Language of document : ECLI:EU:C:2015:617

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

17 septembre 2015 (*)

«Renvoi préjudiciel – Réseaux et services de télécommunications – Directives 2002/19/CE, 2002/20/CE, 2002/21/CE, 2002/22/CE – Libre circulation des équipements terminaux de télécommunications mobiles terrestres – Directive 1999/5/CE – Taxe sur l’utilisation des équipements – Autorisation générale ou licence d’utilisation – Contrat d’abonnement tenant lieu d’autorisation générale ou de licence – Traitement différencié des utilisateurs avec ou sans contrat d’abonnement»

Dans l’affaire C‑416/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la commission fiscale régionale de Mestre-Vénétie (Commissione tributaria regionale di Mestre-Venezia, Italie), par décision du 8 août 2014, parvenue à la Cour le 3 septembre 2014, dans la procédure

Fratelli De Pra SpA

SAIV SpA

contre

Agenzia Entrate - Direzione Provinciale Ufficio Controlli Belluno,

Agenzia Entrate - Direzione Provinciale Ufficio Controlli Vicenza,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. A. Ó Caoimh, président de chambre, Mme C. Toader et M. C. G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour Fratelli De Pra SpA et SAIV SpA, par Mes C. Toniolo, C. Basso et G. Toniolo, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Varone, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par M. G. Braga da Cruz ainsi que par Mmes L. Nicolae et D. Recchia, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 1999/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 1999, concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité (JO L 91, p. 10), en particulier l’article 8 de celle-ci, de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès») (JO L 108, p. 7), de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation») (JO L 108, p. 21), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 37, ci-après la «directive 2002/20»), de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33) et de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (JO L 108, p. 51), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO L 337, p. 11, ci-après la «directive 2002/22»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant, d’une part, Fratelli De Pra SpA (ci-après «De Pra») à l’Agenzia Entrate - Direzione Provinciale Ufficio Controlli Belluno (administration fiscale – Direction provinciale di Belluno) et, d’autre part, SAIV SpA (ci-après «SAIV») à l’Agenzia Entrate - Direzione Provinciale Ufficio Controlli Vicenza (administration fiscale – Direction provinciale di Vincenza) au sujet du refus opposé par ces services fiscaux aux demandes de remboursement de la taxe de concession gouvernementale (ci-après la «TCG») versée par De Pra et SAIV au titre de contrats d’abonnement à un service de téléphonie mobile.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 1999/5

3        Le considérant 32 de la directive 1999/5 énonce que «les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications qui sont conformes aux exigences essentielles pertinentes doivent pouvoir circuler librement; que ces équipements doivent pouvoir être mis en service conformément à leur destination; que la mise en service peut être subordonnée à des autorisations concernant l’utilisation du spectre radio et la prestation du service concerné».

4        L’article 1er, paragraphes 1 et 4, de cette directive dispose:

«1.      La présente directive établit un cadre réglementaire pour la mise sur le marché, la libre circulation et la mise en service dans la Communauté des équipements hertziens et des équipements terminaux de télécommunications.

[...]

4.      La présente directive ne s’applique pas aux équipements énumérés à l’annexe I.»

5        L’article 8, paragraphe 1, de ladite directive prévoit:

«Les États membres n’interdisent pas, ne limitent pas ou n’entravent pas la mise sur le marché et la mise en service sur leur territoire d’appareils portant le marquage CE [...]»

 La directive 2002/19

6        Selon son article 1er, la directive 2002/19 harmonise la manière dont les États membres réglementent l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi que leur interconnexion. Elle concerne les relations entre les fournisseurs de réseaux et de services. Elle fixe des droits et des obligations pour les opérateurs et pour les entreprises souhaitant obtenir une interconnexion et/ou un accès à leurs réseaux ou aux ressources associées.

 La directive 2002/20

7        L’article 2 de la directive 2002/20 définit l’«autorisation générale» comme «un cadre juridique mis en place par l’État membre, qui garantit le droit de fournir des réseaux ou des services de communications électroniques et qui fixe les obligations propres au secteur pouvant s’appliquer à tous les types de réseaux et de services de communications électroniques, ou à certains d’entre eux, conformément à la présente directive».

8        L’article 12 de cette directive, intitulé «Taxe administrative», dispose, à son paragraphe 1, sous a):

«Les taxes administratives imposées aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l’autorisation générale ou auxquelles un droit d’utilisation a été octroyé:

a)      couvrent exclusivement les coûts administratifs globaux qui seront occasionnés par la gestion, le contrôle et l’application du régime d’autorisation générale, des droits d’utilisation et des obligations spécifiques visées à l’article 6, paragraphe 2, qui peuvent inclure les frais de coopération, d’harmonisation et de normalisation internationales, d’analyse de marché, de contrôle de la conformité et d’autres contrôles du marché, ainsi que les frais afférents aux travaux de réglementation impliquant l’élaboration et l’application de législations dérivées et de décisions administratives, telles que des décisions sur l’accès et l’interconnexion, [...]»

 La directive 2002/22

9        Selon son article 1er, paragraphe 1, la directive 2002/22 a trait à la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques aux utilisateurs finals. Elle vise notamment à assurer la disponibilité, dans toute l’Union européenne, de services de bonne qualité accessibles au public.

10      Aux termes de son article 1er, paragraphe 2, pour ce qui est de la fourniture d’un service universel dans un environnement d’ouverture et de concurrence des marchés, la directive 2002/22 définit l’ensemble minimal des services d’une qualité spécifiée accessible à tous les utilisateurs finals, à un prix abordable compte tenu des conditions nationales spécifiques, sans distorsion de concurrence.

11      L’article 20 de cette directive, intitulé «Contrats», prévoit, à son paragraphe 1:

«Les États membres veillent à ce que, lors de la souscription de services fournissant la connexion à un réseau de communications public et/ou de services de communications électroniques accessibles au public, les consommateurs, ainsi que les autres utilisateurs finals qui le demandent, aient droit à un contrat conclu avec une ou plusieurs entreprises fournissant une telle connexion et/ou de tels services. Le contrat précise, sous une forme claire, détaillée et aisément accessible, au moins les éléments suivants:

[...]»

12      Parmi les éléments énumérés à cet article 20, paragraphe 1, figurent l’identité et l’adresse de l’entreprise, les services fournis, le détail des prix et des tarifs pratiqués, la durée du contrat et les conditions de renouvellement et d’interruption des services et du contrat.

 Le droit italien

13      L’article 1er du décret nº 641 du président de la République portant réglementation des taxes de concession gouvernementale (decreto del Presidente della Repubblica n.  641, disciplina delle tasse sulle concessioni governative), du 26 octobre 1972 (supplément ordinaire à la GURI nº 292, du 11 novembre 1972, ci-après le «décret présidentiel nº 641/1972»), dispose:

«Les actes administratifs et les autres actes dont la liste est dressée dans le barème annexé sont soumis aux [TCG] dans la mesure et selon les modalités indiquées dans ledit barème.»

14      L’article 21 du barème annexé au décret présidentiel nº 641/1972, dans sa version applicable aux litiges au principal (ci-après le «barème annexé»), prévoit que sont soumis à la TCG toute «licence ou [tout] document en tenant lieu délivré en vue de l’utilisation d’équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre publique pour chaque mois d’utilisation».

15      Selon la note en bas de page 1 relative à cet article 21:

«La taxe est due au titre des mois d’utilisation indiqués dans chacune des factures, avec la redevance.»

16      L’article 3 du décret ministériel nº 33/90 concernant le service de radiocommunication mobile terrestre public dispose:

«L’abonné est libre d’acquérir et d’assurer lui-même la maintenance des équipements de terminaux d’utilisateurs ou de s’adresser à la SIP (Società italiana per l’esercizio telefonico). Il incombe à la société concessionnaire SIP de délivrer à l’utilisateur le document attestant de sa qualité d’abonné au service. Ce document, qui tient lieu à toutes fins de licence de station radio, doit contenir les éléments renseignant le type d’appareil terminal utilisé et l’homologation de ce dernier et doit être présenté par l’abonné à l’autorité publique sur demande de cette dernière.»

17      L’article 8 du décret législatif nº 269/2001, visant à transposer la directive 1999/5, est libellé comme suit:

«La mise sur le marché et la mise en service d’appareils portant le marquage CE, qui atteste de leur conformité aux dispositions du présent décret, n’est pas interdite, limitée ou autrement empêchée.»

18      L’article 160 du décret législatif nº 259 établissant le code des communications électroniques (decreto legislativo n.  259 – Codice delle comunicazioni elettroniche), du 1er août 2003 (supplément ordinaire à la GURI nº 214, du 15 septembre 2003), est libellé en ces termes:

«1.      Pour chaque station radioélectrique ayant fait l’objet d’une autorisation d’exercice, la licence spécifique délivrée par le ministère doit être conservée.

2.      Pour les stations réceptrices du service de radiodiffusion, le titre d’abonnement tient lieu de licence.»

19      L’article 2, paragraphe 4, du décret-loi nº 4/2014, converti en loi nº 50/2014, prévoit:

«Aux fins de l’article 21 du barème annexé au [décret présidentiel nº 641/1972], les dispositions de l’article 160 du décret législatif [nº 259/2003] s’interprètent au sens où, par station radioélectrique on entend également les équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre.»

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

20      De Pra et SAIV ont demandé, respectivement, à l’administration fiscale – direction provinciale de Belluno et à l’administration fiscale – direction provinciale de Vicenza le remboursement des sommes qu’elles ont versées au titre de la TCG. Devant le refus opposé par ces services fiscaux, elles ont chacune introduit un recours devant la commission fiscale régionale de Mestre-Vénétie.

21      Au soutien de ces recours, elles soutiennent que le principe de libre circulation et de mise en service des appareils terminaux consacré par la directive 1999/5 est incompatible avec une mesure administrative telle que l’autorisation générale ou la licence prévue par la réglementation italienne. Considérant que la TCG doit être regardée comme un impôt, elles estiment que, en l’absence de fait générateur de celui-ci, elles ont droit au remboursement des sommes acquittées au titre de cette taxe.

22      Si la juridiction de renvoi cite dans sa décision de renvoi les ordonnances Agricola Esposito (C‑492/09, EU:C:2010:766) et Umbra Packaging (C‑355/13, EU:C:2013:867), qui portent sur une taxe telle que la TCG, elle considère toutefois que des éléments nouveaux sont apparus depuis le prononcé de ces ordonnances et que celles-ci ne lui permettent pas de juger les litiges dont elle est saisie. Elle mentionne à cet égard les trois éléments suivants.

23      Premièrement, la Cour ne se serait pas prononcée, dans ces ordonnances, sur la compatibilité d’une taxe telle que la TCG au regard de la directive 1999/5.

24      Deuxièmement, l’État italien aurait adopté l’article 2, paragraphe 4, du décret-loi nº 4/2014, converti en loi nº 50/2014, postérieurement auxdites ordonnances.

25      Troisièmement, la Cour de cassation (Corte suprema di cassazione) siégeant en chambres réunies aurait, par décision du 2 mai 2014, et donc également postérieurement à ces ordonnances, jugé que la directive 1999/5 ne primait pas sur les directives 2002/19, 2002/20, 2002/21 et 2002/22 (ci-après, ensemble, les «directives réseaux») mentionnées par De Pra et SAIV et qu’une autorisation générale ou une licence au sens de la directive 2002/20 était par conséquent nécessaire pour l’utilisation des terminaux d’équipement concernés.

26      C’est dans ces conditions que la commission fiscale régionale de Mestre-Vénétie a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      En ce qui concerne les équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre, la législation nationale telle qu’elle résulte des dispositions combinées de:

–        l’article 2, paragraphe 4, du décret-loi nº 4/2014, converti en loi nº 50/2014;

–        l’article 160 du décret législatif nº 259/2003, et

–        l’article 21 du [barème annexé],

et qui, assimilant les équipements terminaux aux stations radioélectriques, impose à l’utilisateur l’obligation d’obtenir une autorisation générale ainsi que la délivrance d’une licence spécifique de station radioélectrique, ce qui donne lieu au paiement d’une taxe, est-elle compatible avec le droit communautaire (la directive 1999/5, ainsi que les [directives réseaux])?

En conséquence, et en ce qui concerne spécifiquement l’utilisation des équipements terminaux, la prétention de l’État italien d’imposer à l’utilisateur l’obtention d’une autorisation générale et d’une licence de station radio, alors que la mise sur le marché, la libre circulation et la mise en service des équipements terminaux sont déjà complètement régies par le droit communautaire (la directive 1999/5), lequel n’impose aucune autorisation générale et/ou licence, est-elle compatible avec le droit communautaire?

Sachant par ailleurs que la législation nationale impose une autorisation générale et une licence alors que:

–        l’autorisation générale est une mesure qui ne concerne pas l’utilisateur des équipements terminaux, mais uniquement les entreprises désirant fournir des réseaux et des services de communications électroniques (articles 1 à 3 de la directive 2002/20);

–        la concession est prévue pour les droits individuels d’utilisation des fréquences radio et pour les droits d’utilisation des numéros, situations incontestablement sans rapport avec l’utilisation des équipements terminaux;

–        la législation communautaire ne prévoit aucune obligation d’obtenir une autorisation générale ou la délivrance d’une licence pour les équipements terminaux;

–        l’article 8 de la directive 1999/5 dispose que les États membres ‘n’interdisent pas, ne limitent pas ou n’entravent pas la mise sur le marché et la mise en service sur leur territoire d’appareils portant le marquage CE’; et que

–        il existe une différence substantielle et réglementaire entre une station radioélectrique et les équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre, qui ne sont pas assimilables?

2)      La législation nationale telle qu’elle résulte des dispositions combinées de:

–        l’article 2, paragraphe 4, du décret-loi nº 4/2014, converti en loi nº 50/2014;

–        l’article 160 du décret législatif nº 259/2003;

–        l’article 21 du [barème annexé], et

–        l’article 3 du décret ministériel nº 33/1990;

en vertu de laquelle

–        le contrat visé à l’article 20 [de la directive 2002/22] – conclu entre l’exploitant et l’utilisateur, qui règle les rapports commerciaux entre les consommateurs et les utilisateurs finals, d’une part, et une ou plusieurs entreprises fournissant la connexion et les services qui s’y rapportent, d’autre part, – peut valoir ‘en lui-même’ document tenant lieu de l’autorisation générale et/ou de la licence de station radio, sans aucune intervention, activité ou contrôle de la part de l’administration publique;

–        le contrat doit contenir également les éléments précisant le type d’équipement terminal et l’homologation dont il a fait l’objet (qui n’est pas prévue à l’article 8 [de la directive 1999/5])

est-elle compatible avec le droit communautaire (la directive 1999/5 et la directive 2002/22, en particulier son article 20)?

3)      Les dispositions combinées de l’article 2, paragraphe 4, du décret-loi nº 4/2014, converti en loi nº 50/2014, ainsi que de l’article 160 du décret législatif nº 259/2003 et de l’article 21 du [barème annexé], qui prévoient l’obligation d’obtenir une autorisation générale puis la licence de station radioélectrique qui en découle à l’égard d’une catégorie particulière d’utilisateurs seulement, à savoir ceux qui ont conclu un contrat intitulé formellement abonnement, alors qu’aucune autorisation générale ou licence n’est prévue à la charge des utilisateurs des services de communications électroniques au seul motif que le contrat qu’ils ont conclu est dénommé autrement (à savoir service prépayé ou de recharge) sont-elles compatibles avec les dispositions du droit communautaire rappelées plus haut?

4)      L’article 8 de la directive 1999/5 s’oppose-t-il à une législation nationale telle qu’elle résulte des dispositions combinées de l’article 2, paragraphe 4, du décret-loi nº 4/2014, converti en loi nº 50/2014, ainsi que de l’article 160 du décret législatif nº 259/2003 et de l’article 21 du [barème annexé], et qui prévoit:

–        une intervention administrative visant à la délivrance de l’autorisation générale et de la licence de station radioélectrique,

–        le paiement d’une taxe [de concession gouvernementale] au titre de cette intervention,

dans la mesure où ces dispositions sont susceptibles de constituer une limitation à la mise en service, à l’utilisation et à la libre circulation des équipements terminaux?»

 Sur les questions préjudicielles

 Observations liminaires

27      Par ses trois premières questions, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la compatibilité de la législation italienne avec les règles du droit de l’Union. Il convient, toutefois, de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre de la procédure préjudicielle, sur la compatibilité de dispositions du droit national avec ces règles. En revanche, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à cette dernière d’apprécier une telle conformité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (voir arrêt Transportes Urbanos y Servicios Generales, C‑118/08, EU:C:2010:39, point 23 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance Agricola Esposito, C‑492/09, EU:C:2010:766, point 19).

 Sur les première et quatrième questions

28      Par ses première et quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 1999/5, en particulier son article 8, et les directives réseaux doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale portant sur l’application d’une taxe, telle que la TCG, en vertu de laquelle l’utilisation d’équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre, dans le cadre d’un contrat d’abonnement, est soumise à une autorisation générale ou à une licence ainsi qu’au paiement d’une telle taxe.

29      La Cour a déjà considéré, dans l’ordonnance Agricola Esposito (C‑492/09, EU:C:2010:766), que deux des directives réseaux, à savoir les directives 2002/20 et 2002/21, ne s’opposaient pas à une taxe telle que la TCG. Elle a confirmé cette analyse en ce qui concerne la directive 2002/20 dans l’ordonnance Umbra Packaging (C‑355/13, EU:C:2013:867).

30      Dans la présente affaire, la juridiction de renvoi souhaite savoir si la directive 1999/5 ainsi que les directives réseaux s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle établissant la TCG, en soulignant à cet égard que cette réglementation prévoit l’obligation non seulement d’acquitter la TCG, mais surtout d’obtenir une autorisation de l’administration. Elle fait également valoir de prétendus changements dans le droit italien par rapport à la situation existant à la date du prononcé de ces ordonnances.

31      S’agissant de ces changements, exposés aux points 24 et 25 du présent arrêt, relatifs à l’adoption de l’article 2, paragraphe 4, du décret-loi nº 4/2014, converti en loi nº 50/2014, ainsi qu’au prononcé d’une décision de la Cour de cassation, il y a lieu toutefois de constater qu’ils sont sans incidence sur l’interprétation des directives 2002/20 et 2002/21 effectuée par la Cour dans lesdites ordonnances.

32      En effet, il ressort de l’information communiquée par la juridiction de renvoi que les modifications de l’état du droit italien auxquelles elle fait référence concernent l’interprétation de la réglementation existante et n’ajoutent aucune obligation nouvelle.

 Sur la directive 1999/5

33      Conformément à son considérant 32, la directive 1999/5 vise à assurer la libre circulation, notamment, des équipements terminaux de télécommunications qui sont conformes à certaines exigences essentielles définies dans cette directive. Aux termes de son article 1er, cette directive établit ainsi un cadre réglementaire pour la mise sur le marché, la libre circulation et la mise en service dans l’Union notamment de ces équipements. L’article 8 de ladite directive, intitulé «Libre circulation des appareils», précise que les États membres n’interdisent pas, ne limitent pas ou n’entravent pas la mise sur le marché et la mise en service sur leur territoire d’appareils portant le marquage CE visé à l’annexe VII, qui prouve leur conformité avec toutes les dispositions de la directive 1999/5.

34      La juridiction de renvoi pose la question de savoir si la soumission à une autorisation et au paiement d’une taxe telle que celle prévue dans la réglementation en cause au principal ne crée pas des entraves contraires à cette directive, et notamment à son article 8.

35      S’agissant de l’existence d’une obligation, pour le consommateur final, d’obtenir une autorisation, il y a lieu de relever que, selon la juridiction de renvoi, la Cour de cassation a jugé que le contrat d’abonnement proposé par l’exploitant du réseau téléphonique est le titre juridique qui permet à ce consommateur d’utiliser l’équipement terminal et remplace en tous ses effets la licence dite «licence de station radio». Il ressort de la deuxième question préjudicielle que ce contrat peut valoir, en lui-même, de document tenant lieu d’autorisation générale et/ou de licence de station radio, sans aucune intervention, activité ou contrôle de la part de l’administration.

36      Dans leurs observations écrites, De Pra et SAIV ont indiqué dans le même sens que le législateur national a créé une fiction juridique dans le seul but de maintenir un fait générateur pour la perception de la TCG lors de la conclusion de contrats d’abonnement à un service de téléphonie mobile. Elles ont souligné qu’aucune action particulière n’était accomplie à cet effet par l’administration.

37      Il semblerait ainsi qu’aucune approbation ni même aucun document n’est requis de l’administration, le contrat d’abonnement tenant lieu d’autorisation ou de licence de station radioélectrique et servant de fait générateur de la TCG.

38      Si tel est le cas, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, une telle réglementation n’impose aucune intervention de l’administration susceptible de créer une entrave à la liberté de circulation de ces équipements et de porter atteinte à la directive 1999/5.

39      En ce qui concerne ensuite l’application d’une taxe telle que la TCG, celle-ci s’applique non pas aux équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre, mais aux contrats d’abonnement souscrits pour l’utilisation de ces équipements. Il y a lieu de constater qu’une telle imposition ne gêne pas la vente desdits équipements terminaux, lesquels peuvent être vendus sans obligation de souscrire à un contrat d’abonnement en Italie et, en tout état de cause, ne s’applique pas plus à des équipements terminaux en provenance des autres États membres, de telle sorte qu’elle ne constitue pas non plus une entrave à la libre circulation de ces équipements.

 Sur les directives réseaux

40      S’agissant, en premier lieu, des directives 2002/20 et 2002/21, il convient, tout d’abord, de rappeler que la Cour a déjà considéré qu’elles ne s’appliquent pas à une taxe telle que la TCG, qui porte sur l’utilisation d’équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre. La Cour a en effet estimé qu’une telle taxe n’a pas, comme base imposable, la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques et que l’utilisation privée d’un service de téléphonie mobile par un abonné ne suppose pas la fourniture d’un réseau ou d’un service de communications électroniques au sens de la directive 2002/20 (ordonnance Agricola Esposito, C‑492/09, EU:C:2010:766, point 35). La Cour a par ailleurs jugé que la directive 2002/21 ne s’applique pas aux équipements qui relèvent du champ d’application de la directive 1999/5 qui vise l’utilisation d’équipements terminaux de télécommunications destinés à un usage privé, dont les téléphones portables (ordonnance Agricola Esposito, C‑492/09, EU:C:2010:766, point 42).

41      Il y a lieu, ensuite, d’ajouter que l’argument de De Pra et de SAIV, selon lequel une taxe telle que la TCG serait contraire à l’article 12 de la directive 2002/20 en ce qu’elle ne serait pas une taxe administrative à caractère rémunératoire visant à couvrir uniquement les frais administratifs afférents à la délivrance, à la gestion, au contrôle et à la mise en œuvre du régime d’autorisation générale applicable, ne saurait prospérer. En effet, la Cour a précédemment jugé qu’une taxe, dont le fait générateur est lié non pas à la procédure d’autorisation générale permettant d’accéder au marché des services de communications électroniques, mais à l’utilisation des services de téléphonie mobile fournis par les opérateurs, et qui est supportée en définitive par l’utilisateur de ceux-ci, ne relève pas du champ d’application de cet article 12 (voir arrêt Vodafone Malta et Mobisle Communications, C‑71/12, EU:C:2013:431, points 25 ainsi que 29).

42      Enfin, s’agissant de l’obligation d’obtenir une autorisation générale qui ne serait pas prévue par la directive 2002/20 et qui pourrait être contraire à celle-ci, il y a lieu de constater, ainsi qu’il ressort des points 35 à 37 du présent arrêt, qu’une autorisation générale, telle que celle en cause au principal, à laquelle le contrat d’abonnement est assimilé, ne vise qu’à servir de fait générateur de la TCG. Elle n’a donc pas pour but d’autoriser la fourniture de services de réseaux et ne contrevient pas aux obligations découlant de cette directive.

43      En ce qui concerne, en second lieu, les directives 2002/19 et 2002/22, il y a lieu de constater que, en vertu de son article 1er, la directive 2002/19 harmonise l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi que leur interconnexion. Elle concerne les relations entre les fournisseurs de réseaux et non pas l’utilisation d’appareils de téléphonie mobile par les utilisateurs finals.

44      La directive 2002/22 a trait, conformément à son article 1er, à la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques aux utilisateurs finals. Elle vise à assurer la disponibilité, dans toute l’Union, de services de bonne qualité accessibles au public. S’agissant de la fourniture d’un service universel, elle définit l’ensemble minimal des services d’une qualité spécifiée accessibles à tous les utilisateurs finals, à un prix abordable compte tenu des conditions nationales spécifiques, sans distorsion de concurrence.

45      Cette directive prévoit ainsi des normes minimales et n’interdit pas l’application d’autres mesures, notamment de nature fiscale, dépourvues d’impact sur ces normes.

46      Il convient, par conséquent, de répondre aux première et quatrième questions que la directive 1999/5, en particulier l’article 8 de celle-ci, et les directives réseaux doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale portant sur l’application d’une taxe, telle que la TCG, en vertu de laquelle l’utilisation d’équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre, dans le cadre d’un contrat d’abonnement, est soumise à une autorisation générale ou une licence ainsi qu’au paiement d’une telle taxe, dès lors que le contrat d’abonnement tient lieu par lui-même de licence ou d’autorisation générale et, partant, qu’aucune intervention n’est requise à cet égard de l’administration.

 Sur la deuxième question

47      Par sa deuxième question, la juridiction demande, en substance, si l’article 20 de la directive 2002/22 et l’article 8 de la directive 1999/5 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent, aux fins de l’application d’une taxe telle que la TCG, à l’assimilation à une autorisation générale ou à une licence de station radioélectrique d’un contrat d’abonnement à un service de téléphonie mobile, qui doit par ailleurs préciser le type d’équipement terminal concerné et l’homologation dont il a fait l’objet.

48      S’agissant, tout d’abord, de l’assimilation d’un tel contrat d’abonnement à une autorisation générale ou à une licence de station radioélectrique, aux fins de l’application d’une taxe telle que la TCG, il suffit de rappeler que la directive 2002/22 porte sur la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques aux utilisateurs finals et qu’elle ne réglemente pas l’imposition d’une taxe telle que celle en cause au principal. Il en résulte que cette directive ne s’oppose pas à ce que le législateur national établisse que le fait générateur de cette taxe soit le contrat d’abonnement conclu entre le fournisseur de services de téléphonie mobile et l’utilisateur d’équipement terminal et que ce contrat soit assimilé à l’autorisation générale visée par ladite taxe.

49      S’agissant, ensuite, du contenu de ce contrat d’abonnement, l’article 20 de la directive 2002/22 précise les éléments que celui-ci doit «au moins» contenir.

50      Il résulte ainsi du libellé de cet article 20 que ce dernier ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale prévoie que les contrats d’abonnement à des services de téléphonie mobile doivent contenir, outre les éléments imposés par la directive 2002/22, d’autres éléments tels que le type d’équipement terminal en cause et l’homologation dont il a fait l’objet. Il en découle également que ces éléments supplémentaires ne constituent pas une entrave à la libre circulation des équipements en cause, contraire à l’article 8 de la directive 1999/5.

51      Il convient par conséquent de répondre à la deuxième question que l’article 20 de la directive 2002/22 et l’article 8 de la directive 1999/5 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, aux fins de l’application d’une taxe telle que la TCG, à l’assimilation à une autorisation générale ou à une licence de station radioélectrique d’un contrat d’abonnement à un service de téléphonie mobile, qui doit par ailleurs préciser le type d’appareil terminal concerné et l’homologation dont il a fait l’objet.

 Sur la troisième question

52      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union, tel qu’il résulte de la directive 1999/5, des directives réseaux et de l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un traitement différencié des utilisateurs d’équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre, selon qu’ils souscrivent un contrat d’abonnement à des services de téléphonie mobile ou achètent ces services sous la forme de cartes prépayées éventuellement rechargeables, en vertu duquel seuls les premiers sont soumis à une réglementation telle que celle établissant la TCG.

53      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 20 de la Charte prévoit que toutes les personnes sont égales en droit. Toutefois, conformément à son article 51, les dispositions de la Charte ne s’adressent aux États membres que lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort de la réponse aux première et quatrième questions, dès lors que les directives réseaux et la directive 1999/5 ne réglementent pas l’application d’une taxe, telle que celle en cause au principal, et qu’il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que ladite réglementation mettrait en œuvre le droit de l’Union, il n’y a pas lieu d’appliquer cette disposition à une telle réglementation.

54      En outre, pour autant que cette question concerne l’application uniquement aux abonnés à un service de téléphonie mobile d’une règle prévoyant une autorisation de l’administration, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 38 du présent arrêt, que, en pratique, aucune intervention de l’administration ne semble requise dès lors que le contrat d’abonnement tient lieu, par lui-même, d’autorisation.

55      Il s’ensuit qu’il convient de répondre à la troisième question que, dans un cas tel que celui des affaires au principal, le droit de l’Union, tel qu’il résulte de la directive 1999/5, des directives réseaux et de l’article 20 de la Charte, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un traitement différencié des utilisateurs d’équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre, selon qu’ils souscrivent un contrat d’abonnement à des services de téléphonie mobile ou achètent ces services sous la forme de cartes prépayées éventuellement rechargeables, en vertu duquel seuls les premiers sont soumis à une réglementation nationale telle que celle établissant la TCG.

 Sur les dépens

56      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit:

1)      Les directives:

–        1999/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 1999, concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité, en particulier l’article 8 de celle-ci,

–        2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive «accès»),

–        2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation»), telle que modifiée par la directive 2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009,

–        2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre»), et

–        2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009,

doivent être interprétées en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale portant sur l’application d’une taxe, telle que la taxe de concession gouvernementale, en vertu de laquelle l’utilisation d’équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre, dans le cadre d’un contrat d’abonnement, est soumise à une autorisation générale ou une licence ainsi qu’au paiement d’une telle taxe, dès lors que le contrat d’abonnement tient lieu par lui-même de licence ou d’autorisation générale et, partant, qu’aucune intervention n’est requise à cet égard de l’administration.

2)      L’article 20 de la directive 2002/22, telle que modifiée par la directive 2009/136, et l’article 8 de la directive 1999/5 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, aux fins de l’application d’une taxe, telle que la taxe de concession gouvernementale, à l’assimilation à une autorisation générale ou à une licence de station radioélectrique d’un contrat d’abonnement à un service de téléphonie mobile, qui doit par ailleurs préciser le type d’appareil terminal concerné et l’homologation dont il a fait l’objet.

3)      Dans un cas tel que celui des affaires au principal, le droit de l’Union, tel qu’il résulte des directives 1999/5, 2002/19, 2002/20, telle que modifiée par la directive 2009/140, 2002/21 et 2002/22, telle que modifiée par la directive 2009/136, ainsi que de l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à un traitement différencié des utilisateurs d’équipements terminaux de radiocommunication mobile terrestre, selon qu’ils souscrivent un contrat d’abonnement à des services de téléphonie mobile ou achètent ces services sous la forme de cartes prépayées éventuellement rechargeables, en vertu duquel seuls les premiers sont soumis à une réglementation nationale telle que celle établissant la taxe de concession gouvernementale.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.