Language of document : ECLI:EU:F:2006:47

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

15 juin 2006 (*)

« Concours général – Avis de concours – Guide à l’intention des candidats – Non-admission aux épreuves ­– Diplômes requis – Pouvoir de l’AIPN »

Dans l’affaire F­‑25/05,

ayant pour objet un recours au titre de l’article 236 CE,

Dypna Mc Sweeney, demeurant à Bruxelles (Belgique),

Pauline Armstrong, demeurant à Overijse (Belgique),

représentées par Mes S. Orlandi, X. Martin, A. Coolen, J.-N. Louis et E. Marchal, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes H. Tserepa-Lacombe et K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. H. Kanninen, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 avril 2006,

rend le présent

Arrêt

1       Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 4 mai 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 9 mai suivant), les requérantes demandent l’annulation des décisions du jury, des 6 et 7 septembre 2004, refusant de les admettre aux épreuves du concours EPSO/C/11/03 (JO 2003, C 267 A, p. 1), organisé en vue de la constitution d’une liste de réserve de secrétaires de langue anglaise (C 5/C 4).

 Cadre juridique

2       Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, tel qu’applicable à l’époque des faits (ci-après le « statut ») :

« Les emplois relevant du présent statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en quatre catégories désignées dans l’ordre hiérarchique décroissant par les lettres A, B, C, D.

[…]

La catégorie C comporte cinq grades regroupés en carrières généralement étalées sur deux grades et correspondant à des fonctions d’exécution nécessitant des connaissances du niveau de l’enseignement moyen ou une expérience professionnelle d’un niveau équivalent.

[…] »

3       Aux termes de l’article 1er de l’annexe III du statut :

« 1.      L’avis de concours est arrêté par l’autorité investie du pouvoir de nomination [(ci-après l’ ‘ AIPN ’)], après consultation de la commission paritaire.

Il doit spécifier :

[…]

d)       les diplômes et autres titres ou le niveau d’expérience requis pour les emplois à pourvoir ;

[…]

En cas de concours général commun à deux ou plusieurs institutions, l’avis de concours est arrêté par l’[AIPN] visée à l’article 2 troisième alinéa du statut, après consultation de la commission paritaire commune.

2.       Pour les concours généraux, un avis de concours doit être publié au Journal officiel des Communautés européennes, un mois au moins avant la date limite prévue pour la réception des candidatures et, le cas échéant, deux mois au moins avant la date des épreuves.

[…] »

4       L’article 5 de cette même annexe dispose :

« Après avoir pris connaissance de ces dossiers, le jury détermine la liste des candidats qui répondent aux conditions fixées par l’avis de concours.

En cas de concours sur épreuves, tous les candidats inscrits sur cette liste sont admis aux épreuves.

En cas de concours sur titres, le jury, après avoir établi les critères sur la base desquels il appréciera les titres des candidats, procède à l’examen des titres de ceux qui sont inscrits sur la liste visée au premier alinéa.

En cas de concours sur titres et épreuves, le jury désigne sur cette liste les candidats admis aux épreuves.

Aux termes de ses travaux, le jury établit la liste d’aptitude prévue à l’article 30 du statut ; dans toute la mesure du possible cette liste doit comporter un nombre de candidats au moins double du nombre des emplois mis au concours.

Le jury adresse à l’[AIPN] la liste d’aptitude, accompagnée d’un rapport motivé du jury, comportant éventuellement les observations de ses membres. »

5       La lettre A, II, point 1, intitulée « Certificates and diplomas », de l’avis de concours EPSO/C/11/03, publié uniquement en anglais, est libellée comme suit :

« You must have successfully completed a course of upper secondary education and/or secretarial studies of at least an equivalent level and obtained the relevant diploma or certificate on completion of the course.

When assessing your education, the selection board will take into account any differences in national education systems. As a general guide, see the examples of the minimum requirements for entrance at this level in the tables annexed to the guide (see EPSO website) [une note en bas de page précise l’adresse électronique de la manière suivante : ‘http://europa.eu.int/epso’] ».

6       La lettre C, point 1, du même avis de concours prévoit le dépôt des candidatures, en principe, par la voie électronique en fixant la date de clôture au 8 décembre 2003, sans cependant fixer la date à partir de laquelle les candidatures peuvent être introduites.

7       Le 5 novembre 2003, un guide d’information, établi à l’intention des candidats aux concours organisés par l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO), a été diffusé sur le site web de ce dernier (ci-après le « guide du 5 novembre 2003 »), soit la veille de la publication de l’avis de concours EPSO/C/11/03. Ce guide prévoit, en particulier, que l’accès à la catégorie C nécessite l’accomplissement d’études de l’enseignement secondaire inférieur ou professionnel, sanctionnées par un diplôme de fin d’études, étant précisé que certains concours de cette catégorie peuvent exiger un niveau d’études plus élevé. Il contient également trois annexes 1 A, 1 B et 1 C fournissant, par État membre, des exemples de diplômes minimaux donnant accès respectivement aux concours A ou LA, B et C. L’annexe 1 C comporte ainsi, sous la rubrique « Irlande », la mention suivante : « 6 passes – Intermediate Certificate or equivalent ».

8       Le 12 novembre 2003, un autre guide d’information a été diffusé sur le site web de l’EPSO (ci-après le « guide du 12 novembre 2003 »). Son contenu est identique à celui du guide du 5 novembre 2003. Toutefois, l’annexe 1 de ce guide, ainsi que cela ressort de son intitulé, comporte des exemples, par État membre, de diplômes minimaux donnant l’accès à « ce concours » (« Examples of diplomas giving access to this competition »). De plus, les conditions d’accès sont rendues plus strictes. Par exemple, s’agissant de l’Irlande, il est prévu ce qui suit : « 2 honours, 4 passes in Leaving Certificate or equivalent qualifications ».

 Faits à l’origine du litige

9       Les requérantes, de nationalité irlandaise, se sont portées candidates au concours EPSO/C/11/03, respectivement le 14 novembre et le 7 décembre 2003.

10     Elles ont participé aux épreuves de présélection le 30 avril 2004 et ont été informées, par lettres du jury en date du 2 juin 2004, de leur réussite auxdites épreuves. Les requérantes ont alors produit les diplômes et attestations requis par l’avis de concours.

11     Par lettres du 19 juillet 2004, le jury les a informées que leurs certificats et diplômes ne correspondaient pas au niveau requis par ledit avis.

12     Par lettres des 19 et 23 juillet 2004, les requérantes ont fait valoir auprès de l’EPSO qu’elles avaient bien accompli « a course of upper secondary education », ainsi que l’exigeait l’avis de concours, et que leur diplôme était conforme au niveau d’études requis à l’annexe 1 C du guide du 5 novembre 2003.

13     Par lettres du 13 août 2004, l’EPSO a répondu aux requérantes que, s’il ressortait dudit guide que, pour participer à un concours de la catégorie C, il fallait avoir accompli un « lower secondary education », un niveau de diplômes plus élevé pouvait toutefois être demandé pour certains concours de cette catégorie. De fait, l’avis de concours litigieux exige l’accomplissement d’un « upper secondary education » et le guide du 12 novembre 2003 prévoit, à son annexe 1, l’exigence d’au moins « 2 honours, 4 passes in Leaving Certificate » pour les candidats diplômés en Irlande.

14     Par lettres des 25 et 31 août 2004, les requérantes ont mis en cause auprès de l’EPSO cette dernière exigence en soutenant que l’annexe 1 B du guide du 5 novembre 2003 prévoyait un tel niveau de diplômes pour le recrutement aux emplois de la catégorie B. Elles ont également contesté l’application rétroactive faite par le jury des critères fixés pour la catégorie B à la catégorie C.

15     Par décisions des 6 et 7 septembre 2004, le jury du concours a finalement estimé ne pas pouvoir admettre les requérantes aux épreuves du concours EPSO/C/11/03.

16     Mme Armstrong a, le 1er octobre 2004, introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du jury du 7 septembre 2004. L’AIPN a rejeté cette réclamation par décision du 10 février 2005.

17     Mme Mc Sweeney a, le 18 octobre 2004, introduit une réclamation, enregistrée le même jour, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du jury du 6 septembre 2004. En date du 19 novembre suivant, elle a introduit une seconde réclamation ayant le même objet. Par décision du 24 janvier 2005 l’AIPN a rejeté ces deux réclamations.

 Procédure et conclusions des parties

18     Le présent recours a été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑184/05.

19     Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant ce dernier. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro F‑25/05.

20     Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler les décisions des 6 et 7 septembre 2004 refusant de les admettre aux épreuves du concours EPSO/C/11/03 ;

–       condamner la Commission des Communautés européennes aux dépens.

21     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme non fondé ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

22     Par lettre du greffe du 6 février 2006, le Tribunal a invité la partie défenderesse à produire tout élément de nature à prouver l’existence et le contenu du message qui, ainsi que le soutient la Commission dans ses écritures, serait apparu sur le site web de l’EPSO pour informer les candidats au concours litigieux que le guide établi spécialement à leur intention serait accessible à partir du 12 novembre 2003, ainsi que l’existence sur ce site d’un renvoi électronique (« link ») vers ce guide.

23     Par lettre du 21 février 2006, la Commission a répondu qu’elle n’était pas en mesure de produire les preuves demandées. Elle a toutefois annexé à sa lettre un « message standard » qui aurait été identique à celui diffusé en l’espèce. Ce message se lit comme suit :

« The on-line registration form will be available Thursday, 1 April 2004, in the afternoon.

In the meantime you are invited to read the terms and conditions of the published competition carefully.

While waiting for the on-line application service to open, you will have time to see if you meet all the eligibility criteria.

In preparation for your registration we would suggest that you consult the Official Journal, the on-line help manual and the guide for applicants. »

24     Le Tribunal a entendu les parties en leurs plaidoiries à l’audience qui a eu lieu le 4 avril 2006.

 Sur le fond

25     À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent deux moyens tirés de la violation de l’avis de concours EPSO/C/11/03 et de l’erreur manifeste d’appréciation, qu’il convient d’examiner ensemble dans la mesure où elles font valoir la même argumentation à l’appui de ces moyens.

 Arguments des parties

26     Les requérantes considèrent que l’avis de concours EPSO/C/11/03, constituant le cadre de légalité que l’AIPN elle-même s’était imposé pour l’organisation du concours, devait, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, sous d), de l’annexe III du statut, préciser « les diplômes et autres titres ou le niveau d’expérience requis pour les emplois à pourvoir ». Or, la lettre A, II, point 1, dudit avis de concours exigeait l’accomplissement d’études de l’enseignement secondaire supérieur ou de secrétariat d’un niveau au moins équivalent, sanctionnées par un diplôme de fin d’études. Les requérantes auraient accompli le niveau d’études exigé et posséderaient le diplôme de fin d’études requis.

27     De plus, le guide du 5 novembre 2003, diffusé la veille de la publication de l’avis de concours litigieux, aurait dû être considéré par le jury comme le guide pertinent pour l’appréciation des diplômes des candidats. Les requérantes observent, à cet égard, que ce guide précise, à son annexe 1 C, le niveau de diplômes requis pour les concours de la catégorie C, à savoir pour l’Irlande « 6 passes – Intermediate Certificate or equivalent ».

28     Les requérantes font valoir que, dès lors que l’avis de concours est publié, les conditions d’admission ne peuvent plus être modifiées sous peine de violer le cadre de légalité fixé. Or, en adoptant les décisions attaquées sur la base du guide du 12 novembre 2003, le jury aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’avis de concours.

29     Au demeurant, les exigences nouvelles figurant dans ce guide ont pour conséquence que, pour accéder à la catégorie C, les candidats doivent désormais disposer du niveau d’études requis auparavant pour la seule catégorie B. Les requérantes relèvent que jamais dans les avis de concours qui ont précédé celui en cause l’AIPN n’avait exigé un niveau d’études autre que celui prévu par l’annexe 1 C du guide du 5 novembre 2003.

30     À l’audience, les requérantes ont ajouté qu’une telle modification substantielle des exigences de diplômes aurait nécessité, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe III du statut, la consultation de la commission paritaire. Or, celle‑ci n’aurait pas été consultée sur l’annexe 1 du guide du 12 novembre 2003, dont le contenu différait pourtant nettement de celui de l’annexe 1 C du guide du 5 novembre 2003.

31     La Commission rétorque que l’avis de concours litigieux a été publié le 6 novembre 2003, mais que, en raison d’un problème d’ordre informatique, le formulaire pour l’inscription électronique au concours et le guide établi à l’intention des candidats n’auraient pas été accessibles sur le site web de l’EPSO avant le 12 novembre 2003. C’est seulement à compter de cette date que les candidats auraient pu prendre connaissance dudit guide et s’inscrire. Elle constate, à cet égard, que les candidatures des requérantes ont été effectivement enregistrées après le 12 novembre 2003.

32     Selon la Commission, le guide du 5 novembre 2003 ne ferait que préciser le niveau des diplômes pour les concours généraux des catégories A, B et C, mais ne se référerait pas spécifiquement à l’avis de concours litigieux.

33     Elle ajoute que le guide du 12 novembre 2003 n’a pas modifié rétroactivement le cadre de légalité fixé dans l’avis de concours litigieux dès lors qu’il aurait été seul applicable en l’espèce, sa publication ayant simplement été retardée à la suite d’un problème d’ordre informatique. Les personnes intéressées à se porter candidates audit concours auraient d’ailleurs été informées par un message sur le site web de l’EPSO du fait que le guide établi à leur intention n’aurait été accessible qu’à partir du 12 novembre 2003.

34     Par ailleurs, la Commission rappelle le large pouvoir d’appréciation dont dispose l’AIPN, qui, pour certains emplois, peut prévoir des conditions plus sévères que les conditions minimales fixées à l’article 5, paragraphe 1, du statut. La correspondance entre l’annexe 1 du guide du 12 novembre 2003, relatif aux emplois visés par le concours litigieux, et l’annexe 1 B du guide du 5 novembre 2003, concernant, de façon générale, la catégorie d’emploi B, serait purement fortuite. De plus, l’exigence d’au moins « 2 honours, 4 passes in Leaving Certificate » pour les candidats diplômés en Irlande, figurant à l’annexe 1 du guide du 12 novembre 2003, s’inscrirait bien dans le cadre de l’enseignement secondaire supérieur (« upper secondary education »), visé par la lettre A, II, point 1, de l’avis de concours litigieux.

35     Enfin, compte tenu de l’article 27, premier alinéa, du statut, qui prévoit que « le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité », l’AIPN ne serait aucunement liée par le niveau des titres exigés dans les concours précédents pour la même catégorie.

36     À l’audience, la Commission a contesté, en raison de sa tardiveté, la recevabilité du moyen tiré de l’absence de consultation de la commission paritaire.

37     Elle conclut que le jury de concours n’a ni violé l’avis de concours ni commis d’erreur manifeste d’appréciation en fondant ses décisions sur le guide du 12 novembre 2003.

 Appréciation du Tribunal

38     Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les dispositions de l’article 5, paragraphe 1, du statut, qui imposent à l’AIPN de recruter dans la catégorie C des fonctionnaires possédant des connaissances du niveau de l’enseignement moyen ou une expérience professionnelle d’un niveau équivalent, visent à définir, d’une manière générale, le niveau minimal de qualification des fonctionnaires de cette catégorie et ne s’opposent pas à ce que soient fixées par un avis de concours ou de vacance des conditions plus sévères que celles correspondant aux conditions minimales qu’il établit (voir notamment, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, Rec. p. 2711, point 24 ; arrêts du Tribunal de première instance du 14 mai 1998, Goycoolea/Commission, T‑21/97, RecFP p. I‑A‑215 et II‑679, point 64, et du 22 mai 2003, Boixader Rivas/Parlement, T‑249/01, RecFP p. I‑A‑153 et II‑749, point 20).

39     Par ailleurs, l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions en ce qui concerne, en particulier, la fixation des conditions d’admission aux concours doit être compatible notamment avec les dispositions impératives de l’article 27, premier alinéa, du statut, définissant le but que doit poursuivre tout recrutement, lequel est d’assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, ainsi que de l’article 29, paragraphe 1, et de l’annexe III dudit statut, régissant la procédure de concours (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 15 novembre 2001, Van Huffel/Commission, T‑142/00, RecFP p. I‑A‑219 et II‑1011, point 52).

40     Il importe également de souligner, à cet égard, le rôle essentiel de l’avis de concours, qui consiste à informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit, afin de les mettre en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (arrêt du Tribunal de première instance du 16 octobre 1990, Gallone/Conseil, T‑132/89, Rec. p. II‑549, point 27 ; voir également, en ce sens, à propos de l’avis de vacance, arrêt du même Tribunal du 11 décembre 1991, Frederiksen/Parlement, T‑169/89, Rec. p. II‑1403, point 67). L’article 1er, paragraphe 1, sous d), de l’annexe III du statut oblige ainsi l’institution publiant un avis de concours à spécifier les diplômes et autres titres ou le niveau d’expérience requis pour les emplois à pourvoir.

41     Il convient donc de vérifier si, au regard des dispositions susvisées, la Commission a correctement exercé son pouvoir d’appréciation en établissant les conditions d’admission au concours et si elle était en droit de refuser d’admettre les requérantes aux épreuves du concours EPSO/C/11/03.

42     À cet égard, force est de constater que la lettre A, II, point 1, de l’avis de concours litigieux exigeait l’accomplissement d’études de l’enseignement secondaire supérieur ou de secrétariat d’un niveau au moins équivalent, sanctionnées par un diplôme de fin d’études.

43     Il était également précisé, dans cette même rubrique, que le jury de concours tiendrait compte des différences entre les régimes nationaux d’éducation et que des exemples d’exigences minimales pour l’admission au concours étaient mentionnés dans les annexes du guide établi à l’intention des candidats.

44     Or, il ressort du dossier et des débats devant le Tribunal que, après la publication de l’avis de concours litigieux, l’information mise à la disposition des intéressés quant à la nature des conditions requises pour occuper les postes dont il s’agit était loin d’être claire.

45     En effet, en premier lieu, en réponse à une question posée à l’audience, la Commission n’a pas contesté que, au jour de la publication de l’avis de concours litigieux, le 6 novembre 2003, un candidat voulant s’informer précisément des conditions requises pour être admis au concours et se rendant, pour ce faire, sur le site web de l’EPSO, visé précisément à la lettre A, II, point 1, dudit avis, pouvait effectivement prendre connaissance du guide du 5 novembre 2003. Or, l’annexe 1 C dudit guide contient, pour l’Irlande, la mention « 6 passes – Intermediate Certificate or equivalent ».

46     Il est vrai que l’avis de concours litigieux exige que les candidats soient titulaires d’un diplôme sanctionnant des études de l’enseignement secondaire supérieur (« upper secondary education »). Toutefois, en l’occurrence, il est constant que les requérantes sont titulaires d’un « Leaving Certificate », ce qui, précisément, constitue un diplôme relevant de l’enseignement secondaire supérieur. Elles satisfaisaient donc à la condition énoncée dans l’avis de concours lui-même.

47     En deuxième lieu, la Commission n’a pas produit devant le Tribunal le texte du message qui aurait été diffusé sur le site web de l’EPSO et qui aurait, selon elle, informé les candidats, dès la publication de l’avis de concours litigieux, « du fait que le guide serait accessible seulement à partir du 12 novembre 2003 ». Elle a, en revanche, fourni le texte d’un « message standard », reproduit au point 23 du présent arrêt et qui serait identique à celui qui aurait été diffusé dans le cadre du concours litigieux. Or, il ressort de ce dernier texte que seul l’enregistrement des candidatures par la voie électronique était reporté à une date postérieure et que, entre-temps, les candidats étaient invités à lire attentivement les termes et conditions de l’avis de concours, à vérifier s’ils remplissaient les conditions d’admission et à consulter le guide établi à leur intention. Il ne saurait être déduit d’un tel avertissement, contrairement à ce que prétend la partie défenderesse, que le guide lui-même n’était pas accessible, ni qu’il aurait été rendu disponible à une date ultérieure.

48     De plus, à l’audience, la Commission n’a pas été en mesure de dire ce qui, entre le 6 et le 12 novembre 2003, se produisait lorsqu’un candidat essayait d’établir un lien électronique (« link ») à partir du mot « guide » se trouvant dans le corps du « message standard » fixant la date d’ouverture de l’inscription électronique. En tout état de cause, il est constant que le guide du 5 novembre 2003 était, quant à lui, toujours électroniquement accessible pendant cette période.

49     En troisième lieu, force est de constater que, à une semaine d’intervalle, deux guides à l’intention des candidats à des emplois de la catégorie C ont été diffusés les 5 et 12 novembre 2003, le second comportant des changements modifiant le cadre légal du concours. Même si les requérantes n’ont pu matériellement introduire leur candidature par la voie électronique qu’à partir du 12 novembre 2003, l’on ne pouvait raisonnablement exiger des personnes intéressées, en l’absence d’avertissement suffisamment clair en ce sens, qu’elles vérifiassent sur le site web de l’EPSO si les conditions d’admission au concours, en particulier en matière de niveau des diplômes requis, n’avaient pas été modifiées une semaine après la publication de l’avis de concours par rapport au guide établi à leur intention et diffusé la veille de ladite publication.

50     Il en est d’autant plus ainsi que, comme la partie défenderesse l’a reconnu à l’audience, le niveau des diplômes requis mentionné à l’annexe 1 C du guide du 5 novembre 2003 correspondait, jusqu’à cette date, à la pratique constante de la Commission.

51     En quatrième lieu, les deux guides des 5 et 12 novembre 2003 sont presque semblables, ce qui ne pouvait que renforcer le risque de confusion dans l’esprit des candidats. En effet, si l’on fait abstraction des annexes, leurs textes sont identiques. Il est même fait référence, à la première page du second guide, aux « annexes 1 A, 1 B et 1 C », alors que, en réalité, d’une part, celui-ci ne comporte qu’une seule annexe numérotée « 1 » et, d’autre part, il ne contient aucune référence explicite au concours litigieux.

52     En cinquième lieu, la Commission n’a pas expliqué, ni dans ses écritures ni à l’audience, les raisons pour lesquelles, à la suite du problème d’ordre informatique évoqué au point 31 du présent arrêt, il n’avait pas été possible de diffuser le guide spécifique au concours litigieux dès la publication de l’avis de concours. Elle s’est bornée à affirmer qu’une telle diffusion n’aurait pas été utile avant la date à laquelle les intéressés pouvaient matériellement se porter candidats par la voie électronique. Toutefois, une telle affirmation est en contradiction avec l’invitation qui aurait été faite dans le message aux personnes intéressées de prendre connaissance du guide afin de préparer utilement leur inscription.

53     En dernier lieu, la mention figurant à la première page des deux guides en cause, selon laquelle ceux-ci ne constituent que des documents d’information et que le jury, lors de ses travaux, « n’est lié que par le texte de l’avis de concours publié au Journal officiel de l’Union européenne », ne fait qu’entretenir l’ambiguïté des exigences figurant dans ces guides, exigences auxquelles, pourtant, renvoie explicitement l’avis de concours à titre d’« exemples ».

54     Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’une confusion certaine a existé quant au niveau des diplômes qui était requis pour participer aux épreuves du concours. Il est raisonnable de considérer que les requérantes n’avaient pas pu, en raison du mode d’organisation du concours par la Commission, se forger une opinion exacte sur les conditions requises à cet effet.

55     Ainsi qu’il a déjà été souligné au point 40 du présent arrêt, il incombe aux institutions, conformément au principe de sécurité juridique qui fait partie de l’ordre juridique communautaire, de rédiger de façon claire et précise l’avis de concours afin que les intéressés soient en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature.

56     Dans ces conditions, compte tenu de l’ambiguïté qui entourait le niveau de diplômes demandé et, plus particulièrement, les notes requises, notamment faute pour la Commission d’avoir, de façon aussi exacte que possible, informé les candidats, dès la publication de l’avis de concours litigieux, de la nature des conditions requises pour occuper les postes dont il s’agit, il incombait au jury de concours de ne prendre en compte que les conditions figurant dans ledit avis de concours aux fins d’admission des requérantes aux épreuves. Le jury aurait dû ainsi constater que ces dernières avaient accompli des études de l’enseignement secondaire supérieur sanctionnées par le « Leaving Certificate », sans attacher à l’absence des notes « 2 honours, 4 passes », figurant dans le guide du 12 novembre 2003, un caractère dirimant pour l’admission aux épreuves du concours litigieux.

57     En conséquence, l’AIPN, en refusant de remettre en cause, pour ce motif, la décision du jury, a méconnu l’avis de concours EPSO/C/11/03, constituant le cadre de légalité qu’elle-même s’était imposé.

58     Au vu de tout ce qui précède, et sans qu’il y ait lieu d’examiner l’argument tiré, à l’audience, par les requérantes de l’absence de consultation de la commission paritaire ni l’exception d’irrecevabilité soulevée à l’encontre de cet argument par la Commission, il convient d’annuler les décisions du jury des 6 et 7 septembre 2004 refusant d’admettre les requérantes aux épreuves du concours EPSO/C/11/03.

 Sur les dépens

59     Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, non encore publié au Recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

60     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les décisions du jury des 6 et 7 septembre 2004 refusant d’admettre les requérantes aux épreuves du concours EPSO/C/11/03 sont annulées.

2)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

Signatures

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juin 2006.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.