Language of document : ECLI:EU:T:2015:45

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

 22 janvier 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale KENZO – Marque communautaire verbale antérieure KENZO – Motif relatif de refus – Renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 – Obligation de motivation – Article 75 du règlement n° 207/2009 – Production tardive de documents – Pouvoir d’appréciation de la chambre de recours – Article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑393/12,

Kenzo Tsujimoto, demeurant à Osaka (Japon), représenté par Me A. Wenninger-Lenz, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Kenzo, établie à Paris (France), représentée par Mes P. Roncaglia, G. Lazzeretti et N. Parrotta, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 29 mai 2012 (affaire R 1659/2011‑2), relative à une procédure d’opposition entre Kenzo et M. Kenzo Tsujimoto,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 4 septembre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 27 décembre 2012,

vu la question écrite du Tribunal aux parties,

vu les observations déposées par les parties au greffe du Tribunal les 2 et 11 juin 2014,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 octobre 2007, le requérant, M. Kenzo Tsujimoto, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal KENZO.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vin ; boissons alcooliques à base de fruits ; liqueurs occidentales (en général) ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 9/2008, du 25 février 2008.

5        Le 22 mai 2008, l’intervenante, Kenzo, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale antérieure KENZO, enregistrée le 20 février 2001 sous le numéro 720706, pour des produits relevant notamment des classes 3, 18 et 25 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, ceintures, sacs, sacs à mains, malles et valises, sacoches, sacs de voyages et autres bagages ; laisses, portefeuilles, porte-documents, serviettes, pochettes (maroquinerie), porte-monnaie, étuis pour clés (maroquinerie), boîtes et coffrets en cuir, imitations de cuir, porte- cartes, porte-chéquiers, attaché-case, mallettes pour produits de maquillage, trousses de voyage (maroquinerie) ; trousses de toilette et de maquillage (non équipées), peaux d’animaux ; parapluies, parasols et cannes ; fouets, harnais et sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements (habillement), chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques), chapellerie ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

8        Par décision du 15 juin 2011, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

9        Le 11 août 2011, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 29 mai 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours. Selon la chambre de recours, les trois conditions cumulatives d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 étaient remplies en l’espèce. S’agissant de la première condition, la chambre de recours a relevé que les marques en conflit étaient identiques. S’agissant de la deuxième condition, la chambre de recours a estimé, contrairement à la division d’opposition, que l’intervenante avait démontré que la marque antérieure jouissait d’une renommée. S’agissant de la troisième condition, la chambre de recours a considéré qu’il semblait hautement probable que la marque demandée, pour laquelle aucun juste motif pour l’usage n’avait été démontré, allait se placer dans le sillage de la marque antérieure renommée, afin de bénéficier du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière et d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de cette marque pour créer et entretenir l’image de celle-ci. Elle a donc conclu qu’il existait un risque que l’usage de la marque demandée tire indûment profit de la renommée de la marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

13      À l’appui de son recours, le requérant soulève trois moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, deuxièmement, de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009 et, troisièmement, de la violation de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

14      Il convient d’examiner tout d’abord les deuxième et troisième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009

15      Le requérant fait valoir qu’il a soutenu, devant l’OHMI, qu’il souhaitait seulement utiliser son prénom, Kenzo, pour une certaine gamme de produits et que cela constituait un juste motif pour l’usage et l’enregistrement de la marque demandée, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. En ne répondant pas à cet argument dans la décision attaquée, la chambre de recours aurait violé l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu de l’article 75 du règlement n° 207/2009.

16      En vertu de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique à la marque antérieure ou a des similitudes avec cette dernière et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui n’ont pas de similitudes avec ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque antérieure qui est communautaire, celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union européenne et que l’usage, sans juste motif, de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

17      En vertu de l’article 75 du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées.

18      Selon une jurisprudence constante, cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 296 TFUE. La motivation exigée par cet article doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, Shaker/OHMI – Limiñana y Botella (Limoncello della Costiera Amalfitana shaker), T‑7/04, Rec. p. II‑3085, point 73, et la jurisprudence citée].

19      En outre, les chambres de recours ne sont pas obligées, dans la motivation des décisions qu’elles sont amenées à adopter, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent devant elles. Il suffit qu’elles exposent les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [arrêt du Tribunal du 30 juin 2010, Matratzen Concord/OHMI – Barranco Schnitzler (MATRATZEN CONCORD), T‑351/08, non publié au Recueil, point 18].

20      En l’espèce, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient le requérant, la chambre de recours a répondu à l’argument du requérant en affirmant qu’« aucun juste motif n’a[vait] été démontré » (point 34 de la décision attaquée). Certes, cette réponse est succincte, mais elle est suffisante.

21      En effet, le règlement n° 207/2009 ne donne aucun droit inconditionnel à l’enregistrement d’un nom en tant que marque communautaire [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 mai 2011, Prinz von Hannover/OHMI (Représentation d’armoiries), T‑397/09, non publié au Recueil, point 29] et, a fortiori, à l’enregistrement d’un prénom en tant que marque. Par conséquent, le fait que Kenzo soit le prénom du requérant n’est pas suffisant pour constituer un juste motif pour l’usage de la marque demandée, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

22      Partant, le requérant soutient à tort que la chambre de recours a violé l’article 75 du règlement n° 207/2009.

23      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009

24      Le requérant rappelle que la division d’opposition avait imparti à l’intervenante un délai jusqu’au 18 mai 2010 pour produire la preuve de la renommée de la marque antérieure et fait valoir, en substance, que, en prenant en compte des éléments de preuve produits par l’intervenante après cette date, la chambre de recours avait violé l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

25      À cet égard, il soutient qu’il ne ressort pas de la décision attaquée que la chambre de recours a fait usage de son pouvoir d’appréciation aux fins de décider s’il y avait lieu ou non de prendre en compte les preuves produites par l’intervenante ni qu’elle a pris en compte les circonstances pertinentes pour l’exercice de ce pouvoir, ce qu’elle aurait dû faire, en vertu de la jurisprudence.

26      Il y a lieu de relever que, selon l’arrêt de la Cour du 3 octobre 2013, Rintisch/OHMI (C‑120/12 P, non encore publié au Recueil, point 32), la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), prévoit, expressément, que la chambre de recours dispose, lors de l’examen d’un recours dirigé contre une décision d’une division d’opposition, du pouvoir d’appréciation découlant de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 afin de décider s’il y a lieu ou non de prendre en compte des preuves et des faits nouveaux ou supplémentaires qui n’ont pas été présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition.

27      La prise en compte par l’OHMI de preuves ou de faits tardivement produits est, lorsqu’il est appelé à statuer dans le cadre d’une procédure d’opposition, en particulier susceptible de se justifier lorsque celui-ci considère que, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de l’opposition formée devant lui et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte (voir arrêt Rintisch/OHMI, point 26 supra, point 38, et la jurisprudence citée).

28      À titre liminaire, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient le requérant, il n’y a pas lieu d’interpréter le pouvoir d’appréciation de la chambre de recours au regard de la règle 20, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95, selon laquelle, si, avant l’expiration du délai visé à la règle 19, paragraphe 1, l’opposant ne prouve pas l’existence, la validité et l’étendue de la protection de sa marque antérieure ou de son droit antérieur, ainsi que l’habilitation à former opposition, l’opposition est rejetée comme non fondée. En effet, c’est la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2868/95 qui doit être appliquée devant la chambre de recours et non la règle 20, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95 (arrêt Rintisch/OHMI, point 26 supra, point 29).

29      À la lumière de l’arrêt Rintisch/OHMI, point 26 supra (point 38), pour déterminer si la chambre de recours pouvait prendre en compte les éléments de preuve produits devant la division d’opposition après le 18 mai 2010, il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a considéré que ces éléments de preuve étaient susceptibles de revêtir une réelle pertinence et si, comme le soutient le requérant, le stade de la procédure et certaines circonstances de l’espèce s’opposaient à leur prise en compte.

30      En premier lieu, il y a lieu de relever que la chambre de recours a pris en compte les éléments de preuve déposés après le 18 mai 2010 auprès de la division d’opposition, en indiquant que, étant donné que l’usage d’une marque est un facteur pertinent pour déterminer la renommée de cette marque, ces éléments de preuve, qui étaient principalement destinés à prouver l’usage de la marque antérieure, servaient également de preuves supplémentaires de la renommée de celle-ci (point 25 de la décision attaquée). Elle a également relevé que certains de ces éléments de preuve revêtaient une importance capitale pour l’appréciation de la renommée de la marque antérieure (point 27 de la décision attaquée). Enfin, elle a souligné que les éléments de preuve produits devant la division d’opposition après le 18 mai 2010 venaient confirmer les éléments de preuve de la renommée de la marque antérieure produits avant cette date (point 28 de la décision attaquée). Ainsi, la chambre de recours a fait usage de son pouvoir d’appréciation découlant de l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 afin de décider qu’il y avait lieu de prendre en compte ces éléments de preuve et, en estimant qu’ils revêtaient une réelle pertinence pour apprécier la renommée de la marque antérieure, elle a justifié leur prise en compte.

31      En second lieu, s’agissant des arguments du requérant relatifs au stade de la procédure et à certaines circonstances qui s’opposeraient à la prise en compte des éléments de preuve produits après le 18 mai 2010 devant la division d’opposition, premièrement, il y a lieu de relever qu’il ressort de la décision attaquée que certains de ces éléments de preuve ont été joints aux observations que l’intervenante avait déposées, le 23 novembre 2010, devant la division d’opposition et que d’autres de ces éléments avaient été produits le 11 octobre 2010 par l’intervenante au cours d’une procédure d’opposition parallèle concernant les deux mêmes parties (point 26 de la décision attaquée). Partant, tous ces éléments de preuve ont été produits avant même que la décision de la division d’opposition ait été prise et que la procédure devant la chambre de recours ait commencé. Le requérant ne saurait donc soutenir qu’ils ne pouvaient pas être pris en compte en raison de leur production à un stade avancé de la procédure. Par ailleurs, le requérant ne conteste pas la constatation de la chambre de recours selon laquelle il avait en sa possession tous ces éléments de preuve, ainsi que toutes les informations nécessaires pour les identifier et vérifier leur contenu (point 26 de la décision attaquée).

32      Deuxièmement, ne saurait prospérer l’argument du requérant selon lequel, étant donné que l’intervenante aurait dû savoir que les preuves déposées avant le 18 mai 2010 étaient insuffisantes, les preuves produites après cette date ne pouvaient pas être prises en compte. En l’espèce, l’intervenante avait déposé, avant l’expiration du délai imparti, de nombreuses preuves visant à démontrer la renommée de la marque antérieure. Elle avait notamment produit des coupures de presse et des publicités relatives à la marque antérieure extraites de magazines renommés de l’Union, la liste des points de vente au détail de la marque antérieure dans le monde entier et la liste des marques Kenzo dans le monde entier (point 6 de la décision attaquée). Il y a donc lieu de considérer que l’intervenante avait sérieusement tenté de prouver la renommée de la marque antérieure et que la requérante ne saurait soutenir que l’intervenante aurait dû savoir que les preuves déposées avant le 18 mai 2010 étaient insuffisantes. En outre, il y a lieu de rappeler qu’il relevait du pouvoir d’appréciation de la chambre de recours de décider de prendre en compte des preuves complétant celles déposées avant le 18 mai 2010.

33      Troisièmement, ne saurait également prospérer l’argument du requérant selon lequel le pouvoir d’appréciation de la chambre de recours est limité dans la mesure où il doit être interprété au regard de l’importance fondamentale du respect des délais fixés par l’OHMI. En effet, dans la mesure où les preuves produites après l’expiration des délais peuvent être refusées, ces délais incitent toujours les parties à les respecter.

34      Quatrièmement, doit être rejeté l’argument du requérant selon lequel la chambre de recours ne pouvait pas prendre en compte, dans le cadre de l’appréciation de la renommée de la marque antérieure, les éléments de preuve produits par l’intervenante devant la division d’opposition après le 18 mai 2010, parce qu’ils avaient été produits pour prouver l’usage de la marque antérieure et non sa renommée. En effet, la chambre de recours a indiqué à juste titre que l’usage d’une marque est un facteur pertinent pour déterminer la renommée de cette marque (point 25 de la décision attaquée). Les preuves de l’usage de la marque antérieure pouvaient donc également servir à démontrer la renommée de cette marque, ce que l’intervenante avait d’ailleurs affirmé devant la chambre de recours (point 14 de la décision attaquée).

35      Enfin, la circonstance que les éléments de preuve déposés après le 18 mai 2010 n’étaient pas nouveaux et auraient donc pu être déposés avant cette date n’est pas pertinente. En effet, la prise en compte d’éléments de preuve supplémentaires produits après les délais impartis ne requiert pas nécessairement que l’intéressé se soit trouvé dans l’impossibilité de produire ces éléments de preuve dans les délais (arrêt de la Cour du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI, C‑610/11 P, non encore publié au Recueil, point 117).

36      Partant, le requérant soutient à tort que, en prenant en compte les éléments de preuve déposés par l’intervenante après le 18 mai 2010 auprès de la division d’opposition, la chambre de recours a violé l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009.

37      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009

38      Ce moyen est divisé en trois branches, tirées, respectivement, de l’absence de preuve de la renommée de la marque antérieure, de l’absence de risque de profit indu et de l’existence d’un juste motif pour l’usage de la marque demandée.

 Sur la première branche, tirée de l’absence de preuve de la renommée de la marque antérieure

39      Le requérant fait valoir, premièrement, que la chambre de recours ne pouvait pas prendre en compte, dans le cadre de l’appréciation de la renommée de la marque antérieure, les éléments de preuve produits par l’intervenante après le 18 mai 2010.

40      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort de l’examen du troisième moyen que la chambre de recours pouvait prendre en compte ces éléments de preuve.

41      Le requérant fait valoir, deuxièmement, en substance, que la chambre de recours n’aurait pas dû prendre en compte les éléments de preuve produits devant la division d’opposition avant le 18 mai 2010 pour démontrer la renommée de la marque antérieure, parce que ces éléments de preuve n’étaient accompagnés d’aucune explication relative à la durée de l’usage de la marque antérieure, à la portée géographique des campagnes publicitaires de la marque antérieure, au degré précis de connaissance de la renommée de la marque antérieure, aux chiffres d’affaires et aux parts de marché du titulaire de la marque antérieure.

42      À cet égard, il y a lieu de relever que le requérant n’a pas précisé sur quelle disposition juridique il se fonde pour soutenir que les éléments de preuve produits par l’intervenante devaient être accompagnés d’explications afin d’être pris en compte.

43      En tout état de cause, il y a lieu de relever que les éléments de preuve déposés par l’intervenante devant la division d’opposition avant le 18 mai 2010 pour démontrer la renommée de sa marque ont été accompagnés d’une brève description. Cette description indiquait pour la majorité de ces preuves la période concernée ou la portée géographique. Ainsi, par exemple, elle a décrit l’annexe 7 de la façon suivante : « coupures de presse dans différents pays de l’Union […] entre 2006 et 2010 et publicités dans des magazines renommés de l’Union […] entre 2008 et 2010, tels que Vogue, Vanity Fair, L’Uomo, etc. ».

44      En outre, elle a complété cette explication dans son recours devant la chambre de recours.

45      Ainsi, elle a fait valoir qu’elle avait déposé devant la division d’opposition, une monographie consacrée au créateur de la marque antérieure, qui appartient à la même série de monographies que celles consacrées à Gucci, à Valentino, à Versace, à Chanel et à Dior, qui sont tous des figures de légende dans le domaine de la mode.

46      De surcroît, l’intervenante a souligné que les 400 pages relatives aux campagnes publicitaires de la marque antérieure qu’elle avait produites devant la division d’opposition indiquaient le lieu et la durée de chaque campagne publicitaire sur une période de dix ans, allant de 2000 à 2010. Elle a relevé qu’il ressortait de ces 400 pages que des publicités relatives aux produits de la marque antérieure avaient été publiées en République tchèque, au Danemark, en Allemagne, en Espagne, en France, en Croatie, à Chypre, aux Pays-Bas, en Slovénie et au Royaume-Uni. Elle a ajouté que ces publicités avaient été publiées dans de nombreux magazines de premier plan à l’échelle mondiale, liés à la mode, tels que les magazines Elle, Men’s Health, Playboy et Vogue, ainsi que dans certains des principaux magazines grand public en Europe, tels que les périodiques El Mundo, Figaro, Le Monde, Vanity Fair et Cosmopolitan. Elle a souligné que ces publicités constituaient une preuve manifeste d’une campagne soutenue et intensive dans les médias.

47      Enfin, elle a indiqué que la liste des points de vente de la marque antérieure et la liste des marques Kenzo enregistrées dans le monde indiquaient clairement que la renommée de la marque antérieure était établie dans une partie significative de l’Union à la date à laquelle l’opposition avait été formée.

48      Le requérant fait valoir, troisièmement, que les éléments de preuve déposés avant le 18 mai 2010 ne permettaient pas de démontrer la renommée de la marque antérieure.

49      À cet égard, il suffit de relever que la chambre de recours, pour apprécier la renommée de la marque antérieure, ne s’est pas fondée uniquement sur les éléments de preuve déposés devant la division d’opposition avant cette date (point 28 de la décision attaquée).

50      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’absence de risque de profit indu

51      Le requérant soutient que, bien que la charge de la preuve incombait à l’intervenante, celle-ci n’a pas déterminé quel type spécifique de profit indu ou de préjudice pouvait être attendu de l’usage de la marque demandée. Elle se serait contentée de faire des spéculations, ce qui serait insuffisant pour démontrer l’existence potentielle d’un préjudice ou d’un profit indu. En ayant toutefois conclu qu’il existait un risque de profit indu ou de préjudice, la chambre de recours aurait violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

52      Afin de déterminer si l’usage du signe contesté tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’importance de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque antérieure, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés [voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2012, Bimbo/OHMI – Grupo Bimbo (GRUPO BIMBO), T‑357/11, non publié au Recueil, point 38, et la jurisprudence citée].

53      En l’espèce, premièrement, il est constant que les marques en conflit sont identiques.

54      Deuxièmement, il est constant que la marque antérieure possède un caractère distinctif intrinsèque.

55      Troisièmement, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours s’est fondée sur l’ensemble des éléments de preuve déposés par l’intervenante devant la division d’opposition pour considérer que la renommée de la marque antérieure était substantielle (points 28 et 29 de la décision attaquée).

56      Quatrièmement, quant à la nature et au degré de proximité des produits concernés, la chambre de recours a constaté qu’il ressortait des éléments de preuve déposés par l’intervenante que celle-ci plaçait largement ses produits dans le segment supérieur du marché, où le consommateur visé présente un goût plus sophistiqué que le consommateur moyen, et que les produits visés par la marque demandée comprenaient des vins et du cognac de haute qualité destinés à des consommateurs également sophistiqués. Elle en a déduit à juste titre qu’il ne faisait guère de doute qu’un rapprochement entre ces produits était possible dans la mesure où ils projetaient tous des images de luxe, de glamour, de bon goût, de réussite et de statut social (point 33 de la décision attaquée).

57      En outre, il convient d’observer que l’intervenante a produit devant la chambre de recours des éléments de preuve de la publication de publicités de produits couverts par la marque antérieure dans des magazines de prestige tels que Vogue ou Vanity Fair ainsi que de la vente de produits sous la marque antérieure dans des magasins prestigieux tels que Harrods. Dès lors, la chambre de recours a constaté, à bon droit, que cette marque bénéficiait d’une « allure incontestable », qui pouvait être transférée à d’autres produits de luxe et donc aux produits visés par la marque demandée, tels que le cognac, le champagne ou le vin, qui peuvent être de haute qualité (point 33 de la décision attaquée).

58      Partant, contrairement à ce que soutient le requérant, la chambre de recours ne s’est pas fondée sur des spéculations, mais sur les éléments de preuve déposés par l’intervenante pour conclure à l’existence d’un risque que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit de la renommée de la marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

59      Il s’ensuit que la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche, tirée de l’existence d’un juste motif pour l’usage de la marque demandée

60      Le requérant fait valoir que, dans ses observations devant la division d’opposition, il a soutenu que la marque demandée correspondait à son prénom et donc qu’elle était demandée et utilisée pour un juste motif. La chambre de recours n’aurait pas tenu compte de cet argument et, de ce fait, aurait violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

61      Cet argument a déjà été rejeté au point 22 ci-dessus. Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée.

62      Partant, le premier moyen doit être rejeté et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Kenzo Tsujimoto est condamné aux dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 janvier 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.