Language of document : ECLI:EU:T:2021:678

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

27 septembre 2021 (*)

« Recours en annulation – Santé publique – Règlement (UE) 2020/1043 – Conduite d’essais cliniques avec des médicaments à usage humain contenant des OGM – Traitement ou prévention de la maladie à coronavirus SARS-CoV-2 (COVID-19) – Notion d’acte législatif – Notion d’acte réglementaire – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑633/20,

Coordination nationale médicale santé – environnement (CNMSE), établie à Paris (France), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par Me G. Tumerelle, avocat,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. J. Etienne et W. Kuzmienko, en qualité d’agents,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme A. Jaume et M. M. Moore, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement (UE) 2020/1043 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2020, relatif à la conduite d’essais cliniques avec des médicaments à usage humain contenant des organismes génétiquement modifiés ou consistant en de tels organismes et destinés à traiter ou prévenir la maladie à coronavirus (COVID-19), ainsi qu’à la fourniture de ces médicaments (JO 2020, L 231, p. 12),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg (rapporteur) et R. Mastroianni, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1        Le 11 mars 2020, en raison des niveaux alarmants de propagation et de sévérité de la maladie à coronavirus SARS-CoV-2 (COVID-19), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que la flambée de COVID-19 constituait une pandémie en raison de la hausse rapide du nombre de cas en dehors de la Chine au cours des deux semaines précédant cette déclaration, et du nombre croissant de pays touchés.

2        Afin de permettre que les essais cliniques avec des médicaments expérimentaux contenant des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou consistant en de tels organismes et destinés à traiter ou à prévenir la maladie à coronavirus SARS-CoV-2 (COVID-19) puissent être menés au sein de l’Union, qu’ils puissent commencer le plus rapidement possible et qu’ils ne soient pas retardés en raison de la complexité des différentes procédures nationales mises en place par les États membres en application de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil (JO 2001, L 106, p. 1) et de la directive 2009/41/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, relative à l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (JO 2009, L 125, p. 75) (ci-après, les « directives concernées »), le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (UE) 2020/1043 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2020, relatif à la conduite d’essais cliniques avec des médicaments à usage humain contenant des organismes génétiquement modifiés ou consistant en de tels organismes et destinés à traiter ou prévenir la maladie à coronavirus (COVID-19), ainsi qu’à la fourniture de ces médicaments (JO 2020, L 231, p. 12, ci-après, le « règlement attaqué »).

 Procédure et conclusions des parties

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2020, les requérantes, la Coordination nationale médicale santé – environnement (CNMSE) et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe, ont introduit le présent recours.

4        Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal les 27 et 29 janvier 2021, le Conseil et le Parlement ont respectivement soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

5        De ce fait, le traitement des demandes d’intervention introduites par la Commission, le 1er février 2021, au soutien des conclusions du Parlement et du Conseil, et par l’association sans but lucratif « Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Ecologique », le 19 février 2021, au soutien des conclusions des requérantes, a été suspendu, conformément à l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure.

6        Les requérantes n’ont pas présenté d’observations sur l’exception d’irrecevabilité dans le délai imparti.

7        Les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler le règlement attaqué.

8        Le Parlement et le Conseil concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

9        En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, le Parlement et le Conseil ayant déposé une demande au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement susvisé, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.

10      Le Parlement et le Conseil font valoir que le recours devant le Tribunal est manifestement irrecevable, en ce que le règlement attaqué est un acte législatif d’application générale et que les requérantes ne disposent ni d’un intérêt à agir, ni de la qualité pour agir, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

11      Tout d’abord, les requérantes soutiennent avoir qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En premier lieu, elles font valoir que le règlement attaqué peut être considéré comme un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution, qui serait directement applicable et permettrait une diffusion immédiate dans l’environnement d’OGM et de micro-organismes génétiquement modifiés (MGM) sans évaluation du risque et sans contrôle. En second lieu, les requérantes soulèvent que le règlement attaqué porte directement atteinte à leurs objectifs associatifs et à l’intérêt de leurs membres médecins, patients et citoyens, d’assurer la protection de la santé humaine, de la sécurité médicale et de l’environnement, de sorte qu’elles sont directement concernées par ledit règlement.

12      En tout état de cause, les requérantes ajoutent être individuellement concernées par le règlement attaqué, en ce que la suspension de l’application de certains articles des directives concernées et la suppression, d’une part, de toute analyse des risques environnementaux et sur la santé humaine que peuvent causer les OGM et MGM et, d’autre part, de toute consultation ou information du public affectent l’ensemble des citoyens européens, tant dans leurs droits que dans leur corps. De telles suppressions constitueraient une atteinte directe et individuelle aux droits des requérantes et de leurs membres.

13      Ensuite, les requérantes soutiennent avoir un intérêt à agir contre le règlement attaqué, celui-ci portant atteinte à leur objet social, ainsi qu’à leur droit à bénéficier d’un environnement sain, à toutes les mesures de protection, au principe de précaution et au droit à l’information.

14      Enfin, les requérantes insistent sur la nécessité pour le Tribunal de pouvoir contrôler le règlement attaqué et d’admettre de larges conditions de recevabilité au vu, notamment, du droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, tel que consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et de l’objectif de garantir aux justiciables une protection juridictionnelle effective des droits qu’ils tirent du droit de l’Union. Elles ajoutent en substance que, le règlement attaqué ne pouvant faire l’objet d’aucun recours national, refuser aux requérantes la qualité pour agir rendrait un tel acte inattaquable et les priverait de l’accès à un juge, ce qui serait contraire à l’esprit de l’article 263 TFUE.

15      Elles ajoutent que les circonstances très particulières et exceptionnelles ayant entouré l’adoption du règlement attaqué, sans débat, sans questions, sans amendements possibles, sans consultations larges, de même que les violations alléguées des traités, des principes généraux du droit et du droit dérivé, ainsi que les dangers liés à la suspension de l’application des directives concernées pour la protection de la santé des citoyens européens, imposeraient donc un contrôle juridictionnel strict et des conditions de recevabilité larges pour les personnes concernés par ces mesures anormales.

16      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

17      En l’espèce, le règlement attaqué n’identifie pas les requérantes comme en étant les destinataires. Dans ces conditions, le premier cas de figure pour qu’une personne physique ou morale ait qualité pour agir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doit être écarté.

18      Il convient donc d’examiner si le deuxième ou le troisième cas de figure dans lesquels, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, peuvent correspondre au cas d’espèce. Selon le deuxième cas de figure, un recours peut être formé à condition que cet acte concerne directement et individuellement la personne physique ou morale qui forme un recours. Selon le troisième cas de figure, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (voir arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 32 et jurisprudence citée).

19      En premier lieu, s’agissant du troisième cas de figure visé ci-dessus, il y a lieu d’examiner si le règlement attaqué constitue un acte législatif ou un acte réglementaire.

20      À cet égard, d’une part, selon la jurisprudence, la notion d’« acte réglementaire », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 60 et 61).

21      D’autre part, selon une jurisprudence constante, la distinction entre un acte législatif et un acte réglementaire repose, selon le traité FUE, sur le critère de la procédure, législative ou non, ayant mené à son adoption (voir, en ce sens, ordonnances du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, EU:T:2011:419, point 65, et du 20 mai 2020, Nord Stream/Parlement et Conseil, T‑530/19, EU:T:2020:213, point 25 et jurisprudence citée). Ainsi, aux termes de l’article 289, paragraphe 3, TFUE, les actes juridiques adoptés par procédure législative constituent des actes législatifs.

22      Partant, les actes non législatifs sont ceux qui sont adoptés par une procédure autre qu’une procédure législative. Il en découle qu’un acte juridique ne peut être qualifié d’acte législatif de l’Union que s’il a été adopté sur le fondement d’une disposition des traités qui se réfère expressément soit à la procédure législative ordinaire, soit à la procédure législative spéciale (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, points 58 et 62).

23      Il ressort d’une lecture combinée des dispositions de l’article 289, paragraphe 1, et de l’article 294, paragraphe 1, TFUE que la procédure législative ordinaire, caractérisée par l’adoption conjointe d’un acte du droit de l’Union par le Parlement et le Conseil sur proposition de la Commission, s’applique uniquement si la disposition des traités constituant la base juridique de l’acte en cause « fait référence » à une telle procédure législative (arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 60).

24      En l’espèce, le règlement attaqué a été adopté par le Parlement et par le Conseil sur le fondement des articles 114 et 168, paragraphe 4, sous c), TFUE, comme il ressort des considérations énoncées dans le préambule dudit règlement.

25      Ces deux dispositions du traité FUE, constituant le fondement juridique du règlement attaqué, se réfèrent expressément à la procédure législative ordinaire.

26      Le Tribunal constate que, le 17 juin 2020, la Commission a publié une proposition de règlement du Parlement et du Conseil relatif à la conduite d’essais cliniques réalisés avec des médicaments à usage humain contenant des organismes génétiquement modifiés ou consistant en de tels organismes et destinés à traiter ou prévenir la maladie à coronavirus SARS-CoV-2 (COVID-19), ainsi qu’à la fourniture de ces médicaments.

27      Le 10 juillet 2020, le Parlement a adopté sa position en première lecture et le Conseil a adopté sa position en première lecture le 15 juillet 2020, après consultation du Comité économique et social européen et du Comité des régions.

28      Dès lors, le règlement attaqué a été adopté en suivant la procédure législative ordinaire définie à l’article 294 TFUE, paragraphes 2 à 4, de sorte que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il constitue un acte législatif et non un acte réglementaire.

29      Partant, la recevabilité du présent recours ne saurait être établie à ce titre, sans qu’il soit besoin d’examiner si les autres conditions du troisième cas de figure, tenant à l’absence de mesures d’exécution et à l’affectation directe des requérantes, sont réunies.

30      En second lieu, il convient d’examiner la recevabilité du présent recours au regard du deuxième cas de figure, selon lequel des personnes physiques et morales, telles que les requérantes, peuvent former, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, un recours en annulation contre un acte dont elles ne sont pas les destinataires à condition que cet acte les concerne directement et individuellement.

31      En l’espèce, le Tribunal examinera si la condition tenant à l’affectation individuelle des requérantes ou de leurs membres est remplie. En effet, les conditions de l’affectation directe et de l’affectation individuelle étant cumulatives (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 76), il deviendra superflu, si les requérantes ou leurs membres ne sont pas concernées individuellement par le règlement attaqué, de rechercher si ce dernier les concerne directement (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223).

32      Tout d’abord, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient le Parlement, le fait que le règlement attaqué soit un acte de portée générale n’empêche pas que certaines personnes physiques ou morales, telles que les requérantes, puissent être individuellement concernées par celui-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 10 septembre 2020, Cambodge et CRF/Commission, T‑246/19, EU:T:2020:415, points 71 et 100).

33      Ensuite, la recevabilité des recours formés par des associations est admise dans certains cas de figure. Il s’agit, premièrement, du cas dans lequel une disposition légale reconnaît à ces associations des droits procéduraux (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Carvalho e.a./Parlement et Conseil, C‑565/19 P, non publié, EU:C:2021:252, point 90 et jurisprudence citée). Deuxièmement, tel est le cas lorsqu’une association professionnelle représente les intérêts de personnes physiques ou morales qui seraient, quant à elles, recevables à agir. Troisièmement, un recours peut être déclaré recevable si l’association est individualisée en raison de l’affectation de ses intérêts propres en tant qu’association, et notamment parce que sa position de négociateur est affectée par l’acte dont l’annulation est demandée (voir arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C‑384/16 P, EU:C:2018:176, point 87 et jurisprudence citée ; arrêt du 28 octobre 2020, Associazione GranoSalus/Commission, C‑313/19 P, non publié, EU:C:2020:869, point 46).

34      Les requérantes invoquent, en substance, la défense de leurs intérêts sociaux et la violation de leurs droits fondamentaux, ainsi que ceux de leurs membres, en ce que le règlement attaqué supprime, notamment, toute obligation d’information et de consultation du public. Elles en déduisent que, bien que cette suppression affecte l’ensemble des citoyens européens dans leurs droits, elle constitue également une atteinte individuelle aux droits des requérantes et de leurs membres.

35      En l’espèce, les requérantes effectuent une interprétation erronée du critère de l’affectation individuelle énoncé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

36      En effet, en l’état actuel du droit de l’Union, les personnes physiques ou morales ne satisfont à la condition relative à l’affectation individuelle que si l’acte attaqué les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 71 et 72 et jurisprudence citée).

37      En l’espèce, l’article 3 du règlement attaqué suspend l’application des articles 6 à 11 et 13 à 24 de la directive 2001/18/CE, ainsi que les articles 4 à 13 de la directive 2009/41/CE, lesquels prévoient notamment des droits et garanties procéduraux.

38      Or, les requérantes soutiennent qu’elles auraient pu, ainsi que leurs membres, le cas échéant, se prévaloir desdits droits et garanties sur le fondement de ces directives.

39      Ainsi, d’une part, la directive 2001/18/CE prévoit, s’agissant de la dissémination volontaire d’OGM à toute autre fin que leur mise sur le marché, des obligations pour la Commission ou l’autorité compétente d’un État membre de rendre accessible au public des propositions pour l’application de procédures différenciées à certains types d’OGM, afin qu’il puisse formuler des observations dans un délai de soixante jours (article 7), ainsi que des éléments d’information susceptibles d’avoir des conséquences significatives du point de vue des risques pour la santé humaine et l’environnement (article 8). Ladite directive prévoit également l’obligation pour les États membres de consulter le public en général et, le cas échéant, certains groupes, sur la dissémination volontaire envisagée et de fixer les modalités de cette consultation, y compris un délai raisonnable afin de leur donner la possibilité d’exprimer leur avis (article 9). Le même article précise également que les États membres doivent rendre accessible au public les informations sur toutes disséminations volontaires d’OGM qui sont effectuées sur leur territoire, ainsi que les informations contenues dans le système d’échange d’informations existant entre les autorités nationales compétentes et la Commission.

40      S’agissant de la mise sur le marché d’OGM en tant que produits et éléments de produits, la directive 2001/18/CE prévoit l’obligation pour la Commission de rendre accessible au public certaines propositions, avant l’adoption d’actes délégués, afin qu’il présente ses observations dans les soixante jours (article 16), ainsi que certaines synthèses et rapports d’évaluation, le public disposant alors d’un délai de trente jours pour présenter ses observations à la Commission (article 24).

41      D’autre part, la directive 2009/41/CE indique que les États membres ont la possibilité de prévoir que le public doit être consulté sur des aspects de l’utilisation confinée de MGM (article 12).

42      Toutefois, toute personne physique ou morale est susceptible d’être affectée d’une manière ou d’une autre par la dissémination volontaire dans l’environnement ou la mise sur le marché de médicaments ou de vaccins contenant des OGM ou consistant en de tels organismes. De même, les articles des directives concernés, dont l’application a été suspendue par le règlement attaqué, reconnaissent des droits et des garanties procédurales au public en général ainsi qu’à « certains groupes », visés à l’article 9 de la directive 2001/18/CE, sans que cette dernière notion ne soit définie par ladite directive comme visant celles des associations qui, comme les requérantes, ont pour objet social la défense de la santé humaine, de la sécurité médicale et de l’environnement.

43      Les requérantes n’ont donc pas établi à suffisance de droit qu’une disposition légale leur reconnaissait spécifiquement un droit à l’information, un droit d’être consultées ou des droits procéduraux, et n’ont pas démontré avoir joué un rôle dans l’élaboration du règlement attaqué leur permettant de faire valoir un intérêt propre.

44      En outre, les requérantes n’ont pas établi à suffisance de droit que le règlement attaqué portait atteinte à leurs droits fondamentaux, ou à ceux de leurs membres, au point de les individualiser d’une manière analogue à celle d’un destinataire, par rapport à toute autre personne physique ou morale concernée par ledit règlement et par la suspension des articles des directives concernées. Les requérantes n’ont pas davantage établi à suffisance de droit qu’elles représentaient les intérêts de personnes physiques ou morales qui auraient, quant à elles, qualité pour agir.

45      Un raisonnement contraire amènerait à considérer qu’il existe un droit d’agir pour toute personne physique ou morale, puisqu’un droit fondamental est toujours susceptible d’être concerné d’une manière ou d’une autre par des actes de portée générale tel que le règlement attaqué. Bien qu’il soit exact que, lors de l’adoption d’un tel acte, les institutions de l’Union sont tenues de respecter les règles supérieures de droit, y compris les droits fondamentaux, l’allégation selon laquelle le règlement attaqué viole les droits fondamentaux ne suffit pas à elle seule à faire déclarer recevable le recours d’un particulier, sous peine de vider les exigences de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de leur substance (arrêt du 25 mars 2021, Carvalho e.a./Parlement et Conseil, C‑565/19 P, non publié, EU:C:2021:252, point 48).

46      Enfin, quant à l’argument des requérantes selon lequel l’interprétation de la notion d’« affectation individuelle », figurant à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, serait incompatible avec le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective en ce qu’elle aurait pour conséquence que le règlement attaqué serait exempté de contrôle juridictionnel, il y a lieu de constater que la protection conférée par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux n’exige pas qu’un justiciable puisse, de manière inconditionnelle, intenter un recours en annulation, directement devant la juridiction de l’Union, contre un tel acte législatif de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 105).

47      Par conséquent, en l’espèce, les requérantes n’ont pas établi à suffisance de droit qu’elles étaient individuellement concernées par le règlement attaqué, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

48      À la lumière de ce qui précède, il convient d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil et par le Parlement et, partant, de rejeter le recours comme étant irrecevable, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’intérêt à agir des requérantes.

49      En application de l’article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure, il n’y a plus lieu de statuer, le recours étant irrecevable, sur les demandes d’intervention introduites par la Commission et par l’association sans but lucratif « Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Ecologique ».

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

51      En l’espèce, les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement et le Conseil, conformément aux conclusions de ces derniers.

52      Par ailleurs, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, la Commission et l’association sans but lucratif « Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Ecologique » supporteront chacune les dépens afférents à leur demande d’intervention respective.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes d’intervention présentées par la Commission européenne et l’association sans but lucratif « Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Ecologique ».

3)      La Coordination nationale médicale santé – environnement (CNMSE) et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.

4)      La Commission et l’association sans but lucratif « Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Ecologique » supporteront les dépens afférents à leur demande d’intervention respective.

Fait à Luxembourg, le 27 septembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

D. Spielmann


*      Langue de procédure : le français.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.