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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

27 octobre 2023 (*)

« Référé – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions de la Russie compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds et des ressources économiques – Demande de mesures provisoires – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑743/22 R III,

Nikita Dmitrievich Mazepin, demeurant à Moscou (Russie), représenté par Mes D. Rovetta, M. Campa, M. Moretto, V. Villante, T. Marembert et A. Bass, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J. Rurarz et Mme P. Mahnič, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

République de Lettonie, représentée par Mmes J. Davidoviča et K. Pommere, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

vu l’ordonnance du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, [C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727],

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE, le requérant, M. Nikita Dmitrievich Mazepin, sollicite, notamment, en premier lieu, le sursis à l’exécution de la réinscription annoncée de son nom sur la liste des personnes, des entités et des organismes visés par des mesures restrictives, dans les mêmes conditions que celles prévues dans l’ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406, points 1 et 2 du dispositif), jusqu’au prononcé de l’arrêt au fond, en deuxième lieu, qu’il soit ordonné au Conseil de l’Union européenne de faire publier dans le même Journal officiel de l’Union européenne que celui où seront publiés les actes portant réinscription de son nom une note indiquant clairement que lesdits actes font l’objet d’une suspension dans les mêmes conditions que celles prévues dans l’ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406, points 1 et 2 du dispositif), jusqu’au prononcé de l’arrêt au fond et, en troisième lieu, qu’il soit ordonné au Conseil de prendre les mesures nécessaires afin que l’ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406) soit pleinement et effectivement respectée par les États membres et, en particulier, que le visa qui lui a été délivré le 7 août 2023 et tout autre visa qui se révélerait nécessaire couvrent au moins le territoire des États membres de l’Union européenne parties à l’accord de Schengen et restent valables pendant la durée indispensable pour lui permettre d’exercer effectivement les droits que lui confère cette ordonnance.

 Antécédents du litige et conclusions des parties

2        Le 24 février 2022, la Fédération de Russie a agressé militairement l’Ukraine.

3        Le même jour, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a publié une déclaration au nom de l’Union condamnant avec la plus grande fermeté l’invasion non provoquée de l’Ukraine par les forces armées de la Fédération de Russie.

4        Lors de sa réunion extraordinaire du même jour, le Conseil européen a condamné l’agression militaire non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, tout en marquant son accord de principe pour l’adoption de mesures restrictives et de sanctions économiques envers la Fédération de Russie au regard des propositions de la Commission européenne et du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

5        Le 25 février 2022, dans le sillage de ces déclarations, le Conseil a, eu égard à la gravité de la situation, adopté la décision (PESC) 2022/329, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 50, p. 1), par laquelle il a modifié les critères de désignation de façon à inclure les personnes et entités qui apportent un soutien au gouvernement de la Fédération de Russie ou qui tirent avantage de ce gouvernement ainsi que les personnes et entités qui lui fournissent une source substantielle de revenus et les personnes physiques ou morales associées aux personnes et entités figurant sur la liste.

6        À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215 TFUE, le règlement (UE) 2022/330, modifiant le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 51, p. 1), afin de mettre en œuvre les modifications apportées par la décision 2022/329.

7        Le 9 mars 2022, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2022/397, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 80, p. 31), par laquelle le nom du requérant a été ajouté sur la liste des personnes, entités et organismes faisant l’objet de mesures restrictives qui figure à l’annexe de la décision 2014/145/PESC du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16), telle que modifiée.

8        Les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste des personnes, entités et organismes visés étaient les suivants :

« Nikita Mazepin est le fils de Dmitry Arkadievich Mazepin, directeur général de JSC UCC Uralchem. Étant donné qu’Uralchem sponsorise l’écurie de Formule 1 [Haas], Dmitry Mazepin est le principal sponsor des activités de son fils au sein de celle‑ci.

Il est une personne physique liée à un homme d’affaires influent (son père) ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

9        À la même date, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2022/396, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 80, p. 1), par lequel le nom du requérant a été ajouté, avec la même motivation, à la liste qui figure à l’annexe I du règlement (UE) no 269/2014 du Conseil, du 17 mars 2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l'Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6), tel que modifié.

10      Le 14 septembre 2022, compte tenu de la poursuite des actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2022/1530, modifiant la décision 2014/145/PESC (JO 2022, L 239, p. 149), par laquelle il a décidé de maintenir le nom du requérant sur la liste des personnes, entités et organismes faisant l’objet de mesures restrictives qui figure à l’annexe de la décision 2014/145/PESC.

11      Les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste des personnes, entités et organismes visés étaient les suivants :

« Nikita Mazepin est le fils de Dmitry Arkadievich Mazepin, ancien directeur général de JSC UCC Uralchem. Jusqu’en mars 2022, il a été pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas, parrainée par [Uralchem].

Il est une personne physique liée à un homme d’affaires influent (son père) ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

12      À la même date, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2022/1529, mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 239, p. 1), par lequel le nom du requérant a été maintenu, avec la même motivation, sur la liste qui figure à l’annexe I du règlement no 269/2014.

13      Par lettre du 15 septembre 2022, le Conseil, après avoir examiné les observations présentées par le requérant, a informé ce dernier que, selon lui, ces observations ne mettaient pas en cause l’appréciation selon laquelle des mesures restrictives devaient être maintenues à son encontre et que, par conséquent, il avait décidé de maintenir son nom sur la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives au titre de la décision 2022/1530 et du règlement d’exécution 2022/1529 (ci-après, pris ensemble avec la lettre du 15 septembre 2022, « les actes de septembre 2022 »).

14      Le 13 mars 2023, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2023/572 modifiant la décision 2014/145/PESC (JO 2023, L 75I, p. 134), par laquelle il a décidé de maintenir le nom du requérant sur la liste des personnes, entités et organismes faisant l’objet de mesures restrictives qui figure à l’annexe de la décision 2014/145.

15      Les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste des personnes, entités et organismes visés étaient les suivants :

« Nikita Mazepin est le fils de Dmitry Arkadievich Mazepin, ancien directeur général de JSC UCC Uralchem. Jusqu’en mars 2022, il a été pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas, parrainée par Uralchem. Sa fondation “We Compete As One” est financée par des fonds provenant de la société Uralkali, et il tire donc indûment avantage de son père.

Il est une personne physique liée à un homme d’affaires influent (son père) ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

16      À la même date, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2023/571 mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 75I, p. 1), par lequel le nom du requérant a été maintenu, avec la même motivation et les mêmes informations d’identification, sur la liste qui figure à l’annexe I du règlement no 269/2014.

17      Par lettre du 14 mars 2023, le Conseil, après avoir examiné les observations présentées par le requérant, a informé ce dernier que, selon lui, ces observations ne mettaient pas en cause l’appréciation selon laquelle des mesures restrictives devaient être maintenues à son encontre et que, par conséquent, il avait décidé de maintenir son nom sur la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives au titre de la décision 2014/145/PESC, telle que modifiée par la décision 2023/572, et du règlement no 269/2014, tel que mis en œuvre par le règlement d’exécution 2023/571 (ci-après, pris ensemble avec la lettre du 14 mars 2023 et la décision 2023/572, « les actes de mars 2023 »).

18      Ayant en vue la réinscription annoncée par le Conseil de son nom sur la liste des personnes, entités et organismes faisant l’objet de mesures restrictives, le requérant a introduit, le 7 septembre 2023, une demande en référé, dans laquelle il conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner le sursis à l’exécution de la réinscription annoncée de son nom sur la liste des personnes, entités et organismes en cause, dans les mêmes conditions que celles prévues dans l’ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406, points 1 et 2 du dispositif), jusqu’au prononcé de l’arrêt au fond ;

–        ordonner au Conseil de faire publier, dans le même Journal officiel de l’Union européenne que celui où seront publiés les actes portant réinscription de son nom, une note indiquant clairement que lesdits actes font l’objet d’une suspension dans les mêmes conditions que celles prévues dans l’ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406, points 1 et 2 du dispositif), jusqu’au prononcé de l’arrêt au fond ;

En tout état de cause,

–        ordonner au Conseil de prendre les mesures nécessaires afin que l’ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406) soit pleinement et effectivement respectée par les États membres et, en particulier, pour que le visa délivré au requérant le 7 août 2023 et tout autre visa qui se révèlerait nécessaire couvrent au moins le territoire des États membres, qui sont parties contractantes à l’accord de Schengen, et restent valables pendant le temps indispensable pour permettre au requérant d’exercer effectivement les droits que lui confère cette ordonnance ;

–        ordonner au Conseil d’informer d’urgence le président du Tribunal des mesures adoptées afin d’assurer que les mesures provisoires mentionnées ci-dessus soient effectivement respectées ;

–        accorder toute autre mesure provisoire appropriée que le président du Tribunal jugerait nécessaire au vu des circonstances, afin d’éviter que le préjudice grave qu’il a déjà subi ne se trouve encore aggravé, ainsi que pour garantir qu’il soit mis en mesure de faire utilement valoir les droits conférés en vertu de l’ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406) ;

–        suspendre provisoirement l’exécution de la réinscription annoncée de son nom sur la liste des personnes, entités et organismes en cause, dans les mêmes conditions que celles prévues dans l’ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406, points 1 et 2 du dispositif), conformément à l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal et avec effet immédiat ;

–        faire droit, en vertu de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure et avec effet immédiat, aux mesures provisoires demandées jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé ;

–        condamner le Conseil aux dépens exposés dans le cadre de la présente procédure.

19      Le 13 septembre 2023, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2023/1767 modifiant la décision 2014/145/PESC (JO 2023, L 226, p. 104), par laquelle il a décidé de maintenir le nom du requérant sur la liste des personnes, entités et organismes faisant l’objet de mesures restrictives qui figure à l’annexe de la décision 2014/145.

20      Les motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste des personnes, entités et organismes visés sont désormais les suivants :

« Nikita Mazepin est le fils de Dmitry Mazepin, propriétaire et ancien directeur général de JSC UCC Uralchem. Jusqu’en mars 2022, il a été pilote de course de l’écurie de Formule 1 Haas, parrainée par Dmitry Mazepin par l’intermédiaire d’Uralkali, une filiale d’Uralchem. Sa fondation “We compete as one” (Nous concourrons en ne faisant qu’un) est destinée à être financée par des fonds provenant d’Uralkali. Il est également associé à son père par des intérêts commerciaux communs dans la société Hitech GP, qui était détenue en partie par Dmitry Mazepin à travers Uralkali et dont l’objectif est de favoriser la carrière de Nikita Mazepin en tant que pilote de sport automobile, et qui est désormais détenue par un associé commun des deux hommes.

Il est donc membre de la famille proche de son père, Dmitry Mazepin, auquel il est associé et dont il tire avantage, et qui est un homme d’affaires influent intervenant dans des secteurs économiques constituant une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

21      À la même date, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) 2023/1765 mettant en œuvre le règlement no 269/2014 (JO 2023, L 226, p. 3), par lequel le nom du requérant a été maintenu, avec la même motivation, sur la liste qui figure à l’annexe I du règlement no 269/2014.

22      Le 15 septembre 2023, le Conseil a adressé une lettre au requérant pour l’informer de sa décision de maintenir son nom sur les listes des personnes faisant l’objet de mesures restrictives et pour lui faire part de ses observations (ci-après, pris ensemble avec la décision 2023/1767 et le règlement d’exécution 2023/1765, « les actes de septembre 2023 »).

23      Par un mémoire en adaptation, déposé le 20 septembre 2023 dans l’affaire T‑743/22, le requérant a demandé au Tribunal d’annuler les actes de septembre 2023.

24      Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 26 septembre 2023, le Conseil conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondée ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Considérations générales

25      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

26      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

27      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

28      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

29      Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

  Sur la recevabilité

30      Dans ses observations du 26 septembre 2023, le Conseil a conclu à l’irrecevabilité de la demande en référé au motif que celle‑ci ne serait liée à aucune affaire pendante devant le Tribunal et ne porterait pas sur le recours en annulation formé par le requérant dans l’affaire T‑743/22, ce recours étant dirigé contre les actes de septembre 2022 et les actes de mars 2023.

31      En effet, le recours en annulation en cours, introduit par le requérant et fondé sur l’article 263 TFUE, avait initialement pour objet les actes de septembre 2022 adoptés par le Conseil. Le requérant a demandé, par un mémoire en adaptation déposé le 4 avril 2023, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, l’adaptation de sa requête afin qu’elle vise également les actes de mars 2023. Toutefois, au moment de l’introduction de la présente demande en référé, le requérant n’avait pas demandé l’adaptation de sa requête pour les actes de septembre 2023, dès lors que ces actes n’avaient pas encore été adoptés à cette date.

32      Par conséquent, la demande en référé ne serait possible ni sur le fondement de l’article 278 TFUE ni sur le fondement de l’article 279 TFUE et devrait être rejetée comme irrecevable.

33      En outre, le Conseil fait valoir que le chef de conclusions visant à ordonner au Conseil de procéder à la publication d’une note au Journal officiel de l’Union européenne serait également irrecevable, étant donné qu’une telle demande violerait notamment le principe de nécessité énoncé à l’article 279 TFUE.

34      Enfin, le Conseil allègue que le chef de conclusions visant à enjoindre au Conseil de prendre des mesures spécifiques, notamment en ce qui concerne la délivrance d’un visa, serait également irrecevable, au motif que ces mesures violeraient le principe de répartition des compétences, induit par l’article 266 TFUE, mettraient à la charge du Conseil une obligation pour laquelle ce dernier n’est pas compétent, en violation de l’article 13, paragraphe 2, TUE, et imposeraient en réalité aux États membres de prendre des mesures concrètes consistant en l’octroi d’un type spécifique de visa.

35      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de rappeler, tel que mentionné au point 25 ci‑dessus, que l’article 278 TFUE dispose que la Cour peut, si elle estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué.

36      De même, l’article 279 TFUE, également mentionné au point 25 ci‑dessus, prévoit que, dans les affaires dont elle est saisie, la Cour de justice de l’Union européenne peut prescrire les mesures provisoires nécessaires.

37      S’agissant d’une demande visant à ce que soit ordonné le sursis à l’exécution d’un acte attaqué visé à l’article 278 TFUE, il découle de l’article 156, paragraphe 1, du règlement de procédure qu’une telle demande n’est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal.

38      S’agissant d’une demande visant à ce que soit prononcée l’une des mesures provisoires visées à l’article 279 TFUE, il découle de l’article 156, paragraphe 2, du règlement de procédure qu’une telle demande n’est recevable que si elle émane d’une partie principale à une affaire dont le Tribunal est saisi et si elle se réfère à ladite affaire.

39      Ainsi, la procédure de référé a un caractère accessoire par rapport à la procédure au principal sur laquelle elle se greffe, de sorte que le juge des référés ne saurait adopter des mesures provisoires qui se situeraient hors du cadre de la décision finale susceptible d’être prise par le Tribunal sur le recours au principal, la finalité de la procédure de référé consistant à garantir la pleine efficacité de l’arrêt au principal (voir ordonnance du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée, EU:T:2009:526, point 38 et jurisprudence citée).

40      Il s’ensuit que la recevabilité d’une demande tendant à ce que soit ordonné le sursis à l’exécution d’un acte attaqué en vertu de l’article 278 TFUE et à ce que soit adoptée l’une des mesures provisoires visées à l’article 279 TFUE est subordonnée à l’existence d’un lien suffisamment étroit entre le sursis à l’exécution et la mesure provisoire sollicités, d’une part, et les conclusions ainsi que l’objet du recours au principal, d’autre part (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée, EU:T:2009:526, point 39 et jurisprudence citée).

41      Dans ce cadre, s’agissant des mesures provisoires adoptées au titre de l’article 279 TFUE, celles‑ci ne doivent pas excéder le cadre du litige tel que déterminé par le recours principal, dans la mesure où elles ne peuvent avoir d’autre objet que de sauvegarder les intérêts d’une des parties au litige devant le Tribunal afin de ne pas rendre illusoire la décision mettant fin à la procédure principale en la privant d’effet utile [ordonnance du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 75].

42      En l’espèce, force est de constater que le requérant n’a pas adapté sa requête avant l’introduction de la demande en référé, afin que, outre l’annulation des mesures initiales, ladite requête tende également à l’annulation des actes de septembre 2023.

43      En effet, les actes de septembre 2023 n’ayant pas encore été adoptés au moment de l’introduction de la demande en référé, le requérant ne pouvait pas, dans le cadre de cette demande, se prévaloir, de façon préventive, de la protection contre les effets des actes non encore adoptés par une institution de l’Union en demandant le sursis à l’exécution de la réinscription annoncée de son nom sur la liste des personnes, des entités et des organismes visés par des mesures restrictives.

44      Pour les mêmes raisons, le requérant ne pouvait pas non plus demander, de façon préventive, que le Conseil fasse publier une note dans le même Journal officiel de l’Union européenne que celui où seraient publiés les actes portant réinscription de son nom sur la liste des personnes, des entités et des organismes visés par des mesures restrictives, indiquant clairement que lesdits actes font l’objet d’une suspension dans les mêmes conditions que celles prévues dans l’ordonnance du 19 juillet 2023, Mazepin/Conseil (T‑743/22 R II, non publiée, EU:T:2023:406, points 1 et 2 du dispositif).

45      En effet, la demande de publication au Journal officiel de l’Union européenne étant directement liée au processus de réinscription du nom du requérant sur la liste des personnes, des entités et des organismes visés par des mesures restrictives, force est de constater qu’il n’existe pas non plus un lien suffisamment étroit entre la mesure provisoire sollicitée, d’une part, et l’objet du recours au principal, d’autre part, au sens de la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus.

46      En second lieu, il convient de rappeler que, selon l’article 13, paragraphe 2, TUE, chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci.

47      Cette disposition, qui s’impose à toutes les institutions de l’Union, s’oppose à ce que le juge des référés ordonne au Conseil d’adopter un ou plusieurs actes qui ne relèvent pas de la compétence de cette institution [ordonnance du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 36].

48      Or, comme le vice‑président de la Cour l’a constaté au point 39 de son ordonnance du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin [C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727], le droit primaire de l’Union ne confère pas au Conseil le pouvoir de prendre des mesures individuelles pour assurer qu’un visa soit délivré par un État membre ou pour garantir qu’un tel visa aurait une portée géographique et temporelle déterminée.

49      En outre, un tel pouvoir n’est pas non plus conféré au Conseil par des actes de l’Union harmonisant les politiques menées par les États membres en matière de visas. En particulier, un tel pouvoir n’est pas prévu par le règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (code des visas) (JO 2009, L 243, p. 1) [ordonnance du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 40].

50      Enfin, si l’article 1er, paragraphe 7, de la décision 2014/145, telle que modifiée par la décision (PESC) 2023/1218 du Conseil, du 23 juin 2023 (JO 2023, L 159I, p. 526), prévoit que le Conseil décide, dans certains cas, de la possibilité pour un État membre de délivrer un visa, force est de constater que cette disposition ne permet pas au Conseil d’intervenir de sa propre initiative à l’égard d’un État membre ou de donner des instructions à un État membre concernant la délivrance ou la portée d’un visa [ordonnance du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, points 41 et 42].

51      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter comme irrecevables les premiers, deuxième et troisième chefs de conclusions du requérant et, par voie de conséquence, ses quatrième et cinquième chefs de conclusions. Par suite, la demande en référé doit être rejetée dans son intégralité.

52      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 27 octobre 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : l’anglais.