Language of document : ECLI:EU:F:2007:75

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

2 mai 2007 (*)

« Fonctionnaires – Recours – Recours en indemnité – Enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) – Réaffectation – Règlement (CE) n° 1073/1999 – Décision 1999/396/CE, CECA, Euratom – Faute – Préjudice – Maladie professionnelle – Prise en compte des prestations prévues par l’article 73 du statut »

Dans l’affaire F‑23/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Jean-Louis Giraudy, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Paris (France), représenté par Me D. Voillemot, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et G. Berscheid, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. P. Mahoney (rapporteur), président, H. Kanninen et S. Gervasoni, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juillet 2006,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 20 avril 2005, M. Giraudy demande :

–        l’annulation de la décision du 21 février 2005 rejetant sa réclamation du 22 septembre 2004 ;

–        la condamnation de la Commission des Communautés européennes à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il prétend avoir subi, évalué à un montant de 264 000 euros en ce qui concerne son préjudice matériel et à un montant de 500 000 euros en ce qui concerne son préjudice moral.

 Cadre juridique

A –  Dispositions relatives aux enquêtes en matière de lutte contre la fraude

2        Le considérant 10 du règlement (CE) n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO L 136, p. 1) invoque ce qui suit :

« considérant que ces enquêtes doivent être conduites conformément au traité, et notamment au protocole sur les privilèges et immunités, dans le respect du statut des fonctionnaires des Communautés européennes et du régime applicable aux autres agents, [dénommé ‘statut’ par le présent règlement], ainsi que dans le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et notamment du principe d’équité, du droit pour la personne impliquée de s’exprimer sur les faits qui la concernent et du droit à ce que seuls les éléments ayant une valeur probante puissent fonder les conclusions d’une enquête ; […] »

3        Le paragraphe 1 de l’article 4, intitulé « Enquêtes internes », de ce règlement est libellé comme suit :

« Dans les domaines visés à l’article 1er, l’Office [européen de lutte antifraude] effectue les enquêtes administratives à l’intérieur des institutions, organes et organismes, [dénommées ‘enquêtes internes’ par le présent règlement].

Ces enquêtes internes sont exécutées dans le respect des règles des traités, notamment du protocole sur les privilèges et immunités, ainsi que du statut, dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement et par des décisions que chaque institution, organe et organisme adopte. Les institutions se concertent sur le régime à établir par une telle décision. »

4        Aux termes du deuxième alinéa de l’article 5, intitulé « Ouverture des enquêtes », de ce règlement :

« Les enquêtes internes sont ouvertes par une décision du directeur de l’Office [européen de lutte antifraude] qui agit de sa propre initiative ou suite à une demande de l’institution, organe ou organisme au sein duquel l’enquête devra être effectuée. »

5        Les paragraphes 1 et 2 de l’article 8, intitulé « Confidentialité et protection des données », de ce même règlement sont ainsi libellés :

« 1. Les informations obtenues dans le cadre des enquêtes externes, sous quelque forme que ce soit, sont protégées par les dispositions relatives à ces enquêtes.

2. Les informations communiquées ou obtenues dans le cadre des enquêtes internes, sous quelque forme que ce soit, sont couvertes par le secret professionnel et bénéficient de la protection accordée par les dispositions applicables aux institutions des Communautés européennes.

Ces informations ne peuvent notamment être communiquées à des personnes autres que celles qui, au sein des institutions des Communautés européennes ou des États membres sont, par leurs fonctions, appelées à les connaître ni être utilisées à des fins différentes de la lutte contre la fraude, contre la corruption et contre toute autre activité illégale. »

6        L’article 2 de la décision de la Commission 1999/396/CE, CECA, Euratom, du 2 juin 1999, relative aux conditions et modalités des enquêtes internes en matière de lutte contre la fraude, la corruption et toute activité illégale préjudiciable aux intérêts des Communautés (JO L 149, p. 57), intitulé « Obligation d’information », dispose à ses premier et deuxième alinéas :

« Tout fonctionnaire ou agent de la Commission qui acquiert la connaissance d’éléments de fait laissant présumer l’existence d’éventuels cas de fraude, de corruption ou de toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts des Communautés, ou de faits graves, liés à l’exercice d’activités professionnelles, pouvant constituer un manquement aux obligations des fonctionnaires et agents des Communautés susceptible de poursuites disciplinaires et, le cas échéant, pénales, ou un manquement aux obligations analogues des membres de la Commission ou des membres du personnel de celle-ci non soumis au statut des fonctionnaires des Communautés européennes ou au régime applicable aux autres agents, en informe sans délai son chef de service ou son directeur général, ou, s’il l’estime utile, le secrétaire général de la Commission ou l’Office [européen de lutte antifraude] directement.

Le secrétaire général, les directeurs généraux et les chefs de service de la Commission transmettent sans délai à l’Office [européen de lutte antifraude] tout élément de fait dont ils ont connaissance laissant présumer l’existence d’irrégularités visées au premier alinéa. »

7        L’article 4, intitulé « Information de l’intéressé », de la décision 1999/396 prévoit à son premier alinéa :

« Dans le cas où apparaît la possibilité d’une implication personnelle d’un membre, d’un fonctionnaire ou d’un agent de la Commission, l’intéressé doit en être informé rapidement lorsque cela ne risque pas de nuire à l’enquête. En tout état de cause, des conclusions visant nominativement un membre, un fonctionnaire ou un agent de la Commission ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que l’intéressé ait été mis à même de s’exprimer sur tous les faits qui le concernent. »

B –  Dispositions relatives à la couverture du risque de maladie professionnelle

8        L’article 73, paragraphe 1, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») prévoit que « [d]ans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord des institutions des Communautés, après avis du comité du statut, le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d’accident. […] ».

9        L’article 73, paragraphe 2, sous b), du statut dispose qu’en cas d’invalidité permanente totale, l’intéressé reçoit paiement d’un capital égal à huit fois son traitement de base annuel calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l’accident.

10      La réglementation relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la « réglementation de couverture ») fixe, en exécution de l’article 73 du statut, les conditions dans lesquelles le fonctionnaire est couvert contre les risques d’accident et de maladie professionnelle.

11      L’article 12, paragraphe 1, de la réglementation de couverture prévoit qu’en cas d’invalidité permanente totale du fonctionnaire résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle, le capital prévu à l’article 73, paragraphe 2, sous b), du statut lui est versé.

12      L’article 17, paragraphe 2, premier et troisième alinéas, de la réglementation de couverture dispose que l’administration procède à une enquête en vue de recueillir tous les éléments permettant d’établir la nature de l’affection, son origine professionnelle ainsi que les circonstances dans lesquelles elle s’est produite. Au vu du rapport d’enquête, le ou les médecins désignés par les institutions émettent les conclusions prévues à l’article 19 de ladite réglementation.

13      Aux termes de l’article 19 de la réglementation de couverture, les décisions relatives à la reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie sont prises par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») suivant la procédure prévue à l’article 21 de cette même réglementation, sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions et, si le fonctionnaire le requiert, après consultation de la commission médicale prévue à l’article 23 de ladite réglementation.

C –  Dispositions relatives aux pensions d’invalidité

14      L’article 78, premier alinéa, du statut énonce que le fonctionnaire a droit à une allocation d’invalidité lorsqu’il est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son groupe de fonctions. Les quatrième et cinquième alinéas de ce même article prévoient, notamment, que lorsque l’invalidité résulte d’une maladie professionnelle, l’institution prend à sa charge la totalité de la contribution au régime de pensions à laquelle l’allocation d’invalidité est soumise.

D –  Dispositions statutaires d’ordre général

15      L’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, prévoit :

« L’[AIPN] affecte, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité, chaque fonctionnaire à un emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à son grade. »

16      L’article 25, deuxième alinéa, du statut énonce :

« Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée. »

17      Aux termes de l’article 62, premier et deuxième alinéas, du statut :

« Dans les conditions fixées à l’annexe VII et sauf dispositions expresses contraires, le fonctionnaire a droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon du seul fait de sa nomination.

Il ne peut renoncer à ce droit. »

 Faits à l’origine du litige

18      Le requérant était, en 2002, fonctionnaire de grade A 3, affecté à la direction générale (DG) « Presse et communication », en qualité de chef de la représentation de la Commission en France, à Paris.

19      Au cours du second semestre de l’année 2000, les services de la direction générale (DG) « Éducation et culture » avaient procédé à un audit de l’Info-Point Europe d’Avignon, géré par la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse. Le rapport qui en avait résulté, daté du 27 novembre 2000, avait mis en lumière des déficiences dans la comptabilité de cet Info-Point Europe. Ce rapport avait été transmis le 12 décembre 2000 au directeur général de la DG « Éducation et culture », lequel l’avait transmis, le 8 février 2001, au chef du service « Presse et communication » (devenu depuis DG « Presse et communication »), ce dans le cadre du transfert de certaines activités de ladite direction générale vers le service « Presse et communication ». Ce rapport avait également été transmis à la représentation de la Commission à Paris.

20      Suite à une plainte portant sur le fonctionnement de la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse, une vérification complémentaire avait été effectuée dans le cadre de l’audit susmentionné. Cette vérification avait donné lieu à une note du 6 décembre 2000, qui concluait à l’existence d’un risque de projets fictifs. L’existence de projets fictifs avait été ultérieurement confirmée par l’enquête externe de l’OLAF IO/2001/4086 portant sur ladite Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse. La note de vérification complémentaire susmentionnée n’avait pas été transmise à la représentation de la Commission à Paris par le service « Presse et communication » basé à Bruxelles. Interrogé par le Tribunal lors de l’audience sur les raisons expliquant l’absence de communication de cette note, le représentant de la Commission a répondu qu’il n’était « pas en mesure de […] fournir une réponse précise sur ce point [et qu’il fallait] considérer que c’[était] tout au plus un oubli administratif ».

21      Par note cosignée du 21 mars 2001, le directeur général de la DG « Éducation et culture », M. V., et le chef du service « Presse et communication », M. F., avaient transmis à l’OLAF le rapport d’audit du 27 novembre 2000 ainsi que la note de vérification complémentaire du 6 décembre 2000, ce en application de l’article 2, deuxième alinéa, de la décision 1999/396. Dans cette note, les signataires indiquaient notamment que, parallèlement à l’information qu’ils transmettaient au directeur général de l’OLAF, le chef de la représentation de la Commission en France ainsi que le chef de l’unité en charge des Maisons de l’Europe et des Info-Points Europe avaient été invités à « faire rapport » sur les éléments dont ils pourraient avoir eu connaissance et qui auraient été susceptibles d’éclairer l’affaire. Le requérant affirme ne jamais avoir reçu une telle invitation.

22      Début novembre 2002, le directeur général de la DG « Presse et communication », M. F., a reçu, de la part de fonctionnaires de sa direction générale ayant souhaité garder l’anonymat mais qu’il a déclaré bien connaître, des dénonciations précises et circonstanciées d’irrégularités concernant notamment les relations entretenues entre le requérant et le président de la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse, l’attribution de subventions pour des projets fictifs au sein de cette Maison de l’Europe, la gestion du groupement d’intérêt économique Sources d’Europe et des faits de favoritisme dans le cadre d’appels d’offres. En application de l’article 2, deuxième alinéa, de la décision 1999/396, le directeur général de la DG « Presse et communication » a alors informé l’OLAF des faits dont il avait eu à connaître, par une note du 6 novembre 2002 accompagnée d’annexes contenant les éléments de fait dont il avait reçu communication.

23      Le 15 novembre 2002, l’OLAF a ouvert une enquête interne sur de possibles irrégularités au sein de la DG « Presse et communication », plus précisément à la représentation de la Commission à Paris (enquête OF/2002/0513). L’ouverture de cette enquête a fait l’objet d’un communiqué de presse publié par l’OLAF.

24      Par note datée du vendredi 15 novembre 2002, que le requérant affirme avoir reçue par courrier électronique le matin du lundi 18 novembre suivant, le directeur général de la DG « Presse et communication » a informé le requérant que l’OLAF avait ouvert une enquête sur des soupçons d’irrégularités fondés sur des faits que la représentation de la Commission à Paris avait eu à connaître et a demandé à celui-ci de se rendre immédiatement à Bruxelles pour le rencontrer.

25      Cette entrevue a eu lieu le 18 novembre 2002 à Bruxelles.

26      Ce même 18 novembre 2002, l’OLAF a débuté ses investigations dans les bureaux de la représentation de la Commission à Paris.

27      Suite à une information téléphonique selon laquelle le requérant, de retour à la représentation de la Commission à Paris le 18 novembre 2002, après son entrevue avec le directeur général de la DG « Presse et communication », aurait questionné le personnel de ladite représentation sur les actions menées par l’OLAF dans la journée, le directeur général de l’OLAF a recommandé à la DG « Presse et communication » d’interdire au requérant, ainsi qu’à son adjoint, tout accès aux bureaux de la représentation pendant la durée de l’enquête, afin d’assurer son bon déroulement. Le requérant conteste cependant être retourné à la représentation le 18 novembre 2002 et avoir tenté d’interroger le personnel, et affirme y être retourné seulement le lendemain matin.

28      Le 19 novembre 2002, le directeur général de la DG « Presse et communication », agissant en tant qu’AIPN, a décidé, avec effet le jour même, de modifier l’affectation du requérant dans l’intérêt du service et de l’affecter en qualité de « [c]onseiller auprès du [d]irecteur [g]énéral de la DG [‘Presse et communication’] à Bruxelles ».

29      Cette décision a été communiquée au requérant par note datée de ce même 19 novembre 2002, émanant du directeur général de la DG « Presse et communication » et contenant l’information suivant laquelle, « [a]fin de faciliter le bon déroulement de l’enquête que l’OLAF [venait] d’ouvrir concernant le fonctionnement de la représentation de la Commission à Paris, [il avait] décidé, dans l’intérêt du service, de [le] muter, à compter de ce jour, à la DG [‘Presse et communication’] – Bruxelles [et que son] affectation précise [lui serait] communiquée dans les [jours à venir] ».

30      L’adjoint du requérant a également été concerné par une mesure de réaffectation immédiate de Paris à Bruxelles.

31      Par note du 20 novembre 2002, le directeur général de la DG « Presse et communication » a informé le personnel de la représentation de la Commission à Paris que ladite représentation était entrée dans une phase d’enquête prévue pour durer environ un mois.

32      Le requérant a manifesté ses objections quant à la mesure de réaffectation dont il avait fait l’objet, par diverses notes à l’attention du directeur général de la DG « Presse et communication », en dates des 21, 22 et 27 novembre 2002. Dans ses notes des 21 et 22 novembre 2002, il a notamment proposé de se mettre en congé durant la période de l’enquête de l’OLAF au sein de la représentation de la Commission à Paris. Le directeur général de la DG « Presse et communication » a répondu au requérant par une brève note du 27 novembre 2002, dans laquelle il a réaffirmé avoir décidé de le réaffecter à d’autre tâches au sein de la direction générale, « afin d’assurer le bon déroulement de l’enquête et d’éviter toute situation d’éventuel conflit d’intérêts ».

33      Le 21 novembre 2002, une nouvelle rencontre a eu lieu entre le requérant et le directeur général de la DG « Presse et communication », au cours de laquelle ce dernier a informé l’intéressé que la mesure de réaffectation dont il faisait l’objet constituait une mesure purement conservatoire.

34      Ce même 21 novembre 2002, la Commission a publié un communiqué de presse aux termes duquel « [l]a [DG ‘Presse et communication’] a[vait] demandé à l’[OLAF] d’examiner la possibilité d’ouvrir une enquête sur certains soupçons d’irrégularité dans la gestion de subventions allouées en France au titre de la politique d’information et communication [;] [a]fin d’assurer le bon déroulement de cette enquête, et d’éviter toute perception de conflit d’intérêts, il a[vait] été décidé dans l’intérêt du service de réaffecter à Bruxelles deux fonctionnaires de la représentation de la Commission à Paris[,] décisions administratives [qui] ne préjuge[ai]nt en rien des conclusions de l’enquête ». La veille de la publication de ce communiqué de presse, le directeur général de la DG « Presse et communication » avait téléphoné au requérant, afin de l’en informer.

35      Toujours, le 21 novembre 2002, M. F., agissant cette fois en tant que porte-parole de la Commission, fonction qu’il détenait également, a tenu sa conférence de presse régulière, au cours de laquelle il a été interrogé par des journalistes sur l’enquête de l’OLAF et la réaffectation à Bruxelles de deux fonctionnaires de la représentation de la Commission à Paris. Dans ses réponses aux questions des journalistes, il n’a pas nommé les deux fonctionnaires en cause. Il a souligné que personne ne faisait l’objet d’accusations et que les décisions de réaffectation dans un autre service au sein de la même direction générale avaient été prises afin d’éviter tout conflit d’intérêts et d’assurer le bon déroulement de l’enquête. Au cours de cette conférence de presse, ledit journaliste lui a notamment demandé s’il pouvait « dire si le responsable du bureau de Paris [était] responsable pour l’ensemble des dépenses engagées en France et en l’occurrence pour la Maison de l’Europe [d’]Avignon [et de Vaucluse] puisqu’il sembl[ait] que ce soit [cela] qui [ait été] en cause[,] [lui demandant aussi si celui-ci était ou non] responsable de la gestion de cette Maison de l’Europe […] », ce à quoi le porte-parole de la Commission a notamment répondu que « [c’était] plus compliqué que cela[,] [que la] gestion de ces subventions rel[evait] de plusieurs intervenants ; [qu’]il y a[vait] une Fédération [i]nternationale des Maisons de l’Europe à Bruxelles ; [qu’]il y a[vait] évidemment [les] bureaux [de la Commission] dans les différents pays concernés […] ».

36      Le 23 novembre 2002, le journal Le Monde a consacré un article à l’enquête de l’OLAF et à la réaffectation des deux fonctionnaires, dans lequel les noms du requérant et de son adjoint étaient cités.

37      Par note du 28 novembre 2002, le directeur général de la DG « Presse et communication » a précisé au requérant en quoi consistait sa mission en tant que « [c]onseiller rattaché auprès du directeur général de la DG [‘Presse et communication’] à Bruxelles ». Il lui a également confirmé que sa réaffectation à Bruxelles revêtait un caractère conservatoire et qu’elle était destinée à assurer le bon déroulement de l’enquête et à éviter toute situation d’éventuel conflit d’intérêts.

38      Le 20 décembre 2002, le porte-parole de la Commission et directeur général de la DG « Presse et communication » a donné une conférence de presse, au cours de laquelle il a annoncé que plus rien ne s’opposait à la levée de la mesure conservatoire dont faisaient l’objet les deux fonctionnaires et qu’il allait discuter prochainement avec ces derniers des modalités du suivi de la levée de cette mesure.

39      La presse française s’est fait l’écho de la levée des mesures conservatoires visant les deux fonctionnaires, par des articles publiés dans les journaux Le Monde (22 et 23 décembre 2002), Le Figaro (21 et 22 décembre 2002) et Libération (21 et 22 décembre 2002).

40      Le 6 janvier 2003 a eu lieu une nouvelle entrevue entre le requérant et le directeur général de la DG « Presse et communication », au cours de laquelle la réintégration de l’intéressé dans ses fonctions de chef de la représentation de la Commission à Paris a été discutée.

41      Le 16 janvier 2003, le requérant a été entendu par les enquêteurs de l’OLAF, conformément à l’article 4, premier alinéa, de la décision 1999/396.

42      Par décision datée du 21 janvier 2003, prenant effet rétroactivement au 19 décembre 2002, l’AIPN a réaffecté le requérant dans ses fonctions précédentes en tant que chef de la représentation de la Commission à Paris. Le requérant affirme n’avoir reçu cette décision que le 12 février 2003. Il n’a toutefois jamais effectivement repris son travail à ladite représentation de la Commission à Paris, ce pour cause de maladie.

43      La réintégration des deux fonctionnaires dans leurs fonctions à Paris a fait l’objet, le 21 janvier 2003, d’une question parlementaire posée par Mme Flesch à la Commission (question écrite E-0036/03). Le 5 mars suivant, M. Prodi, président de la Commission, a, au nom de celle-ci, répondu à cette question, en regrettant notamment que les médias aient fait état des noms des intéressés.

44      Ce même 5 mars 2003, le directeur général de la DG « Presse et communication » a informé le requérant que certains postes de chef de représentation de la Commission, dont celui de la représentation en France, feraient prochainement l’objet d’avis de vacance.

45      Le 6 mai 2003, l’OLAF a rendu son rapport d’enquête final. Ses conclusions mettent le requérant hors de cause en ce qui concerne les allégations ayant entraîné l’ouverture de l’enquête et précisent qu’une importante note de vérification complémentaire, datée du 6 décembre 2000, dont le contenu aurait permis au requérant et à son adjoint de porter un jugement plus critique sur le fonctionnement de la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse, n’avait jamais été transmise à la représentation de la Commission à Paris par les services de la DG « Presse et communication ». Selon le rapport de l’OLAF, « [l]e fait que le [s]iège n’ait pas transmis à la [r]eprésentation la note de vérification complémentaire du 6 décembre 2000 a donc indirectement contribué à augmenter les soupçons de l’OLAF à l’égard [du requérant et de son adjoint] ».

46      Lors d’une conférence de presse du 17 juin 2003, à la suite d’une question posée par un journaliste, le nouveau porte-parole de la Commission, M. K., a exprimé toute sa sympathie, ainsi que celle de l’institution, à l’égard du requérant.

47      Dans un article du 23 octobre 2003, le journal La Tribune a fait référence à « la lamentable ‘affaire’ du bureau de Paris de la Commission, qui a conduit à jeter sa direction en pâture aux médias avant que […] l’OLAF ne conclue, discrètement, à l’absence de fondement des accusations formulées ».

48      Le 22 mars 2004, la commission d’invalidité a constaté que le requérant était atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale le mettant dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. La commission d’invalidité ne s’est pas prononcée quant à l’éventuelle origine professionnelle de cette invalidité, considérant qu’il était préférable d’attendre la clôture de la procédure introduite au titre de l’article 73 du statut. Le requérant a été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité en vertu de l’article 53 du statut à compter du 1er mai 2004.

49      Par courrier du 10 décembre 2004, le requérant a introduit une demande visant à la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, au titre de l’article 73 du statut.

50      Auparavant, par courrier du 2 mars 2004, complété par un courrier du 17 juin suivant, le requérant avait introduit auprès de l’AIPN une demande de réparation du préjudice prétendument subi à l’occasion et au cours de l’enquête de l’OLAF, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut.

51      Cette demande avait été rejetée par décision de l’AIPN du 8 juillet 2004.

52      Le 22 septembre 2004, le requérant avait formé contre cette décision une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, premier alinéa, du statut. La réclamation est parvenue à la Commission le 19 octobre suivant.

53      L’AIPN a rejeté la réclamation du requérant par décision du 21 février 2005.

 Procédure et conclusions des parties

54      Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑169/05.

55      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom, du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous le numéro F‑23/05.

56      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a, par courriers des 22 mars et 7 juin 2006, invité la Commission à produire certains documents, notamment le rapport de l’OLAF du 6 mai 2003. Celle-ci a déféré aux demandes du Tribunal dans les délais impartis. Par courrier du 22 mars 2006, le Tribunal a invité le requérant à l’informer d’une éventuelle fin de la procédure introduite au titre de l’article 73 du statut.

57      Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 25 septembre 2006 par télécopie, le requérant a communiqué au Tribunal une lettre qu’il avait envoyée à la Commission le 18 août 2006 et par laquelle il déclarait renoncer à la demande tendant à la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie.

58      Le Tribunal a décidé qu’il convenait d’accepter, à titre exceptionnel, le versement au dossier de cette pièce parvenue après la clôture de la procédure orale, dans la mesure où, d’une part, elle se rapportait à une circonstance intervenue postérieurement à l’audience et où, d’autre part, elle était susceptible d’avoir une incidence sur la solution du litige.

59      Considérant qu’il convenait, conformément au principe du contradictoire, de mettre la Commission en mesure de présenter ses observations sur ladite pièce, le Tribunal a ordonné la réouverture de la procédure orale, par ordonnance du 17 octobre 2006, en application de l’article 62 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier.

60      La Commission a fait parvenir ses observations sur ladite pièce au greffe du Tribunal le 10 novembre 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 13 novembre suivant).

61      Par courrier du 16 novembre 2006, le Tribunal a invité le requérant à faire valoir d’éventuelles observations sur ce dernier courrier de la Commission.

62      Le requérant a fait parvenir ses observations au greffe du Tribunal le 29 novembre 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 4 décembre suivant).

63      Par courrier du Tribunal du 11 décembre 2006, les parties ont été informées de la clôture de la procédure orale.

64      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 21 février 2005 rejetant sa réclamation du 22 septembre 2004 ;

–        constater que les fautes de la Commission ont entraîné un préjudice certain et évaluable et qu’il y a un lien de causalité entre ces fautes et ledit préjudice ;

–        déclarer légitime une réparation financière pour le préjudice qu’il a subi ;

–        fixer son préjudice matériel à un montant de 264 000 euros et son préjudice moral à un montant de 500 000 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

65      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer comme de droit sur les dépens.

 En droit

A –  Sur la recevabilité

66      La Commission invoque trois fins de non-recevoir, tirées respectivement d’un défaut de procédure précontentieuse régulière, d’un défaut d’intérêt à agir et du caractère prématuré du recours.

1.     Sur le défaut de procédure précontentieuse régulière

a)     Arguments des parties

67      La Commission émet des doutes quant à la recevabilité du recours, au motif que le requérant alléguerait un préjudice résultant de la décision de réaffectation du 19 novembre 2002, laquelle n’aurait pas été contestée selon la procédure prévue par les articles 90 et 91 du statut.

68      Le requérant rétorque que sa demande de réparation ne se fonderait pas sur la seule contestation de cette décision, mais soulèverait divers moyens relatifs à des fautes commises par la Commission, notamment lors de la diffusion de son communiqué de presse du 21 novembre 2002, lors des déclarations de son porte-parole au cours de la conférence de presse du même jour et lors de la communication de documents à l’OLAF. Le présent recours en responsabilité, qui devrait être considéré dans son ensemble, serait donc recevable.

b)     Appréciation du Tribunal

69      Selon une jurisprudence constante, dans le système des voies de recours instauré par les articles 90 et 91 du statut, un recours en indemnité, qui constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, n’est recevable que s’il a été précédé d’une procédure précontentieuse conforme aux dispositions statutaires. Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir, dans les délais impartis, l’AIPN d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause. Dans le second cas, en revanche, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement. Ce n’est que le rejet explicite ou implicite de cette demande qui constitue une décision faisant grief contre laquelle une réclamation peut être dirigée et ce n’est qu’après le rejet explicite ou implicite de cette réclamation qu’un recours en indemnité peut être formé devant le Tribunal (arrêts du Tribunal de première instance du 25 septembre 1991, Marcato/Commission, T‑5/90, Rec. p. II‑731, points 49 et 50, et du 28 juin 1996, Y/Cour de justice, T‑500/93, RecFP p. I‑A‑335 et II‑977, points 64 et 66).

70      En l’espèce, avant de saisir le Tribunal du présent recours, le requérant a fait une demande de dédommagement formulée au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut et introduite le 2 mars 2004, puis il a présenté une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, premier alinéa, du statut, introduite le 22 septembre 2004 et dirigée contre la décision du 8 juillet 2004 rejetant sa demande de dédommagement. Le requérant a donc fait précéder son recours devant le Tribunal de la procédure précontentieuse applicable à une demande de réparation d’un dommage résultant de comportements de l’administration dépourvus de caractère décisionnel.

71      Afin de déterminer si la procédure précontentieuse a été régulière, il convient donc d’examiner si le dommage dont la réparation est demandée résulte notamment de comportements de l’administration dépourvus de caractère décisionnel.

72      Dans le présent recours, le requérant critique divers actes de l’administration qui seraient à l’origine de son préjudice, à savoir, d’une part, la décision de réaffectation prise par l’AIPN le 19 novembre 2002, d’autre part, le communiqué de presse de la Commission, du 21 novembre 2002, et les déclarations de son porte-parole lors de la conférence de presse du même jour et, enfin, la communication à l’OLAF par le directeur général de la DG « Presse et communication » d’éléments de fait laissant présumer l’existence d’irrégularités commises au sein de la représentation de la Commission à Paris. Par ses critiques dirigées contre le communiqué de presse de la Commission, du 21 novembre 2002, et les déclarations de son porte-parole lors de la conférence de presse du même jour, ainsi que par celles dirigées contre la communication susmentionnée d’éléments de fait à l’OLAF, le requérant conteste, à l’appui de son recours, notamment des comportements de l’administration dépourvus de caractère décisionnel.

73      Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir tirée du défaut de procédure précontentieuse régulière ne saurait être accueillie.

2.     Sur le défaut d’intérêt à agir

a)     Arguments des parties

74      La Commission émet des doutes quant à l’existence d’un intérêt à agir pour le requérant en faisant valoir que, au moment de l’introduction du recours, la décision de réaffectation du 19 novembre 2002 aurait été rapportée depuis plus d’un an.

75      Le requérant ne prend pas position concernant cette fin de non-recevoir mais demande de manière générale au Tribunal de ne pas suivre la Commission dans ses objections procédurales.

b)     Appréciation du Tribunal

76      Force est de constater que l’affirmation à la base de l’argumentation de la Commission, selon laquelle la décision de réaffectation du 19 novembre 2002 aurait été « rapportée » depuis plus d’un an à la date d’introduction du présent recours, est inexacte. En effet, la décision du 21 janvier 2003 réaffectant le requérant dans ses fonctions antérieures en tant que chef de la représentation de la Commission à Paris, avec effet rétroactif au 19 décembre 2002, ne s’est pas substituée à la décision de réaffectation du 19 novembre 2002, qui a produit ses effets du 19 novembre au 19 décembre 2002.

77      D’ailleurs, l’intérêt à agir du requérant ne saurait être examiné au regard du seul moyen relatif à la décision de réaffectation du 19 novembre 2002, mais doit l’être au regard des conclusions en responsabilité formulées par le requérant.

78      Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir du requérant.

3.     Sur le caractère prématuré du recours

a)     Arguments des parties

79      Dans son mémoire en défense, la Commission a fait valoir que le préjudice du requérant devrait être apprécié en tenant compte des prestations reçues au titre de l’article 73 du statut, conformément au raisonnement développé dans l’arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1998, Lucaccioni/Commission (T‑165/95, RecFP p. I‑A‑203 et II‑627). Elle en a déduit que, dans la mesure où la procédure engagée par le requérant au titre de cette disposition était encore en cours, le Tribunal ne serait pas à même d’apprécier le préjudice de celui-ci et que, dès lors, le recours serait prématuré. Au cours de l’audience, la Commission est revenue sur cet argument, en considérant que, compte tenu du fait que la procédure introduite au titre de l’article 73 du statut était susceptible de durer plusieurs années, déclarer le recours prématuré pourrait, dans certaines hypothèses, soulever pour le justiciable des difficultés au regard du respect du délai de cinq ans dans lequel un recours en responsabilité doit être introduit.

80      Dans son mémoire en réplique, le requérant a rétorqué qu’une demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, introduite au titre de l’article 73 du statut, ne lui interdirait pas de faire valoir un droit à réparation du préjudice moral qu’il aurait subi. Au cours de l’audience, le requérant a modifié sa position sur ce point et a demandé qu’il soit pris acte du fait qu’il était prêt à renoncer à sa demande formulée au titre dudit article 73 du statut. Il a en effet insisté sur le fait qu’il souhaitait que le Tribunal statue le plus rapidement possible sur l’intégralité du litige et, en particulier, constate les fautes de la Commission à l’origine de son préjudice, constatation qui seule serait de nature à le rétablir dans son honneur et sa réputation et à mettre fin à la longue incertitude dans laquelle il se trouverait depuis les faits litigieux. Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 25 septembre 2006 par télécopie, le requérant a informé le Tribunal qu’il renonçait à sa demande introduite au titre de l’article 73 du statut.

b)     Appréciation du Tribunal

81      La Commission ayant, lors de l’audience, retiré la fin de non-recevoir tirée du caractère prématuré du recours, le Tribunal constate qu’il n’y a plus lieu de statuer sur celle-ci.

82      Il s’ensuit que le recours doit être déclaré recevable.

B –  Sur la demande de suspension de la procédure

1.     Arguments des parties

83      Dans son mémoire en défense, la Commission a considéré que le préjudice allégué par le requérant devrait être apprécié en tenant compte des prestations reçues au titre de l’article 73 du statut. Or, dans la mesure où la procédure engagée au titre de cette disposition était en cours au moment où la Commission a présenté ledit mémoire en défense, celle-ci a soutenu que le Tribunal ne serait pas à même d’apprécier ce préjudice. Elle en a conclu que la procédure devant le Tribunal aurait dû au moins être suspendue en attendant l’issue de la procédure de l’article 73 du statut et que, à l’issue de celle-ci, le requérant aurait dû être invité à présenter ses observations sur les conséquences à tirer de la décision de l’AIPN relative au caractère professionnel de sa maladie.

84      Dans son mémoire en réplique, le requérant a rétorqué qu’une demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, introduite au titre de l’article 73 du statut, ne lui interdirait pas de faire valoir un droit à réparation pour le préjudice moral qu’il aurait subi et s’est opposé à une telle suspension de la procédure, qu’il a qualifiée de manœuvre dilatoire de la part de la Commission. À l’audience, il a demandé qu’il soit pris acte du fait qu’il était prêt à renoncer à cette demande. Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 25 septembre 2006 par télécopie, il a informé le Tribunal qu’il renonçait à ladite demande.

2.     Appréciation du Tribunal

85      Le requérant ayant renoncé à sa demande introduite au titre de l’article 73 du statut, la demande formulée par la Commission tendant à la suspension de la procédure est devenue sans objet.

86      Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur ladite demande de suspension de la procédure.

87      En toute hypothèse, il convient de constater que si, en l’absence de renonciation du requérant à sa demande formulée au titre de l’article 73 du statut, le Tribunal avait eu à statuer sur la demande de suspension de la procédure formulée par la Commission, il n’aurait pas pu l’accueillir. En effet, le requérant s’est opposé à ladite demande de suspension. Or, l’article 77, sous c), du règlement de procédure du Tribunal de première instance ne prévoit que la seule hypothèse d’une suspension de la procédure à la demande conjointe des parties.

C –  Sur le fond

88      Selon une jurisprudence constante, la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal de première instance du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, RecFP p. I‑A‑15 et II‑61, point 72, et du 21 février 1995, Moat/Commission, T‑506/93, RecFP p. I‑A‑43 et II‑147, point 46).

89      Il y a lieu de déterminer tout d’abord si la Commission a commis une illégalité de nature à engager sa responsabilité, en examinant les différents moyens soulevés par le requérant suivant l’ordre chronologique des faits auxquels ils se rapportent.

1.     Sur les fautes reprochées à la Commission

 a) Sur le troisième moyen, tiré de l’inconsistance des griefs faits au requérant et des fautes commises par sa hiérarchie

 Arguments des parties

90      Dans le cadre de son troisième moyen, le requérant soutient que le directeur général de la DG « Presse et communication » aurait commis une faute d’une extrême gravité en transmettant à l’OLAF un « dossier à charge » contre la représentation de la Commission à Paris, alors que les conditions d’application de l’article 2, deuxième alinéa, de la décision 1999/396 n’auraient pas été remplies.

91      Selon le requérant, le directeur général de la DG « Presse et communication » n’aurait pas disposé d’éléments de faits suffisants pour informer l’OLAF en application de la disposition susmentionnée. Il fait valoir que celle-ci poserait une exigence de matérialité, afin d’éviter que des accusations non fondées ne soient formulées à tort à l’égard de fonctionnaires qui ne seraient pas directement ou qui ne seraient qu’indirectement impliqués dans des cas de fraude.

92      Le requérant soutient en outre que la DG « Presse et communication » aurait, d’une part, transmis à l’OLAF des informations erronées concernant la responsabilité de la représentation de la Commission à Paris dans le suivi des irrégularités présumées de l’Info-Point Europe d’Avignon, et, d’autre part, dissimulé, volontairement ou par négligence, des documents qui auraient été utilisés contre lui. Dans les conditions où elles auraient été formulées auprès de l’OLAF, les allégations de la DG « Presse et communication » auraient présenté un aspect calomnieux et diffamatoire.

93      La Commission considère que sa décision d’informer l’OLAF des irrégularités présumées au sein de l’Info-Point Europe d’Avignon était légitime et nécessaire. Elle souligne qu’il convient d’apprécier cette décision en se plaçant à la date à laquelle elle a été prise et qu’elle ne saurait être critiquée à la lumière du résultat final de l’enquête.

94      La Commission soutient que l’article 2, deuxième alinéa, de la décision 1999/396 n’imposerait pas au secrétaire général, aux directeurs généraux et aux chefs de service de la Commission de juger de la pertinence ou du caractère probant des éléments de fait dont ils ont la connaissance avant de les transmettre l’OLAF, mais que cette disposition les soumettrait au contraire à une obligation absolue. Dans le cadre de l’application de cette disposition, la seule hypothèse dans laquelle il serait possible d’envisager une faute de service pouvant donner lieu à réparation serait celle dans laquelle une institution aurait l’intention de nuire à un fonctionnaire ou à un agent. Or, la Commission considère que le requérant n’apporte à aucun moment la preuve d’une telle intention de nuire, et conteste formellement l’existence d’une telle intention.

 Appréciation du Tribunal

95      L’appréciation du troisième moyen, qui concerne le comportement de la Commission à l’origine de la saisine de l’OLAF, renvoie à une double question. D’une part, il convient de déterminer si le directeur général de la DG « Presse et communication » a commis une faute de service, en communiquant à l’OLAF, par note du 6 novembre 2002, les éléments de fait dont il avait connaissance. D’autre part, il convient d’examiner si certains dysfonctionnements allégués dans le système de communication interne de la Commission, qui ont pu contribuer à la saisine de l’OLAF et à l’ouverture de l’enquête, sont susceptibles de constituer une faute de service de nature à engager la responsabilité de l’institution. En effet, la responsabilité non contractuelle de la Communauté peut non seulement être engagée en raison des agissements de ses agents, tel un directeur général, mais également en raison de l’organisation insuffisante de ses services (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 décembre 1959, F.E.R.A.M./Haute Autorité, 23/59, Rec. p. 501, 517).

–       Sur l’information de l’OLAF

96      Les thèses du requérant et de la Commission divergent quant à l’étendue du pouvoir d’appréciation dont disposent le secrétaire général, les directeurs généraux et les chefs de service de la Commission, visés à l’article 2, premier alinéa, de la décision 1999/396. En effet, selon le requérant, ces autorités doivent disposer d’éléments matériels suffisants pour informer l’OLAF. À défaut, elles sont susceptibles d’engager la responsabilité de l’institution pour faute de service. La Commission, en revanche, soutient que l’obligation d’informer l’OLAF serait une obligation absolue et que la seule hypothèse dans laquelle il serait possible d’envisager une faute de service pouvant donner lieu à réparation serait celle par laquelle l’institution aurait l’intention de nuire à un fonctionnaire.

97      Il convient donc, à titre préalable, de déterminer l’étendue du pouvoir d’appréciation dont disposent le secrétaire général, les directeurs généraux et les chefs de service de la Commission, visés à l’article 2, deuxième alinéa, de la décision 1999/396.

98      La rédaction impérative de l’article 2, deuxième alinéa, de la décision 1999/396, qui renvoie sur ce point au premier alinéa du même article, fait apparaître que le secrétaire général, les directeurs généraux et les chefs de service de la Commission ont l’obligation d’informer l’OLAF sans délai, dès lors qu’ils ont connaissance d’« éléments de fait laissant présumer l’existence d’éventuels cas de fraude, de corruption ou de toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts des Communautés, ou de faits graves, liés à l’exercice d’activités professionnelles, pouvant constituer un manquement aux obligations des fonctionnaires et agents des Communautés susceptible de poursuites disciplinaires et, le cas échéant, pénales […] ». Toutefois, l’emploi du terme « présumer » par le législateur implique nécessairement que les autorités visées à ladite disposition portent une appréciation minimale sur la pertinence des éléments de fait dont elles ont connaissance au regard d’une possible irrégularité et leur confère, dès lors, un certain pouvoir d’appréciation.

99      Afin de statuer sur la responsabilité non contractuelle de la Communauté, il convient de déterminer si, en communiquant à l’OLAF, par note du 6 novembre 2002, les éléments de fait dont il avait connaissance et qui laissaient présumer l’existence d’irrégularités telles que visées à l’article 2, premier alinéa, de la décision 1999/396, le directeur général de la DG « Presse et communication » n’a pas méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposaient à ce pouvoir d’appréciation (voir, par analogie, arrêt du Tribunal de première instance du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II-1173, point 104).

100    En l’espèce, force est de constater qu’il existait à l’époque un faisceau d’éléments qui justifiaient que le directeur général de la DG « Presse et communication » saisisse l’OLAF des informations dont il avait connaissance.

101    D’une part, le rapport d’audit du 27 novembre 2000 et la note de vérification complémentaire du 6 décembre suivant mettaient en lumière l’existence d’un risque de projets fictifs au sein de la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse.

102    D’autre part, les relations professionnelles entretenues entre le requérant et le président de la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse, M. P., soupçonné d’être à l’origine des fraudes observées dans le cadre de la gestion de cette Maison de l’Europe méritaient d’être explorées ; à cet égard, il convient de relever la réaction équivoque du requérant face aux mises en garde provenant de la représentation de la Commission à Marseille et en particulier les affirmations qu’il a formulées, selon lesquelles la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse serait « connue pour son professionnalisme », aurait « une aura incontestable dans sa région et [serait] capable de mener à bien d’importants projets ayant par le passé accueilli parfois plusieurs membres de la Commission » (voir la note à l’attention de M. C., du 4 mars 2002, signée par le requérant, et la note à l’attention de M. C., du 19 avril 2002, non signée, sous le papier à en-tête de la représentation de la Commission en France, toutes deux produites par la Commission à la demande du Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure).

103    Enfin, le directeur général de la DG « Presse et communication » avait reçu de la part de fonctionnaires de ses services ayant souhaité garder l’anonymat mais qu’il a déclaré bien connaître, des dénonciations précises et circonstanciées d’irrégularités concernant notamment les relations entretenues entre le requérant et le président de la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse, l’attribution de subventions pour des projets fictifs au sein de cette Maison de l’Europe, la gestion du groupement d’intérêt économique Sources d’Europe et des faits de favoritisme dans le cadre d’appels d’offres.

104    Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, le directeur général de la DG « Presse et communication » pouvait raisonnablement se considérer dans l’obligation d’informer l’OLAF sans délai des éléments de fait dont il avait connaissance, afin que ce dernier procède à une enquête qui seule pouvait permettre de vérifier le bien-fondé des allégations de fraudes.

105    Le directeur général de la DG « Presse et communication » n’a donc pas méconnu les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation en communiquant à l’OLAF, par note du 6 novembre 2002, les éléments de fait dont il avait connaissance, lesquels laissaient présumer l’existence d’irrégularités telles que visées à l’article 2, premier alinéa, de la décision 1999/396.

–       Sur les dysfonctionnements observés dans le système de communication interne de la Commission

106    Le rapport de l’OLAF a mis en lumière des dysfonctionnements dans le système de communication interne de la Commission, lesquels ont pu avoir des conséquences défavorables pour le requérant.

107    En effet, une note du 6 décembre 2000, portant sur des vérifications effectuées en complément du rapport d’audit du 27 novembre 2000 et dans laquelle était mentionnée l’existence d’un risque de projets fictifs au sein de la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse, n’a pas été transmise à la représentation de la Commission à Paris par les services de la DG « Presse et communication » à Bruxelles. Selon le rapport de l’OLAF, « [l]e fait que le [s]iège n’ait pas transmis à la [r]eprésentation la note de vérification complémentaire du 6 décembre 2000 a donc indirectement contribué à augmenter les soupçons de l’OLAF à l’égard [du requérant et de son adjoint] ».

108    Par ailleurs, le directeur général de la DG « Éducation et culture » et le chef du service « Presse et communication », dans leur note cosignée du 21 mars 2001, avaient indiqué que parallèlement à l’information du directeur général de l’OLAF par ladite note, le chef de la représentation de la Commission en France ainsi que le chef de l’unité en charge des Maisons de l’Europe et des Info-Points Europe avaient été invités à « faire rapport » sur les éléments dont ils pourraient avoir eu connaissance et qui auraient été susceptibles d’éclairer l’affaire. Pour une raison qui n’a pas été expliquée par la Commission, une telle invitation n’est jamais parvenue au requérant. Le rapport d’enquête final de l’OLAF souligne que « en lieu et place de ce rapport commun qui était attendu par l’OLAF comme élément complémentaire important dans la poursuite de son enquête externe, la DG ‘Presse et communication’ [lui] a transmis […] en novembre 2001 deux notes confidentielles rédigées et signées par la représentation de [la Commission à] Paris mais exprimant aussi le point de vue de l’unité ‘Presse’ [de ladite DG] ».

109    Toutefois, même si ces dysfonctionnements dans le système interne de communication de la Commission ont certes pu à l’origine aggraver d’une manière injustifiée les soupçons de l’OLAF à l’égard du requérant, il existait à l’époque un faisceau d’autres éléments graves et concordants qui justifiaient à eux seuls l’ouverture d’une enquête.

110    D’une part, les dénonciations explicites reçues par le directeur général de la DG « Presse et communication » émanant de certains fonctionnaires contenaient des allégations de fraudes précises et circonstanciées. D’autre part, le rapport d’audit du 27 novembre 2000 et la note de vérification complémentaire du 6 décembre suivant mettaient en lumière l’existence de déficiences comptables et d’un risque de projets fictifs au sein de la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse.

111    Les dysfonctionnements observés dans le système interne de communication de la Commission n’ont donc pas eu de rapport de cause à effet déterminant sur l’ouverture de l’enquête de l’OLAF. Dès lors, ils n’apparaissent pas susceptibles d’engager la responsabilité non contractuelle de la Commission pour faute de service.

112    Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

b)     Sur le premier moyen, tiré du caractère abusif et injustifié de la décision de réaffectation à Bruxelles

 Arguments des parties

113    Dans le cadre de ce moyen, le requérant critique l’adoption ainsi que les modalités d’exécution de la décision du 19 novembre 2002 le réaffectant immédiatement à Bruxelles. Selon lui, la Commission aurait commis une faute grave en adoptant cette décision, qui serait entachée d’irrégularité pour plusieurs motifs : elle ne serait pas suffisamment motivée, elle n’aurait pas été prise dans l’intérêt du service, elle serait disproportionnée par rapport aux faits allégués et elle constituerait une sanction qui violerait la présomption d’innocence. Par ailleurs, le requérant relève le défaut de sollicitude de la Commission à son endroit à l’occasion de la décision du 21 janvier 2003 le réaffectant à la représentation à Paris. Dans son mémoire en réplique, le requérant a également relevé que les éléments du dossier convergeaient et démontraient une intention de nuire de la part de la Commission, ce en réponse à l’argument de cette dernière selon lequel la seule hypothèse dans laquelle il serait possible d’envisager une faute de service pouvant donner lieu à dédommagement serait celle d’une intention de nuire, dont l’existence serait contestée en l’espèce. À l’audience, le requérant a toutefois précisé qu’il retirait ses allégations concernant une telle intention, mais qu’il considérait qu’une faute grave avait été commise lors de l’adoption de cette mesure de réaffectation.

114    En premier lieu, le requérant fait valoir que la décision de réaffectation à Bruxelles constituerait un acte lui faisant grief et que, dès lors, elle aurait dû être motivée, conformément à l’article 25, deuxième alinéa, du statut. Or, la seule indication portée dans la note du 19 novembre 2002 accompagnant la décision de réaffectation, selon laquelle ladite réaffectation avait été décidée afin de « faciliter le bon déroulement de l’enquête », ne constituerait pas une motivation suffisante. L’argument de la Commission selon lequel cette décision serait intervenue dans un contexte connu du requérant ne serait pas pertinent en l’espèce, puisque le rapport d’enquête final de l’OLAF attesterait que les services de la DG « Presse et communication » basés à Bruxelles avaient tenu l’intéressé dans l’ignorance de certains faits observés à l’Info-Point Europe d’Avignon.

115    En deuxième lieu, le requérant souligne que la mesure de réaffectation dont il a fait l’objet aurait totalement dérogé aux règles habituelles de rotation et ne pouvait donc pas être assimilable à une simple réaffectation dans l’intérêt du service.

116    En troisième lieu, il fait valoir que cette mesure de réaffectation serait disproportionnée par rapport aux faits allégués. Il souligne notamment que la proposition qu’il avait faite à la Commission de se mettre en congé pendant la durée de l’enquête de l’OLAF aurait été tout aussi conforme à l’intérêt du service, tout en étant plus respectueuse de ses intérêts.

117    En quatrième lieu, il fait observer qu’une mesure de réaffectation fondée exclusivement sur une présomption d’implication dans un cas de fraude ne serait compatible ni avec le principe de la présomption d’innocence, ni avec le règlement n° 1073/1999, qui dispose dans son considérant 10 que les enquêtes doivent être conduites « dans le respect du statut […], ainsi que dans le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et notamment du principe d’équité, du droit pour la personne impliquée de s’exprimer sur les faits qui la concernent ». Il soutient que cette réaffectation brutale serait apparue comme une sanction sans proportion avec les faits allégués, dans la mesure où elle n’aurait été présentée comme revêtant un caractère conservatoire que tardivement.

118    Enfin, le requérant critique l’absence de sollicitude de la Commission à son égard lors de son rétablissement dans ses fonctions à Paris et lors de la remise du rapport d’enquête final de l’OLAF. Il fait valoir que la décision le réaffectant en tant que chef de la représentation de la Commission à Paris, annoncée publiquement le 20 décembre 2002 lors d’une conférence de presse donnée par le porte-parole de la Commission, n’a été signée par le directeur général de la DG « Presse et communication » que le 20 janvier 2003. En outre, cette réaffectation n’aurait pas été entourée d’une publicité adéquate, dans la mesure, où lors de ladite conférence de presse, le porte-parole de la Commission aurait pris soin de souligner que l’enquête n’était pas terminée, tout en invitant les journalistes à rester prudents. Enfin, le requérant soutient que la brève déclaration de sympathie du porte-parole de la Commission, faite au hasard d’une question d’un journaliste, le 17 juin 2003, ne saurait compenser l’absence de diffusion d’un communiqué de presse à la suite de la remise du rapport d’enquête final de l’OLAF, lequel aurait dû être la contrepartie équitable du communiqué du 21 novembre 2002.

119    La Commission conteste toute faute et considère que la décision de réaffectation du requérant à Bruxelles était suffisamment motivée, qu’elle a été prise dans l’intérêt du service, qu’elle était proportionnée par rapport aux faits allégués, qu’elle constituait une mesure conservatoire visant à assurer le bon déroulement de l’enquête, et qu’elle était insusceptible de violer le principe de la présomption d’innocence.

120    La Commission relève que cette décision a été prise sur la base de l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, du statut, dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, visant la possibilité pour l’AIPN d’affecter, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service, chaque fonctionnaire à un emploi de sa catégorie ou de son grade. S’agissant de l’argument selon lequel la réaffectation du requérant aurait totalement dérogé aux règles habituelles de rotation, elle rétorque que la situation ne se prêtait pas à une rotation habituelle. En effet, la situation de l’espèce étant exceptionnelle, elle pouvait appeler une réponse l’étant également.

121    S’agissant du grief selon lequel la mesure de réaffectation du requérant à Bruxelles violerait le principe de proportionnalité, la Commission a fait valoir, à l’audience, qu’aucune autre mesure n’était envisageable en l’espèce. Concernant plus précisément l’argument selon lequel accepter la proposition du requérant de « se mettre en congé sans solde » pendant la durée de l’enquête aurait été une mesure tout aussi conforme à l’intérêt du service, tout en étant plus respectueuse des intérêts de l’intéressé, la Commission a observé à l’audience que l’article 62 du statut interdit à un fonctionnaire de renoncer à son droit de percevoir la rémunération afférente à son grade et à son échelon. Elle a également ajouté que confier au requérant une mission à Bruxelles n’aurait pas non plus été une solution envisageable en l’espèce. En effet, la caractéristique d’une mission serait d’être de courte durée. Or, au moment de l’adoption de la mesure de réaffectation du requérant à Bruxelles, il n’aurait pas été possible de préjuger de la durée de l’enquête de l’OLAF. En outre, une mission aurait présenté l’inconvénient de générer des frais supplémentaires à la charge de l’institution.

122    Concernant le grief tiré d’une violation du principe de la présomption d’innocence, la Commission fait valoir que l’argumentation du requérant manquerait en fait, dans la mesure où le directeur général de la DG « Presse et communication » et porte-parole de la Commission aurait rappelé à de multiples reprises que l’intéressé continuait à bénéficier de ce principe. Elle soutient également que cette argumentation manquerait en droit, en invoquant l’article 23 de l’annexe IX du statut, qui prévoit la possibilité de suspendre un fonctionnaire de ses fonctions, en attendant l’issue d’une procédure disciplinaire. Une telle suspension ne constituerait pas une sanction, mais une mesure purement conservatoire, qui ne viole pas la présomption d’innocence. Ce qui vaudrait pour une mesure de suspension s’imposerait a fortiori dans le cas d’une simple réaffectation, sans suspension, le temps de mener une phase courte d’une enquête. Selon la Commission, la présomption d’innocence ne saurait empêcher l’adoption de mesures conservatoires destinées à assurer la sérénité, l’objectivité et l’efficacité d’une enquête.

123    À titre plus général, la Commission fait également observer qu’une décision administrative doit s’apprécier exclusivement en fonction des circonstances connues à l’époque des faits. Or, au moment des faits litigieux, il n’aurait existé aucune raison pour le directeur général de la DG « Presse et communication » de ne pas suivre les recommandations de l’OLAF visant à éloigner le requérant de la représentation de la Commission à Paris pendant la phase de l’enquête s’y déroulant.

 Appréciation du Tribunal

124    Dans le cadre de l’argumentation développée dans le premier moyen, le requérant fait valoir, en substance, trois griefs. Les deux premiers griefs sont dirigés contre la décision de réaffectation du 19 novembre 2002 et sont tirés, d’une part, de l’insuffisance de sa motivation et, d’autre part, de violations de l’intérêt du service, du principe de proportionnalité et du principe du respect de la présomption d’innocence qui entacheraient ladite décision. Dans le cadre du troisième grief, le requérant soutient que la Commission aurait violé son devoir de sollicitude d’une part lorsqu’elle l’a rétabli dans ses fonctions précédentes à Paris et, d’autre part, lors de la remise du rapport d’enquête final de l’OLAF. Le grief relatif à la violation du devoir de sollicitude lors de la remise du rapport d’enquête final de l’OLAF sera abordé dans le cadre du deuxième moyen.

–       Sur le grief tiré de l’insuffisance de motivation de la décision de réaffectation à Bruxelles

125    Les doutes émis par la Commission quant à la recevabilité du recours en responsabilité dans son ensemble, au motif que le requérant n’aurait pas contesté la décision de réaffectation lui faisant grief selon la procédure prévue par les articles 90 et 91 du statut, doivent être interprétés comme une contestation de la recevabilité des griefs dirigés contre ladite décision de réaffectation.

126    Nonobstant ce fait, il n’y a pas lieu en l’espèce de statuer sur la recevabilité du grief tiré de l’insuffisance de motivation de ladite décision, dans la mesure où celui-ci est en toute hypothèse dépourvu de fondement.

127    En effet, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée à l’article 253 CE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte. Il s’ensuit que l’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit communautaire auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses (arrêts du Tribunal de première instance du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 73, et du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, RecFP p. I‑A‑203 et II‑903, point 105).

128    L’étendue de l’obligation de motivation doit, dans chaque cas, être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑135/00, RecFP p. I‑A‑265 et II‑1313, point 28). En particulier, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêts du Tribunal de première instance du 6 juillet 1995, Ojha/Commission, T‑36/93, RecFP p. I‑A‑161 et II‑497, point 60, et du 1er avril 2004, N/Commission, T‑198/02, RecFP p. I‑A‑115 et II‑507, point 70).

129    La jurisprudence précise également qu’une décision impliquant un déplacement d’un fonctionnaire contre sa volonté constitue un acte lui faisant grief au sens de l’article 25, deuxième alinéa, du statut et doit, dès lors, être motivée (arrêts Ojha/Commission, précité, point 42, et du Tribunal de première instance du 23 novembre 1999, Sabbioni/Commission, T‑129/98, RecFP p. I‑A‑223 et II‑1139, point 28).

130    En l’espèce, la note du 19 novembre 2002 communiquant au requérant la décision de réaffectation à Bruxelles indiquait que cette décision avait été prise dans l’intérêt du service et afin de faciliter le bon déroulement de l’enquête que l’OLAF venait d’ouvrir concernant le fonctionnement de la représentation de la Commission à Paris. Ladite note précisait également au requérant que son affectation précise lui serait communiquée dans les jours suivants.

131    Préalablement à la communication de la décision du 19 novembre 2002, le directeur général de la DG « Presse et communication » avait informé le requérant de l’ouverture de l’enquête de l’OLAF, par une note du 15 novembre 2002, et une entrevue avait eu lieu entre eux le 18 novembre suivant à Bruxelles.

132    Il s’ensuit que, en précisant dans la note du 19 novembre 2002 que la décision de réaffectation avait était prise afin de faciliter le bon déroulement de l’enquête, dans un contexte dont le requérant avait été informé et qui avait été discuté avec lui lors d’une entrevue, l’AIPN a donné au requérant une indication suffisante pour permettre, d’une part, à l’intéressé d’apprécier le bien-fondé de cette décision et, d’autre part, au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité.

133    Le grief tiré de l’insuffisance de motivation de la décision de réaffectation du 19 novembre 2002 est donc dépourvu de fondement.

–       Sur les griefs tirés d’une violation de l’intérêt du service, du principe de proportionnalité et du principe de la présomption d’innocence

134    De même que pour le grief tiré d’une insuffisance de motivation de la décision du 19 novembre 2002, il n’y a pas lieu de statuer sur la contestation implicite, de la part de la Commission, de la recevabilité de ces griefs, dans la mesure où ceux-ci sont en tout état de cause dépourvus de fondement.

135    À titre liminaire, il convient de rappeler que, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires en considération de leurs aptitudes et de leurs préférences personnelles, il ne saurait être reconnu pour autant aux fonctionnaires le droit d’exercer ou de conserver des fonctions spécifiques (arrêt du Tribunal de première instance du 6 mars 2001, Campoli/Commission, T‑100/00, RecFP p. I‑A‑71 et II‑347, point 71). Dès lors, même si le statut, en particulier son article 7, ne prévoit pas explicitement la possibilité de « réaffecter » un fonctionnaire, il ressort d’une jurisprudence constante que les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et dans le respect de l’équivalence des emplois (arrêts de la Cour du 23 mars 1988, Hecq/Commission, 19/87, Rec. p. 1681, et du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, Rec. p. I‑5863).

136    Compte tenu de l’étendue du pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions pour évaluer l’intérêt du service, le Tribunal doit se limiter à vérifier si l’AIPN s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêts du Tribunal de première instance du 12 décembre 2000, Dejaiffe/OHMI, T‑223/99, RecFP p. I‑A‑277 et II‑1267, point 53, et du 21 septembre 2004, Soubies/Commission, T‑325/02, RecFP p. I‑A‑241 et II‑1067, point 50).

137    Selon une jurisprudence également constante, si le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public, les exigences de ce devoir ne sauraient empêcher l’AIPN d’adopter les mesures qu’elle estime nécessaires dans l’intérêt du service, puisque le pourvoi de chaque emploi doit se fonder en premier lieu sur l’intérêt du service (arrêts du Tribunal de première instance du 16 décembre 1993, Turner/Commission, T‑80/92, Rec. p. II‑1465, point 77, et du 24 novembre 2005, Marcuccio/Commission, T‑236/02, RecFP p. I‑A‑365 et II‑1621, point 129).

138    C’est à la lumière de ces principes et dans le cadre du contrôle restreint qu’ils assignent au Tribunal qu’il convient d’examiner les griefs du requérant tirés de violations de l’intérêt du service, du principe de proportionnalité et de celui de la présomption d’innocence.

139    S’agissant du grief selon lequel la décision de réaffectation du 19 novembre 2002 serait contraire à l’intérêt du service, il convient de rappeler, quant au contexte factuel de l’espèce, que l’enquête interne ouverte par l’OLAF concernait de possibles irrégularités au sein de la DG « Presse et communication », plus précisément à la représentation de la Commission à Paris, et que le requérant assumait une position dirigeante au sein de ladite représentation. En outre, sa réaffectation pendant la durée de l’enquête résultait d’une recommandation du directeur général de l’OLAF tendant à lui interdire, ainsi qu’à son adjoint, tout accès aux bureaux de la représentation pendant la période considérée, afin d’assurer le bon déroulement de cette enquête.

140    Il a été jugé que la sérénité et le bon déroulement d’investigations de ce type pouvaient, dans l’attente de leur résultat, constituer la justification d’une décision de réaffectation (arrêts du Tribunal de première instance du 7 février 2007, Clotuche/Commission, T‑339/03, RecFP p. I-A-2-0000 et II-A-2-0000, point 69, et Caló/Commission, T‑118/04 et T‑134/04, RecFP p. I-A-2-0000 et II-A-2-0000, point 113).

141    Le but poursuivi par la mesure contestée par le requérant répond donc à un intérêt du service. Il reste toutefois à déterminer si les moyens utilisés pour atteindre ce but légitime ont respecté les exigences du principe de proportionnalité.

142    À cet égard et compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’institution pour évaluer l’intérêt du service, il y a lieu de constater que la réaffectation du requérant à Bruxelles, pendant la durée de l’enquête de l’OLAF au sein de la représentation de la Commission à Paris, n’est pas manifestement disproportionnée par rapport au but poursuivi par la mesure, à savoir éviter tout risque de conflit d’intérêt et assurer le bon déroulement de l’enquête. Le fait que d’autres options, à savoir accepter la proposition du requérant de se mettre en congé ou lui confier une mission, aient pu être tout aussi conforme à l’intérêt du service tout en étant plus respectueuse des intérêts de l’intéressé, ne suffit pas, en soi, à rendre disproportionnée ladite mesure de réaffectation.

143     S’agissant du grief tiré d’une violation du principe de la présomption d’innocence, il convient de constater que la mesure de réaffectation du requérant à Bruxelles ne visait pas à le sanctionner mais constituait une mesure conservatoire, dont la durée a été limitée à celle de l’enquête de l’OLAF dans les locaux de la représentation de la Commission à Paris.

144    En outre, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, des difficultés relationnelles internes ou externes, lorsqu’elles causent des tensions préjudiciables au bon fonctionnement du service, peuvent justifier la réaffectation d’un fonctionnaire dans l’intérêt du service. Une telle mesure peut même être prise indépendamment de la question de la responsabilité des incidents en cause (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 12 juillet 1979, List/Commission, 124/78, Rec. p. 2499, point 13, et Ojha/Commission, précité, point 41). Or, il y a lieu de considérer que, si l’intérêt du service justifie que l’on déplace un fonctionnaire afin de mettre fin à un conflit purement interne perturbant le bon fonctionnement du service, et cela sans qu’aucune responsabilité incombant au fonctionnaire réaffecté ne soit démontrée, ce même intérêt justifie également l’adoption d’une mesure visant à permettre qu’une enquête se déroule dans la sérénité, et cela toujours sans qu’aucune responsabilité ne soit attribuée au fonctionnaire réaffecté, relativement aux questions faisant l’objet de l’enquête (arrêts Clotuche/Commission, précité, point 71, et Caló/Commission, précité, point 109).

145    Enfin, il convient également de souligner que la légalité d’un acte individuel doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris (arrêt du Tribunal de première instance du 4 juin 2003, Del Vaglio/Commission, T‑124/01 et T‑320/01, RecFP p. I‑A‑157 et II‑767, point 77). Dès lors, les éléments que l’enquête a révélés postérieurement à l’adoption de la décision de réaffectation et qui ont mis hors de cause le requérant ne sauraient affecter la légalité de ladite décision, l’objet même de l’enquête ainsi que des mesures prises afin d’assurer sa sérénité et son bon déroulement étant de déterminer si les suspicions initiales étaient fondées.

146    Dans ces circonstances, il convient de constater que la Commission n’a pas dépassé les limites du large pouvoir d’appréciation dont elle jouit en la matière en considérant que la sérénité et le bon déroulement de l’enquête de l’OLAF et, notamment, des auditions des membres du personnel de la représentation de la Commission à Paris, seraient mieux assurés si le requérant ne conservait pas ses fonctions pendant la durée de cette enquête au sein de ladite représentation. Ainsi, dès lors que la Commission avait constaté que la situation préexistante pouvait s’avérer préjudiciable au bon déroulement des investigations décidées par l’OLAF, elle était en droit d’estimer, en application de son large pouvoir d’appréciation, que l’intérêt du service justifiait une mesure de réaffectation du requérant (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 16 avril 2002, Fronia/Commission, T‑51/01, RecFP p. I‑A‑43 et II‑187, point 55, Clotuche/Commission, précité, point 76, et Caló/Commission, précité, point 114).

147    Les griefs selon lesquels la décision de réaffectation litigieuse violerait l’intérêt du service, le principe de proportionnalité et celui de la présomption d’innocence sont donc dénués de fondement.

–       Sur le grief tiré d’une violation du devoir de sollicitude lors du rétablissement du requérant dans ses fonctions à Paris

148    S’agissant du comportement non décisionnel de la Commission relatif aux modalités du rétablissement du requérant dans ses fonctions à la représentation à Paris, il y a lieu de constater que c’est par l’intermédiaire de la presse que celui-ci a, en premier lieu, appris la levée de la mesure conservatoire de réaffectation dont il avait fait l’objet. En effet, le fait que plus rien ne s’opposait à la levée de ladite mesure a été annoncé publiquement lors d’une conférence de presse donnée par M. F., en tant que porte-parole de la Commission, le 20 décembre 2002, avant d’être communiqué individuellement au requérant le 6 janvier 2003, lors d’une entrevue que lui a accordée M. F., cette fois en tant que directeur général de la DG « Presse et communication ». Entre-temps, la presse française s’était fait l’écho de la levée de cette mesure conservatoire. La décision réaffectant le requérant dans ses fonctions à la représentation de la Commission à Paris n’a été signée par le directeur général de la DG « Presse et communication » que le 20 janvier 2003, avec effet rétroactif au 19 décembre 2002. La justification fournie par la Commission revient à affirmer qu’il suffisait au requérant de lire la presse pour apprendre que plus rien ne s’opposait à la levée par l’AIPN de la mesure conservatoire dont il avait fait l’objet.

149    En agissant de la sorte, la Commission a méconnu l’intérêt légitime du requérant à être informé directement par l’AIPN, et non par le biais de la presse, d’une évolution décisive de sa situation professionnelle. Dès lors, ce comportement n’a pas respecté l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créé entre l’autorité publique et les agents du service public et est, par conséquent, constitutif d’une violation du devoir de sollicitude de la Commission à l’égard du requérant.

150    Il s’ensuit que le premier moyen doit être accueilli en ce qui concerne le grief tiré d’une violation du devoir de sollicitude lors du rétablissement du requérant dans ses fonctions à Paris, et rejeté comme non fondé pour le surplus.

c)     Sur le deuxième moyen, tiré du non-respect de la confidentialité de l’enquête

 Arguments des parties

151    Le requérant considère que la Commission aurait violé le principe de confidentialité des enquêtes de l’OLAF et donné à la réaffectation dont il a fait l’objet une publicité inappropriée, par son communiqué de presse du 21 novembre 2002 et les déclarations de son porte-parole lors de la conférence de presse du même jour. Il soutient, en outre, que ledit porte-parole aurait tenu, lors de cette même conférence de presse, des propos publics de nature à nuire à sa réputation.

152    Selon le requérant, le communiqué de presse du 21 novembre 2002, diffusé à plusieurs centaines de journalistes, aurait été sans précédent et aurait permis aux destinataires d’identifier très rapidement les fonctionnaires concernés, compte tenu de la visibilité de leur poste. Cette médiatisation inhabituelle aurait violé le principe de la confidentialité des enquêtes de l’OLAF, prévu par l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1073/1999.

153    Le requérant fait également valoir que le porte-parole de la Commission, en affirmant à tort, lors de la conférence de presse du 21 novembre 2002, que la gestion des subventions litigieuses des Maisons de l’Europe dépendait des représentations, aurait diffusé une affirmation calomnieuse et diffamatoire, de nature à accréditer sa responsabilité, en tant que chef de la représentation de la Commission à Paris, voire sa complicité dans les fraudes alléguées.

154    Selon le requérant, ces différentes informations auraient entraîné la publication d’un article dévastateur pour lui, dans le journal Le Monde du 23 novembre 2002.

155    La Commission conteste avoir violé le principe de confidentialité des enquêtes de l’OLAF et fait valoir que ses représentants n’ont jamais divulgué le nom du requérant, mais que ce sont des journalistes qui en ont pris l’initiative. Elle précise que le communiqué de presse du 21 novembre 2002 a été publié notamment dans l’intérêt du requérant, afin de couper court à de possibles spéculations et rumeurs qui auraient pu naître en raison de l’intérêt que des journalistes montraient pour les faits litigieux.

156    La Commission nie en outre l’existence de tout propos de nature à nuire à la réputation du requérant et précise que son porte-parole n’a jamais prétendu abusivement, lors de la conférence de presse du 21 novembre 2002, que le requérant était responsable de l’ensemble des dépenses engagées en France, et, notamment, de celles relatives à la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse.

157    Plus généralement, la Commission soutient que ses représentants ne sauraient engager la responsabilité de l’institution en s’exprimant sur des faits publics qui font l’objet de questions, aussi longtemps qu’ils le font avec toutes les réserves appropriées, ce qui aurait été le cas lors des conférences de presse de novembre et décembre 2002.

158    Enfin, la Commission souligne que le requérant a bénéficié d’une publicité adéquate aussi bien lors de sa réaffectation à Paris qu’à la suite du rapport d’enquête final de l’OLAF, ce par les conférences de presse des 20 décembre 2002 et 17 juin 2003.

 Appréciation du Tribunal

159    Dans le cadre de l’argumentation développée dans le deuxième moyen, le requérant fait valoir, en substance, trois griefs, tirés respectivement d’une violation de l’obligation de confidentialité des enquêtes de l’OLAF, du caractère inapproprié de la publicité donnée à la réaffectation dont il a fait l’objet et de l’existence de propos calomnieux et diffamatoires tenus à son égard par le porte-parole de la Commission lors de la conférence de presse du 21 novembre 2002. Dans le cadre du premier moyen, le requérant soutient, en outre, que la Commission aurait violé son devoir de sollicitude lors de la remise du rapport final d’enquête de l’OLAF.

160    Il y a lieu d’examiner ensemble les griefs tirés d’une violation de l’obligation de confidentialité des enquêtes de l’OLAF, du caractère inapproprié de la publicité donnée à la réaffectation dont le requérant a fait l’objet, ainsi que celui tiré d’une violation du devoir de sollicitude lors de la remise du rapport d’enquête final de l’OLAF, dans la mesure où ceux-ci sont fortement corrélés.

–       Sur les griefs tirés d’une violation de l’obligation de confidentialité des enquêtes de l’OLAF, du caractère inapproprié de la publicité donnée à la réaffectation du requérant et d’une violation du devoir de sollicitude lors de la remise du rapport final de l’OLAF

161    L’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1073/1999 définit de manière large une règle de confidentialité des enquêtes de l’OLAF. Cette règle est à interpréter dans son contexte et notamment à la lumière du considérant 10 de ce même règlement, qui dispose que les enquêtes de l’OLAF doivent être conduites dans le plein respect des libertés fondamentales. Dès lors, cette règle ne doit pas être interprétée comme visant uniquement à protéger la confidentialité des informations en vue de la mise au jour de la vérité, mais doit être considérée comme ayant également pour but de sauvegarder la présomption d’innocence, et donc la réputation, des fonctionnaires ou agents concernés par ces enquêtes.

162    En outre, il convient de souligner que le bon déroulement d’une enquête peut impliquer que ses modalités restent confidentielles et que son existence même reste ignorée des personnes visées par les investigations. L’article 4, premier alinéa, de la décision 1999/396 prévoit ainsi qu’un fonctionnaire puisse ne pas être informé de sa possible implication dans les faits sur lesquels porte l’enquête, si cela risque de nuire à celle-ci. Outre la protection spécifique garantie par l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1073/1999, tant le principe de bonne administration que le devoir de sollicitude, tout comme le respect des prérogatives d’enquête dévolues à un organe indépendant tel que l’OLAF, justifient que l’institution dont relève le fonctionnaire concerné fasse preuve de la plus grande prudence et retenue dans la publicité donnée à des allégations ou soupçons de fraude. Ces considérations s’imposent d’autant plus, particulièrement au regard du droit de toute personne à la présomption d’innocence, lorsque aucune conclusion n’a encore été tirée d’une enquête de l’OLAF.

163    Le devoir de sollicitude implique que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de l’intérêt du fonctionnaire concerné (arrêts du Tribunal de première instance du 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission, T‑133/02, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1617, point 107, et du 3 mars 2004, Vainker/Parlement, T‑48/01, RecFP p. I‑A‑51 et II‑197, point 125).

164    La jurisprudence précise que, en présence d’accusations graves portées envers l’honorabilité d’un fonctionnaire, il incombe à l’administration d’éviter une publication des accusations qui n’est pas strictement nécessaire (arrêt de la Cour du 11 juillet 1974, Guillot/Commission, 53/72, Rec. p. 791, points 3 à 5). Il a également été jugé que, en vertu de son devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, l’institution en cause est tenue d’éviter qu’un fonctionnaire fasse l’objet de déclarations qui puissent entacher son honorabilité professionnelle. Ceci a pour conséquence que, en principe, l’administration doit, d’une part, éviter de donner à la presse des informations qui pourraient causer un préjudice au fonctionnaire en cause et, d’autre part, prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, au sein de l’institution, toute forme de diffusion d’informations qui pourraient avoir un caractère diffamatoire à l’encontre de celui-ci (voir ordonnance du président du Tribunal de première instance du 12 décembre 1995, Connolly/Commission, T‑203/95 R, Rec. p. II‑2919, point 35).

165    Ceci étant, il y a lieu de constater qu’une culture de responsabilité s’est affirmée au sein des institutions communautaires, répondant notamment au souci du public d’être informé et assuré de ce que les dysfonctionnements et les fraudes soient identifiés et, le cas échéant, dûment éliminés et sanctionnés. Cette exigence a pour conséquence que les fonctionnaires et agents titulaires de postes à responsabilité au sein d’une administration telle que la Commission doivent prendre en compte l’existence possible d’un besoin justifié de communiquer certaines informations au public.

166    Doit ensuite être souligné que, dès qu’une enquête fondée sur des suspicions de fraude est ouverte, une certaine atteinte à la réputation est susceptible de naître, notamment si cette enquête donne lieu à une publicité à l’extérieur de l’institution. Une mise hors de cause de l’intéressé à l’issue d’une enquête ayant fait l’objet d’une telle publicité suffit rarement à effacer intégralement l’atteinte à la réputation qu’il a subie. Dans le cadre de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, le préjudice engendré par l’ouverture et la conduite d’une enquête ne peut être réparé que si l’institution en cause a commis une faute qui engage sa responsabilité, aussi regrettable que cela puisse être pour l’individu éventuellement mis hors de cause à l’issue de cette enquête. Par ailleurs, dans la mesure où, en sus de ce préjudice moral, une maladie professionnelle au sens de l’article 73 du statut résulterait d’une enquête, cette dernière disposition permet au fonctionnaire d’obtenir une compensation sous la forme d’une somme forfaitaire, sans qu’il soit nécessaire pour lui de prouver une quelconque faute de la part de l’institution.

167    Compte tenu de l’existence possible d’un besoin justifié de communiquer certaines informations au public, l’intensité du devoir de sollicitude qui incombe à l’administration à l’égard de ses agents doit être accrue. Ce renforcement du devoir de sollicitude dans le cadre particulier d’une enquête apparaît d’autant plus nécessaire dans un contexte où les médias sont susceptibles de mettre publiquement en cause l’honorabilité ou la réputation professionnelle d’individus, aggravant ainsi les préjudices déjà subis par ces derniers, au point de les rendre irréparables.

168    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner les mesures de publicité adoptées par la Commission relativement à l’ouverture de l’enquête de l’OLAF et à la réaffectation du requérant.

169    En l’espèce, dès lors que l’AIPN avait choisi, dans l’exercice légitime de son pouvoir d’appréciation, de réaffecter le requérant à Bruxelles pendant la durée de l’enquête, l’institution était en droit de considérer que l’intérêt du service justifiait l’adoption de mesures d’information du public relativement à cette réaffectation. En effet, compte tenu, d’une part, du fait que le requérant était en contact régulier avec la presse en raison de ses fonctions de chef de la représentation de la Commission à Paris et, d’autre part, de l’intérêt que des journalistes avaient déjà manifesté envers les soupçons d’irrégularités au sein de la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse, certains d’entre eux auraient inévitablement constaté son absence au sein de ladite représentation si aucune information n’avait été donnée par l’institution. La constatation de cette absence n’aurait pas manqué d’alimenter diverses spéculations de la presse, susceptibles de nuire tant aux intérêts du requérant qu’à ceux de la Commission.

170    Cette levée inévitable de la confidentialité concernant non seulement l’adoption de la mesure de réaffectation mais aussi l’identité du requérant, qui était à l’évidence l’un des deux fonctionnaires visés par ladite mesure, découlait de la nature du poste occupé par ce dernier et non de la volonté de la Commission, et entraînait un intérêt évident du service à recourir à une publicité appropriée pour éviter des rumeurs dommageables pour les deux fonctionnaires comme pour l’institution. Ainsi, dans les circonstances particulières de l’espèce, ni la révélation à la presse de l’existence d’une enquête de l’OLAF ni celle de la réaffectation des deux fonctionnaires concernés ne sauraient, en soi, être considérées comme enfreignant les impératifs de confidentialité propres aux enquêtes de l’OLAF.

171    Il reste toutefois à déterminer si la publicité accordée en la matière par la Commission est restée dans les limites de ce qui était justifié par l’intérêt du service.

172    Or, force est de constater que l’information qui a été donnée à la presse par la Commission durant l’enquête de l’OLAF n’a pas respecté le juste équilibre entre les intérêts du requérant et ceux de l’institution. Si l’objectif initial de la Commission de couper court aux rumeurs et spéculations qui n’auraient pas manqué de naître en l’absence de toute information donnée sur la réaffectation du requérant était légitime, la publicité donnée par celle-ci dès l’ouverture de l’enquête de l’OLAF jusqu’à la présentation du rapport d’enquête final de ce dernier apparaît critiquable à plusieurs égards.

173    D’une part, le fait que la Commission ait pris l’initiative de publier son propre communiqué de presse, en plus du communiqué publié par l’OLAF annonçant l’ouverture de l’enquête, constitue une pratique relativement exceptionnelle, ainsi que l’a précisé la Commission à l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal. Ce choix assez inhabituel, qui ne pouvait qu’attirer l’attention sur les faits litigieux, imposait dès lors à la Commission de prêter une attention particulière aux intérêts du requérant et de mettre en place des garanties spéciales visant à protéger ses intérêts.

174    D’autre part, la formulation du communiqué de presse publié par la Commission laissait entendre que les deux intéressés réaffectés à Bruxelles étaient personnellement impliqués dans les possibles irrégularités qui faisaient l’objet de l’enquête de l’OLAF. Même si les fonctionnaires en cause n’étaient pas nommés dans ledit communiqué de presse, le contexte permettait aisément leur identification par tout journaliste raisonnablement informé. Ainsi, le fait, invoqué par la Commission, qu’elle n’ait pas cité nommément les fonctionnaires en cause, apparaît dénué de pertinence à cet égard.

175    Enfin, ce communiqué de presse contient une inexactitude. Il y est en effet indiqué que la Commission a demandé à l’OLAF d’examiner la possibilité d’ouvrir une enquête, alors qu’à la date de la publication dudit communiqué, le 21 novembre 2002, la Commission savait pertinemment qu’une enquête était déjà en cours, puisque cette dernière avait été ouverte le 15 novembre 2002.

176    Certes, lors de la conférence de presse du 21 novembre 2002, le porte-parole de la Commission s’est exprimé avec certaines réserves. En effet, il a notamment pris la précaution de souligner que personne ne faisait l’objet d’accusations et que les décisions de réaffectation dans un autre service au sein de la même direction générale avaient été prises afin d’éviter tout conflit d’intérêt et d’assurer le bon déroulement de l’enquête. Toutefois, la relative circonspection avec laquelle ledit porte-parole s’est exprimé lors de cette conférence de presse n’a pas été suffisante pour effacer le préjudice infligé au requérant lors de la publication du communiqué de presse du 21 novembre 2002, qui a mis en cause les deux fonctionnaires et provoqué les questions ultérieures des journalistes.

177    Il y a également lieu de constater que la Commission n’a donné, de sa propre initiative, aucune publicité au rapport d’enquête final de l’OLAF, daté du 6 mai 2003, dont les conclusions mettent le requérant hors de cause en ce qui concerne les allégations ayant entraîné l’ouverture de cette enquête. La seule prise de position publique de la Commission à la suite de ce rapport a eu lieu en réponse à une question posée par un journaliste, le 17 juin 2003, au cours de la conférence de presse régulière donnée par le porte-parole de la Commission, lequel, à l’occasion de cette question, a exprimé toute sa sympathie, ainsi que celle de l’institution, à l’égard du requérant.

178    Cette prise de position, intervenue relativement tardivement, n’est pas comparable, par ses modalités ni par son intensité, à la publicité qui avait été donnée à la réaffectation du requérant dans le cadre de l’ouverture de l’enquête. Il existe ainsi un net déséquilibre entre la publicité donnée à la réaffectation du requérant dans le cadre de l’ouverture de l’enquête et celle donnée à la suite de la remise du rapport final de l’OLAF. L’importante publicité donnée par la Commission lors de la réaffectation du requérant, qui a eu un effet néfaste évident sur sa réputation, n’a été contrebalancée par aucune action corrective de cette dernière lorsque l’OLAF a publié son rapport d’enquête final.

179    L’argument soulevé par la Commission, selon lequel le requérant aurait été réhabilité par la conférence de presse du 20 décembre 2002, lors de laquelle le porte-parole de la Commission a annoncé publiquement la levée de la mesure conservatoire de réaffectation dont l’intéressé faisait l’objet, ne saurait infirmer cette conclusion. En effet, l’enquête était encore en cours à cette date et les suspicions de fraude, dont la presse avait été informée par le communiqué de presse du 21 novembre 2002, étaient donc encore existantes. Contrairement à ce que soutient la Commission, l’annonce de la levée de la mesure conservatoire dont le requérant faisait l’objet ne peut donc être considérée comme valant réhabilitation de celui-ci.

180    Ainsi, en prenant l’initiative de publier un communiqué de presse dont le contenu laissait entendre que le requérant réaffecté à Bruxelles était personnellement impliqué dans les possibles irrégularités qui faisaient l’objet de l’enquête de l’OLAF et en omettant de prendre les mesures correctives de nature à contrebalancer la publicité négative anormale accordée par la diffusion de ce communiqué de presse, la Commission a insuffisamment pris en compte les intérêts du requérant par rapport à ses propres intérêts et n’a pas réduit au strict minimum le préjudice infligé à celui-ci par l’ouverture de l’enquête. Dès lors, la Commission a violé le devoir de sollicitude qui lui incombe à l’égard de ses agents.

–       Sur le grief tiré de la tenue de propos calomnieux et diffamatoires

181    S’agissant du grief selon lequel, en affirmant, lors de la conférence de presse du 21 novembre 2002, que la gestion des subventions accordées par la Commission aux Maisons de l’Europe dépendait des représentations, le porte-parole de la Commission aurait diffusé une affirmation calomnieuse et diffamatoire, il convient de relever que, même si une telle affirmation manquait à certains égards de précision, celui-ci s’est exprimé avec une relative circonspection, en mentionnant notamment que la gestion de ces subventions relevait de plusieurs intervenants. En outre, il doit être tenu compte du fait que ces déclarations étaient de nature orale, ce qui n’autorise pas à exiger le même degré de précision et de nuances que pour des affirmations écrites. Ces déclarations n’ont donc pas la portée qui est alléguée par le requérant.

182    En conséquence, le grief selon lequel le porte-parole de la Commission aurait tenu des propos calomnieux et diffamatoires est dénué de fondement.

d)     Conclusion du Tribunal sur l’existence d’une faute de la Commission

183    Le Tribunal parvient donc à la conclusion que, d’une part, en méconnaissant l’intérêt légitime du requérant à être informé directement par l’AIPN, et non par le biais de la presse, de son rétablissement dans ses fonctions à Paris, et, d’autre part, en donnant à la réaffectation du requérant dans le cadre de l’enquête de l’OLAF un degré de publicité élevé sans réparer de manière adéquate le préjudice découlant pour celui-ci de cette publicité anormale, la Commission a violé le devoir de sollicitude qui lui incombe à l’égard de ses agents et commis des fautes de service de nature à engager sa responsabilité.

184    Dès lors, il convient d’examiner la réalité des préjudices allégués et l’existence d’un lien de causalité entre les fautes constatées par le Tribunal et les préjudices subis.

2.     Sur les préjudices

a)     Arguments des parties

185    Selon le requérant, les fautes commises par la Commission auraient été à l’origine chez lui d’un grave traumatisme, entraînant un état dépressif profond et durable qui aurait conduit à sa mise en invalidité à la date du 1er mai 2004. En raison de cette mise en invalidité, il aurait subi un préjudice matériel, constitué par la différence entre le montant de son traitement de base et celui de sa pension d’invalidité, pendant la période s’étendant de la date de sa mise en invalidité jusqu’à celle à laquelle il aurait pu prétendre à une pension d’ancienneté, à savoir une période de 55 mois. Son préjudice matériel s’élèverait ainsi à un montant de 264 000 euros.

186    En outre, les fautes de la Commission auraient gravement porté atteinte à son honorabilité et à sa réputation et brisé la fin de sa carrière. Il aurait ainsi subi un préjudice moral, qui serait fortement accru par le refus de l’AIPN de reconnaître les fautes commises, et qu’il conviendrait de chiffrer à un montant de 500 000 euros.

187    Au stade de la procédure écrite, la Commission a fait observer que le préjudice du requérant et le lien de causalité qu’il entretiendrait avec de prétendues fautes ne pourraient être examinés tant que la procédure introduite au titre de l’article 73 du statut ne serait pas arrivée à son terme. Elle a souligné en particulier que le préjudice du requérant devrait être évalué en tenant compte des prestations reçues au titre de cette disposition, conformément à l’arrêt Lucaccioni/Commission, précité.

188    Dans ses observations parvenues au greffe du Tribunal le 10 novembre 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 13 novembre suivant), qui font suite à la renonciation du requérant à la procédure qu’il avait introduite au titre de l’article 73 du statut, la Commission estime que cette dernière circonstance ne serait pas de nature à modifier la portée du litige. Elle fait valoir qu’un préjudice doit être apprécié objectivement et n’est pas à la disposition des parties. Dès lors, le requérant ne saurait, par ladite renonciation, augmenter l’étendue de la réparation qu’il demande pour compenser le préjudice subi. Elle signale d’ailleurs que le requérant aurait tout intérêt à revenir sur sa renonciation et demander la reprise de la procédure qu’il avait introduite au titre de l’article 73 du statut.

189    Dans son mémoire en défense, la Commission souligne, à titre subsidiaire, le caractère excessif des sommes réclamées par le requérant au titre de son préjudice moral.

b)     Appréciation du Tribunal

190    À titre liminaire, il y a lieu de préciser que le préjudice tant matériel que moral qui découlerait des fautes alléguées par le requérant mais dont le Tribunal n’a pas constaté l’existence, notamment celles relatives à l’information de l’OLAF par la Commission quant aux irrégularités présumées au sein de l’Info-Point Europe d’Avignon et à la décision de réaffectation à Bruxelles, ne peut être pris en considération.

191    Pour le reste, il convient de distinguer entre le préjudice matériel et le préjudice moral allégués par le requérant.

 Sur le préjudice matériel

192    Le requérant fait état d’un préjudice matériel consistant en une perte de rémunération, en raison de sa mise en invalidité, laquelle résulte de la maladie dont il souffre et dont il a allégué le caractère professionnel en introduisant une procédure au titre de l’article 73 du statut.

193    Or, il convient de rappeler que le Tribunal n’est pas compétent pour se prononcer sur le rapport de causalité existant entre les conditions de service d’un fonctionnaire et la maladie qu’il invoque. En effet, l’article 19 de la réglementation de couverture prévoit que la décision relative à la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie est prise par l’AIPN, sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions et, si le fonctionnaire le requiert, après consultation de la commission médicale prévue à l’article 23 de ladite réglementation. L’article 12, paragraphe 1, de la réglementation de couverture prévoit que, en cas d’invalidité permanente totale du fonctionnaire résultant d’un accident ou d’une maladie professionnelle, le capital prévu à l’article 73, paragraphe 2, sous b), du statut lui est versé, à savoir un capital égal à huit fois le traitement de base annuel du fonctionnaire, calculé sur la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l’accident.

194    Le régime institué en exécution de l’article 73 du statut prévoit donc une indemnisation forfaitaire en cas d’accident ou de maladie professionnelle, sans qu’il soit nécessaire pour l’intéressé de prouver une quelconque faute de la part de l’institution. La jurisprudence précise que ce n’est que dans les circonstances où il s’avère que le régime statutaire ne permet pas une indemnisation appropriée du préjudice subi que le fonctionnaire est en droit de demander une compensation supplémentaire (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 octobre 1986, Leussink e.a./Commission, 169/83 et 136/84, Rec. p. 2801, point 13, et du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 22 ; arrêts du Tribunal de première instance Lucaccioni/Commission, précité, point 74, et du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T‑300/97, RecFP p. I‑A‑259 et II‑1263, point 95).

195    Il s’ensuit que les conclusions du requérant tendant à la réparation du préjudice matériel prétendument subi en raison de la maladie dont il souffre et de la mise en invalidité qui en a résulté doivent être rejetées.

196    Cette conclusion ne saurait être infirmée par la circonstance selon laquelle le requérant a renoncé à la procédure qu’il a introduite au titre de l’article 73 du statut. En effet, ladite renonciation n’a aucune incidence sur l’application de la règle de droit selon laquelle la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie est de la compétence de l’AIPN.

 Sur le préjudice moral

197    Le requérant soutient que les fautes commises par la Commission lui auraient infligé un préjudice moral, qui consisterait notamment en une atteinte à son honneur et à sa réputation professionnelle ainsi qu’en une altération durable de sa santé.

198    À titre liminaire, il y lieu de rappeler que la procédure prévue en exécution de l’article 73 du statut a pour objectif de réparer de manière forfaitaire tant le préjudice matériel que le préjudice moral résultant d’une maladie professionnelle.

199    Il s’ensuit que les conclusions du requérant tendant à la réparation du préjudice moral qu’il a subi en relation avec la maladie dont il souffre et la mise en invalidité qui en a résulté doivent également être rejetées.

200    En particulier, le préjudice causé par la violation du principe de sollicitude commise par la Commission lors du rétablissement du requérant dans ses fonctions à Paris, constatée au point 163 du présent arrêt, ne peut donner lieu à réparation dans le cadre du présent recours en responsabilité. En effet, il y a lieu de considérer qu’une telle violation du principe de sollicitude est, de par sa nature, uniquement susceptible d’avoir généré chez le requérant une situation de stress et d’anxiété, et ainsi d’avoir provoqué ou aggravé un préjudice qui est lié à la maladie dont il souffre. Or, c’est la procédure prévue en exécution de l’article 73 du statut qui permet, en principe, la réparation d’un préjudice de cette nature.

201    En revanche, l’aspect du préjudice moral allégué par le requérant, qui consiste en une atteinte à son honneur et à sa réputation, n’est pas lié à la maladie dont il souffre et, dès lors, n’est pas susceptible d’être réparé de manière forfaitaire au titre de l’article 73 du statut.

202    En conséquence, il convient d’examiner la réalité de cet aspect du préjudice moral dont fait état le requérant.

203    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la publicité qui a suivi l’ouverture de l’enquête de l’OLAF a laissé entendre que le requérant était soupçonné d’être impliqué dans les irrégularités et fraudes faisant l’objet de cette enquête. Dans la mesure où plusieurs articles parus dans la presse française, qui citaient nommément le requérant, ont relaté sa réaffectation dans le cadre de cette enquête et du contexte plus général des fraudes soupçonnées au sein de la Maison de l’Europe d’Avignon et de Vaucluse, le requérant a subi une atteinte à son honneur et à sa réputation professionnelle non seulement au sein de l’institution, mais également plus largement dans l’esprit du public. Ce préjudice n’a été effacé ni par l’annonce par la Commission de la levée de la mesure conservatoire dont il faisait l’objet, ni par le témoignage de sympathie du porte-parole de la Commission lors de la conférence de presse du 17 juin 2003.

204    En conséquence, il appartient au Tribunal d’examiner s’il existe un lien de causalité entre les fautes de service qu’il a constatées et cet aspect du préjudice moral subi par le requérant.

3.     Sur le lien de causalité

205    Pour qu’un lien de causalité soit admis, il faut que le requérant apporte la preuve d’une relation directe et certaine de cause à effet entre la faute commise par l’institution concernée et le préjudice invoqué (arrêt du Tribunal de première instance du 28 septembre 1999, Hautem/BEI, T‑140/97, RecFP p. I‑A‑171 et II‑897, point 85).

206    En l’espèce, c’est la publicité que la Commission a choisi de donner à la réaffectation du requérant à Bruxelles, notamment par le communiqué de presse du 21 novembre 2002, qui a non seulement facilité l’identification de celui-ci par tout journaliste raisonnablement informé mais aussi laissé entendre qu’il était impliqué dans les irrégularités faisant l’objet de l’enquête. Cette initiative a eu pour conséquence directe et prévisible la publication dans la presse française, notamment par l’article du journal Le Monde, des soupçons de malversation pesant sur le requérant, infligeant ainsi une atteinte à son honneur et à sa réputation qui est allée au-delà du préjudice inévitablement subi par un fonctionnaire visé par une enquête de l’OLAF. Cette atteinte à l’honneur et à la réputation du requérant n’a pas été réparée par la suite par la Commission. Celle-ci s’est en particulier abstenue de donner au rapport d’enquête final de l’OLAF, qui mettait hors de cause le requérant en ce qui concerne les allégations ayant entraîné l’ouverture de ladite enquête, une publicité comparable à celle qu’elle avait choisi de donner lors de la réaffectation de l’intéressé dans le cadre de l’ouverture de cette enquête. Il existe donc une relation directe et certaine de cause à effet entre les fautes de service commises par l’institution, constatées au point 183 du présent arrêt, et l’aspect du préjudice moral subi par le requérant, consistant en une atteinte à son honneur et à sa réputation.

207    Par conséquent, il y a lieu de condamner la Commission à verser au requérant une indemnité en réparation de cet aspect du préjudice moral qu’il a subi en raison des fautes de service constatées par le Tribunal. Eu égard aux circonstances de l’espèce, le Tribunal fixe ex aequo et bono le montant de cette indemnisation à 15 000 euros.

 Sur les dépens

208    Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I-A-1-3 et II-A-1-7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

209    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, étant entendu que, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les dépens exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

210    En l’espèce, le recours ayant été en partie accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la Commission supporte, outre ses propres dépens, les deux tiers des dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La Commission des Communautés européennes est condamnée à verser à M. Giraudy une indemnité d’un montant de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi par lui et constitué par une atteinte à sa réputation et à son honneur.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission des Communautés européennes supporte ses propres dépens et les deux tiers de ceux exposés par M. Giraudy.

4)      M. Giraudy supporte un tiers de ses dépens.

Mahoney

Kanninen

Gervasoni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 mai 2007.

W. Hakenberg

 

       P. Mahoney

Table des matières

Cadre juridique

A –  Dispositions relatives aux enquêtes en matière de lutte contre la fraude

B –  Dispositions relatives à la couverture du risque de maladie professionnelle

C –  Dispositions relatives aux pensions d’invalidité

D –  Dispositions statutaires d’ordre général

Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur la recevabilité

1.  Sur le défaut de procédure précontentieuse régulière

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur le défaut d’intérêt à agir

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

3.  Sur le caractère prématuré du recours

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

B –  Sur la demande de suspension de la procédure

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

C –  Sur le fond

1.  Sur les fautes reprochées à la Commission

a) Sur le troisième moyen, tiré de l’inconsistance des griefs faits au requérant et des fautes commises par sa hiérarchie

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur l’information de l’OLAF

–  Sur les dysfonctionnements observés dans le système de communication interne de la Commission

b)  Sur le premier moyen, tiré du caractère abusif et injustifié de la décision de réaffectation à Bruxelles

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur le grief tiré de l’insuffisance de motivation de la décision de réaffectation à Bruxelles

–  Sur les griefs tirés d’une violation de l’intérêt du service, du principe de proportionnalité et du principe de la présomption d’innocence

–  Sur le grief tiré d’une violation du devoir de sollicitude lors du rétablissement du requérant dans ses fonctions à Paris

c)  Sur le deuxième moyen, tiré du non-respect de la confidentialité de l’enquête

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur les griefs tirés d’une violation de l’obligation de confidentialité des enquêtes de l’OLAF, du caractère inapproprié de la publicité donnée à la réaffectation du requérant et d’une violation du devoir de sollicitude lors de la remise du rapport final de l’OLAF

–  Sur le grief tiré de la tenue de propos calomnieux et diffamatoires

d)  Conclusion du Tribunal sur l’existence d’une faute de la Commission

2.  Sur les préjudices

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur le préjudice matériel

Sur le préjudice moral

3.  Sur le lien de causalité

Sur les dépens


*Langue de procédure : le français.