Language of document : ECLI:EU:T:2005:34

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
3 février 2005 (1)

« Fonctionnaires – Refus de promotion – Défaut de motivation – Examen comparatif des mérites – Recours en annulation »

Dans l'affaire T-172/03,

Nicole Heurtaux, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes J.-N. Louis, É. Marchal, A. Coolen et S. Orlandi, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et V. Joris, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission de ne pas promouvoir la requérante au grade B 2 au titre de l'exercice de promotion 2002, en date du 14 août 2002,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),



composé de Mme P. Lindh, président, MM. J. D. Cooke et D. Šváby, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 23 septembre 2004,

rend le présent



Arrêt




Faits à l’origine du litige

1
La requérante est entrée au service des Communautés européennes le 16 février 1981 en tant que fonctionnaire stagiaire de grade C 5 relevant du Conseil. Le même jour, elle a été transférée à la Commission et a été affectée à la direction générale (DG) « Personnel et administration ». Le 1er septembre 1984, la requérante a été mutée à la DG « Développement ». Par décision du 26 mai 1988, et à la suite de l’arrêt de la Cour du 15 mai 1985, Esly/Commission (127/84, Rec. p. 1437), le classement de la requérante a été fixé au grade C 4, échelon 3, à la date de son recrutement.

2
Le 1er décembre 1985, la requérante a été promue au grade C 3. Le 1er mai 1990, elle a été mutée auprès de la direction de l’administration du Centre commun de recherche de la Commission, sis à Ispra (Italie), à la division « Ressources humaines ». Par décision du 26 juillet 1990, la requérante, lauréate du concours COM/B/7/88, a été nommée assistante adjointe de grade B 5, échelon 4.

3
Par décision du 25 septembre 1991, la requérante a été promue au grade B 4. Elle a été mutée, le 1er novembre 1992, à la DG « Développement » de la Commission, à Bruxelles. Le 1er avril 1995, elle a été promue au grade B 3.

4
La requérante a été affectée à la DG « Relations extérieures » par décision du 31 juillet 1997, puis nommée à la délégation de la Commission à Port-Louis (Maurice). Par décision du 9 mars 2001, elle a été réaffectée à la DG « Développement » à Bruxelles.

5
La requérante a été proposée pour une promotion par son chef de délégation en 2002, comme elle l’avait déjà été en 2001.

6
Le 15 mai 2002, les noms des fonctionnaires proposés par les DG et services pour une promotion au grade B 2 pour l’exercice de promotion 2002 ont été publiés aux Informations administratives n° 42/2002. Le nom de la requérante ne figurait pas sur cette liste parmi les fonctionnaires proposés par la DG « Relations extérieures ».

7
Le 12 mars 2002, la requérante a adressé à M. David Lipman, directeur du personnel de la DG « Relations extérieures », un courriel rédigé comme suit :

« J’ai pris connaissance des propositions de promotion de la [DG « Relations extérieures »]. Mon nom n’y figurant pas, j’ai contacté M. Van de Calseyde afin d’en connaître les raisons, [lequel] m’a également suggéré de vous adresser ce courrier dont le but est de vous demander de reconsidérer mon dossier. 

J’ai toujours bénéficié de bons rapports de notation, établis par des [notateurs] de différentes DG, et j’ai pratiqué la mobilité. Ma carrière en [catégorie] B – jusqu’à ma promotion [au grade] B 3 en avril 1995 – en est le reflet.

Pour ce qui concerne l’exercice en cours, les quatre fonctionnaires proposés [au titre du service extérieur de l’Union] sont affectés dans des pays difficiles et ce critère selon moi ne peut être mis en avant, compte tenu du fait qu’aucune obligation de partir dans ces pays ne leur est imposée et qu’une indemnité de conditions de vie de 35 % [au] minimum leur est octroyée. J’avais d’ailleurs pour ma part émis le souhait de partir – exercice de rotation 2001 – en Albanie (1er choix et pays à 35 %) ; la décision a été prise de m’affecter au siège […] »

8
Par lettre du 17 mai 2002 adressée au chef de l’unité « Structures des carrières, évaluation et promotion » de la direction « Personnel et carrière » de la DG « Personnel et administration », la requérante a demandé le réexamen de son dossier par le comité de promotion pour la catégorie B, considérant qu’elle avait été défavorisée par le fait qu’elle avait pratiqué la « mobilité ». Elle a également demandé que lui soit précisée la « méthodologie utilisée, pour avoir une vue d’ensemble comparative et objective des rapports de notation tout en sachant que chaque notateur a sa propre échelle de valeurs ».

9
Le 10 juillet 2002, le président du comité de promotion pour la catégorie B a répondu à la requérante en ces termes :

« Après comparaison des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion et après avoir consulté la DG ‘Relations extérieures’, le comité de promotion n’a pas estimé justifié de donner suite à votre recours pour l’exercice de promotion 2002. »

10
Le 14 août 2002, la liste des fonctionnaires promus au grade B 2 pour l’exercice de promotion 2002 adoptée par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a été publiée aux Informations administratives n° 69/2002 (ci-après la « décision litigieuse »). Le nom de la requérante n’y est pas mentionné.

11
Le 25 septembre 2002, la requérante a introduit une réclamation contre la décision litigieuse. Le 8 octobre 2002, la requérante a adressé à l’administrateur chargé d’instruire sa réclamation, en réponse à une demande de celui-ci, une note complétant cette réclamation.

12
Ladite réclamation a été examinée par le « groupe interservices », lors d’une réunion tenue le 20 novembre 2002, à laquelle la requérante a assisté. Elle a fait l’objet d’une décision implicite de rejet le 2 février 2003.


Procédure et conclusions des parties

13
C’est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 mai 2003, la requérante a introduit le présent recours.

14
Le 3 juin 2003, la requérante a accusé réception de la décision de rejet explicite de sa réclamation prise par la Commission le 18 mars 2003 et notifiée le 28 mai 2003.

15
Par lettre du 13 octobre 2003, la requérante a demandé au Tribunal d’ordonner le retrait du dossier des déclarations de quatre fonctionnaires annexées au mémoire en défense de la Commission et concernant le déroulement de la réunion interservices du 20 novembre 2002.

16
Par ordonnance du 24 octobre 2003, le Tribunal a rejeté cette demande.

17
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, il a invité la requérante à répondre à une question écrite avant l’audience. La requérante a répondu à cette question.

18
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 23 septembre 2004.

19
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision litigieuse ;

condamner la Commission aux dépens.

20
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable ou, à défaut, comme non fondé ;

statuer sur les dépens comme de droit.


En droit

21
À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens. Le premier est tiré de la violation de l’obligation de motivation et le second de la violation de l’article 45 du statut, du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, du principe de vocation à la carrière et du principe de bonne administration et de bonne gestion.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

Arguments des parties

22
La requérante fait valoir que la décision litigieuse est entachée d’une absence totale de motivation. Elle fait remarquer que, conformément à la jurisprudence du Tribunal, si l’AIPN n’est pas tenue de motiver une décision de ne pas promouvoir un fonctionnaire, elle est en revanche tenue de satisfaire à l’obligation de motivation, au plus tard, s’agissant de la décision portant rejet de la réclamation dirigée contre une telle décision (arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T-117/01, RecFP p. I-A-27 et II-121, point 25).

23
La requérante soutient que l’AIPN ayant opposé une réponse implicite de rejet à sa réclamation, l’irrégularité tirée de la violation de l’obligation de motivation n’a ainsi pas été couverte au cours de la procédure précontentieuse, bien qu’elle ait patienté jusqu’au dernier jour du délai utile avant de saisir le Tribunal du présent recours et ait entrepris en vain de nombreuses démarches auprès de la DG « Personnel et administration » pour pouvoir comprendre les motifs de la décision litigieuse et en apprécier le bien-fondé. Elle fait valoir que ce n’est qu’après l’introduction du présent recours qu’elle a pu prendre connaissance de la motivation de la décision litigieuse.

24
Dans sa réplique, la requérante soutient que la Commission indique pour la première fois au stade contentieux que, « [...] en 2002, la DG [‘Relations extérieures’] a tenu compte de ce que la moyenne des notations relevant du siège était de 28, alors que celle relevant des délégations se situait à 31 […] », que le fait qu’elle avait été notée par un notateur généreux a été pris en considération, ainsi que le degré de difficulté du poste des fonctionnaires ayant vocation à la promotion en délégation. Elle souligne que ses propres suppositions ne peuvent être assimilées à des éléments de compréhension suffisants du contexte dans lequel la décision litigieuse a été prise, dès lors qu’ils n’ont pas été confirmés ni précisés avant l’introduction du recours, malgré les nombreuses démarches en ce sens de sa part.

25
La Commission soutient qu’il existe en l’espèce des éléments constituant un début de motivation du refus de promotion de la requérante, éléments que celle-ci connaissait avant l’introduction du présent recours. À cet égard, elle relève que, selon la jurisprudence, des précisions complémentaires apportées en cours d’instance peuvent pallier l’insuffisance initiale de la motivation, dans le cas où le requérant disposait d’éléments constituant un début de motivation avant l’introduction de son recours (arrêts du Tribunal du 17 mai 1995, Benecos/Commission, T-16/94, RecFP p. I-A-103 et II-335, point 36, et du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T-283/97, RecFP p. I-A-69 et II-353, point 76 ; arrêt Roman Parra/Commission, précité, point 30).

26
Selon la Commission, la décision litigieuse est intervenue dans un contexte connu de la requérante dès avant l’introduction de sa réclamation et donc du présent recours. Elle relève que la requérante se doutait que son absence de promotion en 2002 était due notamment à sa « mobilité lointaine » (selon les propres termes de la requérante) (voir note du 17 mai 2002 et complément à la réclamation du 8 octobre 2002) avant de prendre connaissance du rejet explicite de sa réclamation, qui énoncerait la même raison en d’autres termes (« particularités de la DG [‘Relations extérieures’] ([s]iège/délégations) »). Or, il serait exact qu’en 2002 la DG « Relations extérieures » a tenu compte de ce que la moyenne des notations relevant du siège était de 28, alors que celle relevant des délégations se situait à 31 (voir réponse à la réclamation). La Commission relève de plus que la requérante, dans sa note du 8 octobre 2002, invoque aussi le fait qu’elle a été notée par un notateur généreux, élément qui aurait également été pris en considération (voir réponse à la réclamation). En outre, avant même la réunion interservices du 20 novembre 2002, les contacts pris par la requérante lui auraient permis de disposer d’éléments d’information sur les raisons pour lesquelles la DG « Relations extérieures » ne l’avait pas proposée, et donc sur les raisons pour lesquelles elle n’a pas été promue. Selon la Commission, les documents précités se font l’écho de ces raisons, dont la véracité serait attestée par la réponse à la réclamation.

27
La Commission ajoute que, selon la jurisprudence, les explications orales fournies au cours de la réunion interservices d’instruction de la réclamation peuvent être considérées comme un début de motivation susceptible d’être complété en cours d’instance, s’il est établi par l’administration et non contesté par le fonctionnaire qu’au cours de cette réunion les mérites du requérant ont été comparés à ceux des autres fonctionnaires susceptibles d’être promus (arrêt du Tribunal du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T-10/99, RecFP p. I‑A‑47 et II-203, points 44 et 45).

28
La Commission a fourni des attestations de quatre fonctionnaires présents à la réunion interservices du 20 novembre 2002. Elle soutient que ces attestations établissent que, comme indiqué ultérieurement dans la réponse à la réclamation, l’absence de promotion de la requérante a été motivée par la comparaison de ses mérites avec ceux des autres fonctionnaires de la DG « Relations extérieures » susceptibles d’être promus au grade B 2 en 2002. Elle relève que, comme indiqué ultérieurement dans la réponse à la réclamation, il ressort de ces déclarations qu’il a notamment été fait état lors de la réunion interservices, en premier lieu, du fait que les appréciations analytiques des notations des fonctionnaires de catégorie B affectés en délégation étaient variées et devaient être reprises et pondérées au niveau de la direction « Service extérieur » de la DG « Relations extérieures », en deuxième lieu, de la nécessité de garder un certain équilibre entre les promus du siège et ceux des délégations et, en troisième lieu, de la circonstance que, à l’exception de trois fonctionnaires déjà proposés l’année précédente, tous les fonctionnaires promus avaient un dernier rapport de notation faisant état de mérites supérieurs ou égaux à ceux de la requérante.

29
La Commission ajoute que, depuis l’introduction du présent recours, la motivation de la décision litigieuse a été complétée par la communication à la requérante de la réponse explicite à la réclamation, intervenue quelques jours après l’enregistrement du recours. Cette réponse se situerait dans la ligne des explications données à la requérante lors de la phase précontentieuse.

30
La Commission fait valoir qu’il ressort de la réponse explicite à la réclamation que la comparaison des mérites de la requérante avec ceux des fonctionnaires promus de la DG « Relations extérieures » (puisque sa réclamation ne portait que sur cette comparaison-là et non sur une comparaison élargie à l’ensemble des fonctionnaires ayant vocation à la promotion de la Commission) ne justifiait pas de la promouvoir en 2002. Elle relève qu’entrent en considération à cet égard, en premier lieu, l’écart sensible entre les notations des fonctionnaires du siège et celles, en général plus généreuses, des fonctionnaires en délégation, en deuxième lieu, la particulière générosité du notateur de la requérante pour la période 1999‑2001 et, en troisième lieu, les mérites supérieurs, notamment sur la base des rapports de notation les concernant, des fonctionnaires de grade B 3 de la DG « Relations extérieures » qui ont été promus.

Appréciation du Tribunal

31
Il convient de relever, à titre liminaire, que, dans le cadre d’une exception d’irrecevabilité partielle du second moyen, la Commission s’interroge sur la concordance entre le présent recours et la réclamation introduite par la requérante. Elle précise notamment que la requérante, dans sa réclamation, a considéré uniquement la situation des fonctionnaires de grade B 3 de la DG « Relations extérieures » et que, par suite, les explications des représentants des DG « Personnel et administration » et « Relations extérieures » auraient été limitées à cette comparaison, à l’exclusion de l’examen comparatif des mérites de la requérante avec ceux des fonctionnaires ayant vocation à la promotion des autres DG. Ce serait également la raison pour laquelle la réponse explicite à la réclamation n’aborde aucunement la question de l’examen comparatif des mérites de la requérante avec ceux des autres fonctionnaires ayant vocation à la promotion, et en particulier des fonctionnaires promus des autres DG.

32
L’étendue de l’obligation de motivation devant être appréciée, le cas échéant, en fonction notamment de la nature et du contenu de la décision en question (voir point 41 ci-après), il incombe au Tribunal d’examiner d’abord l’interprétation apportée à la réclamation par la Commission.

33
En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante a saisi, le 17 mai 2002, le comité de promotion pour la catégorie B d’une demande tendant à ce que son dossier soit reconsidéré, à la suite de la publication aux Informations administratives de la liste des fonctionnaires proposés par la DG « Relations extérieures » pour la promotion au grade B 2 au titre de l’exercice 2002, son nom n’y figurant pas.

34
En effet, dans sa lettre du 17 mai 2002, la requérante a indiqué, notamment, qu’elle souhaitait « connaître la méthodologie utilisée pour avoir une vue d’ensemble comparative et objective des rapports de notation ». Ensuite, par lettre du 10 juillet 2002, le président du comité de promotion pour la catégorie B a informé la requérante que, « [a]près comparaison des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion et après avoir consulté la DG ‘Relations extérieures’, le [c]omité de promotion n’a[vait] pas estimé justifié de donner suite à [son] recours pour l’exercice de promotion 2002 ». Le Tribunal considère qu’il ressort clairement de cette correspondance que le recours de la requérante devant le comité de promotion pour la catégorie B n’était pas limité à sa situation au sein de la DG « Relations extérieures » et que ce comité a compris que le recours visait la comparaison des mérites de l’ensemble des fonctionnaires de grade B 3 ayant vocation à la promotion pour l’exercice 2002, conformément aux termes de l’article 45 du statut et à la jurisprudence constante en la matière.

35
Il convient d’observer que l’absence d’inscription de la requérante sur la liste publiée le 15 mai 2002 aux Informations administratives ne constituait pas une décision définitive de la part de l’administration. Il s’ensuit que, en l’espèce, la régularité de cette liste ainsi que celle des autres actes préparatoires pris au cours de la procédure de promotion, à savoir la décision du comité de promotion pour la catégorie B du 10 juillet 2003, pouvait seulement être mise en cause, de façon incidente, dans le cadre d’un recours visant à l’annulation de la décision finale prise au terme de l’exercice de promotion. Ainsi, seule la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice 2002, publiée le 14 août 2002 aux Informations administratives, a fixé définitivement la position de l’AIPN de ne pas promouvoir la requérante au titre de cet exercice de promotion. C’est au demeurant à la suite de l’adoption de cette liste que la requérante a introduit, le 25 septembre 2002, une réclamation à l’encontre du refus de la promouvoir.

36
Il ressort du dossier que ladite réclamation consiste en un formulaire type, auquel étaient joints le rapport de notation de la requérante pour la période 1999-2001, son courrier électronique du 12 mars 2002, son recours au comité de promotion pour la catégorie B, la lettre du président dudit comité et les Informations administratives du 14 août 2002. Comme indiqué au point 11 ci-dessus, le 8 octobre 2002, la requérante a adressé à l’administrateur chargé d’instruire sa réclamation une note complétant celle-ci.

37
Il convient de relever que la requérante a indiqué sur le formulaire type que la « décision contestée » était la liste des fonctionnaires promus au grade B 2 pour l’exercice de promotion 2002, publiée aux « [Informations administratives du 14 août 2002], Promotions 2002 - intérieur de carrière ». En outre, dans sa lettre du 8 octobre 2002, intervenue à la suite d’une demande de complément d’informations, la requérante a clairement précisé qu’elle avait introduit une réclamation à l’encontre de la décision de l’AIPN relative aux « [f]onctionnaires promus au grade B 2 » au titre de l’exercice 2002.

38
Il y a lieu, enfin, de constater que la réclamation de la requérante a été introduite après une procédure interne quant à l’exercice de promotion en cause et que, par conséquent, elle est intervenue dans un contexte connu de la Commission. Le Tribunal considère que la requérante, en annexant au formulaire type la correspondance échangée entre elle et la Commission relative à la procédure interne antérieure, a entendu en rappeler à l’institution communautaire les principaux éléments.

39
Il s’ensuit que la réclamation introduite à l’encontre de la décision litigieuse ne saurait être interprétée comme visant uniquement la comparaison des mérites de la requérante avec ceux des fonctionnaires de grade B 3 de la DG « Relations extérieures », mais s’étend à la comparaison des mérites de la requérante avec ceux de tous les fonctionnaires de grade B 3 ayant vocation à la promotion lors de l’exercice 2002.

40
Ces considérations préliminaires étant faites, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, chaque fonctionnaire susceptible d’être promu est en droit d’attendre que ses mérites soient comparés à ceux de l’ensemble des autres fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade concerné, au sein du comité de promotion. En effet, un examen préalable des dossiers des fonctionnaires ayant vocation à la promotion, au sein de chaque DG, ne saurait avoir pour effet de se substituer à l’examen comparatif qui doit ensuite être effectué, lorsqu’il est prévu par le comité de promotion, et par l’AIPN (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 22 février 2000, Rose/Commission, T‑22/99, RecFP p. I-A-27 et II-115, points 56 et 57, et du 8 mai 2001, Caravelis/Parlement, T‑182/99, Rec. p. II-1313, point 33).

41
En outre, il doit être rappelé que l’obligation de motivation, inscrite à l’article 25 du statut, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T-60/94, RecFP p. I-A-23 et II-77, points 31 et 32, et Thinus/Commission, précité, point 73).

42
Il est de jurisprudence constante que l’AIPN n’est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l’égard des fonctionnaires non promus, mais qu’elle est, en revanche, tenue de motiver sa décision portant rejet de la réclamation d’un fonctionnaire non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêts de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C-343/87, Rec. p. I-225, point 13, et du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C-115/92 P, Rec. p. I-6549, points 22 et 23 ; arrêt du Tribunal du 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T‑6/96, RecFP p. I-A-119 et II-357, point 147).

43
En l’espèce, il doit être constaté que, contrairement aux principes dégagés dans l’arrêt Parlement/Volger, précité (point 23), la Commission a omis de répondre à la réclamation de la requérante avant l’introduction du présent recours. En effet, ce n’est que par décision du 18 mars 2003, notifiée à la requérante le 3 juin 2003, et, par conséquent, après l’introduction du présent recours intervenue le 12 mai 2003, que la Commission a explicitement rejeté cette réclamation.

44
Le Tribunal a toutefois admis, s’agissant, notamment, du rejet implicite d’une réclamation concernant un refus de promotion, que, dans le cas où le requérant disposait d’éléments constituant un début de motivation avant l’introduction de son recours, des précisions complémentaires apportées en cours d’instance puissent pallier l’insuffisance initiale de la motivation (arrêts Benecos/Commission, précité, point 36, et Thinus/Commission, précité, points 76 et 78 à 83).

45
À cet égard, la Commission soutient qu’il existe en l’espèce des éléments constituant un « début de motivation » du refus de promotion de la requérante, que celle-ci connaissait avant l’introduction du présent recours (voir points 26 et 27 ci-dessus).

46
Le Tribunal estime que les éléments d’information fournis à la requérante avant la réunion interservices du 20 novembre 2002 sur les raisons pour lesquelles elle n’avait pas été proposée par la DG « Relations extérieures » ne sauraient être considérés comme un début de motivation de son absence de promotion, qui aurait pu être complété en cours d’instance. Il doit être rappelé que, aux termes de l’article 45, paragraphe 1, du statut, dans sa rédaction alors en vigueur, une décision de l’AIPN prise dans le cadre d’un exercice de promotion ne pouvait intervenir qu’« après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet ». Il s’ensuit que les explications fournies à la requérante avant la réunion interservices du 20 novembre 2002 ne peuvent, par définition, constituer une motivation sur le point de savoir si l’AIPN a réellement procédé, en l’espèce, à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus.

47
Quant au point de savoir si les explications orales fournies à la requérante au cours de la réunion interservices du 20 novembre 2002 peuvent être considérées, très exceptionnellement et au vu de circonstances spécifiques, comme un début de motivation, il convient de relever que la réclamation de la requérante a été examinée lors de cette réunion. Mme Wauters, MM. Babich et Levasseur de la DG « Personnel et administration », et Mme Graykowski, chef de l’unité « Personnel, planification de l’évolution du service extérieur » de la direction « Service extérieur » de la DG « Relations extérieures », ont assisté à cette réunion et ont déposé des déclarations quant au déroulement de celle-ci.

48
Or, il y a lieu de noter non seulement que les quatre attestations en question portent uniquement sur la « situation » de la requérante au sein de la DG « Relations extérieures », mais, de plus, qu’il ressort clairement de deux de ces attestations, à savoir celles de Mme Wauters et de M. Levasseur, que la comparaison des mérites de la requérante avec ceux des fonctionnaires ayant vocation à la promotion appartenant à d’autres DG n’a pas été abordée lors de la réunion. Dans ces conditions, les éléments apportés à la requérante au cours de ladite réunion ne sauraient être considérés comme un début de motivation concernant la régularité de la procédure de promotion au sens de l’article 45 du statut.

49
Il y a lieu de constater que les explications fournies à la requérante avant le dépôt du présent recours ont été limitées aux raisons pour lesquelles son nom ne figurait pas parmi ceux des onze fonctionnaires proposés par la DG « Relations extérieures » pour une promotion au grade B 2 lors de l’exercice 2002. À cet égard, le Tribunal rappelle que les propositions des DG constituent seulement un élément d’information à prendre en considération par l’AIPN lors de la comparaison des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion, en application de l’article 45 du statut (voir point 40 ci-dessus). En outre, il convient de relever que 104 fonctionnaires ont été promus lors de l’exercice de promotion en question au grade B 2. Dès lors, même s’il y avait lieu de considérer que les raisons pour lesquelles la requérante n’a pas été proposée à la promotion par la DG « Relations extérieures » lui ont été exposées lors de la réunion interservices du 20 novembre 2002, celle-ci avait le droit de voir ses mérites comparés à ceux de tous les fonctionnaires susceptibles d’être promus au grade B 2 pour l’exercice 2002 et d’obtenir à cet égard une motivation suffisante. Or, les explications fournies par la Commission concernant la décision litigieuse se bornent à la comparaison des mérites de la requérante avec ceux des fonctionnaires proposés par la DG « Relations extérieures » et ne sauraient donc constituer un début de motivation satisfaisant aux conditions exposées au point précédent.

50
Dès lors, en l’absence totale de motivation avant l’introduction du recours, il y a lieu d’accueillir le présent moyen et d’annuler la décision litigieuse sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen invoqué par la requérante.


Sur les dépens

51
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la partie requérante.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)
La décision de la Commission de ne pas promouvoir la requérante au grade B 2 au titre de l’exercice de promotion 2002, en date du 14 août 2002, est annulée.

2)
La Commission est condamnée aux dépens.

Lindh

Cooke

Šváby

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 février 2005.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1
Langue de procédure : le français.