Language of document : ECLI:EU:T:2012:443

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

19 septembre 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire tridimensionnelle – Manche de couteau – Motif absolu de refus – Signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique – Article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) n° 207/2009 – Déclaration de nullité par la chambre de recours »

Dans l’affaire T‑164/11,

Reddig GmbH, établie à Drebber (Allemagne), représentée par Me C. Thomas, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Morleys Ltd, établie à Preston (Royaume-Uni), représentée par Mes A. Stein, M. Terbach, avocats, et Mme E. Gunaratnam, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 15 décembre 2010 (affaire R 1072/2009‑2), relative à une procédure de nullité entre Morleys Ltd et Reddig GmbH,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mars 2011,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 6 juin 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 6 juillet 2011,

à la suite de l’audience du 21 mars 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 mars 2002, la requérante, Reddig GmbH, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 6, 8 et 20 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Manches de couteaux (métalliques) » ;

–        classe 8 : « Couteaux, en particulier couteaux de pose » ;

–        classe 20 : « Manches de couteaux non métalliques ».

4        La marque communautaire a été enregistrée le 12 mai 2004 sous le numéro 2630101.

5        Le 18 juin 2007, l’intervenante, Morleys Ltd, a introduit auprès de l’OHMI une demande en nullité de la marque communautaire au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 [devenu article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), c), d) et e), ii), du même règlement [devenus article 7, paragraphe 1, sous b), c), d) et e), ii), du règlement n° 207/2009]. Elle a déposé également une demande en nullité de la marque communautaire au titre de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009], en faisant valoir que la requérante avait agi de mauvaise foi en déposant sa demande.

6        Le 15 juillet 2009, la division d’annulation de l’OHMI a accueilli la demande en nullité et a déclaré l’enregistrement de la marque communautaire nul dans son entièreté, sur la base de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009.

7        Le 14 septembre 2009, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009.

8        Par décision du 15 décembre 2010, la deuxième chambre de recours de l’OHMI a confirmé la décision de la division d’annulation et a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que, bien que la marque en cause ne fût pas exclusivement constituée par la forme qui était nécessaire pour obtenir un résultat technique, les éléments non fonctionnels la composant ne jouaient pas un rôle important. En conséquence, la marque contestée a été considérée comme étant une forme qui, dans ses caractéristiques essentielles, était exclusivement constituée par la forme des produits nécessaire à l’obtention du résultat technique visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009. En particulier, à l’instar de la division d’annulation, elle a estimé que les caractéristiques essentielles de la marque contestée étaient les suivantes : le manche incurvé avec une extrémité inclinée, l’effilement du manche à l’avant et son élargissement à l’arrière et la vis moletée permettant de changer les lames en cours d’utilisation. Ces caractéristiques ont, selon la chambre de recours, une finalité exclusivement fonctionnelle ainsi qu’il ressort du brevet américain échu, invoqué par l’intervenante à l’appui de son argumentation dans le cadre de sa demande en nullité.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens de la procédure devant le Tribunal et condamner la partie intervenante aux dépens de la procédure devant la chambre de recours.

10      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par l’OHMI.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenante devant la chambre de recours et devant le Tribunal.

 En droit

12      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009.

13      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a appliqué des critères incorrects pour identifier les caractéristiques essentielles de la marque en cause, qu’elle n’a pas tenu compte de l’impression générale produite par cette marque, mais a apprécié les différentes caractéristiques du signe de manière isolée. En l’espèce, l’ensemble des éléments fonctionnels et non fonctionnels conduirait à une forme originale rappelant celle d’un dauphin ou d’un poisson.

14      L’OHMI et l’intervenante contestent les affirmations de la requérante.

15      La forme d’un produit figure parmi les signes susceptibles de constituer une marque. Cela résulte, en ce qui concerne la marque communautaire, de l’article 4 du règlement n° 207/2009, selon lequel peuvent constituer des marques communautaires tous signes susceptibles de faire l’objet d’une représentation graphique, tels que les mots, les dessins, la forme du produit et le conditionnement de celui-ci, à condition que ces signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (arrêt de la Cour du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, Rec. p. I‑8403, point 39, et la jurisprudence citée).

16      Toutefois, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 207/2009, sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature même du produit ou par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ou par la forme qui donne une valeur substantielle au produit.

17      Il ressort d’une jurisprudence constante que l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 s’oppose à l’enregistrement de toute forme constituée exclusivement, dans ses caractéristiques essentielles, par la forme du produit nécessaire à l’obtention du résultat technique visé, même si ce résultat peut être atteint par d’autres formes employant la même, ou une autre, solution technique [arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI – Mega Brands (brique de Lego rouge), T‑270/06, Rec. p. II‑3117, point 43].

18      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 doit être interprété à la lumière de l’intérêt général qui le sous-tend. L’intérêt sous-tendant l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 est d’éviter que le droit des marques aboutisse à conférer à une entreprise un monopole quant aux solutions techniques ou aux caractéristiques utilitaires d’un produit (voir arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 43, et la jurisprudence citée).

19      Les règles fixées par le législateur reflètent, à cet égard, la mise en balance de deux considérations qui sont, chacune, susceptibles de contribuer à la réalisation d’un système de concurrence sain et loyal (arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 44).

20      D’une part, l’insertion à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 de l’interdiction d’enregistrer en tant que marque tout signe constitué par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique assure que des entreprises ne puissent utiliser le droit des marques pour perpétuer, sans limitation dans le temps, des droits exclusifs portant sur des solutions techniques (arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 45).

21      En effet, lorsque la forme d’un produit ne fait qu’incorporer la solution technique mise au point par le fabricant de ce produit et brevetée à sa demande, une protection de cette forme en tant que marque après l’expiration du brevet réduirait considérablement et perpétuellement la possibilité pour les autres entreprises d’utiliser ladite solution technique. Or, dans le système des droits de propriété intellectuelle tel que développé dans l’Union européenne, les solutions techniques sont seulement susceptibles de faire l’objet d’une protection de durée limitée, de sorte qu’elles puissent être librement utilisées par la suite par l’ensemble des opérateurs économiques (voir arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 46).

22      En outre, l’enregistrement d’une forme exclusivement fonctionnelle d’un produit en tant que marque est susceptible de permettre au titulaire de la marque d’interdire aux autres entreprises non seulement l’utilisation de la même forme, mais aussi l’utilisation de formes similaires (voir, en ce sens, arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 56).

23      Le législateur a, par ailleurs, établi d’une manière particulièrement rigoureuse l’inaptitude à l’enregistrement en tant que marques de formes nécessaires à l’obtention d’un résultat technique, en ce qu’il a exclu les motifs de refus énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 207/2009 du champ d’application de l’exception prévue au paragraphe 3 du même article. Il ressort, ainsi, de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement que, même si une forme de produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique a, par l’usage qui en a été fait, acquis un caractère distinctif, il est interdit de l’enregistrer en tant que marque (voir arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 47, et la jurisprudence citée).

24      D’autre part, en limitant le motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 aux signes constitués « exclusivement » par la forme du produit « nécessaire » à l’obtention d’un résultat technique, le législateur a dûment considéré que toute forme de produit est, dans une certaine mesure, fonctionnelle et qu’il serait, par conséquent, inapproprié de refuser à l’enregistrement en tant que marque une forme de produit au simple motif qu’elle présente des caractéristiques utilitaires. Par les termes « exclusivement » et « nécessaire », ladite disposition assure que seules les formes de produit qui ne font qu’incorporer une solution technique et dont l’enregistrement en tant que marque gênerait donc réellement l’utilisation de cette solution technique par d’autres entreprises soient refusées à l’enregistrement (arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 48).

25      Il ressort également d’une jurisprudence constante qu’une application correcte de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 implique que les caractéristiques essentielles du signe tridimensionnel en cause soient dûment identifiées par l’autorité statuant sur la demande d’enregistrement de celui-ci en tant que marque. L’expression « caractéristiques essentielles » doit être comprise comme visant les éléments les plus importants du signe (arrêt Lego Juris/OHMI, précité, points 68 et 69).

26      Dès que les caractéristiques essentielles du signe sont identifiées, il incombe encore à l’OHMI de vérifier si ces caractéristiques répondent toutes à la fonction technique du produit en cause. En effet, l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 ne saurait s’appliquer lorsque la demande d’enregistrement en tant que marque porte sur une forme de produit dans laquelle un élément non fonctionnel, tel qu’un élément ornemental ou fantaisiste, joue un rôle important. Dans ce cas, les entreprises concurrentes ont facilement accès à des formes alternatives de fonctionnalité équivalente, de sorte qu’il n’existe pas un risque d’atteinte à la disponibilité de la solution technique. Cette dernière pourra, dans cette hypothèse, être incorporée sans difficulté par les concurrents du titulaire de la marque dans des formes de produit qui n’ont pas le même élément non fonctionnel que celui dont dispose la forme du produit dudit titulaire et qui, par rapport à celle-ci, ne sont donc ni identiques ni similaires (arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 72).

27      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent recours.

28      Dans un premier temps, il convient d’identifier les caractéristiques essentielles de la marque. En l’espèce la marque contestée est constituée d’un manche de couteau légèrement courbé caractérisé par un petit angle de cinq à dix degrés entre la lame du couteau et l’axe longitudinal de la poignée en nacre, qui possède une section intermédiaire avec une section transversale extérieure un peu arrondie qui s’élargit vers une extrémité arrière effilée. Le manche comporte également une vis moletée dans l’enveloppe du couteau.

29      Au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours, à l’instar de la division d’annulation, a identifié les éléments mentionnés au point 28 ci-dessus comme étant les caractéristiques essentielles de la marque contestée.

30      Dans un second temps, il y a lieu d’apprécier si ces caractéristiques essentielles répondent à une fonction technique du produit en cause conformément à la jurisprudence citée ci-dessus. En l’espèce, lors de l’appréciation desdits éléments la division d’annulation s’était fondée sur le brevet américain échu (n° 4662070) avancé par l’intervenante à l’appui de sa demande en nullité. Ainsi qu’il ressort de ce brevet, l’effet technique de l’angle entre la lame du couteau et l’axe longitudinal de la poignée en nacre est de faciliter la découpe. La forme de la section intermédiaire revêt une importance particulière pour les longues découpes. Elle rend la découpe plus précise tout en permettant d’exercer une pression plus forte. Enfin, la vis moletée permet d’ouvrir l’enveloppe et de changer les lames du couteau sans utiliser d’autres outils tout en ne gênant pas la manipulation du couteau durant l’utilisation.

31      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée aux points 20 et 21 ci-dessus, les entreprises ne sauraient utiliser le droit des marques pour perpétuer, sans limitation dans le temps, des droits exclusifs portant sur des solutions techniques, tels que des brevets. De surcroît, l’existence d’un brevet est une preuve pratiquement irréfutable que les caractéristiques qu’il divulgue ou revendique sont fonctionnelles. Or, ainsi qu’il a été constaté par les instances de l’OHMI, les caractéristiques essentielles de la marque contestée sont décrites dans le brevet américain échu.

32      Il convient donc de considérer que la chambre de recours ainsi que la division d’annulation ont correctement appliqué les critères jurisprudentiels énoncés aux points 25 et 26 ci-dessus.

33      Il y a lieu de conclure que les éléments les plus importants du signe contesté, constituant les caractéristiques essentielles de celui-ci, sont tous exclusivement fonctionnels. Les éléments décrits au point 28 ci-dessus définissent à eux seuls la forme du manche du couteau constituant le signe contesté. Or, c’est précisément la forme qui est visée à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009. Par ailleurs, le fait que cette forme peut rappeler un poisson, comme l’a également reconnu la chambre de recours, n’a pas d’incidence sur l’application de cette disposition.

34      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir mal interprété les critères fixés par l’arrêt Lego Juris/OHMI, précité, en ce qu’elle aurait exigé que, afin qu’un signe ne fasse pas l’objet du motif de refus d’enregistrement prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009, les éléments non fonctionnels de celui-ci devraient jouer un rôle plus important que les éléments fonctionnels sur le plan technique. Selon la requérante, aucun autre facteur ne permettrait d’expliquer pourquoi, après avoir identifié plusieurs éléments non fonctionnels, au point 45 de la décision attaquée, la chambre de recours est parvenue à la conclusion que ces éléments ne jouaient pas un rôle important.

35      À cet égard, il y a lieu de constater que, au point 45 de la décision attaquée, la chambre de recours n’a aucunement déclaré que, afin qu’une marque constituée par la forme nécessaire à l’obtention d’un résultat technique puisse être enregistrée, les éléments non fonctionnels de celle-ci devaient jouer un rôle plus important que les éléments fonctionnels. Au contraire, elle a reconnu qu’en l’espèce la marque contestée comportait des éléments non fonctionnels. Toutefois, ces éléments ornementaux n’ont pas été considérés comme pouvant constituer les caractéristiques essentielles de la marque (voir point 46 de la décision attaquée). Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans l’application de la jurisprudence.

36      La requérante reproche également à la chambre de recours de s’être limitée à une appréciation, de manière isolée, de tous les éléments constituant le signe contesté sans avoir pris en compte l’impression d’ensemble produite par le signe. C’est notamment l’ensemble de ces éléments qui conduirait à une forme originale rappelant celle d’un dauphin ou d’un poisson. Lors de l’audience, la requérante a soutenu que les éléments fonctionnels constituant le signe, décrits dans le brevet américain, pourraient prendre une forme différente de celle du signe en cause. Ainsi, la forme du couteau rappelant un poisson est due aux éléments qui sont ajoutés et qui, par conséquent, ne figureraient pas dans le brevet.

37      L’identification des caractéristiques essentielles d’un signe tel que visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 doit être opérée cas par cas. Il n’existe, en effet, aucune hiérarchie systématique entre les différents types d’éléments qu’un signe peut comporter. Au demeurant, dans sa recherche des caractéristiques essentielles d’un signe, l’OHMI peut, soit se fonder directement sur l’impression globale dégagée par le signe, soit procéder, dans un premier temps, à un examen successif de chacun des éléments constitutifs du signe (voir, en ce sens, arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 70, et la jurisprudence citée).

38      Par conséquent, l’identification des caractéristiques essentielles d’un signe tridimensionnel en vue d’une éventuelle application du motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 peut, selon le cas, et en particulier eu égard au degré de difficulté de celui-ci, être effectuée par une simple analyse visuelle dudit signe ou, au contraire, être fondée sur un examen approfondi dans le cadre duquel sont pris en compte des éléments utiles à l’appréciation, tels que des enquêtes et des expertises, ou encore des données relatives à des droits de propriété intellectuelle conférés antérieurement en rapport avec le produit concerné (arrêt Lego Juris/OHMI, précité, point 71).

39      En l’espèce, contrairement aux affirmations de la requérante, la chambre de recours a bien relevé, au point 46 de la décision attaquée, que la forme du couteau constituant la marque contestée pourrait être perçue comme étant un poisson ou un dauphin. Toutefois, cette ressemblance avec un poisson est conditionnée par des éléments ayant une fonctionnalité technique, à savoir l’invention couverte par le brevet américain échu avec une poignée légèrement plus incurvée ainsi qu’un prolongement modéré des pointes de l’extrémité arrière.

40      Tout en reconnaissant que la forme du manche du couteau pourrait être perçue comme ressemblant à un poisson, la chambre de recours a néanmoins constaté que cette forme était due aux caractéristiques ayant une fonction technique. Cette analyse doit être approuvée, car le fait que la somme des éléments exclusivement fonctionnels contribue à créer une image ornementale de la marque dont l’enregistrement est demandé, reste sans incidence sur la possibilité d’enregistrement d’un signe tel que défini à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009 en tant que marque communautaire. La chambre de recours a donc respecté les exigences de la jurisprudence.

41      La requérante soutient, enfin, que plusieurs des éléments sans fonction technique constituant le signe contesté seraient si importants qu’ils pourraient, à eux seuls, justifier l’enregistrement de la marque.

42      Il s’agit des éléments énumérés dans la représentation de la marque contestée tels que reproduits ci-après :

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43      S’agissant des éléments 1, 2, 4, 5, 7 et 8, il y a lieu de confirmer la position de l’OHMI selon laquelle ces éléments ont une fonction technique. En effet, les cavités (éléments 1, 2 et 4), contribuent à un meilleur appui et sont décrites dans le brevet américain. Quant à la saillie sous le manche (élément 5), elle a pour finalité de couvrir la vis moletée ou d’offrir une meilleure préhension en bloquant l’index de l’utilisateur. Enfin, l’enveloppe dans laquelle la lame est positionnée (élément 7) et la saillie indiquant où la lame doit être positionnée (élément 8) remplissent manifestement des fonctions techniques liées au positionnement et à la fixation de la lame dans le couteau, comme l’avait d’ailleurs constaté la chambre de recours au points 43 et 44 de la décision attaquée. De surcroît, en aucun cas les éléments susmentionnés ne sauraient constituer les caractéristiques essentielles de la forme du manche de couteau constitué par la marque contestée.

44      S’agissant des éléments 3 et 6, à savoir l’extrémité légèrement arrondie du manche rappelant, selon la requérante, la queue d’un poisson et le trou dans la partie avant du manche pouvant être considéré comme l’œil du dauphin, il y a lieu de constater que, bien qu’ils ne remplissent aucune fonction technique, ces éléments ne sauraient constituer des caractéristiques essentielles du signe. C’est donc à juste titre que la chambre de recours, aux points 39 et 42 de la décision attaquée, a conclu qu’il s’agissait d’éléments mineurs ne constituant pas de caractéristique essentielle de la marque en cause.

45      Il résulte de tout ce qui précède que c’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que le signe contesté ne pouvait pas être enregistré conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 207/2009. Il y a donc lieu de rejeter le moyen unique de la requérante ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

47      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de l’OHMI et à celles de l’intervenante.

48      En outre, l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’elle a exposés dans la procédure devant la chambre de recours. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Reddig GmbH est condamnée aux dépens

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 septembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.