l’annexe II, la coordination des systèmes de sécurité sociale dans le but d’assurer notamment:

a)      l’égalité de traitement;

b)      la détermination de la législation applicable;

c)      la totalisation, pour l’ouverture et le maintien du droit aux prestations, ainsi que pour le calcul de celles-ci, de toutes périodes prises en considération par les différentes législations nationales;

d)      le paiement des prestations aux personnes résidant sur le territoire des parties contractantes;

e)      l’entraide et la coopération administratives entre les autorités et les institutions.»

16      L’annexe II de l’accord CE‑Suisse, relative à la coordination des systèmes de sécurité sociale, prévoit à son article 1er:

«1.      Les parties contractantes conviennent d’appliquer entre elles, dans le domaine de la coordination des systèmes de sécurité sociale, les actes communautaires auxquels il est fait référence tels qu’en vigueur à la date de la signature de l’accord et tels que modifiés par la section A de la présente annexe ou des règles équivalentes à ceux-ci.

2.      [Les termes] ‘État(s) membre(s)’ figurant dans les actes auxquels il est fait référence à la section A de la présente annexe [sont considérés] renvoyer, en plus des États couverts par les actes communautaires en question, à la Suisse.»

17      La section A de ladite annexe fait notamment référence au règlement no 1408/71.

18      Le règlement no 1408/71 a été remplacé par le règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166, p. 1), qui est devenu applicable le 1er mai 2010, date à partir de laquelle le règlement no 1408/71 a été abrogé. L’annexe II de l’accord CE‑Suisse a été mise à jour par la décision no 1/2012 du comité mixte institué par l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, du 31 mars 2012, remplaçant l’annexe II dudit accord sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 103, p. 51), entrée en vigueur le 1er avril 2012. Ladite annexe fait désormais référence au règlement no 883/2004. Toutefois, les faits antérieurs à la date d’entrée en vigueur de cette décision demeurent régis par le règlement no 1408/71, en application, à la fois, de l’article 90, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, selon lequel le règlement no 1408/71 reste en vigueur et ses effets juridiques sont préservés aux fins, entre autres, de l’accord CE‑Suisse aussi longtemps que cet accord n’a pas été modifié, et de l’annexe II, section A, point 3, dudit accord, dans sa version modifiée, qui renvoie toujours au règlement no 1408/71 «lorsque des affaires qui ont eu lieu par le passé sont concernées».

 Le droit néerlandais

19      Il découle de la décision de renvoi que, conformément à la législation néerlandaise relative au régime général d’assurance sociale, les travailleurs salariés résidant aux Pays-Bas sont, en règle générale, obligatoirement affiliés aux différentes branches de ce régime. Par exception, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, de l’arrêté de 1999 sur l’extension et la limitation du cercle d’affiliés aux assurances sociales (Besluit uitbreiding en beperking kring verzekerden volksverzekeringen 1999), cette affiliation cesse en cas de travail durant une période minimale de trois mois consécutifs en dehors des Pays-Bas, à moins que ce ne soit au service d’un employeur établi dans cet État membre. Selon les précisions données par le gouvernement néerlandais, l’arrêté relatif à l’obligation d’affiliation des gens de mer (Besluit verzekeringsplicht zeevarenden) prévoit, dans le même sens, que, lorsqu’un marin qui réside dans un État membre exerce ses activités sur un navire battant pavillon d’un État tiers autre qu’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), pour un employeur établi aux Pays-Bas, la législation néerlandaise relative aux assurances sociales des travailleurs salariés est applicable.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

20      Au cours de l’année 2004, M. Kik, ressortissant néerlandais résidant aux Pays-Bas, a travaillé sur un navire poseur de canalisations battant pavillon panaméen. Jusqu’au 31 mai de cette année, il était employé par une société établie aux Pays-Bas et était soumis au régime général d’assurance sociale de cet État membre. À partir du 1er juin suivant, il a été employé par une société établie en Suisse pour la même activité. Son salaire est demeuré soumis à l’impôt sur les revenus néerlandais. Conformément à la législation néerlandaise, l’affiliation audit régime général d’assurance sociale prend fin en cas de travail en dehors des Pays-Bas pour un employeur non établi dans cet État membre durant une période minimale de trois mois consécutifs.

21      La question qui se trouve au centre du litige au principal porte sur le point de savoir si, compte tenu du règlement no 1408/71, M. Kik est redevable de cotisations au régime d’assurance sociale néerlandais pour la période courant du 1er juin au 24 août 2004. Durant cette période, le navire sur lequel il travaillait s’est successivement trouvé à hauteur du plateau continental adjacent à un État tiers, dans les eaux internationales et à hauteur de la partie du plateau continental adjacente à certains États membres (Pays-Bas et Royaume‑Uni).

22      M. Kik soutient qu’il découle du règlement no 1408/71 qu’il ne relevait pas du régime d’assurance sociale néerlandais au cours de ladite période.

23      Saisi d’un pourvoi en cassation formé par M. Kik contre la décision rendue en dernier ressort le déclarant redevable des cotisations au régime d’assurance sociale néerlandais pour la période considérée, le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas) s’interroge sur l’applicabilité de ce règlement.

24      Cette juridiction se demande tout d’abord si ledit règlement s’applique exclusivement aux travailleurs migrants et, dans cette hypothèse, si M. Kik peut être considéré comme tel, eu égard aux lieux où son activité a été successivement exercée durant la période litigieuse, compte tenu de la nature particulière du navire à bord duquel il travaillait et de sa qualification au regard de la convention sur le droit de la mer ainsi que, le cas échéant, de la destination des canalisations posées.

25      En particulier, la juridiction de renvoi se demande si, durant les périodes où le navire concerné se trouvait à hauteur de la partie du plateau continental adjacente soit aux Pays-Bas, soit au Royaume-Uni, M. Kik devait être considéré comme ayant exercé son activité sur le territoire de ces États membres. Selon la réponse à apporter à cette question, il y aurait lieu de constater que, durant soit la totalité de la période litigieuse, soit une grande partie de cette période, l’intéressé a travaillé en dehors du territoire de l’Union européenne et ne peut pas être considéré comme un travailleur migrant relevant, à ce titre, du champ d’application personnel du règlement no 1408/71.

26      Toutefois, se référant à l’arrêt Aldewereld (C‑60/93, EU:C:1994:271), la juridiction de renvoi considère que, même en cas d’exercice de l’activité professionnelle en dehors du territoire de l’Union, l’existence d’un rattachement suffisamment étroit avec ce territoire conduit à appliquer les dispositions du titre II de ce règlement à un travailleur ayant la nationalité d’un État membre.

27      À cet égard, elle envisage la possibilité que des facteurs de rattachement pertinents puissent être retenus tant avec la Confédération suisse – État qui doit être assimilé à un État membre en ce qui concerne l’application dudit règlement – (lieu d’établissement de l’employeur) qu’avec le territoire de l’Union (prélèvement de l’impôt sur les revenus aux Pays‑Bas et, éventuellement, travail sur le territoire du Royaume des Pays-Bas et du Royaume-Uni, si le travail à bord du navire poseur de canalisations en cause au principal, lorsqu’il opérait à hauteur de la partie du plateau continental adjacente à ces États membres, est assimilable à un travail sur le territoire de ceux-ci). Toutefois, s’agissant de ce dernier élément, à le supposer pertinent, il conviendrait de savoir s’il doit être pris en considération uniquement pour les périodes où le navire opérait à hauteur de la partie du plateau continental adjacente auxdits États membres, ou bien pour l’ensemble de la période litigieuse, ce qui pourrait éventuellement dépendre de la circonstance que cela avait été planifié dès l’origine, ou non.

28      À supposer que M. Kik rentre dans le champ d’application personnel du règlement no 1408/71 et, donc, qu’il y ait lieu de faire application des règles figurant au titre II de celui-ci pour déterminer la législation applicable en matière de sécurité sociale, la juridiction de renvoi s’interroge sur la règle pertinente.

29      Elle considère que le lieu de travail est un élément important et, donc, qu’il est nécessaire, à cet égard également, de savoir si une activité salariée exercée à bord d’un navire poseur de canalisations opérant à hauteur de la partie du plateau continental adjacente à un État membre doit être assimilée à un travail effectué sur le territoire de cet État membre.

30      Dans la négative, aucune règle figurant audit titre II ne serait applicable en tant que telle. Partant, dès lors qu’il serait inacceptable qu’un travailleur auquel le règlement no 1408/71 s’applique ne soit soumis à aucun régime d’assurance sociale, il y aurait lieu d’identifier le facteur de rattachement le plus pertinent. En l’occurrence, la résidence du travailleur devrait être écartée, en l’absence d’indication d’un lien quelconque entre celle-ci et la relation de travail. Il en irait de même du lieu d’imposition des revenus professionnels, dès lors que le règlement no 1408/71 ne prend nullement cet élément en considération. Par élimination, le lieu d’établissement de l’employeur revêtirait une importance particulière, référence étant faite à cet égard à l’arrêt Aldewereld (EU:C:1994:271).

31      Dans l’hypothèse où l’activité salariée exercée à bord d’un navire poseur de canalisations opérant à hauteur de la partie du plateau continental adjacente à un État membre devrait être assimilée à un travail effectué sur le territoire de cet État membre, le Hoge Raad der Nederlanden envisage deux solutions possibles.

32      Une première solution consisterait à se référer à la règle principale énoncée à l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71, qui désigne la législation du lieu de travail, et, partant, à appliquer les législations néerlandaise et du Royaume-Uni pour les périodes durant lesquelles le travail devrait être considéré comme ayant été effectué sur le territoire de chacun de ces États membres, la législation suisse étant applicable pour le surplus, par identité de motifs avec ce qui est exposé au point 30 du présent arrêt.

33      Selon la seconde solution envisagée, il y aurait lieu de considérer que le travail a été effectué normalement sur le territoire de plusieurs États membres, au sens de l’article 14, point 2, de ce règlement, et, partant, d’appliquer la règle mentionnée à ce point 2, sous b), i), première hypothèse, ce qui conduirait à retenir l’application de la loi de l’État membre de résidence, dès lors qu’une partie de l’activité y a été exercée.

34      La juridiction de renvoi considère que la circonstance que, selon son titre, l’article 14 du règlement no 1408/71 contient des règles particulières applicables aux travailleurs salariés autres que les gens de mer pourrait ne pas être déterminante, dès lors que l’article 14 ter de celui-ci, où figurent les règles particulières applicables aux gens de mer, ne contient aucune disposition applicable en l’occurrence.

35      En revanche, elle s’interroge sur la distinction qu’il convient d’opérer entre ce cas de figure et celui dans lequel une activité salariée est exercée d’abord dans un État membre et ensuite dans un autre État membre, situation régie par l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1408/71, car, à proprement parler, deux activités ne pourraient jamais être exercées au même moment par le même personne à deux endroits différents. En conséquence, l’expression «exerce normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres», employée audit article 14, point 2, de ce règlement viserait également une activité qui est exercée successivement sur le territoire de plusieurs États membres. Or, une interprétation trop stricte de cette expression serait défavorable à la libre circulation des travailleurs, car elle impliquerait que les travailleurs non couverts par la règle particulière mentionnée à cet article 14, point 2, seraient soumis à l’article 13, paragraphe 2, sous a), dudit règlement et, de ce fait, seraient confrontés à une modification fréquente de la législation qui leur est applicable.

36      Dans ce contexte, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      a)     Les règles relatives au champ d’application personnel du règlement no 1408/71 et les règles qui déterminent la portée territoriale des règles de désignation de la loi applicable qui figurent au titre II de ce règlement doivent‑elles être interprétées en ce sens que ces règles de désignation sont applicables dans un cas tel que celui en cause, dans lequel un travailleur résidant aux Pays-Bas qui a la nationalité néerlandaise, en toute hypothèse, a été précédemment obligatoirement affilié aux Pays-Bas, est employé comme marin au service d’un employeur établi en Suisse, exerce son travail à bord d’un navire poseur de canalisations qui bat pavillon panaméen et exerce ses activités, dans un premier temps, en dehors du territoire de l’Union (environ trois semaines au-dessus du plateau continental des États‑Unis et environ deux semaines dans les eaux internationales) et, par la suite, au-dessus du plateau continental des Pays-Bas (périodes d’un mois et d’environ une semaine) et du Royaume-Uni (période d’un peu plus d’une semaine), tandis que les revenus ainsi acquis ont été soumis à l’impôt sur les revenus aux Pays-Bas?

b)      Si la réponse est affirmative, le règlement no 1408/71 n’est-il applicable que pendant les jours durant lesquels l’intéressé a travaillé au‑dessus du plateau continental d’un État membre de l’Union ou l’est‑t‑il également pendant la période antérieure, durant laquelle il travaillait ailleurs, en dehors du territoire de l’Union?

2)      Si le règlement no 1408/71 est applicable à un tel travailleur, quelle(s) législation(s) ce règlement désigne-t-il comme applicable(s)?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

37      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’un travailleur salarié qui, tel M. Kik, est ressortissant d’un État membre où il réside, et où ses revenus sont soumis à l’impôt, travaille sur un navire poseur de canalisations battant pavillon d’un État tiers et naviguant dans différents endroits du monde, notamment à hauteur de la partie du plateau continental adjacente à certains États membres, qui était précédemment employé par une entreprise établie dans son État membre de résidence, change d’employeur et est désormais occupé par une entreprise établie en Suisse, tout en continuant à résider dans le même État membre et à naviguer sur le même navire, relève du champ d’application personnel de ce règlement.

38      À cet égard, il convient de considérer, en premier lieu, que, conformément à l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, ce règlement s’applique notamment aux travailleurs salariés qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants d’un État membre.

39      Il résulte de la décision de renvoi que tel fut le cas de M. Kik durant la période en cause au principal. En effet, celui-ci est un ressortissant néerlandais et était assuré, durant cette période, au régime général d’assurance sociale des Pays-Bas en raison de sa résidence dans cet État membre. En outre, si le litige au principal porte sur le point de savoir si M. Kik relevait, durant ladite période, de la législation néerlandaise ou de la législation suisse, il n’est toutefois pas contesté qu’il était soumis à l’une ou à l’autre de ces législations.

40      En second lieu, il convient de constater que le travail exercé à bord d’un navire poseur de canalisations ne saurait être assimilé à un travail effectué sur le territoire d’un État membre lorsque ce navire se trouve à hauteur de la partie du plateau continental adjacente à cet État membre.

41      En effet, la juridiction que l’article 79, paragraphe 4, de la convention sur le droit de la mer reconnaît à un État côtier est limitée aux câbles et pipelines installés ou utilisés dans le cadre de l’exploration de son plateau continental ou de l’exploitation des ressources de celui-ci, et ne s’étend donc pas au navire occupé à poser ces câbles ou pipelines. Par ailleurs, un tel navire ne saurait être assimilé à une «île artificielle», une «installation» ou un «ouvrage» situés sur le plateau continental, au sens de l’article 80 de cette convention. En toute hypothèse, il ne résulte pas de la décision de renvoi que les canalisations posées par le navire sur lequel travaillait M. Kik durant les périodes où il se trouvait à hauteur de la partie du plateau continental adjacente à certains États membres étaient destinées à l’exploration du plateau continental ou à l’exploitation des ressources de celui-ci.

42      Toutefois, dans une situation telle que celle de M. Kik, le constat selon lequel le travail effectué à bord d’un navire poseur de canalisations ne saurait être assimilé à un travail effectué sur le territoire d’un État membre même lorsque ce navire se trouve à hauteur de la partie du plateau continental adjacente à cet État membre n’est pas, à lui seul, de nature à remettre en cause l’applicabilité du règlement no 1408/71. En effet, la seule circonstance que les activités d’un travailleur s’exercent en dehors du territoire de l’Union ne suffit pas pour écarter l’application des règles de l’Union sur la libre circulation des travailleurs dès lors que le rapport de travail garde un rattachement suffisamment étroit avec ce territoire (arrêt Aldewereld, EU:C:1994:271, point 14).

43      À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un rattachement suffisamment étroit entre le rapport de travail en cause et le territoire de l’Union découle, notamment, de la circonstance qu’un citoyen de l’Union, résidant dans un État membre, a été engagé par une entreprise établie dans un autre État membre pour le compte de laquelle il exerce ses activités (voir, en ce sens, arrêt Petersen, C‑544/11, EU:C:2013:124, point 42).

44      Or, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 40 des conclusions, le travail effectué par M. Kik durant la période en cause au principal est caractérisé par un certain nombre de facteurs de rattachement avec le territoire du Royaume des Pays-Bas et avec celui de la Confédération suisse, État assimilé à un État membre aux fins du règlement no 1408/71. Il suffit de constater, à cet égard, que M. Kik résidait aux Pays-Bas et que le lieu d’établissement de son employeur était situé en Suisse.

45      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que le règlement no 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’un travailleur salarié qui, tel M. Kik, est ressortissant d’un État membre où il réside, et où ses revenus sont soumis à l’impôt, travaille sur un navire poseur de canalisations battant pavillon d’un État tiers et naviguant dans différents endroits du monde, notamment à hauteur de la partie du plateau continental adjacente à certains États membres, qui était précédemment employé par une entreprise établie dans son État membre de résidence, change d’employeur et est désormais occupé par une entreprise établie en Suisse, tout en continuant à résider dans le même État membre et à naviguer sur le même navire, relève du champ d’application personnel de ce règlement.

 Sur la seconde question

46      Par sa seconde question, posée dans l’hypothèse où le règlement no 1408/71 serait applicable à un travailleur tel que M. Kik et à laquelle il y a donc lieu de répondre, la juridiction de renvoi demande quelle est la législation que les dispositions régissant la détermination de la législation nationale applicable contenues dans le titre II de ce règlement désignent comme applicable à un tel travailleur.

47      À cet égard, il convient de rappeler que, dès lors qu’une personne relève du champ d’application personnel du règlement no 1408/71, tel qu’il est défini à l’article 2 de ce dernier, la règle d’unicité énoncée à l’article 13, paragraphe 1, de ce règlement est en principe applicable et la législation nationale applicable est déterminée conformément aux dispositions du titre II de ce règlement (arrêt Aldewereld, EU:C:1994:271, point 10).

48      Au point 11 de cet arrêt, la Cour a constaté qu’aucune des dispositions de ce titre II ne vise directement la situation d’un travailleur qui a été engagé par une entreprise de l’Union, mais n’exerce aucune activité sur le territoire de l’Union, du fait qu’il travaille exclusivement sur le territoire d’un État tiers.

49      À cette hypothèse, il y a lieu d’assimiler celle où un travailleur a été engagé par une entreprise de l’Union pour travailler sur un navire battant pavillon d’un État tiers.

50      Il en est ainsi indépendamment de l’introduction, postérieure à la période pertinente dans le cadre dudit arrêt, de l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71, conformément auquel la personne à laquelle la législation d’un État membre cesse d’être applicable sans que la législation d’un autre État membre lui devienne applicable en vertu d’une autre disposition du titre II de ce règlement est soumise à la législation de l’État membre sur le territoire duquel elle réside.

51      À cet égard, il convient de rappeler que la cessation de l’application de la législation d’un État membre constitue une condition d’application de cette disposition et que celle-ci ne définit pas elle-même les conditions selon lesquelles la législation d’un État membre cesse d’être applicable (voir arrêt Commission/Belgique, C‑347/98, EU:C:2001:236, point 31). Ainsi que la Cour l’a énoncé, notamment, au point 33 de l’arrêt van Pommeren-Bourgondiën (C‑227/03, EU:C:2005:431), il appartient à la législation nationale de chaque État membre de déterminer ces conditions.

52      En effet, comme il est précisé à l’article 10 ter du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71 (JO L 74, p. 1), dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, la date et les conditions auxquelles la législation d’un État membre cesse d’être applicable à une personne visée à l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71 sont déterminées conformément aux dispositions de cette législation.

53      Or, en vertu du droit néerlandais, la législation en matière de sécurité sociale de cet État membre restait applicable à M. Kik au cours de la totalité de la période litigieuse. La condition tenant à la cessation de l’application de la législation d’un État membre n’étant pas remplie, l’article 13, paragraphe 2, sous f), du règlement no 1408/71 n’est pas applicable dans une situation telle que celle en cause au principal.

54      Partant, il convient de considérer que, dans une telle situation, pour autant que la relation de travail présente un rattachement suffisamment étroit avec le territoire de l’Union, une législation est désignée comme applicable par référence aux dispositions du titre II du règlement no 1408/71 autres que l’article 13, paragraphe 2, sous f), de ce règlement.

55      Or, ainsi qu’il a été constaté au point 44 du présent arrêt, un rattachement suffisamment étroit avec le territoire de l’Union existe dans une situation telle que celle de M. Kik.

56      S’agissant de déterminer quelle est la législation applicable dans une telle situation en vertu du règlement no 1408/71, force est de considérer que la règle générale figurant à l’article 13, paragraphe 2, sous c), de celui-ci, qui désigne la législation de l’État membre du pavillon en ce qui concerne les gens de mer, n’est pas applicable par analogie, dès lors qu’il s’agit, en l’occurrence, d’une personne travaillant sur un navire battant pavillon d’un État tiers.

57      En pareille hypothèse, la Cour a jugé que la législation applicable est celle résultant des dispositions du titre II de ce règlement, compte tenu des éléments de rattachement que présente la situation concernée avec la législation des États membres (voir arrêt Aldewereld, EU:C:1994:271, point 20).

58      En l’occurrence, tout comme dans la situation visée dans l’arrêt Aldewereld (EU:C:1994:271, point 21), les seuls éléments de rattachement avec une législation d’un État membre, ou d’un État assimilé, sont la résidence du travailleur et le lieu où l’employeur est établi. Or, comme la Cour l’a constaté au point 22 de cet arrêt, l’application de la législation de l’État membre de résidence du travailleur apparaît, dans le système du règlement no 1408/71, comme une règle accessoire qui n’intervient que dans l’hypothèse où cette législation présente un lien de rattachement avec la relation de travail. Ainsi, lorsque le travailleur ne réside pas sur le territoire de l’un des États membres où il exerce son activité, c’est normalement la loi du siège ou du domicile de l’employeur qui s’applique.

59      Dans une situation telle que celle en cause au principal, ce constat est conforté par l’article 14, paragraphe 2, sous a), première phrase, du règlement no 1408/71, disposition indicative du système de ce règlement en ce qui concerne les personnes exerçant un travail de nature essentiellement itinérante qui se déroule dans des conditions telles que son exercice ne peut pas être rattaché à un lieu en particulier, en vertu de laquelle la législation de l’État membre du siège de l’employeur est applicable à ces personnes.

60      En effet, même si cette disposition contient, ainsi qu’il ressort de son intitulé, des règles applicables aux personnes autres que les gens de mer, la situation en cause au principal, à savoir celle d’un travailleur exerçant une activité salariée en dehors du territoire de l’Union à bord d’un navire battant pavillon d’un État tiers, est comparable à celle des personnes visées directement à ladite disposition, dans la mesure où ni l’État du pavillon ni le lieu de travail ne présentent un rattachement avec la législation d’un État membre.

61      En conséquence, dans la situation d’un travailleur tel que M. Kik, la législation applicable est celle de l’État membre ou de l’État assimilé où l’entreprise qui emploie ce travailleur a son siège.

62      Toutefois, eu égard au fait que la Cour ne dispose pas d’information concernant la nature du régime d’assurance prévu par la législation suisse et compte tenu du fait que, en vertu de la législation néerlandaise, cette dernière a vocation à régir la situation d’un travailleur tel que M. Kik durant la période en cause au principal en prévoyant l’affiliation d’un tel travailleur à un régime d’assurance obligatoire, il convient de relever que, conformément à l’article 15, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1408/71, lorsque l’application des législations de plusieurs États membres, auxquels la Confédération suisse doit être assimilée, entraîne l’affiliation à un régime d’assurance volontaire et à un régime d’assurance obligatoire, l’intéressé est soumis exclusivement au régime d’assurance obligatoire.

63      Dans l’hypothèse où, en conformité avec le règlement no 1408/71, la législation de l’État d’établissement de l’employeur ne prévoirait l’affiliation d’un travailleur tel que M. Kik à aucun régime de sécurité sociale, la législation de l’État membre de résidence d’un tel travailleur trouverait à s’appliquer. En effet, il convient de rappeler que les dispositions du titre II de ce règlement ont également pour but d’empêcher que les personnes qui entrent dans le champ d’application de ce règlement soient privées de protection en matière de sécurité sociale, faute de législation qui leur serait applicable (arrêt van Pommeren-Bourgondiën, EU:C:2005:431, point 34 et jurisprudence citée).

64      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précédent, il y a lieu de répondre à la seconde question que les dispositions régissant la détermination de la législation nationale applicable contenues dans le titre II du règlement no 1408/71 doivent être interprétées en ce sens que le ressortissant d’un État membre, ou de la Confédération suisse, État assimilé à un État membre aux fins de l’application de ce règlement, qui exerce une activité salariée à bord d’un navire battant pavillon d’un État tiers en dehors du territoire de l’Union, y compris au-dessus du plateau continental d’un État membre, mais est employé par une entreprise établie sur le territoire de la Confédération suisse, est soumis à la législation de l’État d’établissement de son employeur. Toutefois, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, dans l’hypothèse où, en conformité avec ledit règlement, l’application de cette législation entraînerait l’affiliation à un régime d’assurance volontaire ou n’entraînerait l’affiliation à aucun régime de sécurité sociale, ce ressortissant serait soumis à la législation de l’État membre de sa résidence.

 Sur les dépens

65      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit:

1)      Le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 307/1999 du Conseil, du 8 février 1999, doit être interprété en ce sens qu’un travailleur salarié qui, tel M. L. Kik, est ressortissant d’un État membre où il réside, et où ses revenus sont soumis à l’impôt, travaille sur un navire poseur de canalisations battant pavillon d’un État tiers et naviguant dans différents endroits du monde, notamment à hauteur de la partie du plateau continental adjacente à certains États membres, qui était précédemment employé par une entreprise établie dans son État membre de résidence, change d’employeur et est désormais occupé par une entreprise établie en Suisse, tout en continuant à résider dans le même État membre et à naviguer sur le même navire, relève du champ d’application personnel du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement no 307/1999.

2)      Les dispositions régissant la détermination de la législation nationale applicable contenues dans le titre II du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement no 307/1999, doivent être interprétées en ce sens que le ressortissant d’un État membre, ou de la Confédération suisse, État assimilé à un État membre aux fins de l’application de ce règlement, qui exerce une activité salariée à bord d’un navire battant pavillon d’un État tiers en dehors du territoire de l’Union, y compris au-dessus du plateau continental d’un État membre, mais est employé par une entreprise établie sur le territoire de la Confédération suisse, est soumis à la législation de l’État d’établissement de son employeur. Toutefois, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, dans l’hypothèse où, en conformité avec ledit règlement, l’application de cette législation entraînerait l’affiliation à un régime d’assurance volontaire ou n’entraînerait l’affiliation à aucun régime de sécurité sociale, ce ressortissant serait soumis à la législation de l’État membre de sa résidence.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.