Language of document : ECLI:EU:T:2012:502

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 septembre 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale PUCCI – Marques nationales figuratives et verbale antérieures Emidio Tucci et E. TUCCI – Demande de marque communautaire figurative antérieure Emidio Tucci – Motifs relatifs de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphes 2 et 3, et article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑39/10,

El Corte Inglés, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée initialement par Mes M. E. López Camba, J. L. Rivas Zurdo et E. Seijo Veiguela, puis par Mes Rivas Zurdo et Seijo Veiguela, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Emilio Pucci International BV, établie à Baarn (Pays-Bas), représentée par Mes P. Roncaglia, G. Lazzeretti, M. Boletto et E. Gavuzzi, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 29 octobre 2009 (affaire R 173/2009-1), relative à une procédure d’opposition entre El Corte Inglés, SA et Emilio Pucci International BV,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (président), N. Wahl et S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : S. Spyropoulos, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 20 mai 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 27 mai 2010,

vu la décision du 5 juillet 2010 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en duplique,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu la décision du 12 avril 2012 rejetant la demande de suspension de la procédure introduite conjointement par la requérante et l’intervenante,

vu les lettres des parties du 13 et du 16 avril 2012 indiquant qu’elles ne participeront pas à l’audience,

à la suite de l’audience du 18 avril 2012, à laquelle aucune des parties n’a participé,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 septembre 2004, l’intervenante, Emilio Pucci International BV, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal PUCCI.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 9, 14, 18, 25 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 3 : « Savons, parfumerie, eau de toilette, eau de Cologne, huiles essentielles, cosmétiques, y compris fond de teint, rouge à lèvres, ombres à paupières et mascaras, produits de rasage, déodorants personnels, produits et gels de douche et de bain, poudres, crèmes et lotions pour cheveux, le visage et le corps, shampooings » ;

–        classe 9 : « Instruments et appareils optiques, y compris lunettes, verres, étuis à lunettes » ;

–        classe 14 : « Joaillerie, y compris anneaux, porte-clés, boucles, boucles d’oreilles, boutons de manchette, bracelets, broches, colliers, épingles de cravate, épinglettes, médaillons ; instruments et appareils d’horlogerie et chronométrie, y compris montres, boîtiers de montres, réveille-matin ; casse-noix en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué, chandeliers en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué ; boîtes à bijoux en métaux précieux, leurs alliages ou en plaqué » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations de cuir ; sacs de voyage, trousses de voyage (maroquinerie), malles et valises, sacs-housses de voyage pour vêtements, vanity-cases (non garnis), sacs à dos, sacs en bandoulière, sacs à main, attachés-cases, porte-documents, pochettes, portefeuilles, porte-monnaie, porte-clefs, porte-cartes; parapluies » ;

–        classe 25 : « Vêtements et sous-vêtements, y compris chandails, chemises, tee-shirts, costumes, bonneterie, ceintures (vêtements), foulards, cravates, châles, gilets, jupes, imperméables, pardessus, bretelles, pantalons, jeans, pull-overs, robes, vestes, gants d’hiver, gants de ville (vêtements), collants, chaussettes, maillots de bain, peignoirs de bain, pyjamas, robes de nuit, shorts, pochettes (vêtements) ; chaussures à hauts talons, chaussures à talons plats, sandales, bottes, pantoufles, chaussures de sport ; articles de chapellerie » ;

–        classe 28 : « Articles de gymnastique et de sport, à savoir accessoires de ski ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2/2006, du 9 janvier 2006.

5        Le 7 avril 2006, la requérante, El Corte Inglés, SA, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci‑dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque espagnole figurative déposée le 13 août 1977 et enregistrée le 30 mai 1984 sous le numéro 855782 pour des « vêtements, y compris des bottes, des chaussures et des pantoufles », relevant de la classe 25, et la marque espagnole figurative déposée le 16 juin 1994 et enregistrée le 5 décembre 1994 sous le numéro 1908876 pour des « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; des produits pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; (préparations abrasives) des savons ; de la parfumerie, des huiles essentielles, des cosmétiques, des lotions pour les cheveux et des dentifrices », relevant de la classe 3, reproduites ci-après :

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–        la marque espagnole figurative déposée le 19 mai 1997 et enregistrée le 20 novembre 1997 sous le numéro 2092891 pour des « métaux précieux et leurs alliages et des produits en ces matières ou plaqués avec ceux-ci, non compris dans d’autres classes ; de la joaillerie, des pierres précieuses ; de l’horlogerie et des instruments chronométriques », relevant de la classe 14, la marque espagnole figurative déposée le 19 mai 1997 et enregistrée le 20 novembre 1997 sous le numéro 2092896 pour des « jeux et des jouets ; des articles de gymnastique et de sport (non compris dans d’autres classes) ; des décorations pour arbre de Noël », relevant de la classe 28, et la marque espagnole figurative déposée le 13 juin 1997 et enregistrée le 20 novembre 1997 sous le numéro 2096048 pour des « lunettes de soleil », relevant de la classe 9, reproduites ci-après :

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–        la marque espagnole verbale E. TUCCI, déposée le 21 septembre 1978 et enregistrée le 5 mars 1984 sous le numéro 887528 pour des « vêtements et des chaussures », relevant de la classe 25 ;

–        la demande de marque communautaire figurative nº 3679594 déposée le 20 février 2004 pour les produits relevant des classes 3, 9, 14, 25 et 28.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

8        Le 28 novembre 2008, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité et la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre cette décision le 28 janvier 2009.

9        Par décision du 29 octobre 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En premier lieu, elle a considéré que la requérante n’avait présenté des preuves suffisantes de l’usage sérieux des marques invoquées en opposition que pour des vêtements et des chaussures compris dans la classe 25 et couverts par la marque espagnole figurative enregistrée sous le numéro 855782 (ci-après la « marque antérieure »). En deuxième lieu, en ce qui concerne l’existence d’un risque de confusion, elle a estimé que les marques en conflit seraient perçues comme différentes par le public pertinent en raison de l’élément verbal « emidio » de la marque antérieure, de leur longueur différente et des différentes lettres initiales des noms patronymiques intégrant lesdites marques. De même, elle a précisé que seuls les produits relevant de la classe 25 couverts par la marque demandée étaient identiques ou semblables aux produits couverts par la marque antérieure et que certains produits relevant de la classe 18 couverts par la marque demandée présentaient une légère similitude avec lesdits produits. Dès lors, même si elle a considéré que la marque antérieure jouissait d’une renommée en Espagne pour les vêtements et les chaussures pour hommes, elle a conclu que les différences visuelles et phonétiques existant entre les deux marques étaient suffisantes pour écarter l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit. En troisième lieu, en ce qui concerne l’atteinte à la renommée de la marque antérieure, la chambre de recours a estimé, aux fins d’apprécier si l’utilisation de la marque demandée tirerait indûment profit de renommée de la marque antérieure ou lui porterait préjudice, que, en raison des différences existant entre lesdites marques, le public pertinent n’établirait pas de lien entre celles-ci. Par ailleurs, elle a constaté que la requérante n’avait avancé aucun argument exposant les raisons pour lesquelles l’utilisation de la marque demandée aurait de telles conséquences. Enfin, la chambre de recours a précisé que, même s’il était fait droit à la demande d’enregistrement de la marque communautaire figurative pour les produits relevant des classes 3, 9, 14, 25 et 28, les conclusions ne seraient pas différentes.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens exposés par elle.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par elle.

 En droit

13      La requérante soulève trois moyens à l’appui du recours, tirés, en substance, le premier, de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, et de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement nº 207/2009, le deuxième, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, et, le troisième, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009

14      Par ses arguments, la requérante conteste les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles elle n’aurait pas établi à suffisance une utilisation effective et constante dans le temps des marques antérieures pour des produits autres que des vêtements et des chaussures. En revanche, elle considère que la preuve de l’usage sérieux de la marque Emidio Tucci pour les produits relevant des classes 3, 9, 14 et 18 a été établie par les attestations qui mentionnent « accessoires » ou « articles de mode », lesquels comprennent des articles complémentaires aux costumes ou aux chemises tels que, par exemple, les parfums compris dans la classe 3, les lunettes de soleil comprises dans la classe 9, les épingles de cravate comprises dans la classe 14 ou les portefeuilles et les porte-documents compris dans la classe 18. De même, elle considère que les documents présentés permettent d’établir l’usage de ladite marque pour les articles relevant de la classe 28, tels que les raquettes ou les clubs de golf.

15      En outre, elle considère que l’usage du signe E. TUCCI a été établi, car, même s’il n’apparaît pas sur la documentation présentée, sa représentation ne s’écarte pas substantiellement de la marque antérieure telle qu’elle a été enregistrée.

16      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

17      Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu à la lumière du considérant 10 du règlement n° 207/2009 et de la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), tel que modifié, que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque communautaire consiste à limiter les conflits entre deux marques, pour autant qu’il n’existe pas de juste motif économique découlant d’une fonction effective de la marque sur le marché. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, points 36 à 38, et la jurisprudence citée].

18      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (arrêt VITAFRUIT, point 17 supra, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt Ansul, précité, point 37).

19      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt VITAFRUIT, point 17 supra, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, point 18 supra, point 43).

20      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du Tribunal VITAFRUIT, point 17 supra, point 41, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, point 35].

21      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (arrêts VITAFRUIT, point 17 supra, point 42, et HIPOVITON, point 20 supra, point 36).

22      L’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec. p. II‑5233, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 28].

23      En l’espèce, eu égard à la demande présentée par l’intervenante le 14 décembre 2006, les marques espagnoles figuratives enregistrées sous les numéros 855782, 1908876, 2092891, 2092896 et 2096048 et la marque espagnole verbale (ci-après les « marques espagnoles antérieures ») ont été soumises à la preuve de l’usage. Il résulte du point 26 de la décision attaquée, que la requérante n’a pas contesté, que la période pertinente pour établir la preuve de l’usage des marques espagnoles antérieures était celle comprise entre le 9 janvier 2001 et le 8 janvier 2006. En revanche, la demande de marque communautaire n’est soumise à aucune preuve de l’usage.

24      Il résulte en outre de l’examen de la preuve de l’usage présentée par la requérante que de nombreux documents datent d’une période antérieure à la période pertinente. Ces documents ne peuvent pas être pris en considération pour établir l’usage sérieux des marques espagnoles antérieures et doivent donc être exclus.

25      À cet égard, la requérante soutient, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour, que le fait qu’une marque ait été utilisée avant une période donnée peut constituer une preuve démontrant qu’elle a également fait l’objet d’un usage sérieux durant ladite période, cet usage constituant une « suite logique ». Certes, comme le fait valoir la requérante, la Cour a considéré, en interprétant l’article 12, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), en matière de déchéance, que celle-ci n’excluait pas expressément que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage au cours de la période pertinente puisse, le cas échéant, tenir compte d’éventuelles circonstances postérieures à la présentation de la demande de déchéance. De telles circonstances peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque au cours de la période pertinente ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de la même période (ordonnance de la Cour du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, Rec. p. I‑1159, point 31).

26      Néanmoins, la Cour a formulé cette affirmation après avoir clairement indiqué que la directive 89/104 subordonnait la qualification d’usage sérieux de la marque à la prise en compte des seules circonstances qui interviennent pendant la période pertinente et qui sont donc antérieures à la présentation de la demande de déchéance (ordonnance La Mer Technology, point 25 supra, point 30). Dès lors, la prise en considération des circonstances postérieures ou, même, antérieures, comme la requérante le prétend en l’espèce, est nécessairement subordonnée à la présentation des documents démontrant l’usage de la marque en question pendant la période pertinente.

27      En l’espèce, comme la chambre de recours l’a affirmé au point 30 de la décision attaquée, les documents datant de la période pertinente permettent d’établir à suffisance l’usage sérieux de la marque antérieure pour des vêtements et des chaussures pour hommes, compris dans la classe 25. En revanche, ces documents ne permettent pas d’établir l’usage des marques espagnoles figuratives enregistrées sous les numéros 1908876, 2092891, 2092896 et 2096048 pour les produits compris dans les classes 3, 9, 14 et 28, dans la mesure où soit ils ne contiennent aucune preuve concrète concernant les produits en cause, comme c’est le cas des lunettes de soleil comprises dans la classe 9 et des raquettes de tennis et des clubs de golf, compris dans la classe 28, soit ils contiennent des preuves, mais ne sont pas datés ou sont antérieurs à la période pertinente, comme c’est le cas des parfums et des lotions d’après-rasage compris dans la classe 3 et des montres et des épingles de cravate compris dans la classe 14.

28      En ce qui concerne les produits relevant de la classe 18, comme l’intervenante le fait valoir, aucune des marques espagnoles antérieures ne désigne ces produits. Dès lors, l’examen de la preuve de l’usage desdites marques pour ces produits n’est pas pertinent.

29      Ces conclusions ne sauraient être infirmées par l’argument de la requérante selon lequel la mention des « accessoires » ou des « articles de mode » comme produits distribués sous la marque Emidio Tucci dans les attestations de la Fédération royale espagnole de football et de la chambre de commerce et de l’industrie de Madrid suffisent à établir l’usage de ladite marque pour les produits relevant des classes 3, 9, 14, 18 et 28.

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné. En l’espèce, comme il a été constaté aux points 14, 27 et 29 ci-dessus, la requérante s’est bornée à classer les produits relevant des classes 3, 9, 14 et 28 dans des catégories aux contours vagues, à savoir les « accessoires » et les « articles de mode », sans fournir aucun élément concret permettant d’établir l’usage des marques figuratives antérieures pour les produits relevant des classes 3, 9 et 14 pendant la période pertinente. Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’usage sérieux des marques figuratives antérieures pour lesdits produits n’avait pas été établi.

31      En ce qui concerne les produits relevant de la classe 28, la requérante a certes fourni une photographie, dont la date n’est pas visible, qui reproduit l’image de deux raquettes de tennis à côté d’un polo et d’un pull portant la marque figurative Emidio Tucci, ainsi qu’une autre, extraite d’un site Internet et imprimée le 20 février 2004, relative à la campagne publicitaire 2003-2004 dans laquelle l’acteur George Clooney joue au golf et porte un costume, sur laquelle ladite marque figurative apparaît sur le côté droit. Cependant l’examen de ces deux photographies indique que les raquettes de tennis et le club de golf porté par M. Clooney sont des éléments purement illustratifs ou évocateurs et non des produits désignés par la marque en question. En effet, les raquettes sont utilisées afin d’évoquer dans l’esprit du consommateur le caractère sportif des produits présentés sur la photographie, tandis que, comme l’OHMI le fait valoir, l’image de M. Clooney jouant au golf et portant un costume viserait à transmettre au consommateur l’idée d’un habit si confortable et élégant qu’il pourrait être utilisé pour jouer au golf. Ainsi, en l’absence d’autres éléments de preuve permettant d’établir que la marque espagnole figurative enregistrée sous le numéro 2092896 a été utilisée pour désigner sur le marché des articles sportifs comme les raquettes de tennis et les clubs de golf, il y a lieu de considérer, comme la chambre de recours l’a fait au point 28 de la décision attaquée, que l’usage sérieux de ladite marque pour les produits relevant de la classe 28 n’a pas été établi.

32      Enfin, en ce qui concerne la marque espagnole verbale antérieure, la requérante reconnaît ne pas avoir fourni de documents permettant d’étayer son usage sérieux pour les produits relevant de la classe 25 sur le marché pendant la période pertinente. Néanmoins, comme il a été indiqué au point 15 ci-dessus, elle estime que sa représentation ne s’écarte pas substantiellement de la marque antérieure telle qu’elle a été enregistrée.

33      Par ces arguments, la requérante invoque, en substance, une violation de l’article 15, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous a), du règlement nº 207/2009. Il y a lieu de rappeler que, en vertu de ces dispositions combinées avec l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou communautaire, qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque communautaire, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir arrêt du Tribunal du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, Rec. p. II‑5309, point 30, et la jurisprudence citée].

34      Or, en l’espèce, il convient de relever, tout d’abord, que la requérante ne précise pas quelle est la marque figurative qu’elle considère comme étant substantiellement équivalente à la marque espagnole verbale antérieure. Néanmoins, étant donné que la marque antérieure est enregistrée pour des produits relevant de la classe 25 et que, comme il ressort du point 27 ci-dessus, elle est la seule pour laquelle l’usage a été établi, concrètement pour des vêtements et des chaussures pour hommes, il y a lieu de considérer que la marque par rapport à laquelle la requérante a apprécié l’équivalence de la marque espagnole verbale antérieure est la marque antérieure.

35      Il y a lieu de considérer ensuite que, contrairement à ce que soutient la requérante, les documents présentés ne permettent pas d’établir l’usage de la marque antérieure. En effet, il résulte de l’article 15, paragraphe 1, deuxième aliéna, sous a), du règlement nº 207/2009 que le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [arrêt du Tribunal du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, non publié au Recueil, point 31].

36      Il résulte cependant également de la jurisprudence que l’article 15, paragraphe 1, deuxième aliéna, sous a), du règlement nº 207/2009 ne permet pas au titulaire d’une marque enregistrée de se soustraire à l’obligation qui lui incombe de faire usage de cette marque en invoquant à son bénéfice l’utilisation d’une marque similaire faisant l’objet d’un enregistrement distinct [arrêt du Tribunal du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, Rec. p. II‑445, point 50].

37      En l’espèce, le fait que la marque espagnole verbale antérieure constitue un enregistrement différent de la marque antérieure suffit pour rejeter l’argument de la requérante comme non fondé (voir, en ce sens, arrêt BAINBRIDGE, point 36 supra, point 51). En tout état de cause, la substitution du prénom Emidio, qui a un caractère distinctif élevé aux yeux du public pertinent espagnol (voir point 60 ci-après), par la lettre majuscule « E » suivie d’un point constitue une altération substantielle du caractère distinctif de la marque espagnole verbale antérieure, de sorte que les deux marques ne peuvent être considérées comme globalement équivalentes.

38      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 30 de la décision attaquée, que la requérante avait seulement établi l’usage sérieux de la marque antérieure pour des vêtements et des chaussures pour hommes compris dans la classe 25. Dès lors, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

39      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

40      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

41      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

42      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de la Communauté, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), règlement n° 207/2009 n’existe que dans une partie de la Communauté [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 76, et la jurisprudence citée].

43      En l’espèce, la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle il n’existe pas de risque de confusion entre les signes en conflit. Elle affirme ainsi que les marques à comparer sont PUCCI et Emidio Tucci et que les produits en cause sont ceux compris dans les classes 3, 9, 14, 18, 25 et 28. À cet égard, elle soutient avoir établi l’usage sérieux de toutes les marques invoquées lors de la procédure d’opposition et affirme que les produits faisant l’objet du litige doivent être considérés comme identiques. Par ailleurs, elle précise que la demande de marque communautaire n’exigeait pas de preuve de l’usage.

44      En revanche, elle ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours relative à la marque antérieure, selon laquelle le public pertinent est composé du consommateur moyen espagnol qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (point 34 de la décision attaquée).

45      Il convient de rappeler que, comme il résulte du point 38 ci-dessus, la preuve de l’usage des marques espagnoles antérieures n’a été établie que pour la marque antérieure et eu égard aux vêtements et aux chaussures pour hommes, compris dans la classe 25. En outre, comme il a été indiqué au point 28 ci-dessus, aucune des marques espagnoles antérieures ne désigne les produits relevant de la classe 18. Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, les autres marques espagnoles antérieures, ainsi que les produits couverts par celles-ci, ne sont pas pertinents afin d’établir l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

46      En ce qui concerne la demande de marque communautaire nº 3679594, présentée pour tous les produits et services relevant des classes 1 à 45, il y a lieu d’indiquer que le Tribunal, dans l’arrêt du 27 septembre 2012, El Corte Inglés/OHMI (Emidio Tucci) (T‑373/09, non publié au Recueil), a confirmé la décision de la deuxième chambre de recours en ce qui concerne le refus de l’enregistrement de ladite demande pour les produits relevant des classes 3, 18, 24 et 25, ainsi que le matériel de nettoyage et la paille de fer relevant de la classe 21. De même, dans l’arrêt du [date], Pucci International/OHMI (Emidio Tucci) (T‑357/09, non publié au Recueil), le Tribunal a annulé la décision de la deuxième chambre de recours en ce qui concerne l’enregistrement de ladite marque pour les lunettes, comprises dans la classe 9, pour la joaillerie comprise dans la classe 14 et pour le papier hygiénique, compris dans la classe 16. Dès lors, il n’y a pas lieu de tenir compte de cette demande de marque, ni des produits couverts par celle-ci, et plus précisément, les produits compris dans les classes 3, 9, 14 et 25, expressément invoqués par la requérante pendant la procédure d’opposition devant l’OHMI. En revanche, contrairement à ce qui ressort du point 18 de la décision attaquée, dans la mesure où la décision de la deuxième chambre de recours n’a pas empêché l’enregistrement de ladite marque pour les produits relevant de la classe 28, ils pourraient être pris en considération afin d’établir l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

47      En ce qui concerne les produits compris dans la classe 18, il y a lieu de relever que, même si la demande de la marque communautaire a été présentée pour tous les produits et les services relevant des classes 1 à 45, les produits relevant de la classe 18 n’ont pas été expressément mentionnés par la requérante, ni pendant la procédure devant l’OHMI, ni dans ses écritures parmi les produits pour lesquels l’enregistrement de ladite marque communautaire avait été demandé et sur lesquels fonder l’opposition. En tout état de cause, dans la mesure où la chambre de recours a refusé l’enregistrement de ladite marque communautaire pour les produits relevant de la classe 18 et où le Tribunal a confirmé cette décision dans l’arrêt Emidio Tucci, point 46 supra, il n’y a pas lieu de les prendre en considération afin d’établir l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

48      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que seuls les vêtements et les chaussures pour hommes, compris dans la classe 25 et couverts par la marque antérieure, et les produits compris dans la classe 28 couverts par la demande de marque communautaire sont pertinents afin d’établir l’existence d’un risque de confusion entre les signes en cause.

 Sur la similitude des signes

49      La requérante considère, contrairement à ce que la chambre de recours a conclu au point 37 de la décision attaquée, que les signes en conflit seront perçus par le public pertinent comme étant similaires. Elle soutient que, selon la jurisprudence, dans le cas des marques composées d’un prénom et d’un nom, le premier est généralement moins important que le second, qui domine l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure et conserve au sein de celle-ci une position distinctive autonome. Ainsi, elle considère que, en l’espèce, l’élément unique de la marque demandée « pucci » pourrait être perçu comme un nom de famille et que, du point de vue du public espagnol pertinent, il crée une confusion avec le nom patronymique Tucci composant les marques espagnoles antérieures, car seule la première lettre de ces deux termes est différente.

50      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

51      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

52      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, point 51 supra, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, point 51 supra, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

53      Il convient de constater que la marque demandée contient un seul élément verbal, « pucci », tandis que la marque antérieure est composée de deux éléments, le prénom Emidio, qui n’est pas espagnol et qui, comme la chambre de recours l’a souligné au point 38 de la décision attaquée, est inhabituel du point de vue du public espagnol pertinent, et le nom patronymique Tucci, qui sera perçu par ledit public comme étant d’origine italienne.

54      Comme la requérante l’a certes rappelé dans ses écritures, selon la jurisprudence, le consommateur italien attribue, en règle générale, plus de caractère distinctif au nom de famille qu’au prénom présent dans les marques en conflit [arrêt du Tribunal du 1er mars 2005, Fusco/OHMI – Fusco International (ENZO FUSCO), T‑185/03, Rec. p. II‑715, point 54]. Le Tribunal a appliqué une conclusion similaire concernant les consommateurs espagnols, une fois constaté que le prénom qui figurait dans la marque litigieuse était relativement répandu et, donc, peu distinctif [arrêt du Tribunal du 13 juillet 2005, Murúa Entrena/OHMI – Bodegas Murúa (Julián Murúa Entrena), T‑40/03, p. II‑2831, points 66 à 68].

55      Néanmoins, il ressort également de la jurisprudence que cette règle, tirée de l’expérience, ne saurait être appliquée de façon automatique sans tenir compte des particularités caractérisant le cas d’espèce (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2006, Rossi/OHMI – Marcorossi (MARCOROSSI), T‑97/05, non publié au Recueil, point 45). À cet égard, la Cour a précisé qu’il y avait lieu de tenir compte, notamment, de la circonstance selon laquelle le nom de famille en cause était peu courant ou, au contraire, très répandu, ce qui est de nature à jouer sur son caractère distinctif, ainsi que de l’éventuelle notoriété de la personne qui demande que son prénom et son nom, pris ensemble, soient enregistrés en tant que marque (arrêt de la Cour du 24 juin 2010, Becker/Harman International Industries, C‑51/09 P, Rec. p. I‑5805, points 36 et 37). De même, selon la jurisprudence citée au point précédent, le caractère distinctif du prénom est une circonstance appelée à jouer un rôle dans l’application de cette règle d’expérience.

56      En l’espèce, le caractère inhabituel du prénom Emidio du point de vue du public pertinent lui attribue un caractère distinctif au moins aussi important qu’au nom patronymique Tucci et ne permet pas d’accepter la conclusion de la requérante, selon laquelle le nom patronymique Tucci dominera l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure. La marque antérieure sera donc perçue par le public pertinent comme un tout et sera associée par celui-ci à l’identification d’une personne d’origine italienne ou avec des liens avec l’Italie. Dès lors, l’argument relatif au caractère dominant de l’élément « tucci » doit être rejeté.

57      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante selon lequel le nom patronymique Tucci gardera une position distinctive autonome au sein de la marque antérieure. En effet, selon la jurisprudence, un nom de famille ne conserve pas dans tous les cas une position distinctive autonome au seul motif qu’il sera perçu comme un nom de famille. La constatation d’une telle position ne peut, donc, être fondée que sur un examen de l’ensemble des facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt Becker/Harman International Industries, point 55 supra, point 38), lesquels n’ont pas été présentés par la requérante parmi ses arguments.

58      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter les arguments de la requérante relatifs au caractère dominant du nom patronymique Tucci et à sa position distinctive autonome au sein de la marque antérieure comme non fondés.

59      Dès lors, il convient de procéder à la comparaison des signes en conflit, PUCCI et Emidio Tucci, en tenant compte de l’impression d’ensemble produite par ceux-ci.

60      Sur le plan visuel, l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure est clairement différente de celle produite par la marque demandée. En premier lieu, la marque antérieure est composée de deux éléments et est plus longue que la marque demandée, composée d’un élément unique. En deuxième lieu, le prénom Emidio, contenu dans la marque antérieure, qui est, contrairement à ce que la chambre de recours soutient au point 39 de la décision attaquée, suffisamment lisible aux yeux du public pertinent malgré le fait que la marque antérieure soit représentée sous la forme d’une signature, a un caractère inhabituel du point de vue du public pertinent et jouit, donc, d’un caractère distinctif élevé. Sa présence dans la marque antérieure constitue, donc, un important élément de différentiation par rapport à la marque demandée. Enfin, en troisième lieu, la première lettre du second élément de la marque antérieure et de l’élément unique de la marque demandée, à savoir « t » et « p », sont différentes.

61      Cette conclusion ne saurait être mise en cause par l’arrêt du Tribunal du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), (T‑13/05, non publié au Recueil), invoqué par la requérante, car les circonstances examinées dans cet arrêt ne sont pas comparables à celles du cas d’espèce. Dans cet arrêt, la similitude entre les marques en cause découlait de l’identité constatée entre la partie la plus importante, en termes de lettres et de sons, de la marque internationale antérieure et l’intégralité de la marque dont l’enregistrement était demandé (arrêt ODA, précité, point 54). En revanche, en l’espèce, même si la partie finale de la marque antérieure, à savoir « ucci », coïncide avec celle de la marque demandée, le prénom Emidio, qui est l’un des éléments plus distinctifs de la marque antérieure et qui est placée dans la partie initiale de ladite marque, n’est pas présent dans la marque demandée. Cette différence importante contribue à neutraliser la similitude résultant de la coïncidence de la partie finale des deux marques.

62      Sur le plan phonétique, l’impression d’ensemble produite par les deux marques en cause est aussi différente. Du point de vue du public pertinent, la marque antérieure comprend cinq syllabes, « e », « mi », « dio », « tu » et « cci », tandis que la marque demandée n’en comprend que deux, « pu » et « cci ». Comme la chambre de recours l’a indiqué au point 40 de la décision attaquée, la prononciation identique de la dernière syllabe est largement compensée par les différences de prononciation qui résultent de la présence de l’élément « emidio » dans la marque antérieure.

63      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition selon laquelle la comparaison des marques en conflit n’était pas pertinente dans la mesure où celles-ci n’avaient pas de signification pour le consommateur moyen. Cette conclusion n’a pas été contestée par les parties, la requérante s’étant limitée à affirmer que l’élément « pucci » de la marque demandée pourrait aussi être perçu comme un nom de famille, sans tirer aucune conséquence concrète de cette affirmation.

64      Comme il résulte du point 19 de la décision attaquée, les mêmes considérations s’appliquent à la demande de marque communautaire.

65      Eu égard à ce qui précède, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, aux points 19 et 42 de la décision attaquée, que, d’une part, la marque antérieure et la marque demandée et, d’autre part, la demande de marque communautaire et la marque demandée, étaient différentes sur les plans visuel et phonétique.

 Sur la similitude des produits

66      La requérante conteste la comparaison entre les produits relevant de la classe 25 et ceux relevant des classes 18 et 28. D’une part, elle estime que, conformément à la jurisprudence, il existe un lien étroit entre les vêtements, les chaussures et la chapellerie, relevant de la classe 25, et les accessoires vestimentaires, comme les produits en cuir et imitations du cuir non compris dans d’autres classes, relevant de la classe 18, qui permet de les considérer comme étant similaires. D’autre part, elle affirme que les vêtements désignés par la marque antérieure englobent également les vêtements de sport, lesquels sont commercialisés par les mêmes canaux de distribution que les articles de sport, ce qui permet de les considérer comme étant similaires également.

67      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

68      S’agissant de la comparaison entre les produits compris dans la classe 25 couverts par la marque antérieure, les vêtements et les chaussures pour hommes, et ceux compris dans la classe 18 couverts par la marque demandée, la requérante prétend, en substance, établir leur caractère complémentaire et, donc, leur similitude.

69      Il convient de constater que la chambre de recours, d’une part, au point 43 de la décision attaquée, a indiqué que la requérante n’avait pas contesté les conclusions de la division d’opposition concernant la similitude entre les produits relevant de la classe 25 couverts par la marque antérieure et les « cuir et imitations du cuir ; malles ; parapluies » couverts par la classe 18, considérant que ces produits n’étaient pas similaires. D’autre part, la chambre de recours, au point 46 de la décision attaquée, a considéré que, dans la mesure où les produits compris dans la classe 25 étaient souvent proposés en même temps que les autres produits compris dans classe 18, à savoir les « sacs de voyage, trousses de voyage (maroquinerie), valises, sacs-housses de voyage pour vêtements, vanity-cases (non garnis), sacs à dos, sacs en bandoulière, sacs à main, attachés-cases, porte-documents, pochettes, portefeuilles, porte-monnaie, porte-clefs, porte-cartes », il existait une légère similitude entre eux.

70      La requérante n’a pas contesté devant la chambre de recours les conclusions de la division d’opposition concernant la similitude entre les produits relevant de la classe 25 couverts par la marque antérieure et les « cuir et imitations du cuir ; malles ; parapluies » couverts par la classe 18.

71      Aux termes de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. En effet, il appartient au Tribunal, dans le cadre du présent litige, de contrôler la légalité des décisions des chambres de recours. Par conséquent, le contrôle exercé par le Tribunal ne peut aller au-delà du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [arrêt du Tribunal du 22 juin 2004, « Drie Mollen sinds 1818 »/OHMI – Nabeiro Silveria (Galáxia), T‑66/03, Rec. p. II‑1765, point 45]. De même, une partie requérante n’a pas le pouvoir de modifier devant le Tribunal les termes du litige, tels qu’ils résultaient des prétentions et des allégations avancées par lui-même et par l’intervenante (arrêts de la Cour du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, Rec. p. I‑3569, point 43, et du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec. p. I‑10053, point 122).

72      Dès lors, il y a lieu de rejeter les arguments soulevés par la requérante à l’égard des « cuir et imitations du cuir ; malles ; parapluies » comme irrecevables.

73      En ce qui concerne les autres produits compris dans la classe 18, à savoir les « sacs de voyage, trousses de voyage (maroquinerie), valises, sacs-housses de voyage pour vêtements, vanity-cases (non garnis), sacs à dos, sacs en bandoulière, sacs à main, attachés-cases, porte-documents, pochettes, portefeuilles, porte-monnaie, porte-clefs, porte-cartes », la requérante soutient qu’ils sont complémentaires par rapport aux vêtements et aux chaussures relevant de la classe 25 et couverts par la marque antérieure. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, les produits complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits incombe à la même entreprise. Par définition, des produits adressés à des publics différents ne peuvent pas présenter un caractère complémentaire (voir arrêt easyHotel, point 41 supra, points 57 et 58, et la jurisprudence citée).

74      Selon la jurisprudence, une complémentarité d’ordre esthétique entre des produits peut faire naître un degré de similitude au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Une telle complémentarité esthétique doit consister en un véritable besoin esthétique, en ce sens qu’un produit est indispensable ou important pour l’utilisation de l’autre et que les consommateurs jugent habituel et normal d’utiliser lesdits produits ensemble [arrêts du Tribunal du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, points 60 et 62, et du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, Rec. p. II‑2353, point 36]. Cette complémentarité esthétique est subjective et est définie par les habitudes ou les préférences des consommateurs, telles qu’elles peuvent résulter des efforts de marketing des producteurs, voire de simples phénomènes de mode (arrêt SISSI ROSSI, précité, point 61).

75      Cependant, l’existence d’une complémentarité esthétique entre les produits ne suffit pas à elle seule pour conclure à une similitude entre ceux-ci. Il est nécessaire, pour cela, que les consommateurs considèrent comme courant que ces produits soient commercialisés sous la même marque, ce qui implique, normalement, qu’une grande partie des fabricants ou des distributeurs respectifs de ces produits soient les mêmes (arrêts SISSI ROSSI, point 74 supra, point 63, et TOSCA BLU, point 74 supra, point 37).

76      Selon la jurisprudence, des produits tels que des chaussures, des vêtements, des chapeaux ou des sacs à main peuvent remplir, au-delà de leur fonction première, une fonction esthétique commune en contribuant, ensemble, à l’image extérieure du consommateur concerné [arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI–Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 49]. En l’espèce, la même conclusion peut être tirée pour des sacs en bandoulière, des attachés-cases, des porte-documents, des pochettes, des portefeuilles, des porte-monnaie, des porte-clefs et des porte-cartes, compris dans la classe 18 et couverts par la marque demandée.

77      La perception des liens unissant lesdits produits doit donc être appréciée en tenant compte de la recherche éventuelle d’une coordination dans la présentation de cette image extérieure, qui implique une coordination de ses différentes composantes entre elles à l’occasion de leur création ou de leur acquisition. Cette coordination peut notamment jouer entre les vêtements et les chaussures pour hommes, relevant de la classe 25, et les différents accessoires vestimentaires qui les complètent, comme les sacs en bandoulière, les attachés-cases, les porte-documents, les pochettes, les portefeuilles, les porte-monnaie, les porte-clefs et les porte-cartes, relevant de la classe 18. Cette éventuelle coordination dépend du consommateur concerné, du type d’activité pour laquelle cette image extérieure est constituée, notamment pour le travail, le sport ou les loisirs, ou des efforts de marketing des acteurs économiques du secteur. En outre, la circonstance selon laquelle ces produits sont fréquemment vendus dans les mêmes points de vente spécialisés est de nature à faciliter la perception par le consommateur concerné des liens étroits existant entre eux et à renforcer l’impression que la responsabilité de leur fabrication incombe à la même entreprise (voir, en ce sens, arrêt PiraÑAM diseño original Juan Bolaños, point 76 supra, point 50).

78      En l’espèce, certains consommateurs percevront l’existence d’un lien étroit entre les vêtements et les chaussures pour hommes, relevant de la classe 25 et couverts par la marque antérieure, et les sacs en bandoulière, les attachés-cases, les porte-documents, les pochettes, les portefeuilles, les porte-monnaie, les porte-clefs et les porte-cartes, relevant de la classe 18 et couverts par la marque demandée, et ils pourront donc être amenés à penser que la responsabilité de fabrication desdits produits incombe à la même entreprise. Dès lors, comme la requérante le fait valoir, les produits désignés par la marque antérieure et relevant de la classe 25 présentent un degré de similitude qui ne peut être qualifié de faible avec lesdits produits relevant de la classe 18 et couverts par la marque demandée (voir, en ce sens, arrêt PiraÑAM diseño original Juan Bolaños, point 76 supra, point 51).

79      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir les arguments de la requérante en ce qui concerne les produits mentionnés au point 78 ci-dessus.

80      S’agissant de la comparaison entre les produits relevant de la classe 25 couverts par la marque antérieure et ceux relevant de la classe 28 couverts par la marque demandée, les articles de gymnastique et de sport, à savoir les accessoires de ski, la requérante soutient qu’ils ont un caractère complémentaire.

81      À cet égard, il y a lieu de relever que l’usage de la marque antérieure a été établi pour des vêtements et des chaussures pour hommes. Même si les vêtements et les chaussures destinés à la pratique du sport pourraient être considérés comme inclus dans cette description générale [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, Rec. p. II‑2737, points 35 à 39, et du 16 septembre 2009, Zero Industry/OHMI – zero Germany (zerorh+), T‑400/06, non publié au Recueil, point 36], aucune preuve d’usage n’a été présentée par la requérante pour les vêtements et les chaussures destinés à la pratique du sport. Dès lors, il y a lieu de considérer que la preuve de l’usage desdits produits n’a pas été établie et qu’ils ne peuvent donc pas être pris en considération parmi les produits compris dans la classe 25 afin d’examiner l’existence d’un risque de confusion entre les deux marques en conflit.

82      Il résulte de ce qui précède qu’il n’existe aucun lien entre les produits relevant de la classe 25 couverts par la marque antérieure et les produits relevant de la classe 28 couverts par la marque antérieure permettant de les considérer comme étant similaires. Dès lors, il convient de rejeter les arguments de la requérante à cet égard comme non fondés.

83      Enfin, en ce qui concerne la comparaison entre les produits relevant de la classe 28 couverts par la demande de marque communautaire et ceux relevant de la classe 28 couverts par la marque demandée, la requérante affirme qu’une comparaison complète n’est pas possible tant que la décision de refus ou d’octroi de la marque demandée n’est pas définitive. Ainsi, d’une part, même si la deuxième chambre de recours n’a pas rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque pour les produits relevant de la classe 28, la requérante n’a tiré aucune conséquence en ce qui concerne l’identité ou la similitude de ces produits et de ceux couverts par la marque demandée. D’autre part, la chambre de recours a considéré, au point 19 de la décision attaquée, que même si l’enregistrement était accepté pour ces produits, il conviendrait de parvenir à la même conclusion que dans le cas de la marque antérieure, les marques en conflit étant différentes. Dès lors, dans la mesure où la question relative à la similitude desdits produits n’a été ni soulevée par la requérante ni expressément tranchée par la chambre de recours dans la décision attaquée et où les marques en conflit sont différentes, il n’y a pas lieu d’apprécier l’existence d’un risque de confusion entre lesdites marques en ce qui concerne ces produits, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de l’identité ou de la similitude des signes en conflit.

84      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure, d’une part, qu’il existe une similitude entre les produits relevant de la classe 25 couverts par la marque antérieure et certains produits relevant de la classe 18, à savoir les sacs en bandoulière, les attachés-cases, les porte-documents, les pochettes, les portefeuilles, les porte-monnaie, les porte-clefs et les porte-cartes, couverts par marque demandée, et, d’autre part, que, comme la chambre de recours l’a conclu au point 46 de la décision attaquée, les produits relevant de la classe 25 couverts par la marque antérieure et ceux relevant de la classe 28 couverts par la marque demandée ne sont pas similaires.

 Sur le risque de confusion

85      Selon la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt VENADO avec cadre e.a., point 42 supra, point 74).

86      En l’espèce, d’une part, il résulte du point 65 ci-dessus que les signes en conflit sont différents sur les plans visuel et phonétique et, d’autre part, il résulte du point 84 ci-dessus que seuls certains produits compris dans la classe 18 couverts par la marque demandée sont semblables aux produits pertinents couverts par la marque antérieure compris dans la classe 25. Conformément à une jurisprudence constante, cette absence de similitude des marques en conflit ne saurait être compensée, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, par le fait qu’une partie des produits désignés sont identiques ou similaires et que ceux-ci appartiennent au même secteur de production et de commercialisation, l’identité ou la similitude des produits ne suffisant pas pour reconnaître l’existence d’un risque de confusion [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 5 octobre 2005, Bunker & BKR/OHMI – Marine Stock (B.K.R.), T‑423/04, Rec. p. II‑4035, point 76, et du 13 juin 2007, Grether/OHMI – Crisgo (Thailand) (FENNEL), T‑167/05, non publié au Recueil, point 74].

87      Dans ces circonstances, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au point 48 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

88      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante selon lequel la marque antérieure jouit de la renommée en Espagne et bénéficie, donc, d’une protection plus étendue. La renommée de la marque antérieure ne peut compenser l’absence de similitude des signes en conflit qui, comme il résulte du point 86 ci-dessus, est l’une des conditions nécessaires afin d’apprécier l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit. En effet, un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude entre les signes ainsi qu’entre les produits et les services désignés, et la renommée d’une marque est un élément qui doit être pris en compte pour apprécier si la similitude entre les signes ou entre les produits et les services est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion. Or, étant donné que, en l’espèce, les signes en conflit ne peuvent pas être considérés comme identiques ou similaires, le fait que la marque antérieure est largement connue ou qu’elle jouit d’une renommée dans l’Union européenne ne peut pas affecter l’évaluation globale du risque de confusion [arrêts du Tribunal du 22 octobre 2003, Éditions Albert René/OHMI – Trucco (Starix), T‑311/01, Rec. p. II‑4625, point 61, et du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX), T‑336/03, Rec. p. II‑4667, point 84 ; voir, aussi, en ce sens, arrêt MARCOROSSI, point 55 supra, point 47].

89      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009

90      La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant des classes 3, 9, 14, 18 et 28 tirerait indûment profit ou porterait préjudice à la marque antérieure, enregistrée pour les produits relevant de la classe 25 et considérée comme renommée par la chambre de recours. Ainsi, d’une part, elle considère que les marques en conflit sont extrêmement semblables, que les produits couverts par la marque antérieure sont identiques ou similaires à ceux compris dans les classes 3, 9, 14, 18 et 28 de la marque demandée et que de nombreux consommateurs croiront donc qu’il existe un lien direct entre les produits couverts par la marque demandée et ceux couverts par la marque antérieure. D’autre part, elle estime que l’utilisation d’une marque semblable à la marque antérieure pour des produits concurrents ou semblables tirerait avantage de la renommée de ladite marque, qui est dans le commerce depuis longtemps et pour la promotion de laquelle son propriétaire a effectué des investissements considérables, ou lui porterait préjudice, dans la mesure où les produits couverts par la marque demandée pourraient présenter des caractéristiques différentes de celles des produits couverts par la marque antérieure.

91      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou a des similitudes avec la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui n’ont pas de similitudes avec ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et que, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

92      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans la Communauté, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du Tribunal du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec. p. II‑711, points 34 et 35, et TOSCA BLU, point 74 supra, points 54 et 55].

93      Selon la jurisprudence, le but de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’est pas d’empêcher l’enregistrement de toute marque identique à une marque renommée ou présentant une similitude avec celle-ci. L’objectif de cette disposition est, notamment, de permettre au titulaire d’une marque nationale antérieure renommée de s’opposer à l’enregistrement de marques susceptibles soit de porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure, soit de tirer indûment profit de cette renommée ou de ce caractère distinctif [voir arrêt du Tribunal du 30 janvier 2008, Japan Tobacco/OHMI – Torrefacção Camelo (CAMELO), T‑128/06, non publié au Recueil, et la jurisprudence citée].

94      En l’espèce, tout d’abord, il convient préciser que, au point 36 la décision attaquée, la chambre de recours n’a reconnu la renommée de la marque antérieure que pour les vêtements et les chaussures pour hommes compris dans la classe 25.

95      Ensuite, il convient de rappeler, comme il ressort du point 65 ci-dessus, que les marques en conflit ne sont ni identiques ni similaires. La deuxième des conditions énoncées au point 92 ci-dessus n’étant pas remplie, il y a lieu de rejeter ce moyen, sans examiner si la requérante a présenté des éléments permettant d’établir que l’usage de la marque demandée tirerait un profit indu ou porterait préjudice à la renommée de la marque antérieure.

96      Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      El Corte Inglés, SA est condamnée aux dépens.

Kanninen

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.