Language of document : ECLI:EU:T:2024:458

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

10 juillet 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale duch puszczy – Cause de nullité absolue – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 – Article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 – Article 95, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 – Article 16, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) 2018/625 »

Dans l’affaire T‑473/23,

Bartex Bartol sp. z o.o. sp. k., établie à Nowy Tomyśl (Pologne), représentée par Mme A. Gierczak, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Klee, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Grupa Chorten sp. z o.o., établie à Białystok (Pologne), représentée par Me A. Brudnoch, avocate,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl (rapporteure) et M. D. Kukovec, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Bartex Bartol sp. z o.o. sp. k., demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 17 mai 2023 (affaire R 1450/2022-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 2 février 2021, l’intervenante, Grupa Chorten sp. z o.o, a présenté à l’EUIPO une demande en nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 18 juillet 2016 pour le signe verbal duch puszczy.

3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relevaient de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Boissons alcoolisées à l’exception des bières ».

4        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), c) et d), du même règlement, ainsi qu’à l’article 59, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

5        Le 7 juin 2022, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

6        Le 4 août 2022, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours et a fait droit à la demande en nullité. En premier lieu, elle a considéré que les éléments de preuve produits par l’intervenante démontraient que l’expression « duch puszczy » avait été inventée pour désigner un alcool de contrebande produit selon une recette traditionnelle dans la région de Podlasie (Pologne) avant la date de dépôt et que le consommateur cible connaissait le produit et son nom après la date de dépôt. En outre, elle a estimé que dès lors que les produits désignés par la marque contestée étaient des « boissons alcoolisées à l’exception des bières » compris dans la classe 33, ladite expression était descriptive de la nature des produits en cause, à savoir un alcool fort similaire à un alcool artisanal, typique de ladite région. Elle a dès lors conclu que ladite marque présentait un lien avec ces produits dans une mesure telle que ce lien était suffisamment étroit pour que le signe concerné tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. En second lieu, elle a relevé que, cette marque étant descriptive desdits produits à la date de son dépôt, celle-ci ne pouvait pas remplir sa fonction d’indicateur d’origine et, partant, devait être déclarée nulle conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

10      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le droit applicable ratione temporis

11      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 18 juillet 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

12      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée ainsi que par la requérante et l’intervenante dans leurs écritures à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 comme visant, respectivement, l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

13      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001 et par les dispositions du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission du 5 mars 2018 complétant le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil sur la marque de l’Union européenne, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1). L’article 82, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625 dispose que, sauf exception, ses dispositions s’appliquent à partir du 1er octobre 2017. Plus précisément, les dispositions relatives aux demandes en nullité s’appliquent aux demandes intervenues après cette date ou aux procédures dont la phase contradictoire a débuté après cette date. Or, la demande en nullité a été déposée auprès de l’EUIPO le 2 février 2021.

 Sur le fond

14      À l’appui du recours, la requérante invoque cinq moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, le deuxième, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, le troisième, de la violation de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et de l’article 54, paragraphe 1, de la décision no 2020-1, du 27 février 2020, du présidium des chambres de recours concernant le règlement de procédure devant les chambres de recours (ci-après le « règlement de procédure des chambres de recours »), le quatrième, de la violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 52 du règlement de procédure des chambres de recours et l’article 16, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625, et, le cinquième, de la violation de l’article 16, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625 et de l’article 52 du règlement de procédure des chambres de recours.

15      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord le troisième moyen, ensuite, conjointement, les quatrième et cinquième moyens, puis le premier moyen et enfin le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et de l’article 54, paragraphe 1, du règlement de procédure des chambres de recours

16      La requérante reproche en substance à la chambre de recours d’avoir pris en considération, sans fournir de justification conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et à l’article 54, paragraphe 1, du règlement de procédure des chambres de recours, les éléments de preuve nos 1 à 20 du mémoire exposant les motifs du recours qui ont été présentés par l’intervenante pour la première fois devant ladite chambre. Il s’ensuivrait que les conclusions de cette chambre fondées sur ces éléments de preuve, qui figurent aux points 74 à 87 de la décision attaquée, devraient être rejetées.

17      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

18      L’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 prévoit que l’EUIPO « peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile ».

19      Il découle du libellé de l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation, en application des dispositions du même règlement, et qu’il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits [arrêt du 27 octobre 2021, Jiruš/EUIPO – Nile Clothing (Racing Syndicate), T‑356/20, non publié, EU:T:2021:736, point 23].

20      En précisant que l’EUIPO « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de telles preuves, cette disposition l’investit en effet d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (arrêts du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 43, et du 27 octobre 2021, Racing Syndicate, T‑356/20, non publié, EU:T:2021:736, point 24).

21      Par ailleurs, l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 encadre l’exercice du pouvoir d’appréciation prévu à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 en ce qui concerne les faits invoqués et les preuves produites pour la première fois devant la chambre de recours [arrêt du 2 juin 2021, Franz Schröder/EUIPO – RDS Design (MONTANA), T‑855/19, non publié, EU:T:2021:310, point 26]. En effet, cette disposition prévoit ce qui suit :

« Conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement [2017/1001], la chambre de recours peut accepter des faits invoqués ou des preuves produites pour la première fois devant elle uniquement si ces faits ou preuves répondent aux exigences suivantes :

a) ils semblent, à première vue, pertinents pour l’issue de l’affaire ; et

b) ils n’ont pas été présentés en temps utile pour des raisons valables, en particulier lorsqu’ils viennent uniquement compléter des faits et preuves pertinents qui avaient déjà été soumis en temps utile, ou sont déposés pour contester les conclusions tirées ou examinées d’office par la première instance dans la décision objet du recours ».

22      Il en résulte qu’il appartient au Tribunal d’apprécier si la chambre de recours a exercé de manière effective le large pouvoir d’appréciation dont elle dispose pour décider, de manière motivée et en tenant dûment compte de l’ensemble des circonstances pertinentes, qu’il y avait lieu ou non de prendre en compte les éléments de preuve produits pour la première fois devant elle aux fins de rendre la décision qu’elle était appelée à prendre [voir arrêt du 5 juillet 2017, Gamet/EUIPO – « Metal-Bud II » Robert Gubała (Poignée de porte), T-306/16, non publié, EU:T:2017:466, point 18 et jurisprudence citée]. Il lui appartient, en outre, de contrôler que la chambre de recours a fait un usage approprié du pouvoir d’appréciation que lui conférait l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 [voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2022, ADS L. Kowalik, B. Włodarczyk/EUIPO – ESSAtech (Accessoire pour télécommande sans fil), T-612/21, non publié, EU:T:2022:731, point 34].

23      Dans le cadre d’un tel contrôle, le Tribunal a eu l’occasion de préciser que la preuve nouvelle se caractérise par l’absence de lien avec un autre document préalablement présenté ainsi que par sa production tardive, alors que la preuve complémentaire ou supplémentaire est, à l’inverse, celle qui vient s’ajouter à d’autres preuves déjà présentées au préalable, dans le délai imparti [voir arrêt du 9 septembre 2020, Kludi/EUIPO – Adlon Brand (ADLON), T‑144/19, non publié, EU:T:2020:404, point 56 et jurisprudence citée].

24      En l’espèce, la chambre de recours a considéré en substance, aux points 71 à 73 de la décision attaquée, que les éléments de preuve nos 1 à 20 du mémoire exposant les motifs du recours avaient été déposés en réponse à la conclusion de la division d’annulation selon laquelle l’intervenante n’avait pas fourni d’éléments de preuve suffisants et solides pour démontrer le caractère descriptif, l’absence de caractère distinctif et le caractère usuel de l’usage du signe contesté à la date de son dépôt. Elle a dès lors accepté de les prendre en considération, conformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625.

25      Premièrement, il convient de constater que la requérante ne conteste pas la pertinence des éléments de preuve nos 1 à 20 du mémoire exposant les motifs du recours pour l’issue du litige, mais avance uniquement que la présentation tardive de ceux-ci n’était pas justifiée par une raison valable. Partant, celle-ci ne conteste pas la première condition prévue par l’article 27, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué 2018/625.

26      Deuxièmement, pour autant que la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas avancé de justification pour tenir compte des nouveaux éléments de preuve en cause, il ressort clairement des points 72 et 73 de la décision attaquée que ladite chambre a considéré que lesdits éléments de preuve avaient été déposés pour contester les conclusions tirées par la première instance dans la décision objet du recours, conformément à la deuxième condition prévue par l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625.

27      D’une part, il convient de relever que les éléments de preuve nos 1 à 20 du mémoire exposant les motifs du recours comportent des indications susceptibles de démontrer le caractère descriptif et le caractère usuel de l’usage de la marque contestée à la date de son dépôt, tout comme les preuves présentées initialement à la division d’annulation. Ces preuves nouvelles devant la chambre de recours contribuent donc, elles aussi, à répondre à la question de savoir si ladite marque avait un caractère descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Il en résulte qu’elles doivent être regardées comme venant s’ajouter aux autres preuves déjà présentées, dans le délai imparti, devant la division d’annulation, et qu’elles complètent ces preuves initiales, conformément à la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus.

28      D’autre part, la division d’annulation ayant critiqué les preuves produites devant elle notamment au motif de leur insuffisance pour démontrer le caractère descriptif, l’absence de caractère distinctif et le caractère usuel de l’usage du signe contesté à la date de son dépôt, l’intervenante était en droit de présenter des preuves complémentaires devant la chambre de recours pour répondre à ces critiques.

29      Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la chambre de recours a conclu en substance que la deuxième condition énoncée à l’article 27, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2018/625 était remplie.

30      Au vu des considérations qui précèdent, la chambre de recours a pu considérer à juste titre que les éléments de preuve présentés pour la première fois devant elle étaient recevables. Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés de la violation de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 lu en combinaison avec l’article 52 du règlement de procédure des chambres de recours et l’article 16, paragraphe 2, du règlement 2018/625

31      La requérante soutient que de nombreux éléments de preuve présentés par l’intervenante au cours de la procédure devant l’EUIPO étaient en polonais, alors que la langue de procédure était l’anglais. Or, premièrement, l’EUIPO n’aurait ni invité l’intervenante à présenter ses observations sur la recevabilité de ces éléments de preuve, ni exigé que ceux-ci soient traduits dans la langue de procédure dans un délai déterminé, conformément à l’article 52, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure des chambres de recours. En outre, la chambre de recours aurait traduit des parties des éléments de preuve en cause de sa propre initiative, ce qui ne serait pas prévu par ledit règlement. La requérante avance qu’un service équivalent ne lui a d’ailleurs pas été rendu, causant ainsi une inégalité de traitement. Enfin, ladite chambre n’aurait traduit que des passages aléatoires des éléments de preuve qui seraient pour la plupart aptes à corroborer son argumentation et aurait opportunément omis de traduire les passages qui la contredisaient.

32      Deuxièmement, la requérante estime que la chambre de recours a écarté à tort, au cours de la procédure de recours, son moyen selon lequel les éléments de preuve qui n’étaient pas produits dans la langue de procédure ne pouvaient pas être pris en considération. Elle réitère ainsi que ladite chambre n’aurait pas dû prendre en considération les éléments de preuve nos 2 à 9 et 11 à 15 de la demande en nullité qui n’étaient pas traduits dans la langue de procédure. Il en irait de même pour les éléments de preuves nos 1 à 13, 15, 17, 19 et 20 du mémoire exposant les motifs du recours. Il s’ensuivrait que toutes les conclusions de cette chambre fondées sur ces éléments de preuve figurant aux points 53 à 62 et 80 à 84 de la décision attaquée, devraient être écartées.

33      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

34      En l’espèce, il y a lieu de constater que les éléments de preuve nos 2 à 9 et 11 à 15 de la demande en nullité ainsi que les éléments de preuves nos 1 à 13, 15, 17, 19 et 20 du mémoire exposant les motifs du recours contestés par la requérante n’apparaissent pas dans la langue de procédure, à savoir l’anglais, mais en polonais.

35      L’article 16 du règlement délégué 2018/625, intitulé « Faits, preuves et observations présentés à l’appui d’une demande en déchéance ou en nullité », prévoit, à son paragraphe 2, que « [l]es preuves concernant le dépôt, l’enregistrement ou le renouvellement de droits antérieurs ou, le cas échéant, le contenu de la législation nationale pertinente, y compris les preuves accessibles en ligne, visées au paragraphe 1, [sous b et c)], sont déposées dans la langue de procédure ou sont accompagnées d’une traduction dans cette langue. La traduction est produite d’office par le demandeur dans un délai d’un mois à compter du dépôt de ces preuves. Toute autre preuve produite par le demandeur à l’appui de la demande […] est soumise à l’article 24 du règlement d’exécution (UE) 2018/626 ».

36      L’article 24 du règlement d’exécution (UE) 2018/626 de la Commission du 5 mars 2018 établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2017/1431 (JO 2018, L 104, p. 37), énonce que, « [s]auf disposition contraire dans le présent règlement ou dans le règlement délégué (UE) 2018/625, les pièces justificatives devant être utilisées dans la procédure écrite devant l’Office peuvent être déposées dans toute langue officielle de l’Union. Lorsque la langue de ces documents n’est pas la langue de procédure […], l’Office peut, de sa propre initiative ou sur demande motivée de l’autre partie, exiger qu’une traduction soit produite, dans un délai fixé par elle, dans cette langue ».

37      L’article 52 du règlement de procédure des chambres de recours prévoit :

« 1. Lorsque des preuves visées aux premières phrases […] de l’article 16, paragraphe 2, du [règlement délégué 2018/625] […] ne sont pas présentées dans la langue de procédure dans les délais prévus auxdits articles, le greffier invite le requérant à présenter ses observations sur la recevabilité de ces preuves dans un délai d’un mois, en indiquant que la chambre de recours ne prendra pas en considération les preuves en cause, conformément à […] l’article 16, paragraphe 2, du [règlement délégué 2018/625].

2. Conformément à l’article 24 du [règlement d’exécution 2018/626] […], la chambre de recours peut sur demande motivée de l’autre partie ou de sa propre initiative exiger que les pièces justificatives autres que celles mentionnées aux paragraphes précédents soient traduites dans la langue de procédure dans un délai déterminé ».

38      Il ressort ainsi clairement des dispositions citées aux points 35 à 37 ci-dessus que seules les preuves concernant le dépôt, l’enregistrement ou le renouvellement de droits antérieurs ou le contenu de la législation nationale pertinente doivent être déposées dans la langue de procédure ou être accompagnées d’une traduction dans cette langue. En revanche, toutes les autres preuves à l’appui d’une demande en nullité ne sont pas soumises à cette exigence et peuvent ainsi être déposées dans toute langue officielle de l’Union.

39      Or, les éléments de preuve nos 2 à 9 et 11 à 15 de la demande en nullité ainsi que les éléments de preuve nos 1 à 13, 15, 17, 19 et 20 du mémoire exposant les motifs du recours ne concernent ni le dépôt, l’enregistrement ou le renouvellement de droits antérieurs, ni le contenu de la législation nationale pertinente. Il s’ensuit que l’intervenante pouvait produire lesdits éléments de preuve dans une langue différente de la langue de procédure et que l’EUIPO n’était pas tenu d’inviter cette dernière à présenter ses observations sur la recevabilité des éléments de preuve en cause.

40      En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort de l’article 24 du règlement d’exécution 2018/626 et de l’article 52, paragraphe 2, du règlement de procédure des chambres de recours que, pour les preuves qui ne concernent ni le dépôt, l’enregistrement ou le renouvellement de droits antérieurs ni le contenu de la législation nationale pertinente, comme c’est le cas en l’espèce, l’EUIPO « peut », de sa propre initiative ou sur demande motivée de l’autre partie, exiger qu’une traduction soit produite dans la langue de procédure, mais il n’est nullement tenu de le faire. La requérante n’a d’ailleurs pas présenté de demande motivée pour que les éléments de preuve en cause soient traduits dans la langue de procédure, mais s’est uniquement contentée de relever, au cours de la procédure devant l’EUIPO, que les éléments de preuve en cause qui n’étaient pas traduits dans la langue de procédure ne devaient pas être pris en considération.

41      En tout état de cause, dans les observations en réponse à la demande en nullité du 12 mai 2021 ainsi que les observations sur le mémoire exposant les motifs du recours du 17 décembre 2022, la requérante a commenté la pertinence des éléments de preuve accompagnant la demande en nullité et le mémoire exposant les motifs du recours de l’intervenante, y compris ceux qui étaient produits en polonais, de sorte qu’elle était manifestement en mesure de comprendre le contenu des éléments de preuve en cause, et ce d’autant plus que la requérante est une entreprise polonaise, comme l’a souligné l’EUIPO. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que l’absence de traduction des éléments de preuve en cause ait affecté l’exercice des droits de la défense de la requérante, contrairement à ce que celle-ci semble alléguer [voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2020, Euroapotheca/EUIPO – General Nutrition Investment (GNC LIVE WELL), T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 85 et jurisprudence citée].

42      Il résulte ainsi des considérations qui précèdent que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en prenant en considération les éléments de preuve de l’intervenante mentionnés au point 34 ci-dessus qui n’étaient pas produits dans la langue de procédure. Il convient dès lors de rejeter les quatrième et cinquième moyens comme non fondés.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement

43      La requérante reproche en substance à la chambre de recours d’avoir considéré que la marque contestée présentait un lien suffisamment étroit avec les produits en cause et qu’elle avait un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

44      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

45      En vertu de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque cette marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement.

46      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de production du produit ou de la prestation de services, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union, cette partie pouvant se limiter à un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 83).

47      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications pouvant servir dans le commerce, pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque [voir arrêt du 21 janvier 2015, Grundig Multimedia/OHMI (GentleCare), T‑188/14, non publié, EU:T:2015:34, point 18 et jurisprudence citée].

48      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 19 avril 2016, Spirig Pharma/EUIPO (Daylong), T‑261/15, non publié, EU:T:2016:220, point 19 et jurisprudence citée].

49      Le caractère descriptif d’un signe doit être apprécié, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services visés [voir arrêt du 27 octobre 2016, Caffè Nero Group/EUIPO (CAFFÈ NERO), T‑37/16, non publié, EU:T:2016:634, point 20 et jurisprudence citée].

50      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 en concluant que la marque contestée était descriptive des produits en cause.

51      À titre liminaire, il convient de rappeler que la date pertinente aux fins de l’examen d’une demande de nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 est celle du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée (voir, en ce sens, ordonnances du 23 avril 2010, OHMI/Frosch Touristik, C‑332/09 P, non publiée, EU:C:2010:225, points 41 à 45 et jurisprudence citée, et du 4 octobre 2018, Safe Skies/EUIPO, C‑326/18 P, non publiée, EU:C:2018:800, points 5 et 6 et jurisprudence citée). La date pertinente pour apprécier le caractère descriptif de la marque contestée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement est donc celle du dépôt de la demande d’enregistrement, soit le 18 juillet 2016, comme l’a relevé la chambre de recours au point 98 de la décision attaquée.

52      Premièrement, il y a lieu de constater que les produits visés par la marque contestée, à savoir des « boissons alcoolisées, à l’exception des bières » relevant de la classe 33, sont destinés au grand public autorisé à consommer des boissons alcooliques [voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2024, Roethig López/EUIPO – William Grant & Sons Irish Brands (AMAZONIAN GIN COMPANY), T‑756/22, non publié, EU:T:2024:101, point 30]. En outre, ladite marque étant composée de termes polonais, il y a lieu d’examiner le caractère descriptif de cette marque contestée au regard de la perception de la partie polonophone du public pertinent.

53      Deuxièmement, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir pris en considération des éléments de preuve datés postérieurement à la date de dépôt de la marque contestée et de s’être fondée sur des suppositions. Selon elle, les éléments de preuve qui démontreraient potentiellement qu’une marque était descriptive quelques années après son dépôt ne devraient pas être pris en considération. Autrement, la nullité de ladite marque serait déclarée sur le fondement de faits qui se sont produits après sa date de dépôt ce qui ne serait pas conforme à l’objet de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

54      Il convient de rappeler que, si la seule date pertinente aux fins de l’examen de l’existence de causes de nullité absolue est celle du dépôt de la demande d’enregistrement, la jurisprudence admet également la prise en compte d’éléments postérieurs à cette date, à condition que ceux-ci permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date [ordonnance du 23 avril 2010, OHMI/Frosch Touristik, C‑332/09 P, non publiée, EU:C:2010:225, point 43, et arrêt du 2 février 2022, Maternus/EUIPO – adp Gauselmann (WILD), T‑116/21, non publié, EU:T:2022:47, point 38].

55      À cet égard, il ressort des points 52 à 65 et 78 à 87 de la décision attaquée, que la chambre de recours s’est appuyée sur diverses sources pour déterminer la signification de l’expression « duch puszczy » qui sont tant antérieures que postérieures à la date de dépôt de la marque contestée. En effet, ladite chambre a relevé que l’intervenante avait produit plusieurs éléments de preuve datés antérieurement à la date de dépôt de cette marque, notamment un article intitulé « Bimber o nazwie Duch puszczy – Podlaską Marką Roku » daté du 10 février 2009 et un article intitulé « Duch puszczy, samogon z Podlasia » daté du 9 août 2013, lesquels indiquent que ladite expression désigne un alcool artisanal de contrebande produit dans la région de Podlasie. Ces éléments de preuve démontrent ainsi que cette expression n’était pas nouvellement inventée étant donné qu’elle faisait référence, quelques années avant la date de dépôt de ladite marque, à une dénomination régionale d’un spiritueux de fabrication artisanale, comme l’a relevé à juste titre cette chambre. Les éléments de preuve postérieurs à ladite date de dépôt, datant des années 2017 à 2021, corroborent cette signification et démontrent que celle-ci n’a pas changé entre 2009 et 2021, de sorte qu’ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette date de dépôt.

56      Dans ces conditions, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant en substance, aux points 55 à 57 de la décision attaquée, qu’il y avait lieu de tenir compte des éléments de preuve postérieurs à la date de dépôt de la marque contestée et elle ne s’est nullement appuyée sur des suppositions pour déterminer la signification de l’expression « duch puszczy ».

57      Troisièmement, la requérante fait valoir que l’expression « duch puszczy » n’est pas le nom d’un produit, mais une expression poétique. Contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours, il n’existerait pas de nombreux éléments de preuve montrant que le public pertinent connaissait le produit et le nom Duch puszczy à la date de dépôt de la marque contestée. En outre, les éléments de preuve produits par l’intervenante ne démontreraient pas que l’expression susmentionnée désigne un type « concret » d’alcool généralement artisanal et un petit groupe d’habitants de la région de Podlasie ne serait pas capable d’associer des caractéristiques ou des qualités concrètes d’un produit spécifique à ladite expression. Enfin, les éléments de preuve indiqueraient en réalité que cette expression est perçue comme une marque et non comme un nom générique d’un spiritueux de fabrication artisanale.

58      En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que l’expression « duch puszczy » signifie littéralement « esprit de la forêt ». Toutefois, il ressort des nombreux éléments de preuve produits par l’intervenante, notamment ceux cités par la chambre de recours aux points 53, 54 et 59 à 65 de la décision attaquée, que ladite expression est entrée dans le langage courant polonais pour désigner un alcool artisanal de contrebande produit dans la région de Podlasie. Cela est corroboré, notamment, par l’avis linguistique du 25 février 2021 produit par l’intervenante, lequel indique que cette expression peut être comprise à la fois comme un synonyme des termes polonais « bimber » ou « samogon » qui signifient « alcool de contrebande », mais aussi comme désignant une boisson alcoolisée spécifique principalement produite dans ladite région.

59      En outre, plusieurs éléments de preuve, dont l’article intitulé « Duch puszczy, samogon z Podlasia » daté du 9 août 2013 (qui décrit la boisson alcoolisée « duch puszczy » comme « une chose très populaire et célèbre en Pologne », « présent dans de nombreuses fêtes », « une attraction locale ») ou encore l’extrait du site Internet « https ://podlaskie.tv/bimber-podlaski-duch-puszczy » (qui indique que « l’alcool de contrebande est une boisson spéciale » et que, « [e]n Podlasie, et peut-être dans toute la Pologne, le plus reconnaissable est le ‘duch puszczy’ »), confirment que, à la date du dépôt de la marque contestée, cette signification était non seulement connue dans la région de Podlasie, mais également dans le reste de la Pologne.

60      Au demeurant, la requérante n’a avancé aucun argument concret susceptible de remettre en cause ces éléments de preuve. En effet, elle s’est limitée à indiquer que le public pertinent pourrait « aisément penser » que l’expression « duch puszczy » est utilisée en tant que marque, sans toutefois apporter des éléments concrets susceptibles de corroborer cette allégation.

61      Par ailleurs, certains éléments de preuve, à savoir l’article intitulé « 8 Must-Try Regional Alcoholic Drinks from Poland » du 24 juin 2019 et l’article intitulé « The Mythical Polish Moonshine That Apparently Leaves No Hangover » du 22 janvier 2019, précisent que la boisson désignée sous le nom Duch puszczy est un alcool fort produit depuis le 19ème siècle dans la région de Podlasie et le plus traditionnellement à base de seigle ou de levure, ayant un goût similaire à la vodka. Cela est également confirmé par l’extrait du site Internet « www.bimber.info », mentionné au point 84 de la décision attaquée, lequel fait référence au Duch puszczy comme une « sorte d’alcool de contrebande produit en Podlasie » et qui mentionne une recette ancienne à base de levure et d’une céréale proche du seigle. Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’avance la requérante, l’expression « duch puszczy » désigne bien un type spécifique d’alcool présentant des caractéristiques concrètes.

62      Enfin, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, un signe qui a plusieurs significations possibles doit se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32 ; du 12 février 2004, Campina Melkunie, C‑265/00, EU:C:2004:87, point 38, et du 3 septembre 2020, achtung!/EUIPO, C‑214/19 P, non publié, EU:C:2020:632, point 33). Ainsi, dans la mesure où l’expression « duch puszczy » peut désigner un alcool artisanal typique de la région de Podlasie, le fait qu’elle signifie également « esprit de la forêt » ou qu’elle soit un synonyme d’« alcool de contrebande » est dénué de pertinence, comme l’a relevé la chambre de recours aux points 96 et 97 de la décision attaquée.

63      Il découle des considérations qui précèdent que la chambre de recours a conclu à juste titre, au point 96 de la décision attaquée, que la marque contestée véhiculait des informations évidentes et directes concernant la nature des produits en cause, à savoir qu’il s’agissait d’un alcool fort similaire à un alcool artisanal, typique de la région de Podlasie, de sorte qu’elle se heurtait au motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

64      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

65      En premier lieu, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a méconnu l’arrêt du 19 décembre 2019, Currency One/EUIPO – Cinkciarz.pl (CINKCIARZ) (T‑501/18, EU:T:2019:879), dont les faits seraient comparables à ceux en l’espèce, dans la mesure où, même à supposer que l’expression « duch puszczy » soit comprise comme de l’alcool distillé illégalement, l’utilisation de cette expression pour des boissons alcoolisées distillées et vendues légalement constituerait un jeu de l’esprit, étant donné que le public pertinent ne pensera pas, en voyant le produit de la requérante désigné sous la marque contestée, que de l’alcool distillé illégalement est proposé à la vente, mais il percevra immédiatement un nom qui distingue ce produit des autres, précisément en raison de la contradiction entre la vente d’alcool légal et la production d’alcool de contrebande et il s’ensuivrait que ladite marque ne serait pas descriptive des produits en cause, ne saurait prospérer.

66      En effet, il convient de constater que les circonstances de l’arrêt du 19 décembre 2019, CINKCIARZ (T‑501/18, EU:T:2019:879), sont différentes de celles en l’espèce. D’une part, aux points 46 à 55 de cet arrêt, le Tribunal a considéré que le terme polonais « cinkciarz », qui composait la marque en cause, avait une connotation exclusivement péjorative, étant donné qu’il renvoyait à une personne qui se livre à des trafics, des escroqueries ou des actes considérés comme malhonnêtes dans le cadre d’opérations de change de devises réalisées clandestinement. Or, le public pertinent était conscient du fait que les services couverts par ladite marque ne pouvaient pas être des activités clandestines et illégales de change de devises, de sorte que ledit terme, qui constituait cette marque et qui désignait de telles activités clandestines et illégales, ne pouvait servir, dans un usage normal du point de vue dudit public, pour désigner les services de change de devises licites. Ce terme ne pouvait donc être descriptif de services de change de devises licites ou d’une entité fournissant de tels services.

67      D’autre part, en l’espèce, l’expression « duch puszczy » ne désigne pas exclusivement de l’alcool distillé illégalement, mais également de l’alcool artisanal typique de la région de Podlasie qu’il est d’ailleurs désormais possible d’acheter en toute légalité, comme l’attestent, notamment, l’article intitulé « Duch puszczy, samogon z Podlasia » daté du 9 août 2013 et l’article intitulé « 8 Must-Try Regional Alcoholic Drinks from Poland » du 24 juin 2019. Il s’ensuit que la requérante ne saurait valablement se prévaloir en l’espèce de l’arrêt du 19 décembre 2019, CINKCIARZ (T‑501/18, EU:T:2019:879).

68      En second lieu, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a violé le principe de sécurité juridique dans la mesure où tant l’Urząd Patentowy RP (office polonais des brevets) que l’EUIPO avaient accepté l’enregistrement de marques identiques ou comparables à la marque contestée pour des boissons alcoolisées par le passé et où un arrêt du Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de voïvodie de Varsovie, Pologne) du 17 avril 2023 a notamment reconnu que l’expression « duch puszczy » n’était pas descriptive doit également être écarté.

69      À cet égard, il convient d’abord de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 207/2009, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 et jurisprudence citée). Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 47].

70      En outre, même à supposer que les situations soient comparables ou identiques, il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [arrêt du 13 juin 2014, K-Swiss/OHMI – Künzli SwissSchuh (Bandes parallèles sur une chaussure), T‑85/13, non publié, EU:T:2014:509, point 46 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 74 à 77].

71      En l’espèce, la chambre de recours a conclu, après avoir apprécié globalement les éléments de preuve produits par l’intervenante, que la marque contestée était descriptive de la nature des produits en cause. Cette constatation suffit à elle seule pour retenir que la marque contestée se heurte, en ce qui concerne les produits en cause, au motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Il s’ensuit que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer la conclusion à laquelle a abouti la chambre de recours dans la décision attaquée, des décisions antérieures de l’EUIPO [arrêt du 12 mai 2016, Atlas/EUIPO (EFEKT PERLENIA), T‑298/15, non publié, EU:T:2016:288, point 30 ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 78 et 79].

72      Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement

73      Dans la mesure où la requérante soutient, par le deuxième moyen, que la marque contestée est distinctive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés dans cette disposition s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne [ordonnance du 13 février 2008, Indorata-Serviços e Gestão/OHMI, C‑212/07 P, non publiée, EU:C:2008:83, point 27 ; voir, également, arrêt du 21 septembre 2017, InvoiceAuction B2B/EUIPO (INVOICE AUCTION), T‑789/16, non publié, EU:T:2017:638, point 49 et jurisprudence citée].

74      En l’espèce, dès lors qu’il a été constaté que la marque contestée était descriptive des produits en cause et que, par conséquent, elle se heurtait au motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il n’est pas nécessaire de statuer sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

75      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

76      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

77      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de convocation à une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bartex Bartol sp. z o.o sp. k. est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Grupa Chorten sp. z o.o.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 juillet 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.